Chapitre 3. Le faubourg Sainte‑Catherine dans la première moitié du xive s
3 The Saint Catherine suburb in the first half of the 14th century
3 El suburbio de Sainte‑Catherine (Santa Catalina) en la primera mitad del siglo XIV
3 II sobborgo Sainte‑Catherine nella prima metà del xiv secolo
p. 83‑115
Résumés
À la fin du xiiie s., tous les emplacements libres sont occupés par des maisons, y compris sur l’emprise de l’ancien hôpital alors disparu. C’est à ce moment qu’a lieu la construction d’une enceinte le long du Plan Fourmiguier (zone comprise entre la voie et la mer) accompagnée du creusement d’un profond fossé. La configuration du faubourg ne change plus jusqu’à sa disparition, vers 1360, devant les menaces que font peser des compagnies militaires démobilisées par la guerre de Cent Ans. Toutes les maisons du faubourg sont alors détruites et leurs matériaux récupérés.
By the end of the 13th century, all the vacant lots had been filled with houses, including the area formerly occupied by the now defunct hospital. At this point a défensive wall was constructed along the Plan Fourmiguier (an area located between the road and the sea) and a deep ditch dug to go with it. The basic layout of the suburb would not change until it disappeared altogether in approximately 1360: in the face of threats from military companies demobilised during the Hundred Years War, all houses in the suburb were demolished and building materials reused.
A finales del siglo XIII, todos los espacios vacios fueron ocupados por casas, incluso el área del antiguo hospital ya desaparecido. Fue en este momento cuando se llevó a cabo la construction de un recinto amurallado a lo largo del Plan Fourmiguier (zona comprendida entre la via y el mar) que conllevó la construcción de un profundo foso. La configuración del barrio se mantendría hasta su desaparición, hacia 1360, causada por la amenaza de las compañias militares desmovilizadas de la guerra de los Cien Años. Todas las casas del barrio fueron destruidas y sus materiales reaprovechados.
Alla fine del xiii secolo, tutti gli spazi liberi sono ormai occupati da case, compreso lo spazio dell’antico ospedale ormai scomparso. E’ in questo momento che ha luogo la costruzione di una cinta lungo il Plan Formiguier (zona compresa tra la strada ed il mare), accompagnata dalla realizzazione di un profonde fossato. La configurazione del sobborgo non subisce più mutamenti fino alla sua scomparsa, verso il 1360, di fronte alla minaccia costituita dai reparti militari smobilitati nel corso della guerra dei Cent’anni. Tutte le case del sobborgo vengono allora distrutte ed i materiali recuperati.
Texte intégral
1L’état 4C (fig. 97) débute par l’installation d’une fortification autour du Plan Fourmiguier. Celle‑ci comprend un mur d’enceinte bordé à l’est d’un fossé, lui‑même limité par un mur de contrescarpe. Le fossé est creusé à l’emplacement du ruisseau de l’état 4B. Cette imposante construction est immédiatement suivie d’un réalignement de façade dans l’îlot central. La voie principale et la ruelle sont couvertes d’une calade. C’est également à ce moment qu’est percée une nouvelle voie fixant une limite méridionale à l’îlot central et débouchant sur la rue principale. Les îlots sont tous subdivisés en espaces de largeurs sensiblement identiques (fig. 98). On a remarqué fréquemment deux états à l’intérieur des espaces (4C1 et 4C2), mais ce n’est pas le cas pour tous. Pour ne pas alourdir le texte, les niveaux d’occupation sont décrits par espace.

FIG. 97 ‒ Plan général de la phase 4C
DAO M. Bouiron/Ville de Marseille

FIG. 98 ‒ Vue générale des maisons ouvrant sur la voie principale
Cliché F. Cognard/Afan
2La phase 4C1 est datée de la fin du xiiie s. et du premier quart du xive s., la phase 4C2 du second quart du xive s. L’ensemble du bâti est détruit de façon systématique (et avec récupération des matériaux) vers 1360.
3.1 Le Plan Fourmiguier et sa fortification
3C’est à la fin du xiiie s. qu’intervient l’installation déterminante du système défensif : murs d’escarpe M 42, de contrescarpe M 19 et douve. Ces constructions ont sans doute motivé le réajustement de la ligne de façade primitive de l’îlot central. La présence de céramique dans la couche de brasier, liée à l’édification du mur de contrescarpe M 19, permet de placer cette construction dans la seconde moitié du xiiie s. La tranchée de construction de ce mur a été mise en évidence immédiatement sous la couche préparatoire à la mise en place des galets de la rue caladée. Côté occidental, la tranchée d’installation du mur d’escarpe a été aperçue lors du terrassement final du fossé. Elle est très vaste, avec une largeur maximum observée de 2,30 m. L’extension totale de la fortification est inconnue car elle échappe à l’emprise de la fouille. Aucun niveau de cette époque n’a été repéré dans l’espace situé à l’ouest du mur de contrescarpe, car les constructions modernes ont largement détruit les couches médiévales.
3.1.1 Le rempart et le mur de contrescarpe
4Les murs M 19 et M 42 sont fondés assez peu profondément et leur construction est relativement homogène. Un contexte de déchets de taille (1‑786) semble être le niveau de travail de la construction de M 19. Ce mur est installé à l’emplacement du ruisseau de la Cuiraterie (fig. 99). La partie en élévation du mur de contrescarpe M 19 montre un fruit important sur la face interne au fossé. Du côté extérieur, le parement est presque vertical. Il est appareillé de cailloux, de moellons et de rares blocs disposés en assises régulières, parfois en appareil irrégulier (fig. 100). Les assises basses, tout en étant régulières, sont en général moins bien appareillées que les hautes : les trois assises de fondation sont faites de blocs bruts. La fondation est plus profonde côté ouest (–2,03 m ngf pour –1,80 m côté est). Le sommet du mur est en général arasé au niveau de la calade de la rue ou plus bas. Au sud de la zone où il a été partiellement vu, il semble que l’appareillage soit un peu plus petit, mal assise, ce qui évoque peut être une réfection ou une élévation plus légère. Au nord du site, la bordure ouest de la calade empiète de 15 cm sur l’arase du mur, ce qui permet de restituer une élévation légèrement plus étroite faisant office de parapet en bord de rue. Les matériaux mis en œuvre sont du calcaire tendre, de la pierre froide et du poudingue. Les assises basses sont maçonnées au mortier gris, très altéré, sans doute à cause de l’immersion. L’assise la plus haute observée, à 0 m ngf, est maçonnée au mortier blanc. Le mur d’escarpe M 42 montre lui aussi un parement côté fossé accusant un fruit important, alors que la fondation du côté externe forme des décrochements rentrants. Les moellons sont en calcaire blanc, retaillés pour le parement intérieur et bruts pour le parement externe. Ils sont maçonnés au mortier jaune friable et grossièrement enduits.

FIG. 99 ‒ Coupe stratigraphique : mise en place de M 19 (1‑723), à l’emplacement de l’ancien ruisseau de la Cuiraterie (1‑709, 1‑711) (cf. fig. 60, 82, 92, 133)
DAO J. Isnard/Afan

FIG. 100 ‒ Élévation du parement intérieur du mur de contrescarpe, dans la partie nord du chantier
DAO J. Isnard/Afan
3.1.2 Le fossé
5Le fossé a une largeur de 13 m et a été observé sur une longueur de 78 m (dépl., fig. 2). Dans la partie nord du site, il borde la voie, le mur de contrescarpe servant de parapet, tandis qu’au sud il longe l’arrière des maisons. En bordure ouest se trouve le mur d’escarpe, très arasé. Large de 1 m, il a été reconnu sur une longueur de 10 m. Les deux murs sont orientés N‑O/S‑E dans la partie nord de la fouille, puis s’infléchissent vers le S‑O, formant un angle de 40° vers le sud, pour arriver à une orientation N‑S. Dans le même temps, la largeur du fossé passe de 12 m au nord à 8,50 m au sud, au‑delà de l’infléchissement. La douve reçoit un dispositif constitué de murs de refend, disposés entre les murs d’escarpe et de contrescarpe, liés à ceux‑ci, sortes d’entretoises espacées de 13 à 15 m ; cinq de ces murs ont été dégagés.

DEPL. FIG. 2 ‒ Coupe générale E-O du chantier, traversant l’intérieur du Plan Fourmiguier (cf. fig.52, 156°)
DAO J. Isnard/Afan
3.1.2.1 Les murs de refend
6Aux murs M 19 et M 42 sont associés plusieurs murs de refend. Du nord vers le sud : M 106, puis M 217 et M 24 régulièrement espacés (environ 13 m). Au niveau de l’infléchissement du fossé vers le sud se trouve M 94. De même facture, ce mur a une orientation divergente de 17°. Enfin, à l’extrémité sud du site, se trouve M 192, lui aussi perpendiculaire à l’axe du fossé. M 106, le mieux conservé, est le plus septentrional (fig. 101). Il est constitué de trois assises de blocs grossièrement équarris, l’assise la plus basse présentant les plus gros blocs, surmontés de trois à quatre assises de gros moellons taillés. Le mur est couvert de chaperons de pierre de section triangulaire occupant toute la largeur. Les assises basses sont maçonnées au mortier gris friable, alors que les assises hautes ont un mortier de meilleure qualité, plus fin et plus blanc. Ce mur est associé à deux rangées de pieux disposées contre les parements (fig. 102). Ceux‑ci sont régulièrement espacés, de 40 à 60 cm ; ils ont un diamètre de 15 à 20 cm, leur face interne est dégauchie et le plat est écarté de quelques centimètres du mur. M 217 est aussi arasé très bas (environ –1,50 m ngf). Il fait 90 cm de large et a été reconnu sur 8 m de long. Il est lié au mur M 19. Mieux conservé en élévation à cet endroit‑là, ce dernier ne comporte pas de traces d’arrachement. La partie observée correspond à la fondation, elle se trouve dans des terrains vaseux. Le mur est fait de moellons, de blocs de poudingue vaguement équarris et de gros galets, liés au béton. Il faut noter ici aussi l’absence de pieux de bois. M 24 est arasé à environ – 1,20 m NGF et a été reconnu sur toute la largeur du fossé. Il n’est associé à aucun pieu. Il n’a été vu qu’en sondage et l’instabilité des terrains a interdit une étude de détail de sa construction. Nous avons toutefois pu observer qu’il est fait de moellons équarris disposés en assises régulières et maçonnés au mortier. M 94 (fig. 103) est très partiellement conservé car il est coupé par la tranchée de la buse d’évacuation des eaux de pluies. Il est fait de blocs et de moellons équarris en appareil à assises régulières et comporte à son sommet des blocs de pierre de taille en molasse, de section triangulaire, très abîmés. Contre le parement nord de M 94 (le seul conservé) sont plantés trois pieux de bois d’un diamètre d’environ 20 cm, régulièrement espacés et plaqués au mur. M 192, dernier mur de refend présent à l’extrémité sud du fossé, est construit en moellons équarris en calcaire, liés au mortier. Au sud, devant le parement est du mur, se trouvent trois pieux en bois équarris, dont un portait des traces d’utilisation antérieure. Les pieux et le mur sont noyés dans un mortier abondant, répandu à leur base.

FIG. 101 ‒ Mur de refend du fossé médiéval (M 106) associé à des pieux de bois
Cliché F. Cognard/Afan

FIG. 102 ‒ Mur M 106 : détail des pieux contre le parement sud
Cliché F. Cognard/Afan

FIG. 103 ‒ Détail des murs de refend M 94 et M 24 (= 3‑317) s’appuyant contre le rempart M 42
Cliché F. Cognard/Afan
3.1.2.2 Le fonctionnement du fossé
7L’interface de fond du fossé est numérotée 3‑854. Il s’agit sans doute du creusement originel repris par les différents curages. Sur cette surface, différents niveaux ont été apportés. La première couche (3‑360) contient de la matière organique. Il est possible que ce niveau appartienne au comblement de tranchée de construction de M 19. Au‑dessus, on observe, au pied du mur M 19, une couche de brasier certainement consécutive à la construction du mur M 19 et qui contient de la céramique du milieu du xiiie s. De la même façon, une couche de sédiment argilo‑sableux gris clair est associée à la base du mur M 106. Enfin, un niveau marron‑gris, induré, riche en coquilles marines, cailloux et graviers, recouvre ces couches. Les fréquents curages du fossé durant la période médiévale n’ont laissé que très peu d’informations sur son fonctionnement. La couche 3‑363, vers le fond du comblement et appuyée contre le mur M 106, contient une cruche en céramique de l’Uzège. La couche 3‑351, poches lenticulaires de graviers, a également livré du matériel. Ces deux couches sont sans doute liées à la première utilisation du fossé.
3.1.3 Interprétation
8Les textes rapportent plusieurs événements permettant d’éclairer le fonctionnement du fossé. En 1425 il est fait mention du creusement d’un vallat, à vocation défensive, ouvrant le fossé sur la mer : « aqua maris sive portus intret in eodem » (cf. infra § 8.1.2.1). Si l’on considère la topographie, le site reçoit les eaux de ruissellement de deux vallées : l’une d’axe E‑O, et l’autre d’axe N‑S, encadrant le relief de la plaine (actuelle place Jean‑Jaurès). Le fossé, perpendiculaire à l’axe de ces vallons, recevait probablement les eaux qu’ils drainaient. Il faut peut‑être imaginer une ouverture primitive du fossé sur la mer ne permettant toutefois pas à l’eau de mer de l’envahir. L’alternance d’eau douce et d’eau salée s’explique ainsi suivant l’importance du ruissellement de surface et en relation avec l’ouverture sur la mer, dès 1425, qui augmente sa salinité. Cette ouverture permet la colonisation des balanes jusqu’à l’abandon du fossé et son remblaiement, au plus tard en 1666.
9La construction de la fortification pose nombre de questions, auxquelles la fouille ne répond que très partiellement. En effet, sa structure et son organisation obéissent à une logique qui nous échappe. Le lien entre les deux parties de ces constructions, d’orientations différentes, nous est inconnu en raison de la présence d’un collecteur d’eaux pluviales qui scinde profondément le site en deux. Le fossé reprend cependant exactement le tracé du ruisseau primitif.
10La présence de murs de refend régulièrement disposés dans le fossé pourrait être motivée par le besoin de conforter l’ouvrage, ces murs ayant fonction d’entretoises. Cependant, la preuve est faite de l’émergence du sommet de certains au‑dessus de l’eau contenue dans le fossé. Ceci va semble‑t‑il à l’encontre de sa fonction même, qui est de ne pas faciliter son franchissement. Ces murs ont aussi pu servir de batardeaux pour l’assèchement partiel du fossé afin de le nettoyer, mais également pour garder un fossé en eau. Se pose en outre le problème de la fonction des pieux associés à certains de ces murs. Il existe trois murs auxquels sont accolés des pieux, ces murs sont équidistants de 31 m de part et d’autre du mur M 94. Peut‑être existe‑t‑il une chronologie échelonnée dans l’installation de ces murs dont certains sont démontés, le dernier état étant représenté par les murs à pieux, mieux conservés. Durant les trois cents ans d’utilisation de ces structures, plusieurs remaniements ont pu être opérés.
3.2 Les rues
11La construction de l’enceinte a entraîné une légère rectification du tracé de la voie principale (réalignement de façade de la partie méridionale de l’îlot central). La ruelle a également fait l’objet d’une modification. Un empierrement (calade) vient ensuite recouvrir les deux chaussées. Ce revêtement sera en usage jusqu’à l’abandon du faubourg médiéval. C’est lors de la construction de l’enceinte qu’est percée une nouvelle voie qui n’a pas pu être reconnue à la fouille car située à l’emplacement des deux collecteurs pluviaux du xxe s. Cette rue, mentionnée par les textes d’archives et nommée rue Raymond‑Rascas, reliait la voie principale à l’ancienne rue de Rome. Au sud de cette rue, un fragment de mur (M 92, fig. 104) est l’unique vestige du mur de façade d’un autre îlot situé en face de l’îlot sud. Recoupé par la paroi moulée et le collecteur pluvial, il repose en partie sur l’arase de M 273, mais est décalé vers l’est d’environ 40 cm ; il participe donc de la campagne de réalignement.

FIG. 104 ‒ Coupe stratigraphique de la voie et du mur de façade, à l’est de la voie, en zone sud (cf. fig. 60, 82, 92, 130)
DAO J. Isnard/Afan
3.2.1 La voie principale
12Cette voie est large de 6,50 m (20 pieds), ce qui est considérable pour cette époque à Marseille1. Elle a été reconnue sur une longueur de 70 m. La chaussée caladée (fig. 105), S 23, est installée sur une couche de préparation de sable jaune compact et homogène après un dérasement vraisemblable des niveaux plus anciens. Au sud un niveau d’argile hétérogène brune (1‑403) a servi de remblai. Le niveau d’installation est ainsi exhaussé au sud, la pente antérieure est abolie, voire inversée ; en effet, un léger pendage du sud vers le nord est perceptible. En face de la ruelle S 6, les pavés reposent sur un empierrement dense, assez épais. S 23 se compose d’une surface de circulation aménagée de galets de taille variable comprise entre 10 et 20 cm (1‑244) avec une rigole centrale rejointe perpendiculairement par des rigoles moins importantes partant des murs de façade à intervalles réguliers, dans l’alignement des murs de refend des lotissements. Ces rigoles perpendiculaires peuvent correspondre à des raidisseurs concernant la voie, aux descentes d’eau des façades de chaque maison, ou bien aux limites du parcellaire, voire répondre à ces trois soucis. Elles sont aménagées, de même que la rigole centrale, par une double rangée de galets de plus grande taille que ceux de la voie. Les limites est et ouest de la voie sont également marquées par des galets de plus grand module, sans toutefois toucher les murs de façade. Elles en sont séparées par une bande étroite constituée d’une calade beaucoup plus grossière, de pierres mêlées de galets. Cette bande est en léger dévers vers la calade. Elle pourrait être assimilée à un déflecteur pour protéger les façades des projections issues de la voie. Vue de profil, elle est horizontale sur une largeur de 3 m, en bordure du fossé, puis elle remonte vers la ligne de façade de l’îlot central de la zone nord. Une petite rigole, orientée obliquement par rapport à l’axe de la rue, relie le caniveau central au fossé. À son extrémité, un gros bloc pris dans la maçonnerie du mur M 19 et débordant sur le fossé peut correspondre à un exutoire partiellement arasé. Au nord, la chaussée est marquée par des ornières de 5 à 10 cm de profondeur pour une largeur moyenne de 5 cm. Celles‑ci peuvent aller jusqu’à 45 cm, formant ainsi des nids de poule. Ces ornières se répartissent en deux réseaux de 1,20 m d’entraxe. Le réseau le plus à l’est se développe de part et d’autre de la rigole axiale, l’autre est situé totalement à l’ouest de cette dernière. La surface de la calade est un peu défoncée par endroits, mais sans marque apparente d’ornières au sud. Certains creux semblent avoir fait l’objet de recharges. Mais il est difficile de différencier d’éventuelles traces d’entretien de remblais postérieurs, correspondant à la phase d’abandon de la voie, accidentellement tassés dans les creux.

FIG. 105 ‒ Calade S 23 en zone sud, recoupée par des aménagements de l’Époque moderne
Cliché F. Cognard/Afan
13La calade, telle que nous avons pu l’observer en zone nord, est appuyée sur le mur de contrescarpe, celui‑ci étant surmonté à l’origine d’un parapet le long de la rue. La construction de cette voie se situe au début du xive s., date donnée par les tessons retrouvés dans les remblais de construction de la calade (1‑504 et 1‑403) et dans la terre liant les galets 1‑244.
3.2.2 La ruelle S 6
14La ruelle (fig. 106), approximativement perpendiculaire à la rue principale, a été dégagée sur une longueur de 13 m. De dimension plus modeste, elle a une largeur de 3,80 m. Le revêtement de galets n’est à aucun endroit en contact avec les façades. Si au nord on peut supposer qu’il a disparu, il est vraisemblable qu’au sud la chaussée est interrompue volontairement, laissant une bande libre de 40 cm le long du mur de façade nord de l’îlot central. Cette limite est matérialisée par une rangée de galets de plus grosse taille. La destination de cet espace, banquette ou trottoir, n’a pu être déterminée, aucune trace d’aménagement ne subsistait. Seuls trois blocs occupent cette bande à l’extérieur de la maison B3, formant un perron devant l’ouverture de cet espace sur la rue. Cet aménagement est flanqué à l’ouest d’une pierre creusée formant une vasque presque circulaire (S 115) prolongée d’une rigole vers la rue.

FIG. 106 ‒ Vue générale de la ruelle S 6 depuis l’est
Cliché F. Cognard/Afan
15La base du bloc a une longueur de 59 cm et une largeur de 37 cm ; sa face supérieure est aménagée en escalier. Le plus haut (hauteur : 22 cm) est creusé d’une vasque de profil tronconique, à peu près circulaire, d’un diamètre de 23 cm pour une profondeur de 10 cm. Le plan inférieur (hauteur : 11 cm) est creusé au milieu de sa largeur d’une rigole peu profonde, à profil en V, reliant la vasque à l’extrémité du bloc. Ce dispositif est installé le long du mur de façade, à l’ouest de l’ouverture de la maison B3, en pente vers le centre de la rue. Il semble que ce soit un dispositif destiné à recevoir les eaux de pluies à la sortie d’un chéneau.
16Le revêtement est ici aussi constitué d’une calade de galets d’un module moyen de 10 cm ; il est marqué longitudinalement, en son centre, par une rigole appareillée en galets plus gros. Il faut noter la présence dans le pavage de nombreux galets d’origine volcanique à cristaux verts, qui pourraient provenir d’Italie du Sud2. Lors de la destruction des bâtiments adjacents, la rue est envahie de gravats et de nombreuses tuiles mêlées de pierres. Ces couches ont piégé ponctuellement un niveau de scories associées à des charbons (2‑139), qui reposait sur la calade au sud, vers la maison B3.
3.2.3 La rue comme espace public
17Comparativement aux rues médiévales déjà connues à Marseille, les deux voies sont larges (6,50 m pour la voie principale et 3,80 m pour la ruelle) et bien rectilignes. Nous sommes ici hors les murs et les constructeurs ont déterminé la largeur des voies suivant un plan d’urbanisation établi avec précision. La voie principale doit relier la ville à l’extérieur ; c’est en fonction d’elle que se développe le lotissement des faubourgs. La pose de la calade sur les voies s’accompagne de mesures de réalignement des façades rectifiant ainsi la trame héritée des anciens chemins.
18Le niveau de circulation de la voie d’origine est revêtu vers le milieu du xiiie s. du pavage de calcaire S 188. Ce revêtement bien appareillé est visiblement destiné à durer. Outre les traces distinctes de travaux de réfections, on remarque encore l’aspect de ces dalles polies par l’usure. S’il est entièrement détruit dans sa partie ouest, sa limite, rigoureusement ajustée, évoque la bordure d’une rigole apparemment excentrée vers l’ouest. L’homogénéité et le soin apporté à cette construction supposent une mesure officielle de la part de la municipalité3. Ce pavage partiellement détruit est ensuite recouvert par d’autres niveaux de circulation en terre. La pose de la calade de galets, tant sur la voie principale que sur la ruelle, relève inévitablement d’une décision publique. L’entretien est certainement à la charge des riverains par ordre des autorités4. Les réfections observées sur la voie principale sont ponctuelles ; elles sont peut‑être le résultat d’actions individuelles, et non d’une maintenance publique.
19Il existe des permanences dans les mises en œuvre des rues, tant à Marseille que dans d’autres villes. La rue du Petit‑Mazeau à Marseille présente une séquence de revêtements que l’on retrouve globalement sur le chantier de la place du Général‑de‑Gaulle (Paone 1997 : 4, fig. 4). En effet, un dallage de pierres de calcaire jaune est recouvert par des niveaux de circulation en terre et, au début du xiiie s., par une calade de galets. Sur le chantier de l’Oratoire à Avignon5, la rue du Mail (xive s.) est revêtue, dans son premier état, de petites dalles de pierre. Un réaménagement postérieur la dote d’une chaussée caladée, avec la création d’un caniveau installé parallèlement à l’axe de la rue sur un des côtés.
3.3 L’îlot nord
20fig. 107
21La mise en place du fossé entraîne un réalignement des façades sur la rue qui, dans cet îlot, ne concerne que la façade sud des maisons A2 et A4. Les murs M 199 et M 198 sont alors remplacés par le mur M 10. Les sols des maisons sont rechargés par des remblais.

FIG. 107 ‒ Plan de l’îlot nord et de la ruelle S 6 (phase 4C)
DAO M. Bouiron/Ville de Marseille
3.3.1 Description des maçonneries
22Le mur M 10, conservé sur une longueur de 6,30 m, forme la nouvelle façade des deux maisons A2 et A4 sur la ruelle. Il est bâti en moellons de calcaire, taillés et soigneusement appareillés en assises régulières. Malheureusement, son observation a été extrêmement rapide.
3.3.2 Occupation
23Le sol de la maison A1 est remblayé par une succession de couches hétérogènes sans interface nette, riches en mortier. En surface est établi le sol 2‑166, rechargé par une couche d’argile jaune compacte, à 0,50 m ngf. Il est associé à un massif de mortier blanc pulvérulent (2‑167) légèrement surélevé par rapport au sol, de forme grossièrement rectangulaire (1,80 x 0,70 m) et perpendiculaire à M 5, dans sa partie médiane. Dans ce massif est implantée une fosse circulaire de 30 cm de diamètre (2‑200), sur les parois desquelles sont appuyées deux lauzes posées de chant, inclinées reposant sur une dalle à plat (S 179). Elle ne présente pas de traces de feu et sa fonction est inconnue. Le sol est également traversé par une rigole (2‑174) parallèle à M 5, qui se prolonge en arc de cercle et se termine parallèlement au mur M 7 ; son fond, irrégulier, ne présente pas de pendage. Un trou de poteau, agrémenté de pierres de calage, a été également observé, à 90 cm de M 7, sur l’axe médian du bâtiment.
24À l’intérieur de la maison A3, après un remblaiement d’une dizaine de centimètres à base de terre argileuse et de débris de mortier, une succession de fins niveaux compacts de natures variées (sable homogène blanc, argile, charbon, chaux), à environ 0,50 m NGF, témoigne d’une occupation importante de l’espace. La surface charbonneuse 2‑807 vient reposer contre une structure (S 263) située dans l’angle S‑O du bâtiment et appuyée sur les murs. Il s’agit d’une fosse rectangulaire (1 x 0,70 m), dont les flancs, hauts de 10 cm, sont renforcés par des pierres quadrangulaires de chant et dont le fond est dallé de pierres informes. Très similaire à celle de la maison A1, elle peut être identifiée à un foyer. Le remplissage est constitué d’une alternance de couches sableuses blanches, de charbons, de cendres, et de terre, contenant du mortier, des fragments de tuile, des nodules de chaux et des galets. L’ensemble est ensuite scellé par un épandage de chaux dont la surface forme le sol 2‑805. Il est associé à un tas de pierres (2‑782) contre le mur M 7, à une étroite tranchée (2‑810) le long de M 211 et à une dernière couche d’enduit contre M 7.
25Dans la maison A2, un sol en terre battue (2‑277) de consistance argilo‑sableuse avec des passées de chaux matérialise une occupation à la surface d’un remblai argileux. Ce sol est rechargé par un solin de sable pur contre M 197 dans la partie médiane et par une couche lenticulaire d’argile dans la partie N‑E du bâtiment, couche dont la richesse en charbons de bois permet d’y voir un foyer. Cette occupation étant la dernière, nous lui associerons par défaut la structure S 17 (fig. 108), recouverte par les remblais de démolition. Il s’agit d’une fosse circulaire de 90 cm de profondeur dont la section présente un ressaut à 0,20 m NGF, le diamètre passant de 1,60 à 0,90 m. Sur ce ressaut, un parement de gros blocs de poudingue forme un cuvelage. Un fond de tonneau ayant été retrouvé à la base (cf. infra § 7.3.5, notice n° 110, p. 218), il s’agit probablement d’un stockage aménagé.

FIG. 108 ‒ Fosse cylindrique S 17 s’apparentant à un puits
Cliché F. Cognard/Afan
26Une nouvelle phase de travaux (démolition de M 197 et réalignement sur la façade par le prolongement de M 10) est observée dans la maison A4. Ces travaux sont probablement à mettre en liaison avec une vaste fosse enduite de chaux, comblée d’abord par de la cendre puis par un remblai argileux où les cailloux abondent. Le remblaiement important par la couche de démolition 2‑831 précède l’installation de l’ultime sol du bâtiment (2‑803) matérialisé par une pellicule argileuse, à 0,90 m ngf.
3.4 L’îlot central
27Durant cette phase, l’îlot central acquiert une configuration qu’il conservera jusqu’à son abandon trois quart de siècle plus tard. Trois restructurations architecturales participent à cette mise en place : les murs de façade limitant les maisons B1, B2 et B3 sont reconstruits alors que les refends restent indemnes ; au sud du mur M 59, la façade est réalignée, sans doute en liaison avec la mise en place du fossé (fig. 109, 110) ; enfin, au sud, l’installation des murs M 79 et M 78 crée les maisons B8 et B9. Le terme de maison doit être pris au sens large, les textes du Moyen Âge utilisant le terme de domus, car l’activité découverte au rez‑de‑chaussée de ces espaces est clairement liée à l’artisanat (forge dans l’espace B9).

FIG. 109 ‒ Façade réalignée sur la rue des maisons B7 et B8
DAO J. Isnard/Afan

FIG. 110 ‒ Façade sur la rue principale, après le réalignement ; le mur de refend M 125 la traverse
Cliché F. Cognard/Afan
28La stratigraphie des sols ne permet pas d’ordonner chronologiquement ces trois actions. Cependant des indices autorisent certaines hypothèses. Ainsi la succession des sols dans la maison B4 indique que le réalignement de la façade comme la mise en place des refends sont immédiatement postérieurs aux niveaux d’occupation de l’état précédent et sont scellés par les mêmes sols. En généralisant cette observation ponctuelle aux espaces centraux, nous pouvons admettre que la création des refends M 67 et M 68 s’est faite en même temps que le réalignement de la façade. D’autre part nous constatons que ce réalignement s’accompagne d’un rehaussement des niveaux de sol, comme on en observe pour la réfection des espaces septentrionaux de l’îlot central. De plus, lors de cette reconstruction, le mur de façade sur la venelle (M 8) subit un réalignement tout comme le grand mur de façade sur la rue principale. Enfin, nous le verrons, la reconstruction du refend M 59 se fait simultanément à la construction de M 67. Ces trois constatations permettent de supposer que la réfection des espaces septentrionaux de l’îlot, le réalignement de la façade et la mise en place des refends dans l’espace central sont réalisés dans la même période. La stratigraphie, pauvre en niveaux d’occupation, ne l’infirme pas. Au sud de M 125, la création des maisons B8 et B9 est postérieure au réalignement de la façade et antérieure à la calade S 23. Or la construction de cette calade suit de peu la restructuration de la partie nord de l’îlot central. Nous pouvons donc admettre que la prolongation de l’îlot central vers le sud se fait dans la même période.
3.4.1 Description des maçonneries
29La reconstruction de la partie nord de l’îlot central se fait sur l’arase des anciens murs, utilisés comme fondations. Il reste peu de traces des élévations, en grande partie récupérées jusqu’aux niveaux de sol, mais le peu de vestiges existants permet toutefois de les estimer identiques. Ainsi les élévations des murs de façade M8, M 216 et M 159, comme celle du refend M 59, ont une base à une altitude variant entre 0,50 et 0,60 m ngf, une largeur située entre 55 et 65 cm et sont pareillement constituées de moellons équarris disposés en assises plus ou moins régulières et liés par du mortier blanc maigre. La partie orientale de M 8 se décale légèrement vers le nord par rapport au mur ancien qui le supporte et semble esquisser l’amorce du réalignement qui concerne la venelle. L’élévation du mur de façade occidental (M 216 et M 159) repose sur le mur M 103 dont les ouvertures ont été bouchées par quelques assises de pierres brutes liées par un mélange de terre et de mortier. Les murs de refend M 113 et M 74 ne sont pas concernés par cette réfection.
30Le réalignement de la façade s’applique immédiatement au sud de M 59. La nouvelle façade est construite d’abord à l’aplomb de M 103, dont l’arase sert de fondation, puis s’en écarte à partir du refend M 68. La nature des travaux de réalignement varie en fonction des espaces. Les murs de la façade des maisons B4, B5 et B6 (respectivement les murs M 154, M 152, M 151) sont refondus d’un seul tenant. À partir de M 151 la façade dévie significativement du mur ancien. L’élévation, qui englobe les seuils, est constituée de une à deux assises ne présentant pas le même aspect sur les deux parements. Du côté intérieur, l’assise inférieure est surmontée par une assise de moellons irréguliers alors que du côté de la rue les assises sont composées de moellons taillés, l’assise inférieure étant légèrement débordante. Sur ce dernier parement, une petite cavité a été ménagée dans l’épaisseur du mur M 154 : une pierre de l’assise inférieure surcreusée en demi‑cercle en forme la base, tandis que les bords sont constitués de pierres du parement. La couverture est assurée par une pierre de plus petite dimension située dans l’emprise du contexte supérieur. Cette ouverture, large de 12 cm et haute de 24 cm, n’est visible que sur le parement ouest mais il semble qu’elle ait initialement traversé le mur avant d’être abolie par un état postérieur.
31Le nouveau mur de façade de la maison B7 (M 150) s’appuie sur les refends. Sa fondation comme son élévation sont constituées de moellons taillés assisés régulièrement et liés à la terre. D’après leur module, ils proviennent probablement de la destruction de l’extrémité orientale de M 125 provoquée par le réalignement sur la rue. L’utilisation de moellons en fondation suppose qu’ils sont en remploi.
32Le mur de façade de la maison B8 (M 149) repose sur une assise de fondation faite d’un rang de moellons bruts. Cette dernière est surmontée d’une élévation en petit appareil bien taillé, lié à la terre. M 149 comprend, dans l’angle S‑O, le seuil S 177 légèrement plus haut que le sol intérieur. Il s’agit vraisemblablement d’un rajout dans la maçonnerie du mur.
33La fondation du mur de refend M 79 (fig. 111) est constituée d’un rang de blocs parfois retaillés qui supporte deux assises de moellons généralement bruts et liés à la terre. L’élévation conservée consiste en trois rangs de petit appareil maçonné au mortier blanc ou jaune selon les endroits. Dans la maison B8, deux piliers se trouvent en vis‑à‑vis et sont pareillement bâtis de moellons taillés, liés au mortier jaune. Le pilier S 135 est accolé au mur M 125. À l’opposé, le pilier S 144 repose sur le ressaut de fondation de M 79 avec lequel il partage la même tranchée d’installation. La mise en place du refend M 79 et celle des piliers sont contemporaines.

FIG. 111 ‒ Parement méridional de M 79
DAO J. Isnard/Afan
34La fondation du mur M 102 (fig. 112) est constituée d’une assise de blocs et de moellons bruts formant sa base, et d’un rang de dalles taillées ou, plus rarement, de moellons bruts, liés à la terre. L’élévation est constituée de moellons taillés, carrés, maçonnés au mortier jaune. Ce mur est incomplètement conservé, l’extrémité sud ayant disparu, ce qui nous prive du lien avec le mur de refend M 78.

FIG. 112 ‒ Élévation du mur M 102 sur ses deux faces
DAO J. Isnard/Afan
3.4.2 Occupation
35On distinguera dans l’étude des niveaux de cette phase trois ensembles : l’ancien bâtiment artisanal (maisons B1, B2 et B3), les espaces construits immédiatement au sud durant la phase 4B5 (maisons B4, B5, B6 et B7) et enfin les deux espaces nouvellement bâtis, B8 et B9. On se reportera au chapitre de synthèse (cf. infra § 10.3) pour un essai d’interprétation des structures.
3.4.2.1 Les maisons B1, B2 et B3
36fig. 113
37Au début du xive s., l’ouverture liant les espaces B1 et B3 est bouchée et les espaces sont remblayés, faisant ainsi disparaître tous les aménagements antérieurs. L’accès à la maison B1 ne peut se faire que par une ouverture pratiquée dans le mur de façade donnant sur la rue principale, mais ce mur est arasé si bas qu’on ne peut en retrouver la trace. Sur les remblais 2‑649 et 2‑635 est épandue une pellicule d’argile (2‑634) contenant des charbons et de la cendre rubéfiée par endroits. Ce sol est rechargé par l’apport de mortier jaune, le long du mur M 8, et d’argile présentant des traces de sable et de mortier en surface (par exemple 2‑633). Le sol qui lui succède (2‑627) est une couche très charbonneuse contenant des coquillages, des petits cailloux et des galets. Il est ponctuellement rechargé le long du mur M 74, par de l’argile homogène (2‑619). Un aménagement de pierres autour d’une aire rubéfiée de 40 x 40 cm compose un foyer (S 160), dans l’angle des murs M 74 et M 8. La dernière occupation, malheureusement non datée, est matérialisée par la couche 2‑372 (équivalente à 2‑617), couche très hétérogène contenant des pierres, des graviers et du brasier, dans un sédiment argilo‑limoneux. Sa surface ainsi que les murs M 8 et M 216 portent des traces de feu et sont fortement noircis.

FIG. 113 ‒ Plan des maisons B1, B2 et B3 (phase 4C)
DAO M. Bouiron/Ville de Marseille
38La maison B2 comprend deux niveaux d’occupation distincts. Le premier sol (2‑448) est une fine couche d’argile rubéfiée dont l’utilisation est marquée par la présence de l’aménagement S 143 (fig. 114). Il est formé de trois tuiles ou briques disposées côte à côte, celles situées à l’extérieur ayant un rebord orienté vers le bas ; elles reposent sur une épaisseur de mortier. Il pourrait s’agir du soubassement d’une cloison formant un couloir dans l’axe de l’entrée sur la rue, ou d’une base ponctuelle ayant une fonction de support. En bordure du mur M 113 et proche du seuil, une jarre partiellement enterrée, S 117 (fig. 115), pouvait constituer une réserve d’eau. L’établissement du second sol (2‑466) succède à un remblaiement de 20 cm d’épaisseur, rechargé contre le mur M 113 par un amas de mortier jaune à petits galets (2‑464) et ponctuellement de poches d’argile (2‑464 et 2‑465). L’aménagement du seuil S 83 (fig. 116) marque l’ouverture sur la rue principale. Il est formé de pierres de taille et est partiellement conservé. Il est associé, à l’intérieur du bâtiment, à une marche d’escalier faite de trois blocs de pierre de taille dont il ne reste que l’empreinte dans le mortier. Elle est liée au dernier sol.

FIG. 114 ‒ Coupe N‑S à l’intérieur de la maison B2. Les pieux visibles sur le dessin appartiennent à la fondation de la fontaine du XVIIIe s. (cf. fig. 52, 77, 89, 113)
DAO J. Isnard/Afan

FIG. 115 ‒ Maison B2 : jarre S 117 plantée dans le sol
Cliché F. Cognard/Afan

FIG. 116 ‒ Maison B2 : seuil S 83 et mortier de pose de l’escalier qui lui est associé
Cliché F. Cognard/Afan
39Dans la maison B3, le bouchage de la grande ouverture dans le mur M 74 est associé à un creusement de faible profondeur dont le comblement date de la seconde moitié du xiiie s. Contre la façade se trouve un aménagement partiellement démonté (S 167) de forme quadrangulaire, de 1,30 x 1,00 m. Il est formé de pierres de taille dont deux seulement subsistent, le reste étant visible sous la forme de négatif de récupération. Il peut s’agir d’un soubassement d’escalier qui fonctionnerait avec une série de sols superposés. Le plus ancien (2‑661), fin niveau argileux avec des traces de cendre en surface, est surmonté du sol 2‑618 constitué de passées successives de chaux, rechargées de sable rosé et de limon très cendreux. L’utilisation est matérialisée par un ensemble de fosses de fonction indéterminée. Enfin, le sol 2‑442 est une couche argileuse rubéfiée, comportant une poche d’argile rouge appuyée contre le mur de façade. À cette époque le puits est toujours fonctionnel, et l’assise la plus haute de son parement interne émerge de quelques centimètres au‑dessus du dernier sol. L’ouverture donnant sur la ruelle est aménagée par une marche intégrée dans le mur et appareillée en moellons. Elle est associée, côté rue, à un dallage de blocs quadrangulaires.
3.4.2.2 Les maisons B4, B5, B6 et B7
40fig. 117
41L’espace intérieur de la maison B4 est tout d’abord remblayé (2‑485), puis, à partir du sol 2‑419, la partie située entre les piliers est bouchée par la construction du mur M 67 (fig. 118). Cette modification est postérieure à la fin du xiiie s., comme le prouve le matériel provenant d’un comblement de fosse (2‑425) qui affecte ce sol. Dans l’angle N‑O du bâtiment, la façade M 154 reçoit le seuil S 133 (fig. 119). Il est posé au mortier blanc et associé à deux rangs d’élévation de même maçonnerie que le mur de façade, sur des assises liées au mortier jaune. La première occupation pour cette phase est le sol 2‑419 ; c’est une couche limoneuse, contenant de nombreux charbons, qui se situe précisément au niveau de la jonction entre l’élévation et la fondation du mur M 67, venant sceller le comblement de la tranchée de fondation. Ce niveau est creusé de plusieurs fosses. Au centre de la largeur de la pièce, une série de trous de poteaux d’un diamètre de 20 cm (S 147) correspond à un réaménagement successif (les trous se recoupent) d’une structure en élévation. Ces trous sont comblés par un même sédiment limoneux (2‑425) qui contient des pierres ayant pu servir de calage. Vus en coupe, ces trous ont une profondeur différente. Le creusement 2‑405 est un trou circulaire d’un diamètre de 30 cm, situé le long du mur M 59. Au fond de ce trou est déposée une pierre plate, ce qui accrédite là aussi une fonction de calage. Le trou est ensuite comblé et obturé par un bouchon d’argile rubéfiée, contenant des charbons (2‑406) débordant sur le sol suivant (2‑400). Le comblement a livré une monnaie frappée entre 1330 et 13376. On peut donc en déduire que les couches suivantes sont postérieures à 1330. Ce sol a par ailleurs livré d’autres traces d’utilisation, sous la forme de recharges ou de fosses peu interprétables. Des observations de surface ont toutefois été faites dans la partie détruite par le dense pilotis servant de support à une fontaine moderne qui rendait la fouille impossible. On a ainsi remarqué, dans l’angle S‑O de l’espace, un niveau de brasier (2‑384) et le long du mur M 154, une couche de sable (2‑386) qui scelle partiellement le brasier. Une petite zone chaulée (2‑389) et un creusement (2‑388) sont localisés dans l’angle N‑O de la pièce. Contre le mur M 59 sont amassés des pierres et des galets (2‑390).

FIG. 117 ‒ Plan des maisons B4, B5, B6 et B7 (phase 4C)
DAO M. Bouiron/Ville de Marseille

FIG. 118 ‒ Maison B4 : coupe N‑S. Les pieux de la fontaine du XVIIIe s. apparaissent au premier plan, devant M 59 (cf. fig. 52, 77, 117)
DAO J. Isnard/Afan

FIG. 119 ‒ Maison B4 : seuil S 133
Cliché F. Cognard/Afan
42On observe également une aire rubéfiée quasi circulaire (2‑391), une zone de scories métalliques (2‑394) associée à deux petites zones chaulées périphériques (2‑395 et 2‑396) et enfin une pierre de taille en calcaire blanc (S 122), de forme carrée (25 x 25 x 10 cm). Son arête supérieure est chanfreinée, le centre évidé forme une cupule. Immédiatement au‑dessus se trouve la couche 2‑400, qui constitue sans doute la préparation du sol suivant (2‑350) ; elle est formée de lentilles de sable contenant du charbon, de l’argile et de l’enduit. Ce niveau est associé à une fosse (S 136) de forme oblongue (1,30 x 0,70 x 0,16 m). Ce creusement, orienté N‑S, est perpendiculaire au mur M 67 et attenant à celui‑ci. Il est comblé par une couche de scories métalliques (2‑430), scellée par une couche d’argile formant une sorte de bouchon. Il faut noter la présence, à l’extrémité sud de cet aménagement, d’un trou circulaire qui le recoupe partiellement. Le sol 2‑350 est une fine couche d’argile pure, rechargée de plusieurs apports d’argile. Ce niveau est scellé par un fin contexte damé à texture sableuse (2‑352).
43Dans la maison B5, le mur M 131 est installé sur le remblai 2‑417. Le premier sol après sa construction est une fine couche d’argile contenant des charbons (2‑408). Ce niveau a livré de la céramique de la même période. Il repose sur une préparation sableuse (2‑414) qui contient également de la céramique du début du xive s. Dans l’angle N‑E, ce sol est rechargé par l’apport de sable. Il est marqué par de petites aires rubéfiées. Deux d’entre elles (2‑409 et 2‑411), circulaires, d’une quinzaine de centimètres de diamètre, sont présentes le long de M 67, à environ 1,20 m. Elles sont très comparables à des traces observées dans la maison B6. Près de M 68 se trouvent deux autres zones rubéfiées, 2‑410 d’une trentaine de centimètres de diamètre, et 2‑376, peut‑être équivalente à la précédente. Ce niveau reçoit de plus un petit aménagement fait de trois carreaux de céramique (S 120) disposés sur une aire rubéfiée, le long du mur M 67. La couche de chaux 2‑377 est un épandage aux contours flous, qui recouvre partiellement le sol précédent. Il forme la préparation du sol suivant (2‑374) couche compacte et homogène. Une marmite de l’Uzège y est enfouie dans l’angle S‑O de la pièce (S 121), le bord affleurant le sol (fig. 120). Elle est calée par des pierres, et ne contient que du sédiment. À ce sol est associée une élévation du mur M 68, faite de moellons bien équarris, liés à la terre.

FIG. 120 ‒ Maison B5 : marmite enterrée dans l’angle S‑O
Cliché F. Cognard/Afan
44Le premier sol de la maison B6 est constitué d’une fine couche d’argile homogène (3‑588). Il est marqué par plusieurs aménagements et est associé à la première élévation en petits moellons du mur M 68, décrite plus haut. Une grande fosse de forme ovale (3‑628) occupe la majeure partie du bâtiment ; son extension maximale vers l’est est hors de l’emprise de la fouille. Ses dimensions sont de 3,60 x 1,90 m, pour une profondeur maximum de 42 cm. Elle a un profil en cuvette à fond arrondi (fig. 121). Cette fosse est prolongée par un creusement linéaire de faible profondeur, formant un appendice allongé et courbe de 1,40 m de longueur, pour une largeur de 12 cm et une profondeur de 10 cm. Trois autres fosses ont été observées : 3‑625, de forme circulaire et d’un diamètre de 50 cm pour une profondeur de 10 cm, est située près de M 68. De forme curviligne, irrégulière, la fosse 3‑636 a un diamètre de 78 à 58 cm et une profondeur d’environ 15 cm. Enfin, un trou circulaire (3‑627) mesure 30 cm de profondeur. Trois plaques d’argile rubéfiée (3‑607, 3‑608 et 3‑610) se situent près de M 151. La couche 3‑607 est recoupée par une autre fosse (3‑634). Elle est de petite dimension, près de M 151 et est comblée par 3‑633. Quelques recharges ponctuelles marquent également cette occupation. Une zone chaulée orientée N‑S (3‑609), de forme irrégulière, mesure 1,04 x 1,18 m et est ponctuellement recouverte par l’argile rubéfiée 3‑607. Dans l’angle S‑E du bâtiment est localisée une couche de chaux (3‑619). Une autre surface chaulée de forme irrégulière (3‑629 ; 86 x 50 cm), contient de la céramique du xiiie s. On remarque aussi, dans l’angle S‑O de l’espace, un empierrement apparemment inorganisé (3‑623) qui a livré de la céramique du début du xive s. Un amas de mortier rose de 20 cm d’épaisseur, S 129, s’appuie contre M 68. Il mesure 1,14 x 0,60 m. L’espace est ensuite remblayé en totalité par l’apport d’une importante couche de graviers et cailloux mêlés à un sédiment sableux jaune incluant également du mortier et des charbons. Cette couche comble totalement la fosse 3‑628. Cet apport prépare une nouvelle occupation matérialisée par le sol 3‑433. C’est une fine couche argileuse, recouvrant inégalement la surface, qui laisse apparaître d’autres recharges ainsi que le remblai sous‑jacent. Elle a ponctuellement subi l’action du feu, visible sous la forme de traces circulaires rubéfiées. Une recharge d’argile gris clair (3‑441) est localisée au sud du bâtiment. Une couche de sable jaune pur, située à l’angle N‑O de l’espace (3‑442), constitue peut‑être une préparation à un aménagement en briques, en relation avec le seuil S 132 (fig. 122). En effet on trouve à la surface de ce niveau une brique et de l’enduit semblable à celui présent sur le parement de M 68. Trois aires rubéfiées (3‑493, 3‑494, 3‑495) ont un diamètre de 30 cm et sont à peu près alignées, sur un axe E‑O, différent du bâti. Les deux premières sont distantes de 1,70 m, la dernière est à 2,20 m de la seconde.

FIG. 121 ‒ Maison B6 : sol 3‑588 et fosse 3‑628 partiellement vidée
Cliché F. Cognard/Afan

FIG. 122 ‒ Maison B6 : mur de façade avec vestige du seuil S 132
Cliché F. Cognard/Afan
45Le premier sol de la maison B7 (3‑403), consécutif au réalignement de la façade, est composé de plusieurs fines couches d’argile déposées sur un lit de chaux (3‑404) permettant d’en assainir la base (fig. 123). Il est percé de multiples creusements. Deux d’entre eux, parallèles et de forme rectangulaire (S 126 et S 127), sont situés près du mur sud. Leurs comblements ont livré de la céramique de la fin du xiiie s. ou du début du xive s. La fosse S 126 est orientée perpendiculairement aux murs de refend et mesure de 1,70 à 1,80 m de longueur, de 30 à 50 cm de large, et environ 15 cm de profondeur. Le fond est couvert d’un radier de pierres et de galets (3‑435), recouvert lui‑même d’une mince couche hétérogène contenant de la chaux. Parallèle à la précédente, la fosse S 127 en est distante de 1,50 m. Elle a une largeur de 30 à 40 cm et une longueur d’environ 1,30 m, pour une profondeur d’environ 15 cm. Son comblement (3‑436) est identique à 3‑435. S 134 est un ensemble de trous de petite taille, dont certains sont de forme circulaire, d’autres rectangulaire, de faible profondeur (3 à 5 cm en moyenne). Ils sont situés à égale distance des murs M 114 et M 125 et entre les fosses décrites ci‑dessus. À une trentaine de centimètres du mur de façade, au niveau du seuil S 122, se trouve une fosse de forme circulaire (3‑859) ; elle a un diamètre de 50 cm pour une profondeur de 10 cm et son fond est enduit de charbons. Un trou circulaire isolé, non loin du mur M 114, contient une pierre de taille de forme carrée.

FIG. 123 ‒ Maison B7 : sol 3‑404 et aménagements connexes S 126, S 127, S 134 et 3‑859
Cliché F. Cognard/Afan
3.4.2.3 La maison B8 et la forge B9
46fig. 124
47La maison B8 (fig. 125, 126) est créée dans cette phase par la prolongation de la façade M 149 et l’adjonction du mur M 79 et des piliers S 135 et S 144. Cet espace a une largeur de 4,50 m, soit 1 m de plus que la moyenne observée dans cet îlot. C’est sans doute ce qui a motivé l’installation de deux piliers (S 135 et S 144) accolés aux murs de refend. À ce moment est installé le sol 3‑408 constitué d’argile jaune à passées sableuses. Ce sol, qui remonte fortement au contact de M 149, semble couvrir tout l’espace ; son utilisation est marquée par la présence d’une fosse (3‑606) située partiellement en dehors de l’emprise de la fouille et comblée de sédiment sableux. Un amas de mortier (3‑630) est aussi présent en surface de ce sol, mortier dont il faut noter la similitude avec celui utilisé pour les piliers. Le contact de ce sol avec le mur M 125 a disparu du fait de la destruction de ce dernier, mais leur fonctionnement simultané est établi par la présence caractéristique d’une remontée du sol au point de jonction avec le parement intérieur du mur ; le contact avec les murs M 79, M 149 et les piliers S 135 et S 144 est attesté par la fouille. Ce sol a livré une monnaie frappée en 12627. Cette phase d’occupation débute par l’apport de 3‑384, couche argileuse jaune contenant des fragments de mortier, de tuile, des éclats de calcaire blanc et de la céramique du xiiie s. Cette couche est percée par une fosse de forme quadrangulaire (environ 1,00 x 1,35 m), d’une profondeur de 50 cm (3‑689), comblée par 3‑688, qui contient des gravats et une monnaie émise entre 1277 et 12858. Elle est recouverte par une couche d’éclats de calcaire blanc et de mortier, présente le long du mur M 149 (3‑386). Cet épandage est lié à un bourrelet présent dans la maçonnerie (3‑ 684) qui marque une reprise du mur M 149 ; il a livré de la céramique de la fin du xiiie ou du début du xive s. Une banquette quadrangulaire (S 111) est installée le long de M 149 sur 3‑384. Elle est faite de moellons équarris montés à sec conservés sur deux rangs ; l’intérieur est un blocage en pierre sèche. La fonction de cette structure reste indéterminée ; il s’agit peut‑être d’une marche d’escalier mais aucune ouverture n’a été décelée dans M 149 à cet endroit. Le sol 3‑370, installé au début du xive s., est constitué d’une couche d’argile limoneuse ponctuellement rubéfiée, très fine par endroits, ayant livré de la céramique. Ce niveau est percé par trois fosses circulaires. La fosse 3‑701 a un diamètre de 27 cm, pour une profondeur de 14 cm. Elle est comblée par de l’argile stérile. Située à proximité du mur M 79, une autre fosse (3‑703), d’un diamètre d’environ 50 cm, est comblée par un sédiment argileux (3‑702) contenant des débris de tuile, des nodules d’argile rubéfiée et de la céramique datée du début du xive s. Un dernier creusement (3‑431) a une profondeur de 27 cm. On observe également, dans l’angle S‑O du bâtiment, un amas de mortier de quelques centimètres d’épaisseur (S 110, 3‑385), et un empierrement (3‑387).

FIG. 124 ‒ Plan des espaces B8 et B9 (phase 4C)
DAO M. Bouiron/Ville de Marseille

FIG. 125 ‒ Maison B8 : murs M 145 et M 149, massif s 111
Cliché F. Cognard/Afan

FIG. 126 ‒ Coupe stratigraphique de la maison B8 (cf. fig. 52, 124)
DAO J. Isnard/Afan
48La forge B9 (fig. 127) est le dernier espace reconnu vers le sud. Son aménagement débute par le dépôt des remblais 3‑445 et 3‑447, datés de la fin du xiiie s. C’est postérieurement à ces remblais que les murs de refend M 78 et M 79 sont installés, délimitant avec le mur de façade M 102 un espace de 5 m de large. Ces couches sont bordées à l’ouest par un bourrelet de terre de faible hauteur et un petit fossé à profil en cuvette, aménagé le long du mur de façade. Le mur M 102 est la continuation de la façade du bâtiment voisin. Le long du mur de façade, accolé à celui‑ci à l’est, se trouve une banquette (S 91), formée d’un bloc de molasse ayant une longueur de 1,07 m, une largeur de 27 cm, et une hauteur de 22 cm. Les relations stratigraphiques avec les couches de l’espace ont été occultées par un creusement d’Epoque moderne. Cet aménagement se trouve entre le petit fossé et le mur de façade, au centre de la largeur du bâtiment.

FIG. 127 ‒ Coupe longitudinale à l’intérieur de la forge B9 (cf. fig. 124)
DAO J. Isnard/Afan
49Le premier sol de cet espace (3‑367) est installé à la fin du xiiie s. ou au début du siècle suivant. Il s’agit d’une couche d’argile jaune contenant des cailloux. Ce niveau est percé de plusieurs fosses de différents types. À l’est, l’une d’elles, d’axe E‑O (3‑413), n’a pu être entièrement reconnue car partiellement hors emprise. Elle est de forme allongée, longue de 1,46 m, large de 80 cm et profonde de 16 cm. Son comblement (3‑414) est constitué d’argile meuble contenant des pierres, des scories, du métal et du charbon. Il contient de la céramique de la fin du xiiie s. Une fosse de forme ovale (3‑415) recoupe la précédente. Elle mesure 42 x 66 cm, a une profondeur de 42 cm et est comblée par une couche hétérogène, très semblable à 3‑414, constituée d’argile, mêlée de pierres, de scories et de charbons (3‑416). Une fosse de forme quasi circulaire et irrégulière (3‑417), d’un diamètre variant de 64 à 78 cm pour une profondeur approximative de 10 cm, recoupe la précédente. Elle est comblée par la couche 3‑346, liée à l’utilisation suivante de l’espace, décrite plus bas. Au nord du bâtiment se trouve un autre groupe de fosses presque jointives. Une fosse de forme irrégulière (3‑425) est recoupée par deux autres fosses (3‑396 et 3‑410). Ses dimensions reconnues sont 0,62 x 1,40 m pour une profondeur de 10 cm. La fosse 3‑410, également de forme irrégulière, a un diamètre de 80 cm pour une profondeur de 32 cm. Son comblement (3‑411) est un amas compact de charbons et de scories qui contient de la céramique du xive s. Le sol est également percé de neuf petits trous carrés (S 123) de 6 cm de côté, répartis en trois groupes distincts et assez denses. Un premier groupe, composé de trois trous espacés de 10 et 30 cm, est à peu près aligné selon un axe N‑S. Un second groupe, constitué de quatre trous distants entre eux de moins de 10 cm, se situe au N‑E. Enfin, deux autres trous sont un peu à l’écart de ces derniers. L’implantation de ces trous ne dessine pas de forme précise ; de plus, l’espace étant incomplet, il est impossible de déterminer la fonction de ces aménagements. Enfin, un amas d’éléments métalliques (3‑422) de 60 x 20 cm, est également présent sur le sol 3‑367 à l’ouest de l’espace, en bordure de la rigole 3‑284. Alors que les niveaux inférieurs affleurent toujours, la surface est recouverte de plusieurs couches de scories métalliques (3‑346 = 3‑366), niveau noir, très dur, constitué d’un fin litage de microcouches. Ce niveau est percé de deux grandes fosses. L’une d’elles, de forme ovale (3‑393), est située au nord du bâtiment. Elle a un diamètre variant entre 70 et 80 cm, pour une profondeur de 30 cm. Son comblement compte trois couches. La base est constituée d’un niveau noir compact (3‑409), caractérisé par la présence de scories métalliques, de pierres et de charbon. Au‑dessus, a été disposé un aménagement de galets et de cailloux sur le fond et la paroi de la fosse (3‑426 = S 119) (fig. 128). Il semble que cet aménagement soit lié à l’utilisation de la fosse et ait une fonction de calage. Le sommet du comblement (3‑394) est constitué d’un sédiment argileux jaune contenant du mortier, quelques scories métalliques et des cailloux.

FIG. 128 ‒ Espace B9 : aménagements S 118 et S 119 liés au travail de forge
Cliché F. Cognard/Afan
50La deuxième fosse (3‑396) est un vaste creusement de forme quasi circulaire, situé au sud de 3‑393. Elle a un diamètre d’environ 1,40 m pour une profondeur maximum de 60 cm, et est également comblée par plusieurs couches successives. On observe tout d’abord une couche hétérogène constituée de briques, d’argile et de cailloux (3‑397) puis un niveau de couleur noire, contenant des scories, des nodules de mortier et du charbon (3‑398). Le dernier comblement est une couche hétérogène (3‑399) contenant du mortier, des cailloux, des scories métalliques et du charbon. En surface de 3‑399, il y a des briques éparses mélangées à des cailloux et des galets ayant subi l’action du feu, ennoyés dans de l’argile verdâtre (3‑400). Il faut noter qu’il ne s’agit pas d’un comblement dans la mesure où ce niveau est en relief au‑dessus de 3‑399. Néanmoins cet amas de matériaux ne semble pas ignorer la fosse car il est situé précisément au‑dessus.
51Le sol 3‑366 présente en outre, au N‑E de la fosse 3‑396, un amas de scories métalliques (3‑395) et, au sud, une poche d’argile jaune, de forme irrégulière (3‑392). Plusieurs recharges viennent ensuite recouvrir partiellement les niveaux. Une forte concentration de débris métalliques et de matériaux de construction (3‑363) est localisée au N‑O de l’espace. Cette couche contient de la céramique du xive s. La couche 3‑368, qui apparaît à ce niveau mais peut fonctionner avec le sol précédent, est constituée d’argile rubéfiée marron‑rouge, localisée au N‑E du bâtiment. Une couche noire meuble, friable, contenant des éléments métalliques (3‑390 = 3‑391), est percée d’une fosse de forme semi‑circulaire (3‑365). Elle mesure 66 cm sur son axe N‑S et 40 cm sur son axe E‑O, pour une profondeur de 10 cm. Enfin un amas de mottes d’argile (3‑364 ; briques crues ?) mélangées à du mortier et à de l’argile rouge orangée (apparemment non rubéfiée) a livré de la céramique du xive s. Alors qu’au sud la couche 3‑366 affleure toujours, le reste de l’espace est remblayé par l’apport de la couche 3‑328, constituée de mortier avec des tuiles, des cailloux, des charbons et des scories et contenant de la céramique du xive s. ; elle correspond sans doute à une préparation du sol suivant (3‑300) (fig. 129). Celui‑ci est formé d’un fin niveau d’argile homogène, compact, de couleur rouge à orange. Ce niveau contient de la céramique du xive s. écrasée sur place, des morceaux de tuile, des cailloux, des fragments de métal épars et des charbons sur toute la surface. Au sud du bâtiment, une recharge (3‑301) vient pallier l’absence de ce niveau ; elle a livré de la céramique du xive s. Sur ce niveau de sol repose une fine couche de sable (3‑299) qui se trouve absente au sud. Elle contient des coquillages, des fragments de mortier et d’enduit, de la céramique datée de la première moitié du xive s. Ce niveau est ensuite recouvert d’une couche de cendres et de charbon de bois (3‑283) qui contenait des fragments de poutres et de planches carbonisées. La quantité de charbon et de cendre ainsi que la présence de poutres et de planches calcinées indiquent que cet espace a sans doute été incendié dans le courant du xive s. Le dernier niveau d’occupation (3‑275) est une couche damée datée du xive s., qui recouvre tout l’espace. Au N‑O, elle se présente sous la forme d’une couche d’argile homogène contenant quelques pierres, des tuiles et de rares fragments de mortier ; au S‑O, c’est une couche d’argile bleutée, homogène, contenant des charbons. Au milieu, la couche est plus hétérogène ; elle renferme des pierres, des tuiles et du mortier. Cet espace semble dévolu au travail ou à la transformation du métal durant la première moitié du xive s. Cette activité ne concerne qu’une partie de la durée de son occupation, des sols antérieurs et postérieurs y ont été découverts.

FIG. 129 ‒ Espace B9 : sol d’argile rouge 3‑300
Cliché F. Cognard/Afan
3.5 L’îlot sud
52dépl., fig. 3
53Durant cette phase, l’ensemble constitué de la cour, du grand bâtiment, du bâtiment C3 et du bassin C4 subit des changements importants. La cour disparaît au profit d’un nouvel espace en lanière (C17), qui s’accompagne vraisemblablement d’une redéfinition de la fonction du grand bâtiment et de ses annexes subsistantes. Au nord, la partie triangulaire connaît également des modifications, tandis que la création de la fortification amène une recomposition des espaces arrières compris entre les espaces en lanière et le fossé.

DEPL. FIG. 3 ‒ Coupe N-S réalisé à l’intérieur de tous les espaces compris entre C1 au sud et C12 au nord (cf. fig 85, 92, 133)
DAO J. Isnard/Afan
3.5.1 La pointe nord
54fig. 130
55Dans l’espace C11, l’ouverture S 237 dans le mur M 60 est obturée par un bourrage irrégulier (1‑158) constitué de pierres, de galets, de gros fragments de tuiles et de beaucoup de mortier ; il est installé sur un fin contexte de sédiment meuble mêlé de tuiles. Il est difficile de dire si ce contexte forme la base du bouchage ou s’il correspond à un abandon préalable de la porte. Ce bouchage a été daté du début du xive s. Aucun niveau de sol correspondant n’a été conservé. Un remblai argileux verdâtre (1‑200), daté du début du xive s. et dont la surface (1‑211) a subi un coup de feu, est le niveau le plus récent de l’état 4C. D’après les observations qui ont pu être faites, les contextes de cette période ont dû être très abîmés lors de la destruction de l’îlot.

FIG. 130 ‒ Plan de la pointe nord de l’îlot sud (phase 4C)
DAO M. Bouiron/Ville de Marseille
56L’espace C12 est le seul à comporter un sol bâti, une calade (1‑198), de forme circulaire, composée de galets de taille moyenne, polis par l’utilisation (fig. 131, 132). Elle est installée dans un négatif qui coupe un contexte contenant nombre de charbons de bois. Cette structure est directement recouverte d’un remblai moderne. Elle a d’abord été interprétée comme une aire de battage. Une petite fosse la perfore au sud (1‑668). Les prélèvements effectués dans ces structures n’ont malheureusement rien apporté ; les conditions d’enfouissement et les problèmes taphonomiques n’ont pas permis de retrouver d’éléments organiques à cet endroit, tels que des fragments de paille, des graines, des téguments, ni de restes d’outils. Cette calade est peut être le support d’un aménagement disparu. Le seuil S 238 est bouché, de même que l’ouverture de M 65. Ce bouchage est composé d’une première assise de pierres peu épaisses (dalles ou moellons équarris de petite taille) sur laquelle reposent deux assises de moellons équarris ou non, puis une assise de pierres disposées en épi. Enfin une dernière assise de moellons équarris surmonte ce bouchage. Entre ces deux coups de sabre, la construction est fondée plus haut que le reste de M 65 et, comme nous l’avons vu, le bâti est différent. Ce bouchage appartient à une phase ultérieure.

FIG. 131 ‒ Espace C12 : calade circulaire recoupée par les pieux modernes
Cliché F. Cognard/Afan

FIG. 132 ‒ Espace C12 : coupe N‑S. En surface, la calade 1‑198 (cf. fig. 60, 82, 92, 130)
DAO J. Isnard/Afan
57Dans l’espace C14, au‑dessus de la structure formée par le sol de béton 1‑688 et des traces de planches, on observe la construction d’une nouvelle maçonnerie (M 73), constituée d’une assise de blocs et de pierres en calcaire, non équarris, liés au mortier. Détruit dans sa partie médiane, il double M 228 à l’ouest. M 73 est postérieur à tous les murs médiévaux avec lesquels il est en contact. Il est vraisemblable que ce ne soit pas un mur, mais une simple banquette installée le long de M 228. A‑t‑elle eu un rôle de renfort à M 228 ? Le mauvais état de conservation de cette structure ne permet pas d’être formel quant à sa fonction. Au vu de la chronologie relative et des quelques datations obtenues, il semble raisonnable de situer cette banquette à la fin du xiiie s. ou au tout début du xive s. En effet, les niveaux inférieurs datent de la seconde moitié du xiiie s. et les contextes qui scellent les arrachements du début du xive s. L’abandon de cet espace se situe au début du xive s. d’après la datation des remblais venus combler les arasements des structures et des couches antérieures.
3.5.2 Évolution de la partie médiane de l’îlot
58fig. 133
59Les espaces en lanière de la phase précédente sont toujours en usage ; une nouvelle habitation de même type (maison C17) leur est adjointe. Ce nouveau bâtiment, créé au début du xive s., est constitué des murs M 28 au sud, M 25 au nord, M 29 à l’ouest et M 65 à l’est côté rue. Ces murs ont les mêmes orientations que les premiers espaces en lanière.

FIG. 133 ‒ Plan de la partie méridionale de l’îlot sud (phase 4C)
DAO M. Bouiron/Ville de Marseille
3.5.2.1 Description des maçonneries
60La fondation de M 28 s’installe en partie sur le comblement de la tranchée d’épierrement de M 273 qui date du xive s. Elle compte jusqu’à neuf assises à proximité de M 65, tandis qu’elle n’en compte que deux à l’ouest. Ces assises sont constituées de blocs et moellons bruts liés au mortier jaune grossier et à la terre. L’élévation conservée sur trois assises se compose de moellons de calcaire jaune équarris et liés au mortier. Les murs M 28 et M 25 ont en commun d’être fondés plus profondément à l’est. Ces différences de hauteur de fondation sont liées, comme on l’a vu, à la présence de l’ancien fossé parallèle à la voie dont le comblement meuble expose à une grande instabilité des murs. Et d’ailleurs, malgré la profondeur de la fondation, les élévations accusent un important dévers vers le sud. On notera encore la présence dans l’élévation, comme dans la fondation de M 28, de pierres éparses creusées de stries horizontales, altérations vraisemblablement liées à une usure naturelle (érosion éolienne ? ; fig. 134). Il est possible qu’il s’agisse de remplois. L’ouverture dans M 25 (S 243) est arasée et l’élévation est reprise lors de la construction de M 28, tout comme la porte de M 27 avait été bouchée lors de l’installation de M 25. M 28 est arasé plus profondément sur 1,20 m de long, dans l’axe des portes de M 25 et M 27. On peut penser que des pierres de seuil ont été récupérées. Dans le même temps sont implantés un certain nombre de piliers, constitués de belles pierres de taille, dont certaines portent des marques de carriers. Ils sont installés contre le parement sud de M 25 (fig. 96), contre les deux parements de M 28 et contre le parement nord de M 100 dans le bâtiment C3. Ils se font face deux à deux et devaient soutenir un arc doubleau destiné à supporter un étage.

FIG. 134 ‒ Traces d’usure éolienne sur le parement sud du mur M 28
Cliché F. Cognard/Afan
61L’espace C18 se situe à l’ouest de la maison C17. Il est limité au nord par le mur M 222, au sud par M 234, à l’est par M 29 et à l’ouest par M 193. Sa surface est d’environ 34 m2. M 222, prolongement de M 25, se compose de deux assises de fondation et de deux assises d’élévation en moellons de tailles diverses, équarris ou non et liés à la terre. Le lien avec M 25 a été arasé. L’appareil de M 193, comparable à celui de M 222, comprend des moellons disposés de chant. Il est doublé par M 194, mur composé de deux assises de moellons calcaires, accolées à M 193. On note aussi que ces deux murs comportent en leur centre une inflexion vers l’est. M 223 se compose de trois assises de fondation constituées de blocs bruts en pierre froide liés à la terre ; seuls trois moellons d’élévation sont conservés. M 223 est postérieur à M 27. Sa jonction avec M 25 n’est pas conservée. M 234 constitue le prolongement de M 28 ; le lien a été perdu lors du creusement d’un sondage profond. On ne peut donc pas dire s’il s’agit de M 28 ou d’une construction postérieure. Ce mur se compose de deux assises de fondation de petits moellons de calcaire jaune équarris, dont quelques‑uns posés en épis. La fondation est surmontée de six assises d’élévation constituées de moellons de calcaire jaune équarris. L’extrémité ouest du mur est soigneusement appareillée et forme un arrêt net. Il subsiste une trace d’enduit sur son parement nord. Par la suite, ce mur est prolongé vers l’ouest par M 235, constitué de trois assises de moellons équarris ou non en calcaire jaune et pierre froide.
3.5.2.2 Occupation
62Il n’est pas impossible qu’il y ait eu une activité artisanale légère au xive s. dans la maison C6. À l’est, les fosses postérieures ont perforé les contextes plus anciens en de multiples endroits, ce qui n’a pas permis de retrouver ceux‑ci. À l’ouest, les contextes du xive s. semblent avoir été arasés avant l’abandon et la destruction. Un sol de chaux (1‑351) est perforé par des négatifs circulaires, trou de pieu et calages de poteaux. Leur emplacement, deux au centre de la partie est du bâtiment, un autre contre M 53, laisse penser que nous avons à faire à un soutènement d’escalier, plutôt qu’à un soutènement de plafond ou à une autre structure. Deux fosses jumelles, dont l’une est aménagée par un calage de pierres, peuvent correspondre à des trous de poteaux. Leurs comblements datent de la première moitié du xive s. L’ensemble est recouvert par un contexte argileux mêlé d’éclats de calcaire. Au‑dessus, une couche (1‑417), constituée d’un limon de couleur verte à rouille, et datée du début du xive s., est sans doute le résultat d’un phénomène naturel, ruissellement ou inondation, qui a pu provoquer un abandon provisoire ; elle semble séparer deux phases d’occupation, l’une du début du siècle, l’autre de la seconde moitié. À la surface de cette couche, deux zones foyères dont une de grande taille (1‑373) fonctionnent avec une petite fosse oblongue remplie de sable blanc. Ce sable, que l’on retrouve en épandage un peu plus loin associé à des scories, est vraisemblablement lié à l’utilisation des foyers (il a pu servir à étouffer le feu). On peut soupçonner une activité artisanale légère du fer, associée à une autre activité dont nous n’avons plus la trace. Ces contextes sont datés du milieu du xive s. Un sol de chaux vient abolir cette occupation ; il est surmonté d’une couche de couleur rouille (1‑350). On retrouve celle‑ci dans d’autres espaces où elle scelle les niveaux de la première moitié du xive s. et se trouve sous un remblai surmonté par le niveau d’incendie de l’état 4D.
63Au‑dessus des premiers niveaux de la maison C7 apparaît une couche très damée contenant de petites pierres et à laquelle sont associés un niveau de vidange de foyer et de l’argile rubéfiée. Ce sol est daté de la fin du xiiie s. Il est recouvert au tout début du xive s. par un remblai contenant quelques éléments de démolition. Cet espace est alors recouvert d’un sol, composé de différentes passées de chaux, auquel est associé le deuxième enduit sur M 27. Des scories ont été retrouvées, ainsi que des tessons de céramique qui datent cette occupation du début du xive s. Une couche limoneuse de couleur rouille, contenant de nombreux éléments métalliques, vient sceller le dernier niveau d’occupation du bâtiment avant la destruction.
64Une couche d’argile grise charbonneuse et pierreuse (4‑301 = 4‑638), par endroits très damée, recouvre l’ensemble des contextes de la maison C15 (fig. 135). Un certain nombre de fosses y sont creusées, notamment 4‑340 et 4‑317. Il s’agit d’un remblai de rehaussement destiné à l’installation d’un nouveau niveau de sol. Au‑dessus d’un remblai limoneux de couleur rouille orangé, ce deuxième sol (4‑246), consiste en une surface très damée de chaux mêlée de cailloux. Il précède immédiatement les niveaux de destruction et d’incendie. Sur ce sol sont creusées au moins deux fosses : une petite fosse ovoïde (4‑248) contenant de grands fragments de carrelage en terre cuite et une deuxième fosse (4‑303), située contre le mur M 65 et comblée de cailloux.

FIG. 135 ‒ Maison C15 : sol 4‑449, murs M 25 et M 27
Cliché F. Cognard/Afan
65Dans la maison C17, les niveaux fouillés à l’ouest de M 153 (4‑329, 4‑332 et 4‑354) datent du début du xive s. Le contexte 4‑354 est un niveau de chaux qui correspond peut‑être à une surface de travail établie lors du remaniement de l’espace. Les niveaux 4‑329 et 4‑332 sont des niveaux contenant respectivement des déchets de taille et de démolition. Le lien de ces couches avec celles de la partie orientale de l’espace, vues postérieurement à cause de contraintes techniques, n’est pas établi. Il s’agit de couches peu étendues, certainement liées aux travaux effectués dans cet espace. Ensuite, un même niveau est installé dans les espaces C17 et C19 (respectivement 4‑721 et 4‑660). Il se compose d’un sol bâti de petites pierres posées à plat. Un aménagement de dalles longe les deux parements de M 28, couvrant une rigole ; les limites de ce système de drainage ne sont pas connues. Le sol de pierres plates est recouvert par une couche de démolition, à laquelle succède un niveau damé (4‑258) contenant de la chaux et de petits cailloux. Il forme le dernier sol du bâtiment et est recouvert par un remblai sableux. À la surface de ce dernier, onze trous de pieux avec calages ont été retrouvés. Trois d’entre eux sont situés le long de M 25, sept au centre du bâtiment et enfin le dernier vers l’angle formé par M 28 et M 65.
3.5.3 Les espaces situés au sud des plans en lanière
66fig. 133
67Au sud, le bassin C4 et le grand bâtiment C1 existent toujours. Une pièce (C20) est accolée à l’ouest du grand bâtiment, tandis que le bâtiment C3 est remanié.
3.5.3.1 Description des maçonneries
68Dans le bâtiment C3, la partie nord de M 97 est entièrement récupérée dès le tout début du xive s. Cependant le bâtiment C3, même s’il communique avec la cour C19, constitue une pièce à part entière couverte, voire surmontée d’un étage comme le suggèrent les piliers qui sont installés lors de cette phase entre M 100 et M 28. Ils devaient soutenir un arc doubleau qui pouvait supporter un étage. L’espace C20, situé à l’ouest du grand bâtiment, vient s’accoler contre M 220. Il est constitué de M 230, M 229 et M 195. Seul M 230 a pu être étudié. Il se compose de deux assises de fondation constituées de petits moellons équarris ou non, liés à la terre. Ces petites pierres sont disposées tantôt à plat, tantôt en épis, et prennent appui sur la première assise de fondation de M 100. L’élévation est conservée sur quatre assises très irrégulières composées de moellons équarris ou bruts, liés par de la terre et du mortier. Elle prend appui sur le chaînage d’angle qui existe entre M 100 et M 220.
69La qualité de l’appareil est médiocre par rapport aux précédents aménagements. Les pierres de la fondation sont de taille réduite comparées à celle des rangs supérieurs ; ceci est surprenant car elles n’offrent de ce fait pas la même stabilité, alors que le sédiment sous‑jacent est humide et même vaseux. M 229 a pu être étudié sur cinq assises, constituées de dalles et de moellons calcaires liés à la terre mêlée d’un peu de mortier. Cette construction vient contre le chaînage d’angle entre M 220 et M 206. Ce mur est parallèle à M 230, mais il est plus soigné. Au regard de la différence de soin apporté à la construction de ces deux murs, il est loisible de penser que M 229 est le mur de façade de cette construction et que l’espace situé au nord, bordé par le faubourg, n’offre plus grand intérêt une fois la cour abolie. On peut aussi penser que M 230 était entièrement enduit, donc l’appareil invisible. M 195 forme la limite occidentale ; il est lié à M 230. Ce mur est constitué de moellons équarris ou non. Il n’est pas parallèle à M 220 qui forme la limite orientale, ce qui donne un plan trapézoïdal. Ce mur n’a pas pu être correctement dégagé. L’angle formé par M 230 et M 195 respecte le tracé du fossé et du mur qui le longe.
3.5.3.2 Occupation
70Dans un premier temps, on retrouve dans la cour C19 le même sol que celui qui est installé dans la maison C17. Le niveau d’occupation (4‑660) disparaît en bordure de M 28, où un aménagement de dalles est posé (4‑687). Ces dalles, calées sous une assise de réglage débordante, forment la couverture d’un petit système de drainage installé le long de M 28. La limite orientale est formée par un mortier en pierre quadrilobé (4‑684) dont le fond, percé, est calé par une petite dalle verticale. A‑t‑il reçu de l’eau ou servait‑il tout simplement de pot de fleur ? À l’ouest apparaissent un drain (S 130) et un empierrement (fig. 136). Le lien entre ces différentes structures n’est pas établi. Ces systèmes d’écoulement ont dû être mis en place en raison de problèmes permanents liés à l’eau. Les installations de M 28, du drain bloqué par une assise débordante et du sol 4‑660 sont contemporaines les unes des autres. Le sol vient s’appuyer contre M 100 au niveau de la base de l’enduit le plus ancien. C’est sans doute lors de la construction de M 28 et des piliers que M 100 est enduit pour la première fois sur son parement nord. Auparavant, étant en façade de cour, il semble qu’on n’ait pas jugé nécessaire de l’enduire ; il est également possible qu’un enduit plus ancien et plus exposé ait disparu. Dans un second temps, le sol de la phase précédente est recouvert d’un sédiment limoneux qui contient des pierres, de la chaux, du mortier et de nombreux éléments de démolition, dont une pierre de taille ouvragée (4‑685). Au‑dessus apparaît un sol damé très charbonneux (4‑665) qui présente à sa surface des tessons de céramique à plat.

FIG. 136 ‒ Détail de l’angle S‑O de la fouille, zone de contact entre le fossé et le bâti
Cliché F. Cognard/Afan
71Bien qu’il soit dans la continuité de la cour C19, le bâtiment C3 fonctionne encore comme une unité indépendante après la récupération de la partie nord de M 97. Le foyer bâti de la phase précédente est en usage au moins jusqu’au début du xive s. Un remblai argileux contenant des pierres constitue la préparation d’un sol de chaux, compact et homogène (4‑269). Celui‑ci est perforé par une série de trous de pieux formant deux structures circulaires (S 165 et S 166), d’un diamètre de 2 m pour la première et sans doute de la même taille pour la seconde, en partie détruites par la paroi moulée (fig. 137). Ces trous, au nombre de dix‑sept pour le cercle complet, et d’au moins sept pour le deuxième, sont sans doute des traces de poteaux de bois, enfoncés assez profondément puisqu’aucun calage n’était visible en surface. Ces cercles sont implantés l’un contre l’autre et leurs superstructures devaient se toucher. Aucune autre trace d’aménagement ne se trouve leur être associée. On ne possède aucun renseignement sur la structure supportée par ces pieux ; on peut néanmoins en tirer quelques observations : la taille minimale, 2 m de diamètre, un poids qui ne doit pas être trop important, les pieux porteurs ayant un diamètre de quelques centimètres, et la fonction probable d’isoler du sol ce qu’elle contient. Pourquoi maintenir quelque chose en hauteur ? Deux dangers menacent au sol, l’humidité, certainement présente, et les animaux nuisibles, insectes non volants et rongeurs notamment. Le contenu est donc certainement périssable, et peut être soit de la nourriture (salaisons, denrées en cours de séchage, graines), ou encore des charbons de bois (Garrigou‑Grandchamp 1992 : 102). On sait que certains silos sont aériens, mais ce sont des structures généralement lourdes, construites sur des pieux de fort diamètre, car il faut tenir compte du poids du grain. Il faut plutôt se tourner vers d’autres hypothèses, comme un clayonnage pour sécher des fruits ou des salaisons tels que viandes ou poissons. Néanmoins la forme circulaire de ces structures est curieuse, les installations de séchage étant généralement rectangulaires.

FIG. 137 ‒ Espace C3 : structures sur pieux (S 165, S 166)
Cliché F. Cognard/Afan
72L’ensemble est alors couvert d’un contexte caillouteux et d’une recharge de chaux. Ces deux niveaux sont perforés par une série de petites fosses de forme irrégulière. Elles contiennent pour la plupart des éléments métalliques, des scories et de la limaille, et sont vraisemblablement liées à un artisanat du métal. Au‑delà du comblement de la tranchée de récupération de M 97 est installée une calade de petites pierres assez grossière, très abîmée par les destructions postérieures. Les pierres sont marquées de tâches de rouille.
73Le grand bâtiment Cl présente deux états d’occupation. Sur le niveau de chaux de la période précédente, on observe une fine couche de sédiment noirâtre qui, bien que fruste, constitue un niveau d’occupation. La stratigraphie relative nous autorise à situer cette couche à l’extrême fin du xiiie s. ou au tout début du siècle suivant.
74La couche d’occupation est recouverte d’un niveau de chaux d’épaisseur variable et d’une poche de limon contre M 100. Dans l’angle formé par les murs M 100 et M 220, un foyer a été installé sur le niveau de chaux assez épais à cet endroit, parfois mêlé de cailloux. Ce niveau est sans doute un sol et vient s’installer à hauteur du joint entre la deuxième et la troisième assise au‑dessus de la fondation du mur M 206. Du côté du mur M 100, ce niveau arrive au milieu de la première assise au‑dessus de la fondation, ce qui semble indiquer une différence de niveau entre les deux murs. Ces contextes sont immédiatement recouverts par un remblai mêlé de matériaux liés à des démolitions.
75Ce grand bâtiment a semble‑t‑il subi les premiers arasements au début du xive s., à moins que la stratigraphie soit perdue ; ceci est très possible car les niveaux supérieurs, malmenés par les nécessités de stockage des déblais, ont été dégagés à la pelle mécanique. Des informations ont ainsi pu disparaître.
76La coupe stratigraphique effectuée dans le grand bâtiment a été poursuivie sur environ 1,50 m de l’autre côté de M 206, dans l’espace C2 ; elle montre l’existence d’un niveau de chaux, dont l’altitude et l’épaisseur correspondent au niveau de chaux supérieur du grand bâtiment C1. Ce sol est installé sur un remblai assez épais, gris‑noir, avec des cailloux, recouvrant lui‑même un second remblai d’argile vert foncé, contenant du charbon de bois.
77La stratigraphie de l’espace C20, à l’ouest du grand bâtiment, n’a pas pu être étudiée, faute de temps.
3.6 Les aspects fonctionnels du faubourg médiéval
78n. scherrer, avec la coll. de m. bouiron
79Si l’on peut déterminer avec une certaine précision l’évolution historique du faubourg, il demeure difficile d’identifier les structures et les niveaux mis au jour. Pour préciser le fonctionnement des différents bâtiments, il est nécessaire d’examiner les aspects architecturaux des constructions puis des ensembles de bâtiments.
3.6.1 Les éléments structurants de l’architecture
80Ces éléments sont ceux qui ont été le mieux perçus lors de la fouille car ils sont souvent identifiables malgré l’arasement des structures. Les parties hautes disparues posent bien évidemment des problèmes de compréhension mais les traces au sol ou dans les murs permettent parfois de restituer l’aspect que présentait l’élévation ou la couverture.
3.6.1.1 La mise en œuvre des matériaux
81Les vestiges les plus fréquents sont les murs. Ils ont fait l’objet d’une étude précise pour la partie nord du chantier (G. Bérard) et l’îlot sud (N. Scherrer). De nombreux piliers ont également pu être observés dans les différents espaces. Pour ceux‑ci, l’étude de la mise en œuvre des matériaux permet de distinguer deux groupes distincts, correspondant à des états différents de la mise en place du bâti.
Les murs
82Les murs sont construits en pierre, aussi bien en fondation qu’en élévation. Lors d’une visite sur le site, M.E. Colomb, géologue à l’université d’Aix‑Marseille I, a observé les vestiges des murs du faubourg médiéval, et a pu noter l’utilisation de neuf roches différentes (Bérard 1994 : 214) :
‒ six calcaires de provenance locale (Marseille ou les environs) ;
‒ un travertin local (identique à celui du rempart grec) ;
‒ du poudingue (dont les affleurements sont très nombreux à Marseille) ;
‒ un grès oligocène du bassin de Marseille.
83Il semble que le calcaire blanc de Saint‑Victor soit la roche la plus utilisée pour le bâti médiéval de ce site. Le calcaire urgonien est également fréquemment mis en œuvre, surtout en fondation. Plus ponctuellement, on a retrouvé dans les murs quelques galets, tous issus de roches de provenance locale.
84Les pierres sont liées à la terre ou au mortier, voire un mélange des deux. Les pierres des murs les plus anciens, à l’exception de ceux du grand bâtiment C1 et du bassin C4, sont liées à la terre ; ces deux constructions forme un ensemble, plus ostentatoire que les autres.
85La hauteur des fondations varie de 12 à 60 cm pour les premières constructions situées à l’est de la voie principale. Les murs postérieurs possèdent des fondations peu profondes, qu’ils s’appuient ou non sur des murs plus anciens. En revanche, l’îlot sud présente quelques particularités pour les substructions. Le mur M 25 possède dans sa partie occidentale une fondation de 50 cm, mais à l’est, à l’endroit où il croise l’ancien fossé S 272 et rencontre les sédiments vaseux de son comblement, sa fondation devient très profonde (1,40 m) et épouse le tracé du creusement. Ce problème d’un terrain sous‑jacent instable a nécessité la fondation sur pieux de bois non seulement des piliers mais encore des murs de la façade ouest de l’îlot sud, M 60 et M 30, renforcés le long de leur parement occidental à 50 cm sous les ouvertures ; on observe aussi des pieux le long du mur de contrescarpe M 19 et contre certains murs de refend qui lui sont associés. La fondation de M 100, limite nord du grand bâtiment, qui se situe sur le comblement des deux fossés S 272 et S 270, n’est pas renforcée par des pieux, mais est constituée de gros blocs de pierres froides et est largement débordante de l’élévation ; la stabilité est ainsi assurée. Les fondations des murs de refend des parcelles en lanière de l’îlot sud, à l’exception de M 25, n’ont pas été renforcées. Bien qu’elles aient été installées quelques centimètres plus bas que le niveau des salines qui aurait pu servir de semelle, tous les murs nont bougé qu’à l’aplomb du comblement du fossé sous‑jacent. Il en est certainement de même pour les murs accolés (M 193 et M 194) qui se situent en partie sur les comblements du ruisseau et qui n’ont pas pu être étudiés avec précision.
86Les élévations sont essentiellement constituées d’appareils assises en moellons de calcaire liés au mortier. La largeur moyenne des murs est de 55 cm, exception faite des murs de fortification et des murs du grand bâtiment Cl qui ont une largeur d’environ 80 cm. La pierre de taille n’est utilisée que très rarement et pour des structures spécifiques : quelques piliers, certains seuils, les chaînages d’angle du grand bâtiment et la seule baie conservée en élévation (S 36). La prépondérance du calcaire urgonien (pierre froide) et du calcaire de Saint‑Victor pour l’édification des murs médiévaux contraste avec la diversité des matériaux de construction observés sur le bâti médiéval du chantier César I, calcaires tendres et durs, grès, tuf, terre... (Thernot 1997b). Dans le faubourg, les bâtiments ont probablement été construits avec des matériaux provenant directement des carrières.
Les structures porteuses (piliers)
87fig. 138
88Une quinzaine de piliers accolés aux murs de refend ont été observés. Il s’agit vraisemblablement de piliers supportant un arc diaphragme, destiné à répartir les poussées du ou des étages supérieurs. Les supports sont constitués de moellons ou de pierres de taille maçonnés ; plusieurs sont soutenus par des pieux de bois.

FIG. 138 ‒ Piliers de l’îlot sud
DAO J. Isnard/Afan
89Dans le grand bâtiment C1, quatre piliers ont été observés contre les parements de M 100 et de M 206 (S 246 et S 247 contre le parement sud de M 100, S 248 et S 249 contre le parement nord de M 206). Ils se font face deux à deux, distants d’environ 4 m. La partie orientale du bâtiment étant hors de l’emprise de la fouille, on ignore s’il existait d’autres piliers dans cette partie. S 246 est constitué de blocs de taille en calcaire blanc tendre liés au mortier blanc assez grossier ; sa base repose sur des pieux de bois équarris. Du pilier S 247 ne subsistent que les pieux et la trace du mortier contre le mur ; il est très probable qu’il ait été bâti comme S 246. S 248 et S 249 sont constitués de blocs de taille en calcaire blanc liés au mortier, reposant sur huit pieux équarris en bois. Ces pieux sont profondément enfoncés dans les sédiments argileux meubles sous‑jacents stabilisant ainsi les structures. La facture soignée de ces quatre piliers est en harmonie avec l’attention portée à la construction du bâtiment.
90Dans la maison C6, un pilier est lié à M 61. Il a été en partie récupéré, mais il en subsiste deux blocs quadrangulaires liés au mortier et soutenus par deux pieux de bois. Ce pilier se situe au centre de la longueur du mur. S’il n’existe pas en apparence de pendant contre M 53, toute trace en aura disparu sous l’action d’aménagements ultérieurs.
91Quatre pieux de bois équarris ont été dégagés contre le parement nord de M 63, à peu près au milieu de la parcelle. Ils soutenaient vraisemblablement un pilier maçonné dont il ne subsiste plus rien. Il est vrai qu’en cet endroit le mur lui‑même est très arasé. Dans sa tranchée de récupération ont été retrouvés des blocs qui en seraient des vestiges épars. Le mur M 76 qui lui fait face est presque entièrement épierré ; aucun pilier en relation avec ce mur n’a pu être retrouvé. Deux pieux de bois ont été retrouvés contre le parement sud de M 63. Le pilier S 255 contre M 61 fait face à ces pieux. Cet ensemble devait supporter un arc diaphragme. S 255, lié au mur, est constitué de moellons équarris jointoyés au mortier. Décalé d’1 m vers l’ouest, un pilier de même type (S 254) est lié également au mur M 61. Il est constitué de pierres taillées, comprenant en remploi trois éléments de seuils. Un empierrement de blocs lui est associé formant un demi‑cercle contre le mur. Ces deux structures devaient fonctionner ensemble, formant peut‑être la base d’une construction plus imposante, d’un escalier peut‑être.
92Dans le bâtiment C3, le pilier S 250 (fig. 139), appuyé contre M 28, fait face à S 245 accolé à M 100. Bien que la limite est de la pièce ne soit pas connue, on peut situer les piliers au centre de l’espace. S 250 est constitué de pierres de taille en calcaire blanc, liées avec un mortier beige assez grossier contenant des petits galets. Du mortier résiduel apparaît sur la dernière assise conservée de ce pilier, gardant l’empreinte de blocs disparus. Deux pierres au moins portent une marque. S 245 est de facture strictement identique à celle du pilier S 250. Un blocage de petites pierres le sépare du parement de M 100. Certaines pierres de S 245 portent également des marques, dont une a été vue lors du démontage. Il s’agit donc sans doute de marques de carriers plutôt que de tâcherons. Les deux piliers reposent sur un niveau de déchets de taille identique qui confirme leur contemporanéité.

FIG. 139 ‒ Détail d’une marque de tâcheron sur un bloc du pilier S 250
Cliché F. Cognard/Afan
93Deux piliers se font face au centre de la maison C17, l’un appuyé contre le parement nord de M 28 (S 251), l’autre contre le parement sud de M 25 (S 252, fig. 96). Ils sont construits en pierres soigneusement taillées, dont quelques‑unes portent des marques de carriers. Les blocs de S 251 sont liés au mortier et disposés en alternance de carreaux et boutisses. S 252 est constitué de pierres de taille et de moellons en calcaire liés au mortier jaune. Sa facture est moins soignée que les autres piliers de ces espaces. Il est calé en fondation par des pierres disposées autour de sa première assise, certainement en raison de l’instabilité du terrain. Leurs comblements de construction sont datés du début du xive s. Les piliers des espaces C3 et C17 sont implantés lors de la construction de M 28 (état 4C). Ils ne sont pas fondés sur des pieux, mais sont de même facture que ceux qui avaient été construits précédemment dans le grand bâtiment.
94Dans l’îlot central, un seul exemple de paire de piliers a été retrouvé. Lorsque le mur M 79 subdivise la pointe sud de l’enclos, deux piliers sont installés face à face dans l’espace B8. S 144 se situe contre le parement nord de M 79 et S 135 est accolé au sud de M 125. Ils sont constitués de petits moellons équarris liés au mortier, semblables à ceux utilisés pour l’élévation de M 79. Cela peut s’expliquer par le fait que cet espace est plus large que les autres et a donc nécessité un solivage de plancher transverse.
95On constate que les premiers piliers sont systématiquement installés sur des pieux de bois, tandis que lors de l’état 4C ils sont indifféremment bâtis avec ou sans pieux. Les sédiments vaseux qui rendaient le terrain instable ont été peu à peu recouverts de dépôts qui ont dû assainir et stabiliser le sol. À quoi ont pu servir ces structures ? S’agit‑il de contreforts, de bases d’un arc diaphragme matérialisant une séparation dans la pièce et soutenant l’étage (Garrigou‑Grand‑champs 1992 : 29 ; Sournia, Vayssettes 1991 : 42, fig. 10) ou de départs d’escaliers ? L’hypothèse des contreforts peut être argumentée par le fait que le bâti est installé sur un terrain peu stable. Nous avons observé des glissements dans certains murs. Le fait que les piliers se font face peut accréditer la deuxième hypothèse. La troisième suggestion quant à la fonction de ces piliers semble la moins pertinente ; néanmoins dans l’espace C12, le pilier S 254, lié au mur M 61, n’a pas de pendant visible et sa position dans la parcelle pourrait justifier une telle hypothèse. L’espace B8 est le seul du lotissement situé à l’est de la rue S 23 à comporter des piliers, tandis que les parcelles situées à l’ouest en comportent presque toutes. S’agit‑il d’un hasard ou du résultat d’une différence de conception des élévations ?
96Dans l’îlot central, quatre bases maçonnées, intégrées dans la structure des murs, posent problème quant à leur fonction. Le mur de refend M 67 comporte deux structures constituées de dalles et distantes de 4,70 m ; la structure située à l’ouest est accolée au mur de façade M 152. Il s’agit peut‑être de bases de piédroits encadrant une ouverture entre les maisons B4 et B5. Ces piliers peuvent être aussi des raidisseurs intimement liés à la construction plutôt que des piédroits d’ouverture entre les espaces. Entre les deux piliers, il ne reste qu’une assise de fondation constituée de moellons qui ne permet pas de confirmer l’une ou l’autre hypothèse. Le même type d’aménagement a existé dans M 68, mais les piliers ont été récupérés. L’ouverture aurait là une longueur de 3,20 m. Les deux murs ont été construits en même temps ; il est donc possible que dans un premier temps l’espace compris entre M 59 et M 114, divisé par les nouveaux murs, forme toujours un même ensemble dont la destination nous échappe. Par la suite, les parcelles ont pu être définitivement séparées par des réaménagements. Rien ne permet de dire avec certitude s’il s’agit de bases de piédroits d’ouverture ou d’arcs de décharge.
3.6.1.2 L’élévation et la couverture
97Au vu de l’extrême destruction des bâtiments médiévaux, il est très difficile d’avoir une idée un peu précise des parties hautes. Quelques indices cependant nous permettent de restituer au moins un étage et un toit couvert de tuiles.
L’élévation
98On sait que les maisons de deux et trois étages sont courantes dès le xiiie s. Les archives mentionnent d’ailleurs la présence de maisons élevées, situées à l’extérieur des remparts et proches de ceux‑ci (cf. infra § 8.6) que le conseil de ville fera baisser en 1352, en raison de la menace d’assiégeants. De plus les traces probables d’escaliers dans les espaces B3, B8, C12 et au nord de l’espace C5, et les piliers qui se font face à l’intérieur d’un certain nombre de pièces ont permis d’envisager avec vraisemblance la présence d’un ou plusieurs étages. La largeur des façades sur rue a son importance ; l’exiguïté du parcellaire n’est sans doute pas à l’origine de l’étroitesse des maisons. En effet, les premiers espaces en lanière construits sont étroits, or il n’y avait à ce moment‑là aucune autre contrainte topographique que celles induites par le ruisseau et la voie. Il faut donc rechercher ailleurs la cause de ces plans en lanière. Les façades et les fenêtres peuvent faire l’objet d’un impôt, ainsi que le tronçon de rue correspondant, comme cela était le cas à Florence au xive s. (Daffis‑Felicelli 1983 : 401). De ce fait, la présence d’étages s’impose pour pouvoir disposer de surface. De même, l’extension des maisons de l’îlot sud vers l’ouest, par la construction des pièces annexes, est sans doute liée à l’exiguïté des pièces principales. Cependant aucun vestige ne permet de comprendre leur fonction, ni même de dire si ces espaces étaient couverts ou non. Notons toutefois qu’ils ne comportent pas de puits.
99La seule trace possible de cloison relevée se situe dans l’espace B1 ; elle est néanmoins limitée à l’extension du carrelage S 116 et peut correspondre à une simple paroi de « placard ». Dans l’ensemble, il semble bien que les pièces n’aient pas été divisées. Les arcs diaphragmes rythment l’espace intérieur sans l’obscurcir, comme l’aurait fait une cloison pleine. Les maisons se sont juxtaposées les unes aux autres dans l’îlot sud, tandis que l’îlot central et l’îlot nord ont fait l’objet de subdivisions. Les murs étaient‑ils simplement accolés ou y a‑t‑il eu, comme à Florence dans le Popolo San Lorenzo, un système de poutres pour consolider l’ouvrage (Daffis‑Felicelli 1983 : 412‑414).
100Les fenêtres devaient être présentes au rez‑de‑chaussée et à l’étage (ou aux étages). On n’en a rien retrouvé, elles ont dû être entièrement récupérées. Les ouvertures sont en principe assez peu nombreuses, ce qui limite les courants d’air l’hiver et conserve la fraîcheur l’été9. Elles sont cependant nécessaires pour un minimum d’éclairement des pièces. L’absence de fragments de vitre laisse penser que les fenêtres étaient fermées par autre chose, certainement un matériau périssable, peut‑être du papier ciré ou une tenture. Les murs étaient enduits, et donc protégés. Aucune trace de couleurs n’a été observée. On a identifié sur le parement sud de M 28 des traces d’usure météorique ; ce mur n’a pas été enduit sur ce parement et il donnait sur un espace ouvert. Le même phénomène a été repéré sur le parement externe du mur MR 4021 du chantier de César I (Rinalducci, Vecchione 1997 : 5, fig. 24).
La couverture
101Les maisons ont volontairement été arasées et la plupart des matériaux de construction ont dû être récupérés avant les incendies dont les traces recouvraient les niveaux de destruction. Ces niveaux ont révélé un grand nombre de fragments de tuiles canal, des mallons de couverte, des clous et quelques poutres de bois carbonisées. Il est légitime d’imaginer des toitures de tuiles sur charpente.
102Des rigoles, perpendiculaires à l’axe de circulation, ont été observées sur la rue principale ; elles se situent entre la rigole centrale et les murs de façade. Elles peuvent correspondre à des descentes de gouttière et peut‑être indiquer des pentes de toiture. Dans l’îlot central, elles sont aménagées en face des murs de refend M 67, M 114 et M 79, soit tous les deux espaces. Dans l’îlot sud, elles existent en face de chaque mur de direction E‑O. Dans l’îlot nord et devant les bâtiments B1 et B2, la calade n’a pu être complètement dégagée contrariant toute observation. On peut s’interroger sur cette différence d’aménagement entre les deux pâtés de maisons, la calade ayant été installée après le lotissement complet des îlots concernés.
103L’îlot sud a été construit très progressivement ; à chaque phase un bâtiment est construit avec des piliers se faisant face au milieu de la parcelle. Si ces piliers ont supporté l’étage, ils ont certainement eu une autre fonction ; ils ont pu soutenir, au dernier étage, un arc diaphragme sur lequel reposaient les poutres de faîtage (Sournia, Vayssettes 1991 : 76, fig. 74). Les parcelles sont très longues (jusqu’à 16 m), aussi est‑il impossible d’avoir une seule poutre dans la longueur. Ce système de support intermédiaire semble être la solution adoptée. Dans ce cas le toit de chaque maison présente un faîte central et une double pente. Les rampants se rejoignent sur chaque mur mitoyen et l’écoulement des eaux de ruissellement se fait, au sol, par les rigoles vers le centre de la rue.
104Il en va autrement dans l’îlot central. Le lotissement s’est effectué à partir de la phase 4B4 avec les trois pièces B1, B2 et B3, s’est poursuivi dans la phase suivante par la construction de M 114, créant ainsi un nouveau bâtiment, puis par M 67 et M 131 qui induisent trois nouvelles maisons. Lors de la phase 4C, deux espaces sont créés au sud par la construction de M 79 et M 78 et la façade est réalignée. On remarque donc que le lotissement est réalisé par groupes d’espaces et par ailleurs qu’il n’y a pas de piliers comme dans l’îlot sud, exception faite de l’espace B8. On ignore si les parcelles sont moins longues. Il est plus vraisemblable de penser que le mode de couverture n’est pas le même. On peut certainement restituer ici des toits à pente unique (Sournia, Vayssettes 1991 : 42, fig. 10). Les poutres reposent ainsi sur les murs de direction E‑O, le faîte se situant sur un mur mitoyen et les chéneaux tous les deux murs, soit en face des rigoles.
105Ce système autorise également le réalignement puisque les murs de façade ne supportent pas la toiture. Par la suite lorsque la calade est construite, les rigoles sont installées en face des chéneaux, soit à la retombée des eaux de ruissellement, permettant ainsi leur évacuation vers la rigole centrale.
106De même, deux rigoles perpendiculaires à l’axe de circulation sont aménagées sur la ruelle ; la première se situe en face de M 74, la seconde en face de M 197. Elles rejoignent toutes les deux la rigole centrale. Suivant le même raisonnement, on peut penser qu’elles correspondent à un chéneau pour canaliser les eaux vers le centre de la ruelle.
107Le bâtiment C3 a dû changer de mode de couverture lors de la création de l’ouverture vers l’ouest par l’épierrement de la partie nord de M 97. Dans le même temps deux piliers se faisant face sont implantés ; M 97 ne pouvant plus supporter de poutre, la toiture est certainement appuyée sur un arc diaphragme qui repose sur ces deux bases. On peut penser qu’une partie des eaux de ruissellement était canalisée vers le bassin qui est accolé à cet espace.
108En règle générale, les toits devaient être pentus, tout particulièrement ceux à deux versants. On peut donc proposer une hypothèse de restitution des toitures, tout en sachant que la hauteur n’était certainement pas la même pour toutes les maisons.
3.6.1.3 Les circulations
109Les circulations horizontales sont perceptibles par les seuils découverts dans les pièces des maisons, donnant soit sur la rue soit sur l’arrière des espaces. Les circulations verticales, si elles ont existé, ont laissé peu de traces.
Les seuils
110Une vingtaine d’ouvertures ont été retrouvées, mais d’autres en nombre indéterminé ont inévitablement disparu à cause des récupérations et réaménagements ultérieurs. Les seuils sont implantés dans les murs de façade vers les rues ou vers le ruisseau, c’est‑à‑dire à une des extrémités de la façade de la parcelle concernée. La plupart des seuils sont formés, soit de pierres dont le lit d’attente présente une feuillure (S 265, S 133, S 132, S 122, S 177, S 236, S 238, S 242, S 83)10, soit de pierres de taille quadrangulaires disposées de façon à créer un emmarchement (S 138, S 244). Les portes s’ouvrent vers l’intérieur des espaces. À l’est de S 83, un aménagement de trois blocs forme un emmarchement vers l’intérieur de la pièce (fig. 116). Le seuil S 238, situé à l’angle S‑O de l’espace C12, présente sur son piédroit sud une gorge oblongue surcreusée par un orifice circulaire en bordure du joint avec le mur M 228. La longueur des seuils se situe autour de deux modules, l’un d’environ 1,40 m, l’autre aux alentours de 2,20/2,30 m. On trouve ce type de seuils et ces modules sur le chantier Sainte‑Barbe à Marseille (Marchesi et al. 1992 : fig. 38).
111Quatre ouvertures présentent un seuil apparemment horizontal : S 237 (fig. 95) constitué de deux piédroits en blocs quadrangulaires disposés en carreau sur une assise de pierres de taille, S 239 en partie arraché mais vraisemblablement identique à S 237, S 240 qui présente un dallage de tuiles au sud du seul piédroit conservé et S 276 constitué de moellons et très arasé. Leur longueur est d’environ 1,20 m et l’ouverture se fait certainement vers l’intérieur.
112Quatre seuils permettent la circulation entre les habitations et le fossé. Cette situation est surprenante car la bande de terrain préservée est très réduite. Il peut s’agir d’un simple accotement stabilisé, aménagé entre les murs de l’îlot et le fossé. Nous serions alors en présence d’un passage le long du mur de contrescarpe. En zone nord, rappelons‑le, le fossé est bordé par la voie caladée, le mur de contrescarpe M 19 servant de parapet. Le bouchage de la porte S 237 est daté du début du xive s. Il est plausible que tous les seuils ouvrants sur M 19 aient été bouchés en même temps.
113Une ouverture située au N‑E du petit bâtiment (S 267) a été entièrement épierrée et rebouchée. La longueur du négatif est de 1,50 m et peut donc correspondre à un module de 1,40 m. Lors de l’état 4C, le mur M 97 est épierré créant ainsi une ouverture de 3 m permettant une circulation du bâtiment C3 vers l’espace C19. De même, une ouverture de 3 m de large est située entre les maisons B3 et B1. Il est difficile de déterminer leur type de construction. Face à la cour située au nord du grand bâtiment, deux ouvertures qui se succèdent dans le temps (S 36 et S 243) sont installées dans des murs de limite sud (respectivement M 27 et M 25). Elles ne sont pas centrées dans le mur de refend, mais se situent immédiatement à l’ouest de l’axe de M 97, soit la limite ouest du bâtiment C3. On a peut‑être voulu éviter le vis‑à‑vis avec ce bâti.
114Dans le mur M 27, a été aménagée une baie (S 36), dont l’élévation constituée de blocs cannelés est partiellement conservée à l’ouest (fig. 140, 141) ; à l’est il ne subsiste que la dalle d’assise du piédroit. La distance entre les montants est de 3,40 m ; la porte devait être à double battants. Le seul aménagement retrouvé sur l’appui est constitué de petites dalles calcaires. Ce dallage relativement fruste contraste avec le soin apporté aux montants. Cette baie est peut‑être une ouverture d’apparat également destinée à apporter de la lumière. On a effectivement remarqué une différence d’environ 0,60 m d’altitude entre les sols de la cour et de l’espace. De part et d’autre de l’ouverture, aucune trace d’escalier ou d’emmarchement n’a pu être observée, mais des degrés en bois ou en pierre ont pu être récupérés. Le problème est exactement le même pour l’ouverture de M 25, dont il ne reste que l’assise basse constituée de dalles ; sa longueur ne peut pas être déterminée avec certitude, mais on peut l’estimer à environ 2,50 m. On a peut‑être ici aussi une baie ouverte sur la cour.

FIG. 140 ‒ Axonométrie de la porte dans M 27
DAO J. Isnard/Afan

FIG. 141 ‒ Piédroit de la porte S 36 dans M 27
DAO J. Isnard/Afan
115Les élévations des montants de portes ne sont donc pas conservées, exception faite de S 36. On peut imaginer des portes droites, mais aussi des ouvertures piétonnes associées à une baie, l’ouverture s’élargissant en élévation pour permettre par exemple l’installation d’une boutique11. On observe sur quelques seuils des cavités de logement de gonds. L’ouverture S 238 présente une goulotte d’usure, qui correspond peut‑être à un panneau coulissant. Les fermetures devaient être assurées par des vantaux, simples ou doubles suivant la largeur de l’ouverture. Peu d’éléments de fermetures (clés, pênes, verrous, auberonnières...) ont été retrouvés lors de la fouille. S’ils n’ont pas été récupérés, on peut peut‑être imaginer un autre système de fermeture : « [...] deux battants de bois fermés par une poutre qui reposait sur deux crochets, pour les portes du xive s. L’inventaire provençal de 1489 fait mention [...] d’une large porte sans clef, ni verrou. » (Grasse 1995, vol. 1 : 187.)
Les escaliers
116On s’est étonné de ne pas trouver plus de traces d’escaliers à l’intérieur des maisons. Il a pu bien sûr exister de simples échelles en bois. Les vestiges ont été recherchés en priorité dans la zone de l’espace intérieur proche des façades donnant sur la rue, mais aussi dans l’ensemble des espaces, car parfois, la « parcelle peut être si étroite qu’on renonce de placer l’escalier dès le seuil franchi ; on le repousse vers le milieu de la parcelle au contact du méjean, ce qui permet de disposer d’un plus grand espace de boutique au rez‑de‑chaussée, et d’un meilleur éclairement au premier étage » (Sournia, Vayssettes 1991 : 59). Plusieurs structures pouvant se rapporter à des escaliers ont néanmoins été dégagées. Dans l’espace B3, S 167 est peut‑être le témoin d’un soubassement d’escalier. Cet aménagement se situe à gauche une fois le seuil franchi. La construction S 111 dans l’espace B8 occupe sensiblement le même emplacement. Dans l’espace C12, l’empierrement 1‑369 accolé au pilier S 254 semble bien former également la base d’un escalier ; sa position est la même que pour les structures précédentes. Dans ce dernier cas, il semble y avoir eu succession de deux escaliers ; en effet, sous l’empierrement et le pilier, existaient une grande fosse et des trous de pieux. La fosse n’a pas été fouillée entièrement, aussi les indices restent‑ils fort ténus. Une grande fosse rectangulaire, mesurant 1,40 x 2 m, est accolée au nord du petit bâtiment (espace C5). Cette fosse correspond peut‑être à la récupération d’une base d’escalier extérieur, aboli lors de la construction de M 25 (il peut également s’agir de la récupération d’une autre structure, une cuve par exemple).
117L’emmarchement situé en contrebas du seuil S 83 permet de descendre dans la pièce et atteste par là même que le niveau de sol était sous celui de la rue.
3.6.1.4 Les bâtiments
118En règle générale, l’activité n’influe en rien sur l’organisation architecturale des bâtiments. On remarque que la forme des parcelles dans l’îlot nord et dans l’îlot central est fonction de leur emplacement par rapport aux rues. Les parcelles d’angle sont implantées de façon à ce que la largeur des deux maisons sises à l’extrémité d’un îlot sur la voie principale soit égale à la longueur du premier espace donnant sur les rues perpendiculaires. Les autres maisons sont construites suivant des plans en lanière. Seuls les espaces de la pointe nord de l’îlot sud sont contraints par la jonction du mur de contrescarpe (en remplacement de l’ancien ruisseau) et de la voie principale.
119L’artisanat est ordinairement situé au rez‑de‑chaussée, tandis que les étages sont dévolus au logement12. L’activité ne peut donc s’appréhender que par l’étude des traces d’utilisation à l’intérieur des espaces bâtis. Il ne reste malheureusement que peu de chose des aménagements intérieurs. Un certain nombre d’objets mobiliers ont été déménagés lors du départ des habitants, d’autres ont disparu avec le temps, les objets en bois par exemple. Des structures ont pu être démontées.
120On n’a retrouvé ni sols construits, ni éléments pouvant en provenir (carreaux, briquettes). Les sols sont en terre, reposant parfois sur un lit de chaux. C’est à même ces niveaux qu’ont été installés des foyers, des fosses, des structures sur pieux et autres artefacts dont la fonction n’a pas été reconnue (amas de mortier, de pierres...). La détermination de la fonction des fosses est la plupart du temps impossible, quelles que soient leur forme et leur taille. Au vu des comblements, il ne s’agit pas de fosses dépotoirs. On n’a pas trouvé de silo, mais il a pu y avoir des structures aériennes sur pieux. De nombreux trous de pieux ou poteaux ont été retrouvés lors de la fouille, mais leur position spatiale ne nous éclaire guère sur la fonction qu’ils pouvaient avoir. De plus, il est difficile, du fait des réaménagements successifs de l’espace, de préciser de manière certaine les niveaux dans lesquels ont été installées ces structures.
3.6.2 L’eau : de l’usage public à l’usage privé
121Au cours de la fouille du faubourg, la quasi‑absence de traces de structures hydrauliques est restée inexpliquée. On ne peut se satisfaire des seules raisons que l’îlot est très arasé et que nombre d’élévations de constructions ont été sûrement récupérées. Il est également vraisemblable qu’une certaine quantité de structures se trouvent hors de l’emprise du chantier. En effet, quelles que soient les activités du faubourg, l’eau est indispensable. Contrairement à ce qui a été vu sur la fouille du bourg des olliers à Marseille, il n’y a pas de vestiges de tuyaux (Marchesi et al. 1997 : 117, fig. 84). Visiblement, l’apport et le rejet des eaux se font différemment dans ce faubourg. Mais il existe inévitablement des liaisons entre les structures privées et publiques.
3.6.2.1 Adduction et stockage de l’eau
122Sous les niveaux de circulation de la ruelle, une succession d’aménagements hydrauliques ont été mis au jour. En phase 4B3, une canalisation draine les eaux vers l’est, donc vers une structure située à l’extérieur du chantier. À partir de la phase 4B4, un puits‑citerne médiéval, dégagé en zone nord, est alimenté en eaux de pluie par la canalisation S 189 à laquelle il est raccordé par un coude (S 180 ; fig. 71, 72). Si la conduite est publique, le puits et le raccordement appartiennent au domaine privé. Ces canalisations devaient favoriser l’écoulement des eaux venant du nord et s’orientaient vers l’est.
123Le puits‑citerne médiéval (fig. 79, 80) est construit dans l’îlot central (espace B3) dans la seconde moitié du xiiie s. ; sa margelle a disparu. Le parement intérieur est construit en moellons de calcaire, taillés et soigneusement ajustés à joints vifs. Le parement extérieur est irrégulier. Ce puits est tronconique ; son diamètre varie de 80 cm (au niveau de la dernière assise conservée) à 2,10 m (un mètre plus bas). Cette description correspond aux mentions retrouvées par Ph. Bernardi dans les actes notariés pour les puits aixois pour une période plus récente (Bernardi 1995 : 386). Le puits‑citerne est tout d’abord associé à la cuve en bois, mais lorsque celle‑ci est supprimée, il est maintenu en fonction et dans le même temps une ouverture est percée entre les pièces B3 et B1. Il doit certainement servir à ces deux espaces lors de la phase 4B5. La communication entre les deux parcelles est ensuite bouchée, mais le puits fonctionne jusqu’à la destruction de l’îlot. Un certain nombre de puits datés du xiiie s. ont été fouillés à Marseille, dont le puits de la fouille de l’îlot 55, qui a été entièrement épierré, et le puits de l’îlot 24 N, constitué de moellons calcaires jaunâtres liés à l’argile et au cuvelage régulier (Moliner 1991 : 79).
124Dans la cour de l’îlot sud, une structure liée à l’eau a été dégagée (bassin C4, fig. 62, 64). Il s’agit très certainement d’une installation privée, construite en même temps que les premiers bâtiments de l’hôpital du Saint‑Sépulcre, et soigneusement entretenue jusqu’au‑delà de la destruction du faubourg puisqu’il n’est comblé qu’au xvie s. (cf. infra § 4.2.2.3). Cette pérennité prouve l’importance de ces structures.
3.6.2.2 Évacuation des eaux
125Le ruisseau, le fossé d’enceinte et la voie permettent successivement de drainer et d’évacuer une partie des eaux. Les eaux issues des maisons (eaux de ruissellement des toitures et eaux usées) devaient être rejetées directement dans les rues. Les rigoles sont dans l’axe des chéneaux, assurant la canalisation d’une partie des eaux vers le caniveau central afin d’éviter les inondations. On peut supposer la présence de gouttières. Une petite rigole oblique relie le caniveau central de la rue au fossé, permettant de réduire la quantité d’eau présente sur la chaussée.
126Lors du revêtement de cette voie par la calade, un aménagement dallé (S 115) est installé devant le seuil de la maison B3 (fig. 106, 113). Il est bordé à l’ouest d’une vasque, dont la forme incite à penser qu’elle recevait les eaux de ruissellement de la toiture. On remarque toutefois qu’elle est désaxée par rapport au mur de limite et au raidisseur de la calade de la ruelle. Est‑elle simplement en remploi ou a‑t‑elle été décalée de quelques centimètres lors de l’installation du seuil ? Au sud du chantier, un fragment de canalisation parementée de pierres (S 130) semble se diriger vers le fossé. Elle permettait peut‑être l’évacuation des eaux de ruissellement issues des toitures des bâtiments voisins et a pu être en relation avec le système de drainage observé le long des parements de M 28.
3.6.2.3 Usage public ou usage privé ?
127L’absence de puits dans les parcelles fouillées semble indiquer soit qu’il existait un point d’eau communautaire, qui ne peut être le puits S 77, soit que les habitants avaient recours aux porteurs d’eau. Les puits publics sont généralement installés sur les places. Les parties conservées de l’îlot nord et de l’îlot central sont celles qui donnent sur la rue ; rien n’empêche d’imaginer un espace ouvert avec un puits ou une fontaine, au‑delà du chantier, vers l’est. Les systèmes successifs d’adduction situés sous la ruelle permettent effectivement de le suggérer.
128On remarque que l’accès au fossé d’enceinte n’est jamais fermé ; le déversement des eaux usées dans le fossé était‑il autorisé, voire simplement toléré ?
3.6.3 Activité et aménagements intérieurs
129De nombreux aménagements ont été retrouvés sur les sols des espaces. Malheureusement, la destruction systématique du faubourg nous prive des éléments en superstructure ; nous en sommes donc réduits à analyser les traces au sol. L’étude de certains aspects n’ayant pu être faite (en particulier l’étude des macrorestes et de la carpologie), nous n’avons pas d’indice concernant l’utilisation des aménagements creusés dans les sols. L’activité la plus évidente est celle de la forge ; en revanche, la fonction des espaces ouvrant sur la rue n’a pu être identifiée avec certitude.
3.6.3.1 Le travail du métal
130Plusieurs espaces attestent d’un travail du métal au début du xive s. Le rez‑de‑chaussée de la maison B9 est certainement une forge ; malheureusement l’étude des vestiges n’a pu être entreprise pour l’heure par un spécialiste. On observe dans cet espace de nombreuses fosses dont les comblements contiennent des éléments métalliques, des scories et du charbon de bois ; les couches sont rubéfiées. Dans le puits de l’espace B3, qui a servi de dépotoir, ont été retrouvés des creusets, qui ont révélé des traces de métaux, et une boîte à cémenter (cf. infra § 5.3). Sur la ruelle, devant cette parcelle, des scories métalliques (2‑139) ont été retrouvées. Il est donc vraisemblable que l’espace ait accueilli une activité liée au métal, après l’abandon de la première industrie. De l’autre côté de la ruelle, le niveau de démolition de l’espace A2 a livré deux fragments de pierres à aiguiser, outils que l’on associe au travail du métal. Une fosse creusée dans la calade de la rue principale contenait des scories et des fragments de coraux. On retrouve, sur le chantier Sainte‑Barbe, cette association liée à une activité de forgerons (Marchesi et al. 1997 : 48). Ces indices laissent penser qu’une industrie du métal s’est développée dans le faubourg au xive s. Des creusets, liés à un habitat médiéval et à des fosses du xive s., ont été retrouvés sur le chantier de l’Oratoire à Avignon13. Il semblerait bien que ce type d’activité se passe de structures bâties de grande taille. Ces activités polluantes sont situées hors les murs, en bordure du ruisseau, puis du fossé.
3.6.3.2 Les aménagements divers
131La maison A2 comporte une fosse circulaire (S 17 ; fig. 108). Elle présente un ressaut sur lequel est construit un rang de blocs de poudingue, formant une sorte de cuvelage. Un morceau de tonneau a été retrouvé au fond ; c’est certainement un aménagement visant à maintenir le contenu au frais tout en l’isolant du sol, donc de l’humidité et peut‑être des animaux.
132Une calade ronde de 3 m de diamètre a été observée dans l’espace C12 ; sa fonction reste énigmatique. Il s’agit peut‑être de la base d’une structure récupérée.
133Dans l’espace C3, des foyers aménagés, carrés ou rectangulaires, se succèdent dans le temps. Le plus ancien (4‑371), à l’angle est duquel existe un trou de pieu avec calage (4‑372, 4‑377), n’a pas pu être associé à d’autres artefacts. Le trou de pieu correspond certainement au support d’une structure liée au foyer, sans doute une hotte. Après le réaménagement de l’espace, on observe un foyer solidement construit (S 142). Le foyer perdure et est ensuite associé à deux aménagements de pieux (S 165 et S 166), à des épandages de charbons et de cendres, ainsi qu’à des fosses. L’une d’elles (4‑347) est surcreusée à sa base. Elle a pu contenir un vase de stockage. S 165 et S 166 sont deux ensembles de trous de pieux disposés en cercle. Ces pieux forment certainement une base à une substruction. Elle paraît trop fragile pour soutenir un silo aérien. Il peut s’agir d’un support de structure légère ou de perches à sécher.
134Dans l’îlot sud, l’activité devait essentiellement être domestique. Les espaces ont pu être voués à des activités qui ne laissent pas de traces explicites, voire pas de traces du tout. Étant donné l’absence de caves, ils ont surtout dû servir au stockage des denrées (vin, grains, saumures...). Sur l’ensemble de la fouille, des foyers ont été retrouvés à l’intérieur de certains espaces ; s’ils ne sont pas présents dans tous les espaces, cela est sans doute dû aux arasements postérieurs ou au fait que la pièce est partiellement à l’extérieur de la fouille. Il n’y en a apparemment jamais plus d’un par espace pour une phase. Comme le remarque J.‑M Pesez pour la maison paysanne (Pesez 1986), « En règle générale, on a affaire, encore à la fin du Moyen Âge, à un feu allumé à même le sol, ouvert, sans dispositif apparent pour l’évacuation de la fumée, [...], et à un foyer unique, une seule source de feu, vouée donc à des fonctions multiples. » Ceci semble bien correspondre aux vestiges de foyers retrouvés ici en milieu suburbain, répondant ainsi aux besoins de la cuisson et du chauffage, voire à l’éclairage de ces rez‑de‑chaussée (qui ne sont certainement pas des cuisines). Il s’agit parfois de simples plaques d’argile rubéfiées, de foyers aménagés en fosse, parfois accompagnés de dispositifs de pierres ou de tuiles, qui limitent le brasier. On les rencontre plutôt dans les angles des pièces ou près des murs, jamais au centre ; l’architecture de pierre autorise la présence de foyers contre les murs. Aucune structure associée n’a été retrouvée, l’évacuation de la fumée devait donc se faire par les ouvertures (portes ou fenêtres). Aucune trace de cheminée n’a été repérée, cependant elles ont pu exister à l’étage. Il est possible que les foyers aient été placés à proximité d’une fenêtre, mais cela reste à prouver. La diversité des formes et des emplacements prouve que, même s’il existe des récurrences, il n’y a pas de tradition spécifique pour la construction des foyers ; relevant de l’initiative individuelle, on recherche la simplicité et à la fonctionnalité.
135Les espaces ont pu abriter une activité commerciale, sans que cela interdise d’autres types de travaux. Le commerce ne laisse, a priori, pas de traces spécifiques. On remarque, lors de la phase 4C, la présence de poids de mesure dans deux espaces qui ouvrent sur la rue principale. Un premier dans l’espace B8, d’une capacité d’une livre, et un second dans l’espace C7.
Notes de fin
1 Les rues médiévales retrouvées sur le chantier de la place Villeneuve‑Bargemon à l’intérieur de la ville font entre 3 m et 3,20 m (Thernot 1997a).
2 Détermination sur le terrain d’E. Colon, géologue (faculté Saint‑Charles à Marseille).
3 « Mais c’est aux rues principales qu’une attention privilégiée fut portée car, [...], les autorités se devaient d’assurer la circulation dans des conditions optimales : tracé rectiligne, largeur suffisante, pavage résistant, suppression des entraves aériennes, entretien régulier. » (Daffis‑Felicelli 1983 : 187.)
4 « En Avignon en 1400 les maîtres de la cité font paver les rues. À Paris, le roi enjoignait les riverains à faire réparer le pavage devant leurs porte » « À Palerme, c’est le roi lui même qui ordonna de daller une autre rue [...] en obligeant chaque propriétaire [...] à payer les matériaux nécessaires au pavage face à la maison et jusqu’à la moitié de la chaussée » (Heers 1990 : 308, 309).
5 Renseignement oral de R. Boiron (Afan).
6 Obole frappée en Avignon de 1330 à 1337 sous Robert d’Anjou (1309‑ 1343), inv. no 31.92‑57.
7 Tournoi provençal frappé en 1262 sous Charles 1er d’Anjou (1246‑1285), inv. no 31.92‑568.
8 Obole coronat frappée entre 1277 et 1285, inv. no 31.92‑178.
9 « Les maisons dont la façade est inférieure à 5 mètres possèdent une ou deux portes au premier niveau, surmontées d’une large fenêtre, ou de deux plus étroites. Elles possèdent en général, un autre niveau et des combles. » (Grasse 1995 : 220, vol. 1.)
10 On trouve ce type d’ouverture dès le xiie s. sur le chantier de la place Villeneuve‑Bargemon (Paone 1997 : 2, fig. 2).
11 M.‑Chr. Grasse a repéré à Saint‑Paul‑de‑Vence une porte piétonne et un appui latéral surmontés d’un demi‑arc en plein cintre et à Cagnes‑sur‑Mer un système identique surmonté d’un arc surbaissé (Grasse 1995 : 432, 394, vol. 4 bis).
12 « [...] d’après les enluminures, boulangers, verriers et forgerons oeuvrent à l’intérieur des rez‑de‑chaussée. » (Garrigou‑Grandchamp 1992 : 97.)
13 Renseignement oral de R. Boiron (Afan).
Auteurs
-
Michel Maurin
Afan
-
Martine Moerman
Chargée d’études, Afan
-
Frédéric Moroldo
Assistant d’études, Afan
-
Nadine Scherrer
Assistante d’études, Afan
-
Bernard Sillano
Assistant d’études, Afan
-
Géraldine Bérard
Chargée d’études, Afan
-
Marc Bouiron
Conservateur du Patrimoine, archéologue municipal, Atelier du Patrimoine, Ville de Marseille
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