Introduction
Introduction
Introducción
Introduzione
p. 11‑16
Résumés
La fouille archéologique de la place du Général‑de‑Gaulle, préalable à la construction d’un parking souterrain, a porté sur 2 400 m2 au cœur de la ville de Marseille. Le fait que cette zone n’ait pas subi de fouille récente a permis de mettre au jour des vestiges importants des époques médiévale et moderne, venant se superposer à des aménagements antiques.
Archaeological excavations undertaken on the Place du Général‑de‑Gaulle prior to the construction of an underground car‑park covered an area of 2,400 square meters in the heart of Marseilles. This area, untouched in recent years, brought forth important vestiges from both the medieval and modem periods, found above occupation layers dating from Antiquity.
La excavación arqueológica de la plaza Général‑de‑Gaulle, previa a la construcción de un parking subterráneo, afectó a un área de 2.400 m2 en pleno centro de la ciudad de Marsella. El hecho de que esta zona no había sufrido remociones recientes permitió sacar a la luz importantes vestigios de época medieval y moderna superpuestos a instalaciones de la edad Antigua.
Gli scavi archeologici di piazza General de Gaulle, preliminari alla costruzione di un parcheggio sotterraneo, hanno interessato 2 400 m2 al centre della città di Marsiglia. La circostanza che questa zona non abbia subito scavi recenti ha permesso di mettere in luce resti importanti di epoca medievale e moderna sovrapposti ai contesti di età antica.
Texte intégral
Le site
1Marseille s’est développée dès l’Antiquité sur trois buttes alignées, surplombant le plan d’eau du Vieux‑Port : la butte Saint‑Laurent à l’ouest, la butte des Moulins et celle des Carmes à l’est. Le site de Marseille est bordé par la mer au N‑O et au sud ; la partie orientale, à l’origine marécageuse, connaît un phénomène d’atterrissement dès l’époque grecque ; elle est fortifiée à partir de la fin du vie s. av. J.‑C. Jusqu’au règne de Louis XIV, Marseille est limitée par une enceinte héritée de l’époque hellénistique. Seule la partie S‑E, proche de la partie active du port, connaît une extension à l’époque médiévale (fig. 1). Au‑delà de l’enceinte, trois collines enserrent des vallées plus ou moins larges qui ouvrent sur le fond du Vieux‑Port : la colline Saint‑Charles au N‑E, le plateau de « la Plaine » au S‑E et la colline de la Garde au sud. Les trois vallées ou vallons se rejoignent dans une zone plane, bordée à l’ouest par la mer. La place du Général‑de‑Gaulle, objet de la fouille présentée ici, est au cœur de cette petite plaine.

FIG. 1 ‒ Plan de localisation des chantiers archéologiques à Marseille avec le tracé de l’enceinte et de ses extensions successives
DAO M. Bouiron/Ville de Marseille
2De l’Antiquité à la fin du xviie s., la zone est hors les murs. Il s’ensuit une occupation tantôt marquée par des aménagements portuaires et industriels, tantôt par le développement d’un habitat. Ces phases d’occupation alternent avec des périodes d’abandon, lorsque le port décline et que la ville se replie à l’intérieur de ses murs. L’agrandissement de la ville à partir de 1666 marque « l’annexion » des rives orientale et méridionale du Vieux‑Port. Ces terrains, jusque‑là occupés par un habitat clairsemé et de grands jardins, prennent une valeur considérable. Des couvents s’installent, des rues sont percées ou réalignées. La démolition de l’enceinte moderne au début du xixe s. est le signal d’une extension que l’industrialisation et le développement des colonies françaises amplifieront durant plus d’un siècle.
3Le projet de revitalisation de la Canebière, artère principale du centre de Marseille, est à l’origine du réaménagement de la place du Général‑de‑Gaulle, avec la création d’un parking souterrain de six niveaux1. Cette place, largement ouverte sur la Canebière et sur la rue Paradis, ne fut réalisée dans son ensemble qu’après 1784, date de la cession de l’arsenal des galères par l’État à la Ville, précédant de peu sa destruction. Situé à la périphérie des villes antique et médiévale et au cœur de la ville moderne, le projet de parking risquait de détruire des vestiges de différentes époques : Antiquité grecque et romaine, Moyen Âge et période moderne.
L’Antiquité
4Pour cette période, deux faits mis en évidence par des découvertes anciennes ou des fouilles récentes sont à signaler. Notons qu’ils ne concernent pas la place en elle‑même mais son périmètre immédiat2.
5C’est à l’occasion de travaux de terrassement lors de la création du Centre Bourse (parking et centre commercial) que furent réalisées en 1967 d’importantes découvertes archéologiques. En avant du rempart hellénistique et au sud de la voie d’Italie, une partie du port romain fut mise au jour, ainsi que 180 m de quai fermant une darse qui s’ouvre largement vers le sud (Euzennat 1976 ; Salviat 1976). Cet aménagement portuaire est daté de la fin du ier s. de notre ère. Le comblement par envasement de ce site commença dès la fin du siècle suivant. Après une brève remise en eau pendant le Bas‑Empire, l’espace fut ensuite occupé par un habitat (Antiquité tardive, haut Moyen Âge). En raison des connaissances très lacunaires que nous possédons sur les rives orientale et méridionale de la calanque du Lacydon, ces indications sont très précieuses car le quai est du port romain se poursuit au‑delà des limites méridionales de la zone fouillée et donc dans un secteur proche de la place concernée par cette étude. Le site de la place du Général‑de‑Gaulle, proche de ces découvertes, fait partie de la même zone d’aménagement portuaire.
6La question des limites du rivage dans l’Antiquité n’est pas sans poser quelques problèmes. Si, pour la rive nord, les données apportées par les fouilles archéologiques anciennes nous permettent d’avoir une idée plus ou moins précise de sa position, pour les rives sud et est les données sont beaucoup plus fragmentaires. Avant les fouilles de la place du Général‑de‑Gaulle, les chercheurs ayant travaillé sur le sujet situent au niveau de la Canebière un marécage. Pour appuyer cette hypothèse, ils se fondent sur le fait (entre autre) que, de nos jours encore, la plupart des bâtiments construits dans le secteur sont bâtis sur pilotis et n’ont pas de cave. Tous ne s’accordent cependant pas sur l’extension et la taille de ce marais (Roberty 1932 ; Pernoud 1935). La question n’est pas sans importance car en fonction de son existence même, puis de ses limites, les problèmes se posent différemment. Il est bien évident que si la place correspond à un ancien milieu marécageux, la probabilité de retrouver un habitat est très faible. Parallèlement, la possibilité de découverte d’objets ou de structures en matériaux périssables augmente. À l’opposé, si les limites de ce marécage « évitent » la place, on peut s’attendre à rencontrer (en tenant compte de la proximité des vestiges évoqués plus haut) des structures funéraires ou d’habitat. Les données apportées par les sondages géologiques pratiqués dans le périmètre immédiat de la place et par les fouilles de la Bourse conduisent à formuler l’hypothèse que, pour les périodes anciennes (Marseille préromaine), la mer (et/ou le marais) remontait assez haut tandis que pour les périodes plus récentes (Marseille romaine), par un phénomène de comblement bien mis en évidence et qui débute au iie s ap. J.‑C., la terre gagne sur la mer.
7Certes, ce phénomène d’atterrissement n’est a priori valable que pour la corne du port romain, mais la place du Général‑de‑Gaulle étant proche, on peut supposer que le même phénomène de comblement s’est produit ici (si bien sûr on admet l’existence du marais). Peut‑être est‑il plus tardif dans ce secteur car des marécages semblent être encore signalés pour le haut Moyen Âge (cartulaire de Saint‑Victor [Guérard 1857]). En outre, plusieurs auteurs dont Roberty (1932), Pernoud (1935) et Busquet (celui‑ci se basant sur l’Ora Maritima d’Avienus, v. 698 et sur l’étude géologique du littoral [Busquet, Pernoud 1949]) formulent l’hypothèse de la présence d’un cordon littoral, probablement situé à son départ entre la rue de la République et le cours Belsunce et se dirigeant vers le S‑O. Les points de niveaux relevés dans tout ce secteur lors des différentes campagnes de reconnaissance des sols laissent penser que ce cordon pourrait se situer sous l’actuel quai des Belges et s’ouvrir sur le port antique et la « lagune » au niveau de l’église des Augustins et du début de la rue de la République.
8Notons également que la profondeur de la sédimentation au niveau de la place est très importante. L’analyse des résultats de la campagne de sondages géologiques (Simecsol‑Sol‑Essais) indiquerait un niveau de marais à –3,50 m ngf et le substrat composé de marnes stampiennes à –8 m ngf ; entre ces deux couches, un niveau de sable peut appartenir à une plage. Si on compare ces résultats à ceux de campagnes précédentes, on observe un pendage très net du nord vers le sud (palais de la bourse/centre de la place). Avons‑nous là la trace du talweg du Lacydon ou celle d’activités humaines pour l’aménagement du site ?
9Une zone funéraire s’étendait sur toute la rive sud du Vieux‑Port, du Pharo au quartier de l’opéra. Reconnue dès le xviie s. lors des travaux de construction de l’arsenal des galères (Ruffi, Ruffi 1696 ; Grosson 1773) puis, au xixe s., lors du creusement du bassin de carénage et, au xxe s., à l’occasion des fouilles de Saint‑Victor, cette nécropole semble être l’une des plus importantes de la ville antique. Sépultures et inscriptions permettent de dater son utilisation en continu du ive s. av. J.‑C. jusqu’au haut Moyen Âge. Plusieurs découvertes sont signalées dans les environs immédiats de la place du Général‑de‑Gaulle (Benoit 1936) :
– à l’ancien arsenal des galères, lors de terrassements, des inscriptions funéraires (aujourd’hui perdues) furent trouvées (dédiées à Cassia Fortunata, Iulia Germana, Pompeius Felicianus...) ; leur localisation exacte reste cependant difficile à préciser ;
– lors de la construction de la bourse, une stèle funéraire (Licinius) en marbre, datable du ier s., fut découverte. Derrière celle‑ci, lors de la démolition de l’ancien quartier et à l’occasion des fouilles motivées par les travaux, de nombreuses sépultures et stèles ont été mises au jour ;
– en 1914, le comte de Gérin‑Ricard signale la découverte d’une tombe à l’angle formé par les rues Pavillon et Saint‑Ferréol. Aucune indication chronologique n’est apportée par cette communication.
10On constate donc que l’actuelle place du Général‑de‑Gaulle est entourée de tombes, ce qui n’est a priori pas inattendu dans la mesure où elle est située à l’extérieur de la ville antique. Néanmoins, aucune sépulture n’a été signalée sur la place elle‑même.
Le Moyen Âge et le Plan Fourmiguier
11Les études anciennes sont d’une interprétation délicate. Parmi les historiographes de la Marseille médiévale, il faut faire une place particulière à Eugène Duprat, qui a livré une synthèse sur la zone des faubourgs dans la magistrale Encyclopédie départementale des Bouches‑du‑Rhône (Duprat 1935), et à Bruno Roberty, dont les fiches et documents constituent la sous‑série 22F aux archives départementales des Bouches‑du‑Rhône.
12Avant le xe s., nous ne connaissons que peu de mentions du site qui nous intéresse. La rive devait être à cet endroit encore assez marécageuse. On sait que sur la rive méridionale, à proximité de la rive orientale, se trouvaient des salines et pêcheries exploitées dès le xe s. (ces installations sont mentionnées dans le cartulaire de Saint‑Victor [Guérard 1857 : no 10]). Sur cette même rive se trouvait l’église Saint‑Pierre, connue par une donation de 1044 (Guérard 1857 : no 40). C’était sans doute une chapelle funéraire élevée dans la nécropole sud.
13Jusqu’au xve s., le Plan Fourmiguier (esplanade qui borde le rivage oriental du port et les murs de la ville, côté sud et qui occupe l’emplacement de la Canebière et les terrains situés au‑delà vers le midi) n’est pas ceint de remparts selon Ruffi. Des mentions d’activités humaines sur le site apparaissent dans les textes ; en 1296, par exemple, le comte de Provence, Charles II, demande à la ville la cession du Plan pour la construction de galères. Cette concession, valable au départ pendant un an, fut renouvelée et se perpétua. Se trouvaient également à cet endroit des entrepôts de matériaux de construction dont une fusterie. Il était interdit aux habitants de construire à cet endroit (Pernoud 1935). En 1406, le Plan Fourmiguier fut fermé par un rempart, lequel était précédé d’un fossé. Ils apparaissent sur les dessins du capitaine Ercole Nigra de 1591 (fig. 2), de Cornelis Vroom de 1623 (Ramière de Fortanier 1981 : no 9) et sur le plan de Maretz vers 1650 (fig. 3). Ces éléments ont permis à J. Straudo (Atelier du Patrimoine de la Ville de Marseille) de proposer une restitution du tracé sur une carte historique de la ville. On observe que ces deux éléments sont présentés comme traversant la place du nord au sud. On note également que si le fossé apparaît sur les vues de 1591 et 1623, il a disparu sur celle de 1650. Le rempart médiéval et le chantier des navires de commerce ont été détruits en 1666 lors de la construction de la première partie de l’arsenal royal des galères.

FIG. 2 ‒ Vue cavalière de Marseille, par Ercole Nigra, en 1591. Détail de la partie S‑E de la ville. Archivio dello Stato, Turin.
Cliché Atelier du Patrimoine-Ville de Marseille

FIG. 3 ‒ Vue de Marseille, par Maretz, vers 1650
Cliché Atelier du Patrimoine-Ville de Marseille
L’Époque moderne et l’arsenal des galères
14En 1665, le roi Louis XIV demanda aux échevins de Marseille de mettre à la disposition de Nicolas Arnoul, placé la même année à la tête de l’administration du corps des galères, un emplacement appartenant à la ville et dont elle ne se servait pas, afin d’y entreposer du matériel et, éventuellement, d’y faire construire des galères. Nicolas Arnoul, quant à lui, avait conçu un vaste projet d’aménagement comprenant un ensemble monumental et un arsenal. Son projet impliquait la confiscation d’une partie du port. Outrepassant ses pouvoirs, il s’empara du Plan Fourmiguier en 1666 et mit ainsi Colbert et les autorités de Marseille devant le fait accompli. Le chantier des navires de commerce, situé sur le Plan depuis le Moyen Âge, fut transféré quai de Rive‑Neuve malgré les protestations du conseil de la ville. En 1667, après destruction des remparts et de l’ancien chantier municipal, le Plan Fourmiguier fut clos à nouveau. L’arsenal royal, pratiquement achevé en juin 1669, occupait la majeure partie de l’actuel quai des Belges jusqu’à la place du Général‑de‑Gaulle et s’étendait au S‑E jusqu’à l’hôpital des forçats (au niveau de l’actuel opéra).
15Plans, dessins et gravures nous permettent de le situer et de le visualiser dans son ensemble. Cet édifice, construit sous la direction de l’architecte Gaspard Puget, possédait des allures de palais classique. Face à la ville s’ouvrait la porte du grand pavillon de l’horloge (dans l’axe de l’actuelle rue Pavillon) ; face à la mer, la porte marine. Dans ce vaste quadrilatère étaient logés les ateliers, les magasins et les bureaux. On y trouvait également deux bassins de construction, couverts d’une toiture à deux pans soutenue par deux piliers de bois. Il semblerait que ces darses aient été découvertes en 1933 lors de fouilles exécutées dans l’immeuble du restaurant du Mont‑Ventoux à l’angle sud de la Canebière et du quai des Belges. Peu après son achèvement, cet ensemble se révéla trop étroit et donc peu fonctionnel. Plusieurs agrandissements eurent lieu par la suite (de 1673 à 1679 puis de 1685 à 1690) mais ne concernant plus directement la rive orientale. Notons simplement que ces agrandissements prirent le nom de nouvel arsenal par opposition à l’autre qui devait être désigné par celui de vieil (ou ancien) arsenal. L’ensemble fut désaffecté en 1743, vendu à la ville en 1781 qui le vendit à son tour en 1784 à une compagnie privée. Sa destruction dura deux ans à compter de cette dernière date.
16Si l’on se réfère au plan établi par Straudo en fonction de tous les documents disponibles et utilisables, la place du Général‑de‑Gaulle semble être en limite est de l’alignement de façade de l’arsenal. Cependant, Straudo précise qu’une certaine part d’approximation demeure dans le report d’ensemble de tout le bâti. Il convient donc d’être prudent et on peut admettre que, par cette marge d’erreur admise par l’auteur lui‑même, certaines des structures de cette construction monumentale (ou des constructions annexes ne figurant ni sur les dessins ni sur les plans) peuvent se trouver sous la place. À signaler encore que, sur les plans du xviiie s., apparaît à l’est de l’arsenal (donc au niveau du site qui nous intéresse) un îlot d’habitations (plan de Bresson de 1773).
La fouille archéologique
17fig. 4
18La fouille d’archéologie préventive de la place du Général‑de‑Gaulle s’est déroulée de juin 1992 à mai 19933. Sa direction a été confiée par le service régional de l’Archéologie à un archéologue municipal de la Ville de Marseille encadrant une équipe constituée d’une trentaine de salariés de l’Afan.

FIG. 4 ‒ Vue générale du chantier depuis le sud
Cliché F. Cognard/Afan
19La fouille a porté sur une surface d’environ 2 450 m2, sur une profondeur moyenne de 4 m (soit environ 9 800 m3), avec de fortes contraintes techniques, notamment la présence d’un collecteur pluvial traversant la place en son milieu4.
20L’étude d’impact préliminaire, réalisée par P. Marrou (Afan), ayant rappelé la présence sur la zone de la fortification médiévale du Plan Fourmiguier, des sondages archéologiques ont été réalisés du 16 juin au 15 août 1992 ; ils ont mis au jour, sous les remblais d’époque moderne, un niveau de destruction recouvrant plusieurs ensembles de bâtiments, deux rues pavées de galets (« calade ») et à l’ouest, au pied d’un long mur, le comblement vraisemblable du fossé de l’enceinte médiévale. L’étude du matériel céramique recueilli a permis de dater l’utilisation des bâtiments des xiiie‑xive s. et l’abandon de ce faubourg du milieu du xive s. Un sondage profond a révélé une occupation du site antérieure à la construction du faubourg avec, à la base, une couche de sable sur laquelle reposait un niveau d’amphores massaliètes datées de la première moitié du ive s. av. J.‑C. Au vu de l’importance des découvertes, une fouille archéologique de sauvetage financée par la Ville de Marseille a été réalisée du 21 septembre 1992 au 20 mai 1993.
21Le chantier étant étiré dans le sens N‑S et séparé en deux par le collecteur pluvial, il a tout naturellement été divisé en deux grandes zones (zones nord et sud), elles‑mêmes subdivisées en deux : zones 2 et 3 au nord et 1 et 4 au sud.
22Dans la zone nord et pour la période médiévale, un seul espace, l’espace B95, a été fouillé exhaustivement et avec beaucoup de soin. Cet espace renferme les vestiges d’un atelier de métallurgie d’époque médiévale. Les maisons B2 et B4, à l’emplacement d’une fontaine moderne construite sur pieux, ont été vidées jusqu’à la base des pilotis, leur densité interdisant toute fouille. Les espaces Al, B3, B5, B6, B7 et B8 ont été partiellement fouillés. L’architecture a fait l’objet d’une étude attentionnée : les murs, souvent conservés sur des hauteurs de plus de 0,50 m, ont été relevés et photographiés en plan et en élévation. La zone située dans l’arrondi de la paroi moulée, au nord, a été promptement dégagée afin de respecter des cadences de terre à évacuer ; la perte d’information y est importante. Le fossé a été fouillé par coupes successives exception faite de l’espace nord, situé entre le mur de contrescarpe (M 19) et la paroi moulée, où un travail plus fin a été mené. L’ensemble a été bien saisi, malgré la vitesse d’intervention dont il a fait l’objet. Les rues ont été fouillées rapidement. Pour les périodes antérieures, le terrain sur lequel était construit le faubourg a été rapidement enlevé. L’urgence de l’intervention n’a pas permis de saisir le détail de la mise en place du faubourg ni ce qui le précédait. Sous ces strates, un sol compact s’étendait sur toute la surface du site. Fouillé relativement finement en plan dans des sondages, il a été repéré en coupe sur presque toute la longueur du chantier. Un soin tout particulier a été accordé aux structures qui témoignaient de l’occupation de la zone durant l’Antiquité. Un fragment de bateau, en remploi dans une construction du Bas‑Empire, a fait l’objet d’une étude particulière. Enfin, le « champ d’amphores » du début du ive s. av. J.‑C. a été dégagé de façon exhaustive. Un carroyage installé sur cette zone a permis d’obtenir une information complète avant le prélèvement de chaque amphore. La compréhension de cet ensemble n’a pas présenté de grandes difficultés.
23Dans la moitié sud du chantier, un décapage exhaustif a été mené sur la totalité de la zone, exception faite du fossé et de l’espace C19, occultés par la rampe de circulation des engins, et des espaces C1 et C2 situés en limite sud du chantier, mobilisés par l’aire de stockage de la fouille. L’espace C10, perturbé et contaminé par l’installation des tuyaux collecteurs et par la construction d’une fontaine sur pilotis au xixe s., était particulièrement détruit. Une fouille fine et exhaustive des niveaux d’époque médiévale a été menée dans les espaces ouvrant sur la voie médiévale. Les espaces situés du côté du fossé ont été fouillés plus rapidement. Les couches présentes dans les maisons ont été grossièrement dégagées à la machine dans un premier temps, puis plus soigneusement à la truelle. Les architectures repérées ont été dessinées afin d’établir un relevé exhaustif du bâti médiéval. En fin de fouille, les espaces Cl et C2, enfin libérés des déblais qui les recouvraient, ainsi que l’espace C19, recouvert par la rampe, ont été sommairement dégagés. Ici, la perte d’information a été importante ; elle aurait avantageusement complété les données de fouilles recueillies. Le fossé, bien reconnu en zone nord, présente les mêmes caractéristiques stratigraphiques au sud. Il a été fouillé par sondages alternés, puis vidé exhaustivement. La présence de tombes, datées semble‑t‑il de la période médiévale, a ralenti la fouille ; mais la présence d’une personne (J. Collinet) sensibilisée à l’anthropologie de terrain a permis de minimiser le temps de fouille. Pour la période antique, une fois la bande de 8 m dégagée sur le côté est de la paroi, il a été possible de noter l’omniprésence d’un cailloutis déjà observé en zone nord. Des prélèvements de terrain ont été effectués en fin de fouille. Cette zone a été sondée, mais n’a révélé aucune information complémentaire.
24L’enregistrement des données utilisé est celui développé en France par O. Meyer6, qui a repris la méthodologie d’E.C. Harris7. Plusieurs fiches d’enregistrement manuel ont été utilisées, conjointement aux cahiers de fouille. La fiche des « contextes » est le bordereau d’enregistrement de base (le contexte est l’équivalent de l’Unité Stratigraphique du système de Lattes) : chaque élément, chronologiquement et fonctionnellement distinct, est numéroté de 100 à l’infini, par zone de fouille. La fiche « mur » est utilisée pour décrire certains contextes bâtis, définis comme partie de mur. Enfin, la fiche « structure » sert aux divers éléments bâtis qui n’appartiennent pas à des murs. Une nouveauté du système marseillais est apparue au contact de Ph. Marinval et de M.‑P. Ruas : la fiche « prélèvement » qui permet d’enregistrer sur le terrain les prélèvements de toute nature.
L’étude et la publication
25L’exploitation scientifique des résultats de la fouille s’est faite en deux temps : de mai 1993 à mars 1994, l’équipe de fouille a travaillé à la rédaction du document final de synthèse, c’est‑à‑dire le rapport de fouille. L’ensemble de la documentation issue de la fouille représente une masse considérable. Néanmoins, le rapport de fouille (Bouiron 1994a) a été rendu au service régional de l’Archéologie en mars 1994, soit moins d’un an après la fin de la fouille.
26Ce rapport ne constitue pas toutefois une véritable publication. En particulier, l’étude des niveaux du xiiie s. (mise en place du faubourg), qui ont été fouillés très partiellement et très rapidement, nécessitait un travail de recherche supplémentaire. Pour ce faire, une convention a été passée par l’Atelier du Patrimoine (avec l’aide du Secrétariat général de la Ville de Marseille) et l’Afan. Cette phase d’étude a fait progresser la compréhension de la mise en place du faubourg : alors que l’on pensait en 1994 que celui‑ci avait fait l’objet d’un lotissement rapide, il est apparu que le faubourg avait mis près d’un siècle à se structurer. Parallèlement, des études ont vu leurs travaux s’enrichir (céramologie médiévale et moderne, paléoenvironnement...). Un dossier de financement complémentaire auprès du ministère de la Culture, déposé devant la Commission interrégionale de la recherche archéologique en décembre 1996, a permis d’obtenir des contrats afin d’achever ce travail d’étude et d’écriture. Certaines études (carpologie, verre, matériel lapidaire, forge médiévale) restent absentes de ce volume, les spécialistes contactés n’ayant pu finir leur travail dans le délai imparti.
De la fouille au public
27Le retour de l’information d’une fouille archéologique vers le public est une des priorités de l’archéologue, et à plus forte raison de l’archéologue de collectivité. C’est pourquoi, dès la campagne de reconnaissance, de petits documents ont été préparés et destinés à diffuser l’information archéologique.
28Dès l’été 1992, un premier document a été conçu afin de fournir une première information sur les découvertes. Ce document, diffusé aux élus, a servi de base à la décision de fouille. Une deuxième notice faisait le point sur les premières découvertes de la fouille de sauvetage. À la mi‑mars 1993, vers la fin du chantier, un dernier document tiré à 800 exemplaires donna un aperçu presque définitif des vestiges découverts sur le site. Ce document a été diffusé également aux participants des Journées archéologiques du service régional de l’Archéologie de Provence‑Alpes‑Côte d’Azur, et aux nombreux visiteurs des Journées de l’Antiquité.
29Des visites du chantier ont également été organisées dans le cadre notamment des Journées du Patrimoine. Dans l’angle de la Canebière et de la rue Paradis, un stand d’information, ouvert tous les jours de la semaine durant le chantier, a permis au public de suivre l’évolution de la fouille. Les notices successives, plastifiées, y ont été affichées.
30Dès la fin de la fouille, le matériel céramique a été exposé dans le cadre de diverses manifestations et réparti dans plusieurs musées, dont le musée d’Histoire de Marseille. Des notices d’objets et des articles ont également été publiés dans des catalogues (Richarté 1993 ; Bouiron 1993 ; 1994b ; Le Vert et le Brun 1995). Une vitrine archéologique a été mise en place dans le parking, comprenant des agrandissements photographiques (reproductions de tableaux du xviie s. et vues de la fouille), trois vases originaux (une amphore grecque, une assiette et un pichet modernes), ainsi qu’une maquette restituant l’organisation du faubourg médiéval. L’aménagement, réalisé par l’Atelier du Patrimoine, est géré par le musée d’Histoire. À la surface de la place nouvellement aménagée, le tracé du rempart et du mur de contrescarpe a été matérialisé par un dallage fait d’une pierre différente du reste de la place. L’Atelier d’Aménagement Urbain (Atau‑Ville de Marseille) s’est chargé de sa réalisation, ainsi que du coulage de deux plaques de bronze incrustées dans le dallage : l’une pour le mur d’enceinte et l’autre pour le mur limitant le fossé (fig. 5).

FIG. 5 ‒ Vue de l’aménagement de surface de la place : détail de la plaque expliquant le tracé du rempart.
Cliché F. Cognard/Afan
Notes de fin
1 Les coordonnées Lambert III zone sud sont pour les points extrêmes : au nord, Ax = 846 560 et Ay = 115180 ; au sud, Bx = 845 590 et By = 115 080. L’altimétrie générale du site est comprise entre 2,64 m ngf au nord et 2,79 m ngf au sud. La surface comprise dans le projet est d’environ 2 600 m3.
2 Pour ces découvertes, voir le détail bibliographique donné dans le chapitre de synthèse (cf. infra § 10.1.2).
3 La fouille a été réalisée en préalable à la construction d’un parking souterrain, concédé par la Ville de Marseille à la société Sogeparc. Le service Études et Grands Travaux (DGST) de la Ville de Marseille a assuré la coordination de l’opération, la société du Métro de Marseille la maîtrise d’œuvre. Enfin, l’entreprise Campenon‑Bernard, choisie pour la construction du parking, a fourni l’accompagnement technique des fouilles, également financé par la Ville.
4 Une petite intervention, complémentaire de la fouille, a eu lieu en 1995 sur le trottoir de la place longeant la Canebière. La réfection d’un égout a permis la mise au jour de murs vraisemblablement d’époque médiévale (Bouiron 1995b).
5 La dénomination des espaces fait référence aux vestiges du Moyen Âge (fig. 97).
6 Meyer et al. 1983. L’auteur reprend et développe la méthode dite de Harris sur les fouilles archéologiques urbaines de Saint‑Denis. En annexe il présente en simplifié les principes de E.C. Harris. Son rapport annuel de 1982 a servi de travail de référence pour Marseille.
7 Harris 1979. Ouvrage de base concernant l’enregistrement continu des contextes pour la mise en place des relations chronostratigraphiques des faits archéologiques.
Auteurs
-
Marc Bouiron
Conservateur du Patrimoine, archéologue municipal, Atelier du Patrimoine, Ville de Marseille
-
Francis Cognard
Assistant d’études, Afan
-
Pascal Marrou
Assistant d’études, Afan
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Mottes castrales en Provence
Les origines de la fortification privée au Moyen Âge
Daniel Mouton
2008
Géoarchéologie de sites préhistoriques
Le Gardon (Ain), Montou (Pyrénées-Orientales) et Saint-Alban (Isère)
Dominique Sordoillet
2009
L’enceinte des premier et second âges du Fer de La Fosse Touzé (Courseulles-sur Mer, Calvados)
Entre résidence aristocratique et place de collecte monumentale
Ivan Jahier (dir.)
2011
Lyon, Saint-Georges
Archéologie, environnement et histoire d’un espace fluvial en bord de Saône
Grégoire Ayala (dir.)
2012
Les gisements précolombiens de la Baie Orientale
Campements du Mésoindien et du Néoindien sur l’île de Saint-Martin (Petites Antilles)
Dominique Bonnissent (dir.)
2013
L’Îlot du palais de justice d’Épinal (Vosges)
Formation et développement d’un espace urbain au Moyen Âge et à l’époque moderne
Yves Henigfeld et Philippe Kuchler (dir.)
2014
Bettencourt-Saint-Ouen (Somme)
Cinq occupations paléolithiques au début de la dernière glaciation
Jean-Luc Locht (dir.)
2002
Campements mésolithiques en Bresse jurassienne
Choisey et Ruffey-sur-Seille
Frédéric Séara, Sylvain Rotillon et Christophe Cupillard (dir.)
2002
Productions agricoles, stockage et finage en Montagne Noire médiévale
Le grenier castral de Durfort (Tarn)
Marie-Pierre Ruas
2002