Chapitre 4. Montours/Louvaquint
4 Montours/Louvaquint
4 Montours/Louvaquint
p. 121‑141
Résumés
Ce site, où subsistent essentiellement des réseaux fossoyés, révèle une occupation discontinue de la Protohistoire à nos jours. Le haut Moyen Âge (viie‑viiie s.) est connu par le mobilier céramique découvert dans des fossés et par quelques structures appartenant à un habitat situé légèrement plus à l’est. Le réseau fossoyé du haut Moyen Âge se raccorde parfaitement à celui découvert au Teilleul.
Remains on the Louvaquint site, consisting primarily of ditch systems, indicate intermittent occupation of the site from the Bronze and Iron Age periods to the present day. The early medieval period (7th to 8th century) is represented by pottery found in ditches and by other structures connected to a habitation site located slightly further east. The system of early medieval ditches links up with the one found at Le Teilleul.
Die Fundstätte Louvaquint, von deren Besiedlung ein Netz von Gräben zeugt, ist von der Frühgeschichte bis in die Gegenwart unregelmäßig besiedelt gewesen. Das Frühmittelalter ist durch Keramik aus Gräben belegt sowie durch einige Strukturen, die zu einer etwas weiter östlich gelegenen Siedlungsstätte gehört haben. Sie sind charakteristisch für das 7. und 8. Jh. Das Grabennetz des Frühmittelalters schließt sich problemlos an das in Le Teilleul entdeckte Netz an.
Texte intégral
4.1 Présentation
1Le gisement se caractérise par un important réseau fossoyé (habitat regroupant enclos pastoral et parcelles cultivées), dont les dimensions et les axes sont variables et confèrent au plan une certaine complexité (fig. 92, 93). Les fosses foyers, silos, fossés sont autant de traces d’une longue et dense occupation de la Protohistoire à nos jours1. L’étude stratigraphique témoigne de comblements rapides uniformes mais également de réaménagements successifs complexes.

FIG. 92 ‒ Louvaquint. Vue aérienne du gisement.
cl. H. Paitier

FIG. 93 ‒ Louvaquint. Plan général du site, sans les chablis et les écofacts.
dessin P. Nogues
2De l’observation générale du plan d’ensemble ainsi que de la fouille ressortent plusieurs informations. L’espace investi correspond d’une part à une occupation ancienne du site (Protohistoire et Moyen Âge) et d’autre part à un dense réseau fossoyé plus récent (fin du Moyen Âge et époque moderne). La présence de réseaux fossoyés est nette, ils incluent la plupart des structures. Les fossés modernes sont aisément identifiables (concentration importante au centre du site) et ne masquent pas les fossés plus anciens (secteurs 5 et 6, au nord‑ouest).
3Ces fossés structurant les sites de Louvaquint et du Teilleul, semblent annoncer l’existence d’une « parcellisation » de l’espace.
4Les autres structures ne semblent pas suivre un plan bien organisé, bien qu’une certaine concentration soit attestée en bordure de décapage à l’est (secteur 2). À cet endroit, des modifications dans l’emprise autoroutière ne nous ont pas permis d’étendre les recherches bien que la zone ait été sondée lors de l’évaluation. Les tranchées avaient d’ailleurs livré un nombre important de structures (trous de poteaux, tronçons de fossés).
5Une première chronologie éclairant l’évolution générale du gisement a été proposée à travers un phasage assez large, regroupant les grandes périodes d’occupation. Cette périodisation du site permettra d’établir des parallèles avec le réseau fossoyé plus cohérent et mieux cerné chronologiquement au Teilleul.
6Les phases I à III sont attribuables aux structures antérieures au haut Moyen Âge, les phases IV à VI couvrent cette période, les phases VII à IX correspondent au bas Moyen Âge et à l’époque moderne, ces dernières sont présentées de façon schématique et complétées par la phase X représentant l’époque contemporaine, les limites cadastrales ainsi que les structures indéterminées.
4.2 Les faits archéologiques et leur phasage
7Le phasage établi est basé sur la confrontation des observations de terrain (étude stratigraphique et chronologie relative), avec l’étude du mobilier archéologique recueilli et l’analyse spatiale globale. Une phase est un intervalle de temps marqué par des changements ou des aspects successifs d’un phénomène en évolution. Les éléments qu’elle recèle ne sont donc évidemment pas tous connexes. Les observations réalisées sur les faits archéologiques permettent de discerner les unités stratigraphiques et les épisodes marquants qui les composent. Ainsi certains fossés ou parties de fossés participent à plusieurs phases, soit par pérennité, soit par reprise à une époque plus tardive. L’étude portant sur les fossés pose toujours le problème de leur datation : faut‑il rappeler que pour la plupart, ils ont été curés, réaménagés, leur tracé a pu être modifié. Ces éléments sont autant de critères nous amenant à rester très prudents sur la datation des systèmes fossoyés. Le phasage est donc un choix d’objectivité ne présentant qu’une chronologie relative générale et souvent large.
4.2.1 Protohistoire et phases antérieures au haut Moyen Âge
8Seuls quelques artefacts néolithiques ont été mis au jour sur le site. Ils ne sont associés à aucune structure datable de cette époque et ne sont le reflet que d’activités ponctuelles pratiquées en campagne (chasse ?).
9Les structures les plus anciennes présentes sur le site, sont attribuables à l’âge du Fer. De ces périodes subsistent approximativement 40 structures (ou niveaux). Creusées dans la couverture limoneuse, elles sont peu profondes et souvent très perturbées par les creusements des époques postérieures. Leur comblement est un limon brun jaunâtre à blanchâtre.
4.2.1.1 Les phases I, II et III
Phase I : l’enclos circulaire A
10La première phase est matérialisée par l’enclos circulaire A (fig. 94a). Il se compose de plusieurs tronçons2 et présente un profil en cuvette. Ces fossés se développent sur les secteurs 5 et 6. Leur profondeur conservée est de 0,15 à 0,30 m pour une largeur de 0,40 à 1 m qui varie selon le pendage du sol. Ils délimitent un enclos approximativement circulaire d’environ 30 m de diamètre. Les deux extrémités sud, dont l’une forme un léger appendice vers l’est (F508), déterminent un accès indirect sur une largeur de 5,5 m.

FIG. 94 ‒ Louvaquint. Plan des structures antérieures au haut Moyen Âge : phases I à III.
dessins P. Nogues
11Au nord‑ouest (secteur 5), un petit enclos circulaire (F686) d’environ 3 m de diamètre encadré de quatre poteaux est installé dans l’enclos A. Il s’agit d’une petite tranchée dont la largeur n’excède pas 0,30 m, conservée sur une profondeur de 0,05 à 0,15 m. Les quatre poteaux qui l’encadrent peuvent former une clôture protégeant un espace central ou composer la base d’une structure légère. Cet ensemble peut correspondre à un petit édicule de terre et de bois à couverture végétale, installé dans l’enclos A. Ces structures n’ont pas été recoupées, toutefois la nature de leur remplissage est proche de celle des faits associés à cette phase.
12Deux tronçons de fossés3 au profil en cuvette ainsi qu’une fosse (F74) d’1,20 m de diamètre, conservée sur une profondeur de 0,10 m et un trou de poteau (F73) de 0,40 m de diamètre sur 0,20 m de profondeur ayant livré du mobilier et se situant à proximité de l’enclos lui ont également été associés, sans que leur fonction puisse être déterminée.
Phase II : le réseau fossoyé B
13Le réseau fossoyé B4, qui recoupe l’enclos A (fig. 95, 96), marque le passage à la deuxième phase (fig. 94b). Il divise le site d’ouest en est et s’implante sur les secteurs 5 et 2. Il a été reconnu sur une longueur de 130 m, sa largeur moyenne est d’1,10 m pour une profondeur de 0,45 m. Son profil général est en cuvette, son comblement formé d’un limon brun‑jaune décoloré. Son tracé linéaire forme un S interrompu sur une distance de 3,60 m permettant le franchissement. Il s’étend de part et d’autre du décapage et n’a pu être reconnu sur son ensemble. Toutefois, plusieurs autres tronçons5 au nord du site et se prolongeant dans la zone I dessinent un tracé qui peut lui être symétrique. Ils formeraient avec lui une vaste parcelle.

FIG. 95 ‒ Louvaquint. Plan et coupe des fossés 19 et 77.
dessins P. Nogues

FIG. 96 ‒ Louvaquint. Plan et coupe des fossés 206 et 218.
dessins P. Nogues
Phase III : l’enclos quadrangulaire C
14L’enclos quadrangulaire C (fig. 97‑100) appartient à la troisième phase6 (fig. 94c). Son creusement se caractérise par un profil en V dont le fond présente les traces d’une rigole aménagée ponctuellement, son remplissage est composé d’un limon brun‑jaune. Son tracé, de 42 m de longueur du nord au sud sur 39 m d’ouest en est, pour une largeur d’1,30 m et une profondeur moyenne de 0,85 m, détermine un espace central de 1 600 m2. Une interruption au centre de son côté est délimite un accès d’une largeur de 3 m. Un aménagement composé d’une tranchée et de deux poteaux participe au système de fermeture de cette parcelle (fig. 101a)7.

FIG. 97 ‒ Louvaquint. Coupe du fossé 199.
cl. H. Paitier

FIG. 98 ‒ Louvaquint. Plan et coupe des fossés 475, 631 et 632.
dessins P. Nogues

FIG. 99 ‒ Louvaquint. Plan et coupe des fossés 213, 282
dessins P. Nogues

FIG. 100 ‒ Louvaquint. Plan et coupe du fossé 213, sondage 5.
dessins P. Nogues

FIG. 101 ‒ Louvaquint. a plan des faits 519, 519bis, 667 et 668 ; b plan et coupe du fait 313.
dessins P. Nogues
15Cet enclos peut être lié à l’habitat comme semble l’attester la présence sur son espace central d’un certain nombre de faits archéologiques tels que fosses, trous de poteaux, vidanges de foyers. Malheureusement ces structures n’ont livré que peu ou pas de mobilier datable et sont parfois très arasées. De plus, le tracé de l’enclos a été repris en partie dans des aménagements postérieurs, les faits qu’il inclut ne peuvent lui être tous associés pour ce qui concerne cette phase.
4.2.1.2 Mobilier archéologique et stratigraphie
16Les abords de ces réseaux fossoyés et de ces enclos ont livré un mobilier archéologique protohistorique dans les niveaux superficiels (cf. infra fig. 110). Les autres structures, isolées (trous de poteaux, petites fosses [par ex. F587] et silos [par ex. F313]), associées à ces périodes n’ont livré qu’un rare matériel archéologique en relation avec le phasage (grattoir et éclats de silex, céramique à gros dégraissant siliceux). Elles n’ont rien apporté de plus pour la compréhension de cette phase et aucun plan cohérent n’a pu être proposé.
17La stratigraphie des structures, réseaux fossoyés ou fosses, est simple. Ces structures ont été pour la plupart remaniées et recoupées par des aménagements postérieurs. Toutefois, on a pu constater, pour les structures isolées, que leur remplissage est composé d’un limon argileux sableux très décoloré ; les fossés, quant à eux, conservent parfois une unité plus humique sur le fond8.
18Seule la fosse F313 (fig. 101b), d’1,60 m de diamètre, conservée sur une profondeur de 0,85 m et au profil en cuvette, possède une séquence stratigraphique plus complète, reflétant plusieurs événements. Le fond et les parois sont tapissés d’un limon brun homogène, mélangé à des poches de limon jaune et gris correspondant à une phase d’abandon et d’effondrement. L’unité stratigraphique supérieure est composée d’une épaisse couche de limon gris présentant une marmorisation due à un remplissage lent. La dernière unité qui scelle la fosse peut correspondre au rejet de creusement de faits géographiquement proches et profonds. Le limon, moins homogène que celui de l’unité précédente de couleur grise, présente des poches d’arène granitique.
4.2.1.3 Orientations des réseaux fossoyés9
19Les premières traces d’aménagements ne sont attestées que lors de la mise en place de l’enclos A, à l’époque prorohistorique. Ce dernier ne présente aucune rigueur d’implantation perceptible sauf pour son accès s’ouvrant au sud‑est vers le haut de la pente. Les limites maximales du parcellaire B n’étant pas connues, le seul élément à considérer est le choix de son implantation sur le versant sud (exposé au nord) du vallon. Il permet ainsi de ne pas être affecté par les vents dominants de sud‑ouest, marins et donc humides, connus dans cette région de l’ouest de la France. L’enclos C au tracé quadrangulaire s’oriente à 13,5° E.
4.2.1.4 Évolution chronologique du plan de la Protohistoire au haut Moyen Âge
20L’époque protohistorique reflète deux occupations. La première est caractérisée par la présence de l’enclos circulaire A. La seconde se différencie par des aménagements plus vastes de plan plutôt quadrangulaire. Après un long hiatus pour lequel nous n’avons aucune information archéologique, le passage à l’époque médiévale est caractérisé par un système fossoyé délimitant de réelles parcelles. Ce réseau délimite une surface à l’intérieur de laquelle sont installées les structures. Ces structures ou ensembles de fosses sont également attestés au haut Moyen Âge. Il s’agit de silos, de petits foyers ou de petits édicules de plan quadrangulaire constitués de poteaux (épiers ou greniers). Leur fonction est liée au stockage (ensemble au nord‑est du secteur 2) et reflète l’activité du site, il nous en manque malheureusement l’extension est. Les vestiges mis au jour au Teilleul, nous donnent davantage d’information sur les aménagements internes des parcelles.
4.2.2 Le haut Moyen Âge
21Cette période se différencie de la précédente, sur le terrain, par une densité beaucoup plus importante de structures. Celles‑ci sont creusées dans la couverture limoneuse et en partie recoupées par des vestiges postérieurs. Le comblement des structures est généralement composé d’un limon argileux de couleur brune. Certains systèmes parcellaires reprennent le tracé de tout ou partie des fossés antérieurs. D’autres voient leur tracé se pérenniser ou disparaître.
22À cette époque, l’occupation s’accentue davantage dans la partie sud‑est du site et le nombre de structures s’accroît. L’ensemble du gisement évolue sensiblement. Les grandes lignes d’implantation jetées lors de la phase V servent d’axes pour les phases suivantes. Les modifications qui s’opèrent s’attachent à structurer davantage l’espace et accentuent la rigueur du plan. Cette époque a pu être divisée en trois phases. Les deux premières correspondent à la mise en place d’une maille sur laquelle vont se développer les phases suivantes. La dernière ne voit s’opérer que des modifications secondaires qui structurent l’espace interne.
23Nous avons pu observer que l’espace restreint au nord‑est du secteur 2, délimité par un système fossoyé secondaire est organisé de telle façon que les zones d’habitat, de stockage et d’activité agricole se développent en direction du hameau actuel et s’étendent en dehors de l’emprise autoroutière.
24Les entrées et passages entre les différentes parcelles sont difficiles à cerner, les aménagements modernes reprenant souvent le tracé ancien. Ces constats révèlent une pérennisation des axes établis dès cette époque.
4.2.2.1 Les phases IV, V et VI
Phase IV : le réseau orthogonal D
25Le système orthogonal D (fig. 102a)10 se rattache à la phase IV ; le profil des tronçons qui le composent est généralement en cuvette avec des parois évasées. Ce réseau fossoyé se développe du nord au sud. Il divise le site en de grandes parcelles et suit le pendage du terrain. Il a été observé sur une longueur de 126 m du nord au sud et 30 m d’ouest en est dans la zone 2. Sa longueur est d’environ 40 m du nord au sud dans la zone 1, si cette partie lui est connexe. Sa largeur moyenne conservée selon le pendage varie de 0,70 m au sud, à 0,90 m à l’est allant jusqu’à 1,40 m au nord. Sa profondeur est variable, de 0,20 m dans le secteur 2 à 0,75 m dans la zone 1. Ce système a subi un certain nombre de remaniements observés dans le remplissage des fossés. Ces modifications correspondent à des reprises successives, notamment dans la zone 1. Dans ce secteur, la liaison avec le reste du gisement est rendue difficile du fait d’une appréhension différente de ces deux zones11. La zone 2 a fait l’objet d’un décapage extensif contrairement à la zone 1 où seules des tranchées ont été exécutées.

FIG. 102 ‒ Louvaquint. Plan des structures du haut Moyen Âge : phases IV, V, VI.
dessins P. Nogues
26Ce réseau, qui couvre l’ensemble de la surface concernée par les fouilles permet d’observer une relation directe entre le plateau et la pente en direction des ruisseaux qui séparent les sites de Louvaquint et du Teilleul. Dans la zone 2, un réseau fossoyé secondaire d’une longueur de 60 m, établi sur les secteurs 3 et 2, permet de faire la liaison entre l’orientation O‑E de l’enclos C, dont les limites doivent être encore perceptibles dans le paysage, et le système fossoyé principal de cette phase. C’est sur cette base que les parcelles suivantes s’implanteront.
Phase V : le réseau orthogonal E
27La phase V est matérialisée par le système orthogonal E (fig. 102b)12. Les profils des fossés qui le composent sont assez variables, si l’on considère que la plupart participent à des réaménagements de tronçons antérieurs (fig. 103). Cette phase est la plus remarquable quant à la mise en place d’une trame orthogonale dont les parcelles s’organisent les unes par rapport aux autres. Quatre ont pu être observées sur le site et bien délimitées. Deux autres, à l’est et au sud de la parcelle A, dont les limites se perdent au‑delà du décapage, peuvent leur être associées. Leurs dimensions sont établies sur une base de 24 à 27 m de largeur et sur une longueur variable puisque établie sur une trame plus ancienne (parcelle A, enclos C, phase III). Leur superficie, elle aussi, varie (parcelle C, 1 000 m2 ; parcelle D, 725 m2).

FIG. 103 ‒ Louvaquint. Vue générale, de l’ouest, des sondages pratiqués à l’intérieur des faits 213/199, 204, 205 et 206.
cl. H. Paitier
28La reprise de l’enclos C sur sa totalité révèle déjà un héritage certain entre une période ancienne et les premiers aménagements médiévaux. Les tronçons qui lui sont directement jointifs reprennent ses axes principaux et découpent l’espace en parcelles quadrangulaires, reconnues sur trois de ses côtés. Le fossé qui faisait la liaison entre l’enclos C et le réseau de la phase IV est redressé. Il marque dès à présent une limite entre les parcelles C et D. Son interruption permet alors la communication entre celles‑ci. Un dernier fossé F501, au nord, dont l’état d’arasement ne nous permet pas de suivre la totalité de son tracé participe au même groupe d’orientation. Dans la zone 1, le système présenté lors de la phase précédente peut tout à fait coexister.
29Dans la zone 2, cette phase voit apparaître, dans le nord‑est du secteur 2 (D’ – fossés 224 et 234), un ensemble de faits strictement circonscrits dans un réseau fossoyé secondaire à la parcelle D, relié au fossé F206. Il se compose de silos, petites fosses, vidanges de foyer, trous de poteaux et correspond à une zone à vocation spécifique liée probablement au stockage et au grillage de céréales. La fosse F229 a un profil en cuvette à fond plat et parois verticales. D’un diamètre d’1,90 m, elle est conservée sur une profondeur de 0,65 m. Son remplissage est composé d’un limon homogène de couleur brun clair, incluant de rares fragments de terre cuite et de charbons de bois. Elle semble pouvoir se rattacher à la typologie de silos enterrés. Le fait F230, oblong, d’1,30 m de longueur sur 0,50 m de largeur et une profondeur de 0,18 m possède un profil en double cuvette à fond plat. Il s’agirait ici d’un trou de poteau ou d’une petite fosse double. Son remplissage est unique, homogène et ne contient aucun matériel. Le poteau F235, d’un diamètre de 0,55 m pour une profondeur de 0,20 m, au profil en cuvette et au remplissage homogène de limon brun pourrait participer avec F230 et F227 à la base d’un petit épier ou grenier sur poteau. Le poteau F227, de 0,55 m de diamètre sur une profondeur de 0,17 m, possède un profil en cuvette, son remplissage est caractérisé par un limon très noir et cendreux (bois brûlé ?). La fosse F225, a un remplissage reflétant plusieurs événements. Il s’agirait d’un foyer ayant subi des curages, comme l’attestent deux couches chargées en charbons de bois et fragments de parois rubéfiées, dont le pendage remontant au nord‑ouest peut être associé au niveau inférieur débordant dans F205, point mettant en étroite relation les phases V et VI dans ce secteur, F205 n’apparaissant qu’à cette dernière phase.
Phase VI : le réseau orthogonal F
30Le système orthogonal F (fig. 102c), correspondant à la phase VI, reprend en grande partie l’état de la phase V13 et les modifications apportées sont assez faibles. La maille définie précédemment est renforcée. Pourtant, la nouvelle parcelle, délimitée par le groupe de fossés F205, F213 (niveau supérieur), F277, F307 et F637, semble présenter des caractéristiques différentes. L’orientation générale de cette parcelle est établie sur un axe N‑S, alors que les parcelles précédentes s’orientaient davantage d’ouest en est. Ce changement laisse entrevoir la mise en place d’un système parcellaire en « languette », bien connu de la fin du Moyen Âge aux époques modernes, et que l’on peut encore observer sur les premiers plans cadastraux du siècle dernier.
31Parallèlement aux tracés médiévaux présents dans la zone 2, les tronçons de la zone 1, bien que contemporains, ne peuvent être calés avec une phase plutôt qu’une autre. Les faits directement associés à ce réseau sont bien cernés. Un groupe de fosses (fig. 104) (ensemble F590), en contact avec le parcellaire (dans son tronçon F 572), a livré un grand nombre de tessons céramiques (cf. infra fig. 111). Ils appartiennent à une séquence immédiatement postérieure à la mise en place de cet enclos. Cet ensemble de structures, lié à une activité de chauffe, se compose de deux fosses principales F573 et F590 (fig. 104) ainsi qu’une troisième F574, légèrement à l’écart. Les séquences stratigraphiques qui les composent tendent à montrer une antériorité de la fosse F573, dont l’abandon est lié à un comblement total et qui, au vu du mobilier céramique, est à rattacher à une phase médiévale. La fosse F574 peut lui être associée, située non loin d’elle, l’ensemble pouvant fonctionner à l’origine. La fonction de ce groupe est liée à une structure de chauffe. Le fossé F572 servait à l’origine à la vidange du foyer. Dans ce fossé, la présence d’un lit très noir composé de charbons de bois et de cendres et recouvert de blocs de granité équarris appartenant à la phase suivante confirme cette hypothèse. Les prélèvements n’ont pas livré de restes de céréales et cette structure de chauffe semble correspondre aux substructures d’un four domestique, implanté dans une zone éloignée de l’habitat. Par la suite, le groupe de fosses qui fonctionnait avec le fossé F572 lors de la phase précédente est réaménagé. La fosse F 590 se substitue à F573, d’une dimension plus importante que la précédente. Elle inclut dans ses niveaux de destruction un grand nombre de blocs de granité et de fragments de parois rubéfiées liés à sa superstructure détruite. Un aménagement de dalles de granité dans le fond de F572, confère à cet ensemble un caractère plus imposant, avec une nécessité de stabiliser les parties basses.

FIG. 104 ‒ Louvaquint. Plan et coupe des faits 572, 573, 574 et 590.
dessin P. Nogues
32Le mobilier céramique découvert dans les premiers niveaux de F590 est identique à celui de la tranchée F516 (cf. infra fig. 111). Cette structure (fig. 105), longue de 6,60 m pour une largeur de 0,65 m et une profondeur de 0,35 m, se décompose en trois parties. Au nord sur une distance de 3,30 m, son remplissage est composé d’un limon brun orangé homogène se détachant bien du fond marqué par un dépôt induré. Au sud, sur une longueur de 0,60 m, le remplissage est formé d’un limon brun très décoloré. La partie centrale, sur 2,50 m de longueur est comblée par un blocage de granité. La fonction de cette tranchée n’est pas évidente, d’autant qu’elle possède, dans son extrémité sud, un recreusement dans lequel a été mise au jour une céramique complète décorée à la molette, l’hypothèse d’un dépôt de fondation n’est pas à écarter, mais pour quelle structure ? Sur l’ensemble du gisement, un grand nombre de structures est inclus dans les parcelles, comme nous l’avons vu pour l’enclos C (parcelle A) à la période précédente. La plupart n’ont pas livré de mobilier datable. Elles peuvent former des ensembles, mais se situent souvent en bordure de décapage ou sont tronquées par des aménagements postérieurs et n’entrent pas dans un plan cohérent. Il s’agit notamment de petites fosses (F643, F644, F645) situées dans le secteur 1, dont la stratigraphie reflète une activité de chauffe. Ce groupe a livré des fragments de meules identiques à celles mises au jour sur les autres sites et peut être datable du haut Moyen Age. Les trous de poteaux arasés situés dans les secteurs 1 et 2 dans la parcelle A, ne forment que des parties de clôtures ou d’installations non construites dont la plupart ont pu disparaître lors d’une occupation plus tardive. Une seule fosse (F88), en secteur 6, a livré un mobilier céramique de tradition carolingienne très caractéristique (cf. infra fig. 111). Cette fosse (fig. 106, 107) d’1,60 m de diamètre pour une profondeur de 0,85 m est caractérisée par un profil en cuvette aux parois verticales, son remplissage comporte un épais lit cendreux alterné de dépôts limoneux. Sa fonction peut être liée au stockage (silo enterré) ou au grillage de céréales.

FIG. 105 ‒ Louvaquint. Vue générale et coupe nord de la tranchée 516.
cl. H. Paitier

FIG. 106 ‒ Louvaquint. Vue en coupe de la fosse 88.
cl. H. Paitier

FIG. 107 ‒ Louvaquint. Plan et coupe des fosses 88 et 596 et mobilier céramique.
dessin P. Nogues
4.2.2.2 Mobilier archéologique et stratigraphie
33Contrairement aux phases anciennes, certaines structures sont plus facilement rattachables à l’époque médiévale. Elles contiennent un mobilier homogène comme nous venons de le voir dans la zone 1. Ce mobilier, lié à des séquences stratigraphiques plus complexes, permet parallèlement d’attribuer ces trois phases à l’époque carolingienne (cf. infra fig. 111).
34La nature du remplissage des structures à l’époque médiévale est différente. De nombreuses variations de couleurs ont été observées allant pour la première phase du jaunâtre au brun foncé pour la dernière phase d’occupation, pour le peu de structures non remaniées. Il s’agit essentiellement d’un limon argileux dont les caractères (couleur et texture) sont liés à l’activité et aux influences qu’il a subies. Les structures d’époque médiévale recoupent pour la plupart des structures existantes, qui perdurent et sont curées régulièrement. Dans de nombreux cas, un curage complet du fossé est réalisé, ces structures ainsi « stérilisées » sont dotées d’un remplissage unique, pur, en relation avec l’aménagement qui va prendre place et ne laissent que peu d’indices sur les états antérieurs. L’exemple des réaménagements lors de la phase V en est le plus représentatif.
4.2.2.3 Orientation des réseaux fossoyés
35Les axes sur lesquels s’implantent les structures au haut Moyen Âge ont subi des modifications. Les observations faites sur ces axes de l’époque protohistorique à l’époque médiévale ont permis de reconnaître une trame finale N‑N‑E/S‑S‑O. L’organisation même des rares ensembles au sein des parcelles est difficilement perceptible, ceux‑ci étant souvent situés en bordure de décapage.
36À cette époque l’ensemble du gisement évolue sensiblement. Les grandes lignes d’implantation jetées lors de la phase V servent d’axes pour les phases suivantes. Ces constats révèlent une pérennisation des axes établis dès cette époque. Les modifications ne concernent que la mise en place de réseaux secondaires incluant des groupes de structures.
37Le parcellaire D, au tracé linéaire, s’oriente, pour la zone 2 à 31,5° O (pour la partie nord) et à 7,2° O (pour la partie sud), pour la zone 1 à 31,5° E. Le tronçon permettant le raccordement sur l’enclos C (parcelle A) est sensiblement parallèle à la partie sud du tracé. L’orientation de base de la phase V s’appuie sur les nouveaux tracés implantés à 18° E. Le système F possède les mêmes axes de référence que pour la phase V, les nouveaux tracés ont une valeur de 11,25° E.
4.2.2.4 Évolution chronologique du plan : du haut Moyen Âge à l’époque moderne
38Après le haut Moyen Âge, on assiste, semble‑t‑il, à un renforcement des aménagements fossoyés existant. L’orientation des fossés n’est pas modifiée, mais la maille se développe et définit plus régulièrement les parcelles. Des passages ou accès sont implantés, surtout dans les phases tardives. Malheureusement, il n’est pas possible de définir plus précisément d’un point de vue chronologique, les éléments de continuité et de discontinuité entre le haut Moyen Âge et l’époque moderne. La présence des parcelles nous invite à nous poser la question de la constance de l’habitat aux abords du site et des activités pratiquées, tels l’élevage et la transformation de productions agricoles.
4.2.3 Du bas Moyen Âge aux périodes modernes
39La plupart des parcelles et des axes mis en place aux époques antérieures composent la trame de l’organisation de l’espace dans les phases suivantes. Les axes, régissant alors l’emprise des fossés et talus, s’orientent au nord (15,75° E), délimitant des espaces voués essentiellement aux cultures, ponctuellement au parcage des bêtes. Comme pour les phases antérieures, le phasage est difficile à proposer. Les axes sont souvent les mêmes et les recreusements nombreux peuvent ne correspondre qu’à un laps de temps très court ou au contraire couvrir une période plus vaste.
4.2.3.1 Les phases VII, VIII et IX
40Le système orthogonal G (fig. 108a) reprend partiellement la phase antérieure14. Ces fossés, nous ont permis de délimiter les secteurs de fouille. Ils représentent la plupart des axes les plus remarquables. Certains peuvent être conservés en partie lors de phases ultérieures. Le choix de leur présentation pour chaque phase est en rapport avec la chronologie relative. La mise en relation des faits F26 et F171 est basée sur la présence intermédiaire du fossé F168 dont le tracé en fourche définit deux orientations qui leur sont respectivement parallèles. L’axe N‑S leur est perpendiculaire et délimite une trame qui n’évoluera plus après sa mise en place.

FIG. 108 ‒ Louvaquint. Plan des structures du bas Moyen Âge et des structures modernes : phases VII, VIIII, IX.
dessin P. Nogues
41Le système orthogonal H (fig. 108b) reprend la phase VII et les faits F636, F343, F676, F248. Le cadastre ancien y a été superposé. Cette phase ne voit que peu de changements. Les nouveaux tronçons s’implantent de façon à restructurer les espaces de manière plus rigoureuse. Les parcelles s’axent désormais sur une grande orientation définie lors de la phase VII.
42Le système orthogonal I (fig. 108c) reprend la phase VIII complétée des faits Fl, F2, F117, F68415. Un apport sensible lors de cette phase semble nous indiquer que des changements s’opèrent quant aux moyens techniques mis en œuvre pour l’exploitation des terres. En effet on observe un doublement des fossés qui sont probablement dotés de talus, élément révélé par la présence de nombreuses racines décomposées dans leur remplissage. Ces fossés doubles peuvent correspondre à des chemins ou accès privilégiant le déplacement d’attelages (?).
4.2.3.2 Mobilier archéologique et stratigraphie
43Le mobilier datable de la fin du Moyen Âge et de l’époque moderne se caractérise par une céramique gréseuse à pâte fine ainsi qu’un lot de poterie vernissée ou glaçurée. Il est généralement placé dans les niveaux supérieurs des structures anciennes ou a été découvert lors du décapage mécanique ainsi que dans le remplissage des fossés modernes. La nature des comblements, quant à elle, correspond à des niveaux de limon très hétérogène, avec une forte proportion de limon argileux grisâtre mêlé au substrat limoneux jaune, et correspond à la décomposition d’éléments végétaux tapissant les talus et fossés. Les recreusements et reprises successives sont alors aisément observables. Durant ces phases, les parcelles étant essentiellement vouées à l’élevage et aux cultures, aucun fait, aucune structure domestique ne leur ont été associés.
4.2.3.3 Orientation des réseaux fossoyés
44La plupart des parcelles et des axes mis en place aux époques antérieures sont la trame de l’organisation de l’espace durant ces phases. Les axes délimitent des espaces voués essentiellement aux cultures, ponctuellement à l’élevage. L’ensemble du site ne subit que peu de transformations durant cette période.
45Pour la phase VII, l’axe N‑S, directeur durant toutes les périodes tardives, s’oriente à 15,75° E. Les implantations de la phase suivante, outre les axes antérieurs, s’orientent à 10° E (F248). Les axes majeurs de la phase IX sont les mêmes qu’à la phase VIII, l’implantation de Fl, F2 est établie à 112° E (soit 22° S du point cardinal est). Pour la première fois, les tracés sont recalés, ici, sur le cadastre ancien.
4.2.3.4 Le passage à la période contemporaine
46L’élément le plus caractéristique de cette époque est le renforcement des axes antérieurs ainsi que le doublement systématique des tracés. Les parcelles définies sont en partie présentes sur les plans cadastraux. Les transformations apportées donnent au plan général du site un caractère géométrique, orthogonal. Le plan des réseaux fossoyés semble être parvenu à son terme. Les fossés F24, F26 associés au réseau N‑S qui leur est perpendiculaire peuvent être mis en connexion avec deux chemins présents sur le cadastre. Si l’on poursuit leur tracé interrompu, ils se connectent exactement à nos fossés. Ces chemins permettaient la liaison entre les hameaux de La Bélinais, de Louvaquint et du Teilleul. Une partie de ce tronçon, situé dans la parcelle jouxtant la zone 1, encore bien présent sur le cadastre n’est plus matérialisée sur le terrain que par une légère dépression. On imagine donc que, si ces chemins étaient présents sur la zone 2, le remembrement récent a pu en faire disparaître les dernières traces.
4.2.3.5 Périodes contemporaines et indéterminées, la phase X
47fig. 109 a, b
48Cete dernière phase nous rapproche un peu plus encore de l’aspect de ce terroir que nous avons pu connaître avant les premiers travaux autoroutiers. Elle est le reflet d’une mutation du paysage déjà entamée dans les années 70 avec des changements dans les cultures, privilégiant les cultures céréalières extensives aux dépens du bocage, dont les traces anciennes étaient encore présentes sous les labours actuels.

FIG. 109 ‒ Louvaquint. Plan des structures contemporaines (phase X).
dessin P. Nogues
49Le système orthogonal J reprend la phase IX et les faits F628, F315, F316, F622, F630, puis les faits F266, F623, F231 (avec les trous de poteaux F265 et F265bis). Le cadastre actuel, dont certaines parcelles ont déjà disparu, y a été superposé créant ainsi des pièces plus vastes et plus adaptées à la mécanisation.
50Un certain nombre de structures, dont l’origine n’a pu être attribuée à une époque précise, a été repéré sur l’ensemble de la zone fouillée. On peut toutefois leur attester un caractère récent de par leur remplissage similaire à celui des structures tardives mais elles n’entrent dans aucun plan logique. Le plan correspondant aux écofacts et chablis leur a été associé.
51Dans les secteurs 3 et 4 (fig. 109c), plusieurs traces correspondent à une mise en culture. Elles se situent sous les labours actuels. Leur axe d’implantation majoritairement N‑S est établi parallèlement aux fossés modernes.
52En conclusion, la présence de nombreux chablis sur les sites et notamment à Louvaquint pose le problème du dégagement des parcelles à des fins de culture intensive. En effet nous avons pu observer que des traces de végétation sont recoupées par des structures, ceci à toutes les époques, dès la Protohistoire. D’autres recoupent des faits anciens. Il paraît évident que dans une logique d’implantation, les arbres ont été arrachés, soit pour la construction de structures porteuses de bâtiments, soit conjointement à une déforestation de l’espace voué aux cultures. Celles‑ci nécessitent des parcelles sans obstacles contrairement à celles destinées au parcage des bêtes.
4.3 Organisation spatiale, chronologie et fonctions
4.3.1 Évolution des implantations
53On a pu observer qu’à toute époque, les installations se sont faites selon des axes directeurs. Au cours de la Protohistoire certains axes sont établis. Durant le Moyen Âge, les fossés implantés représentent un des éléments majeurs du contrôle de l’espace. Au fil du temps, surtout pour les périodes modernes, le cadre général de l’implantation des structures est de plus en plus rigoureux. Les phases contemporaines ne voient s’opérer aucun changement majeur. Ce système reste le même de nos jours. Si l’on considère les fossés N‑S comme base, l’angle passe de 13,5° E à l’époque protohistorique à 22° E (voir plus haut, phase IX, orientations des faits F1 et F2) à l’époque contemporaine.
54L’occupation de l’espace exploité est caractérisée sur l’ensemble du site par une trame de plus en plus dense et structurée. La régularité, elle aussi de plus en plus présente, atteste l’importance donnée à l’activité pratiquée. Il ne s’agit ni de zones dont le défrichage est minime, ni de petites structurations mais plutôt d’une structuration de l’espace appliquée selon les mêmes règles que sur l’autre versant du vallon, vers Le Teilleul.
4.3.2 Constats sur la stratigraphie et la céramique du gisement
55À Louvaquint, gisement composé essentiellement de fossés, la stratigraphie est un élément fondamental pour l’établissement des phasages. La pérennité des structures lui confère un caractère unique, permettant de montrer, sans équivoque, que les axes ont été conservés sur plusieurs siècles.
56L’étude du mobilier a permis d’établir une présence humaine à l’âge du Fer (fig. 110) et au haut Moyen Âge (fig. 111), périodes sur lesquelles les recherches ont essentiellement porté. Un important hiatus entre ces deux périodes a été mis en évidence. Le phasage que l’on a pu établir n’entre pas en contradiction avec l’étude du mobilier. Pourtant nous avons pu constater que les résultats comparés entre mobilier et phases n’aboutissent pas à des conclusions satisfaisantes. En effet, bien que les grandes périodes soient représentées, peu d’indices de datation fournis par le mobilier peuvent être rattachés aux phases de chronologie relative. En définitive, ni la véracité chronologique des phases établies, ni celle du mobilier ne peuvent être remises en cause. Pourtant il nous faut rester prudent. Les deux études peuvent être utilisées mais de façon dissociée. Les phases présentées ici pourront étoffer l’étude de l’organisation spatiale au Teilleul par exemple. Le mobilier, quant à lui, a permis d’enrichir le corpus pour l’étude des sites alentour et plus globalement dans l’ouest de la France. Mais il ne peut être un outil fiable de datation d’un site principalement fossoyé. Sur le site, 422 tessons (NTT) ont été mis au jour, représentant 98 individus (NMI) dont 27 bords.

FIG. 110 ‒ Louvaquint. Mobilier protohistorique. 1 pâte brun‑rouge très micacée, surfaces interne et externe lisses, dégraissant moyen. Diam. 20 cm ; datation proposée : âge du Bronze. 2 pâte rose très micacée, surfaces interne et externe grises, lissées, inclusions moyennes. Diam. 16 cm ; datation proposée : fin La Tène moyenne/La Tène finale. 3 pâte rose très micacée, surfaces interne et externe brunes lustrées, dégraissant moyen. Diam. 16 cm ; datation proposée : début IVe s. av. J.‑C. 4 pâte très brûlée, très micacée, surfaces interne et externe orangées, dégraissant moyen. Datation proposée : forme allant du Ve au IIIe s. av. J.‑C. 5 pâte grise, surfaces interne et externe grises lustrées (présence de mica très fin), dégraissant assez fin. Diam. 20 cm ; datation proposée : fin Ve s. av. J.‑C.
dessin C. Picault, P. Nogues

FIG. 111 ‒ Louvaquint. Mobilier du haut Moyen Âge. 1‑3 céramiques découvertes dans le fait 516 rattaché à la phase VI du site. La pâte de la forme 1 est grise, ses inclusions sont d’origine granitique fines et régulières. Cuisson réductrice. La pâte des individus 2 et 3 est identique à celle des autres céramiques présentées sur cette planche. 4‑11 céramiques découvertes hors contexte archéologiques (dans les niveaux supérieurs des structures lors du décapage). Les pâtes sont beige‑rose ou blanc‑gris, les inclusions sont fines et d’origine granitique. L’aspect est sableux, la cuisson est oxydante. Présence de suie. 12‑13 céramiques découvertes dans le fossé 205, rattaché à la phase VI (ce fossé a livré un mobilier homogène et peu abondant ; il est relié par deux tronçons, au fossé 199). Ces deux individus ont été découverts à distance éloignée (sondages 2, 4 et 5). 14 céramique découverte dans le fait 77 correspondant à l’un des tronçons du fossé le plus ancien (phase I). La pâte est beige‑blanc avec des inclusions granitiques de taille moyenne. 15 céramique découverte dans un fossé appartenant à la phase II (fait 19). Il s’agit d’une forme ouverte à pâte gris‑beige, ses inclusions sont fines et d’origine granitique. Suie à l’extérieur. 16 céramique découverte dans un fossé appartenant à l’enclos quadrangulaire C de la phase III (F 199). La pâte est beige‑blanc, les inclusions d’origine granitique et de taille moyenne. 17 forme découverte dans le fait 573 (phase IV du site). Pâte grise, inclusions fines et régulières, essentiellement composée de quartz. Cuisson réductrice. Présence de suie. 18 céramique découverte dans le fait 88 (phase VI). Pâte blanche aux inclusions de quartz et grains noirs d’origine indéterminée. Décor à la molette. Présence de suie.
dessin C. Picault, P. Nogues
57Le recensement du mobilier céramique et non céramique contenu dans le comblement des structures (fosses et fossés) découvertes sur le site de Louvaquint nous a conduits aux observations suivantes. Le matériel recueilli est malheureusement peu abondant, très fragmentaire et abîmé, ainsi sur 155 fosses ou structures indéterminées, seules 21 ont livré du mobilier. On observe la présence des céramiques les plus anciennes aux abords de l’enclos circulaire A. Le remplissage des fossés est apparu, souvent, très hétérogène (dans le fossé 28916 par exemple, des tessons d’époque carolingienne décorés à la molette côtoient des fragments de grès).
58Toutefois, l’étude du mobilier découvert dans le remplissage de la majorité des fossés rattachés avec certitude à la phase d’occupation du haut Moyen Âge permet de faire les remarques suivantes. On observe l’association systématique de deux pâtes. L’une, de couleur brun‑rouge, avec de grosses inclusions de silice et de mica a un aspect rugueux. Elle n’a livré aucune forme, et aucun critère ne permet de la différencier d’une céramique protohistorique ou d’une céramique commune médiévale (les tessons sont souvent trop fragmentés pour que la présence ou l’absence de traces de tour soit un critère discriminant). L’autre est beige‑blanc ou orangé, avec de fines inclusions d’origine granitique et son aspect est sableux. Elle a livré un lot de formes médiévales de tradition mérovingienne. Enfin, on constate l’apparition du grès et des bassins à décors digités dans le remplissage des fossés rattachés aux phases modernes et contemporaines.
59La céramique découverte dans le remplissage des fossés peut être considérée comme un outil utile à une meilleure compréhension de l’évolution chronologique du site. Elle n’est pas en contradiction avec les grandes phases repérées à l’aide de la chronologie relative, mais ne permet toutefois pas de les affiner.
60Ce recensement a permis de fournir une fourchette chronologique du ou des sites qui se trouvaient à proximité : les datations proposées des objets, céramique ou lithique les plus caractéristiques, s’échelonnent du Néolithique à nos jours. Cinq individus sont caractéristiques de l’âge du Fer ; seulement deux petits fragments de l’époque gallo‑romaine ont été découverts (une panse de céramique commune à décor guilloché et un fragment de céramique sigillée) ; un lot de céramiques médiévales dont la datation est située autour des viie‑viiie s., ainsi qu’un lot important de grès, de faïence et de porcelaine17 sont les témoins d’une occupation du site et de ses environs jusqu’au siècle dernier.
61Le lot de céramiques médiévales (fig. 111) permettra d’effectuer des comparaisons avec celles découvertes sur les trois autres sites faisant l’objet de notre étude.
62Nous soulignerons toutefois (cf. infra chap. 7) que la majorité du mobilier céramique du haut Moyen Âge apparaît plus précoce que celui des sites du Teilleul et de Louvaquint, même si certains éléments leur sont au moins partiellement contemporains.
63Ce travail complète le catalogue des formes de vaisselle en usage sur les habitats du haut Moyen Âge en Bretagne et offre un éventail de formes et de pâtes encore mal connues.
4.3.3 Interprétation historique
64La connaissance de l’évolution générale du site est basée sur l’observation d’épisodes remarquables. Elle est liée à l’implantation humaine sur un terroir limité. La présence de mobilier néolithique ne permet pas ici d’attester une présence humaine sédentaire. Elle ne serait que le reflet d’activités ponctuelles pratiquées en campagne (chasse, cueillette, etc.). Pourtant les premiers témoins d’une activité agricole sont présents dans la zone humide séparant les deux sites. La tourbe a livré, dans ses niveaux inférieurs datés du Néolithique ancien, des traces de céréales.
65À l’époque protohistorique, les premiers enclos apparaissent. Deux grandes occupations ont pu être distinguées avant les aménagements médiévaux. La première, à la fin de l’âge du Bronze‑début de l’âge du Fer, est révélée par l’enclos circulaire A et de rares tessons de céramique à gros dégraissant. La seconde se caractérise par l’implantation du parcellaire quadrangulaire de la phase II pouvant être datable de l’âge du Fer et nettement différent du premier aménagement. La céramique datable de cette période est présente en faible quantité sur le gisement, elle possède des caractères un peu différents de celle de l’époque précédente, notamment dans ses formes.
66Après un long hiatus, les occupations médiévales sont attestées dès le haut Moyen Âge et jusqu’à l’époque moderne, sans solution de continuité précise. Elles se découpent en plusieurs phases. La première est caractérisée par l’aménagement d’un réseau fossoyé sur l’ensemble du gisement. Cette organisation de l’espace relie le plateau et le vallon, elle s’établit plus globalement (fonction de drainage des eaux par les fossés ?). Ensuite une première structuration rigoureuse est mise en place entre les parcelles. Elle s’affirme durant toutes les phases médiévales et même au‑delà. Elle reprend par ailleurs des axes définis préalablement aux époques protohistoriques, notamment par l’enclos C.
67L’occupation du sol est en partie régie par le système fossoyé. Elle ne semble donc ni ponctuelle, ni établie ex nihilo puisqu’elle s’installe en partie sur l’enclos C. Le mobilier céramique associé à ces phases est carolingien mais majoritairement de tradition mérovingienne (petits gobelets), les phases plus tardives ont, quant à elles, livré un mobilier carolingien (céramique de type Guipel).
68Les dernières phases carolingiennes reflètent un renforcement des structures précédemment établies. L’exploitation de l’espace, en expansion, semble être en relation directe avec le site du Teilleul, aménagé sur le versant nord du vallon et sur les mêmes axes. On observe, certes, un développement des installations postérieures mais également la volonté d’accentuer le contrôle du sol, via la rigueur des aménagements.
69Aux époques plus tardives, l’organisation spatiale se précise, les parcelles sont bien délimitées. Les différents secteurs connaissent une certaine pérennité.
70Il est important de rappeler ici que des aménagements en bois dégagés au pied du ruisseau de Louvaquint ont été datés par 14C du xve s. (cf. supra chap. 3), attestant une fréquentation de ce secteur à cette époque. Des traces de sillons correspondant aux cultures anciennes ont été identifiées pour ces époques. Le mobilier est caractérisé par un grès très sonnant et une céramique vernissée ou glaçurée.
71L’observation plus générale des plans cadastraux montre que le secteur délimité par les trois hameaux modernes proches des sites est à considérer dans un même ensemble. Dans ce secteur, les parcelles s’orientent toujours de la même manière, contrairement aux alentours.
4.3.4 Longévité du site et approche des fonctions
72Le gisement de Louvaquint est occupé aux époques protohistoriques puis au haut Moyen Âge, l’époque romaine n’a laissé aucune trace d’occupation dans les limites de notre investigation. Les héritages des orientations attestent une pérennité de certains éléments structurants du site et une relative continuité de la fréquentation de cette zone. Au haut Moyen Âge, la vocation de ce secteur est essentiellement agricole. Il se situe en périphérie d’un habitat qui nous échappe, puisque probablement installé plus à l’est, vers le hameau actuel. Les aménagements, tels que les remembrements mis en place ces dernières décennies, ont modifié les parcelles mais n’ont pas bouleversé le sous‑sol. Ce n’est qu’à la suite des premiers travaux d’implantation de l’autoroute A 84, en 1997, que les structures anciennes ont été vouées à disparaître.
73La longévité du site pendant toutes les époques sur lesquelles les recherches se sont portées n’est pas un élément isolé. Nous avons pu observer que le gisement de Louvaquint est encadré par un nombre important de sites contemporains, localisés à proximité sur le tracé de la route des Estuaires et certainement au‑delà. Cette longévité s’explique probablement en partie par sa position favorable en haut de versant de plateau, protégé des vents dominants. D’autre part, l’installation de l’homme est liée à la richesse du sol pour la culture et à la présence de roches facilement extractibles (argile et granite) pour la construction. L’homme a pu profiter de ces atouts et s’en servir afin d’accroître ses possibilités et d’organiser des échanges avec d’autres régions. Les carrières de granite, omniprésentes dans cette région, ont permis un développement économique jusqu’à ces dernières années. L’agriculture et surtout l’élevage y sont toujours très présents. Cette pérennité des axes structurant l’espace est un atout qui confère au gisement un caractère primordial au vu des recherches actuellement menées sur l’étude de l’espace rural et de son évolution. Même si les grands travaux d’aménagement du territoire le permettent depuis quelques années, ces recherches ne sont que peu publiées et les connaissances restent générales. Dans l’ouest de la France, peu de sites comparables ont été fouillés. Ils nécessiteraient de grandes surfaces de recherches ainsi que des études de cartographie et de photo‑interprétation lourdes à mettre en place. Une étude plus longue et la multiplication de fouilles d’habitats ruraux s’avéreraient nécessaires afin de confirmer les premiers résultats. L’étude sur le mobilier céramique permettrait parallèlement d’affiner les datations ainsi que les courants de circulation et les zones d’influences.
Notes de bas de page
1 Le gisement se compose d’environ 700 structures toutes époques confondues. Il a été divisé en deux zones et six secteurs sur la base de certains fossés délimitant nettement le terrain et correspondant à plusieurs parcelles modernes. Ces zones et secteurs sont délimités sur le plan fig. 93.
2 Cet enclos est représenté par les faits F77, F10, F4, F72, F108, F508.
3 Les dimensions de ces faits sont données à titre indicatif.
F98 : L. 4,5 m x l. 0,30 m x prof. cons. 0,15 m.
F39 : L. 7,5 m x l. 0,40 m x prof. cons. 0,15 m.
4 Cet enclos en « S » est composé par les faits F19, F420, F278, F218 dont le profil est en cuvette aux parois évasées (fig. 95, 96).
5 Les faits F132 et F157 en secteur 6 et F373 et F609 en zone 1 composent ce fossé. Ils ont les mêmes caractéristiques que ceux de l’enclos B (largeur, profondeur, profil).
6 Il est matérialisé par les faits F475, F199, F213, F689 et F664.
7 Il s’agit de la tranchée de la fosse F519 (L. 3,30 m x l. de 0,50 m x prof, cons. 0,25 m) dans laquelle ont été calés des blocs de granite équarris et deux poteaux d’un diamètre de 0,90 m sur une profondeur de 0,70 m aménagés aux extrémités nord (F519 bis) et sud (F668) de 519.
8 Cette unité présente au fond des fossés correspond à la stagnation des percolations d’eau stoppées par une barrière indurée formée par la concentration de ferromanganèse incluse dans le limon de couverture.
9 Les mesures qui sont données ci‑après se lisent de la façon suivante : par exemple no E (inclinaison angulaire de n degré vers l’est par rapport au point cardinal nord Lambert, servant de référence).
10 Cette phase correspond à l’apparition des faits F111, F413, F280, F336, en secteurs 2, 3, 5 et 6, associés aux tronçons F145, secteur 6 et F621, F383, F608, F572, F578, zone 1 ainsi qu’aux faits F289, F213 (niveau inférieur) et F204, en secteurs 1 et 2.
11 Les fossés présentés ici sont connexes à un groupe de fosses ayant livré un mobilier datable du haut Moyen Âge. Leur appartenance à une phase particulière est délicate à déterminer.
12 Cette phase correspond à l’apparition des faits F421, F462, F406, F295, F625, F213 (niveau intermédiaire, 213.03) F206, F254, F418, F397, F426, F184, F169, F679, F673 et la reprise du tracé de l’enclos C.
13 Ainsi que les faits F205 (en remplacement de F206), F277, F307, F637 et une extension vers le nord de F462, correspondant aux tronçons F638 et F3.
14 – La phase VII se compose, en plus de certains tronçons de la phase antérieure, des faits F291, F285, F253, F256, F198 (niveau inférieur), F372, F171, F527, F168, F24 et/ou F26 (niveau inférieur) et les niveaux inférieurs du large réseau central N‑S.
15 Le cadastre ancien y a été superposé afin de permettre la perception des évolutions du paysage avec la phase contemporaine et le cadastre moderne où certaines limites de parcelles ont disparu.
16 Fossé rattaché à la phase médiévale I.
17 Le fossé 261 a livré un tesson avec cette inscription : « PORCEL... (1834‑3...) ».
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