Préface
p. 11
Texte intégral
1En 1983, M. Clément, alors directeur adjoint des Antiquités préhistoriques et historiques de Bretagne, et M. Barrère qui le secondait, présentaient à la municipalité de Corseul un projet de protection, d’étude et de mise en valeur du patrimoine antique de cette commune. L’année suivante, il m’en confiait la réalisation et le programme très ambitieux a depuis été mené à bien par H. Kerébel pour le site urbain et A. Provost pour le temple de Mars qui domine la cité. Fortement impliqué dans le renouveau des recherches sur cette capitale antique de la civitas des Coriosolites, ce jusqu’en 1989, on comprendra la difficulté pour moi de rédiger cette préface, tant Corseul a marqué mes premiers pas de conservateur du patrimoine. Mais je mesure aussi l’honneur et le plaisir d’introduire un ouvrage qui constitue un travail de longue haleine, réalisé par un jeune archéologue pris de passion pour Corseul au point d’y avoir consacré près de 15 ans de sa vie.
2Je voudrais d’abord évoquer ce bourg, certes riche d’un patrimoine exceptionnel, mais aussi et surtout de ses coriosolites qui ont accompagné le projet sur de nombreuses années, d’abord interrogatifs puis enthousiastes et conviviaux, au point qu’ils organisèrent et participèrent aux fêtes du bimillénaire de la fondation de Fanum Martis. Je voudrais évoquer l’amitié et l’aide incomparable reçues des services municipaux, notamment de P. Rouxel et M.‑N. Collet, du conseil municipal, de son maire d’alors M. Villalon et de ses adjoints dont J.‑Cl. Guérin, A. Gauttier et A. Rouillé, enfin de son maire actuel A. Jean. Il n’était pas facile de porter un projet nécessitant une profonde transformation des habitudes, modifiant pour partie l’organisation du territoire. La mise en place d’un nouveau POS, l’acquisition de réserves archéologiques, un remembrement à dominante patrimoniale puis la mise en chantier d’une Zone de protection du patrimoine architectural et urbain, la création d’un dépôt de fouille, le recrutement d’un archéologue municipal, la restauration du site de Monterfil II et du temple du Haut‑Bécherel sont à mettre au crédit de cette petite municipalité qui a assumé ses responsabilités avec beaucoup de courage et de sérieux. À tel point que son action s’est trouvée reconnue et renforcée par le contrat de plan 1994‑1998 associant la communauté de communes Plancoët‑Val d’Arguenon, la région Bretagne et l’État. Je veux enfin remercier la Société archéologique de Corseul, présidée de main de maître par S. Guidon, soutenue par O. Guerin, qui a œuvré et œuvre inlassablement pour faire reconnaître l’importance du site et promouvoir sa renaissance.
3Corseul, à l’instar de nombre de capitales de civitates et d’agglomérations secondaires, a perdu son caractère urbain au début du haut Moyen Âge et ses quartiers, ses rues, son ornementation monumentale ont, depuis, été recouverts par les champs qui pénètrent profondément au cœur du bourg actuel. L’histoire s’est en quelque sorte fossilisée et si, dès l’origine, les ruines ont naturellement servi de carrière, si les antiquaires et érudits ont commencé à scruter le sol dès le xviiie s., le patrimoine enfoui a été en grande partie sauvegardé et s’offre aujourd’hui sous de vastes étendues vierges de toute construction. Toutefois, les premières opérations n’ont concerné que des surfaces restreintes, si l’on excepte la fouille du Clos Mulon (1 000 m2) dont les résultats sont restés pour partie inexploités. C’est sur une tout autre ampleur, puisque réalisée sur quelque 5 000 m2, que s’est développée la recherche sur Monterfil II, complétant les données acquises par ailleurs (courtil Saint‑Antoine, Cabinet médical, Salle des Fêtes) et allant bien au‑delà. Pour la première fois, il était permis de saisir l’évolution globale d’un quartier urbain, sans trop de lacunes, des années 15/10 av. J.‑C. au ive s., en distinguant 5 horizons, reconnaissables dans les deux îlots séparés par la rue principale. Les apports intéressent autant le problème de la genèse de la ville, avec la définition précoce d’un « plan d’urbanisme » prévoyant la délimitation des espaces publics et privés, que la morphologie du bâti, ses fonctions, ses relations avec les espaces de circulation ou, plus largement, l’évolution conjointe des îlots. Ville de province, capitale de cité, appartenant probablement à la classe des municipia, Fanum Martis fait appel à l’ordre toscan qui constitue la référence architecturale et les plans des constructions semblent bien calqués sur des modèles méditerranéens. Ville de province, concentrant fonction administrative et commerciale, elle ressemble sans aucun doute à nombre de ses consœurs. Mais que faut‑il penser de l’organisation de la trame viaire, et surtout de la construction du bâtiment 16, à vocation probablement artisanale ou commerciale et que des comparaisons relient à des édifices mis au jour dans des contextes militaires ? La recherche ouvre ici de nouvelles perspectives et comme le notent les auteurs, avec toute la prudence requise, on peut, entre autres, s’interroger sur la présence effective de militaires.
4Ces résultats sont à l’honneur des différents chercheurs qui se sont investis aux côtés de H. Kerébel, chacun apportant sa part dans une construction dynamique qui permet d’apprécier à sa juste mesure l’apport d’une recherche bien maîtrisée. Un travail considérable a été accompli, ce dans un temps relativement bref si l’on juge que la fin des fouilles remonte à 1998, et avec un sérieux irréprochable. Il le fallait pour Corseul et pour la communauté scientifique qui, j’en suis certain, prendront plaisir à découvrir cet ouvrage, qui par bien des aspects m’apparaît vivifiant.
5Janvier 2001
Auteur
Conservateur régional de l’archéologie
De la région Basse‑Normandie
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