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Une résidence de la noblesse gauloise

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Yves Menez

Chapitre 9. Quelques considérations sur l’architecture

Chapter 9. Some elements concerning the architecture

Resumen

La pierre est utilisée assez largement dans les constructions de Paule : le grès d’abord, sous la forme de moellons pour le parementage des talus (phase 1) et de la partie basse des remparts (phases suivantes), le schiste ensuite pour les dallages et couvertures de caniveaux. Mais le matériau de construction principal reste le bois. Dix-sept espèces végétales ont été identifiées [tabl. xiv], avec une nette prédominance de Quercus sp., suivi par Coryllus avellana, Alnus sp., Genista sp., Cytisus sp. et Ulex sp. À la phase 1 des troncs d’aulne ont été utilisés, issus de zones humides, et des troncs de chêne provenant d’un milieu largement déboisé. À l’inverse, aux phases 4 et 5 les chênes ont poussé dans un écosystème unique : la forêt dense [tabl. xv ; fig. 284].
Ceci va à l’encontre des observations effectuées sur les autres habitats du second âge du Fer en Armorique, où l’on a pu conclure à l’utilisation presque exclusive d’arbres de haies, donc de milieu ouvert. Une évolution est perceptible aussi dans leur mise en œuvre : à la phase 1 les poteaux sont circulaires et sont refendus lorsque leur diamètre est supérieur à 20 cm. Aux phases suivantes, ils sont équarris et arrivent sans doute sur le site taillés aux dimensions souhaitées. En effet, les fondations d’une même construction ont désormais des niveaux d’implantation similaires. Les rares pièces de charpente retrouvées, toutes en chêne, sont parfois traversées par des mortaises rectangulaires. On note aussi la présence de planches et peut-être d’un bardeau. Sur les 145 kg d’argile rougie recueillis, 11 kg portent l’empreinte de clayonnages. Certains fragments présentaient encore, sur une face, un enduit blanc épais de 2 mm, sans doute du kaolin comme il en a été identifié sur les sites gaulois de Pluguffan / Keriner (Menez 1988 : 118), Quimper /Kergolvez, Prat / Pouilladou (Bardel 1986) ou St-Georges-les-Baillargeaux / Les Gains (Maguer 2015 : 28). D’autres fragments, retrouvés en grand nombre dans les décombres de l’incendie, sont sans équivalent dans la région : ce sont des blocs d’argile de 15 cm d’épaisseur lissés au moins sur une face, dans la masse desquels on voit des brins de paille presque parallèles [
fig. 285]. Tomographie et imagerie 3D ont permis d’observer qu’ils étaient intimement combinés avec l’argile [fig. 286]. La terre était donc très liquide et a sans doute été appliquée sur une surface horizontale. Plus qu’à un faîtage (car cette technique n’est pas celle des couvreurs traditionnels de Bretagne), on pense à des plafonds légers, peut-être destinés à séparer deux étages. Pour ce qui est des clôtures, durant la phase 1 le site se présentait comme une vaste exploitation agricole ceinte de talus comme l’on en voit sur la plupart des fermes gauloises dans la région [fig. 287]. À la phase 2, un petit rempart, quatre tours portières et deux tours d’angle marquent la monumentalité du nouvel habitat [fig. 289]. La verticalité affirmée de ces ouvrages leur permet de dominer les territoires avoisinants. En revanche, leur utilisation à des fins défensives paraît malaisée : les portes, trop nombreuses pour une superficie si réduite, peuvent être défoncées au bélier, et les tours d’angle ne flanquent pas le rempart. Tout semble basculer durant la phase 3 : le cœur de l’habitat est protégé par deux lignes concentriques de remparts dont les fossés, au profil triangulaire parfait, atteignent 7,50 m à l’ouverture et 4,50 m de profondeur. Trois des quatre portes d’accès sont condamnées et l’avant-cour constitue désormais un réel ouvrage avancé. L’arasement du rempart intérieur de cette double enceinte à la phase 4 pourrait résulter d’une volonté d’améliorer la fonction résidentielle de l’habitat après l’incendie, au détriment de sa valeur défensive. La création d’une vaste basse-cour protégée par un fossé large de 6 m, lui-même doublé d’un rempart à poutres verticales large de près de 4 m, pondère cette hypothèse. D’autant que la seule porte fouillée est dominée par une tour encadrée de deux ailes rentrantes [fig. 290]. À la phase 5, une nouvelle enceinte redonne au cœur de l’habitat des capacités défensives supérieures à celles dont il disposait à la phase 3. Deux accès sont créés au nord et au sud. Leur tracé complexe, avec ponts et chicanes, montre la priorité donnée au contrôle des portes. Vers le milieu du ier s. av. J.-C., une seconde phase de travaux comprend l’implantation de palissades de part et d’autre des portes et le renforcement de celle du sud par la construction d’une tour. Le rempart de la basse-cour est repris, son front est légèrement incliné et il est armé par un réseau de poutres entrecroisées. En définitive, les clôtures de la phase 5 sont comparables, par leur morphologie et leur ampleur, à celles des rares oppida de la région [fig. 288].
Basse-cour incluse et mis à part les greniers et entrepôts, vingt bâtiments ont été mis au jour [
fig. 291]. Parmi eux, les maisons successives étonnent par leurs dimensions. La surface de la première est estimée à 410 m2, alors qu’elles font généralement entre 20 et 60 m2 (Menez et al. 1990), 160 m2 au maximum [fig. 292]. Elle est remplacée durant les phases 2 et 3 par une demeure de 13,75 × 8,50 m, elle-même reconstruite et agrandie après l’incendie. Fait remarquable : durant toute l’histoire du site, la maison se situe toujours le long de la clôture ouest, sa façade ouvrant à l’est, en direction de la cour. Deux autres édifices sont notables. Le premier a abrité une écurie dans son aile ouest. Sans doute s’agit-il d’un « ensemble sur cour » (Chartier-Le Floch 2010 ; Allen et al. 2012) [fig. 293]. Le second est un espace non couvert de 35 × 20 m fermé par une enfilade de quatre poteaux, comparable à celui de Corent (Puy-de-Dôme) [fig. 294]. Faut-il y voir un lieu d’assemblée comparable au bouleuterion grec de Glanum (Poux-Demierre 2015 : 632, 636-639) ? Au cours des trois premières phases de l’occupation, on trouve dans la résidence des constructions souterraines ou semi-enterrées, fait habituel dans la région entre le vie et le iiie s. av. J.-C. L’un des intérêts du site est d’avoir révélé la diversité de leur mode de construction [fig. 295-296] et la variabilité de leur implantation. La fonction de ces souterrains a suscité de multiples hypothèses depuis le xixe s. Les fouilles réalisées sur des sites d’habitat en ont fait apparaître le long des clôtures ou à proximité des bâtiments. Leur structure, très semblable à ce que l’on peut observer un peu partout des deux côtés de la Manche à l’âge du Fer [fig. 297] et jusqu’en Irlande au Moyen Âge [fig. 298], rappelle les systèmes de défense passive mis en œuvre par les populations paysannes ou les petites seigneuries médiévales et modernes pour lutter contre les pillards (Triolet, Triolet 2003 : 10). Leur grand nombre dans la péninsule Armoricaine entre le vie et le iie s. av. J.-C. montre que le phénomène a profondément marqué la société rurale (Bossard et al. 2018 : 356-358), à moins qu’il ne s’agisse d’un mode original de conservation, des laitages par exemple, que l’on suppose abondants dans ces régions traditionnelles d’élevage. La nécessité de disposer de tels lieux devait être suffisamment impérieuse et durable en tout cas pour justifier leur aménagement. À l’issue de l’incendie du début de la phase 4, le système est subitement modifié.
On conserve non plus sous terre mais dans des bâtiments édifiés à l’abri de la longue enceinte qui protège désormais la résidence [
fig. 299]. Ce passage, vers -175, du stockage souterrain au stockage aérien, participe d’un phénomène général qui peut traduire la diminution de l’élevage au profit de l’agriculture.
Le site domine les sources pérennes de Saint-Symphorien, qui ont certainement contribué à son approvisionnement en eau par portage. Mais il existait aussi un système de récupération et de stockage dans des citernes, installées sous la maison à la phase 1 puis creusées dans la masse des remparts durant les phases 2 à 4, peut-être pour faciliter l’écoulement gravitaire de l’eau dans un tuyau [
fig. 300]. Durant la phase 5, les citernes ont été abandonnées au profit d’un puits aménagé sur un point haut. Particulièrement profond, celui-ci permettait de disposer d’une provision journalière d’environ 3 m3 qu’il fallait remonter sur plus de 18 m. Une machine en chêne qui paraît avoir été équipée d’une bielle pourrait avoir facilité la remontée des seaux. Ce dispositif technique particulièrement remarquable a pû être inspiré par des techniques minières mises en œuvre à proximité (cf. infra, chap. 10).
Si la résidence reste constante dans sa superficie durant les cinq siècles de son occupation, elle connaît d’importants changements dans son organisation. À l’enclos curviligne d’origine, qui réunissait en son sein la maison et ses annexes, succède un enclos bipartite qui organise la vie de la maisonnée en deux espaces séparés, avec une cour résidentielle où vit une famille assise sur ses biens, et une avant-cour abritant ceux qui sont chargés de l’entretien et de l’exploitation. Ce cloisonnement, traduction d’une verticalisation de la société, ne fera que s’accentuer jusqu’à l’abandon du site.

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9.1. Les matériaux

9.1.1. La pierre

1La découverte de carrières et de parements prouve l’utilisation conséquente de la pierre dans les constructions de Paule dès la première phase de l’habitat. Il s’agit principalement de moellons de grès, simplement débités et régularisés sur le lieu même de leur extraction. Dans un premier temps (phase 1 et 2), cette extraction n’a concerné que la demeure proprement dite et son enclos périphérique [fig. 11]. Mais il faut envisager qu’aux phases 4 et 5 ont été ouvertes de nouvelles carrières plus éloignées, comme celles qui dans la basse-cour ont été recoupées par les fossés d’enceinte des deux bâtiments de stockage [fig. 93-94]. On doit certainement ajouter aux quelques centaines de mètres cubes ainsi extraits les matériaux issus du creusement des fossés et des souterrains qui, en de nombreux endroits, ont entaillé la roche une fois les premiers niveaux d’altération enlevés. Toute ces pierres étaient potentiellement utilisables dans la construction.

2Lorsqu’ils ont été retrouvés en place, les moellons sont toujours de petites dimensions (le plus souvent, ils font moins de 30 cm de côté). Quelques blocs plus imposants ont été retrouvés au pied des tours [fig. 51b] et certains ont servi de pierres de seuil [fig. 48b : pierre no 3]. Presque aucun n’a été retrouvé dans les remblais des nombreuses excavations, ce qui fonde l’hypothèse de leur récupération et de leur remploi systématique. Le cas est attesté pour la phase 2 : sur le flanc d’un fossé ont été plaquées des pierres récupérées lors de la démolition d’un cellier [fig. 48]. La rareté des moellons parmi les niveaux de la phase 6 montre que, même lors de la démolition de l’habitat, tous les matériaux qui pouvaient être remployés l’ont été. On a pu prouver l’utilisation de ces moellons pour le parement des talus de la phase 1 [fig. 10 : coupe 17 et cliché] et la façade du petit rempart de la phase 2. Elle est également vraisemblable pour la façade des remparts ultérieurs, au moins à la base, afin d’éviter le contact des planches avec la terre. Les parties supérieures devaient être bâties en bois. La pierre a également été utilisée en parement sur les buttes de pierraille et de terre qui surmontaient les celliers semi-enterrés de la phase 1. Leur utilisation pour édifier les parois des bâtiments semble par contre peu probable. Dans la péninsule Armoricaine, le bois et l’argile étaient privilégiés pour la construction, hormis sur le littoral ou sur les sites d’affleurement rocheux, où se procurer du bois et de l’argile était moins facile qu’ailleurs (Menez et al. 1990).

3Les schistes ont également été utilisés comme matériau de construction, aussi bien le schiste blanc qui a été recoupé au sud par les fossés de l’enceinte de phase 4 que le schiste bleu extrait sur le versant nord. Les grandes dalles retrouvées notamment aux alentours de l’écurie [fig. 91c] ont dû, quant à elles, servir pour la couverture de drains ou de caniveaux. Ces matériaux ont été prélevés dans des carrières qui restent à découvrir, en des lieux exploités dès l’âge du Bronze au nord de la ligne de crête pour réaliser les dalles nécessaires à la construction des cercueils retrouvés au cœur des tumuli.

9.1.2. Le bois

4Le bois a certainement constitué le matériau de prédilection des bâtiments et des remparts. La démolition systématique des édifices et le niveau d’arasement des vestiges –sans compter le caractère éminemment biodégradable du matériau– en rendent l’étude très difficile. L’analyse anthracologique, la lecture des traces observées en fondation et les quelques pièces de charpente retrouvées au fond du puits autorisent néanmoins plusieurs observations.

  • 1 Sous la direction de Dominique Marguerie (CReAAH ; UMR 6566 du CNRS).
  • 2 Forêt de bord de rivière ou de zone humide comme celle qui existait près des sources, en contrebas (...)

5Dix lots de charbons et prélevés dans les contextes les plus homogènes du site ont été analysés1 (Hannoyer 2002 ; Le Digoll 2007 ; Marguerie 2013 : 178-200). Dix-sept espèces végétales y ont été mises en évidence [tabl. xiv], notamment dans le comblement de certains souterrains (phase 1), parmi les décombres de l’incendie (phase 4), dans les déchets de la forge ou les calages des palissades (phase 5) et dans les foyers du sanctuaire (phase 6). Certaines sont très faiblement représentées. C’est le cas du frêne, de la bourdaine, du prunus, de l’érable, du peuplier, du bouleau, de l’if, du houx et des pomoïdées (Marguerie 2013 : 185). D’autres, comme le noisetier, l’aulne, le saule, le genêt et l’ajonc sont plus présents. Le chêne caducifolié domine la plupart des lots, jusqu’à dépasser 80 % des charbons identifiés dans les lots des phase 4 et 5. Une espèce supplémentaire a été identifiée dans le puits sous forme de fragments non carbonisés : le charme. Trois écosystèmes ont été exploités pour l’approvisionnement en bois : la lande ou la friche, la forêt ripicole2 et la forêt de chêne.

TABL. XIV. Caractérisation des charbons de bois recueillis dans la résidence (Hannoyer 2003 : fig. 11-16 ; Marguerie 1992a : 8). Provenance des lots : 1 remblai de comblement du souterrain no 3 (phase 1, première moitié du IVe s. av. J.-C.) ; 2 remblai de comblement du souterrain no4 (fin de la phase 1, fin du IVe-début du IIIes.av.J.-C.) ; 3 décombres issus de l’incendie, déversés dans le souterrain no 8 (début de la phase 4, second quart du IIe s. av. J.-C.) ; 4 décombres issus de l’incendie, déversés dans le fossé de la première enceinte quadrangulaire (début de la phase 4, second quart du IIe s. av. J.-C.) ; 5 remblai apporté pour implanter une palissade dans le fossé de l’avant-cour, façade sud (phase 5, milieu du Ier s. av. J.-C. ; 6 remblais apportés pour caler la palissade de l’enceinte intérieure de la cour, de part et d’autre de la tour-portière nord (phase 5, milieu du Ier s. av. J.-C.). La courbure des cernes est indicative du diamètre de la branche : plus elle est faible, plus la branche est grosse. Abréviations : nbre nombre, pds poids en grammes, int. intermédiaire, absence.
Characterization of the wood charcoal collected in the residence (Hannoyer 2003 : fig. 11-16 ; Marguerie 1992b : 8). Provenience of the lots : 1 infill embankment of Souterrain 3 (Phase 1, first half of the 4th c. BC) ; 2 infill embankment of Souterrain 4 (end of Phase 1, end of the 4th – beginning of the 3rd c. BC) ; 3 debris originating from the fire, discarded in Souterrain 8 (start of Phase 4, second quarter of the 2nd c. BC) ; 4 debris originating from the fire, discarded in the ditch of the first quadrangular enceinte (beginning of Phase 4, second quarter of the 2nd c. BC) ; 5 backfill added to implant a palisade in the palisade in the ditch of the forecourt, southern façade (Phase 5, middle of the 1st c. BC) ; 6 backfill added to wedge the palisade of the interior palisade of the courtyard, from one end to the other of the north door tower (Phase 5, middle of the 1st c. BC). The curvature of the rings is indicative of the diameter of the branch : the smaller the curve, the larger the branch. Abbreviations : nbre number, pds weight in grams, int. intermediary, – absence.

6Sur la durée de l’occupation, on ne note pas d’évolution significative dans le choix des essences pour le bois de petit calibre, utilisé pour la fabrication de claies, de paniers ou d’autres objets du quotidien mais également comme bois de chauffe en contexte domestique ou artisanal. En revanche, il existe une évolution dans le choix des bois de gros calibre. Les lots de la phase 1 mêlent des troncs d’aulnes, issus de zones humides, et des troncs de chênes qui ont poussé pour la plupart dans un milieu largement déboisé (Marguerie 2013 : 191). Dans les lots des phases 4 et 5, il s’agit presque toujours d’arbres de fort diamètre à cernes très fins (proches du millimètre), signe d’une croissance lente. Le fait est particulièrement visible dans le lot le plus tardif, daté du milieu du ier s. av. J.-C. L’épaisseur des cernes des 147 charbons de chêne étudiés va de 0,46 à 2,04mm, avec une moyenne à 0,98mm. L’analyse de leur répartition par classes d’épaisseurs [tabl. xv] montre une distribution unimodale, bien classée autour de 1 mm, ce qui correspond à une croissance lente [fig. 284]. Ces chênes ont donc poussé au sein d’un écosystème unique, une chênaie très dense (Hannoyer 2003 : 57), et non plus en milieu ouvert comme à l’origine. Ceci va à l’encontre des observations effectuées sur les autres habitats du second âge du Fer en Bretagne, où l’on a pu conclure à l’ouverture du milieu et, de ce fait, à l’utilisation presque exclusive de bois ayant poussé en limite de parcelle ou sur des talus. Il y a là une réelle particularité de Paule (Marguerie 2013 : 194) qui ne peut s’expliquer par le fait que la résidence se situerait au sein d’un territoire marqué par une reconquête de la forêt. En effet, l’étude anthracologique souligne l’existence autour du site durant toute sa durée d’occupation de zones ouvertes, déboisées, dans lesquelles poussent des essences héliophiles de reconquête comme le noisetier, le genêt et l’ajonc. Les aulnaies, peut-être surexploitées, ne livrent plus que des branches ou des troncs de faible section.

TABL. XV. Croissance des chênes utilisés à Paule d’après les charbons de bois des lots 1 à 6 (Hannoyer 2002 : fig. 18). Abréviations : larg. moy. largeur moyenne, larg. mini. largeur minimum, larg. maxi. largeur maximum. La faible épaisseur des cernes signale que les arbres ont poussé dans une forêt dense.
Growth of the oaks used at Paule based on the charcoal of lots 1 to 6 (Hannoyer 2002 : fig. 18). Abbreviations : larg. moy. average width, larg. mini. minimum width, larg. maxi. maximum width. The thinness of the rings indicates that the trees grew in a dense forest.

FIG. 284. Épaisseur des cernes de croissance des chênes du lot 6 (Hannoyer 2002 : fig. 28).
Thickness of the growth rings of the oaks of Lot 6 (Hannoyer 2002 : fig. 28).

7À partir de la phase 4, l’habitat de Paule exploite donc, pour la construction des bâtiments et des clôtures monumentales, une ou plusieurs chênaies denses qui ne jouxtent pas immédiatement le site. Ce constat rejoint les conclusions de Dominique Marguerie (1992b) dont les études polliniques ont mis en évidence la présence durant cette période de chênaies denses sur le littoral et dans les Côtes-d’Armor. Il rejoint également celles de Vincent Bernard (1998a) qui a mis en évidence l’exploitation, durant le siècle qui a suivi la Conquête, d’un grand nombre de chênes vieux de 200 à 350 ans. L’étude des bois gorgés d’eau lui a permis de montrer qu’à la gestion du taillis, qui caractérise le premier et le début du second âge du Fer, succède une gestion plus parcimonieuse et probablement plus autoritaire des ressources forestières (Bernard 1998b ; Bernard 2005 : 20 ; Gebhardt et al. 2007 : 55-56). L’habitat de Paule, à la différence de la plupart, a manifestement pu gérer et exploiter, durant les deux siècles qui précèdent notre ère, ce qui semble bien avoir constitué un patrimoine forestier.

8Une évolution dans le choix et la mise en œuvre du bois de construction est également perceptible dans le gabarit des trous de poteau et dans la trace des poteaux eux-mêmes, qui prend la forme de colonnes de terre plus sombre dans certaines de ces fondations. La première phase de la résidence est caractérisée en effet par l’utilisation exclusive de troncs de section ovale ou circulaire d’un diamètre proche de 20 cm. Ils sont refendus en quartiers, lorsque leur diamètre est supérieur. Ce constat a été fait aussi bien pour la paroi de la maison [fig. 12] que pour les boisages des souterrains ou des celliers [fig. 21]. Le travail de charpente s’adapte au matériau qui n’est jamais équarri, en utilisant au mieux les troncs de tailles diverses qui arrivent sur le chantier. Un emplacement de poteau, dans le deuxième souterrain, présente même une auréole de charbons à sa périphérie, témoignant d’un passage au feu de la base du pieu avant son implantation. Par ailleurs, la profondeur des trous varie pour des poteaux de fonction semblable dans une même construction. Les troncs qui arrivaient sur le site avaient donc des cotes diverses. Les constructeurs devaient compenser ces variations en adaptant le diamètre et la profondeur des creusements.

9Il semble bien que, dès la phase 2 et plus encore aux phases 4 et 5, la façon d’utiliser le bois change, avec des pièces désormais fréquemment équarries. Ainsi, les premières tours portières sont-elles fondées sur des poteaux rectangulaires [fig. 49], un usage qui se généralise ensuite à la plupart des bâtiments. Des poteaux cylindriques continuent toutefois à être utilisés, par exemple pour le boisage du cinquième souterrain à la phase 2 [fig. 56a] ou, à la phase 5, pour la paroi de la vaste construction édifiée dans la cour [fig. 123] ou les soutènements de l’entrepôt de la basse-cour [fig. 139].

10La plupart des pièces de bois arrivent sans doute sur le site équarries et aux dimensions souhaitées. En effet, les fondations d’une même construction, qu’il s’agisse d’une tour portière ou d’un autre bâtiment, ont désormais des niveaux d’implantation similaires, qu’il s’agisse du fond de l’excavation ou de la base des poteaux lorsque celle-ci a pu être mesurée. Or, cela ne se justifie que pour des pièces de charpente de même hauteur dont on souhaite aligner les parties supérieures. Ceci s’observe notamment sur le grenier et l’entrepôt édifiés dans la basse-cour aux phases 4 et 5 : si l’on considère les poteaux de même fonction et supportant des reports de charge semblables, leur niveau d’implantation est constant en altitude, à quelques centimètres près, tant axialement que transversalement [fig. 95-96, 139]. Avec des pieux déjà mis aux dimensions, les constructeurs n’ont plus à s’adapter en permanence à la diversité des troncs qui leur parviennent, induite par la diversité des arbres dont ils sont issus. Le bois devient un simple matériau, et l’arbre disparaît progressivement de l’architecture au profit de poteaux et de poutres taillés au préalable. À Paule, cette évolution est contemporaine de l’édification des premiers remparts. La masse des pièces de bois nécessaires et la répétitivité des assemblages ont pu inciter à cette normalisation et à cette préparation en amont

11Les rares pièces de charpente retrouvées ont été mises au jour au fond du puits no 1. Elles sont toutes en chêne et sont parfois traversées par des mortaises rectangulaires. On note également la présence de planches et peut-être d’un bardeau [fig. 272 : 28]. Le bois servait donc également pour certaines couvertures. Le fait a pu être attesté sur le site bourguignon de La Fontaine Saint-Pierre, au mont Beuvray, où un bardeau intact et soigneusement travaillé a été retrouvé (Guillaumet 2006).

9.1.3. La terre et les végétaux

  • 3 Ce travail a été réalisé conjointement par Séverine Lemaître, maître de conférence à l’université d (...)

12Comme sur la plupart des habitats de la période, de nombreux fragments d’argile rougie ont été retrouvés. Sur les 145 kg prélevés, un peu plus de 11 kg portent les empreintes de baguettes caractéristiques des clayonnages. Ces derniers sont constitués de claies (en noisetier ou en genêt) insérées dans des cadres de bois puis enduites d’argile. Une étude récente réalisée sur cinq habitats gaulois du second âge du Fer de l’Ouest de la France dont celui de Paule3, a montré que la composition de l’argile utilisée pour ces torchis armés de claies était assez semblable sur les cinq sites (Maguer, Le Gall 2018 : 343-344), avec une absence de fibres végétales et une proportion de sable plus ou moins élevée. Contrairement au torchis médiéval, l’épaisseur appliquée sur les claies est peu importante, de l’ordre de 2 à 3 cm sur chaque face une fois les interstices du lacis de baguettes bourrés d’argile. Les parois ainsi restituées ont une épaisseur de 8 cm environ. L’une de ces claies, encore délimitée par son cadre, a été retrouvée au pied d’une des tours, d’où elle était manifestement tombée lors de l’incendie qui a marqué le début de la phase 4 (cf.supra, § 3.2.3.1). Les baguettes de noisetier d’un diamètre compris entre 3 et 5 cm retrouvées au fond du puits no 1 doivent provenir de claies du même genre mais qui, à la différence des précédentes, ne semblent pas avoir été enduites d’argile. Au pied de l’autre tour (cf. supra, § 3.2.3.2), quelques fragments de parois présentaient encore, sur une face, un enduit blanc épais de 2 mm environ. Il s’agit probablement de kaolin, similaire à celui qui a pu être identifié sur l’habitat gaulois de Keriner à Pluguffan, dans le Finistère (Menez 1988 : 118), ou sur d’autres sites de l’Ouest comme l’agglomération de Kergolvez à Quimper (Finistère), l’habitat rural de Pouilladou à Prat (Côtes-d’Armor) ou encore la résidence aristocratique des Gains à Saint-Georges-les-Baillargeaux (Maguer 2015).

  • 4 Communication orale de Claire-Anne de Chazelles, chargée de recherche au CNRS, laboratoire Archéolo (...)

13En revanche, d’autres fragments, retrouvés en grand nombre parmi les décombres de l’incendie, n’ont aucun équivalent connu dans la région : ce sont des blocs d’argile d’une épaisseur maximale de 15 cm, lissés au moins sur une face, probablement sur les deux, dans la masse desquels on voit les négatifs de brins de paille grossièrement parallèles disposés presque côte à côte [fig. 285]. Quelques-uns présentent en outre les empreintes perpendiculaires de lattes de bois. Dans le cadre de l’étude réalisée sous la direction de Patrick Maguer, certains de ces fragments ont fait l’objet d’une numérisation et d’une tomographie qui a permis d’identifier la paille noyée dans l’argile et même d’en extraire virtuellement quelques fétus [fig. 286]. Il apparaît que les brins de paille, denses, longs et relativement parallèles, sont intimement combinés avec l’argile. Il faut pour cela que la terre ait été assez visqueuse, presque liquide, lors de l’application, ce qui rendrait le résultat difficile à obtenir sur des plans verticaux4. Il ne s’agirait donc pas des restes d’une paroi, mais plutôt de ceux d’une structure horizontale. La première hypothèse a été celle du faîtage de la maison, qui aurait été protégé par un boudin constitué de paille noyée dans l’argile. Toutefois, dans l’architecture traditionnelle, tant en Bretagne qu’en Grande Bretagne, le couvreur ne procède pas de cette manière. En haute Cornouaille par exemple, il étale d’abord sur le faîtage un lit de mortier de terre, avant d’y enfoncer transversalement la paille de seigle, les bottes de roseaux ou les genêts. En basse Cornouaille, le faîtage est réalisé non en argile mais par des couches successives de mottes de gazon (Simon 1988 : 154-156). Ces manières de construire ne se retrouvent pas dans les vestiges de Paule.

FIG. 285. Un matériau de construction original retrouvé brûlé dans les décombres de l’incendie qui a détruit la maison au début de la phase 4 : des brins de paille dressés et noyés dans de l’argile. Peut-être des morceaux de plafond.
An original construction material found burned in the debris of the fire that destroyed the house at the beginning of Phase 4 : straw strands set and drowned in the clay. Possible pieces of the ceiling.

Photo Y. Menez.

FIG. 286. Analyse de l’armature d’un fragment de torchis : a-b vue longitudinale et transversale du fragment ; c-d organisation des brins de paille dans le fragment et extraction de quelques brins par la tomographie.
Analysis of the armature of a daub fragment : a‑b longitudinal and transversal view of a fragment ; c-d organization of the straw strands in the fragment and extraction of a few strands for tomographic imaging.

Acquisition des données microtomographiques et images Arnaud Mazurier / Plateforme Platina de l’Institut de chimie des milieux et des matériaux de Poitiers (IC2MP ; univ. de Poitiers, CNRS).

14Du fait de leur volume, il paraît plus probable que ces fragments soient issus de l’effondrement d’un plafond entre le rez-de-chaussée et l’étage de la maison. Nous rappellerons à ce propos qu’ils ont été déversés dans une partie du fossé situé juste à l’arrière de la résidence et dans le puits d’accès du souterrain no 7 au début de la phase 4, juste après l’incendie. L’étude a démontré la présence de planches de bois, non jointives mais recouvertes d’une chape de terre, au rez-de-chaussée des maisons dans les établissements ruraux gaulois des Vairies à Saint-Sauveur-des-Landes (Ille-et-Vilaine) ou de La Garde à Moulay (Mayenne) (Maguer, Le Gall 2018 : 345-346). En revanche, de tels planchers auraient été trop lourds pour un étage. Un plancher constitué de lattes de bois recouvertes de bottes de paille imprégnées de barbotine, dans l’esprit de ceux qui sont dits « à quenouilles » ou de ceux qui sont utilisés dans l’architecture vernaculaire, aurait eu l’avantage d’être à la fois isolant et plus léger, comme les toits plats ou peu pentus évoqués par Vitruve (De arch., ii, 1, 5) qui nous signale « qu’à Marseille, au lieu de tuiles, les maisons sont couvertes de terre grasse pétrie avec de la paille ». Des toitures semblables datées du ive s. av. J.-C. et composées d’une couche de terre mêlée de végétaux recouvrant un treillage de roseaux, lui-même supporté par des solives, ont été retrouvées effondrées à Martigues (Chazelles-Gazzal 1997 : 159-165). L’hypothèse selon laquelle il s’agirait de plafonds solides et légers, analogues aux toitures des constructions méditerranéennes, viendrait corroborer celle de la présence d’un étage dans la maison incendiée.

15Cette hypothèse des bâtiments à étage a longtemps été refusée par les chercheurs travaillant sur l’architecture protohistorique, malgré la présence de greniers surélevés sur un grand nombre d’habitats ruraux, dont le plancher était nécessairement capable de résister aux lourdes charges engendrées par le stockage des grains, ou de tours sur les fortifications de l’âge du Fer, qu’elles aient été maçonnées (dans les contrées ou le bois d’œuvre était rare), ou bâties en bois et en terre (partout ailleurs). L’argument le plus souvent opposé est celui de l’évacuation des fumées, qui ne pose pourtant guère de difficulté dans l’architecture vernaculaire, un orifice dans la paroi, une hotte de bois ou une simple ouverture dans ce plancher pouvant suffire, comme le soulignait récemment Frédéric Épaud (2019 : 183-184). Il ne faut donc pas hésiter à envisager la présence de planchers, potentiellement recouverts d’une couche isolante de terre armée de paille comme à Paule, au moins pour les édifices dont les fondations sont inhabituellement surdimensionnées. Celles-ci en effet pourraient avoir été prévues pour résister aux charges engendrées par un ou plusieurs étages.

16Durant les deux premières phases, l’argile provenait sans doute de la partie sud de l’habitat [fig. 35, 59], où de nombreuses petites fosses d’extraction ont été mises au jour dans une zone d’altération située à la jonction des schistes et des grès [fig. 2]. Comme l’on montré les analyses effectuées par Pierre-Roland Giot (1992), ces terres qui mêlent l’illite et la kaolinite –deux argiles à grains de quartz très fins– étaient tout à fait adaptées à la fabrication de poteries, de creusets ou de parois de terre.

9.2. L’enceinte

9.2.1. Les clôtures

17Presque toutes les clôtures ont été arasées. Seuls subsistent les fossés ainsi que la base de quelques talus ou remparts qui les longeaient. Durant la phase 1, le profil des fossés est triangulaire et leur ampleur, qui n’excède pas 4,50 m à l’ouverture et 2,50 m de profondeur, varie notablement d’une partie à l’autre de l’enclos, en fonction de l’écoulement des eaux et de la nature des terrains traversés. Le talus édifié sur la face externe de ce fossé et parfois parementé ne devait pas excéder 1,50 m de haut [fig. 287 : phase 1] ; le fait a pu être constaté pour l’enclos périphérique. Ce dispositif de clôture est habituel dans les habitats ruraux du second âge du Fer fouillés dans la région (Menez 1994 : 263 ; Menez 1996 : 42). La faible hauteur de la clôture constituée par l’association de ces fossés et des talus adjacents, et la position de ces derniers à l’extérieur montrent qu’il ne s’agit nullement de défenses. La réalisation de parements de pierre, qui a nécessité l’extraction de nombreux moellons de grès, atteste toutefois du soin apporté à la construction de certaines parties du talus, un soin qui relève plus d’un choix esthétique que de la volonté d’assurer une meilleure tenue des matériaux.

FIG. 287. Hypothèse sur l’évolution du profil des clôtures édifiées autour de la résidence, phase par phase.
Hypothesis for the evolution of the profile of the fences built around the residence, phase by phase.

Dessin Y. Menez, M. Dupré.

18Le fossé creusé à la phase 2 paraît semblable à celui de la phase 1, à une différence notable près : son profil est désormais constant, quelles que soient la compacité des terrains traversés et l’accumulation des eaux de ruissellement, avec une largeur à l’ouverture de 3 m et une profondeur proche de 2,50 m. La levée de terre édifiée le long de ce fossé témoigne également de changements importants : sa face avant est désormais verticale et parementée, au moins à la base, avec de moellons de grès, tandis que sa face arrière est talutée [fig. 287 : phase 2]. La présence de poteaux verticaux en façade, maintenus par des poutres horizontales, est vraisemblable. Elle ne peut toutefois être démontrée, du fait de l’arasement des vestiges. La hauteur relativement faible de cette clôture, probablement voisine de 2,50 m au chemin de ronde, montre qu’il n’est pas question de défense mais plutôt de monumentalité. Ce dispositif architectural, qui devait avoir une certaine allure une fois doté d’un parapet sommital, délimite uniquement la partie résidentielle de l’habitat. L’avant-cour, qui recèle les dépendances, est alors enclose d’un simple talus précédé d’un petit fossé.

19Des clôtures édifiées à la phase 3, seuls les fossés et la base des remparts nous sont parvenus. Les remparts témoignent toutefois d’un changement brutal dans la nature du site : leur largeur à l’ouverture, qui peut atteindre 7,50 m et leur profondeur qui excède parfois 4,50 m montrent qu’il n’est plus question de clôture, même monumentale [fig. 287 : phase 3]. Il faut probablement envisager une phase de mise en défense, seule à même de justifier de telles structures. En effet –la fouille l’a démontré– un terrassement d’une telle importance engendre un cubage de matériaux à extraire considérable dans des terrains dont la compacité s’accroît notablement avec la profondeur. Cela engendre également une certaine complexité dans l’évacuation des matériaux, qui nécessite la mise en œuvre de rampes ou de paliers. De surcroît, le profil de l’excavation est parfait et s’achève même en pointe pour celle qui ceint la cour principale. Il s’agit d’un travail particulièrement remarquable qui a certainement imposé une rectification finale des flancs du fossé, dans un terrain où la roche s’extrait naturellement par paliers, selon les diaclases des grès armoricains. Les ultimes vestiges de l’ouvrage édifié le long de ces fossés monumentaux consistent en une accumulation de pierraille, large d’environ 4,50 m à la base et parfois bordée de quelques trous de poteau. Ils permettent d’envisager la présence de véritables remparts, aux façades verticales. Cette phase de fortification est également marquée par le dispositif de multivallation adopté pour protéger la cour résidentielle.

20À la phase 4, aucun nouveau fossé n’est creusé autour de la cour résidentielle, pas plus qu’autour de l’avant-cour. En revanche, un fossé large d’environ 6 m à l’ouverture, et d’une profondeur proche de 3 m, délimite désormais une vaste basse-cour autour de la résidence fortifiée [fig. 287 : phase 4]. Les fondations retrouvées le long de cette excavation, partiellement préservées dans la partie sud du site, montrent qu’elle était bordée d’un rempart à poutres verticales d’une largeur proche de 4 m. La monumentalité de cette longue clôture extérieure est donc certaine. Elle a également pu constituer une ligne de défense opérationnelle, malgré sa longueur vraisemblablement supérieure à 1,30 km, pour peu qu’elle ait été pourvue de défenseurs en nombre suffisant.

21La phase 5 est marquée par l’édification d’une nouvelle clôture et la réfection de la ligne de défense avancée au moins en un endroit où elle avait versé. Ces derniers travaux ont consisté en une reprise du fossé et des fondations afin d’assurer une meilleure assise sur la roche à cette clôture dont l’architecture a été notablement modifiée. Il s’agit désormais d’un rempart au front légèrement incliné, armé par un réseau de poutres entrecroisées [fig. 287 : phase 5, rempart 3]. Un nouveau fossé est venu enserrer la partie résidentielle, qui n’est pas très imposant : large de 4,50 m à l’ouverture, il n’excède pas 3 m de profondeur. Bordé d’un talus massif, large de 5,50 m à la base et d’une hauteur minimale de 3 m au chemin de ronde, il constituait toutefois un obstacle difficile à franchir, d’autant qu’il s’agit d’une ligne avancée qui précède le rempart massif de la phase 3. Là encore, la monumentalité est certaine et la mise en défense vraisemblable.

22Si les clôtures de la phase 1 sont habituelles sur les habitats ruraux du second âge du Fer dans la région (Menez 1994 : 42 ; Menez 1996 : 263 ; Menez, Lorho 2013 : 174, 178), celles de la phase 2 sont plus remarquables. Parmi les sites fouillés, seul celui de Kerven Teignouse à Inguiniel, dans le Morbihan, a probablement été doté d’une clôture semblable, plus monumentale que défensive (Tanguy 2010). Dès la phase 3, les clôtures construites à Paule sont sans équivalent parmi les habitats ruraux jusqu’ici fouillés dans la région, hormis celui de La Porte Allain à Trégueux, dans les Côtes-d’Armor (Chartier-Le Floch 2010), qui est délimité par un fossé profond de 4 m et large de 12 m (Allen et al. 2012 : 102). Mais à Trégueux, bien que l’enceinte mesure 80 m de côté, la partie résidentielle de l’habitat n’est entourée que de ce seul fossé et non de deux enceintes concentriques comme à Paule. Dans les régions limitrophes de la Bretagne –Normandie et Pays de la Loire– les fossés de dimensions comparables délimitant des habitats ruraux sont également peu nombreux. On peut mentionner les sites de La Main Delle à Bourguébus dans le Calvados, de La Roguerie à Bricqueville-La-Blouette dans la Manche, ou des Genâts à Fontenay-Le-Comte en Vendée (Lepaumier, Giraud 2018 : 190-192)

23Mettre à la même échelle les profils types des clôtures des phases 4 et 5 et ceux des oppida contemporains étudiés par Sir Mortimer Wheeler et Katherine M. Richardson dans l’Ouest de la France (Wheeler, Richardson 1957) est assez troublant [fig. 288]. Sur ces sites, la profondeur des fossés taillés dans la roche est assez similaire –elle est même inférieure–, et l’on note parfois la présence de lignes avancées, marquées par une succession de fossés bordés de remparts et de talus. La largeur et le mode de construction du rempart mis au jour sur le site de Kercaradec / Penhars près de Quimper (Finistère) sont comparables à ceux de la vaste enceinte édifiée lors de la phase 4 à Paule, avec des poteaux en façade espacés de 2,50 m. L’épaisseur de 5 à 6 m de ces levées de terre, armées ou non de poutres de bois, est comparable à celles des nombreux remparts fouillés dans l’Ouest de la France (Houdusse et al. 2018), à l’exception des remparts à talus massif de type « Fécamp », probablement édifiés au cours de la guerre des Gaules en réponse à l’utilisation de machines de guerre par les Romains (Buchsenschutz et al. 2010 : 327-338). Le réseau de poutres légèrement inclinées qui arme les remparts du Camp d’Artus à Huelgoat (Finistère) est proche de celui qui a pu être observé à la base de la partie de l’enceinte restaurée lors de la phase 5 à Paule. En définitive, les clôtures de la phase 5 peuvent être comparées, par leur morphologie et leur ampleur, à celles des rares sites de très grande emprise, identifiés comme des oppida, de l’Ouest de la France.

FIG. 288. Coupes (éch. de publication : 1 : 200) établies à travers les remparts de trois enceintes de l’Ouest de la France datées des deux derniers siècles av. J.-C. et interprétées comme des oppida (Wheeler, Richardson 1957 : pl. III et XXVII).
Sections (publication scale : 1 : 200) recorded across the ramparts of three enclosures in western France dated to the two last centuries BC, and interpreted as oppida (Wheeler, Richardson 1957 : pl. III and XXVII).

Dessin R. E. M.Wheeler, L. Scott.

9.2.2. Les portes et les tours

24L’unique entrée du premier habitat était, dans un premier temps, extrêmement large [fig. 289a : phase 1] : 17 m d’ouverture entre les extrémités des fossés, profonds d’environ 2,50m à cet endroit. Aucun trou de poteau susceptible de correspondre à la fondation d’un système de fermeture n’a été retrouvé. Dans un second temps, toujours durant la phase 1, la largeur de cette entrée a été réduite à 7 m, par un prolongement du fossé de clôture vraisemblablement doublé par le talus adjacent.

FIG. 289. Comparaison des portes et tours de Paule avec celles d’autres sites du second âge du Fer : a évolution durant les phases 1 à 3 ; b portes d’habitats ruraux ; c portes de Viereckschanzen.
Comparison of the doors and towers of Paule with those of other Second Iron Age sites : a evolution during phases 1 to 3 ; b rural settlement doors ; c Viereckschanzen doors.

Dessin Y. Menez, M. Dupré ; restitution de Pliezhausen : A. Moll (Bittel et al. 1990 : fig. 21).

25Au cours de la phase 2, les quatre portes permettant d’accéder au cœur de l’habitat sont très semblables [fig. 289a : phases 2 et 3]. Seule la porte A diffère quelque peu, avec un franchissement oblique et non frontal du rempart. Le passage s’effectuait par un pont jeté au-dessus du fossé, sous une tour portière large de 3 m et longue de 7 à 8 m. Ce dispositif architectural est strictement similaire à celui qui a été identifié sur quelques autres habitats ruraux fouillés en Bretagne, à Inguiniel / Kerven Teignouse, dans le Morbihan (Tanguy 2000), Lamballe / Zac de la Tourelle, dans les Côtes-d’Armor (Mentele 2010) ou Corps-Nuds/Zac des Grands Sillons-La Huberdière, dans l’Ille-et-Vilaine (Aubry 2010 : fig. 13) [fig. 289b]. Des dispositifs d’entrée semblables ont été identifiés en Normandie, sur les sites de La Bruyère du Hamel à Condé-sur-Ifs et du Chemin du Moulin Morin à Vaucelles ou encore l’ensemble 6 de la Zac Object’Ifs Sud à Ifs dans le Calvados (Lepaumier, Giraud 2018 : 195-197). Il rappelle également certaines portes de Viereckschanzen du Sud de l’Allemagne, comme celles d’Ehningen / Böblingen (Wieland 1999b : fig. 11) ou de Pliezhausen / Rübgarten (Bittel et al. 1990 : fig. 21) [fig. 289c]. L’ampleur des fondations et la section des poteaux à Paule appuient l’hypothèse selon laquelle une tour assurait la liaison entre les remparts situés de part et d’autre et protégeant les architectures de bois, porte et pont.

26La présence de deux tours d’angle dès la phase 2 [fig. 289a : phases 2 et 3] étonne car les vestiges de tels ouvrages sont rarement observés sur les habitats du second âge du Fer (Fichtl 2010). À Paule, elles semblent petites et quadrangulaires dans un premier temps. Les façades de la tour carrée de l’angle nord-est (dim. 3,20 × 3,20 m) sont à l’aplomb du bord des fossés. Cela a rendu cette construction plus instable, et explique pour partie son effondrement. La tour rectangulaire de l’angle sud-est (dim. 3,70 × 3,00 m) est implantée de biais. Comme pour les tours portières, dont les plans diffèrent légèrement, cette variation entre les tours d’angle marque une évolution dans les choix architecturaux au cours du chantier de construction de l’enceinte. La hauteur de ces constructions, comprenant comme les tours portières un étage couvert au-dessus du rempart, devait être comprise entre 6 et 7 m.

  • 5 César mentionne en effet de tels édifices chez les Bituriges, à Avaricum (BG, VII, 22) : « Ils avai (...)

27Durant la phase 3, ces tours sont élargies et renforcées à la base. À l’angle nord-est de l’enceinte, l’ancienne tour est agrandie vers l’ouest et sa structure renforcée par l’implantation de nouveaux poteaux près de l’angle nord-est. Une palissade implantée en arc de cercle à la base du talus du rempart a contre-forté cet édifice, peut-être dans le but d’édifier un étage supplémentaire. La base de cette tour, d’environ 6,50 m de côté, a désormais une forme en arc de cercle à l’intérieur de l’enceinte, et quadrangulaire à l’angle du fossé ; les étages, de forme rectangulaire, mesuraient 4 × 3 m. La tour de l’angle sud-est paraît, quant à elle, disposer désormais d’une pièce au rez-de-chaussée, à laquelle on accédait par une porte depuis la cour. Là encore, ce renforcement de la structure à la base peut marquer la construction d’un étage. La base, de forme pentagonale, mesure désormais 9 × 7 m et les étages, de forme rectangulaire, 3,70 × 3,00 m. Ces tours auraient été hautes de 9 à 10 m. Leurs dimensions étaient donc nettement inférieures à celles des tours édifiées dès la fin du ive puis dans la seconde moitié du iiie s. av. J.-C. sur les fortifications de Mauressip à Saint-Côme-et-Maruéjols (Gard), puis de Nages (Tarn) et Nîmes (Gard) (Py 1992b), ou Ambrussum à Villetelle (Hérault) qui peuvent mesurer, lorsqu’il s’agit de tours majeures, 12,70 × 17,20 m à la base, pour des hauteurs restituées allant jusqu’à 18 m. Des ouvrages en bois de ce type existaient également en Gaule chevelue5, mais elles ont laissé des vestiges plus ténus que les tours maçonnées de Narbonnaise (Fichtl 2010). Sur la petite fortification de l’Altburg à Bundenbach, dans le Palatinat, en Allemagne, les fondations d’une petite tour de 2,40 × 2,20 m ont néanmoins été retrouvées (Schindler 1977). On signalera également les deux tours de la fortification du mont Vully, sur le plateau suisse (Kaenel et al. 2004 : 153). Fondées sur neuf poteaux, elles mesuraient 6 × 7 m. Ces dimensions sont légèrement inférieures à celles de la tour de La Pierre d’Appel à Étival-Clairefontaine (Vosges). Les vestiges brûlés retrouvés au sommet du rempart dessinaient le plan d’une structure de 8 × 5-7 m (Deyber 1984).

28La phase 4 est marquée par la construction d’une porte rentrante permettant d’accéder, depuis le sud, à la basse-cour qui englobe désormais la résidence [fig. 290]. Large de 5,50 m, cette porte était dominée par une tour fondée sur dix poteaux dont trois disposés dans l’axe légèrement oblique du passage. Ce dispositif « en tenaille », qui permettait de mieux contrôler l’accès, a fréquemment été identifié sur les fortifications majeures de la période, dont il est une caractéristique. L’accès retrouvé à Paule semble plus monumental que la porte rentrante de la fortification voisine du Camp d’Artus à Huelgoat (Finistère), lequel est considéré comme l’oppidum central de la cité des Osismes (Wheeler, Richardson 1957 : 28-29). Malgré l’arasement des vestiges, il semble donc possible d’envisager, pour cette phase du site de Paule, la présence de portes monumentales et utilisables dans le cadre d’une mise en défense.

FIG. 290. Mise en parallèle des portes des phases 4 et 5 de Paule avec celles de deux oppida de l’Ouest de la France.
Comparison of the Paule doors in phases 4 and 5 with those of two oppida in western France.

Dessin Y.Menez, M. Dupré ; Huelgoat et Vernon d’après Wheeler, Richardson 1957 : p. IV et fig. 4 et Dechezleprêtre 2010 : 157, fig. 8).

29Les deux portes qui sont aménagées à la phase 5 au sud et au nord semblent valider cette hypothèse. Elles obligent en effet, pour franchir les deux enceintes qui cernent la cour d’habitation, à emprunter un cheminement complexe comportant, pour la porte sud, un passage en légère chicane incluant un pont et dominé par deux tours, et pour la porte nord un passage en chicane entre les deux remparts, comprenant également le franchissement d’un pont et celui d’une tour portière de 6,50 m de côté, proche de celle de l’oppidum de Vernon, dans l’Eure (Dechezleprêtre 2000 ; 2010).

9.2.3. De la monumentalité à la mise en défense

30L’arasement des remparts et talus nous prive d’un grand nombre des informations qui auraient permis d’en restituer au mieux l’architecture. Les fouilles réalisées dans l’Ouest montrent en effet la présence, au-dessus des sols de l’âge du Fer, de poutrages ou de parements de pierre qui, de ce fait, ne laissent aucune trace dans le substrat. La présence de tels aménagements à Paule peut tout à fait être envisagée, au moins pour les deux dernières phases de l’occupation, mais elle ne peut être prouvée. Malgré cela, l’examen simultané des clôtures et des portes permet de poser certaines hypothèses.

31Durant la phase 1, entre 550 et 300 av. J.-C., le site se présentait comme une vaste exploitation agricole ceinte de talus, un type de clôture qui ne diffère en rien de ce que l’on peut observer sur la plupart des fermes contemporaines. À la phase 2, au début du iiie s. av. J.-C., un petit rempart, quatre tours portières et deux tours d’angle marquent la monumentalité du nouvel habitat. La verticalité affirmée de ces ouvrages leur permet de dominer les territoires avoisinant. Par contre, leur utilisation dans le cadre d’une mise en défense paraît malaisée. Les portes, trop nombreuses pour une superficie si réduite, peuvent être défoncées au bélier, et les tours d’angle ne flanquent pas le rempart.

32Tout semble basculer durant la phase 3. L’édification d’une nouvelle enceinte durant la seconde moitié du iiie s. av. J.-C., plus large et précédée d’un profond fossé, permet désormais de protéger de manière efficace le cœur de l’habitat, avec deux lignes concentriques de remparts qui éloignent d’éventuels assaillants. La condamnation de trois des quatre portes qui permettaient jusqu’alors de pénétrer dans la cour résidentielle est également révélatrice de cette mise en défense, tout comme le renforcement spectaculaire de la clôture de l’avant-cour, qui constitue désormais un réel ouvrage avancé. L’arasement du rempart intérieur de la double enceinte concentrique lors de la phase 4, vers 175 av. J.-C., pourrait résulter d’une volonté d’améliorer la fonction résidentielle de l’habitat après l’incendie, au détriment de sa valeur défensive. L’édification d’une longue ligne de défense avancée, qui crée autour de la résidence une vaste basse-cour, permet toutefois de pondérer cette hypothèse, d’autant que la seule porte fouillée de cette enceinte est dominée par une tour encadrée par deux ailes rentrantes du rempart [fig. 290]. La phase 5 est caractérisée par l’édification, durant le troisième quart du iie s. av. J.-C., d’une nouvelle enceinte autour de la cour résidentielle, qui redonne au cœur de l’habitat des capacités de mise en défense supérieures à celles dont il disposait à la phase 3. La création de deux nouvelles portes, au nord et au sud de l’enceinte, ne contredit pas cette hypothèse. Le tracé complexe des accès, avec des ponts et des passages en chicane, montre en effet la priorité donnée au contrôle des portes. Vers le milieu du ier s. av. J.-C., une seconde phase de travaux comprend le renforcement de ces entrées par la construction d’une tour en avant de la porte sud, et l’implantation de palissades de part et d’autre des portes de l’enceinte, signes probable d’une amélioration des dispositifs de mise en défense de l’enceinte.

33L’évolution des clôtures et des portes illustre donc non seulement la monumentalité de l’enceinte dès la phase 2, mais aussi les capacités de mise en défense de l’habitat lors des phases 3 et 5. Le caractère défensif des remparts de l’âge du Fer est parfois discuté. Face à une attaque menée en masse compacte, avec des épées ou des lances et des armes de jets de faible portée telles que les arcs ou les frondes, la succession d’enceintes autour de la résidence de Paule a pu briser l’ordre et la couverture des assaillants et les rendre ainsi plus vulnérables. Seule l’escalade au moyen d’échelles, une fois le fond des fossés atteint, leur donnait quelque espoir de franchir l’enceinte, à moins qu’ils ne tentent d’enfoncer les portes à l’aide d’un bélier, difficile à manier avec les chicanes et les tours qui dominaient les accès. Avec des défenseurs en nombre suffisant, une enceinte de ce type pouvait être défendue. L’apparition des machines de guerre romaines, lors de la Conquête, fera basculer l’équilibre des forces en faveur des assaillants, hormis pour les sites naturellement bien défendus ou qui auront été dotés, dans le cadre de l’effort de guerre, de dispositifs adaptés tels des remparts massifs de type Fécamp.

9.3. Maisons et dépendances

34Les fondations retrouvées à Paule ont permis de restituer, de manière fiable, les plans de 20 bâtiments [fig. 291], sans compter ceux qui étaient dédiés au traitement des récoltes ou au stockage (cf. infra, § 9.4).

FIG. 291. Maisons et dépendances identifiées à Paule.
Houses and annexes identified at Paule.

Dessin Y. Menez, M. Dupré.

9.3.1. Les maisons successives

35Plusieurs bâtiments étonnent par leur ampleur et leur conception originale. C’est bien évidemment le cas de la demeure, ou plutôt des demeures successives. Celles-ci dépassent en dimensions la plupart des maisons du second âge du Fer jusqu’ici retrouvées dans la région, qui sont le plus souvent comprises entre 20 et 60 m2 (Menez etal. 1990) [fig. 292]. Les plus vastes, comme celles qui ont été récemment fouillées à Plumaugat / Saint-Pierre, dans les Côtes-d’Armor (Ah Thon 2018) [fig. 292 : 11], ou à Ossé / La Clairai-serie en Ille-et-Vilaine (Le Gall 2015) [fig. 292 : 12], peuvent atteindre une surface au sol de 160 m2. Elles sont toutefois d’au moins un siècle plus récentes que la maison de phase 2 de Paule, qui est pourtant de dimensions comparables. La superficie de la maison de phase 1 est estimée à 410 m2 [fig. 291 : 1]. Quelques constructions comparables mais d’une superficie inférieure à 260 m2 ont été mises au jour à Barbey / La Haye Guyonne et à Grisy-sur-Seine / Les Terres du Bois Mortier (Seine-et-Marne) ainsi qu’à Verberie / Le Buisson Campin (Oise) [fig. 13]. Les charges de la toiture étaient supportées par une paroi massive constituée de poteaux accolés profondément implantés dans le sol.

FIG. 292. Bâtiments identifiés sur des habitats ruraux du second âge du Fer en Bretagne.
Buildings identified at rural settlements in the Second Iron Age in Brittany.

Dessin Y. Menez d’après Maguer, Le Gall 2018 : fig. 2, 4, 6, 10.

36Cette maison est remplacée, durant les phases 2 et 3, par une demeure de 13,75 × 8,50 m. Elle est fondée sur neuf poteaux disposés en trois lignes espacées de 7,50 m [fig. 291 : 2]. Durant les phases 4 et 5, cette maison, incendiée, est rebâtie et agrandie [fig. 291 : 3]. Le nouvel édifice (22 × 8 m), comporte cinq alignements de trois poteaux espacés de 4 m –ou de 8 m au centre de la construction– à l’aplomb d’un ancien souterrain que l’on vient de combler partiellement. Un poteau, au nord, doit supporter une toiture aménagée en croupe vers les vents dominants. Le plan de cette maison peut se rapprocher de celui du plus vaste des deux bâtiments de stockage construits à l’est de la résidence, dans la basse-cour.

37Ces deux constructions sur séries de trois poteaux, monumentales par leurs dimensions, la taille de leurs fondations et la section quadrangulaire des poteaux utilisés, ne trouvent que de rares parallèles parmi les nombreux bâtiments de l’âge du Fer identifiés en Bretagne. On peut mentionner celui de Ménéac / Le Val Bodron, dans le Morbihan [fig. 292 : 13], qui est d’architecture semblable (Maguer, Le Gall 2018 : 336, type ix) mais de dimensions inférieures, et les maisons de Plumagat et Ossé déjà évoquées plus haut. L’ampleur des fondations de la maison de phase 2, comparable à celles des tours, la position de ce bâtiment à l’angle de l’enceinte et la découverte de probables fragments de plafonds parmi ses ruines incendiées fondent l’hypothèse qu’elle était dotée d’un étage. Sa superficie, estimée à 103 m2 au sol, atteindrait ainsi 206 m2. Il doit en être de même pour la maison des phases 4 et 5, aux fondations tout aussi imposantes, dont la superficie estimée à 175 m2 au sol serait à doubler et atteindrait 350 m2. Un fait remarquable mérite d’être souligné : durant toute l’histoire de ce site, la maison se situe toujours le long de la clôture ouest, sa façade ouvrant à l’est, en direction de la cour. De toute évidence, si l’on en juge par le plan des édifices habituellement mis au jour sur les habitats de l’âge du Fer en Bretagne, les maisons de Paule sont hors normes, sans commune mesure avec celles qui sont alors en usage construites dans la région.

9.3.2. Les autres bâtiments

  • 6 Le site a été fouillé sur 8 ha en 2009 et 2010 sous la direction de Tim Allen, dans le cadre d’une (...)
  • 7 Les vestiges se développent en dehors de l’emprise de l’aménagement qui a suscité l’opération préve (...)
  • 8 Ils ont fait récemment l’objet de deux synthèses : Maguer, Le Gall 2018 : 337-340 et Barral et al. (...)

38Deux autres édifices sont tout aussi remarquables. Le premier [fig. 291 : 4] est composé d’un corps central de 35 × 6 m et de deux ailes de 24 × 6 m encadrant une cour d’une superficie proche de 385 m2. Des dispositions comparables ont été observées sur certains habitats majeurs du second âge du Fer dans l’Ouest de la France [fig. 293]. On peut citer l’ensemble qui jouxte l’enclos des Natteries au Puy-Saint-Bonnet près de Cholet dans le Maine-et-Loire (Maguer 2000). Il permet de restituer un bâtiment à trois corps de 20 à 30 m de long disposés autour d’une vaste cour [fig. 291 : 5], chaque corps étant peut-être composé de plusieurs bâtiments. Celui de Kerven Teignouse à Inguiniel semble assez proche mais la longueur des ailes, peut-être constituées elles aussi de plusieurs bâtiments accolés, ne semble pas excéder 18 m (Tanguy, Bourhis 2006). Plus récemment, a été mise au jour près de l’enceinte de La Ville Pollo à Trégueux (Côtes-d’Armor)6 une construction tout à fait comparable, encore plus monumentale, constituée de quatre corps de 35 × 4,55 m encadrant une cour carrée de 25 m de côté (Chartier-Le Floch 2010 ; Allen et al. 2012). Ces vastes ensembles ont été édifiés à l’extérieur de l’enceinte quadrangulaire principale qui constituait le cœur de l’habitat. On signalera enfin le bâtiment très original récemment découvert sur le site des Hautes Perrières à Vern-sur-Seiche (Ille-et-Vilaine), probablement édifié sur des poutres sablières basses, elles-mêmes implantées dans de petites tranchées creusées dans le substrat, à moins qu’elles n’aient accueilli des parois de planches (Escats 2019 : 132-136). Seules deux corps de cet édifice, ont pu être étudiés7. Mais son insertion dans un enclos quadrangulaire, observée sur des clichés verticaux, permet d’envisager la présence d’un troisième corps de bâtiment au nord, dans l’emprise délimitée par le fossé. Signalons la présence, sur la même commune, d’un vaste habitat rural contemporain, celui des Hauts de Gaudon (Escats 2017). Malgré leur monumentalité, ces constructions doivent sans doute être considérées –dans l’Ouest– comme des dépendances placées à l’abri d’un enclos. La présence vraisemblable d’une écurie dans l’aile ouest de la construction de Paule valide cette hypothèse. Dénommés « ensembles sur cour », ces édifices sont encore peu nombreux8. Celui de Paule, pour le moment le plus ancien, est de dimensions comparables à celui de Trégueux, mais il est amputé d’un tiers dans sa partie méridionale. Un édifice de plan semblable à celui de Trégueux, mais plus vaste, à quatre corps de 43 à 44 m de long encadrant une cour de 680 m2, a été fouillé de 2012 à 2016 sur l’oppidum de Bibracte, en Saône-et-Loire. Il a été mis en parallèle avec les ensembles de Corent, dans le Puy-de-Dôme, ou des Vergnes à Thésy-Glimont, dans la Somme (Barral et al. 2018 : 504-506). La destination de ces ensembles sur cour, d’usage communautaire ou public, est encore incertaine. Tous sont datés des iie et ier s. av. J.-C. et sont implantés au sein d’oppida ou près d’habitats monumentaux interprétés comme des résidences aristocratiques.

FIG. 293. Ensembles sur cour des IIe et Ier s. av. J.-C. dans l’Ouest de la Gaule.
Courtyard ensembles of the 2nd and 1st c. BC in western Gaul.

Dessin Y. Menez d’après : 1 Allen et al. (2012 : 629) ; 2 Maguer (2000 : 223) ; 3 Tanguy 2010 : 6 ; 4 Escats 2019 : 130.

39Le second édifice [fig. 291 : 5] (35 × 20 m), est délimité par une paroi de bois et, sur une façade, par quatre poteaux espacés d’environ 4 m. Nous y voyons un espace non couvert, simplement clôturé, comparable à celui qui a été identifié à Corent sous les vestiges d’un théâtre romain. À Corent, comme à Paule, un vaste édifice d’une quarantaine de mètres d’ouverture fondé sur tranchées ou trous de poteau, encadre un espace vide [fig. 294] ; il est interprété comme un lieu destiné à la tenue d’assemblées politiques, comparable au bouleuterion grec dont on trouve un exemple à Glanum, dans les Bouches-du-Rhône (Poux, Demierre 2015 : 632, 636-639 ; Poux 2016 : 101).

FIG. 294. Sur l’oppidum de Corent (Puy-de-Dôme), sous un théâtre antique, un édifice du second âge du Fer encadrant une cour pourrait être un bouleuterion. Il présente certaines similitudes avec le « bâtiment à portique » mis au jour dans la cour résidentielle de Paule.
At the Oppidum of Corent (Puy-de-Dôme), under an Antique theater, a Second Iron Age edifice framing a courtyard could be a bouleuterion. It displays some similarities with the “portico building” discovered in the residential courtyard at Paule.

Dessin Y. Menez d’après Maguer, LeGall (2018 : fig. 11).

  • 9 Pline l’Ancien, Hist. nat., XIX, 2 : « En Germanie, c’est enfouis et dans des souterrains que les o (...)

40Les constructions retrouvées par ailleurs sur le site, vraisemblablement des dépendances, apparaissent comme bien plus modestes. Durant la phase 1, seul un petit bâtiment [fig. 291 : 13] et les vestiges de deux ateliers semi-enterrés vraisemblablement utilisés pour le tissage [fig. 295a : ateliers de tissage] ont été identifiés. Ces derniers ne trouvent aucune comparaison dans l’Ouest. Pline l’Ancien mentionne cependant l’usage de telles fosses pour le travail du lin, en Germanie comme en Italie9 et des structures similaires ont été retrouvées sur de nombreux habitats de l’âge du Fer en Europe occidentale. Confectionner les tissus dans des bâtiments partiellement excavés permettait de maintenir le degré d’humidité nécessaire à la solidité des fils travaillés.

FIG. 295. Mise en parallèle de la cave et des constructions semi-enterrées de la phase 1 de Paule avec les caves et souterrains d’autres habitations du second âge du Fer, à Ifs (Calvados).
Comparison of the cellar and semi-buried constructions of Phase 1 at Paule with the cellars and souterrains of other Second Iron Age settlements, at Ifs (Calvados).

Dessin a Y. Menez, M. Dupré ; dessin b Le Goff (2002 : fig. 37).

41Sept constructions, d’une superficie au sol comprise entre 50 et 150 m2, ont été mises au jour dans l’enceinte [fig. 291 : 6-12], certaines dans la cour [fig. 291 : 6, 10, 12], d’autres dans l’avant-cour [fig. 291 : 7-9] ou dans la basse-cour [fig. 291 : 11]. Leur destination est difficile à déterminer, hormis pour la forge dont les sols étaient conservés. Il s’agit de constructions encore relativement imposantes, aussi vastes que les bâtiments les plus grands jusqu’ici identifiés sur les fermes gauloises dans la région. Une dernière série de huit bâtiments [fig. 291 : 13-20], d’une superficie comprise entre 12 et 30 m2, est par contre semblable aux maisons et dépendances habituellement identifiées dans les habitats ruraux du second âge du Fer en Bretagne (Maguer, Le Gall 2018).

9.4. Le stockage et le traitement des récoltes

42Au cours des trois premières phases de son occupation, on rencontre dans la résidence des constructions souterraines ou semi-enterrées. Le fait est habituel dans cette région entre le vie et le iiie s. av. J.-C. La répartition géographique de ces excavations correspond en effet à la partie de la péninsule Armoricaine située à l’ouest de La Rance et de La Vilaine (Giot 1990 ; Bossard et al. 2018 : 350). Depuis le début des années quatre-vingt-dix, des structures similaires ont toutefois été mises au jour sur une dizaine d’habitats du second âge du Fer dans le département de La Manche et dans la plaine de Caen (Bossard 2020 : 36-38). L’un des intérêts de Paule est d’avoir révélé la diversité de leur mode de creusement et de construction ainsi que la variabilité de leur implantation par rapport aux clôtures et aux bâtiments.

43Ainsi, il a été possible de distinguer une cave sous le premier logis [fig. 295a], qui était vraisemblablement destinée à entreposer les denrées et les ustensiles d’usage quotidien, de la même façon que dans nos caves actuelles. Il s’agit du mode de stockage le plus ancien identifié sur les habitats du vie s. av. J.-C. dans la région, comme le montrent par exemple les fouilles effectuées sur les sites de Kergariou et de Kervouyec à Quimper dans le Finistère (Menez, Gomez de Soto 2005 : 15-18 ; Nicolas 2013b : 79-87 ; Bossard et al. 2018 : 358-363). En Basse-Normandie, des structures similaires mais de plus petite taille ont été mises au jour.

44Le site de Paule a également livré de petites constructions semi-enterrées, dotées de longs couloirs d’accès aboutissant parfois à des chatières [fig. 295a : celliers]. Ce type de structures n’a été retrouvé que sur peu d’habitats de la péninsule Armoricaine. À la différence des souterrains, elles sont comblées de terre et ne peuvent s’effondrer sous le poids des machines agricoles. Elles doivent toutefois être fréquentes. Il en a d’ailleurs été signalé sur les habitats du second âge du Fer de Plouaret / L’Armorique et de Prat / Pouilladou dans les Côtes-d’Armor (Bardel 1986), d’Inguiniel/Kerven Teignouse dans le Morbihan et de Quimper/ Kerlaëron dans le Finistère (Le Bihan 1985). On en rencontre aussi en Basse-Normandie, par exemple sur le site de la Zac Objectif’s Sud à Ifs (Bossard et al. 2018 : 362-363) [fig. 295b]. Les caractéristiques de ces constructions les font interpréter comme des celliers, destinés à conserver des denrées au frais, à l’abri de la lumière et des variations de températures. On peut penser à des laitages mais également à des boissons alcoolisées.

45La troisième catégorie, celle des souterrains, compte huit ouvrages de superficie et de morphologie très variables, composés de une à huit salles [fig. 296]. Le creusement débutait systématiquement par un puits peu profond qui servait ultérieurement d’accès. À la phase 1, ce puits est vertical et creusé dans la cour ou le long de la paroi du logis. À la phase 2, il prend parfois la forme d’un escalier creusé depuis le flanc du fossé. À partir de ce point initial, le creusement de deux ou trois salles s’effectuait en sape dans la roche ou, lorsque le substrat était instable, par le creusement de fosses ultérieurement boisées et recouvertes de terre. Pour les souterrains les plus vastes, le forage d’un second voire d’un troisième puits était nécessaire pour l’évacuation des déblais. Ces puits, verticaux, sont plus profonds (env. 3 m sous les sols). Les équipes de terrassiers tentaient ensuite de se rejoindre, malgré les difficultés inhérentes au creusement en sape à ces profondeurs. Le profil tourmenté des excavations les plus longues résulte souvent de ces difficultés et de la compacité plus ou moins importante des roches traversées. La présence de trous de poteau au débouché des puits ou à la base des parois signale que des structures de bois venaient prendre appui sur la roche. Il s’agit parfois d’étais mais l’existence de portes est également vraisemblable. Ce sont des lieux où l’air devait toujours rester humide et la température égale –aux alentours de 10 °C– comme dans une cave ou un cellier. Par contre, à la différence des caves et des celliers, leur creusement et leur aménagement ont nécessité un effort considérable, comme tout terrassement effectué sous terre, dans une obscurité difficilement combattue par l’usage de petites lampes à graisse et dans une atmosphère confinée.

FIG. 296. Souterrains de Paule : 1-4 phase 1 ; 5-8 phases 2 et 3.
Souterrains at Paule : 1-4 Phase 1 ; 5-8 phases 2 and 3.

Dessin Y. Menez, M. Dupré.

46La fonction de ces structures a suscité de multiples hypothèses dès le xixes. Leur lien avec les habitats enclos –plus rarement avec les sites fortifiés– du second âge du Fer est rapidement devenu évident. Leurs puits d’accès ont fréquemment été comblés, lors de leur abandon, avec des détritus issus de la vie domestique (Giot 1990). À l’emplacement de certains souterrains anciennement fouillés, la prospection aérienne a parfois mis en évidence des habitats enclos au plan caractéristique du second âge du Fer (Naas 1999 : 111-113 ; Bossard et al. 2018 : 364). Par ailleurs, les fouilles en ont fait apparaître le long des clôtures ou à proximité immédiate des bâtiments identifiés sur des sites d’habitat, parfois un seul comme sur la ferme du Boisanne à Plouër-sur-Rance dans les Côtes-d’Armor [fig. 297 : 1] (Menez 1996 : 60-64) ou Cormelles-le-Royal dans le Calvados [fig. 297 : 8] (Carpentier et al. 2002 : 45-48), parfois plusieurs comme sur les sites d’Inguiniel [fig. 297 : 2-6] ou de Prat / Pouilladou dans les Côtes-d’Armor. Le fait qu’ils constituent des annexes aux habitations n’est donc pas contestable.

FIG. 297. Souterrains associés à des habitats du second âge du Fer et de l’époque romaine (IIe s. av. J.-C.- IIe s. ap. J.-C.) des deux côtés de la Manche.
Souterrains associated with Second Iron Age settlements and the Roman period (2nd c. BC-2nd c. AD) on the two sides of the English Channel.

Dessin M. Dupré.

  • 10 Tacite (Germ., XVI) à propos des Germains : « Ils se creusent aussi des souterrains, qu’ils chargen (...)

47Afin de déterminer la fonction de ces ouvrages, vraisemblablement différente de celle de la cave et des celliers, il est utile d’évoquer les structures similaires mises au jour en Europe. Les fogous de la Cornouaille anglaise, dont celui de Halligye à Trelowarren est un exemple [fig. 297 : 10] (McNeil Cooke 1993 : 58), et les souterrains du Sud-Est de l’Ecosse comme celui d’Angus à Redcastel [fig. 297 : 9] (Dunwell, Ralston 2008 : 117), aménagés entre le iie s. av. J.-C. et le iie s. ap. J.-C., se présentent comme de longs couloirs couverts bâtis en moellons et surmontés de dalles recouvertes de terre. Associés à des habitats enclos dont ils constituent des dépendances, ils possèdent souvent plusieurs accès. L’un de ces accès, juste assez grand pour s’y glisser et qui pouvait facilement être dissimulé, est ménagé dans la paroi du talus de clôture. Ces structures sont interprétées comme des celliers (Clark 1961). Les souterrains d’Irlande [fig. 298], parfois construits avec moellons et dalles comme à Ballycatteen, dans le comté de Cork (Crawford 1979 : 115), parfois creusés en sape dans la roche comme à Ballintemple dans le comté de Derry (Crawford 1979 : 104), sont assez semblables aux souterrains bretons malgré leur datation plus tardive (vie-xiie s. ap. J.-C.). Là encore, on note leur association avec des monastères ou des habitations qui les surmontent. Ces structures sont interprétées comme des cachettes pour les denrées ou les biens les plus précieux de ces habitats, éventuellement pour les personnes lorsque c’était nécessaire (Crawford 1979). Les principales caractéristiques des souterrains de Paule semblent bien valider cette hypothèse, au moins pour une partie d’entre eux. Leurs accès semblent en effet avoir été cachés à l’aplomb des parois d’un bâtiment pour les souterrains 1-3, 6 et 8 [fig. 296] ou à la base du talus de clôture pour les souterrains 4, 6 et 7. Il faut les interpréter comme des lieux de stockage à moyen et long terme, analogues à ceux évoqués par Tacite chez les Germains10. La présence, pour les souterrains les plus longs (no 1, 6 et 8), d’un accès localisé à l’aplomb de la paroi de la maison et d’un autre sur le flanc du fossé permet d’envisager qu’ils ont pu également servir de porte dérobée.

FIG. 298. Souterrains associés à des habitats médiévaux en Irlande (VIe-XIIe s. ap. J.-C.) (Crawford 1979 : 104, 115).
Souterrains associated with medieval settlements in Ireland (6
th-12thc. AD) (Crawford 1979 : 104, 115).

48Ainsi restituée, la structure de ces souterrains rappelle fortement les systèmes de défense passive mis en œuvre par les populations paysannes ou les petites seigneuries médiévales et modernes pour lutter contre les pillards (Lefebvre 1985 ; Triolet, Triolet 2003 : 10). Le grand nombre de souterrains de ce type retrouvés dans la péninsule Armoricaine, datés d’une période comprise entre le vie et le iie s. av. J.-C., montre que ce phénomène a profondément marqué la société rurale (Bossard et al. 2018 : 356-358). On peut penser qu’un grand nombre d’habitats possédaient alors un souterrain au moins, le plus souvent dans l’enclos, parfois à l’extérieur. La nécessité de disposer de tels lieux devait être suffisament impérieuse et durable pour justifier leur aménagement, au prix d’un labeur certainement exténuant. Des lieux dont le volume semble refléter l’ampleur des installations qui les surmontent.

  • 11 Diodore de Sicile (BH, V, 21) à propos des Bretons : « Leurs maisons sont de chétive apparence, ell (...)

49La nature des denrées qui y étaient dissimulées est difficile à déterminer. On pense tout d’abord aux céréales, la principale richesse alimentaire, mentionnée non seulement par Tacite mais aussi par Diodore de Sicile11, ou à des légumineuses comme il en a été identifié par la carpologie dans des caves du second âge du Fer de Basse-Normandie. Le problème essentiel pour la conservation du grain dans ces conditions est l’impossibilité d’obtenir l’anaérobie que permet le stockage en silo. La présence de soupiraux dans certains des souterrains de Paule manifeste un souci de ventilation. L’hypothèse que ces constructions ont avant tout été destinées à la conservation de productions animales, notamment les laitages à divers stades de leur traitement –égouttage, affinage et stockage–, semble donc aujourd’hui la plus argumentée, même si d’autre denrées comme des boissons alcoolisées ont également pu être entreposées un temps dans ces lieux frais et, pour certains, humides. La disposition des structures enterrées et semi-enterrées du premier habitat pourrait plaider en ce sens, avec un égouttage des laitages dans les celliers, qui étaient dotés d’un drain évacuant les eaux vers le fossé adjacent, suivi par l’affinage et le stockage qui se seraient effectués dans les souterrains installés sous ou à proximité immédiate de la maison. En Gaule celtique, la présence de telles installations à l’âge du Fer n’est avérée que dans la partie la plus arrosée par les précipitations océaniques, dans des régions aujourd’hui encore plus connues pour la qualité de leurs herbages que par la céréaliculture, ce qui renforce l’hypothèse.

50Pour toute société paysanne, la conservation à moyen terme des denrées est vitale pour passer l’hiver et les périodes difficiles. Certaines des fermes où de tels souterrains ont été observés sont dotées, comme à Paule, d’enclos plus ou moins vastes sans trace de construction. Peut-être s’agit-il de corrals, marquant la présence de bétail au sein de ces exploitations au même titre que les mares qui leur sont parfois associées. Des analyses chimiques ou des études environnementales pourront, à terme, valider ou infirmer de telles hypothèses qui ne seront, de toute façon, pas exclusive. Dans certains de ces souterrains ont en effet été déposés des objets plus précieux, tel le collier en or retrouvé dans le souterrain de Kerelen à Treglonou dans le Finistère (Le Goffic et al. 1986).

51À l’issue de l’incendie qui marque le début de la phase 4, au second quart du iie s. av. J.-C. (cf. supra, § 5.1.1), le mode de stockage est subitement modifié. Il s’effectue non plus sous terre mais dans des bâtiments édifiés à l’extérieur de la résidence, à l’abri de la vaste enceinte qui la protège désormais [fig. 299]. Trois de ces bâtiments sont des petits greniers de 2 à 3 m de côté supportés par quatre poteaux, fréquents sur les fermes de la fin du second âge du Fer [fig. 299 : 2, 5-6]. Un quatrième, un peu plus grand, a été retrouvé dans l’enclos carré à l’est de l’enceinte [fig. 299 : 1]. Un bâtiment sur neuf poteaux [fig. 299 : 7] édifié dans un enclos rectangulaire correspond à un grenier d’une taille inhabituelle de 6 × 7 m. Un autre (8,10 × 7,80 m), construit à cheval sur le fossé comblé de l’enclos carré, est proche par son plan [fig. 299 : 3]. Il est interprété, du fait de l’ajout de quatre poteaux moins profondément implantés sur la façade nord, comme un porche d’accès dont l’étage a pu servir de grenier. Enfin, deux grands bâtiments [fig. 299 : 4, 8] sont interprétés comme des entrepôts et des lieux de traitement des récoltes. D’une dimension de 31 × 9 m, le plus vaste [fig. 299 : 8] compte dans un premier temps cinq lignes de trois poteaux espacés de 5,30 m, ou de 10 m à l’extrémité sud. Sa surface au sol est proche de 245 m2. Un étage supporté par les quatre lignes centrales de poteaux, qui sont espacées de 5,30 m, a pu permettre de porter sa superficie utile à environ 400 m2.

FIG. 299. Greniers, grange et entrepôt de Paule. À noter : avec ses portes cochères, le rez-de-chaussée du n° 3 paraît avoir servi également de porche d’entrée à l’enclos de stockage carré de la basse-cour ; les fosses moins profondes entre les supports de la façade sud correspondent aux fondations de deux portes.
Lofts, barn and storehouse at Paule. To be noted : with its carriage doors, the ground level of number 3 could have also served as an entrance porch to the square storage enclosure of the farmyard ; the shallower pits between the supports of the southern façade correspond to the foundation of the two doors.

Dessin Y. Menez, M. Dupré.

52Le passage, vers -175, du stockage souterrain au stockage aérien participe d’un phénomène général constaté sur la majeure partie des sites de la période. « Il semble qu’à ce moment, celui du développement rapide des oppida […], l’essentiel du stockage des excédents ait été assuré […] non plus dans les traditionnels silos et petits greniers surélevés mais dans de gigantesques entrepôts, à l’image des vastes greniers publics et militaires de la période romaine » (Gransar 2002a). Ces entrepôts sont conçus avant tout pour abriter et conserver dans de bonnes conditions d’importants stocks de céréales et de légumineuses. Cette évolution du stockage peut donc traduire, si l’on admet l’hypothèse de la conservation –surtout des produits laitiers– dans des souterrains, une diminution de l’importance des produits d’élevage au profit des productions végétales.

9.5. L’alimentation en eau potable

53L’habitat de Paule surplombe les sources de Saint-Symphorien. Celles-ci sont issues du drainage d’une faille entre les schistes et les grès qui constitue une réserve d’eau importante et pérenne [fig. 300] (Provost et al. 2013 : 12). La découverte de quelques tessons d’amphores Dressel 1A à proximité [fig. 4] montre qu’elles ont été utilisées dès l’âge du Fer, vraisemblablement pour alimenter –par portage– l’habitat en eau potable de bonne qualité. Cet approvisionnement a été complété par l’aménagement de citernes et de puits près des maisons, dispositifs jusqu’ici encore rarement observés sur les habitats du second âge du Fer en Bretagne, à l’exception de ceux qui ont été fouillés dans les agglomérations de Quimper / Kergolvez dans le Finistère (Le Goff 2007) et de Trégueux / La Porte Allain dans les Côtes-d’Armor (Allen et al. 2012) ou de puits bien moins profonds étudiés dans quelques fermes.

FIG. 300. Les points d’eau identifiés à Paule : citernes et puits
The water sources identified at Paule : cisterns and wells.

Dessin Y. Menez, M. Dupré.

54Durant les trois premières phases de l’occupation, il s’agit de citernes alimentées par l’eau de pluie. La plus ancienne et aussi la plus spectaculaire est celle de la phase 1. Elle est édifiée pour partie sous les sols de la maison, pour partie à l’extérieur [fig. 300 : 1]. D’une capacité estimée à 12 m3, elle était rendue étanche par un boisage dont les planches étaient glissées entre des poteaux. La disposition de ces derniers permet d’envisager que la citerne était constituée de deux bacs séparés par un système de filtration. L’eau devait y être prélevée à l’aide d’un seau directement depuis l’intérieur de la maison. À l’autre extrémité, une rigole permettait d’évacuer le trop plein vers le fossé qui entourait le bâtiment. La citerne des phases 2 et 3 [fig. 300 : 2] a laissé des vestiges plus ténus. Nettement moins profonde mais presque aussi vaste, cette fosse rectangulaire atteste probablement d’une amélioration technique. Seul le fond en est conservé car elle devait être en grande partie édifiée au-dessus des sols et était sans doute intégrée au rempart. Les eaux de pluie, récupérées dans un caniveau peut-être aménagé dans le chemin de ronde, devaient s’accumuler dans cette cuve disposant vraisemblablement d’un trop-plein vers le fossé. Son volume est estimé à 22 m3. L’arasement du rempart au début de la phase 4 a détruit cette citerne, aussitôt remplacée par trois autres cuves aménagées dans l’unique rempart qui délimitait alors la résidence. L’une est semblable à la précédente [fig. 300 : 3]. Son volume devait être compris entre 9 et 11 m3. Une autre [fig. 300 : 4], de 1 m de côté, prend la forme d’un puits aménagé dans le rempart. Sa profondeur est comprise entre 4,50 m et 5,50 m. Son volume est estimé à 5 m3. Le volume de la dernière [fig. 300 : 5] devait être compris entre 20 et 25 m3. À l’exception de la citerne de phase 1 qui recueillait les eaux de toiture de la maison, les autres ont toutes été aménagées dans le front du rempart, dans les parties basses de l’enceinte de circonvallation de la cour d’habitation [fig. 55, 79]. Leur position topographique est donc cohérente avec les nécessités de la récupération des eaux de pluie. Ces citernes devaient être en grande partie édifiées au-dessus des sols, l’eau étant maintenue par un boisage étanche inséré dans la masse du rempart. Comme pour la citerne de phase 1, un conduit devait permettre d’évacuer le trop plein en cas de fortes averses. Un tel dispositif n’a de sens que si l’on évite le puisage. Il serait en effet aberrant d’élaborer un système plus complexe que le précédent s’il doit obliger à gravir le rempart pour puiser l’eau. Il semble donc plus vraisemblable d’envisager, même s’il n’en demeure aucune trace, qu’une canalisation de bois conduisait l’eau à proximité du logis par le simple effet de la gravité.

55Durant la dernière phase, les citernes sont abandonnées au profit d’un nouveau dispositif : le puits. Le premier est intégré à un bâtiment [fig. 300 : 6]. Particulièrement profond, il permettait de disposer d’une provision journalière d’environ 3 m3 qu’il fallait remonter sur plus de 18 m. Une machine en chêne qui paraît avoir été équipée d’une bielle facilitait la remontée des seaux. Une cuve posée sur les sols dont il ne subsiste aucune trace devait recueillir l’eau ainsi puisée. Le percement d’un second puits d’une morphologie tout à fait similaire a été amorcé dans la seconde moitié du ier s. av. J.-C. Ces travaux seront arrêtés à une profondeur légèrement supérieure à 15m sans que l’eau ait été atteinte. Les ouvriers spécialisés qui ont creusés les deux excavations ont recherché l’eau dans l’enceinte en forant dans les grès sur le versant nord, dans le prolongement du ruisseau alimenté par les sources de St-Symphorien, situées en contrebas. La différence entre l’altitude du terrain aux endroits choisis pour chaque puits (268,65 et 269,09 m ngf) et celle des sources (250 m ngf) donnait une estimation de la profondeur à atteindre, soit entre 18 et 19 m. Un seul ouvrier a pu travailler au fond, dans une roche dure, un autre au moins se chargeant de l’évacuation des déblais et de l’eau, une fois celle-ci atteinte. Le percement a dû prendre des mois (Kill 2012 : 118). L’eau du premier puits, dont nous avons dit plus haut qu’elle était probablement déversée dans une cuve, était stockée sur un point haut. Elle pouvait donc être transportée par une conduite à proximité de la maison.

56Ce dispositif technique particulièrement remarquable a pû être inspiré par des techniques minières mises en œuvre à proximité (cf. infra, § 10.2.6).

9.6. Un monde communautaire qui se cloisonne et se spécialise

57Les différents aspects de l’évolution de cette résidence, tels qu’ils peuvent être perçus à travers les plans restitués pour chaque phase [fig. 35, 59, 67, 100, 146], n’affectent guère sa superficie qui demeure relativement constante durant les cinq siècles de son occupation. La morphologie du site connaît en revanche d’importants changements. Le premier habitat se présente comme un vaste enclos aux formes arrondies réunissant en son sein la maison et l’ensemble de ses annexes. Un second enclos édifié à sa périphérie n’accueillait que le bétail. Ce dispositif à l’organisation très équilibrée semble être à l’image du bâtiment central aux angles arrondis où résidait manifestement l’ensemble de la maisonnée, c’est-à-dire la famille élargie qui possédait ce site et les personnes qui y travaillaient. Les nécropoles familiales présentent un aspect assez similaire, avec un enclos quadrangulaire recelant les sépultures d’adolescents et d’adultes, vraisemblablement des hommes et des femmes même si la fragmentation des ossements ne permet guère de l’affirmer, et peut être, en bordure, déposées dans des urnes plus grossières, quelques personnes plus modestes. L’image qui s’offre alors à nous est celle d’un monde communautaire où l’on vit ensemble, sous le même toit.

58La phase 2 est marquée par l’édification d’une enceinte bipartie, qui organise les activités de la maisonnée en deux espaces séparés. Le premier, qui abrite le logis où réside la famille, est caractérisé par la monumentalité affirmée de ses clôtures et de ses bâtiments. La façade verticale du petit rempart et les tours aux portes et aux angles portent la marque d’une hiérarchie verticale, où l’espace résidentiel domine de manière particulièrement évidente l’avant-cour, un espace simplement clôturé qui accueille vraisemblablement les annexes et les dépendances. Ce dispositif architectural met en exergue la partie résidentielle et la famille qui l’habite. Ce monde apparaît dès lors comme cloisonné, entre une famille assise sur ses biens qu’elle a enfouis dans ses souterrains, et ceux qui sont chargés de l’entretien et de l’exploitation. La construction d’une nouvelle enceinte autour de la partie résidentielle à la phase 3 accentue encore cet isolement. Elle confère au cœur du site l’aspect d’un réduit fortifié protégé par une multivallation. L’unique accès à cet espace traverse toutefois l’avant-cour, sorte de bastion avancé mis en défense par un renforcement considérable de la clôture.

59La phase 4 est marquée par l’arasement de la ligne interne de rempart qui protégeait le cœur de l’habitat. La surélévation vraisemblable du rempart subsistant permet toutefois de conserver une rupture marquée entre l’avant-cour et la partie résidentielle. Les dispositifs de stockage et autres dépendances, telle l’écurie identifiée dans l’aile ouest d’un vaste édifice, sont rejetés à l’extérieur de ces deux espaces, parfois à une centaines de mètres comme c’est le cas pour les enclos carré et rectangulaire qui protègent de vastes entrepôts et des greniers. La construction d’une nouvelle enceinte permet toutefois de les englober dans une immense basse-cour qui protège tout le sommet de la colline. Ce dispositif architectural correspond à un univers cloisonné, où le soin des chevaux, l’entreposage et le gardiennage des récoltes sont confiés à des personnes affectées à ces tâches dans des édifices spécialement conçus à cet usage. Ce phénomène se poursuit lors de la phase 5 avec la construction d’une forge et de nombreux autres bâtiments dans la basse-cour. La création de deux portes permettant d’accéder directement à la cour résidentielle sans franchir l’avant-cour, sépare un peu plus ces deux espaces qui semblent désormais s’ignorer.

Notas

1 Sous la direction de Dominique Marguerie (CReAAH ; UMR 6566 du CNRS).

2 Forêt de bord de rivière ou de zone humide comme celle qui existait près des sources, en contrebas du site.

3 Ce travail a été réalisé conjointement par Séverine Lemaître, maître de conférence à l’université de Poitiers et membre du laboratoire Hellénisation et romanisation dans le monde antique (HeRMA) de cette université, et Patrick Maguer, ingénieur chargé de recherche à l’Inrap et associé au même laboratoire, en collaboration avec l’Institut de chimie des milieux et des matériaux (IC2MP) de l’université de Poitiers (UMR 7285 du CNRS). L’acquisition des données microtomographiques a été réalisée par la Plateforme Platina de l’IC2MP, que nous remercions ici.

4 Communication orale de Claire-Anne de Chazelles, chargée de recherche au CNRS, laboratoire Archéologie de la Méditerranée et de l’Égypte ancienne (Archimede).

5 César mentionne en effet de tels édifices chez les Bituriges, à Avaricum (BG, VII, 22) : « Ils avaient de tous côtés garni leur muraille de tours recouvertes de cuir. […] L’élévation que gagnaient nos tours par l’accroissement journalier de la terrasse, ils la donnaient aux leurs en y ajoutant de longues poutres liées ensemble ».

6 Le site a été fouillé sur 8 ha en 2009 et 2010 sous la direction de Tim Allen, dans le cadre d’une fouille préventive réalisée par Oxford Archaeology Limited.

7 Les vestiges se développent en dehors de l’emprise de l’aménagement qui a suscité l’opération préventive, laquelle était dirigée par Yoann Escats, archéologue à l’Inrap.

8 Ils ont fait récemment l’objet de deux synthèses : Maguer, Le Gall 2018 : 337-340 et Barral et al. 2018.

9 Pline l’Ancien, Hist. nat., XIX, 2 : « En Germanie, c’est enfouis et dans des souterrains que les ouvriers fabriquent ces étoffes. Il en est de même en Italie dans la contrée Alliane, entre le Pô et le Testa […]. »

10 Tacite (Germ., XVI) à propos des Germains : « Ils se creusent aussi des souterrains, qu’ils chargent en dessus d’une épaisse couche de fumier. C’est là qu’ils se retirent l’hiver, et qu’ils déposent leurs grains. Ils y sentent moins la rigueur du froid ; et, si l’ennemi fait une incursion, il pille les lieux découverts, tandis que cette proie cachée sous la terre reste ignorée de lui, ou le déroute par les recherches mêmes qu’il fait pour la trouver. »

11 Diodore de Sicile (BH, V, 21) à propos des Bretons : « Leurs maisons sont de chétive apparence, elles sont pour la plupart bâties de roseaux et de bois. Ils font la moisson des céréales en coupant les épis et en les déposant dans des lieux souterrains. Ils font sortir les grains des plus anciens épis, et en font leur nourriture journalière. »

Índice de ilustraciones

Leyenda TABL. XIV. Caractérisation des charbons de bois recueillis dans la résidence (Hannoyer 2003 : fig. 11-16 ; Marguerie 1992a : 8). Provenance des lots : 1 remblai de comblement du souterrain no 3 (phase 1, première moitié du IVe s. av. J.-C.) ; 2 remblai de comblement du souterrain no4 (fin de la phase 1, fin du IVe-début du IIIes.av.J.-C.) ; 3 décombres issus de l’incendie, déversés dans le souterrain no 8 (début de la phase 4, second quart du IIe s. av. J.-C.) ; 4 décombres issus de l’incendie, déversés dans le fossé de la première enceinte quadrangulaire (début de la phase 4, second quart du IIe s. av. J.-C.) ; 5 remblai apporté pour implanter une palissade dans le fossé de l’avant-cour, façade sud (phase 5, milieu du Ier s. av. J.-C. ; 6 remblais apportés pour caler la palissade de l’enceinte intérieure de la cour, de part et d’autre de la tour-portière nord (phase 5, milieu du Ier s. av. J.-C.). La courbure des cernes est indicative du diamètre de la branche : plus elle est faible, plus la branche est grosse. Abréviations : nbre nombre, pds poids en grammes, int. intermédiaire, absence. Characterization of the wood charcoal collected in the residence (Hannoyer 2003 : fig. 11-16 ; Marguerie 1992b : 8). Provenience of the lots : 1 infill embankment of Souterrain 3 (Phase 1, first half of the 4th c. BC) ; 2 infill embankment of Souterrain 4 (end of Phase 1, end of the 4th – beginning of the 3rd c. BC) ; 3 debris originating from the fire, discarded in Souterrain 8 (start of Phase 4, second quarter of the 2nd c. BC) ; 4 debris originating from the fire, discarded in the ditch of the first quadrangular enceinte (beginning of Phase 4, second quarter of the 2nd c. BC) ; 5 backfill added to implant a palisade in the palisade in the ditch of the forecourt, southern façade (Phase 5, middle of the 1st c. BC) ; 6 backfill added to wedge the palisade of the interior palisade of the courtyard, from one end to the other of the north door tower (Phase 5, middle of the 1st c. BC). The curvature of the rings is indicative of the diameter of the branch : the smaller the curve, the larger the branch. Abbreviations : nbre number, pds weight in grams, int. intermediary, – absence.
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Leyenda TABL. XV. Croissance des chênes utilisés à Paule d’après les charbons de bois des lots 1 à 6 (Hannoyer 2002 : fig. 18). Abréviations : larg. moy. largeur moyenne, larg. mini. largeur minimum, larg. maxi. largeur maximum. La faible épaisseur des cernes signale que les arbres ont poussé dans une forêt dense. Growth of the oaks used at Paule based on the charcoal of lots 1 to 6 (Hannoyer 2002 : fig. 18). Abbreviations : larg. moy. average width, larg. mini. minimum width, larg. maxi. maximum width. The thinness of the rings indicates that the trees grew in a dense forest.
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Leyenda FIG. 284. Épaisseur des cernes de croissance des chênes du lot 6 (Hannoyer 2002 : fig. 28). Thickness of the growth rings of the oaks of Lot 6 (Hannoyer 2002 : fig. 28).
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Leyenda FIG. 285. Un matériau de construction original retrouvé brûlé dans les décombres de l’incendie qui a détruit la maison au début de la phase 4 : des brins de paille dressés et noyés dans de l’argile. Peut-être des morceaux de plafond. An original construction material found burned in the debris of the fire that destroyed the house at the beginning of Phase 4 : straw strands set and drowned in the clay. Possible pieces of the ceiling.
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Leyenda FIG. 286. Analyse de l’armature d’un fragment de torchis : a-b vue longitudinale et transversale du fragment ; c-d organisation des brins de paille dans le fragment et extraction de quelques brins par la tomographie. Analysis of the armature of a daub fragment : a‑b longitudinal and transversal view of a fragment ; c-d organization of the straw strands in the fragment and extraction of a few strands for tomographic imaging.
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Leyenda FIG. 287. Hypothèse sur l’évolution du profil des clôtures édifiées autour de la résidence, phase par phase. Hypothesis for the evolution of the profile of the fences built around the residence, phase by phase.
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Leyenda FIG. 288. Coupes (éch. de publication : 1 : 200) établies à travers les remparts de trois enceintes de l’Ouest de la France datées des deux derniers siècles av. J.-C. et interprétées comme des oppida (Wheeler, Richardson 1957 : pl. III et XXVII). Sections (publication scale : 1 : 200) recorded across the ramparts of three enclosures in western France dated to the two last centuries BC, and interpreted as oppida (Wheeler, Richardson 1957 : pl. III and XXVII).
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Leyenda FIG. 289. Comparaison des portes et tours de Paule avec celles d’autres sites du second âge du Fer : a évolution durant les phases 1 à 3 ; b portes d’habitats ruraux ; c portes de Viereckschanzen. Comparison of the doors and towers of Paule with those of other Second Iron Age sites : a evolution during phases 1 to 3 ; b rural settlement doors ; c Viereckschanzen doors.
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Leyenda FIG. 290. Mise en parallèle des portes des phases 4 et 5 de Paule avec celles de deux oppida de l’Ouest de la France. Comparison of the Paule doors in phases 4 and 5 with those of two oppida in western France.
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Leyenda FIG. 291. Maisons et dépendances identifiées à Paule. Houses and annexes identified at Paule.
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Leyenda FIG. 292. Bâtiments identifiés sur des habitats ruraux du second âge du Fer en Bretagne. Buildings identified at rural settlements in the Second Iron Age in Brittany.
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Leyenda FIG. 293. Ensembles sur cour des IIe et Ier s. av. J.-C. dans l’Ouest de la Gaule. Courtyard ensembles of the 2nd and 1st c. BC in western Gaul.
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Leyenda FIG. 294. Sur l’oppidum de Corent (Puy-de-Dôme), sous un théâtre antique, un édifice du second âge du Fer encadrant une cour pourrait être un bouleuterion. Il présente certaines similitudes avec le « bâtiment à portique » mis au jour dans la cour résidentielle de Paule. At the Oppidum of Corent (Puy-de-Dôme), under an Antique theater, a Second Iron Age edifice framing a courtyard could be a bouleuterion. It displays some similarities with the “portico building” discovered in the residential courtyard at Paule.
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Leyenda FIG. 295. Mise en parallèle de la cave et des constructions semi-enterrées de la phase 1 de Paule avec les caves et souterrains d’autres habitations du second âge du Fer, à Ifs (Calvados). Comparison of the cellar and semi-buried constructions of Phase 1 at Paule with the cellars and souterrains of other Second Iron Age settlements, at Ifs (Calvados).
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Leyenda FIG. 296. Souterrains de Paule : 1-4 phase 1 ; 5-8 phases 2 et 3. Souterrains at Paule : 1-4 Phase 1 ; 5-8 phases 2 and 3.
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Leyenda FIG. 297. Souterrains associés à des habitats du second âge du Fer et de l’époque romaine (IIe s. av. J.-C.- IIe s. ap. J.-C.) des deux côtés de la Manche. Souterrains associated with Second Iron Age settlements and the Roman period (2nd c. BC-2nd c. AD) on the two sides of the English Channel.
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Leyenda FIG. 298. Souterrains associés à des habitats médiévaux en Irlande (VIe-XIIe s. ap. J.-C.) (Crawford 1979 : 104, 115). Souterrains associated with medieval settlements in Ireland (6th-12thc. AD) (Crawford 1979 : 104, 115).
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Leyenda FIG. 299. Greniers, grange et entrepôt de Paule. À noter : avec ses portes cochères, le rez-de-chaussée du n° 3 paraît avoir servi également de porche d’entrée à l’enclos de stockage carré de la basse-cour ; les fosses moins profondes entre les supports de la façade sud correspondent aux fondations de deux portes. Lofts, barn and storehouse at Paule. To be noted : with its carriage doors, the ground level of number 3 could have also served as an entrance porch to the square storage enclosure of the farmyard ; the shallower pits between the supports of the southern façade correspond to the foundation of the two doors.
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Leyenda FIG. 300. Les points d’eau identifiés à Paule : citernes et puits The water sources identified at Paule : cisterns and wells.
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