Résumé
p. 277-278
Texte intégral
1Introduction
2Le quartier dit « des Bénédictins » est situé à l’est du jardin de la Fontaine sur les dernières pentes S-E du mont Cavalier. Les études rassemblées ici concernent principalement quatre chantiers de sauvetage menés entre 1966 et 1992 sur une surface globale d’environ 4 000 m2. Aux données issues de ces opérations, on a ajouté les observations ponctuelles et découvertes fortuites effectuées dans le quartier. Durant la Protohistoire, celui-ci se place sur la frange orientale de l’oppidum préromain. Après la construction de l’enceinte augustéenne, il se retrouve en plein cœur de la ville enclose et à proximité immédiate des centres civiques et religieux. Le quartier est largement désurbanisé dès la fin du iie s. ap. J.-C. La nouvelle enceinte construite à partir de 1194 laisse de justesse le quartier hors les murs et ce n’est qu’au xviiie s., avec le plan d’urbanisme de P. Mareschal, ingénieur du roi, que le secteur est à nouveau réinvesti par la ville.
31 Site naturel et occupations préromaines
4Les vestiges archéologiques sont présents indifféremment sur tous les types géologiques de terrains identifiés sur la zone. Globalement, le sous-sol du quartier est composé de plusieurs formations qui s’étagent sur la pente, sous les premières unités stratigraphiques anthropisées. Le substrat sur lequel se sont développés les sols qu’ont trouvés les agriculteurs néolithiques est une mosaïque très hétérogène. Les observations faites permettent de restituer un paysage de la fin de la Préhistoire qui possédait déjà certains aspects de nos garrigues modernes ; elles apportent la preuve que l’anthropisation des pentes a bien été effective dès le Néolithique et qu’il n’a pas fallu attendre la fixation d’un groupe humain au début de l’âge du Fer pour perturber l’équilibre fragile de l’écosystème naturel. L’occupation du quartier des Bénédictins à compter de la fin du vie s. av. J.-C. évolue au rythme d’une gestion de l’espace où habitat et agriculture sont combinés. La construction d’une enceinte au ive s. av. J.-C. consacre une phase d’extension et de structuration de l’agglomération en plaine. Le quartier des Bénédictins est alors situé intra muros, même s’il n’existe pas d’occupation construite entre la fin du ve s. et le milieu du iie s. av. J.-C., seuls des champs en terrasses y prenant place. L’habitat de cette période est situé au pied des collines et vers la plaine. L’agglomération préromaine connaît donc un habitat groupé non perché, situation originale dans le contexte régional. L’installation de nouvelles constructions sur les pentes à partir du iie s. av. J.-C. traduit une reconquête des versants depuis la plaine, au détriment de zones anciennement cultivées.
52 Les vestiges d’époque romaine
6Chacune des quatre opérations archéologiques de référence fait l’objet d’une publication détaillée. La maison de La Marseillaise (fouillée en 1966), de plan assez irrégulier et pavée en partie de mosaïques très simples, est un intéressant exemple de maison nîmoise du Haut-Empire sur un plan assez classique, adapté à la déclivité du terrain. Aux Villégiales des Bénédictins (fouille de 1992), plusieurs belles maisons, certaines dotées de jardins, sont étagées sur la pente. Les systèmes d’adduction et d’évacuation d’eau y sont particulièrement complexes. L’ensemble des Hespérides (fouille de 1986) est certainement le plus original : le long de deux rues perpendiculaires, sont aménagées des maisons encore fortement empreintes des modes et des techniques protohistoriques. La fouille de la Fontaine des Bénédictins (1982) a révélé les vestiges les plus riches de toutes les maisons du quartier : mosaïques figurées, peintures... Une étude de quelques séries de mobiliers particulièrement intéressants ou représentatifs complète ce chapitre : monnaies, ensembles de céramiques, petit mobilier.
73 Les maisons
8Perçue dans sa globalité, l’architecture domestique du quartier des Bénédictins doit s’analyser à deux niveaux : distinguer les grands types de construction d’après les matériaux utilisés et leurs modes de mise en œuvre ; démêler au sein de l’architecture gallo-romaine ce qui revient au vieux fonds indigène et à son évolution technique et ce qui relève d’emprunts. Le décor des sols est révélateur d’une condition sociale et d’une ambition culturelle. Son étude apporte d’utiles confirmations et suscite quelques questions touchant l’histoire de la mosaïque en Gaule romaine. On reconnaît par l’étude des décors muraux du quartier les grandes tendances observées à Nîmes même et en Narbonnaise : influence du 4e style à partir du milieu du ier s. ap. J.-C. puis son prolongement et la mode des imitations de marbre au début du iie. La ville occupait une place non négligeable dans l’économie agricole par l’apport de l’industrie des fleurs, de l’hortillonnage, de la vigne ou des vergers intra-urbains ; l’une des maisons reconnues a par ailleurs révélé les vestiges d’un jardin d’agrément. Toutes les sculptures découvertes sont en calcaire local et ont en commun la modestie de leurs dimensions, à l’exception notable d’une statue dont la tête amovible paraît bien représenter Antonia Minor. Le corpus des inscriptions lapidaires se compose de trois gaines d’Hermès, manifestations du culte domestique, adressées au Genius du maître ou à la luno de la maîtresse. Au regard des niveaux de richesse et de développement apparents des maisons, le quartier des Bénédictins est organisé selon un gradient socio-économique pour partie conforme aux lignes de pente, aux courbes altimétriques et à l’implantation des infrastructures hydrauliques publiques mais il subit également la contrainte de phénomènes d’attraction/répulsion exercés par les pôles urbains majeurs.
94 Un quartier de la ville romaine
10L’urbanisation des pentes sud-est du mont Cavalier débute plus tardivement que celle du versant méridional ou du Piémont, déjà remaniées ou largement investies dès le changement d’ère. Elle se fait en outre suivant un rythme assez progressif, qui traduit sans doute une pression urbaine modérée. L’impression générale qui se dégage de l’analyse de la trame urbaine reste celle de la tentative de mise en place d’une organisation régulière, contrariée par la topographie et probablement aussi par l’existence d’occupations antérieures. On connaît l’importance de l’eau dans l’apparition et le développement des processus d’urbanisation autour du bassin méditerranéen. Nîmes n’a pas échappé à la règle. À côté des sources et des puits, l’accent est mis sur deux dispositifs jusqu’alors peu étudiés à Nîmes, le drainage des eaux sur terrain en pente et le cheminement et l’agencement d’un tronçon majeur du réseau de distribution d’eau. La création d’une adduction vers la fin du deuxième quart du ier s. ap. J.-C. amenant les eaux des sources d’Uzès a favorisé techniquement les établissements construits au-dessous de la cote altimétrique du castellum, ce qui a un poids certain sur les règles de l’urbanisme ultérieur.
115 Le site de la fin de l’Antiquité à nos jours
12L’occupation du sol à compter de la fin du iie s. ap. J.-C. est difficile à restituer : activités agricoles et jardinage ou bien, plus probablement, terrains simplement abandonnés à la végétation spontanée plus ou moins entretenue. La remise en culture de ces friches urbaines, dont le nombre croît encore à compter de la fin du ive s., n’est attestée que tardivement et ponctuellement. Du Moyen Âge jusqu’aux années 1680, ce faubourg ne paraît guère affecté par l’urbanisation ; il garde un caractère essentiellement agricole, ce qui n’exclut pas une activité artisanale elle-même liée au sol : celle des chaufourniers. Quant aux maisons d’habitation, elles restent exceptionnelles dans le secteur jusqu’à la fin du xviie s. Le quartier reste en marge des bouleversements urbains consécutifs à l’édification de l’enceinte de Rohan puis de la citadelle pourtant proche. Jusqu’aux années 1850, les constructions demeurent cantonnées en bordure des rues et il s’agit d’un bâti plutôt lâche, les jardins continuant d’occuper la majeure partie du sol.
13Le quartier a acquis, dès le Haut-Empire, une originalité qui permet de le distinguer aisément des voisins, notamment au sud et à l’ouest où il vient s’articuler sur les ensembles monumentaux du centre antique. Ici, les maisons jouent un rôle structurant quasi exclusif du paysage urbain, même si on y observe une variation accusée du niveau socio-économique des installations et de leurs occupants. Cette étude se revendique comme une contribution au rééquilibrage nécessaire en faveur de la maison et du quartier, trop rarement étudiés. Elle permet en outre d’observer les évolutions sur une longue période, de la Protohistoire a l’Époque moderne, a l’échelle de temps de l’histoire urbaine.
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