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Une résidence de la noblesse gauloise

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Yves Menez

Chapitre 10. L’enceinte et le territoire

Chapter 10. The enceinte and its territory

Thierry Lorho, Joseph Le Gall et Patrick Naas

Résumé

Pour comprendre les modalités de l’implantation de la résidence, l’étude a été élargie à son contexte local et régional. Un premier territoire de 10 km2 a fait l’objet d’un relevé lidar [fig. 301]. Celui-ci a fait apparaître une série de sites, complétant ceux qui étaient déjà connus aux alentours. De nombreux tumuli [fig. 302], répartis le long de la grande voie est-ouest [fig. 307] et de sa perpendiculaire nord-sud, sont attribués à l’âge du Bronze. Ils côtoient cinq enclos quadrangulaires de 70-80 m de côté [fig. 303] qui sont semblables à certains habitats du second âge du Fer étudiés dans la région [fig. 304]. Aucun habitat antique cependant, mais on note que c’est aux sources de St-Symphorien que le seul aqueduc romain de Bretagne vient capter son eau. Au viie s., une puissante résidence élitaire s’installe juste au nord, à Bressilien [fig. 305]. Elle est entourée de nombreux enclos curvilignes attribués au haut Moyen Âge d’après ceux qui ont été fouillés dans la région. L’un d’eux abritait un atelier de sidérurgie [fig. 301 : 15]. Une petite motte castrale s’implantera ensuite sur cet atelier, le long de la voie, et une autre plus imposante à quelques kilomètres plus à l’ouest [fig. 306]. Sont apparus également plusieurs sites d’exploitation minière [fig. 308]. L’étude archéologique a pu bénéficier des résultats obtenus par le BRGM dans sa propre recherche [fig. 309] : la présence d’or alluvionnaire est récurrente, et une vingtaine de gisements aurifères ont été repérés au nord du bassin de Châteaulin ; au sud, ils sont moins nombreux mais les tests géochimiques ont été positifs à quatre reprises autour de Saint-Symphorien. Dater ces mines est difficile en l’absence de fouilles ; une partie devait être active aux phases 4 et 5 de Paule, d’après les indices recueillis sur le site.
Le rayonnement de la résidence devait excéder 10 km
2. Un deuxième territoire a donc été défini et étudié en prospection aérienne et terrestre en parallèle des fouilles : le « Centre Bretagne ». Une cartographie des sites attribués à l’âge du Fer d’après leur morphologie ou les objets qui y ont été découverts en a été tirée [fig. 310]. Elle recense 150 habitats enclos comparables à ceux des phases 1 et 2 de Paule [fig. 311]. Certains, d’après leur forme ou la présence d’enclos funéraires, doivent être contemporains de la phase 1 [fig. 312]. Un travail est en cours sur les autres enclos, qui ont été édifiés en grand nombre entre le iiie et le ier s. av. J.-C. Ils sont plus difficiles à caractériser car leur typologie est variée. Le fait que les données de fouille soient peu nombreuses sur le Centre Bretagne oblige à étendre l’examen de ce point à toute la région [fig. 313]. On constate ainsi que durant les trois derniers siècles avant notre ère, le plan des habitats enclos est le plus souvent quadrangulaire, avec un superficie parfois voisine de celle de la phase 2 de Paule. Tout change à la phase 3, lorsque le site est protégé par une clôture monumentale : seules six enceintes quadrangulaires délimitées par des remparts d’une hauteur supérieure à 2,50 m [fig. 314] sont connues en Centre Bretagne. Les seules fouillées jusqu’ici, Paule et Trégueux, ont été édifiées aux iiie et iie s. av. J.-C. Celle de Paule n’est pas la plus vaste ni la plus imposante. Le rempart de Saint-Nicolas-du-Pélem mesure encore 4 m de haut, et deux remparts concentriques délimitaient Plonévez-du-Faou. L’enceinte de contour édifiée à Paule lors de sa phase 4 est encore plus rare. La seule identifiée est celle de Huelgoat / Le Camp d’Artus dans le Finistère [fig. 315]. Daté des iie et ier s. av. J.-C., trois fois plus vaste que Paule, le site est considéré comme l’agglomération majeure de la cité des Osismes. Par ailleurs, la répartition des enceintes quadrangulaires et de contour montre que, pour la plupart, elles sont positionnées près de voies antérieures à la fondation de Carhaix-Vorgium. On peut donc penser qu’elles avaient pour fonction le contrôle et l’entretien du réseau viaire [fig. 316].
Deux cités occupaient autrefois la partie occidentale de la péninsule Armoricaine : celle des Osismes et celle des Vénètes. Sur ce vaste territoire, 72 enceintes sont datées de l’âge du Fer : 42 sont des barrages d’éperon de moins de 2 ha répartis le long des côtes, des rivières et des rias, et 25 des enceintes quadrangulaires assez semblables à celle de Paule [
fig. 317], si l’on en juge par la fouille de Trégueux / La Porte Allain (Côtes-d’Armor) ou par les prospections effectuées sur d’autres sites [fig. 318]. Six enceintes de contour sont recensées : trois couvrent entre 2 et 6 ha et deux sortent du lot avec 30 ha : Guégon / Le Camp de Lescouët (Morbihan), peut-être capitale des Vénètes, et Huelgoat. Paule se situe à l’interface, avec 10 ha.
Sa basse-cour, imperceptible avant la fouille, montre que seuls les sites dont les remparts périphériques ne sont pas arasés sont connus. Les recherches engagées sur les enceintes quadrangulaires les plus petites (< 2 000 m
2) révèlent en effet qu’elles sont entourées d’autres enclos dont la plupart abritent des dépendances [fig. 319-320]. Même constatation pour les enceintes d’une superficie proche de 1 ha. À partir des trois cas les mieux étudiés en Bretagne, Paule, Plaudren et Trégueux, on peut même proposer un modèle d’organisation pour les iie et ier s. av. J.-C., dans lequel l’enceinte quadrangulaire domine une agglomération [fig. 321-322]. Implantée sur l’un des principaux carrefours de la péninsule à l’âge du Fer, celle de Paule occupe une position remarquable. Sa proximité avec la frontière présumée entre les cités osisme et vénète incite par ailleurs à s’interroger sur le rôle de certaines de ces enceintes dans la défense du territoire.
Établir les spécificités du Camp de Saint-Symphorien dans le corpus des habitats de l’âge du Fer bretons impose de distinguer les trois étapes principales de son évolution. Dans sa première phase (
vie s.-début du iiie s. av. J.-C.), il peut être comparé à la quinzaine d’habitats contemporains fouillés dans la région et aux centaines de fermes encloses de la même période révélées par la prospection. Sa seule particularité tient à l’ampleur de ses installations et à son plan élaboré, sans équivalent. Sa deuxième phase (début du iiie s. av. J.-C.) voit l’édification d’un petit rempart et de tours qui lui confèrent un aspect monumental. Les seuls sites fouillés comparables dans la région sont ceux d’Inguiniel et de Trégueux. Mais d’autres sont à identifier parmi les centaines qui ont été vus d’avion ; certains ont pu être dotés de tours portières ou de tours d’angle comme Paule. La troisième phase (seconde moitié du iiie s. av. J.-C.), qui voit la construction d’une résidence fortifiée, demeure exceptionnelle dans la péninsule, mais là encore, il paraît difficile de croire à son caractère unique. Une centaine de grands enclos délimités par de larges fossés peuvent supporter la comparaison. Leur forme est quadrangulaire lorsqu’elle n’est pas guidée par le relief du terrain ; ils couvrent de 1,4 à 2 ha, et leur dispositif remparé est large d’env. 10 m.
En résumé, la grande « ferme » des origines, qui abritait toute la maisonnée sous un seul toit, est devenue – pour reprendre les termes utilisés pour les habitats élitaires du Moyen Âge – une « maison forte », caractérisée par des constructions plus imposantes que celles des « maisons planes » contemporaines. Puis elle s’est transformée en un « château fort » dans lequel résidait la famille, les personnes qui travaillaient à son service étant cantonnées dans une cour séparée. Enfin, durant les
iie et ier s. av. J.-C., naît un « bourg castral », une agglomération placée sous son contrôle. Cet essor sans pareil traduit vraisemblablement l’accroissement de la richesse et de la puissance d’une famille. Tout témoigne en effet d’un enrichissement constant qui se traduit aussi bien dans la qualité des constructions que dans la diversité des objets jetés ou perdus.
La conquête romaine va changer la donne. Les Osismes sont soumis en 57 av. J.-C. avec les autres peuples armoricains. Aucune colonie n’a été installée sur leur territoire. Moyennant le versement d’un tribut, la vie a pu continuer selon les anciennes lois et coutumes. Puis, vers -15, il a fallu doter la cité d’une capitale digne d’accueillir le siège des nouvelles institutions. Rome a choisi de fonder une ville
ex nihilo sur un plateau bordé d’une rivière, au cœur du bassin de Châteaulin et à mi-chemin entre les enceintes de Paule et de Huelgoat, implantées sur les hauteurs. L’enceinte et l’agglomération de Paule ont été démolies. Un lieu de culte a perpétué leur mémoire, marquant l’ancestralité et la légitimité de la famille propriétaire au moment où elle s’impliquait sans doute dans les transformations politiques de la cité. Le lien de l’ancienne agglomération avec la capitale de cité antique s’incarne d’ailleurs dans l’aqueduc qui, aux iie et iiie s. ap. J.-C., capte les sources de St-Symphorien pour l’alimenter. La puissante famille qui possédait ces terres en a-t-elle facilité la construction ? Dans ce contexte, on ne peut qu’être surpris par l’édification d’une nouvelle résidence élitaire dans les mêmes lieux au viie s. Ce choix tient-il à la proximité des grands axes, à la présence des sources, aux mines dont l’activité aurait été relancée ou au retour de la famille sur ses terres ancestrales ?

Texte intégral

10.1. Les méthodes

  • 1 Sur Maurice Gauthier cf. supra, § 1.3, note 6. Claudine Bernard est archéologue bénévole, membre de (...)

1Appréhender un habitat d’une telle ampleur impose d’élargir l’étude à ses environs, afin de comprendre les modalités de son implantation dans le territoire. Des prospections aériennes et au sol ont donc été engagées très tôt autour du site, avec l’aide de Maurice Gautier et de Claudine Bernard1.

  • 2 Acronyme de l’expression anglaise « laser detection and ranging », soit « détection et estimation d (...)
  • 3 Opération réalisée dans le cadre d’un partenariat entre l’État (Drac de Bretagne), la Région Bretag (...)

2Un premier secteur couvrant 5 × 2 km, centré sur l’enceinte quadrangulaire, a par ailleurs fait l’objet d’un relevé microtopographique lidar2 (2007) et d’une prospection systématique au sol (2008). Un second secteur, plus vaste, qui s’étend aux 110 communes des alentours, a été documenté à la fois par les prospections aériennes qu’ont menées Maurice Gautier et Patrick Naas tout au long des fouilles et par les prospections terrestres effectuées de 2002 à 2008 sous la conduite d’Alain Provost et Éric Philippe (Menez et al. 2015)3. 866 sites déjà connus ont ainsi été visités et 473 nouveaux sites ont été découverts, toutes périodes confondues. Tous ont été décrits selon un schéma unique, géoréférencés à l’échelle du cadastre et intégrés au SIG régional mis en œuvre par Thierry Lorho ainsi que dans la base Patriarche de la Carte archéologique nationale.

3Le troisième territoire, correspondant à la partie occidentale de la péninsule Armoricaine, a fait l’objet d’un inventaire systématique des enceintes datées de l’âge du Fer en fonction de leur forme, de la nature de leurs remparts et des vestiges qui y ont été découverts (Hervé 1989 ; Maguer 1995 ; 1996).

4Le terme d’enceinte est généralement réservé à des sites dont les clôtures sont partiellement conservées en élévation, sous la forme de talus ou de remparts ruinés haut de 1 à 7 m, parfois longés de fossés en grande partie comblés. Ces sites ont été mieux préservés dans les bois ou les landes, dans les secteurs peu favorables à une mise en culture. Le terme d’enclos quant à lui s’applique le plus souvent à des sites similaires mais arasés, dont le tracé des fossés comblés a pu être observé lors de prospections aériennes. Ces sites apparaissent dans les parties remembrées et intensément cultivées du territoire, là où la dimension des champs et la nature des cultures –céréales, pois fourrager et maïs– facilitent leur repérage.

5L’étude effectuée sur le second territoire (la zone des 110 communes) a permis de mieux structurer cette documentation. Les « enceintes » d’une superficie et d’une organisation similaire à celle des enclos et dont la hauteur des clôtures apparaissait comme relativement commune, de l’ordre de 1 m pour le talus, ont été intégrées à la catégorie des enclos. Le terme d’enceinte est donc réservé à des sites dont la taille des clôtures, arasées ou partiellement conservées, apparaît comme inhabituelle, avec des fossés d’une largeur supérieure à 5 m et des talus d’une hauteur supérieure à 2 m. Toutes les enceintes comportant les vestiges d’une occupation médiévale ont été évacuées du corpus, à l’exception de celle du Camp d’Artus à Huelgoat (Finistère), que les fouilles ont permis d’attribuer au second âge du Fer.

6En résumé, l’étude du premier territoire (c’est-à-dire des environs immédiats de la résidence) tiendra compte de l’ensemble des vestiges recensés quelle que soit leur période de rattachement ; celle du deuxième sera envisagée uniquement au regard des vestiges attribués à l’âge du Fer ; celle du troisième traitera uniquement des enceintes actuellement attribuées à l’âge du Fer, d’après leur morphologie ou les vestiges qui y ont été retrouvés.

10.2. Le premier territoire : 10 km² autour de Paule

  • 4 cf. supra, § 1.5, note 9.

7Malgré la présence de secteurs couverts de bois et de broussailles, le relevé lidar effectué par la société G2B4 au début du printemps 2007 a livré des résultats tout à fait satisfaisants [fig. 301]. Le modèle numérique de terrain ainsi obtenu a permis de géoréférencer avec une bonne précision l’ensemble des données recueillies lors des fouilles et des prospections. Elle a également permis d’observer de nombreuses anomalies dans la topographie de la zone couverte. Ces anomalies ont été confrontées aux tracés du cadastre napoléonien dressé en 1827 et systématiquement contrôlées sur le terrain. En ne tenant pas compte des vestiges identifiés et fouillés du Camp de Saint-Symphorien [fig. 301, en vert], 28 sites ou ensembles de sites ont été identifiés, dont 10 seulement étaient connus auparavant.

FIG. 301. Relevé lidar réalisé autour de la résidence : a modèle numérique de terrain ; b localisation des vestiges archéologiques sur le modèle numérique, incluant le résultat des prospections aériennes et les anomalies du cadastre de 1827. Ces indices ont tous été contrôlés au sol. Nord : nord magnétique.
Lidar recording of the area around the residence : a digital field model ; b localization of the archaeological artifacts on the digital model, including the results of aerial surveys and the anomalies of the 1827 cadaster. All these elements were verified on the ground. North : magnetic north.

Acquisition de l’image lidar G2B ; traitement T. Lorho.

10.2.1. Les nécropoles tumulaires de l’âge du Bronze.

8Yves Menez et Thierry Lorho

  • 5 C’est-à-dire en dessous de la ligne de partage des eaux.

9Un premier ensemble comprend une série de tertres tumulaires, isolés ou regroupés en petites nécropoles [sites nos 1-7 : fig. 301]. Le diamètre de ces buttes varie entre 15 et 45m, et leur hauteur conservée entre 1 m et 2,50 m, et toutes se trouvent à flanc de coteau, au sud de la ligne de crête. La plupart se situent à moins de 150 m d’une voie majeure d’orientation est-ouest, qui suit la ligne de crête militaire5, ou d’une bifurcation de cette voie vers le sud-est [fig. 301 : vers Vannes-Angers]. Seules deux d’entre elles [sites nos 2-3 : fig. 301-302a], plus éloignées de cette voie, sont implantées au pied du coteau. Les recherches effectuées à proximité immédiate du Camp de Saint-Symphorien attestent de l’antériorité de la voie est-ouest sur l’habitat fondé à la fin du premier âge du Fer. Elles ont permis d’attribuer à l’âge du Bronze l’une de ces nécropoles [site no 4 : fig. 301]. Les très nombreuses fouilles par ailleurs réalisées en Bretagne depuis le xixe s. sur des tumuli de morphologie similaire permettent d’attribuer ce type de monuments à l’âge du Bronze avec un bon degré de certitude (Fily et al. 2012). Ceux du premier ou du début du second âge du Fer sont en effet bien plus petits. Leur diamètre n’excède pas, le plus souvent, une dizaine de mètres, et leur relief était de l’ordre du mètre à l’origine. La répartition de ces tumuli confirme donc la présence de très anciennes voies dans ce secteur, bien antérieures à la fondation de l’habitat de Paule. Les fouilles récentes en ont fourni de nombreuses preuves concrètes (Leroux, Le Goff 2018 : 574).

10.2.2. Les enclos quadrangulaires de l’âge du Fer.

10Yves Menez et Thierry Lorho

11Un second ensemble de sites est constitué par une série de cinq enclos quadrangulaires de forme et de dimensions très semblables, de 60 à 90 m de côté [sites nos 8-12 : fig. 301]. Malgré les labours, leurs clôtures apparaissent encore sous la forme de légers reliefs sur le relevé lidar. L’un de ces enclos, dans le bois de Glomel, a conservé lui aussi son talus de clôture et son fossé, encore marqué par une dépression comblée de terre et de feuilles mortes [fig. 302b]. D’autres ont été découverts lors des prospections aériennes, comme celui de Lannou Braz, à 3,5 km au sud du Camp de Saint-Symphorien et à 100 m au-delà de la zone couverte par le lidar [fig. 303]. La répartition de ces enclos s’avère très régulière : distants de 1,8 à 2 km, ils sont implantés de façon très équilibrée sur le coteau, de part et d’autre de la ligne de crête, aux alentours de la résidence, dans les terres plus fertiles, actuellement exploitées. Ce type d’enclos, carrés ou légèrement trapézoïdaux et d’une superficie comprise entre 0,5 et 1 ha, a été assez fréquemment découvert lors de prospections aériennes dans la région. Les fouilles réalisées sur certains d’entre-eux dans le cadre d’opérations préventives ont permis de les dater des trois derniers siècles avant J.-C. et du ier s. après (Menez, Lorho 2013 : 178-181). C’est notamment le cas de l’enclos de la Zac de La Tourelle à Lamballe, et aussi de celui de Rosquelfen à Laniscat, dans les Côtes-d’Armor (Roy 2009), qui a livré des vestiges datés de cette période [fig. 304]. Il semble donc possible d’envisager une contemporanéité entre le Camp de Saint-Symphorien et ces enclos, probables résidences de familles exploitant les terres aux alentours.

FIG. 302. Détails du relevé lidar : a le tumulus no 3, adossé à une ancienne limite parcellaire ; b l’enclo quadrangulaire no 11. Image lidar rééchantillonnée à 300 PP pour l’édition. Nord : nord magnétique.
Acquisition de l’image lidar G2B ; traitement T. Lorho. Details of the Lidar recording : a Tumulus 3, contingent with a former parcel border ; b Quadrangular enclosure 1 Lidar image resampled at 300 PP fo publishing. North : magnetic north.

FIG. 303. L’enclos quadrangulaire de Lannou Braz, à Paule, découvert en prospection aérienne à 3 km au sud-ouest du Camp de Saint-Symphorien, à 100 m au delà de la zone couverte par le lidar.
Quadrangular enclosure of Lannou Braz, at Paule, discovered via aerial surveying at 3 km to the south-west of the Camp de Saint-Symphorien, 100 m beyond the zone covered by lidar.

Photo M. Gautier.

FIG. 304. L’habitat enclos quadrangulaire du second âge du Fer de Rosquelfen à Laniscat (Côtes-d’Armor), à 22 km à l’est de l’enceinte de Paule (fouille E. Roy).
Enclosed quadrangular settlement of of Rosquelfen at Laniscat (Côtes-d’Armor), attributed to the Second Iron Age and located 22 km to the east of the Paule enclosure (excavation E. Roy).

Photo M. Gautier.

10.2.3. Le sanctuaire et l’aqueduc antiques.

12Yves Menez et Thierry Lorho

13À l’exception du sanctuaire édifié autour des tertres de l’âge du Bronze [site no 4 : fig. 301] et des travaux de récupération des matériaux de l’enceinte gauloise, aucune occupation antique n’est connue dans ce territoire de 10 km2. Un fait remarquable mérite néanmoins d’être noté : l’aqueduc alimentant la capitale de cité, Vorgium, aujourd’hui Carhaix, située à 11 km à vol d’oiseau au nord-ouest de l’enceinte, est alimenté depuis le iie s. par les ruisseaux qui prennent source à flanc de coteau juste au nord du site [site no 26 : fig. 301]. Ces ruisseaux, celui de Saint-Symphorien notamment, étaient captés 1 km en contrebas, dans un bassin aujourd’hui détruit par le canal de Nantes à Brest, pour alimenter une conduite longue de 26 km (Provost et al. 2013 : 161) dont nous rappellerons qu’il s’agit du seul aqueduc antique de la péninsule Armoricaine. Des raisons topographiques et de pérennité des sources expliquent ce choix, mais on ne peut qu’être frappé par cette sorte de cordon ombilical qui relie la capitale de la cité romaine à l’ancienne résidence gauloise.

14Aucun habitat rural antique d’importance, aucune villa, n’est connu dans les 10 km2 des environs immédiats du site. Les installations les plus proches, dotées de thermes, sont celles de Kernep Bihan, qui sont sur la commune de Paule mais à 5 km au nord-ouest, et de Kerven sur la commune de Plévin, à 9 km. Implantées à flanc de colline au nord de la ligne de crête, elles dominent le bassin de Carhaix.

10.2.4. Enclos et enceintes du Moyen Âge.

15Yves Menez et Joseph Le Gall

16Les occupations médiévales aux alentours ont été étudiées (Le Gall 2008), et fouillées pour celles qui sont situées en contrebas de la résidence. Là, au lieu-dit Bressillien, une vaste enceinte ovalaire de 6 500 m2 est délimitée par deux lignes concentriques de remparts demeurés en élévation jusqu’en 1968, année durant laquelle les travaux de remembrement les ont arasés [site no 14 : fig. 301, 305]. La fouille a montré que le site avait abrité la résidence d’une importante famille de l’aristocratie bretonne entre le viie et le xe s. (Le Gall 2014). La mise au jour de petits fragments de sigillée d’Argonne n’interdit pas d’envisager, sous réserve des résultats de la datation radiocarbone à engager, une fondation plus ancienne. Les résultats de ces recherches feront l’objet d’un article ultérieur. Toutefois, on peut déjà signaler que, par l’ampleur de sa cour résidentielle, insérée dans une seconde enceinte d’une superficie estimée à 5 ha, par la dimension et le nombre des édifices retrouvés, plusieurs fois reconstruits, la taille de ses fossés et de ses remparts et ses entrées protégées par des tours portières, cette résidence est tout à fait comparable –même si elle est bien plus tardive– à la résidence gauloise de Paule.

FIG. 305. Report sur le cadastre de 1825 des sites médiévaux identifiés aux alentours immédiats du Camp de Saint-Symphorien (leur numérotation fait référence à la fig. 301) : 13 chapelle de Saint-Symphorien, édifiée au VIIIe s. auprès des sources, agrandie au XVe s., démolie au XVIIIe s. (fouille J. Le Gall) ; 14 enceinte de Bressilien, occupée du VIIe s. au Xe s. et interprétée comme une résidence de l’aristocratie bretonne (fouille J. Le Gall et Y. Menez) ; 15 atelier de métallurgie du VIIe s., intégré au XIe s. dans un ensemble composé d’une motte castrale et de sa basse-cour (fouille M.Berranger).
Recording on the 1825 cadaster of the medieval sites identified in close proximity to the Camp de Saint-Symphorien (their numeration refers to fig. 301) : 13 Chapel of Saint-Symphorien, built in the 8th c. near springs, enlarged in the 15th c., demolished in the 18th c. (excavation J. Le Gall) ; 14 Bressilien enceinte, occupied from the 7th to 10th c. and interpreted as an aristocratic Breton residence (excavation J. Le Gall and Y. Menez) ; 15 metallurgy workshop of the 7th c., integrated in the 11th c. into an ensemble composed of a motte-and-baily castle and its farmyard (excavation M. Berranger).

Dessin M. Berranger, Y. Menez, J. Le Gall.

17Au sud-ouest de cette enceinte, l’ancienne chapelle de Saint-Symphorien [site no 13 : fig. 301, 305], aujourd’hui disparue, dominait autrefois les sources et a donné son nom au lieu. Elle est connue pour avoir recelé l’une des six cloches à main conservées en Bretagne. Ces objets de bronze, qui semblent avoir été produits entre 700 et 900, ne trouvent de parallèles qu’en Irlande, en Écosse, au Pays de Galles et peut-être en Cornouaille anglaise. Ils sont caractéristiques de l’Église insulaire primitive dans ses diverses provinces qui étaient alors unies par des règles communes (Bourke 1982). Cette présence suggérait l’ancienneté de ce lieu de culte. Un autre indice plaidait en ce sens : le toponyme, qui n’est pas si fréquent en Bretagne (Mesnard 1954 : 1-3 ; Souillet 1959 : 468) et renvoie au culte du martyr d’Autun, honoré dès les premiers temps du Moyen Âge, en Gaule Lyonnaise notamment. Ces éléments convergaient pour établir l’importance des sources de Saint-Symphorien pour l’habitat gaulois, l’alimentation de la capitale de cité antique et l’édifice religieux médiéval, où se déroulaient chaque année deux pardons –des pélerinages suivis de foires– ainsi qu’un auditoire de justice à la période moderne. L’hypothèse a été confirmée par la fouille, qui a pu faire remonter la fondation de la chapelle au viiie s. (Le Gall, Menez 2008).

  • 6 L’intervention était placée sous la direction de Marion Berranger.

18Au lieu-dit Ker Saint-Éloy [site no 15 : fig. 301 ; fig. 305 : 15], au point exact où la voie de l’âge du Fer atteignait la crête avant d’entrer par l’est dans la basse-cour de la résidence [fig. 98 : 6], un autre site, composé d’une petite enceinte circulaire accolée à une seconde enceinte, trapézoïdale, a été en partie fouillé6 (Menez, Berranger 2005 ; 2006). Il s’agit d’une petite motte castrale et de sa basse-cour, dont l’origine remonte au xie s. et dont l’occupation s’est poursuivie jusqu’au xiiie s. Elle a été édifiée sur les vestiges d’un atelier de sidérurgie occupé du viiie au xe s.

19Une seconde motte castrale plus imposante est connue à 2,5 km à l’ouest de la résidence gauloise mais toujours sur la commune de Paule : celle de Castellaouenan [site no 20 : fig. 301, 306]. On notera enfin la présence, à 1,5 km à l’est cette fois, c’est-à-dire bien au-delà de Ker Saint-Éloy, de quatre petites enceintes ovales ou circulaires de quelques dizaines de mètres de diamètre [sites nos 16-19 : fig. 301]. Il s’agit vraisemblablement, d’après les fouilles effectuées dans la région (Le Gall, Leroy 2014), d’habitats ruraux du haut Moyen Âge.

FIG. 306. Détail du relevé lidar : la motte castrale de Castellaouenan, à 2,5 km à l’ouest de la résidence (site no20). Nord : nord magnétique.
Detail of the lidar recording : the motte-and-baily castle of Castellaouenan, at 2,5 km to the west of the résidence (site 20).
North : magnetic north.

Acquisition de l’image lidar G2B ; traitement T. Lorho.

20Ainsi, plus de six siècles après l’abandon de la résidence de Paule, une puissante famille s’est à nouveau implantée en ce lieu, édifiant à Bressilien, c’est-à-dire à 500 m des vestiges de l’enceinte gauloise, une résidence tout aussi monumentale assortie de ses dépendances –chapelle, atelier de métallurgie et exploitations agricoles.

10.2.5. Les voies.

21Yves Menez et Thierry Lorho

  • 7 Jean-Yves Éveillard est maître de conférence agrégé d’histoire ancienne à la faculté des Lettres Vi (...)

22Nous avons déjà largement présenté le réseau de voies et de chemins directement connectés à la résidence du second âge du Fer (cf. supra, § 2.4 et § 5.3). Nous avons montré son ancienneté et sa pérennité, et le rôle majeur qu’il a joué dans l’implantation du site, sa délimitation et son fonctionnement depuis le vie s. av. J.-C. À présent, nous aborderons la question au niveau plus large de l’occupation du territoire, en nous aidant des indications transmises par Jean-Yves Éveillard7 (Éveillard et al. 1997 : 72-83) d’une part, sur le travail de prospection et d’étude du tracé des voies anciennes en Centre Bretagne réalisé par Alain Provost d’autre part. Rappelons tout d’abord que trois axes très anciens ont été identifiés. Le premier, orienté nord-sud, longe la résidence sur sa façade est [fig. 301 : voie Lannion-Lorient]. À la phase 5, lorsqu’une ligne de défense avancée est mise en place, la voie perdure sans changer son tracé, franchissant la nouvelle ligne de rempart et traversant la basse-cour nouvellement aménagée [fig. 100]. Antérieur à la fondation de l’habitat, ce chemin franchit la crête en abordant en oblique le flanc nord de la colline, particulièrement abrupt, afin de rendre la pente acceptable pour les véhicules. Un programme d’étude des voies anciennes en Bretagne, initié sur les cent dix communes des alentours puis étendu à l’ensemble de la région, montre qu’il s’agit d’une voie majeure que l’on suit du site fortifié de Ploulec’h / Le Coz Yaudet (Côtes-d’Armor) jusqu’à la région de Lorient, c’est-à-dire depuis les côtes de la Manche jusqu’à celles de l’Atlantique. Ce programme, conduit par Alain Provost de 2009 à 2012, a également permis de suivre le tracé des deux autres voies :

  • La première traverse la zone étudiée d’est en ouest, en longeant la ligne de crête par le sud [fig. 301 : voie Saint-Brieuc-Quimper]. Elle remonte à l’âge du Bronze si l’on en juge par les nécropoles tumulaires installées tous les 1 à 2 km le long de son tracé. Il s’agit également, à l’âge du Fer, d’une voie majeure qui reliait l’enceinte et l’agglomération de Trégueux, près de la baie de Saint-Brieuc, au site de Saint-Jean-Trolimon / Tronoën dans le Finistère sud, sur le littoral atlantique.

    • 8 La présence de cette voie nous a été signalée par Maurice Gautier.

    La seconde est bien connue. Il s’agit de la voie signalée dans l’itinéraire de Peutinger qui reliait autrefois Vannes-Darioritum, aujourd’hui chef-lieu du Morbihan et autrefois capitale de la cité des Vénètes, à Carhaix-Vorgium. Cette voie adopte un curieux tracé à la hauteur de la résidence de Paule : venant du sud-est, elle tourne assez brutalement vers l’ouest pour emprunter la voie Quimper-Saint-Brieuc qui longe le site par le sud. Après 2 km elle quitte la voie est-ouest et repart plein nord, pour descendre le coteau en suivant une pente adaptée au franchissement du relief par les véhicules, empruntant une profonde entaille qui apparaît bien sur un cliché pris par l’IGN en 19508 [fig. 307]. Elle file ensuite vers le nord en direction de Carhaix et se présente, encore aujourd’hui, comme une voie empierrée d’une largeur supérieure à 10 m, au tracé parfaitement rectiligne. On notera la position topographique particulièrement remarquable du sanctuaire antique édifié à Paule autour de la nécropole tumulaire de l’âge du Bronze, dans la partie du tracé commune à ces deux voies majeures. La position de sites importants du second âge du Fer le long de cette voie montre qu’elle est elle aussi très ancienne, antérieure à l’Antiquité. La présence de nécropoles tumulaires le long de son tracé [sites nos 9 et 12 : fig. 301] permet, comme pour la voie Trégueux - Saint-Jean-Trolimon, de la faire remonter à l’âge du Bronze.

FIG. 307. En 1950, la façon dont la voie majeure reliant Vannes à Carhaix descend du coteau avant de reprendre son cours dans la plaine est encore parfaitement visible d’avion. Une profonde entaille témoigne alors des terrassements réalisés avant notre ère pour corriger la pente et assurer la bonne circulation des chariots.
In 1950, the manner in which the major road linking Vannes to Carhaix descends the hill before rejoining its route on the plain is clearly visible from the air. A deep notch attests to the land modifications made before the Common Era to correct the slope and ensure the safe circulation of chariots.

Cliché IGN, Geoportail 22, photographies 1950-1965, capture d’écran.

10.2.6. Les mines

10.2.6.1. Caractéristiques des lieux d’extraction

  • 9 Elles ont pu servir également, au haut Moyen Âge, à la construction de la résidence de Bressilien.

23On signalera enfin, pour terminer la présentation des vestiges repérés dans l’emprise du lidar, les sites d’extraction qui parsèment le coteau au nord de la ligne de crête. Le premier [site no 23 : fig. 301], localisé à proximité immédiate du Camp de Saint-Symphorien, consiste en deux carrières de pierre de quelques centaines de mètres carrés qui ont entaillé le grès armoricain sur quelques mètres de profondeur. Aucun élément de datation n’y a été recueilli, mais leur position et leur similitude morphologique avec la carrière fouillée dans la résidence [fig. 11], permettent d’envisager qu’elles ont été ouvertes dès la fin de l’âge du Fer pour en extraire les matériaux nécessaires à la construction de l’enceinte gauloise9.

  • 10 Cf. supra, § 8.3.4.2, note 29.
  • 11 La halde, autrement appelée « crassier », est une accumulation de terres stériles issues de l’explo (...)

24Les deux autres [sites nos 22 et 24 : fig. 301] ne peuvent être interprétés comme des carrières, du fait de la morphologie des creusements et du matériau qui en était retiré. Le premier ensemble [sites no 24 : fig. 301], identifié à 1,4 km à l’est de la résidence dans les bois de Glomel, comprend 14 fosses assez imposantes. Longues de plusieurs dizaines de mètres chacune, celles-ci s’égrènent vers l’est sur près de 800 m [fig. 308a]. Une série de petits creusements les relie. Les fosses les plus vastes, larges d’une vingtaine de mètres, atteignent des profondeurs d’environ 5 m. Leur fond est très propre, sans trace de déblais ni de blocs. Les terres qui en ont été extraites ont été accumulées tout du long et forment des tas aux formes allongées en contrebas. L’ensemble est traversé en son milieu par la source pérenne de Coat ar Scaon [site no 28 : fig. 301]. Cette source a été endiguée au moyen d’une imposante levée de terre parementée pour constituer un réservoir dont l’eau s’écoule ensuite vers le nord pour former un ruisseau. On notera également le recoupement d’une des fosses par une enceinte grossièrement ovalaire attribuée au haut Moyen Âge [site no19 : fig. 308a]. Béatrice Cauuet10 a examiné cette succession de structures d’extraction : leur morphologie est tout à fait semblable à celle d’anciennes mines qui seraient bordées de haldes11.

FIG. 308. Les sites d’extraction minière autour de la résidence (détails du relevé lidar) : a le site no24, un ensemble d’excavations en enfilade dont l’une est recoupée par l’enclos médiéval no19, fonctionne avec la retenue d’eau et le ruisseau de Coat ar Scaon (no 28) ; b le site no 22 (22a mine ? 22b mines, 25 installation minière ?) fonctionne avec la retenue d’eau et le ruisseau de Bellevue (no 27). La numérotation des sites fait référence à la fig. 301 ; nord : nord magnétique.
The mining sites near the residence (details of the lidar recording) : a Site 24, a row of excavations, one of which is traversed by the Medieval enclosure 19, functioned with stored water and the Coat ar Scaon stream (28) ; b Site 22 (22a mine ? 22b minewater trench ? 22c-d mines, 22e mining installation ?) functioned with stored water and the Bellevue stream (27). The site numeration refers to fig. 301 ; north : magnetic north.

Acquisition de l’image lidar G2B ; traitement T. Lorho.

  • 12 Communication orale de Béatrice Cauuet.
  • 13 L’examen de ces mines, identifiées et précisément relevées lors de l’acquisition des données lidar, (...)

25Le second ensemble [site no 22 : fig. 301] se présente de façon tout à fait différente. Il s’agit de quatre excavations dont trois bien plus vastes, qui ont entaillé le coteau sur des superficies de plus de 1 ha chacune et une profondeur parfois supérieure à 10 m. Celle de l’ouest [site no 22a : fig. 308b] a été ouverte dans le schiste et s’est arrêtée sur un filon de quartz presque vertical dont seuls quelques blocs subsistent en bordure de la fosse. À l’est, en bordure de la voie, un étang occupe une dépression artificielle de 50 m de diamètre [site no 27 : fig. 308b], bordée à l’ouest d’un large dôme correspondant très vraisemblablement aux déblais issus de son creusement. L’eau accumulée dans cet étang s’écoule ensuite en direction du nord-est par le petit ruisseau de Bellevue. Enfin, à une distance de 350 m au nord-est et toujours au sommet du coteau, une série d’excavations dont deux particulièrement vastes [site no 22b : fig. 308b], elles aussi bordées de haldes, sont parfois profondes de plus de 15 m. La morphologie de ces fosses ainsi que leur position topographique permet de les identifier comme des mines de grande envergure, comparables à celles des Fouilloux dans le Limousin12. Des fragments de quartz opaque ont été ramassés dans les stériles. On peut donc poser l’hypothèse que l’activité minière portait sur l’exploitation des quartz aurifères13. En contrebas de la dernière mine, un enclos de 200 × 60-80 m qui descend jusqu’au ruisseau [site no 25 : fig. 308b] abrite les vestiges de ce qui pourrait être l’atelier de traitement du minerai.

10.2.6.2. Sulfures et or en Centre Bretagne : les indices de sites aurifères autour de la résidence de Paule14

  • 14 Ce texte est un résumé du rapport rendu en 1995 par Maudez Kerjean, géologue, ancien prospecteur mi (...)

26Entre 1958 et 1994, le Bureau des recherches géologiques et minières a procédé à la recherche de sulfures (plomb-Pb, zinc-Zn, cuivre-Cu, argent-Ag et antimoine-Sb) et, de manière accessoire, à la recherche d’or (Au) dans un secteur géographique allant de l’axe Quimper-Brest, dans le Finistère, à l’ouest, jusqu’à Gausson, dans les Côtes-d’Armor, à l’est. L’inventaire alluvionnaire de la Bretagne était alors pratiquement achevé (Guigues, Devisme 1969).

Les sulfures

27Les seuls sites miniers connus au début de la campagne se trouvaient dans le Finistère à Poullaouen et Huelgoat où, non loin de l’oppidum du Camp d’Arthus, un filon Pb-Zn-Ag a été anciennement exploité [fig. 309] ; le nom de la Rivière d’Argent qui passe au pied du site est là pour le rappeler. La géochimie a permis de redécouvrir à Plélauff (Côtes-d’Armor), un filon Pb‑Zn-Ag exploité au moins depuis la période carolingienne par la voie de galeries boisées profondes de 50 m. On ne sait si l’or a été dosé dans cette mine. Outre le Pb-Zn repéré en de multiples endroits, du cuivre, pratiquement inconnu jusque-là, a été découvert à Bolazec/Bodennec (Finistère), puis du cuivre et de l’argent à Saint-Martin-des-Prés / La Porte aux Moines (Côtes-d’Armor). De l’électrum a été observé dans la mine de Bolazec/Korn ar Hars, non loin de Bodennec, et à Edern/Menez Albot (Finistère). Il a été repéré également un peu de cuivre à Menez Albot ainsi que dans des roches basiques près de Bourbriac (Côtes-d’Armor). Rappelons enfin qu’un peu d’or avait été trouvé lors de recherches effectuées sur l’étain (Sn) dans des alluvions stannifères à Lanmeur / Guersaliou (Finistère) ou, en Centre Bretagne, à Locarn / La Boissière (Côtes-d’Armor) dans un filon de quartz riche en tungstène (W).

FIG. 309. Localisation des gisements de sulfures (d’après Aye 1982) et de quelques occurrences aurifères en Centre Bretagne.
Locations of sulfides sites (after Aye 1982) and a few auriferous locations in Centre Bretagne.

Dessin M. Kerjean, 1995.

L’or

28L’examen des gisements alluvionnaires de Bretagne montre une différence frappante entre les alluvions situées sur les formations paléozoïques et celles des formations azoïques du Précambrien (Briovérien), où l’or est presque omniprésent. Les échantillons prélevés sur le Briovérien, à l’est de la forêt de Quénécan, ont livré de l’or frais dans 44 % des cas. Il y a même un cas où de l’électrum alluvionnaire a pu être décelé, ce qui est assez exceptionnel. La découverte d’une pépite de plusieurs grammes au nord de Loudéac (Côtes-d’Armor) a permis de localiser un petit filon, d’une teneur supérieure à 1 g d’or par tonne, parmi une myriade de petites lentilles et de filons stériles. En outre, des exploitations alluvionnaires anciennes ont pu être localisées en forêt de Loudéac, non loin de deux enceintes, l’une quadrangulaire, l’autre circulaire. Mais la présence dans ce secteur d’un épandage de galets, susceptible d’avoir étalé encore plus les matériaux, risquait de compliquer la recherche d’or primaire.

29Malgré des données disparates, a priori moins alléchantes mais plus fiables à terme, la prospection a donc été centrée sur les zones paléozoïques, plus élevées en altitude et hors de portée des remontées marines de l’ère tertiaire. C’est ainsi qu’au nord du bassin de Châteaulin, entre Pont-de-Buis-lès-Quimerc’h et Huelgoat, dans le Finistère, ont été « accrochés » une vingtaine de sites aurifères, dont celui de Lopérec où plus de 4 tonnes d’or se trouvent enfouies dans du quartz et des cherts. En sommet de colline, d’anciens sites d’extraction ont été repérés, sans que l’on sache si l’exploitation s’est faite pour l’or ou pour du matériau de carrière. Le filon, fauché sous des éluvions solifluées, semble avoir en grande partie échappé aux anciens.

30Au sud du bassin de Châteaulin, l’or semble un peu moins abondant. On notera cependant près du Camp de Saint-Symphorien quatre réponses géochimiques de 5 à 14ppb Au. À 4 km à l’ouest, aux environs de Plévin / Touldous, de l’or très frais a été trouvé en plusieurs endroits, non charrié par les ruisseaux dans 32 % des cas, et confirmé en géochimie. Plus près du site encore, à l’est de la forteresse médiévale de Castellaouenan [site no 20 : fig. 301], des roches ramassées dans les champs ont donné des dosages élevés : 300 ppb Au. On sait qu’il existe des oxydés de ce type dans les grès de Landévennec, qui ont été cartographiés sur la crête de Paule (Sagon 1976), notamment près des mines repérées à l’est de Saint-Symphorien [site no 24 : fig. 301]. Il faut remarquer que, près de l’abbaye de Bon Repos à Laniscat (Côtes-d’Armor), l’or apparaît aussi en aval immédiat de ces grès.

10.2.7. Interaction de la résidence avec son environnement immédiat

31L’étude des environs immédiats de la résidence a donc permis de préciser certains des liens qu’elle entretenait avec son territoire. À l’évidence, son implantation à la jonction de trois voies majeures a favorisé son développement, tout comme la présence vraisemblable d’un gîte d’or primaire à proximité. Toutefois, l’exploitation de ces ressources minières ne semble avoir eu d’impact sur le site que durant les deux dernières phases de son occupation : les meules rotatives qui ont servi principalement à broyer des matières minérales (cf. supra, § 8.3.4.2) ou les tessons d’écuelles qui ont parfois conservé des globules d’or piégés dans des zones vitrifiées (cf.supra, §8.7.11.1) sont tous datés des phases 4 et 5. Cette exploitation n’a donc sans doute pas justifié l’implantation initiale de l’habitat. Elle a tout au plus contribué à son essor spectaculaire durant les deux derniers siècles avant notre ère. Elle a pu, évidemment, être poursuivie bien après, constituant l’une des sources de revenu des possesseurs de l’enceinte de Bressilien au haut Moyen Âge, puis de ceux de l’imposante motte de Castellaouenan.

10.3. Le deuxième territoire : le « Centre Bretagne »

10.3.1. Les occupations anciennes, du vie au ive s. av. J.-C.

32Yves Menez, Thierry Lorho et Patrick Naas

33Comme nous le disions en introduction à ce chapitre, l’ampleur atteinte par le site de Paule avant la Conquête oblige à prendre en compte des territoires bien plus vastes avec des procédures si possibles systématisées. Son rayonnement devait en effet excéder les 10 km2 du relevé lidar. Au‑delà, les 110 communes constituant le deuxième cercle de l’environnement du site ont donc été régulièrement survolées dès le début des années quatre-vingt dix et prospectées au sol (cf. supra, § 10.1). Le dépouillement du cadastre napoléonien, la rencontre avec les associations et les érudits locaux, la recherche systématique de sites autour des lieux signalés par d’anciens inventaires ou par la toponymie et le contrôle des sites archéologiques déjà recensés permettent désormais de disposer d’une base de données homogène et validée, parfaitement géoréférencée. Le nombre des sites archéologiques identifiés dans la région prospectée a augmenté de 50 % avec la découverte de sites majeurs comprenant plusieurs édifices et aux élévations partiellement conservées. Cette région du « Centre Bretagne » apparaît désormais, par un simple rééquilibrage des prospections, comme tout aussi densément occupée que les régions côtières de la péninsule Armoricaine.

34Seuls les sites attribués à l’âge du Fer ont été retenus dans le cadre de l’étude ici présentée. Parmi eux, les plus anciens sont sans doute les vingt dépôts de haches à douille en Bronze que les recherches récentes ont datés des viie et vie s. av. J.-C. [fig. 310a]. De petites nécropoles caractéristiques de la fin du premier ou du début du second âge du Fer ont été repérées. Elles peuvent se signaler par des stèles de pierre ou prendre la forme d’enclos quadrangulaires de 10 à 30m de côté [fig. 311a-c, f], semblables à ceux qui jouxtent le premier habitat de Paule [fig. 311g]. La majeure partie des 62 stèles en granite identifiées ont été mises au jour dans la partie sud-ouest de la zone étudiée, là où ce matériau est le plus abondant. Ailleurs, ces monuments funéraires qui marquaient les tombes ou ornaient les nécropoles ont pu être en bois et ne laisser aucune trace. Les petites nécropoles encloses, au nombre de 31 quant à elles, ont été observées sur une aire plus vaste, celle où les prospections aériennes sont les plus efficaces du fait de la nature des terrains et des cultures et d’une plus grande proximité des aérodromes. Certaines, comme celles de Kergrist-Moëlou / Créach Mouëlou, Saint-Connec / Bernouë [fig. 311b] ou Sainte-Tréphine / Coët Parked [fig. 311c] (Villard-Le Tiec et al. 2013 : 259- 260), conservent encore les restes de monuments funéraires plus importants, des tertres de 10 à 15 m de diamètre. Ces espaces funéraires familiaux, composés de quelques dizaines de sépultures chacun, sont parfois très proches d’habitats qui, de ce fait, ont de fortes probabilités d’en être contemporains (Villard-Le Tiec et al. 2013). Cela est attesté pour le site de Saint-Connec qui a été en partie fouillé (Le Cerf 1889).

FIG. 310. Sites attribués à l’âge du Fer dans le « Centre Bretagne » (la zone définie pour l’étude compte 110 communes, 3 264km2) : a cartographie générale ; b distance de séparation entre les enceintes quadrangulaires et de contour, en kilomètres. Tous les sites découverts en prospection aérienne ont été contrôlés au sol.
Sites attributed to the Iron Age in “Centre Bretagne” (the zone defined for the study is comprised of 110 municipalities, 3,264 km2) : a general cartography ; b distance of separation between the quadrangular and contour enclosures, in kilometers. All the sites discovered via aerial surveying were verified on the ground.

Dessin T. Lorho, Y. Menez.

FIG. 311. Fermes encloses découvertes lors des prospections aériennes dans le « Centre Bretagne ». Elles sont attribuées à la période VIe-IVe s. av. J.-C. à cause de leur morphologie et de leur association avec des enclos funéraires quadrangulaires, caractéristiques de la période : a Saint-Nicolas-du-Pélem / Dalbartic, Côtes-d’Armor ; b Saint-Connec / Bernouë, Côtes-d’Armor (le souterrain, non représenté, et la nécropole ont été partiellement fouillés en 1888) ; c Sainte-Tréphine / Coët Parked, Côtes-d’Armor ; d Plussulien / Kergolen, Côtes-d’Armor ; e Langonnet / Kerihuel, Morbihan ; f Plouguernevel / Kerroc’h, Côtes-d’Armor ; g Paule/Camp de Saint-Symphorien, phase 1.
Enclosed farms discovered via aerial surveys in “Centre Bretagne.” They are attributed to the 6th-4th c. due to their morphology and association with quadrangular funerary enclosures, typical of the period : a Saint-Nicolas-du-Pélem / Dalbartic, Côtes-d’Armor ; b Saint-Connec/ Bernouë, Côtes-d’Armor (the souterrain, not represented, and the necropolis were partially excavated in 1888) ; c Sainte-Tréphine / Coët Parked, Côtes-d’Armor ; d Plussulien/ Kergolen, Côtes-d’Armor ; e Langonnet / Kerihuel, Morbihan ; f Plouguernevel/ Kerroc’h, Côtes-d’Armor ; g Paule / Camp de St-Symphorien, Phase 1.

Dessin Y. Menez ; restitution en image 3D L. Stéfanon/AGP.

FIG. 312. Vue aérienne de la ferme enclose de Langonnet / Kerihuel (Morbihan). Malgré la faille géologique qui traverse le site, on distingue le tracé des fossés, les fondations de deux maisons successives face à l’entrée et l’alignement de fosses qui caractérise l’effondrement des voûtes d’un souterrain (flèche) à l’emplacement des maisons. Le plan de l’une d’entre elles est très semblable à celui de la maison de la phase 1 de Paule.
Aerial view of the enclosed farm of Langonnet / Kerihuel (Morbihan). Despite the geological fault that traverses the site, we distinguish the ditch lines, the foundations of two successive houses facing the entrance, and the trenches that characterize the collapse of souterrain ceilings (arrow) in the location of the houses. The plan of one of them is similar to that of the Phase 1 house at Paule.

Photo P. Naas.

35Parmi les centaines d’habitats enclos découverts sur la zone d’étude, 150 sont actuellement attribués à l’âge du Fer d’après les objets découverts lors des prospections au sol ou leur morphologie. Certains sont composés d’enclos curvilignes ou quadrangulaires accolés ou emboîtés d’environ 40 m de côté et parfois plus [fig. 311a-c]. Par leur structuration, ces fermes sont assez proches de celles de Plouër-sur-Rance dans les Côtes-d’Armor (Menez 1996 : 184-188) ou d’Inguiniel / Kerven Teignouse dans le Morbihan (Tanguy 2000 : 145) dans leurs premières phases d’occupation, celles qui courent du vie au ives. av.J.-C. D’autres habitats prennent l’aspect d’enclos ovales plus vastes, assez semblables au premier habitat de Paule. L’un d’eux, celui de Kerroc’h à Plouguernevel dans les Côtes-d’Armor [fig. 311f], d’ailleurs associé à un petit enclos funéraire, présente en son centre une forme quadrangulaire de 25 × 21 m qui peut correspondre à une vaste maison semblable à celle de Paule. À Langonnet / Kerihuel dans le Morbihan, un autre habitat [fig. 311e, 312], délimité par trois lignes concentriques de clôtures, qui ne sont pas toutes contemporaines, abrite les fondations de deux vastes maisons superposées semblables elles aussi à celle de Paule. On identifie en outre, sous ces maisons, l’enfilade de fosses qui caractérise les salles effondrées d’un souterrain. Un autre habitat encore, à Plussulien / Kergolen dans les Côtes-d’Armor [fig. 311d], est composé de deux enclos concentriques. À 30 m à l’ouest, un souterrain s’est effondré. Une trentaine de ces souterrains est actuellement connue sur la zone d’étude, sans compter ceux qui ont été fouillés à Paule. La plupart doivent correspondre à des fermes occupées du vie au ive s. av. J.-C. Le premier habitat de Paule ne semble donc constituer, durant cette période, qu’une des vastes exploitations agricoles dont quelques dizaines sont connues sur ce territoire. Ce n’est manifestement pas la plus vaste. Malgré les biais inhérents à ces prospections, la répartition des nécropoles encloses et des souterrains –deux types de structures caractéristiques de cette première phase– montre que l’implantation des premières exploitations agricoles s’est faite sur des versants bien exposés et dominant des rivières. Ces habitats se sont approprié les meilleurs terroirs, ceux qui étaient à la fois les mieux drainés, les plus propices aux cultures et les plus proches des ruisseaux qui permettaient d’abreuver le bétail. Le premier domaine de Paule respecte ce schéma. Implanté sur la crête, il domine de bons terroirs au nord et au sud, ainsi que les sources pérennes de Saint-Symphorien.

10.3.2. Les enclos et les enceintes du iiie au ier s. av. J.-C.

36Les fouilles effectuées depuis une trentaine d’années dans la région permettent de discerner la diversité de la forme de ces habitats enclos entre le iiie et le ier s. av. J.-C. Toutefois, à l’exception de celles qui ont été réalisées à Paule et à Laniscat/ Rosquelfen (Roy 2009) [fig. 313a], aucune ne concerne le « Centre-Bretagne » (Hamon 2018 : 91, fig. 1). Force est donc de nous référer, pour les sites fouillés, à l’ensemble de la région. Durant les trois derniers siècles avant notre ère, les plans sont le plus souvent quadrangulaires et tracés à la corde, comme pour la phase 2 de Paule [fig. 313e]. On en trouve des exemples à Laniscat / Rosquelfen ou à Lamballe / La Tourelle (Mentele 2010) dans les Côtes-d’Armor [fig. 313c]. Des plans irréguliers existent néanmoins, tel celui de la ferme de La Grande Haie à Vitré dans l’Ille-et-Vilaine (Hamon 2018 : 100) [fig. 313b] ou celui de la ferme des Hauts de Penvillers à Quimper dans le Finistère [fig. 313f] (Menez, Lorho 2013 : 179, fig. 117). Durant ses phases 2 et 3, l’habitat de Paule est donc proche, par la superficie et la forme des enclos qui le composent, des grandes exploitations agricoles de cette période fouillées dans la région, dont le plan est varié, certaines s’étendant sur des superficies plus vastes, de 4 à 6 ha. Paule ne diffère alors du site de Kerven Teignouse à Inguiniel [fig. 313d] que par la monumentalité des clôtures de sa partie résidentielle, avec ses fossés profonds et ses entrées complexes, ses ponts pour franchir les fossés et les tours-porches qui les dominent. Toutefois, des porches ou des tours-porches ont également été observés sur des habitats aux clôtures moins monumentales, comme celui de La Tourelle à Lamballe dans les Côtes-d’Armor [fig. 313c] ou celui de La Huberdière à Corps-Nuds, en Ille-et-Vilaine [fig. 313g] (Menez, Lorho 2013 : 179, fig. 117).

FIG. 313. Plan simplifié de quelques habitats ruraux fouillés en Bretagne et datés de la période IIIe-Ier s. av. J.-C. : a Laniscat / Rosquelfen, Côtes-d’Armor ; b Vitré / La Grande Haie, Ille-et-Vilaine ; c Lamballe/La Tourelle, Côtes-d’Armor ; d Inguiniel / Kerven Teignouse, Morbihan ; e Paule / Saint-Symphorien, phase 2 ; f Quimper / Les Hauts de Penvillers, Finistère ; g Corps-Nud / La Huberdière, Ille-et-Vilaine.
Simplified plan of a few rural settlements excavated in Brittany and dated to the 3rd-1st c. BC : a Laniscat / Rosquelfen, Côtes-d’Armor ; b Vitré/La Grande Haie, Ille-et-Vilaine ; c Lamballe/La Tourelle, Côtes-d’Armor ; d Inguiniel/Kerven Teignouse, Morbihan ; e Paule/Saint-Symphorien, Phase 2 ; f Quimper/ Les Hauts de Penvillers, Finistère ; g Corps-Nud/ La Huberdière, Ille-et-Vilaine.

Dessin Y. Menez, S. Jean.

37Au sein du territoire du « Centre Bretagne » ici considéré, cette monumentalité des clôtures, qui caractérise dès la phase 3 le site de Paule, se perçoit uniquement, sur les clichés aériens et lors des prospections au sol, par la largeur inhabituelle des fossés et des talus et, pour les sites les mieux conservés, par la hauteur remarquable des parties subsistantes des remparts, généralement supérieure à 2,50 m. Sur les 110 communes prospectées, seules six enceintes quadrangulaires attribuables à l’âge du Fer ont été repérées en comptant celle de Paule [fig. 314a]. Celle de Saint-Adrien à Spézet (Finistère), qui mesure environ 120 m de côté, est délimitée par un talus parementé de pierres de 3 m de haut [fig. 314b]. Sur les anciennes descriptions, ce talus était précédé d’un fossé qui a disparu depuis. Celle de Tréambon à Plonévez-du-Faou dans le Finistère [fig. 314c], de 120 × 90 m, est protégée par un talus de 3 m de haut précédé d’un fossé aujourd’hui comblé. Les vestiges d’une enceinte périphérique sont signalés dans les anciens inventaires. En outre, des foyers et des tegulæ ont été signalés anciennement sur ce site. L’enceinte de Rigno Cren à Saint-Nicolas-du-Pélem (Côtes-d’Armor) mesure 150 × 120m [fig. 314d]. Elle est délimitée par un talus de pierre et de terre de 4 m de haut et de 9 m de large précédé d’un fossé encore profond de 2 m. L’entrée est située au milieu de la façade est. L’enceinte de Lesneven à Châteauneuf-du-Faou (Finistère) est délimitée par un rempart de 3 m de haut et 11 m de large précédé d’un fossé de 3 m de profondeur [fig. 314f]. Un lingot de fer bipyramidal de l’âge du Fer a été découvert à cet endroit. Le site de Bernouë à Saint-Connec (Côtes-d’Armor) a été redécouvert en 2006 par Patrick Naas. Il comprend une enceinte quadrangulaire d’environ 75 × 60 m englobée dans une seconde enceinte [fig. 314e]. La superficie ainsi protégée atteint 4,7 ha. Jusqu’alors mal localisée car arasée par le remembrement, cette double enceinte était pourtant connue par des relevés anciens (Keranflec’h-Kernezne 1889). Des murs et des tegulæ avaient alors été signalés dans l’angle sud-est de l’enclos dont le talus mesurait 2 m de haut et le fossé 6 m de large. Le site se trouve à 450 m au nord d’une ferme enclose datée de la période vieive s. av. J.-C. [fig. 311b]. Il est possible qu’à Saint-Connec, à la différence de ce qui s’est passé à Paule, la résidence occupée du iiie s. av. J.-C. au ier s. ap. J.-C. ait été construite non à l’emplacement de l’ancienne résidence mais sur la hauteur un peu plus loin.

FIG. 314. Les six enceintes quadrangulaires du « Centre Bretagne » attribuées au second âge du Fer, certaines ayant continué d’être occupées à l’époque romaine : a Paule / Camp de Saint-Symphorien ; b Spézet / Saint-Adrien, Finistère ; c Plonévez-du-Faou / Tréambon, Finistère ; d Saint-Nicolas-du-Pélem / Rigno Cren, Côtes-d’Armor ; e Saint-Connec / Bernouë, Morbihan, à ne pas confondre avec la ferme enclose du même nom qui se situe 450 m au sud (cf.supra, fig311b) ; f Chateauneuf-du-Faou / Lesneven (Finistère). Plans simplifiés établis à partir des photos aériennes redressées. Tous sauf f ont été confrontés aux cadastres napoléonien (1825) et actuel.
The six quadrangular enceintes of “Centre Bretagne” attributed to the Second Iron Age, some of which were occupied until the Roman period : a Paule / Camp de Saint-Symphorien ; b Spézet /Saint-Adrien, Finistère ; c Plonévez-du-Faou/Tréambon, Finistère ; d Saint-Nicolas-du-Pélem/Rigno Cren, Côtes-d’Armor ; e Saint-Connec /Bernouë, Morbihan ; f Chateauneuf-du-Faou/ Lesneven, Finistère. Simplified plans made based on straightened aerial photographs. All except “f” were compared with the Napoleon cadaster (1825) and current cadaster.

Dessin Y. Menez.

38Dater un site en l’absence de fouille reste un exercice difficile. Cependant, les deux enceintes quadrangulaires de ce type jusqu’ici fouillées dans la région, celles de Paule et de Trégueux, ont été édifiées au cours des iiie et iie s. av. J.-C. Certaines ont continué à être occupées durant l’Antiquité, comme celle de Trégueux. Celle de Paule n’est pas la plus vaste, ni celle dont les vestiges apparaissaient comme les plus imposants avant la fouille. Comme nous venons de le voir, le rempart de celle de Saint-Nicolas-du-Pélem mesure encore 4 m de haut et deux remparts concentriques délimitaient celle de Plonévez-du-Faou. Seule l’étude a en définitive révélé la monumentalité de la résidence de Paule, marquée par la succession de ses remparts et la construction, au iie s. av. J.-C., d’une vaste enceinte de contour pour en protéger les abords.

  • 15 Relevé réalisé par la sarl ATM3D, Bertrand Chazaly.

39Dans la zone d’étude, la seule autre enceinte de contour actuellement identifiée est celle du Camp d’Artus à Huelgoat (Finistère), sondée en 1938 par Sir Mortimer Wheeler (Wheeler, Richardson 1957 : 22-38) et qui a fait en 2009 l’objet d’un relevé lidar [fig. 315]15. Datée des iie et ier s. av. J.-C., elle est trois fois plus vaste que celle de Paule et considérée comme l’agglomération majeure de la cité des Osismes.

FIG. 315. Les seules enceintes de contour connues dans le « Centre Bretagne » : a Huelgoat / Camp d’Artus (Finistère), relevée et sondée en 1938 (Wheeler, Richardson 1957 : 22-38) et qui a fait l’objet en 2009 d’un relevé lidar ; b Paule / Camp de Saint-Symphorien.
The only contour enclosures known in “Centre Bretagne” : a Huelgoat / Camp d’Artus (Finistère), recorded and tested in 1938 (Wheeler, Richardson 1957 : 22-38) and recorded by lidar in 2009 ; b Paule/Camp de Saint-Symphorien.

Relevé et image lidar a : ATM3D, image 3D b L. Stéfanon/AGP.

40La répartition des enceintes quadrangulaires et de contour en « Centre Bretagne » montre que, pour la plupart, elles sont positionnées à proximité de voies considérées comme protohistoriques [fig. 310a] car antérieures à la fondation de Carhaix-Vorgium. C’est en effet la création de la capitale de la cité romaine des Osismes qui a imposé une réorganisation du réseau routier dans cette région, avec l’ouverture de voies nouvelles ou de bretelles de raccordement aux axes anciens [fig. 316]. On peut donc penser que ces enceintes –et Paule en fait partie– avaient entre autres pour fonction le contrôle et l’entretien du réseau viaire. La distance entre chacun de ces sites est proche de 22 km à vol d’oiseau [fig. 310b]. Elle atteint 27,5 km entre le Camp de Saint-Symphorien et les enceintes de Chateauneuf-du-Faou et de Huelgoat. Elle se réduit par contre à 9,5 km entre l’enceinte de Spézet et celles de Châteauneuf-du-Faou ou de Plonévez-du-Faou, implantées de part et d’autre de la vallée de l’Aulne.

FIG. 316. Paule est situé dans le territoire osisme, non loin de sa frontière avec le territoire vénète. Les limites des cités ont été établies par Louis Pape (1978) et Patrick Naas (1999), le réseau viaire a été reporté d’après l’étude d’Alain Provost (Menez et al. 2015 : 12-17). Les enceintes quadrangulaires sont assez nombreuses ; les enceintes de contour, semblables à celle de Paule dans sa phase maximale d’extension, sont plus rares. En gras dans la liste, les sites fouillés.
Paule is located in the Osismii territory, not far from its border with the Veneti territory. The city limits were established by Louis Pape (1978) and Patrick Nass (1999), the road system was reported following the study by Alain Provost (Menez et al. 2015 : 12-17). The quadrangular enclosures are quite numerous ; the contour enclosures, similar to those at Paule in its maximal phase of extension, are less frequent.
The excavated sites are indicated in bold type in the list.

Dessin Y. Menez, M. Dupré.

10.4. Le troisième territoire : Paule et la cité des Osismes

10.4.1. Un établissement proche des limites de deux cités

  • 16 Strabon (Géogr., I, 4) : « […] les différents caps ou promontoires qui prolongent cette côte [atlan (...)
  • 17 Ils font partie de la coalition que dirigent les Vénètes contre l’armée romaine (César, BG, III, 9) (...)

41Deux cités occupaient autrefois la partie occidentale de la péninsule Armoricaine : celle des Osismes et celle des Vénètes. La première a fait l’objet d’une étude approfondie par Louis Pape (1978) puis, plus récemment, par Patrick Galliou (2014). Ce peuple est l’un des premiers qui soient mentionnés par les auteurs antiques sur le territoire de la Gaule. Dès 325 av. J.-C. en effet, à l’issue du voyage qui le conduisit de Marseille jusqu’au Nord de la Grande Bretagne, le navigateur massaliote Pythéas signale la présence des Ostimioi sur la péninsule16. Selon Léon Fleuriot (1980 : 179- 180), ce nom signifierait en celtique « les plus éloignés », autrement dit « les gens du bout du monde », ce qui convient parfaitement à leur position géographique : l’extrême Ouest de l’Europe. Bien plus tard, César mentionne à son tour la présence dans cette partie de la Gaule des Osismi17. Soumis par Crassus en 57 av. J.-C., ils participent néanmoins aux combats de 56 av. J.-C. qui s’achèvent par la défaite de la flotte gauloise dans le golfe du Morbihan. Ils contribuent au contingent de 20 000 hommes fourni par les peuples armoricains à l’armée de la coalition gauloise en 52 av. J.-C.

42Louis Pape (1978) a tenté, à partir d’une analyse régressive des limites des anciens diocèses corrélée à l’étude des itinéraires, des bornes milliaires antiques, de la toponymie, du relief et de l’hydrographie de la région concernée, de préciser les contours de la cité durant l’Antiquité. Ce travail particulièrement remarquable n’a pas été démenti par les recherches ultérieures. Il semble même possible de conserver le cadre ainsi défini pour la fin de l’âge du Fer, période pour laquelle on dispose de découvertes monétaires conséquentes. En effet, la dispersion des différents types monétaires attribués aux Osismes s’intègre de manière satisfaisante dans les limites aujourd’hui attribuées à cette cité (De Jersey 1994 : 207-210 ; Abollivier 2008 : 265-271). Le fait semble confirmé par les découvertes récentes de statères ou de quart de statères osismes à proximité des enceintes de Paule et de Trégueux, et par celle d’un imposant dépôt monétaire sur le site de Rosquelfen à Laniscat.

  • 18 César, BG, III, 8 : « Cette dernière nation est de beaucoup la plus puissante de toute cette côte m (...)

43Patrick Naas (1999 : 16), quant à lui, a validé les limites de la cité antique des Vénètes telles qu’elles ont été restituées par Pierre Merlat (1981 : 12-21). Dans le territoire pris en compte par notre étude, elles auraient été constituées par les cours supérieurs de l’Ellé et du Scorff, ce qui est tout à fait cohérent avec les frontières qui sont proposées pour la cité limitrophe des Osismes. Il faut attendre La Guerre des Gaules pour que ce peuple entre dans l’histoire. César le décrit comme le plus puissant des peuples armoricains18. Toutefois, l’archéologie ne valide pas cette prédominance : le territoire des Vénètes semble bien plus restreint que celui des Osismes qui contrôlaient en outre toute la façade maritime reliant la Manche à l’Océan. De plus, les vestiges du second âge du Fer jusqu’ici retrouvés ne semblent pas exprimer une quelconque suprématie des Vénètes en termes de richesse ou de puissance. L’hypothèse de la puissante thalassocratie dominant des cités voisines aux territoires aussi fertiles et à la façade côtière aussi étendue demande donc à être confirmée. Pour l’époque antique, la suprématie des Osismes devient même évidente, tant par le développement de leur capitale, Vorgium, alimentée par le seul aqueduc connu en Bretagne, que par celle de leurs agglomérations secondaires. Il est donc possible que César ait surévalué la puissance des Vénètes pour se valoriser à travers le peuple qu’il avait vaincu lors de l’unique combat naval qui soit relaté dans La Guerre des Gaules. Il est également possible que la défaite des Vénètes face à César, qui « fit mettre à mort tout le sénat [vénète] et vendit à l’encan le reste des habitants » (BG, III, 16) ait abouti à une réduction de leur territoire au profit de leurs principaux voisins : les Osismes.

44Sur le terrain, dans la partie ouest de la péninsule, 72 enceintes de forme et de superficie diverses sont attribuées à l’âge du Fer d’après leur morphologie et les structures ou le mobilier qui y ont été découverts (Maguer 1995 ; 1996) [fig. 316].

10.4.2. Les éperons barrés

45La majeure partie de ces sites, 42 au total, est constituée de barrages d’éperon répartis le long des côtes, des rivières et des rias. Leur taille n’excède pas 2 ha le plus souvent (26 cas). Certains sites, tels ceux du Yaudet à Ploulec’h dans les Côtes-d’Armor [fig. 316 : 1], de Kermorvan au Conquet dans le Finistère [fig. 316 : 32], et de Castennec à Bieuzy [fig. 316 : 24] ou du Château à Péaule, dans le Morbihan [fig. 316 : 34] (Dufay‑Garel 2018), couvrent toutefois des surfaces plus vastes, qui vont de 6 à 27 ha. Des niveaux d’occupation multiples, courant du Néolithique jusqu’au Moyen Âge, y ont régulièrement été mis au jour. On y reconnaît souvent une occupation du second âge du Fer. Cela a été vérifié à l’occasion d’opérations anciennes (Du Chatellier 1907 ; Wheeler, Richardson 1957) mais aussi plus récemment à Ploulec’h (Cunliffe, Galliou 2005) ou, beaucoup plus loin dans le territoire coriosolite, en limite des départements du Morbihan, des Côtes-d’Armor et de l’Ille-et-Vilaine, sur l’éperon de La Rochette à Mauron (Tinevez et al. 2011).

10.4.3. Les enceintes quadrangulaires

46Les enceintes quadrangulaires similaires à celle de Paule ne sont pas exceptionnelles : 25 ont été identifiées, le plus souvent sur des plateaux ou des lignes de crête situés dans les terres, plus rarement à quelques kilomètres des côtes, comme dans le Cap Sizun, au sud-ouest de la péninsule [fig. 316 : 16-17]. La plupart ont un plan carré ou trapézoïdal [fig. 317]. Aujourd’hui elles sont le plus souvent délimitées par un rempart de terre unique, parfois parementé de pierres, précédé d’un fossé. Leur superficie est comprise entre 0,6 ha pour l’enceinte de Lesneven à Châteauneuf-du-Faou [fig. 316 : 13] et 1,8 ha pour celle du Bourg à Plogastel-Saint-Germain, dans le Finistère (Maguer 1996 : 107) [fig. 316 : 19 ; fig. 317d]. La plupart couvrent une surface légèrement inférieure à l’hectare, une surface proche de celle de la cour résidentielle de Paule, enserrée par le dernier et massif rempart [fig. 317a]. Ces enceintes quadrangulaires recèlent vraisemblablement, pour la plupart, les vestiges d’habitats du second âge du Fer dont la nature exacte demeure inconnue, hormis à La Porte Allain près de Trégueux (Côtes-d’Armor) [fig. 317g]. Sur ce site, la fouille a montré que l’enceinte avait été occupée entre le iiie s. av. J.-C. et le iiie s. ap. J.-C. (Allen et al. 2012). En prospection, l’enceinte de Kerfloc’h à Plaudren [fig. 317c ; fig. 318] a livré des monnaies et quelques tessons de céramiques et d’amphores des iie et ie s. av. J.-C., confirmant la présence de vestiges du second âge du Fer à cet endroit ; la découverte de monnaies romaines confirme la continuité de l’occupation au moins jusqu’à la fin du iie s. ap. J.-C. (Daré, Dufay-Garel 2014 : 190-210 ; Dufay-Garel 2018 : 177). Des monnaies romaines ainsi que des fragments de tegulæ signalent également la présence de constructions de cette période dans l’enceinte de Ru marc’h à Lanmeur, dans le Finistère (Maguer 1995 : 177-180 ; Maguer 1996) [fig. 317e]. Les tessons gaulois, rapidement dégradés par l’acidité des sols et le gel, disparaissent en quelques années lorsqu’ils sont remontés par les travaux agricoles. Leur absence sur ces sites ne doit donc pas étonner : seuls des monnaies romaines et deux fragments d’amphores vinaires avaient été signalés dans l’enceinte de Paule avant les sondages effectués en 1988. L’enceinte de Plogastel-Saint-Germain a été en partie détruite par la mise en culture puis par la réalisation d’un lotissement vers 1960. Cela explique la découverte de fragments de céramique du second âge du Fer, associés à des amphores Dressel 1A et des monnaies romaines (Sanquer 1969 : 33).

FIG. 317. Quelques enceintes quadrangulaires connues dans les cités osisme et vénète : a Paule / Saint-Symphorien ; b Pont-de-Buis-lès-Quimerc’h /Le Muriou, Finistère ; c Plaudren /Kerfloc’h, Morbihan ; d Plogastel-Saint-Germain / Le Bourg, Finistère ; e Lanmeur / Ru Marc’h, Finistère ; f Hanvec / Kastell Bras, Finistère ; g Trégueux/ La Porte Allain, Côtes-d’Armor. Plans simplifiés établis à partir des photos aériennes redressées.
A few quadrangular enclosure known in the Osismii and Veneti cities : a Paule / Saint-Symphorien ; b Pont-de-Buis-lès-Quimerc’h / Le Muriou, Finistère ; c Plaudren/Kerfloc’h, Morbihan ; d Plogastel-Saint-Germain / Le Bourg, Finistère ; e Lanmeur / Ru Marc’h, Finistère ; f Hanvec / Kastell Bras, Finistère ; g Trégueux / La Porte Allain, Côtes-d’Armor. Simplified plans made based on straightened aerial photographs.

Dessin Y. Menez, M. Dupré.

FIG. 318. L’enceinte de Kerfloc’h à Plaudren (Morbihan) en vue aérienne.
The Kerfloc’h enceinte in Plaudren (Morbihan) in aerial view.

Photo P. Naas.

47La présence fréquente de vestiges d’époque romaine dans ces enceintes quadrangulaires, dont il s’avère qu’ils recouvrent des vestiges du second âge du Fer sur tous les sites fouillés ou suffisamment prospectés, montre que le Camp de Saint-Symphorien n’est pas un cas isolé. Il fait partie d’une série d’enceintes quadrangulaires vraisemblablement édifiées entre le iiie et le ier s. av. J.-C., et dont certaines ont continué à être occupées durant la période romaine. Tel doit être le cas à Pont-de-Buis-lès-Quimerc’h / Le Muriou (Maguer 1994 : 225-227 ; Maguer 1996 : 116) [fig. 317b] et Hanvec/Kastell Bras (Maguer 1994 : 156-157) [fig. 317f].

10.4.4. Les enceintes de contour

48Les enceintes de contour sont peu nombreuses en définitive : seules six ont été identifiées dans le territoire considéré [fig. 316]. Une première série couvre une surface comprise entre 2 et 6 ha, comme le Camp de Kercaradec à Quimper (Finistère) [fig. 316 : 20] (Wheeler, Richardson 1957 : 54-61). Une seconde série couvre des surfaces plus grandes, comprises entre 10 et 30 ha, ce qui reste petit par rapport aux enceintes des iie et ie s. av. J.-C. connues dans le reste de l’Europe occidentale. Celle du Camp de Lescouët à Guégon (Morbihan) [fig. 316 : 26], considérée comme l’agglomération principale des Vénètes, couvre 32ha selon Patrick Naas (1998) ; celle du Camp d’Artus à Huelgoat dans le Finistère (Wheeler, Richardson 1957 : 23-38), considérée comme la principale place forte des Osismes, 30 ha [fig. 316 : 7].

49L’enceinte de contour révélée par les fouilles à Paule, avec une surface estimée à 10 ha, apparaît comme intermédiaire entre ces deux séries. Inconnue avant 2006, elle montre que seule une partie de ces sites, ceux dont les remparts n’ont pas été arasés au fil des siècles, est aujourd’hui connue. Elle révèle également la difficulté à estimer la superficie de ces habitats, qui peut être nettement supérieure à la superficie délimitée par les remparts conservés.

10.4.5. Les enceintes quadrangulaires, partie visible d’habitats plus étendus

  • 19 Archéologue, président de l’association Scorff et patrimoine. Il coordonne actuellement la rédactio (...)

50Les installations apparues autour du Camp de Saint-Symphorien à Paule ne semblent pas constituer une exception. Les prospections aériennes et les fouilles engagées autour des enceintes quadrangulaires les plus petites, celles dont la superficie remparée est comprise entre 1 000 et 2 000 m2, ont en effet le plus souvent révélé la présence, sur leur pourtour, d’autres parcelles encloses, sur une superficie comprise entre 1 et 6ha. C’est le cas par exemple pour l’enceinte de Trémeleur à Neulliac, dans le Morbihan (Leroux et al. 1999 : 22 et 59) [fig. 319a-320], pour celle de Quincampoix à La Chapelle-Craonnaise en Mayenne (Leroux et al. 1999 : 286) [fig. 319c] et pour celle de Pont Vien à Livré-la-Touche, également en Mayenne (Leroux et al. 1999 : 323) [fig. 319d]. Et cela a été confirmé par la fouille récemment réalisée à Vern-sur-Seiche / Les Hauts de Gaudon, en Ille-et-Vilaine (Escats 2017). Les fouilles réalisées sur le site de Kerven Teignouze à Inguiniel (Morbihan) [fig. 319b] sous la direction de Daniel Tanguy19 montrent que ces parcelles ne correspondent pas à des champs mais bien à des enclos abritant les dépendances. Le plus souvent, la partie résidentielle est la seule à bénéficier d’une clôture monumentale, comme pour la phase 2 de Paule (Tanguy 2010 : 5 ; Menez, Lorho 2013 : 180), c’est-à-dire d’un fossé large de 5 à 6 m, profond de 2 à 3 m et doublé par un petit rempart. La superficie bâtie de ces sites est donc très nettement supérieure à celle du seul enclos quadrangulaire.

FIG. 319. Les enceintes quadrangulaires les plus petites constituent la partie résidentielle d’établissements qui s’étendent sur plusieurs hectares. Elles sont entourées de parcelles encloses abritant leurs dépendances : a Neulliac / Trémeleur, Morbihan ; b Inguiniel / Kerven Teignouze, Morbihan ; c La Chapelle-Craonnaise / Quincampoix, Mayenne ; d Livré-la-Touche/ Pont Vien, Mayenne. Plans a, c-d établis à partir des photos aériennes redressées.
The smallest quadrangular enceintes constitute the residential part of establishments that extend across several hectares. They are surrounded by enclosed parcels containing their annexes : a Neulliac / Trémeleur, Morbihan ; b Inguiniel / Kerven Teignouze, Morbihan ; c La Chapelle-Craonnaise / Quincampoix, Mayenne ; d Livré-la-Touche/ Pont Vien, Mayenne.

Dessins a, c-d Y. Menez, M. Dupré, b S. Bossard, D. Tanguy.

FIG. 320. L’enceinte quadrangulaire de Trémeleur à Neulliac (Morbihan) en vue aérienne.
The quadrangular enceinte of Trémeleur à Neulliac (Morbihan) in aerial view.

Photo P. Naas.

51Le phénomène est identique pour les enceintes quadrangulaires plus vastes, celles dont la superficie est comprise entre 0,5 et 1 ha [fig. 321]. Les alentours de celle de Kerfloc’h à Plaudren (Morbihan) ont fait l’objet de plusieurs prospections et sondages (Dufay-Garel 2018). Ces travaux ont mis en évidence une petite agglomération des iie et ier s. av. J.-C. dont l’occupation perdure toute l’Antiquité avec notamment des ateliers de verriers. Les vestiges couvrent une superficie d’environ 10 ha de part et d’autre d’une voie qui longe au nord-est l’enceinte quadrangulaire [fig. 321 : 2] (Triste, Daré 2005 ; Delestrée, Pilon 2013 ; Daré, Dufay‑Garel 2014 : 190-210 ; Dufay-Garel 2018). On notera la présence, à l’est de l’enceinte, d’un sanctuaire antique, comme à Paule.

FIG. 321. Trois enceintes quadrangulaires de la péninsule armoricaine autour desquelles ont été repérées les traces d’un habitat groupé ; 1 Paule / Camp de Saint-Symphorien, vue d’artiste des phases 5 et 6, milieu du Ies. av. J.-C.-début du Ier s. ap. J.-C. ; 2 Plaudren / Kerfloc’h, dans le Morbihan, second âge du Fer-époque romaine ; 3 Trégueux/La Porte Allain, dans les Côtes-d’Armor, fin du IIIes.- Ier s. av. J.-C.
Three quadrangular enceintes on the Armorican peninsula around which the remains of a grouped settlement were found :
1 Paule / Camp de Saint-Symphorien, artist’s rendition of phases 5 and 6, middle of the 1st c. BC-beginning of the 1st c. AD ; 2 Plaudren/Kerfloc’h, in the Morbihan, Second Iron Age-Roman period ; 3 Trégueux / La Porte Allain, in the Côtes-d’Armor, end of the 3rd c.-1st c. BC

Images : 1 L. Stéfanon/ AGP ; 2 Y. Menez, M. Dupré sur le plan de Daré, Dufaye-Garel 2014 : fiche Plaudren ; 3 Y. Menez, M.Dupré sur le plan de Allen et al. 2012 : 520.

52Les résultats de la fouille de La Porte Allain à Trégueux (Côtes-d’Armor) [fig. 321 : 3] n’étant pas encore publiés à l’exception de brefs articles (Chartier-Le Floch 2010 ; Le Goff 2018 : 145), seules les données essentielles à la compréhension des spécificités du site de Paule au regard des autres habitats de l’âge du Fer connus dans la région, seront ici mentionnées. Il est apparu que l’enceinte de 80 m de côté était délimitée par un fossé large de 11 à 13 m et profond de 3,70 à 4,40 m [fig. 322]. Au niveau de l’entrée, située sur la façade est, la profondeur du fossé atteignait 5,40 m. Les vestiges du rempart, conservés sur 1,30 m de haut, se présentaient comme un talus massif, large de 12 m à la base. Dans la zone enclose, dont la superficie ne dépasse pas 2 500 m2, ont été mis au jour plusieurs bâtiments du second âge du Fer disposés autour d’une cour, un bâtiment maçonné romain à galerie de façade et un puits. Ce dernier a livré un seau en chêne daté par la dendrochronologie de 222-212 av. J.-C. La fondation de l’établissement vers la fin du iiie s. av. J.-C. est confirmée par les fragments de céramique et d’amphores qui y ont été découverts. La fouille de deux voies gauloises confirme la présence d’un carrefour sur le flanc ouest de l’enceinte et l’ancienneté de la route qui longe le site au nord, celle-là même qui relie Tronoën, sur la façade atlantique de la péninsule Armoricaine, à la baie de Saint-Brieuc [fig. 316 : 8], avant de se poursuivre vers Corseul le long des côtes de la Manche. À 80 m à l’est, dans un enclos de 50 m de côté, lui aussi délimité par un fossé, était implanté un vaste édifice à quatre corps disposés autour d’une cour, dont chacun mesure 35 m de long. Cette construction, de dimensions comparables à celles du bâtiment à trois corps qui occupait la basse-cour sud de la résidence de Paule aux phases 4 et 5 (début du iie-ier s. av. J.-C.) [fig. 89], est interprétée elle aussi comme une dépendance –entrepôt ou lieu de marché. Elle est datée à peu près de la même période : fin du iie ou ie s. av. J.-C. (Chartier-Le Floch 2010 : 57). À 250 m à l’est de l’enceinte, une agglomération gauloise constituée de parcelles encloses abritant des maisons et leurs dépendances, notamment des greniers et des puits, a été fouillée sur près de 3 ha, mais sa superficie pourrait atteindre entre 5 et 7 ha si l’on en croit la topographie et le tracé de la voie. Les tessons de céramiques et d’amphores découverts dans cette agglomération et les objets en bois retrouvés dans les puits montrent qu’elle a été occupée durant les iie et ier s. av. J.-C. Aux ier et iie s. ap. J.-C., seule l’enceinte a continué d’être habitée. Aux iie et iiie s. ap. J.-C, un atelier de potier antique est en activité à 650 m à l’est de l’enceinte. Cet atelier occupe la partie sud d’une parcelle qui a livré des monnaies gauloises et romaines ainsi qu’une statuette en bronze d’Hercule ou de Mercure (Leroux 2008 : 29-36), le tout éparpillé autour d’une chapelle dédiée à Sainte Marie. Cette chapelle est donc édifiée sur des vestiges antiques qui pourraient bien être ceux d’un sanctuaire. Ce dernier aurait été installé à proximité de l’établissement de l’âge du Fer, comme ce fut le cas à Paule et à Plaudren.

FIG. 322. Trégueux / La Porte Allain (Côtes-d’Armor). Fouillée en 2009-2010 sur le tracé de la rocade de Saint-Brieuc, cette enceinte de 80 m de côté est délimitée par un fossé large de 11 à 13m et profond de 3,70 à 5,40 m. À l’intérieur, plusieurs bâtiments du second âge du Fer, un bâtiment romain à galerie de façade et un puits qui a livré un seau en chêne daté de 222-212 av. J.-C. L’établissement, fondé à la fin du IIIe s. av.J.-C. au carrefour des voies reliant Tronoën et Quimper à la Baie de Saint-Brieuc, est occupé jusqu’au Ier s. av. J.-C. Un ensemble sur cour et une agglomération gauloise ont été mis au jour à 250 m à l’est (fouille Tim Allen / Oxford archaeology).
Trégueux / La Porte Allain (Côtes-d’Armor). Excavated in 2009-2010 on the path of the Saint-Brieuc ring road, this enceinte, 80 m per side, is delimited by a ditch 11 to 13 m wide and 3.70 to 5.40 m deep. Inside, there are several Second Iron Age buildings, a Roman building with a façade gallery and a well that yielded an oak bucket dated to 222-212 BC. The establishment, founded at the end of the 3rd c BC at the intersection of the roads linking Tronoën and Quimper to the Saint-Brieuc Bay, was occupied until the 1st c. BC. A courtyard ensemble and a Gallic agglomeration were excavated at 250 m to the east (excavation Tim Allen / Oxford archaeology).

Photo G. Leroux.

53À partir de ces trois exemples, les seuls aujourd’hui précisément étudiés en Bretagne, on peut établir un premier modèle d’organisation de l’habitat pour les iie et ier s. av. J.-C., dans lequel une enceinte quadrangulaire domine un habitat groupé. La localisation de ces enceintes à proximité des voies majeures montre qu’elles participent, au même titre que les enceintes de contour ou les éperons barrés les plus vastes, au contrôle et à l’entretien du réseau viaire.

10.4.6. La position clé de Paule dans le contrôle des voies majeures de la cité : terrestres, maritimes et fluviales

54Lorsqu’elle est resituée dans la configuration des territoires à la fin de l’âge du Fer, il apparaît donc que l’enceinte de Paule occupe une position particulièrement remarquable. Elle est installée en effet au carrefour de trois voies majeures qui desservaient le cœur de la péninsule Armoricaine et reliaient les rivages de la Manche à ceux de l’Atlantique. Il faudrait éviter toutefois d’expliquer sa présence et son caractère exceptionnel présumé par cette seule position stratégique. En effet, rien n’indique une réelle spécificité de cet établissement au moment de sa fondation : s’il tient compte du carrefour dans l’organisation de ses clôtures, il n’affiche aucun des caractères qui pourraient affirmer sa vocation de contrôle de des axes routiers. Il ne se présente alors que comme une vaste exploitation agricole, comme il en existait probablement des dizaines en « Centre Bretagne ».

55Il faut attendre le remplacement de la ferme initiale par une résidence monumentale et sa mise en défense dans le courant du iiie s. av. J.-C. pour que sa vocation de contrôle du carrefour puisse être évoquée. Mais Paule est alors intégrée dans un réseau d’enceintes réparties sur la péninsule, et rien n’indique qu’elle y ait occupé une position dominante.

56La position excentrée du Camp de Saint-Symphorien dans la cité des Osismes, à une dizaine de kilomètres de sa frontière présumée avec la cité des Vénètes, n’est pas sans rappeler celle du Camp de Lescouët à Guégon [fig. 316 : 26], vaste enceinte de contour rappelons-le et site majeur des Vénètes, positionnée à une dizaine de kilomètres en arrière de la frontière présumée entre cette cité et celle des Coriosolites. Il n’est donc pas impossible que certaines de ces enceintes quadrangulaires et de contour, qui disposaient de véritables fortifications, aient participé à la défense de la cité.

10.5. Une résidence hors du commun

10.5.1. Paule et l’habitat du second âge du Fer en Bretagne.

57Yves Menez et Patrick Naas

58Pour établir quelles sont les spécificités de Paule dans le corpus des habitats de l’âge du Fer jusqu’ici étudiés en Bretagne, il faut distinguer les trois étapes de son évolution.

  • 20 Et datées, rappelons-le, par la découverte de stèles, de souterrains et de nécropoles encloses cara (...)

59Le premier habitat, fondé au vie s. av. J.-C. et dont la démolition s’est achevée au début du iiie s. av. J.-C., peut être comparé à la quinzaine d’habitats contemporains fouillés dans la région et aux centaines de fermes encloses de la même période révélées par les prospections aériennes20. Dans un premier ensemble on trouve des fermes composées d’enclos accolés ou emboîtés tels ceux –quadrangulaires– du Boisanne à Plouër-sur-Rance (Menez 1996 : 184-188) ou ceux –curvilignes– de Kerven Teignouse à Inguiniel (Tanguy 2000 : 152). Un second groupe est composé d’enclos ovales plus vastes assez semblables au premier habitat de Paule, comme ceux qui ont été fouillés au Talhouët à Pluvigner, dans le Morbihan (Hamon 2018 : 93), ou à Kervouyec près de Quimper (Tanguy 1988). Les seules particularités de Paule par rapport à tous ces sites tiennent à l’ampleur de ses installations. La superficie des espaces enclos tout d’abord : 1 ha pour celui qui est occupé par la maison, à quoi il faut rajouter les 5 000 m2 de celui qui lui est adossé au nord. La superficie de la maison ensuite, dix fois supérieure aux 20 m2 habituellement observés. Le nombre et la dimension de ses structures de stockage encore, qui ne sont approchés –sans être égalés– que par le site d’Inguiniel. La régularité de son plan enfin, expression d’un souci de mise en scène architecturale qui tranche sur l’organisation souvent plus confuse des autres sites. Paule, durant cette période, se présente donc comme un habitat qui respecte les schémas d’organisation des exploitations rurales contemporaines en les exacerbant. Les prospections aériennes montrent que ceci n’est pas exceptionnel dans la région : d’autres fermes du même type existent, certainement par centaines, avec des maisons tout aussi imposantes, au premier rang desquelles Langonnet / Kerihuel, à 8 km au sud.

60La seconde phase de la résidence, caractérisée par l’édification d’un petit rempart et de tours qui lui confèrent un aspect monumental, marque une rupture sans guère d’équivalents connus. Les seuls sites fouillés qui soient comparables dans la péninsule Armoricaine sont ceux de Kerven Teignouze à Inguiniel et de La Porte Allain à Trégueux. Ces deux exemples montrent que le processus observé à Paule pour le iiie s. ne peut être considéré comme unique, d’autant que les prospections ont montré la présence dans l’ensemble de la région de dizaines d’enclos quadrangulaires de forme et de dimensions comparables. Toutefois, les comparaisons réduites à l’ensemble des sites constitués de deux enclos accolés ne sont pas pertinentes, la taille des fossés restant souvent modeste. Les enclos quadrangulaires simples délimités par un fossé dépassant 3 m de large sont certes présents dans le corpus mais leur nombre, réduit si on le compare au millier d’enclos quadrangulaires reconnus par avion, en souligne le caractère privilégié : une centaine d’habitats tout au plus, parmi les 4 000 plans complets identifiés par prospection aérienne. La plupart des petits enclos quadrangulaires aux fossés très larges mais non fortifiés reconnus chez les Riedones, tel celui des Hauts de Gaudon fouillé à Vern-sur-Seiche en Ille-et-Vilaine (Escats 2017), pourraient entrer dans cette catégorie.

61La troisième phase, celle qui voit la mise en œuvre, dans la seconde moitié du iiie s. av. J.-C., de véritables remparts précédés de fossés très profonds, correspond à la construction d’une résidence fortifiée qui demeure exceptionnelle dans la péninsule. Mais là encore, il paraît difficile de croire au caractère unique de cet habitat. Malgré les destructions provoquées récemment par les travaux de remembrement sur un grand nombre de ces enceintes, certaines présentent encore les traces de remparts successifs, telle celle de Ru Marc’h à Lanmeur dans le Finistère, et d’autres conservent encore les vestiges de remparts plus imposants que ceux du Camp de Saint-Symphorien. Le gabarit exceptionnel des fossés monumentaux mis au jour à Paule et à Trégueux reste également rare dans le corpus des enclos découverts par avion dans la région. Seuls quelques grands enclos cloisonnés peuvent supporter la comparaison. De forme généralement quadrangulaire, ils développent des superficies de 1,4 à 2 ha pour une largeur de l’ensemble rempart-fossé atteignant 10 m. On peut citer notamment les sites de Ménéac / Couesmelan et de Pluméliau / Keraluy, dans le Morbihan. Un système fossoyé particulièrement spectaculaire s’étendant sur 3,5 ha, identifié à Saint-Étienne-du-Gué-de-l’Isle / La Ville Caro, dans les Côtes-d’Armor, pourrait également entrer dans la catégorie des sites fortifiés : la partie résidentielle, d’une superficie de 13 000 m2, est délimitée par des fossés de 4 à 5 m flanqués de remparts atteignant 8 à 10 m de large. À Saint-Erblon / Les Douvettes, en Ille-et-Vilaine, un ensemble rectangulaire compartimenté de 2,3ha abritant un enclos résidentiel de 4 000 m2 est délimité par deux fossés parallèles d’une largeur de 4m enserrant les vestiges d’un rempart de 10 m de large. Enfin, on ajoutera à cette liste quelques grands sites à larges douves comme celui de Tréméleur à Neulliac dans le Morbihan, déjà évoqué [fig. 320]. En définitive, peu de ces sites semblent avoir été totalement arasés. La plupart doivent donc être recherchés parmi les enceintes mentionnées dans les anciens inventaires. Leur nombre, redisons-le, ne doit pas excéder une centaine dans l’ensemble de la région.

62Durant la quatrième phase, dans le second quart du iie s., est édifiée une enceinte de défense extérieure englobant une dizaine d’hectares et abritant plusieurs dépendances dans une vaste basse-cour qui est encore un espace agricole. Son évolution ultime à la phase 5 voit les constructions s’y multiplier. Ce mouvement paraît pouvoir s’assimiler à la naissance d’une agglomération qui serait placée sous la tutelle et la protection de la résidence, toujours présente, de plus en plus équipée et de plus en plus fortifiée. Ainsi, au décours du ie s. av. J.-C., l’habitat de Paule finit-il par rejoindre le groupe restreint des grandes enceintes de la péninsule. Ce sont les rares sites de Bretagne dont la plupart des chercheurs admettent aujourd’hui qu’on puisse les désigner comme oppida, terme réservé aux sites fortifiés majeurs de l’Europe celtique (Fichtl 2005 : 11-40). Mais, là encore, la découverte récente d’occupations tout aussi étendues à Plaudren ou Trégueux limite fortement le caractère exceptionnel du site de Paule dans la région. Bien des agglomérations gauloises sont encore inconnues, soit qu’elles n’aient jamais été fortifiées, soit parce que les petits remparts qui les protégeaient ne sont plus perceptibles du fait de leur arasement, ou qu’ils soient dissimulés par le bocage breton.

10.5.2. De l’établissement domanial à l’agglomération castrale

63La place de Paule dans le corpus des habitats armoricains apparaît comme remarquable à chaque étape de son évolution, sans être exceptionnelle. Son histoire semble en revanche hors du commun. La grande ferme des origines, qui abritait vraisemblablement sous un même toit toute une maisonnée composée d’une famille élargie et de ses dépendants, est devenue –pour reprendre les termes utilisés pour les habitats élitaires du Moyen Âge– une « maison forte » caractérisée par des constructions plus monumentales que celle des « maisons planes » contemporaines. Puis elle s’est transformée en « château-fort », une résidence fortifiée dans laquelle résidait la famille, les personnes qui travaillaient à son service étant cantonnées dans une cour séparée, simplement clôturée dans un premier temps, puis également fortifiée. Enfin, durant les iie et ier s. av. J.-C., on assiste à la naissance d’un « bourg castral », une agglomération placée sous le contrôle de la résidence fortifiée et qui accueillait certaines de ses dépendances, écurie, grange et entrepôts, mais également de nombreuses habitations.

64Cet essor sans pareil traduit vraisemblablement celui de la famille qui possèdait cet établissement. Tout, dans les éléments mis au jour, témoigne en effet d’un accroissement constant de sa richesse et de son pouvoir, qui se traduit aussi bien dans la qualité des constructions que dans la diversité des objets jetés ou perdus.

10.5.3. La fin de Paule et la naissance de la cité romaine

  • 21 César, BG, II, 34 : « Dans le même temps, César fut informé par P. Crassus, envoyé par lui, avec un (...)

65L’évolution constatée à Paule souligne la lente émergence des pouvoirs d’une lignée. Au ier s. av. J.-C., la résidence était devenue le cœur d’une agglomération et avait assis son pouvoir sur un vaste territoire. La conquête des Gaules va changer la donne. Les Osismes sont soumis en 57 av. J.-C. avec les autres peuples armoricains21. Comme nous l’avons vu plus haut, ils participent cependant, l’année suivante, à la coalition conduite par les Vénètes, qui se conclut par une défaite (cf. supra, § 10.4.1). L’absence de toute trace de combat à Paule, pourtant situé à proximité de la cité des Vénètes, montre que le site a dû être épargné des destructions causées par la guerre.

66Aucune colonie n’a été installée sur le territoire osisme. Moyennant le versement d’un tribut, la vie a pu continuer selon les anciennes lois et coutumes. Puis, vers 15 av. J.-C., il a fallu doter la cité d’une capitale digne d’accueillir le siège des nouvelles institutions. Rome a choisi de fonder une ville ex nihilo, sur un vaste plateau bordé d’une rivière, au cœur du bassin de Châteaulin, entre les contreforts des Monts d’Arrée, où se situait l’enceinte du Camp d’Artus, et les contreforts des Montagnes Noires, dominés par l’enceinte du Camp de Saint-Symphorien. L’enceinte et l’agglomération de Paule ont été démolies et la population déplacée. Un lieu de culte a perpétué le lieu et permis d’accueillir, autour des deux tumuli de l’âge du Bronze rappelant peut-être les deux nécropoles de la fin du premier âge du Fer, un culte funéraire marquant l’ancestralité et la légitimité de la famille au moment où elle s’impliquait vraisemblablement dans des transformations politiques majeures de la cité, notamment la fondation de Vorgium, le nouveau chef-lieu.

67Le cas n’est pas spécifique à Paule. Il est vraisemblable à Trégueux et démontré à Plaudren. Il n’est pas non plus spécifique aux enceintes quadrangulaires. Sur le site du Mur à Comblessac, à la limite du Finistère et du Morbihan, un sanctuaire a été édifié près d’un éperon barré d’une superficie légèrement supérieure à l’hectare. Les prospections ont montré, comme à Plaudren, la présence d’une agglomération romaine et peut-être gauloise sur plus de 5 ha.

68La poursuite de ce culte rendu aux mânes des ancêtres de la famille durant au moins trois siècles atteste l’attachement à la mémoire de ce lieu. Le lien entre l’ancienne agglomération de Paule et la cité de Vorgium se maintient, marqué par l’aqueduc qui, durant les iie et iiie s., capte les sources situées à proximité immédiate du site pour alimenter la nouvelle capitale. La riche famille qui possédait ces terres a peut-être facilité la construction de la conduite en offrant le passage sur ses domaines.

69On ne peut qu’être surpris par l’édification au viies., en contrebas, d’une puissante résidence fortifiée de l’aristocratie bretonne, dotée d’une chapelle à l’emplacement des sources alimentant l’aqueduc. Il peut s’agir d’une coïncidence, la présence d’un important carrefour routier et de mines ayant suffi à motiver la construction de cette enceinte. Dans cette période qui voit la disparition progressive des institutions impériales, la construction de ce lieu de pouvoir a également pu marquer le retour de la famille, après plusieurs siècles de présence dans le chef-lieu de cité, sur ses domaines ancestraux. Ceci n’est que conjecture toutefois car, en l’absence de textes, il sera impossible de le prouver.

10.5.4. Paule : une spécificité bretonne ?

70Les recherches engagées sur le Camp de Saint-Symphorien montrent qu’il s’agit d’une résidence hors du commun édifiée par une puissante famille osisme. Mais établir un « modèle » d’habitat aristocratique à partir de ces recherches n’est pas sans poser problème. Alors même que de nombreux sites du second âge du Fer sont fouillés chaque année en France, comment concilier le caractère exceptionnel supposé du Camp de Saint-Symphorien avec l’image d’une aristocratie nombreuse et très présente sur le territoire, autant que l’on puisse en juger par les textes antiques ? Les données recueillies ne prendront donc réellement de sens que dans le cadre d’une réflexion élargie à l’ensemble de la Gaule, qui permettra seule de déterminer la place de ce site dans la hiérarchie de l’habitat et de préciser les critères qui fondent l’hypothèse de son interprétation comme résidence aristocratique. Préciser les concepts et les tester sur le corpus d’ores et déjà élaboré constituera la base solide d’une poursuite des recherches. Ce sera l’objet du chapitre suivant.

Notes

1 Sur Maurice Gauthier cf. supra, § 1.3, note 6. Claudine Bernard est archéologue bénévole, membre de l’association « Les Chemins de l’archéologie » de Plussulien (Côtes-d’Armor).

2 Acronyme de l’expression anglaise « laser detection and ranging », soit « détection et estimation de la distance par laser ».

3 Opération réalisée dans le cadre d’un partenariat entre l’État (Drac de Bretagne), la Région Bretagne et le Pays du Centre-Ouest Bretagne, regroupement administratif qui comptait 110 communes à l’époque. Alain Provost, archéologue indépendant, a notamment dirigé la fouille du temple du Haut Bécherel à Corseul, dans les Côtes-d’Armor (Provost et al. 2010) et l’étude de l’aqueduc romain de Carhaix, dans le Finistère (Provost et al. 2013). Éric Philippe, docteur en sciences de l’Antiquité, est directeur scientifique pour l’Ouest-Atlantique au sein du bureau archéologique Eveha.

4 cf. supra, § 1.5, note 9.

5 C’est-à-dire en dessous de la ligne de partage des eaux.

6 L’intervention était placée sous la direction de Marion Berranger.

7 Jean-Yves Éveillard est maître de conférence agrégé d’histoire ancienne à la faculté des Lettres Victor-Segalen de Brest, et associé au Centre de recherche bretonne et celtique.

8 La présence de cette voie nous a été signalée par Maurice Gautier.

9 Elles ont pu servir également, au haut Moyen Âge, à la construction de la résidence de Bressilien.

10 Cf. supra, § 8.3.4.2, note 29.

11 La halde, autrement appelée « crassier », est une accumulation de terres stériles issues de l’exploitation d’une mine.

12 Communication orale de Béatrice Cauuet.

13 L’examen de ces mines, identifiées et précisément relevées lors de l’acquisition des données lidar, a été effectué en collaboration avec Guirec Querré, Cécile Le Carlier de Veslud, archéométallurgiste (CReAAH ; UMR 6566 du CNRS), et Maudez Kerjean.

14 Ce texte est un résumé du rapport rendu en 1995 par Maudez Kerjean, géologue, ancien prospecteur minier au Bureau de recherche géologique et minière (BRGM), division minière Vendée-Bretagne (Menez 2008 : 401-404). Qu’il soit ici remercié pour son précieux soutien. Le texte a été relu par Yves Chantreau, géomorphologue au SRA de Bretagne.

15 Relevé réalisé par la sarl ATM3D, Bertrand Chazaly.

16 Strabon (Géogr., I, 4) : « […] les différents caps ou promontoires qui prolongent cette côte [atlantique], et parmi lesquels on distingue le Kabaion [un cap qui peut être la pointe de Penmarc’h ou la pointe du Raz] dans le pays des Ostimioi, avec les îles circonvoisines, avec Ouxisamè [= Ouessant] notamment, qui se trouve la plus reculée de tout le groupe, sa distance de la côte étant, au dire de Pythéas, de trois journées de navigation. »

17 Ils font partie de la coalition que dirigent les Vénètes contre l’armée romaine (César, BG, III, 9) : « Ils réunissent chez les Vénètes le plus de vaisseaux possible, persuadés que César y porterait d’abord la guerre. Ils s’associent pour la faire les Osismes, les Lexoviens, les Namnètes, les Ambiliates, les Morins, les Diablintes et les Ménapes ; ils demandent des secours à la Bretagne, située vis-à-vis de leurs côtes. »

18 César, BG, III, 8 : « Cette dernière nation est de beaucoup la plus puissante de toute cette côte maritime. Les Vénètes, en effet, ont un grand nombre de vaisseaux qui leur servent à communiquer avec la Bretagne ; ils surpassent les autres peuples dans l’art et dans la pratique de la navigation, et, maîtres du peu de ports qui se trouvent sur cette orageuse et vaste mer, ils prélèvent des droits sur presque tous ceux qui naviguent dans ces parages. »

19 Archéologue, président de l’association Scorff et patrimoine. Il coordonne actuellement la rédaction de la monographie de ce site.

20 Et datées, rappelons-le, par la découverte de stèles, de souterrains et de nécropoles encloses caractéristiques de cette période (cf. supra, § 10.3.1).

21 César, BG, II, 34 : « Dans le même temps, César fut informé par P. Crassus, envoyé par lui, avec une seule légion, contre les Vénètes, les Unelles, les Osismes, les Coriosolites, les Ésuviens, les Aulerques, les Redons, peuples maritimes sur les côtes de l’Océan, qu’ils s’étaient tous soumis au pouvoir du peuple romain. »

Table des illustrations

Légende FIG. 301. Relevé lidar réalisé autour de la résidence : a modèle numérique de terrain ; b localisation des vestiges archéologiques sur le modèle numérique, incluant le résultat des prospections aériennes et les anomalies du cadastre de 1827. Ces indices ont tous été contrôlés au sol. Nord : nord magnétique. Lidar recording of the area around the residence : a digital field model ; b localization of the archaeological artifacts on the digital model, including the results of aerial surveys and the anomalies of the 1827 cadaster. All these elements were verified on the ground. North : magnetic north.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/48785/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 404k
Légende FIG. 302. Détails du relevé lidar : a le tumulus no 3, adossé à une ancienne limite parcellaire ; b l’enclo quadrangulaire no 11. Image lidar rééchantillonnée à 300 PP pour l’édition. Nord : nord magnétique. Acquisition de l’image lidar G2B ; traitement T. Lorho. Details of the Lidar recording : a Tumulus 3, contingent with a former parcel border ; b Quadrangular enclosure 1 Lidar image resampled at 300 PP fo publishing. North : magnetic north.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/48785/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 68k
Légende FIG. 303. L’enclos quadrangulaire de Lannou Braz, à Paule, découvert en prospection aérienne à 3 km au sud-ouest du Camp de Saint-Symphorien, à 100 m au delà de la zone couverte par le lidar. Quadrangular enclosure of Lannou Braz, at Paule, discovered via aerial surveying at 3 km to the south-west of the Camp de Saint-Symphorien, 100 m beyond the zone covered by lidar.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/48785/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 29k
Légende FIG. 304. L’habitat enclos quadrangulaire du second âge du Fer de Rosquelfen à Laniscat (Côtes-d’Armor), à 22 km à l’est de l’enceinte de Paule (fouille E. Roy). Enclosed quadrangular settlement of of Rosquelfen at Laniscat (Côtes-d’Armor), attributed to the Second Iron Age and located 22 km to the east of the Paule enclosure (excavation E. Roy).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/48785/img-4.jpg
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Légende FIG. 305. Report sur le cadastre de 1825 des sites médiévaux identifiés aux alentours immédiats du Camp de Saint-Symphorien (leur numérotation fait référence à la fig. 301) : 13 chapelle de Saint-Symphorien, édifiée au VIIIe s. auprès des sources, agrandie au XVe s., démolie au XVIIIe s. (fouille J. Le Gall) ; 14 enceinte de Bressilien, occupée du VIIe s. au Xe s. et interprétée comme une résidence de l’aristocratie bretonne (fouille J. Le Gall et Y. Menez) ; 15 atelier de métallurgie du VIIe s., intégré au XIe s. dans un ensemble composé d’une motte castrale et de sa basse-cour (fouille M.Berranger). Recording on the 1825 cadaster of the medieval sites identified in close proximity to the Camp de Saint-Symphorien (their numeration refers to fig. 301) : 13 Chapel of Saint-Symphorien, built in the 8th c. near springs, enlarged in the 15th c., demolished in the 18th c. (excavation J. Le Gall) ; 14 Bressilien enceinte, occupied from the 7th to 10th c. and interpreted as an aristocratic Breton residence (excavation J. Le Gall and Y. Menez) ; 15 metallurgy workshop of the 7th c., integrated in the 11th c. into an ensemble composed of a motte-and-baily castle and its farmyard (excavation M. Berranger).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/48785/img-5.jpg
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Légende FIG. 306. Détail du relevé lidar : la motte castrale de Castellaouenan, à 2,5 km à l’ouest de la résidence (site no20). Nord : nord magnétique. Detail of the lidar recording : the motte-and-baily castle of Castellaouenan, at 2,5 km to the west of the résidence (site 20). North : magnetic north.
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Légende FIG. 307. En 1950, la façon dont la voie majeure reliant Vannes à Carhaix descend du coteau avant de reprendre son cours dans la plaine est encore parfaitement visible d’avion. Une profonde entaille témoigne alors des terrassements réalisés avant notre ère pour corriger la pente et assurer la bonne circulation des chariots. In 1950, the manner in which the major road linking Vannes to Carhaix descends the hill before rejoining its route on the plain is clearly visible from the air. A deep notch attests to the land modifications made before the Common Era to correct the slope and ensure the safe circulation of chariots.
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Légende FIG. 308. Les sites d’extraction minière autour de la résidence (détails du relevé lidar) : a le site no24, un ensemble d’excavations en enfilade dont l’une est recoupée par l’enclos médiéval no19, fonctionne avec la retenue d’eau et le ruisseau de Coat ar Scaon (no 28) ; b le site no 22 (22a mine ? 22b mines, 25 installation minière ?) fonctionne avec la retenue d’eau et le ruisseau de Bellevue (no 27). La numérotation des sites fait référence à la fig. 301 ; nord : nord magnétique. The mining sites near the residence (details of the lidar recording) : a Site 24, a row of excavations, one of which is traversed by the Medieval enclosure 19, functioned with stored water and the Coat ar Scaon stream (28) ; b Site 22 (22a mine ? 22b minewater trench ? 22c-d mines, 22e mining installation ?) functioned with stored water and the Bellevue stream (27). The site numeration refers to fig. 301 ; north : magnetic north.
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Légende FIG. 309. Localisation des gisements de sulfures (d’après Aye 1982) et de quelques occurrences aurifères en Centre Bretagne. Locations of sulfides sites (after Aye 1982) and a few auriferous locations in Centre Bretagne.
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Légende FIG. 310. Sites attribués à l’âge du Fer dans le « Centre Bretagne » (la zone définie pour l’étude compte 110 communes, 3 264km2) : a cartographie générale ; b distance de séparation entre les enceintes quadrangulaires et de contour, en kilomètres. Tous les sites découverts en prospection aérienne ont été contrôlés au sol. Sites attributed to the Iron Age in “Centre Bretagne” (the zone defined for the study is comprised of 110 municipalities, 3,264 km2) : a general cartography ; b distance of separation between the quadrangular and contour enclosures, in kilometers. All the sites discovered via aerial surveying were verified on the ground.
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Légende FIG. 311. Fermes encloses découvertes lors des prospections aériennes dans le « Centre Bretagne ». Elles sont attribuées à la période VIe-IVe s. av. J.-C. à cause de leur morphologie et de leur association avec des enclos funéraires quadrangulaires, caractéristiques de la période : a Saint-Nicolas-du-Pélem / Dalbartic, Côtes-d’Armor ; b Saint-Connec / Bernouë, Côtes-d’Armor (le souterrain, non représenté, et la nécropole ont été partiellement fouillés en 1888) ; c Sainte-Tréphine / Coët Parked, Côtes-d’Armor ; d Plussulien / Kergolen, Côtes-d’Armor ; e Langonnet / Kerihuel, Morbihan ; f Plouguernevel / Kerroc’h, Côtes-d’Armor ; g Paule/Camp de Saint-Symphorien, phase 1. Enclosed farms discovered via aerial surveys in “Centre Bretagne.” They are attributed to the 6th-4th c. due to their morphology and association with quadrangular funerary enclosures, typical of the period : a Saint-Nicolas-du-Pélem / Dalbartic, Côtes-d’Armor ; b Saint-Connec/ Bernouë, Côtes-d’Armor (the souterrain, not represented, and the necropolis were partially excavated in 1888) ; c Sainte-Tréphine / Coët Parked, Côtes-d’Armor ; d Plussulien/ Kergolen, Côtes-d’Armor ; e Langonnet / Kerihuel, Morbihan ; f Plouguernevel/ Kerroc’h, Côtes-d’Armor ; g Paule / Camp de St-Symphorien, Phase 1.
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Légende FIG. 312. Vue aérienne de la ferme enclose de Langonnet / Kerihuel (Morbihan). Malgré la faille géologique qui traverse le site, on distingue le tracé des fossés, les fondations de deux maisons successives face à l’entrée et l’alignement de fosses qui caractérise l’effondrement des voûtes d’un souterrain (flèche) à l’emplacement des maisons. Le plan de l’une d’entre elles est très semblable à celui de la maison de la phase 1 de Paule. Aerial view of the enclosed farm of Langonnet / Kerihuel (Morbihan). Despite the geological fault that traverses the site, we distinguish the ditch lines, the foundations of two successive houses facing the entrance, and the trenches that characterize the collapse of souterrain ceilings (arrow) in the location of the houses. The plan of one of them is similar to that of the Phase 1 house at Paule.
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Légende FIG. 313. Plan simplifié de quelques habitats ruraux fouillés en Bretagne et datés de la période IIIe-Ier s. av. J.-C. : a Laniscat / Rosquelfen, Côtes-d’Armor ; b Vitré / La Grande Haie, Ille-et-Vilaine ; c Lamballe/La Tourelle, Côtes-d’Armor ; d Inguiniel / Kerven Teignouse, Morbihan ; e Paule / Saint-Symphorien, phase 2 ; f Quimper / Les Hauts de Penvillers, Finistère ; g Corps-Nud / La Huberdière, Ille-et-Vilaine. Simplified plan of a few rural settlements excavated in Brittany and dated to the 3rd-1st c. BC : a Laniscat / Rosquelfen, Côtes-d’Armor ; b Vitré/La Grande Haie, Ille-et-Vilaine ; c Lamballe/La Tourelle, Côtes-d’Armor ; d Inguiniel/Kerven Teignouse, Morbihan ; e Paule/Saint-Symphorien, Phase 2 ; f Quimper/ Les Hauts de Penvillers, Finistère ; g Corps-Nud/ La Huberdière, Ille-et-Vilaine.
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Légende FIG. 314. Les six enceintes quadrangulaires du « Centre Bretagne » attribuées au second âge du Fer, certaines ayant continué d’être occupées à l’époque romaine : a Paule / Camp de Saint-Symphorien ; b Spézet / Saint-Adrien, Finistère ; c Plonévez-du-Faou / Tréambon, Finistère ; d Saint-Nicolas-du-Pélem / Rigno Cren, Côtes-d’Armor ; e Saint-Connec / Bernouë, Morbihan, à ne pas confondre avec la ferme enclose du même nom qui se situe 450 m au sud (cf.supra, fig311b) ; f Chateauneuf-du-Faou / Lesneven (Finistère). Plans simplifiés établis à partir des photos aériennes redressées. Tous sauf f ont été confrontés aux cadastres napoléonien (1825) et actuel. The six quadrangular enceintes of “Centre Bretagne” attributed to the Second Iron Age, some of which were occupied until the Roman period : a Paule / Camp de Saint-Symphorien ; b Spézet /Saint-Adrien, Finistère ; c Plonévez-du-Faou/Tréambon, Finistère ; d Saint-Nicolas-du-Pélem/Rigno Cren, Côtes-d’Armor ; e Saint-Connec /Bernouë, Morbihan ; f Chateauneuf-du-Faou/ Lesneven, Finistère. Simplified plans made based on straightened aerial photographs. All except “f” were compared with the Napoleon cadaster (1825) and current cadaster.
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Légende FIG. 315. Les seules enceintes de contour connues dans le « Centre Bretagne » : a Huelgoat / Camp d’Artus (Finistère), relevée et sondée en 1938 (Wheeler, Richardson 1957 : 22-38) et qui a fait l’objet en 2009 d’un relevé lidar ; b Paule / Camp de Saint-Symphorien. The only contour enclosures known in “Centre Bretagne” : a Huelgoat / Camp d’Artus (Finistère), recorded and tested in 1938 (Wheeler, Richardson 1957 : 22-38) and recorded by lidar in 2009 ; b Paule/Camp de Saint-Symphorien.
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Légende FIG. 316. Paule est situé dans le territoire osisme, non loin de sa frontière avec le territoire vénète. Les limites des cités ont été établies par Louis Pape (1978) et Patrick Naas (1999), le réseau viaire a été reporté d’après l’étude d’Alain Provost (Menez et al. 2015 : 12-17). Les enceintes quadrangulaires sont assez nombreuses ; les enceintes de contour, semblables à celle de Paule dans sa phase maximale d’extension, sont plus rares. En gras dans la liste, les sites fouillés. Paule is located in the Osismii territory, not far from its border with the Veneti territory. The city limits were established by Louis Pape (1978) and Patrick Nass (1999), the road system was reported following the study by Alain Provost (Menez et al. 2015 : 12-17). The quadrangular enclosures are quite numerous ; the contour enclosures, similar to those at Paule in its maximal phase of extension, are less frequent. The excavated sites are indicated in bold type in the list.
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Légende FIG. 317. Quelques enceintes quadrangulaires connues dans les cités osisme et vénète : a Paule / Saint-Symphorien ; b Pont-de-Buis-lès-Quimerc’h /Le Muriou, Finistère ; c Plaudren /Kerfloc’h, Morbihan ; d Plogastel-Saint-Germain / Le Bourg, Finistère ; e Lanmeur / Ru Marc’h, Finistère ; f Hanvec / Kastell Bras, Finistère ; g Trégueux/ La Porte Allain, Côtes-d’Armor. Plans simplifiés établis à partir des photos aériennes redressées. A few quadrangular enclosure known in the Osismii and Veneti cities : a Paule / Saint-Symphorien ; b Pont-de-Buis-lès-Quimerc’h / Le Muriou, Finistère ; c Plaudren/Kerfloc’h, Morbihan ; d Plogastel-Saint-Germain / Le Bourg, Finistère ; e Lanmeur / Ru Marc’h, Finistère ; f Hanvec / Kastell Bras, Finistère ; g Trégueux / La Porte Allain, Côtes-d’Armor. Simplified plans made based on straightened aerial photographs.
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Légende FIG. 318. L’enceinte de Kerfloc’h à Plaudren (Morbihan) en vue aérienne. The Kerfloc’h enceinte in Plaudren (Morbihan) in aerial view.
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Légende FIG. 319. Les enceintes quadrangulaires les plus petites constituent la partie résidentielle d’établissements qui s’étendent sur plusieurs hectares. Elles sont entourées de parcelles encloses abritant leurs dépendances : a Neulliac / Trémeleur, Morbihan ; b Inguiniel / Kerven Teignouze, Morbihan ; c La Chapelle-Craonnaise / Quincampoix, Mayenne ; d Livré-la-Touche/ Pont Vien, Mayenne. Plans a, c-d établis à partir des photos aériennes redressées. The smallest quadrangular enceintes constitute the residential part of establishments that extend across several hectares. They are surrounded by enclosed parcels containing their annexes : a Neulliac / Trémeleur, Morbihan ; b Inguiniel / Kerven Teignouze, Morbihan ; c La Chapelle-Craonnaise / Quincampoix, Mayenne ; d Livré-la-Touche/ Pont Vien, Mayenne.
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Légende FIG. 320. L’enceinte quadrangulaire de Trémeleur à Neulliac (Morbihan) en vue aérienne. The quadrangular enceinte of Trémeleur à Neulliac (Morbihan) in aerial view.
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Légende FIG. 321. Trois enceintes quadrangulaires de la péninsule armoricaine autour desquelles ont été repérées les traces d’un habitat groupé ; 1 Paule / Camp de Saint-Symphorien, vue d’artiste des phases 5 et 6, milieu du Ies. av. J.-C.-début du Ier s. ap. J.-C. ; 2 Plaudren / Kerfloc’h, dans le Morbihan, second âge du Fer-époque romaine ; 3 Trégueux/La Porte Allain, dans les Côtes-d’Armor, fin du IIIes.- Ier s. av. J.-C. Three quadrangular enceintes on the Armorican peninsula around which the remains of a grouped settlement were found : 1 Paule / Camp de Saint-Symphorien, artist’s rendition of phases 5 and 6, middle of the 1st c. BC-beginning of the 1st c. AD ; 2 Plaudren/Kerfloc’h, in the Morbihan, Second Iron Age-Roman period ; 3 Trégueux / La Porte Allain, in the Côtes-d’Armor, end of the 3rd c.-1st c. BC
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/48785/img-21.jpg
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Légende FIG. 322. Trégueux / La Porte Allain (Côtes-d’Armor). Fouillée en 2009-2010 sur le tracé de la rocade de Saint-Brieuc, cette enceinte de 80 m de côté est délimitée par un fossé large de 11 à 13m et profond de 3,70 à 5,40 m. À l’intérieur, plusieurs bâtiments du second âge du Fer, un bâtiment romain à galerie de façade et un puits qui a livré un seau en chêne daté de 222-212 av. J.-C. L’établissement, fondé à la fin du IIIe s. av.J.-C. au carrefour des voies reliant Tronoën et Quimper à la Baie de Saint-Brieuc, est occupé jusqu’au Ier s. av. J.-C. Un ensemble sur cour et une agglomération gauloise ont été mis au jour à 250 m à l’est (fouille Tim Allen / Oxford archaeology). Trégueux / La Porte Allain (Côtes-d’Armor). Excavated in 2009-2010 on the path of the Saint-Brieuc ring road, this enceinte, 80 m per side, is delimited by a ditch 11 to 13 m wide and 3.70 to 5.40 m deep. Inside, there are several Second Iron Age buildings, a Roman building with a façade gallery and a well that yielded an oak bucket dated to 222-212 BC. The establishment, founded at the end of the 3rd c BC at the intersection of the roads linking Tronoën and Quimper to the Saint-Brieuc Bay, was occupied until the 1st c. BC. A courtyard ensemble and a Gallic agglomeration were excavated at 250 m to the east (excavation Tim Allen / Oxford archaeology).
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Auteurs

Archéologue, géomaticien, conservateur du Patrimoine au service régional de l’Archéologie de Centre-Val de Loire (ministère de la Culture, direction régionale des Affaires culturelles), Thierry Lorho est chercheur au Centre de recherche en archéologie, archéosciences, histoire (CReAAH ; UMR 6566 : CNRS, ministère de la Culture, Inrap, universités de Rennes 1 et 2, de Nantes et du Mans).

Archéologue, responsable d’opération à l’Inrap, interrégion Grand-Ouest, Joseph Le Gall est spécialisé dans l’étude des habitats ruraux de l’âge du Fer à la fin du haut Moyen Âge. De 2009 à 2013, il a dirigé avec Yves Menez les recherches menées sur l’enceinte médiévale de Bressilien à Paule.

Docteur en archéologie, ancien chargé de cours « Protohistoire » à l’université de Bretagne Sud, spécialiste des enclos d’habitat et des paysages agraires anciens. Il est responsable de prospection aérienne en Bretagne (1989-2018) et dirige depuis 2014, en collaboration avec le service régional de l’Archéologie de Bretagne, un projet de typochronologie des enclos en Bretagne, à paraître en 2022.

© Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2021

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