Chapitre 5. Le site de la fin de l’Antiquité à nos jours
p. 235‑258
Résumés
L’occupation du sol à compter de la fin du iie s. ap. J.‑C. est difficile à restituer : activités agricoles et jardinage ou bien, plus probablement, terrains simplement abandonnés à la végétation spontanée plus ou moins entretenue. La remise en culture de ces friches urbaines, dont le nombre croît encore à compter de la fin du ive s., n’est attestée que tardivement et ponctuellement. Du Moyen Âge jusqu’aux années 1680, ce faubourg ne paraît guère affecté par l’urbanisation ; il garde un caractère essentiellement agricole, ce qui n’exclut pas une activité artisanale elle‑même liée au sol : celle des chaufourniers. Quant aux maisons d’habitation, elles restent exceptionnelles dans le secteur jusqu’à la fin du xviie s. Le quartier reste en marge des bouleversements urbains consécutifs à l’édification de l’enceinte de Rohan puis de la citadelle pourtant proche. Jusqu’aux années 1850, les constructions demeurent cantonnées en bordure des rues et il s’agit d’un bâti plutôt lâche, les jardins contiuant d’occuper la majeure partie du sol.
Human occupation which began at the end of the second century BC is difficult to reconstitute. It comprised farming and gardening or, more likely, untended land given occasional attention. There is only occasional and late evidence for the systematic planting of urban waste ground which increases in area from the end of the fourth century. From the Middle‑Ages until about 1680, the district, almost untouched by town development, keeps its rural character, though there is evidence for the operation of lime‑kilns. The presence of houses remains the exception until the end of the seventeeth century. The district is largely untouched by the urban development caused by the construction of both de Rohan’s defensive wall and the nearby citadel. Until the mid‑nineteenth century, buildings are principally on the edge of roads, and even then their presente is not systematit, gardens being the dominant feature.
La ocupación del suelo a partir de finales del s. II d. C. es difícil de restituir: actividades agrícolas y hortícolas o bien, más probablemente, terrenos simplemente abandonados a la vegetación espontánea más o menos cuidada. La vuelta a poner en cultivo de estos yermos urbanos, el número de los cuales crece todavía a partir de finales del s. IV, no es documentada más que tardíamente y de manera puntual. De la Edad Media hasta los años 1860, este barrio no se verá muy afectado por la urbanización; guardando un carácter esencialmente agrícola, lo que no excluye una actividad artesanal ligada también al suelo: la de los caleros. En cuanto a las casas de habitación, son excepcionales en el sector hasta finales del s. XVII. El barrio queda al margen de los trastornos urbanos consecutivos a la edificación de la muralla de Rohan y después de la ciudadela sin embargo próxima. Hasta los años 1850, las construcciones quedan arrinconadas en el borde de las calles y se trata de un tipo de construcción más bien descuidada, los huertos continúan ocupando la mayor parte del suelo.
L’ocupació del sol des de finais del s. ii d. C. es difícil de restituir : activitats agrícoles i hortícolas o bé, més probablement, terrenys simplement abandonats a la vegetadó espontània més o menys cuidada. La tornada a posar en cultiu deis erms urbans, el nombre deis quals creix encara a partir de finais del s. IV, no es documenta més que tardanament i puntualment. De l’edat mitja fins ais anys 1680, el barri no sembla gaire afectat per la urbanització, manté un carácter essencialment agrícola, la qual cosa no exclou pas una activitat artesanal també lligada al sòl : la dels calcinaires. Quant a les cases, continuen sent excepcional en el sector fins a finais del s. VII. El barrí queda al marge deis trasvalsaments urbans consecutius a l’edificació de la muralla de Rohan i després de la ciutadella que tanmateix està pròxima. Fins els anys 1850, les construccions resten arraconades en els marges deis carrers i es tracta d’un tipus de construcció més aviat descuidada, essent els horts els que continuen ocupant la major part del sòl.
Texte intégral
5.1 Les transformations du quartier de la fin du Haut‑Empire au Moyen Âge
1y.m., m.m.
2Les informations dont on dispose sur le processus d’abandon du quartier des Bénédictins sont de qualité variée : assez bonnes aux Hespérides, inexistantes à La Marseillaise, peu abondantes ou difficiles à préciser aux Villégiales et à La Fontaine des Bénédictins. Mais ce constat peut être plus globalement appliqué à l’ensemble de la ville, où rares sont les sites pour lesquels l’évolution tardive de l’habitat et de son environnement peut être appréciée de façon très précise.
3Sur les pentes S‑E du mont Cavalier, la fouille des Hespérides donne l’image d’un abandon progressif mais relativement précoce. La partie haute du site, celle qui a livré ces maisons‑blocs d’allure modeste tant du point de vue de la surface que des aménagements intérieurs, est abandonnée dès le dernier quart du ier s. ap. J.‑C. Les quelques éléments dégagés en partie basse montrent, par contre, un habitat qui se maintient jusque dans les années 120‑140 ap. J.‑C. Les deux rues pavées, quant à elles, restent en service plus longtemps et ne sont progressivement masquées par des remblais d’abandon et des dépotoirs que dans le courant de la seconde moitié du iie s. La disparition de leur surface de fonctionnement originelle est un fait acquis à la fin du iie s., mais l’étonnante perduration de la limite occidentale de la rue N‑S, encore matérialisée jusqu’à il y a peu par une longue limite de parcelle (cf. supra § 4.1.3.2), suggère que le cheminement s’est maintenu plus tardivement, mais sous une forme différente (chemin de terre ?).
4Aux Villégiales, l’analyse du mobilier n’a pas permis de cerner précisément les étapes du processus d’abandon mais montre que l’ensemble du site, maisons, rues et peut‑être aussi la galerie technique, est sûrement abandonné à la fin du iie s.
5La maison de La Fontaine des Bénédictins, construite alors que la partie haute des Hespérides est en voie d’abandon définitif, se maintient plus tardivement sans qu’on puisse préciser son évolution à compter de la fin du iie s. Toujours est‑il que, dans le courant du ive s., un foyer protégé par trois petits murets est installé, au travers de niveaux de démolition, sur le sol mosaïqué de la pièce 1. Cet aménagement ponctuel marque une occupation dont l’ampleur est impossible à définir, mais qui tranche avec la maison antérieure, en grande partie abandonnée.
6Ces quelques données, bien lacunaires, ont été récemment confrontées de manière plus large à celles issues d’autres sites fouillés ces dernières années à l’intérieur de l’enceinte augustéenne (Monteil 1996). Le bilan qui en ressort, assez contrasté et empreint de nombreuses interrogations, peut être résumé de la façon suivante. L’abandon précoce des Hespérides et des Villégiales n’apparaît pas comme un fait isolé. Ainsi, les fouilles de Villa Roma, sur les pentes sud du mont Cavalier, ont montré que les habitations sont pour la plupart abandonnées aux alentours de 120 ap. J.‑C. et l’espace qu’elles occupaient est transformé en vaste zone de récupération de matériaux, dans laquelle se forment des dépotoirs. Là encore, les rues semblent se maintenir plus longtemps, mais pas au‑delà de la fin du iie s. Une occupation sporadique et mal caractérisée peut cependant marquer un réinvestissement ponctuel de la partie basse du site durant la fin du ive et le ve s. (Célié et al. 1996). De manière un peu moins nette, faute de lots de mobilier suffisamment abondants et caractéristiques, il semblerait que les maisons installées en bas des pentes de la colline de Montaury, au S‑E du mont Cavalier, n’aient pu être occupées plus tard que la seconde moitié du iie s. (Pey 1990 : 37‑39).
7Cet abandon progressif de l’habitat de pente, s’il affecte apparemment dans un premier temps les maisons les plus modestes –celles des parties hautes des Hespérides ou de Villa Roma–, finit par toucher également les demeures plus cossues des Villégiales ou des parties moyenne et basse de Villa Roma. Cette phase d’abandon précoce concerne également quelques sites localisés en périphérie sud de la ville basse, à proximité de l’enceinte augustéenne. C’est le cas de l’habitat de la clinique Saint‑Joseph, au S‑O de l’amphithéâtre (Genty, Roux 1982 : 214‑220), créé vers le milieu du ier s. ap. J.‑C. en bordure d’une voie périphérique longeant la courtine, qui est définitivement abandonné entre 150 et 220 ap. J.‑C. Un autre habitat fouillé par H. Pomarèdes (groupe scolaire de l’Oratoire), implanté autour du changement d’ère à moins de 150 m au nord de l’enceinte, semble bien être déserté vers le milieu du iie s. (Pomarèdes, in Massy dir. 1992 : 117). Plus récemment, une fouille préventive réalisée par L. Sauvage à l’angle de l’avenue Jean‑Jaurès et de la rue de la Bienfaisance, à une centaine de mètres au nord des remparts, a livré le plan incomplet d’un atelier de potiers (Sauvage 1997 : 79‑80). Installé à l’angle de deux rues dans le courant du premier quart du ier s. ap. J.– C., il est définitivement abandonné, au plus tard, dans le premier quart du iie s. Enfin, ce phénomène de désertion précoce frappe également au moins un établissement rural de la proche périphérie, rue Séguier, à 300 m à l’est des remparts : créé dans les premières décennies du ier s. ap. J.‑C., il est abandonné dès le dernier quart du ier s. (Manniez, Recolin 1994 ; Manniez et al. 1998).
8De cet inventaire il ressort que la périphérie du centre urbain est progressivement désertée dans le courant du iie s., voire, dans certains cas, dès la fin du ier s. ap. J.‑C. On se gardera de surinterpréter l’ensemble de ce processus en notant d’une part que ces premiers abandons sont loin d’être synchrones, puisqu’ils s’étalent sur plus d’un siècle, et en le mettant d’autre part en perspective, ailleurs dans la ville, avec l’enrichissement du domaine public et les programmes monumentaux qui lui sont plus ou moins contemporains, mais aussi avec les signes d’opulence manifestes repérés dans de nombreuses maisons établies en piémont, en dehors de ses marges méridionales. Il n’y a donc pas là matière à évoquer une quelconque crise urbaine généralisée, mais l’étiolement perçu en plusieurs points pose malgré tout question, notamment pour les quartiers du type de celui des Bénédictins placés dans l’orbite immédiate de l’augusteum.
9L’une des premières hypothèses qui vient à l’esprit est celle d’un changement dans les façons d’habiter, les maisons de hauteur disparaissant dans la mesure où leur existence relève d’un type d’établissement ancien d’origine préromaine, désormais considéré comme archaïque. À l’appui de cette explication, on remarquera que bon nombre d’agglomérations secondaires du Languedoc oriental sont désertées durant cette période (Fiches 1996b). L’exemple le plus caractéristique est celui d’Ambrussum où les pentes de la colline, sur lesquelles avaient été établies, dans le courant du deuxième quart du ier s. ap. J.-C., plusieurs maisons à cour intérieure (Fiches 1986), sont abandonnées à la fin du ier s. ou au tout début du iie s. ap. J.-C. Seul le quartier bas, étroitement lié au passage de la voie Domitienne, subsiste alors (Fiches 1989). Pourtant, le fait que l’habitat de piémont placé à proximité de l’enceinte augustéenne soit également atteint invite à rechercher d’autres causes. Dans l’attente d’une étude plus globale, qui permettrait notamment de comparer le cas nîmois à d’autres villes de Gaule méridionale, on retiendra les hypothèses d’un ajustement d’un tissu urbain surdimensionné à l’origine (près de 220 ha enclos dont 110 ha en plaine), du départ d’une certaine catégorie de citoyens pour une installation en milieu rural (constructions d’un grand nombre de villae, mais ceci reste encore à démontrer à Nîmes), de problèmes démographiques (?), voire d’une crise économique touchant d’abord les classes moyennes (?) (Monteil 1996 ; 1999).
10Le maintien plus tardif de la maison de La Fontaine des Bénédictins, en revanche, est à associer topographiquement et chronologiquement à celui qui peut être constaté sur l’essentiel de l’habitat de piémont, franges sud exceptées. Sans rentrer dans le détail, l’analyse montre que l’habitat subsiste en plaine durant les iiie/ive s., dans ses formes héritées du Haut‑Empire, sans réelles reconstructions, constructions nouvelles ou signes d’enrichissement notables. L’ensemble de cet espace ne sera touché par de profondes transformations qu’à compter de la fin du ive s. et surtout dans le courant du ve s. ap. J.‑C. De vastes surfaces sont alors définitivement abandonnées avec, semble‑t‑il, un repli de l’agglomération au sein de ce qui sera l’assiette de la future ville médiévale (Manniez 1993 ; Monteil 1996).
11L’occupation du sol sur l’essentiel du quartier antique des Bénédictins, à compter de la fin du iie s. ap. J.‑C., reste difficile à restituer. On ne peut exclure la possibilité d’activités agricoles ou bien de jardinage, dont il ne subsiste aucune trace, mais il est davantage probable que les terrains considérés sont simplement abandonnés à la végétation, sous une forme plus ou moins entretenue.
12La remise en culture de ces friches urbaines, dont le nombre s’accroît encore à compter de la fin du ive s. comme le montre l’exemple de La Fontaine des Bénédictins, n’est d’ailleurs attestée sur ce dernier site que tardivement. Elle est marquée par la présence de huit fosses circulaires dont nous n’avons pu étudier que le fond (fig. 99, 100). Leur niveau de creusement, décapé lors des terrassements archéologiques, devait se situer environ 1 m plus haut. La taille et la disposition de ces fosses nous amènent à les considérer comme des silos et non pas comme des trous de plantations. Installés selon deux axes formant approximativement un angle droit, ils pourraient matérialiser l’amorce des limites d’une parcelle et correspondre à une zone de stockage de grains à des fins de semis en bordure du terrain, les parties servant au passage n’étant pas cultivées. Un tel système d’alignement de structures de stockage a été mis en évidence récemment à Dassargues (Lunel, Hérault), où d’autres silos sont creusés le long de certains fossés qui matérialisent aussi des limites parcellaires (Mercier, Raynaud 1999). La plupart des silos de la rue Pasteur contenaient du mobilier de diverses époques, sans intérêt pour proposer une datation du remplissage. Seule la double fosse 1007 a livré un petit lot de matériel qui présente une certaine cohérence : la céramique, essentiellement à pâte kaolinitique (fig. 224, nos 1‑3, 5‑10) ou grise à pâte dure et rare dégraissant de mica doré (fig. 224, nos 4, 11), regroupe des bords dont on trouve des parallèles dans des contextes datés des xe‑xie s. Le type 4a, en particulier, est majoritaire mais d’autres comparaisons peuvent être faites avec les nombreux exemples présentés dans une récente étude qui fait la synthèse des recherches sur la céramique médiévale ancienne (CATHMA 1993). Une seule forme, dans la tradition des urnes à bord en bandeau (no 6), peut se rapporter à une période plus ancienne. Les décors sont, à une exception près (lissage du tesson no 11), obtenus au moyen de molettes. Ce lot assez homogène permet de placer la fin de l’utilisation de ces silos dans le courant du Moyen Age (xie‑xiie s.?). La création de la zone de stockage pourrait, quant à elle, se situer à la fin de l’époque carolingienne.

FIG. 224 – La Fontaine des Bénédictins. Le mobilier de la double fosse FS1007.
dess. Y. Manniez/ Afan
13Une série de silos comparable a été reconnue récemment le long de l’aqueduc antique, rue de Calvas/rue Edmond‑Rostand, dans le quartier de Saint‑Baudile, où il faut situer une abbaye du même vocable mentionnée dès le ixe s. (Vidal 1992 : 49).
14En dehors de ces maigres indices, nous ne possédons rien sur l’histoire du quartier durant l’époque médiévale. Les premiers textes datés du courant du xve s. et l’évolution du quartier à compter de cette période montrent en tout cas que ces lieux resteront longtemps voués à l’agriculture (cf. infra § 5.2.2.2).
5.2 Le quartier des Bénédictins du Moyen Âge à nos jours
15c.p.
5.2.1 Les sources de l’étude historique
16Les documents disponibles et exploitables pour l’étude historique ne remontent pas au‑delà du xve s. Pour l’essentiel, ils ont été établis à des fins d’imposition par les divers pouvoirs disposant simultanément et/ou successivement de droits sur les terrains ici envisagés.
17Les plus anciens de ces documents sont des reconnaissances féodales, terme désignant l’obligation périodique à laquelle étaient soumis les tenanciers de parcelles de terre mouvant d’une seigneurie, ou d’une institution en tenant lieu : en l’occurrence, pour les périodes hautes, le « seigneur » de ces terres est le chapitre de la cathédrale de Nîmes dans la plupart des cas, mais l’abbesse de Saint‑Sauveur‑de‑la‑Font et des laïcs –la famille d’Albenas, M. Ferrier, Charles de Cabrière, le procureur du roi d’Alison– sont aussi évoqués (A.D.G.G. 214)1. La reconnaissance est un aveu de tenure féodale à l’origine ; cet acte est, par conséquent, rédigé lors d’une « cérémonie » présidée par le seigneur ou son représentant : en présence d’un notaire, les tenanciers ou « emphytéotes » viennent l’un après l’autre déclarer le nombre, l’étendue et les confronts des parcelles cultivées dépendant du seigneur en question. Le caractère solennel de la cérémonie et l’enregistrement des déclarations par le notaire sont, certes, hérités de l’acte d’allégeance féodale, mais sont aussi justifiés par la nature financière des relations qui ont remplacé ensuite les liens de clientélisme d’origine. Les tenanciers paient en effet au seigneur des redevances fixes ou proportionnelles, déterminées au moment où les parcelles leur ont été données en inféodation. Les déclarations des tenanciers sont très révélatrices, car elles indiquent aussi la date de la précédente reconnaissance, les modifications de tenure et de redevance, la nature des cultures, la présence d’habitation et de locaux agricoles, dans de nombreux cas. Quant à la redevance elle‑même, nommée cens, on peut dire qu’elle représente une sorte de loyer dû par les tenanciers pour des terres et/ou immeubles que le roi, les monastères, les nobles –et même les collectivités civiles ayant un domaine féodal– ne peuvent travailler eux‑mêmes ni surveiller, et qu’ils leur concèdent donc moyennant finances. Lorsque le cens concerne les terres agricoles, il est souvent versé en « nature » : ainsi, dans le faubourg qui nous intéresse ici, le cens consiste, pour certains tenanciers exploitant des « olivettes », ou oliveraies, surtout en huile d’olive ou en orge, en proportion variable selon la superficie détenue. Cependant, d’autres de ces tenanciers versent, aux mêmes époques que les précédents, leur cens en argent liquide. Le chapitre de Nîmes apparaît comme l’institution la mieux organisée en ce qui concerne le prélèvement de ces redevances puisqu’il a établi, parallèlement au registre de reconnaissances, des plans figurant les zones placées dans sa dépendance. Quoique fort schématiques, ces documents constituent un apport précieux, permettant aussi la comparaison avec des documents cadastraux plus récents.
18Mais toutes les terres ne sont pas détenues par des seigneurs ; il en est qui sont libres de toute sujétion féodale et, donc, de toute redevance envers un quelconque seigneur foncier : on dit alors que leurs propriétaires les tiennent en franc‑alleu, ou encore qu’elles sont allodiales. À défaut de livres de reconnaissances féodales, nous pouvons pourtant trouver des renseignements à leur égard dans d’autres documents cadastraux, établis cette fois pour la perception de la taille. Ces documents constituent également, pour les terres placées dans la mouvance d’un seigneur, une source complémentaire d’informations car la taille pèse aussi sur les terres soumises au cens, étant d’une nature différente. En effet la taille est, à l’origine, une taxe réclamée aux habitants d’un terroir par le seigneur local pour le prix de sa protection et de sa police ; pour ceux qui la versent, elle se substitue au service militaire qu’ils auraient dû, autrement, accomplir eux‑mêmes. Mais, à partir de 1439, c’est le roi –et non plus les divers seigneurs– qui assure la protection du royaume par des compagnies d’ordonnance, en sorte que la taille seigneuriale disparaît au profit de la taille royale. Son montant global est fixé chaque année par le conseil du roi et la somme que doit verser chaque généralité est déterminée, à partir du xviie s., en fonction des rapports des intendants. Il appartient ensuite aux différentes communautés villageoises et urbaines de chaque généralité de répartir la taille entre leurs habitants. Dans certaines généralités, les biens nobles et ceux du clergé en sont exonérés ; la taille pèse alors d’autant plus lourdement sur les biens roturiers. En revanche, dans les « pays d’états » tels que le Languedoc, cette répartition est équitable dans la mesure où cet impôt est assis sur les biens réels, c’est‑à‑dire que tous –roturiers, nobles et ecclésiastiques– y sont assujettis. Deux types de registres sont établis en Languedoc pour évaluer les biens des personnes et leur taux d’imposition (Cayla 1964 : 176‑178).
19Le compoix terrier mentionne, pour chaque contribuable d’une localité, la consistance de ses terres et maison(s), indique parfois si elles sont tenues ou non en emphytéote et, toujours, leur contenance et leur localisation. Pour calculer le taux d’imposition, plusieurs facteurs sont pris en considération : exposition, surface, nature des cultures, pour les terrains agricoles ; position dans un quartier plus ou moins commerçant des maisons urbaines.
20Le compoix cabaliste énumère les biens meubles des contribuables, biens meubles pris plus précisément dans le sens d’outils de travail ; il peut s’agir, selon les cas, du matériel et des outils nécessaires à toute activité artisanale, de troupeaux, de bétail aratoire, d’outillage agricole, de fonds de marchandises, d’offices de judicature, d’officines d’apothicaire, etc. (Cayla 1964 : 108‑110).
21Chacun des articles pris en considération dans l’un ou l’autre des compoix est affecté d’un coefficient sur lequel se basent les répartiteurs de la taille due par une communauté donnée. Cette base, dite « présage », indiquée en livres, sols et deniers est seulement un coefficient, au contraire des cotations données dans les livres de reconnaissance et qui représentent, quant à elles, le montant réel qui sera versé au seigneur.
22Il faut attendre la fin de l’Ancien Régime pour que les consuls nîmois se dotent d’un premier cadastre dessiné, représentant en plusieurs centaines de feuillets les parcelles détenues intra et extra muros par leurs administrés. Ce document est lacunaire pour le secteur ici étudié, mais fort heureusement le chapitre et la famille d’Alison –pour délimiter leurs possessions respectives avec précision– ont fait dresser un plan par l’arpenteur Lieutier en 1722 et ce document offre une bonne image du découpage parcellaire à cette époque (A.D.G. G. 255, plan géométral fait par Lieutier, arpenteur).
23À ces documents viennent s’ajouter d’autres textes, des xviie et xviiie s., conservés dans un fonds d’archives émanant de la congrégation des Bénédictins de Nîmes, ces derniers ayant pris possession, dans la seconde moitié du xviiie s., de la propriété de M. Teissier de Marguerittes riveraine du chemin allant de Nîmes à La Calmette, actuelle rue Rouget‑de‑Lisle. Cependant, il n’y a pas eu d’achat de la part des Bénédictins, mais échange de biens entre eux et « M. de Marguerittes », ce qui explique l’abondance de courriers, actes divers et rapports d’expertise établis à cette époque en vue de s’assurer du caractère équitable de l’échange négocié, que nous évoquerons plus loin (A.D.G.H. 210).
24Grâce à ces diverses sources archivistiques, que l’on peut encore compléter par plusieurs plans conservés aux archives du Génie militaire de Vincennes et par le cadastre napoléonien (A.D.G. 3 PFI 311, cadastre napoléonien de 1820‑1830), nous pouvons donc reconstituer avec une bonne part de certitude la destinée de cette partie du faubourg de la Boucarié depuis la fin du Moyen Âge.
25Nous avons dû, par ailleurs, tirer parti des mesures utilisées à Nîmes sous l’Ancien Régime et qui sont celles figurant sur les compoix, plans du chapitre et reconnaissances féodales. Nous donnerons ci‑dessous :
26● leur valeur par rapport au système métrique, en ce qui concerne les mesures de surfaces :
– la canne = 1,976 m, elle est divisée en 8 pans d’environ 0,24 m ;
– la canne carrée = 3,904 m2 ;
– la salmée = 0,6627 ha, elle est divisée en émines, elles‑mêmes divisées en dextres ; ainsi, 1 ha = 1 salmée, 5 émines et 28 dextres 1/2 ;
27● leur valeur en litres, en ce qui concerne les redevances payées en nature :
– 1 canne d’huile = 9,19 1 ;
– 1 salmée de grains = 199,87 1 ;
– 1 muid de vin = 653,596 1 (nous citons cette mesure pour mémoire, car nous n’avons rencontré aucune redevance de cette nature dans la zone étudiée ici).
5.2.2 Contexte global
5.2.2.1 Les repères liés à la voirie
28Le quartier situé à l’ouest de la citadelle –étendu entre le boulevard Gambetta et le quai de La Fontaine, au sud ; le jardin de la Fontaine, à l’ouest ; et une ligne allant, au nord, de la tour Magne à la rue Stéphane‑Mallarmé, et à l’est, la rue de la Lampèze– correspond, à peu de choses près, à l’ancien faubourg de la Boucarié (fig. 225). En confrontant les divers plans sur lesquels ce secteur est figuré, du xve s. à nos jours, on remarque qu’il a conservé à travers le temps des repères forts et constants, liés à la voirie (A.D.G. G. 214 = plans du chapitre, xve‑xvie s. ; A.D.G.G. 255 = plan géométral dressé par Lieutier en 1722).

FIG. 225 – Les principales rues et places du quartier des Bénédictins. En trait épais, l’enceinte augustéenne. P1‑P3 portes présumées de l’enceinte ; 1 Les Hespérides, 2 La Fontaine des Bénédictins, 3 Les Villégiales des Bénédictins, 4 La Marseillaise ; A citadelle du XVIIe s. ; B place de la Révolution ; C square de la Bouquerie.
DAO M. Monteil/Afan
29L’axe N‑S, constituant la « colonne vertébrale » à partir de laquelle s’est organisé le faubourg d’origine, était le chemin reliant Nîmes à La Calmette et correspondant à l’actuelle rue Rouget‑de‑Lisle.
30Un autre axe N‑S, la rue de la Lampèze, semble avoir constitué depuis le Moyen Âge la limite entre le faubourg de la Boucarié et celui des Prêcheurs, établi plus à l’est autour d’un couvent de Dominicains. L’ancienneté de cet axe –on peut même dire son « antiquité »– pourrait être confirmée par les vestiges d’une porte romaine décelés au carrefour formé par sa rencontre avec les rues des Gazons et Porte‑Cancière. Cependant, la mention historique la plus lointaine relative à la « Lampèze » apparaît dans le compoix de l’année 1380 ; elle n évoqué pas, alors, le chemin et se contente de désigner une ferme dépendant du chapitre de la cathédrale, ferme dont l’oliveraie fournissait l’huile destinée à approvisionner la lampe du Saint‑Sacrement : en occitan, lampesa désigne la lampe en général, et aussi la lampe d’église ; on aurait donc ici l’origine de l’appellation donnée d’abord à la ferme productrice d’huile puis, par extension, au chemin qui y menait en serpentant à travers la garrigue (Serre 1989 : 229). Au xviiie s., l’ingénieur Gauthier, puis l’historien Ménard, dans leur énumération des collines de Nîmes, citent celle « de la Lampese » juste avant celle de la tour Magne. Si l’on admet que la toponymie alors en usage prolonge une dénomination ancienne, on peut penser que l’appellation « coteau de la Lampèze » désignait depuis plusieurs siècles l’éminence traversée par le chemin du même nom (Varène 1992 : 22, n. 15).
31À l’ouest, un autre chemin de garrigue, suivant approximativement lui aussi un axe N‑S, constitue l’autre limite du faubourg : c’est l’actuelle rue de la Tour‑Magne. Son ancienneté paraît également remonter, pour le moins, au Moyen Âge. Il a dû constituer alors l’une des voies d’accès privilégiées au mont Excelsus, ou Roc de la Font, nom alors donné à la colline dominant la source de la Fontaine. Ce chemin devait être fréquenté non seulement par les bergers et travailleurs de la terre, mais aussi par les gens d’armes du seigneur ayant obtenu en fief la tour Magne. Comme la plupart des tours d’origine romaine encore debout, la tour Magne a, en effet, été utilisée alors comme une sorte de donjon, et des bâtiments d’habitation ont vraisemblablement été établis à ses abords. Le tout était concédé par le vicomte à l’un des chevaliers de l’Arène, homme de confiance estimé apte à mériter l’honneur de détenir ce fief. Cet honneur se doublait d’un rôle militaire essentiel, puisque chacune des tours ainsi réemployées servait de bastion avancé pour la protection de la ville elle‑même. En ce qui concerne la tour Magne, les textes anciens mentionnent quelques‑uns de ceux qui font détenue : un « Pierre de la Tour Magne » en 1109, un « Bertrand de la Tour Magne » vers 1217 (Serre 1989 : 415‑418). De ce réemploi en tant que « château fort », la tour Magne a conservé par la suite, durant plusieurs siècles, l’appellation de « Castrum vetus » ou encore de « Castrum Turris Magna » puis de « Chasteau vieux », apparaissant notamment sur les plans du chapitre (A.D.G.G. 214 = reconnaissances féodales des xve‑xvie s. pour les parcelles ayant formé ensuite l’enclos d’Alison).
32Par ailleurs, quelques axes transversaux assuraient les liaisons complémentaires de la circulation. Avant la création des quais de la Fontaine, au xviiie s., et la canalisation des eaux provenant de la source, celles‑ci serpentaient d’ouest en est jusqu’aux fossés de la ville. La zone riveraine du ruisseau, extra muros, devait être assez peu praticable, en sorte que c’est au niveau de l’actuelle rue Pasteur –alors nommée « lo camin de la Font » ou « Chemin de la Fontaine »– que se concentrait la circulation dans ce secteur (Serre 1989 : 303). Ce chemin constituait aussi, implicitement, la limite sud du faubourg de la Boucarié, l’autre rive du ruisseau appartenant quant à elle au faubourg de la Madeleine2. Lors de travaux de voirie effectués pendant l’été 1994, Marc Célié a pu observer, depuis la rue Nerva jusqu’à la place de la Révolution, des niveaux de voie antiques. Ceci atteste l’origine gallo‑romaine, pour le moins, de cette artère dont l’axe devait alors être biaisé par rapport au tracé actuel, pour le tronçon allant de la rue Nerva au jardin de la Fontaine ; ceci expliquerait l’absence de vestiges de voie sur cette portion de la rue Pasteur.
33Un sentier parallèle à ce chemin de la Fontaine, mais moins long, était tracé un peu plus au nord : il avait pour vocation essentielle de desservir les parcelles agricoles diverses –jardins, vignes, oliveraies...– couvrant toute cette zone. C’est de l’élargissement de ce sentier qu’est née l’actuelle rue des Bénédictins. Il est bon de préciser que la forme coudée de cette rue, permettant la communication, à son extrémité ouest, avec la rue Pasteur, résulte d’aménagements récents (A.D.G.G. 214 ; A.D.G.G. 255). Pendant des siècles, le seul lien perpendiculaire entre ces deux axes était constitué par un autre sentier, dont la rue Nerva a repris le tracé.
34Pour ce qui est du secteur situé à l’est de la rue Rouget‑de‑Lisle, en dehors de la rue de la Lampèze, plusieurs artères semblent avoir une origine fort ancienne, bien que la datation en soit délicate. Parmi les axes d’origine lointaine et imprécise, on peut classer la rue Poldo‑d’Albenas, petit sentier assurant autrefois la liaison entre le chemin de la Lampèze et celui de la Calmette (aujourd’hui rue Rouget‑de‑Lisle).
35L’étude récente de P. Varène sur l’enceinte gallo‑romaine de Nîmes semble confirmer, pour les axes N‑S ou N‑O/SE de ce secteur, une pérennité remontant à l’ Antiquité et liée à la présence de portes ou tours du rempart augustéen. On peut d’ailleurs retrouver ces axes, tout autant que des observations et des mentions concernant ces points forts du rempart, sur divers plans de Nîmes réalisés depuis le début du xviie s. Bien que des fouilles –ou découvertes fortuites– ne permettent pas, à l’heure actuelle, de confirmer dans tous les cas ces hypothèses, on peut cependant leur accorder une bonne part de certitude, confortée par la topographie et la toponymie.
36Ainsi, à l’extrémité de la rue Rouget‑de‑Lisle, peut‑on localiser une porte par laquelle un chemin se poursuivait hors les murs, chemin dont le tracé était déterminé par un passage naturel entre deux collines : celle de la tour Magne à l’ouest et celle de la Lampèze à l’est. Ce chemin, selon l’historien A. de Rulman, au début du xviie s., « alloit chez les Gabales et les Arverni ou les peuples du Gevaudan et de l’Auvergne » via Anduze (Varène 1992 : 22).
37La précision est utile car un second axe proche avait la même destination, mais cette fois via Alès par la voie Regordane, toujours selon le même auteur. La porte menant à ce second chemin a été localisée au niveau du carrefour où convergent les rues Démians, de la Lampèze, des Gazons et Porte‑Cancière. Hors les murs, deux voies, correspondant aux actuels chemin de la Lampèze et rue Porte‑Cancière‑Prolongée, permettaient de rejoindre, au xviiie s., la rue Rouget‑de‑Lisle, d’où les appellations semblables de « Chemin d’Alais à la Calmette » données aussi bien à la rue Rouget‑de‑Lisle qu’à la rue Porte‑Cancière‑Prolongée sur les plans des années 1780‑1782. Par ailleurs, F. Germer‑Durand a attiré l’attention sur la possible étymologie latine du terme « porte Cancière » : « ... porte romaine, fermée probablement par une herse en fer ou treillis (Porta Cancellaria, de Cancer et son diminutif Cancellas) ». Il a indiqué en outre que l’on pouvait suivre l’emploi de cette appellation depuis le Moyen Âge, dans les documents d’archives : la forme « Porta Canseria » apparaît en 1240, celle de « porte Cancière » en 1501, avec des variantes telles que « porte Gantieire » ou « Gancière », cette dernière étant portée sur le cadastre de 1820 (Varène 1992 : 25‑26). On peut ajouter à cette analyse le fait que les itinéraires en direction des Cévennes –que nous venons d’évoquer– ont été fixés durant l’Antiquité, pour le moins ; ensuite, leur importance économique les a fait utiliser jusqu’à la création de liaisons plus commodes entre le centre ville et les routes d’Alès et Sauve, par le nivellement de la Plate‑Forme de la Fontaine, après 1860.
38Outre ces portes, la desserte des tours du rempart romain semble avoir généré la création des chemins correspondant aux actuelles rues Ménard et des Gazons. Il est, en effet, possible de placer à l’extrémité de la rue Ménard une tour de flanquement, précédant un léger changement de direction de l’enceinte, et une tour d’angle au niveau de la rue des Gazons, là où le changement de direction de l’enceinte est nettement marqué vers l’est (Varène 1992 : 23).
5.2.2.2 Une vocation essentiellement agricole jusqu’à la fin du xviie s.
39Du Moyen Âge jusqu’à la fin des années 1680, ce faubourg ne paraît guère affecté par l’urbanisation (fig. 226), qui marque au contraire le secteur voisin, à l’est, le faubourg des Prêcheurs.

FIG. 226 – Plan anonyme du deuxième quart du XVIIe s. Le quartier de la Boucarié est toujours très rural. Conservé au musée du Vieux‑Nîmes.
cl. musées d’Art et d’Histoire de Nîmes (Naudin 1986)
40Il garde, par conséquent, un caractère essentiellement agricole, ce qui n’exclut pas une activité artisanale elle‑même liée au sol : celle des chaufourniers. La présence de ces chaufourniers devient bien évidente dans les compoix et plans du chapitre, surtout au xviiie s. D’ailleurs, à cette époque, l’appellation de rue des Fours‑à‑Chaux est souvent donnée à la rue Rouget‑de‑Lisle, concurremment à celle de chemin de Nîmes à La Calmette, ou encore à celle de rue du Chinchorlier –ou jujubier– qui souligne son caractère encore semi‑rural (Serre 1989 : 364) (A.D.G.G. 214 ; A.D.G.G. 255). Cependant, la nature calcaire du sol sur tout ce secteur favorisait depuis toujours la création de fours‑à‑chaux, utiles autant aux activités du bâtiment qu’à celles des teintureries et tanneries, qui constituaient deux pôles essentiels à l’économie nîmoise depuis l’époque médiévale. Il n’est donc pas interdit de penser que quelques chaufourniers s’étaient établis de longue date dans cette zone ou/et, à défaut d’y résider, y avaient installé leurs fours en bordure du chemin de La Calmette et à proximité des remparts. Cette disposition aurait facilité la livraison à la clientèle tout en offrant les garanties d’un repli rapide vers la ville, où ils conservaient leurs logis, lors des périodes troublées. Nous ne disposons de plans du chapitre que pour une portion de l’ancien faubourg de la Boucarié ; il est donc malaisé de juger avec exactitude de l’installation des chaufourniers jusqu’au début du xviiie s. Toutefois, dans le secteur qui nous intéresse, peut‑on relever une mention concernant, en 1487, un certain Georges Bertrand (chau) fournier, emphytéote du chapitre pour six clos d’oliviers, et la présence des « hoirs de Jean Rey (chau) fournier (?) » au xviie s.
41L’occupation du sol à des fins agricoles est, par contre, évidente et fait l’objet de multiples précisions dans les divers documents consultés (fig. P) (A.D.G.G. 214 ; A.D.G.G. 255).

FIG. P – Nîmes en 1560, d'après une gravure sur bois anonyme de l'ouvrage de Jean Poldo d'Albénas. Le caractère rural des terres situées au-delà de la ville médiévale, au pied de la tour Magne, apparaît nettement. Conservé au Carré d'Art, Bibliothèque de Nimes.
cl. musées d’Art et d’Histoire de Nîmes (Naudin 1986)
42Au xve s., ce secteur paraît être surtout consacré à la culture de l’olivier : six des neuf « tenanciers » se partageant le sol à cette époque s’y emploient exclusivement, cinq d’entre eux exploitant même plusieurs oliveraies ; cela va de deux à six parcelles contiguës, décrites comme étant chacune « close », ou séparées les unes des autres par des « clapasses » ou « clapas », c’est‑à‑dire des murs de pierres sèches. Les autres terrains sont évoqués plus laconiquement : l’un est cité comme « jardin », un autre comme « terre » et le reste à titre de « parrans closes », c’est‑à‑dire des parcelles cultivables, mais dont on ne dit rien du produit récolté.
43Il faut attendre la fin du xvie s. pour rencontrer ici la première mention évoquant la présence d’une vigne, plantée sur une partie du sol uniquement couverte, au xve s., par le « clos d’oliviers » de Jean Rodier. Cependant, dans l’ensemble et jusqu’à la fin du xviie s., ce sont toujours les oliveraies qui dominent ; tout juste peut‑on noter l’apparition de trois autres vignes, vers 1671 : encore ne s’agit‑il que de petites parcelles aménagées, pour deux d’entre elles, sur des terrains qu’elles partagent avec l’olivier. La seule qui soit entièrement réservée à la vigne appartient à un certain Paul Barre, modestement qualifié de « travailleur », c’est‑à‑dire ouvrier agricole, et ne couvre qu’environ 0,2 ha. Cette parcelle, riveraine du chemin de la Tour‑Magne, deviendra au xviiie s. la « vigne de M. Guiraud » (fig. 230).
44Quant aux maisons d’habitation, elles restent exceptionnelles dans ce secteur jusqu’à la fin du xviie s. : il faut attendre 1671 pour en voir citer deux. L’une, édifiée sur la parcelle appartenant à Jacques Carcenat, « bourgeois » –ou rentier–, couvre 40 m2 au sol ; elle est sise au sein d’un jardin de près de 800 m2 de superficie situé à l’angle des chemins de La Calmette et de la Fontaine, donc à proximité des murs de la ville. L’autre construction est vraisemblablement tout aussi modeste ; ses dimensions ne sont pas citées, on se contente de parler d’un « petit mas » établi sur la propriété d’un médecin, Paul Borelly, laquelle couvre environ 0,7 ha.
45Il paraissait utile de mentionner le rapport entre surfaces de terre arable et bâti pour exprimer parfaitement la réalité agricole de ce faubourg. Ceci corrobore l’image qui en est donnée par les plans du chapitre, alors que l’on pouvait s’interroger sur leur fiabilité ou la manière de les interpréter, étant donné leur caractère fort schématique.
46Au début du xviie s., lors de la guerre de Rohan, une ligne de bastions supplémentaires est élevée en toute hâte et vient doubler le rempart urbain, d’origine médiévale. L’un de ces bastions est aménagé en avant de la porte de la Boucarié, afin d’en protéger l’accès. Cependant, ce dispositif affecte peu l’aspect du faubourg, comme on peut en juger d’après un plan de 1629 : la limite ouest –c’est‑à‑dire le fossé extérieur– de ce bastion semble passer à peu près au niveau du chemin de La Calmette, au‑delà duquel sont figurées des parcelles cultivées, parsemées çà et là de quelques arbres évoquant, semble‑t‑il, les oliveraies. Par ailleurs, A. Michel indiquait, au xixe s., que des travaux effectués dans la rue Ménard avaient permis d’y découvrir un fragment du mur même de ce bastion, peut‑être réutilisé pour le nouveau tronçon de rempart élevé après 1687 (Michel 1877 : 241).
5.2.3 Les évolutions de la fin du xviie s. à la fin du xviiie s.
5.2.3.1 La construction de la citadelle, son impact
47Après la révocation de l’édit de Nantes, le roi décide d’établir, au nord de Nîmes, une citadelle qui tiendra la ville sous ses canons, afin de prévenir tout risque de rébellion urbaine de la part des réformés. Le choix de cet emplacement est aussi sous‑tendu par une seconde nécessité, découlant de la même origine : l’accessibilité aux chemins menant vers les Cévennes, foyer protestant tout aussi préoccupant que le sont, alors, les villes du Bas‑Languedoc (Adge, Blanchard 1984 : 190 ; Blanchard 1979 : 387) (fig. 227).

FIG. 227 – Plan de situation schématique du quartier de la Boucarié et des enceintes successives de la ville.
DAO M. Monteil/Afan
48Cette construction engendrera de considérables répercussions sur l’urbanisme nîmois de la fin du xviie s. Elle implique, tout d’abord, la destruction du rempart nord de Nîmes, lequel constituait un obstacle à une éventuelle intervention des troupes du roi en ville. Il s’ensuit la création de la promenade dite « du Grand et du Petit Cours », à l’emplacement de l’ancien mur, promenade dont l’idée est suggérée aux édiles par l’architecte Gabriel Dardailhon (Blanchard 1944 : 56‑71) mais dont la réalisation est présidée par l’ingénieur du roi Duplessis (A.C.N. 00 119 et LL 29). Cet aménagement sanctionne aussi l’urbanisation de l’ancien faubourg des Prêcheurs, le plus peuplé avant même la construction de la citadelle et qui fait désormais partie intégrante de la ville (Teisseyre‑Sallman 1980 : 974). En effet, à la suite de la démolition de l’ancien rempart nord, deux nouveaux tronçons de murs sont bâtis, raccordant à l’est et à l’ouest l’enceinte de la citadelle au reste des fortifications urbaines. Le faubourg des Prêcheurs se trouve donc désormais englobé dans le rempart agrandi, bien que son appellation de « faubourg » persiste dans le langage courant jusqu’à la fin de l’Ancien Régime ; ses habitants sont dorénavant imposés, pour la taille, au taux de ceux des demeures urbaines (A.C.N. QQ 44 = compoix Garrigues ; mentions concernant les propriétés détenues dans l’ex‑faubourg des Prêcheurs par diverses personnes, notamment M. d’Albenas).
49Le faubourg de la Boucarié, en revanche, reste à l’écart de ces évolutions. Il s’en trouve tout juste un peu « écorné » dans sa partie S‑E : la porte de la Boucarié est déplacée de sa position antérieure, à l’extrémité de l’actuelle rue du Grand‑Couvent –ex‑rue de la Boucarié–, pour être réaménagée sur le tronçon du nouveau rempart ouest, dans l’axe du Grand‑Cours. C’est ainsi que quelques terrains, dépendant autrefois du faubourg de la Boucarié, situés à l’ouest de la rue de la Lampèze et en contrebas de la citadelle, se retrouvent désormais intra muros : il s’agit, notamment, de l’enclos d’Albenas (à l’emplacement du square de la Bouquerie et des rues Balore, du Fort et Ménard), qui sera bientôt construit. Cependant, dans un premier temps, la seule conséquence de l’installation du fort pour les propriétaires des terrains qui en sont proches est leur expropriation : le roi s’approprie, en effet, plus de terrains qu’il n’en faut pour la seule construction, afin qu’une zone d’isolement soit ménagée autour de la citadelle ; celle‑ci apparaît sur les plans du xviiie s. sous la mention « vacant du fort » et « glacis du fort » (fig. 228). Toutefois, la plupart des personnes concernées, telle la famille d’Albenas, ont récupéré –en totalité ou en partie– leurs biens peu après, ou ont été indemnisées (A.C.N. KK 25).

FIG. 228 – Plan de la citadelle et de ses abords en 1784. Conservé au service historique de l’armée de terre.
cl. ministère de la Défense-Service historique de l’armée de Terre
50Les plans dressés par les ingénieurs militaires peu après la construction de la forteresse montrent que le faubourg de la Boucarié reste essentiellement champêtre à l’extrême fin du xviie s. Les seules modifications apportées à l’état antérieur –si l’on excepte l’intégration de sa portion S‑E à la ville– sont la place rectangulaire ménagée devant la nouvelle porte de la Boucarié, le jardin du gouverneur qui lui fait suite un peu plus au nord, au pied du nouveau rempart (où se situe l’actuelle place de la Révolution), et la présence du glacis de la citadelle, formant alors sa limite au N‑E. Les jardins, oliveraies et vignes continuent d’occuper la quasi‑totalité du sol ; les rares constructions, figurées en rose sur les plans, sont presque toutes élevées en bordure du chemin de La Calmette et forment deux groupes : l’un dans la portion sud, non loin de la porte de la Boucarié, l’autre plus au nord, en contrebas du glacis de la citadelle, là où le chemin s’incurve vers l’ouest.
51L’un de ces plans, datant vraisemblablement des années 1690, fait apparaître une sorte de no man’s land privé de toute végétation, chemin ou habitation sur un large périmètre ceinturant les murs de la citadelle ; il s’agit là des terrains expropriés afin d’aménager, comme l’indique la légende : « l’esplanade ordonnée à faire autour des glacis ou estoient des maisons ».
52En fait, cette vaste esplanade –qui aurait gommé tout le réseau viaire ancien– est restée à l’état de projet ; ceci est confirmé par les plans dressés peu après, au xviiie s., et sur lesquels nous retrouvons les repères traditionnels, inchangés, et une zone d’isolement autour de la citadelle beaucoup plus modeste que l’esplanade initialement prévue.
53Ces plans rendent également compte, avec beaucoup plus d’exactitude que ceux dressés par le chapitre, du tracé fort sinueux de la rue de la Lampèze, qui commence alors au niveau du sentier correspondant à l’actuelle rue d’Albenas. La liaison entre les chemins de la Lampèze et de Gantieire (aujourd’hui rues de la Lampèze et Ménard) est réalisée par un sentier s’achevant en impasse dans la garrigue. Cette liaison est, de nos jours, matérialisée par les rues François‑Rouvière et Charles‑Gounod.
5.2.3.2 Le xviiie s. : une densification de l’occupation
54À travers ces documents, complétés par les textes et une gravure des années 1750, il est aisé de suivre le progressif développement du bâti sur le sol de ce faubourg, au cours du xviie s. Un plan du milieu du xviiie s. (Ménard 1750 : I, 1) nous le présente avec des constructions un peu plus nombreuses qu’à la fin du xviie s. (fig. 229). Bien que ce type de document ne puisse prétendre à une représentation parfaitement rigoureuse, on peut cependant lui accorder un certain crédit en considérant que les quelques maisons cernées de murs qui y sont figurées, auprès de la porte de la Boucarié, symbolisent en effet la progression du bâti, laquelle est plus nettement perceptible sur les plans du génie militaire établis dans les années 1770‑1780. Elle reste toutefois modeste et plutôt lente, comparée à l’essor contemporain du faubourg Richelieu, à l’est de Nîmes (Potay 1991a : 79‑83). Jusqu’aux années 1850, les constructions demeureront cantonnées en bordure des actuelles rues Rouget‑de‑Lisle, des Bénédictins, Nerva, Pasteur, et au long du quai de la Fontaine. Mais il s’agit d’un bâti plutôt lâche, et les jardins continuent d’occuper la majeure partie du sol. La création du jardin de la Fontaine et l’aménagement du canal et des quais qui le bordent, dans les années 1740‑1750, n’ont pas infléchi considérablement l’évolution du faubourg de la Boucarié.

FIG. 229 – Nîmes en 1755 (Ménard 1750 : pl. 1). Le bâti gagne sur les terres agricoles.
cl. musées d’Art et d’Histoire de Nîmes (Naudin 1986),
55On doit remarquer, à cet égard, que ces travaux ont même privilégié, au xviiie s., une circulation entre la ville et la Fontaine par le quai sud du canal : en effet, l’ordre des récollets ayant cédé à la ville, de ce côté, une partie de leur jardin, la voie ménagée sur ce quai est plus large et plus commode, alors, que celle empruntant le quai nord. Ceci vaut à l’artère nommée jusque‑là « chemin de la Fontaine » –aujourd’hui rue Pasteur– l’appellation d’« ancien chemin », du fait de son relatif abandon par rapport à la voie sud (Serre 1989 : 303).
56Les documents évoqués plus haut peuvent être complétés par le plan géométral non daté, mais vraisemblablement dressé au début du xviiie s. par l’arpenteur Lieutier (fig. 230). Celui‑ci ne propose pas une vision d’ensemble de ce quartier et de la partie de la ville à laquelle il se rattache, comme le font les plans du génie militaire, mais il présente l’intérêt de bien détailler les parcelles de l’enclos d’Alison et la nature de leur occupation à cette époque (A.D.G.G. 255). En outre, il peut être relié à un texte du 26 février 1722, rédigé par le même Lieutier et intitulé « Arpentement [...] des tenements des maisons, jardins, terres, vignes et ollivettes qui sont dans l’enclos de M. Alison » (A.D.G.H. 210).
57La mise en corrélation de ces textes et plans permet d’analyser plus finement l’évolution de la propriété, des cultures, du bâti, que nous allons envisager maintenant.
5.2.4 Évolution de la propriété
5.2.4.1 Les seigneurs
Situation d’origine
58Pour faire le point en ce qui concerne les seigneurs propriétaires du sol dans la partie du faubourg de la Boucarié ici envisagée, nous commencerons par procéder à un retour en arrière dans le temps, afin de suivre les changements enregistrés à cet égard depuis le xve s. À cette époque, la quasi‑totalité du sol est ici dans la mouvance du chapitre de la cathédrale ; seules quelques terres dans la partie nord, proches de la tour Magne, dépendent de l’abbesse de Saint‑Sauveur‑de‑la‑Font (A.D.G.G. 214). Le chapitre et l’abbesse concèdent pratiquement toutes leurs propriétés terriennes à des tenanciers, ou emphytéotes, qui leur versent en échange un cens en argent ou en nature, c’est‑à‑dire sous forme d’huile ou d’orge et, exceptionnellement, de cire. L’abbesse exploite même directement quelques‑unes des parcelles proches de la tour Magne : il s’agit de 3 émines d’oliveraie et de 2 émines 1/4 de terre. Celles‑ci sont cédées à Claude Guiraud, en 1609, moyennant un cens annuel d’une livre de cire.
59Tous ces terrains du nord du faubourg sont, jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, sous la tutelle du chapitre, qui remplace donc aussi l’abbesse, à une date inconnue, pour les terres qu’elle détenait auparavant ici. Selon le plan géométral dressé par Lieutier au début du xviiie s., le chapitre détient ici 10 salmées de terre en totalité, ce qui représente environ 6,7 ha (fig. 230).

FIG. 230 – Plan Lieutier (1722). Conservé aux Archives départementales.
cl. Color Copy
60Quant aux autres terrains, proches des remparts et du chemin de la Fontaine, les reconnaissances féodales indiquent qu’ils sont restés, jusqu’au xvie s., eux aussi, dans la mouvance du chapitre avant de passer aux mains de seigneurs laïcs –qui leur ont d’ailleurs laissé l’appellation qui les désignait jusqu’à l’époque de la Révolution, puisque l’on parle alors encore de l’enclos d’Albenas pour une parcelle couvrant l’espace aujourd’hui occupé par le square de la Bouquerie et l’îlot de maisons qui lui fait suite, au nord, jusqu’à la rue Balore et la place de la Révolution. En ce qui concerne l’enclos d’Alison, il est plus vaste et occupe alors une grande partie de la zone située à l’ouest de l’actuelle rue Rouget‑de‑Lisle. Cependant, avant d’être la propriété de la famille Alison, aux xviie et xviiie s., il appartenait à messire Charles de Calvière, juge‑criminel, lui‑même acquéreur de M. Ferrier (A.D.G.G. 214).
61C’est à la faveur des guerres de Religion que ces terres, auparavant propriété du chapitre, ont été accaparées par ces laïcs. Ceux‑ci avaient, à l’origine, acheté au conseil de ville réformé, mis en place dans les années 1 560, les terres confisquées au chapitre, à l’évêque et à diverses congrégations religieuses. Au xviie s., la majeure partie de ces terres « abusivement » rattachées au fonds communal sont restituées aux religieux. Mais ceux de leurs biens déjà cédés à divers propriétaires particuliers sont restés en possession de ces derniers, qui pouvaient d’ailleurs arguer de titres de propriété en bonne et due forme pour garantir leurs droits. Les plus importants de ces propriétaires, les Alison, n’exploitent pas directement les terrains dont ils sont ainsi devenus « seigneurs », mais les concèdent à des tenanciers moyennant un cens, comme le faisait auparavant le chapitre.
Le xviiie s. : de nouveaux rapports
62Au début du xviiie s., l’enclos d’Alison se trouve partagé en une trentaine de parcelles, exploitées par presque autant de tenanciers, puisque certains d’entre eux cultivent parfois deux lots distincts. Par ailleurs, le plan de Lieutier (fig. 230), vers 1722, révèle qu’une partie de ces tenanciers ont élevé une construction –et, parfois, plusieurs– sur leur(s) parcelle(s). Ces constructions doivent même faire office d’habitation, pour les plus modestes –maçons, charpentiers, artisans du textile, ouvriers agricoles– qui tirent du terrain environnant de quoi compléter leurs revenus ou leur alimentation quotidienne. D’autres, plus aisés –avocats, fabricants de tissus, architectes, marchands de soie ou de drap...– n’utilisent plus qu’une portion du terrain à des fins purement agricoles, le reste étant aménagé plutôt comme « espace de loisirs » comme le suggèrent les mentions évoquant les « jardins à fleurs ». Ce sont ces tenanciers fortunés qui ont tendance à faire bâtir, peu à peu, plusieurs maisons sur place : celles‑ci sont ensuite louées à des artisans ou, dans certains cas peut‑être, « prêtées » à titre gracieux aux ouvriers agricoles chargés de l’entretien des cultures. Cependant, il est vraisemblable aussi que l’une de ces constructions serve de « maison des champs » à ces tenanciers bourgeois, qui viennent s’y détendre en famille.
63Ces constructions sont d’ailleurs significatives d’une conception nouvelle des rapports entre le « seigneur » et ses emphytéotes : en y élevant des maisons de plaisance, qu’ils étaient seulement censés mettre en culture dans la « logique féodale » d’origine. Ainsi, les liens féodaux associant les tenanciers au seigneur s’estompent graduellement, même si le cens continue à être versé ; mais la redevance est, au xviiie s., davantage un symbole qu’une réelle source de profit. Progressivement, les tenanciers qui sont suffisamment fortunés vont se « libérer » de cette charge qui, pour être symbolique, n’en est pas moins une marque d’assujettissement, en rachetant cette obligation féodale par le versement à la famille d’Alison d’une somme forfaitaire3.
5.2.4.2 Du xve au xviiie s. : un émiettement des parcelles, une démocratisation des tenanciers
64Au xve s., l’ensemble du vaste îlot ici examiné est partagé entre seulement neuf tenanciers, auxquels s’ajoute l’abbesse, qui exploite directement deux parcelles. Cette répartition se maintiendra, à travers les mutations successives, jusqu’aux années 1670.
65En ce qui concerne le statut social, autant qu’on puisse en juger d’après les titres –ou leur absence– et les professions citées, les notables constituent la majorité des tenanciers, du xve au xviie s. Parmi les noms, on relève en effet ceux de plusieurs membres de la famille de Baudan : Guichard, maître des œuvres du roi en la sénéchaussée de Nîmes et Beaucaire, ou encore Pierre, simplement qualifié de « bourgeois », puis son fils Jacques, seigneur de Vestric (Falgairolles 1926 : 6, 20). D’autres aristocrates, appartenant à la magistrature, sont cités : Jean de Lacroix, en 1480, Bernard de Laval, acquéreur de Guichard de Baudan en 1544, puis ses héritiers. On peut mentionner encore, pour la fin du xve‑début du xvie s., une famille liée à la magistrature, après l’avoir été au notariat, les Valette, et le sous‑viguier Louis Fabre, vers 1480. À leurs côtés figurent en outre, au xvie s., le marchand Guillaume Delaure puis ses héritiers, et un bourgeois –c’est‑à‑dire un rentier, à cette époque– Jean Roussière.
66Comme on pouvait s’y attendre, ces personnages fortunés détiennent la presque totalité des parcelles les plus vastes ; disposant de surcroît d’une domesticité nombreuse, ils lui en font assurer la mise en culture, ou appointent à cet effet des ouvriers agricoles.
67Cependant, outre ces tenanciers disposant indéniablement d’une confortable fortune, on relève en 1480 le nom d’un tailleur, François Samson, exploitant sept clos d’oliviers si bien que, en dépit du caractère artisanal du métier qu’il exerce, il paraît difficile de le situer socialement : convient‑il de le classer dans la catégorie des « maîtres » aisés, voire riches, ou ne s’agit‑il que d’un simple artisan, cultivant lui‑même, avec l’aide de sa famille, ces oliveraies ? Or, aucun titre de « sieur » ou de « maître » ne précédant son patronyme, ainsi qu’il est d’usage pour les notables, et à moins qu’il ne s’agisse d’une omission de la part du clerc, la seconde éventualité semble être la plus probable.
68D’autres tenanciers peuvent également être situés parmi les artisans et/ou ouvriers agricoles, en l’absence de titres et/ou de mention concernant leur métier, en raison des surnoms, parfois pittoresques, qui accompagnent leur patronyme : Guilhaume Rodier, dit Lhermitte, et Jean Rodier, dit Chantal, se succédant sur le même clos d’oliviers fin du xve‑début du xvie s. ; ou encore, au début du xviie s., Jean Gaussaud, dit Mange lebes, pour un terrain démembré de la parcelle de M. de Baudan‑Vestric.
69Enfin, dans plusieurs cas, la profession du tenancier permet sans ambiguïté de le situer socialement : nous voyons ainsi la même petite parcelle être détenue, vers 1544, par Antoine Grieu, « travailleur » –c’est‑à‑dire ouvrier agricole– et, au début du xviie s., par P. Barre, tisserand, qui la transmet ensuite à un autre P. Barre, « travailleur » celui‑là. Un certain Pierre Guilhon, jardinier, était détenteur de la parcelle mitoyenne entre 1544 et 1563. On peut encore mentionner un chaufournier, Georges Bertrand, qui fait reconnaissance au chapitre le 20 septembre 1487.
70La répartition entre ces différentes catégories sociales évolue dans le sens de la démocratisation au long du xviie s. : l’aristocratie formée par l’élite des magistrats du présidial cède la place à une « bourgeoisie » active, liée au textile comme au milieu judiciaire notamment. Les « bourgeois » ne sont plus représentés, en 1671, que par Jérôme Carcenat et François Guiraud... une caractéristique de ces temps puisque l’époque est placée sous le signe de la création d’entreprises, plus rentables que les revenus que produisent terres et immeubles. C’est pourquoi les marchands se font plus nombreux, se substituant aux tenanciers issus de la noblesse de robe, de la bourgeoisie ou du milieu artisanal. Cette évolution doit être mise en relation avec l’essor contemporain des activités textiles locales, largement orientées vers l’exportation, d’où le rôle accru et l’enrichissement correspondant des marchands (Teisseyre‑Sallmann 1982 : 185‑197). Leurs représentants sont ici, vers 1670, Jean Rey, Jean Audiffret, André Sabatery, puis son fils Pierre, spécialisé quant à lui dans le commerce de la soie. À ceux‑ci s’adjoint bientôt Pierre Paulhan, acquéreur de la parcelle du médecin Paul Borelly. Le milieu judiciaire est moins bien représenté, par les seuls Cézar de Lapierre, greffier, dans le courant du xviie s., et Barthélemy Icard, avocat.
71En ce qui concerne les artisans, nous avons évoqué plus haut la parcelle que le tisserand P. Barre transmet à son descendant, simple « travailleur ». Un autre tisserand, P. Maurin, puis ses descendants sont également cités, vers 1609, pour une portion de terrain démembrée de la propriété de Jacques de Baudan‑Vestric.
72La période la plus décisive concernant la « démocratisation » de l’occupation des sols se situe entre le dernier quart du xviie s. et les années 1722. L’arpentement de l’enclos d’Alison, effectué en 1722, cite une trentaine de tenanciers là où il n’y en avait auparavant qu’une dizaine. Il y a donc division des vastes clos en parcelles plus réduites, certaines se limitant à une simple maison d’une centaine de mètres carrés au sol en moyenne, mais parfois moins, avec ou sans jardin. Les artisans sont, désormais, les plus nombreux ; certains d’entre eux ne détiennent ici que des lots très réduits, par exemple, entre 80 et 100 m2 pour les habitations, sans jardin, des maçons Vigier et Delon et du « travailleur » Benoit. D’autres exploitent des parcelles aussi vastes que celles de personnages appartenant au milieu des marchands‑fabricants ou à la bourgeoisie des rentiers : c’est le cas du tisserand Pierre Castilhon, avec plus de 4 000 m2, ou du maçon Savanier, qui juxtapose une vigne de près de 2 800 m2, deux maisons de 160 m2 chacune et un jardin de 360 m2. Ces chiffres révèlent bien les disparités dissimulées sous le qualificatif d’artisan, et cela à l’intérieur d’un même corps de métier, bien qu’il soit possible que certains des plus modestes occupants disposent d’autres biens en ville, ou dans un autre faubourg ; la majeure partie des artisans ne possèdent cependant ici que des terrains de dimensions réduites, ce qui doit refléter, en règle générale, le caractère tout aussi restreint de leurs moyens d’existence.
73La répartition par catégories professionnelles de ces artisans révèle une majorité de représentants des métiers du bâtiment : trois maçons, un maître‑paveur et un charpentier. Quatre ouvriers agricoles sont cités, l’un d’entre eux succédant à un fileur de soie. Les métiers du textile constituent un autre pôle privilégié, avec ce fileur de soie auquel se joignent un tisserand et un faiseur de bas. Vient ensuite un cordonnier, puis trois occupants dont le métier n’est pas mentionné mais dont le patronyme n’est précédé d’aucun titre, ce qui laisse supposer qu’il s’agit, là encore, d’artisans.
74Nous avons gardé pour la fin les chaufourniers, qui avaient valu au chemin de La Calmette son appellation de chemin –ou rue– des Fours‑à‑Chaux. Trois ateliers sont repérables ici, regroupés au niveau de l’angle des actuelles rue Pasteur et place de la Révolution. Le plus confortablement installé est Pierre Beque, qui dispose de deux maisons avec une cour et d’un four‑à‑chaux, le tout couvrant 592 m2 au sol ; son voisin mitoyen, Jean Chavanier, ne possède que 316 m2, sur lesquels sont implantés son habitation et son four‑à‑chaux. Le dernier atelier, comprenant lui aussi une maison et un four‑à‑chaux, est d’une superficie de 232 m2 seulement ; il est détenu par un marchand de soie, M. Carle, qui le loue vraisemblablement à un chaufournier.
75En considérant les catégories sociales plus aisées, nous constatons que les fabricants et négociants du textile sont les mieux représentés parmi celles‑ci avec trois marchands de soie, deux marchands‑drapiers, un fabricant de bas et un teinturier. Nous ne relevons, par contre, que trois représentants des professions libérales : un avocat, un architecte et un médecin. Viennent, enfin, six personnages qui semblent être des notables, nobles et/ou « bourgeois‑rentiers », au sujet desquels aucune profession n’est mentionnée mais dont le patronyme est toujours précédé des titres « sieur », « monsieur » ou, encore, « demoiselle ».
76Cette énumération des métiers et qualités des détenteurs de ces terrains montre que l’occupation du faubourg de la Boucarié reflète assez bien la composition de la société nîmoise du xviiie s. Le textile étant, plus que jamais, l’activité maîtresse de l’économie nîmoise, il est naturel que marchands et fabricants apparaissent, alors, plus nombreux et plus fortunés que par le passé. En dépit de crises cycliques, le textile, grâce notamment aux produits à base de soie, est la source d’une prospérité qui s’exprime à divers niveaux (Teisseyre‑Sallmann 1982 : 198‑213). Le flux migratoire traditionnel depuis les Cévennes vers le bas Languedoc profite particulièrement à la ville, attirant des artisans du textile, mais aussi d’autres corps de métiers qu’intéressent les perspectives offertes par la prospérité nîmoise. En effet, l’essor démographique suscité par ces migrations nécessite la construction de maisons d’habitation où loger les nouveaux venus et des équipements publics accrus (abattoirs, églises...), sans parler des grands chantiers, tel celui de la Fontaine, entraînant l’afflux de maçons, charpentiers..., et l’augmentation du nombre des ouvriers agricoles employés à la culture des produits qui alimentent en partie les marchés nîmois.
77La classe des « bourgeois », rentiers de biens immobiliers, s’enrichit par contrecoup, grâce aux locations de maisons, de terres arables, et aux intérêts produits par l’argent réinvesti dans les entreprises locales.
5.2.4.3 Une diversification accrue de l’occupation du sol
78Nous avons vu que, dans les années 1670, les grandes parcelles n’offraient guère de variété quant à la nature de leur utilisation : une majorité d’oliveraies, quelques vignes et, dans une moindre mesure, des « terres » dont l’affectation exacte n’était pas précisée, de rares bâtiments.
79En une trentaine d’années à peine, la situation évolue notablement. La quasi‑totalité des occupants –soit une trentaine de personnes– ont fait bâtir chacun entre une et trois maisons, voire plus car, dans certains cas, seule la mention « maison » au pluriel figure sur le plan géométral. Le faubourg perd donc son caractère purement rural pour devenir « résidentiel », sans que l’on puisse encore parler d’urbanisation réelle, dans la mesure où ce sont encore les terres agricoles et jardins qui occupent l’essentiel du sol. À côté d’habitations fort modestes (de 20 à 100 m2 au sol), construites par des artisans ou par des propriétaires aisés qui les louent, on trouve plusieurs vastes demeures accompagnées de leur jardin d’agrément, visiblement utilisées comme maisons des champs ; on dirait « folies » en d’autres régions à l’égard de telles constructions. Ceci peut surprendre, à l’heure actuelle, eu égard à la faible distance qui les séparait des murs de la ville, mais il faut rappeler qu’à l’aube du xviiie s., être hors les remparts était en soi un facteur de « dépaysement » pour l’élite de la société urbaine. Cette dernière n’aurait pas songé alors à établir sa résidence principale à l’extérieur de l’enceinte urbaine mais, l’aisance aidant, pouvait se permettre d’y aménager un lieu de détente offrant sur les autres propriétés situées réellement à la campagne l’avantage de la proximité. On pouvait éventuellement y passer aussi quelques nuits d’été dans une atmosphère moins oppressante que celle du centre ville où la ceinture de remparts, rendant malaisée la circulation de l’air, ajoutait encore aux inconvénients de la canicule.
80Toutes les grandes maisons, et la plupart des petites, s’entourent d’un jardin et, dans quatre cas, il est précisé sur le plan Lieutier (fig. 230) qu’il s’agit d’un jardin à fleurs, ce qui confirme, s’il en était besoin, le caractère de lieux de loisirs d’une partie de ces constructions. On compte, au total, une quinzaine de jardins, trois d’entre eux s’accompagnant de vergers indépendants. Quant aux oliveraies, il en existe encore huit ; mais les vignes, en revanche, se sont multipliées puisqu’on en compte treize. On note ensuite cinq « terres » et sept « parrans » –ou parcelles– sans affectation précise, mais ayant en général des dimensions dépassant celles des vignes, jardins et vergers ; ceux‑ci sont d’ailleurs groupés, pour la plupart, auprès des habitations, c’est‑à‑dire dans la partie sud du faubourg. Il est aussi fait mention de quelques équipements particuliers : une citerne, dans le jardin du docteur Baux ; un puits à roue, installé dans l’une des cours de maisons de M. Guiraud et la « vanade » –hangar ou bergerie ?– du sieur Pourrat. Ce dernier possède également auprès d’une de ses maisons une « garenette », terre paraissant désigner un lieu clos, sorte de basse‑cour vouée à l’élevage des lapins. En ce qui concerne la disposition des jardins, on note à plusieurs reprises la présence de terrasses, qui peuvent correspondre aux « bancels » cévenols et s’expliquent par le dénivelé des terrains ; enfin, on remarque que les parcelles semblent être presque toutes cernées de murs en pierres sèches. Cette présence de murs est d’ailleurs confirmée par les états des lieux réalisés pendant la Révolution pour les propriétés de ce secteur, détenues précédemment par des ecclésiastiques ou des aristocrates. Nous évoquerons, par exemple, une grande parcelle, mitoyenne au nord du jardin du gouverneur, et qui se trouvait doublement dans ce cas car située dans la mouvance de la chapelle de la Véronique et dépendante ensuite des Bénédictins. Ceux‑ci ne l’exploitent pas directement puisque, en 1790, le chaufournier Beque déclare en être fermier moyennant 71 livres par an.
81La parcelle est décrite comme un enclos, cerné de murs rebâtis récemment pour une part, et élevés, puisqu’ils ont en moyenne 4,5 m de haut. L’accès se fait du côté du chemin de la Calmette par une porte piétonne ainsi que par « une grande ouverture formant porte cochère [...] en arceau ». Par ailleurs, des expertises comme celle‑ci permettent de voir que, malgré la progression du bâti dans le faubourg, celui‑ci conserve un caractère semi‑rural encore au moment de la Révolution avec, entre autres, le grand jardin du gouverneur et cet enclos voisin, dépourvu de constructions mais muni d’un puits. Enfin, en ce qui concerne la diversification des cultures, nous en avons ici un bon exemple, puisque le terrain en question est « complanté de mûriers au nombre de 34 », production qui n’était pas signalée dans la partie ouest du faubourg au début du xviiie s. Cette évocation du mûrier n’est pas isolée alors à Nîmes : l’enclos des Carmes, mis en vente comme bien national à la même époque, en contenait aussi. Qui dit mûrier, dit ver à soie, on peut donc penser que la sériciculture était alors pratiquée aux portes mêmes de la ville, ne serait‑ce qu’à une échelle modeste, et pas seulement dans les villages de l’arrière‑pays. Le fait que l’exploitant des mûriers soit en même temps chaufournier –et peut‑être aussi éleveur de vers– donne à réfléchir sur la manière de se procurer des ressources complémentaires chez les artisans nîmois d’alors et témoigne, en même temps, du caractère « envahissant » des activités de production liées au textile (A.D.G. 2 Q 32 = expertises du 7 décembre 1790 et du 10 mars 1791).
5.2.5 Témoignages de l’Époque moderne dans les secteurs fouillés
5.2.5.1 De la maison de M. Teissier au couvent des Bénédictins : Les Villégiales
82L’énumération précédente a permis de juger pleinement du caractère encore très champêtre du faubourg de la Boucarié au cœur du xviiie s., qui lui valait de demeurer relativement tranquille et donc propice à l’installation d’un couvent de Bénédictins. Ce couvent ne fut pas créé ex nihilo, la communauté étant, en effet, déjà présente à Nîmes depuis le xviie s. et disposant d’un immeuble sis place Belle‑Croix. Mais celui‑ci étant situé dans le centre de la ville, au carrefour de plusieurs artères fort bruyantes, il n’offrait pas aux moines l’atmosphère de calme et de recueillement souhaitable, ce qui conduisit à négocier un échange d’immeubles entre les moines et M. Teissier. Au terme de cet échange, la communauté de Bénédictins s’installa dans la maison que le riche marchand drapier avait fait bâtir sur le sol de l’enclos d’Alison : c’est de cette époque que date l’appellation de « rue des Bénédictins » désignant la ruelle à l’angle de laquelle se dressait leur immeuble.
83Cependant, avant d’envisager l’installation des moines, il est intéressant d’évoquer la destinée de la parcelle depuis son acquisition par M. Teissier, car le personnage et sa démarche illustrent de façon concrète, chez les commerçants en textile, les données, conséquences et attitudes liées à l’essor économique nîmois de cette époque. L’immeuble et les terrains qui nous intéressent ici sont donc devenus, au début du xviiie s., la propriété du marchand drapier Jean Teissier, qui l’avait achetée à son beau‑frère et associé en affaires, Simon Greffeulhe, lui‑même acquéreur, en 1707, de la veuve Sabatier. À cette époque, il ne s’agissait que d’« un jardin, cazal (masure ou petit bâtiment sans affectation précise) et vignes encloses de grandes murailles et couvrant 300 cannes carrées (environ 1 200 m2) » d’une valeur de 1 150 livres, dont 220 livres de matériaux de construction visant à « faire de grandes réparations pour en faire une maison logeable ». L’ensemble est encore décrit, en 1722, comme étant une sorte de petite métairie, réunissant « maison, four, jardin et vignes » et « confrontant du Levant le chemin allant de Nîmes à La Calmette (actuelle rue Rouget‑de‑Lisle) [...] du Midy, Jacques Genthien, marchand de soye, rue ou chemin entre eux deux (actuelle rue des Bénédictins) » (A.D.G.H. 210. Liste des biens de Jean Teissier, marchand, copie du compoix, livre nouveau continué, f° 1730).
84Héritant de son beau‑frère, après la mort de sa sœur, un grand terrain situé juste en face du sien, au sud, et pratiquant une politique d’achats successifs entre 1707 et 1718, Jean Teissier augmente son bien de manière importante. Dès 1712, il acquiert la totale possession de son terrain en rachetant à la veuve du procureur d’Alison ses droits, par le versement d’une somme globale3.
85Jean Teissier, commerçant très fortuné, a visiblement eu à cœur, une fois ces négociations achevées, de faire soigneusement réaménager sa propriété. Le style de la façade sur cour, correspondant à l’esthétique à l’honneur à Nîmes dans le courant du xviiie s., va dans le même sens que les documents d’archives pour suggérer un remodelage effectué à partir de la petite maison rurale du xviie s. Celle‑ci a été agrandie et aménagée avec d’autant plus de soin que Jean Teissier, comme beaucoup de riches bourgeois de son époque, n’avait de cesse de continuer à gravir les échelons de la hiérarchie sociale. Il lui fallait donc une demeure qui soit à la mesure de ses ambitions. Elles furent d’ailleurs pleinement satisfaites puisque son fils acquit la seigneurie de Marguerittes et put prendre le titre de baron. Dans ces conditions, on comprend mieux la raison pour laquelle cette maison fut aussi soigneusement rénovée ; il est probable que l’on a fait appel, en l’occurrence, à ceux qui étaient considérés à Nîmes comme les meilleurs de leur génération : peut‑être l’architecte Pierre Dardailhon et le sculpteur Jacques Mauric ?
86Cette maison a été soigneusement restaurée, en 1992, par le promoteur immobilier qui y a établi son siège social, et qui a réussi à lui rendre son aspect d’origine en s’appuyant sur un état des lieux dressé le 1er juillet 17714 : le style classique par l’horizontalité de ses lignes, le rythme régulier des baies, sa symétrie et l’accent mis sur l’axe central, ses ornements bien dosés donnent une version pleine de retenue de l’esthétique du xviiie s. (fig. 231). Le parti de sobriété sur rue correspond à une attitude souvent constatée ici : on peut citer à cet égard, entre autres, le luxe déployé sur cour pour la mise en scène de l’escalier de l’hôtel de Fontfroide (14, rue de l’Aspic), par contraste avec la simplicité de sa façade.

FIG. 231 – Façade, restaurée en 1992, de l’ancien hôtel du XVIIIe s. de M. Teissier donnant sur la rue Rouget‑de‑Lisle.
cl. C. Potay/Agence d’urbanisme de Nîmes
87La façade sur jardin de la maison de M. Teissier doit être rapprochée de celle d’un autre édifice nîmois, sensiblement contemporain, l’hôtel de l’Artillerie (9, boulevard Gambetta). On retrouve, en effet, sur les deux constructions les mêmes ingrédients décoratifs : tables garnissant les allèges, division des niveaux doubles et en bandeau, corniche en pierre moulurée à masques de lion et, au niveau de l’axe central, des éléments similaires : volutes ornées d’éléments végétaux accostant la fenêtre du premier étage, fronton du couronnement portant des éléments sculptés en haut‑relief. La différence porte sur le choix de ceux‑ci, adaptés à chaque fois à la nature de la construction : ils sont d’esprit bucolique sur la demeure de M. Teissier, ainsi qu’il convient pour une construction privée élevée dans le faubourg –lieu encore rural– (fig. 232) ; par contre, à l’hôtel de l’Artillerie, il s’agit d’un trophée d’armes, ajouté au xixe s., lorsque l’immeuble a été concédé à l’administration militaire. On notera que la façade du Grand Temple de Nîmes (ex‑église des dominicains), élevée entre 1716 et 1747, a elle aussi reçu un décor à base de volutes latérales, semblable à ceux que nous venons d’évoquer.

FIG. 232 – Façade restaurée de l’ancien hôtel de M. Teissier donnant sur le jardin intérieur.
cl. C. Potay/Agence d’urbanisme de Nîmes
88Bien qu’aucun des documents conservés ne livre le nom de l’architecte de la maison de M. Teissier, on peut, par référence à ces autres édifices, retenir les deux noms cités plus haut : Pierre Dardailhon, Louis ou/et Jean Mauric. Pierre Dardailhon descendait d’une longue lignée d’architectes installée à Nîmes depuis les années 1660. Il fut, notamment, responsable de l’achèvement du palais épiscopal et exerça les fonctions d’architecte de la ville. On lui attribue la construction de l’hôtel de l’Artillerie, dans le courant du xviiie s. Quant aux Mauric, ils furent à la tête du principal atelier de sculpture nîmois : Philippe, le père, à la fin du xviie s., ainsi que Louis et Jean, les fils, au xviiie s., travaillaient pour le chapitre de la cathédrale, pour l’évêque, à titre privé, aussi pour les chanoines. Ils réalisaient, pour la ville cette fois, les décors de fête lors des visites de personnalités... et devaient recevoir nombre de commandes de la part de l’aristocratie et de la bourgeoisie locales. L’intervention de l’un des frères Mauric sur la maison de M. Teissier doit être sérieusement envisagée : Jean Mauric, à la fois sculpteur et architecte, était en effet à l’origine du projet pour l’église des dominicains et, bien qu’il soit décédé à la fin des années 1730, son frère Louis, peintre‑doreur et sculpteur, a encore poursuivi sa carrière durant de nombreuses années. Il nous paraît probable que l’un des deux frères ait participé, tout au moins en ce qui concerne la réalisation de la partie décorative, à l’aménagement de la maison de la rue Rouget‑de‑Lisle.
89Pour ce qui est du jardin, les experts lui consacrent plusieurs pages lors de l’état des lieux de 1771, ce qui montre bien son importance et nous permet d’apprécier le soin dont il avait fait l’objet ainsi que de mieux évoquer le caractère de « maison de plaisance » qu’il conférait à l’immeuble. On y insiste tout particulièrement sur le « parterre » s’étendant devant la façade de la maison et qui constituait un « morceau de choix ». Mesurant une cinquantaine de mètres de long sur une vingtaine de mètres de large, celui‑ci était constitué de : « six carrés garnis de buy en compartiment avec plusieurs pyramides de buy et autres pièces rondes et carrées, dans les carrés en compartiments », pour compléter cet ensemble on y avait ajouté treize arbres fruitiers « comme poirier et pêcher ». À gauche du parterre, une banquette de maçonnerie recouverte de pierre de taille moulurée courait au long du mur de clôture : elle était garnie de lauriers‑tins « formant palissade ». À droite, une semblable banquette, mais sans lauriers‑tins, limitait le parterre. Elle était dominée par un mur de soutènement de quatre mètres de haut et d’une vingtaine de mètres de long, terminé par « une grande console en pierre » et, ensuite, relayé par un second mur moins haut et long d’une trentaine de mètres ; ces deux dispositifs portaient à leur sommet un canal en pierre servant à conduire les « eaux des couverts des bâtiments dans une sisterne ».
90À l’extrémité de ces murs, une porte ornée, avec « ses piédroits en forme de pilastres, couverte et console sculptées, une corniche par‑dessus », menait vers la citerne. Cette porte était encore flanquée de deux panneaux « garnys de coquillage et autres compositions » ; ce terme « coquillage » doit désigner les motifs contournés, tout en courbes, contre‑courbes et découpures qui donnèrent à une partie de l’art du xviiie s. l’appellation d’art rocaille, ou rococo.
91La volière posée auprès de ce dispositif était comparativement plus sobre d’aspect. Formée de pilastres et d’un couvert en pierre de taille, débordant sous forme d’une corniche moulurée, ses ouvertures étaient obturées par un « double chassis de fert garni de fil de fert ». Sa porte était cependant dotée de quelques ornements : elle était surmontée d’une « corbeille de fleurs et de trois hurnes en pierre de taille », et fermée par des vantaux en noyer.
92Comme on le voit, le jardin avait été tout aussi soigneusement aménagé que la maison ; on y retrouvait des éléments de la même facture que ceux de la façade sur jardin : il y avait donc une osmose complète entre la maison et son environnement.
93On mentionnera aussi, pour témoigner à la fois des goûts et de la fortune des Teissier de Marguerittes, la présence d’un second jardin, doté d’une fontaine richement décorée dans le style rococo, d’après ce que suggère sa description : cette fontaine est nommée « cascade » par les experts, qui nous la décrivent comme un dispositif effectivement imposant puisqu’elle mesure 4 cannes 4 pans de hauteur (soit près de 9 m), 2 cannes 1 pan de largeur (environ 4,20 m) et 2 cannes 2 pans 1/2 de profondeur (environ 4,70 m). Elle est enrichie d’un décor de « coquillage et de Roquaille a panau en dessein jusques a la voûte ainsi que les pilastres extérieurs. Le dessus est une corniche de pierre de taille en plein ceintre. Sur la corniche un gros vase qui verse des goutes et deux Dauphins un de chaque cotté [...] de chaque cotté de ladite Cascade il y a un mur avec deux portiques garnis de syprès. Entre la Cascade et les portiques sur ledit mur quatre paniers et fleurs et trois hurnes [...] ».
94À la fin des années 1760, n’ayant plus rien à prouver par la pierre pour attester de sa réussite sociale, ou bien encore séduit par les avantages consentis, le baron Joseph Teissier de Marguerittes, fils de Jean, accepte d’échanger cette maison et toutes ses dépendances contre l’immeuble des Bénédictins. Nous avons déjà évoqué plus haut les raisons de cet échange, et ses clauses avantageuses nous sont données dans une lettre patente de juillet 1770 : les Bénédictins ne trouvent pas le calme nécessaire à leur vocation dans leur couvent installé place Belle‑Croix, au milieu de l’une des artères les plus animées de la ville. Ils souhaitent donc obtenir la maison de M. Teissier de Marguerittes, vaste, en bon état et située dans un endroit tranquille. En contrepartie, ils sont prêts à lui donner leur monastère, qui pourra servir à l’établissement d’une construction d’utilité publique, ou être loué avec profit, ainsi que des terres qu’ils détiennent à Marguerittes.
95Une enquête Comodo et Incomodo (ancêtre de l’enquête d’utilité publique), effectuée dès août 1770, souligne les bienfaits que chaque parti retirera de l’échange, concluant : « [...] les jardins enclos et la situation des lieux sont beaucoup plus convenables à l’état des Bénédictins. D’ailleurs, n’y ayant pas dans ce faubourg d’église près, celle que les Bénédictins y feront construire sera d’une très grande commodité pour tous ceux qui habitent ce faubourg qui s’agrandit tous les jours [...] ». L’échange, ratifié le 1er septembre 1771, est confirmé peu après par lettres patentes du roi Louis XV.
5.2.5.2 Le puits à roue de M. Guiraud : 11, rue des Bénédictins
96Les plans du chapitre permettent de suivre globalement, depuis la fin du xve s., la destinée du secteur où est situé l’actuel no 11 de la rue des Bénédictins. Cependant, le caractère très schématique de ces documents, les démembrements ultérieurs ajoutés à la restructuration de la voirie qui ont modifié les repères dans le temps doivent rendre prudent quant à l’utilisation de ces plans.
97Avant 1480, la parcelle qui nous intéresse fait partie d’un jardin tenu par le sous‑viguier Louis Fabre qui le transmet d’abord à sa femme, puis à leurs descendants. À ces derniers se substitue ensuite un certain Raymond Fagues, puis Marguerite Reine, épouse de Jean Roussière, bourgeois de Remoulins. Celle‑ci cédera son emphytéote, le 26 août 1599, à Jacques de Baudan, seigneur de Vestric, et au marchand Jean Audiffret : le premier reçoit 1/4 d’esmine et le second 5/4 d’esmine.
98Jacques de Baudan joint cette portion aux autres parcelles qu’il détient déjà –situées à l’est du chemin correspondant à l’actuelle rue Nerva.
99Les Baudan, protégés par Henri iv, occupent des postes de hauts magistrats, d’officiers supérieurs ou de hauts fonctionnaires –tel celui de maître des Ouvrages du Roi– et ne tardent pas à être anoblis, autant en raison de leurs fonctions que par l’achat de seigneuries. Nous voyons d’ailleurs que le père de Jacques, Pierre Baudan, était simplement qualifié de « bourgeois ». Il avait fait don à Jacques d’une propriété d’une salmée, en bordure du chemin de la Fontaine, en vertu de son contrat de mariage du 12 mai 1565 : celui‑ci lui attribuait le quart des biens paternels, à l’exception du moulin et du clos attenant situés auprès de la source de la Fontaine. Jacques ajoute donc à ces terres celle acquise en 1599 de la veuve du bourgeois Jean Roussière. Cette nouvelle parcelle semble s’étendre approximativement jusqu’au niveau des actuelles parcelles DT 217‑218, au nord, atteint, au sud, l’actuelle rue Pasteur, à l’ouest, la rue de la Tour‑Magne et à l’est, la rue Nerva.
100Dès 1609, nous assistons à son démembrement entre plusieurs emphytéotes : Jean Gaussaud, dit Mange‑Lebes ; P. Maurin, tisserand, ès‑biens de son épouse ; Claude Deidier, sieur de Puechméjan ; Jean Hours ; Passebois. Jacques de Baudan paraît n’en conserver qu’une portion, qu’il exploitera directement et qui sera ensuite cédée au sieur Icard, avocat (A.D.G.G. 214).
101Ces parcelles se trouvent incluses, fin xviie‑début xviiie s., dans le vaste enclos d’Alison. Nous avons, à ce moment, une image beaucoup plus précise de l’occupation de l’espace au niveau de l’actuel no 11 de la rue des Bénédictins. L’artère est désignée, vers 1720, comme « rue depuis la cour de M. Guiraud jusques au chemin de la Calmette » : effectivement, au lieu de se couder pour former retour à l’ouest, vers la rue Pasteur, comme c’est le cas aujourd’hui, la rue –qui semble plutôt un sentier– s’achève à l’ouest en cul‑de‑sac, dans une cour cernée par plusieurs maisons appartenant au marchand de soie Samuel Guiraud pour la plupart, et au médecin Moïse Baux pour deux d’entre elles. Ces maisons ont été en partie détruites lors du prolongement de la rue des Bénédictins vers la rue Pasteur, lequel s’est fait à travers un grand jardin étiré du nord au sud et propriété, vers 1720, du même M. Guiraud. Le reste de l’emplacement de ce jardin est occupé actuellement par l’immeuble « Fontaine des Bénédictins ». Du réseau viaire visible du xviiie s. subsiste cependant le petit chemin qui contournait les maisons de M. Guiraud, au nord, afin de desservir les terres agricoles situées plus à l’ouest et au N‑O. Cependant, M. Guiraud possédait encore d’autres petites maisons avec cours, longeant la partie N‑E de son jardin, ainsi qu’un grand puits à roue établi au milieu d’une cour, attenant à ces maisons et riverain de l’actuelle rue des Bénédictins. La ligne N‑O/N‑E de l’immeuble du 11, rue des Bénédictins occupe cet emplacement ainsi qu’une part du jardin de M. Baux qui était le voisin mitoyen de M. Guiraud, à l’est (fig. 230) (A.D.G.G. 255).
102Nous nous intéresserons particulièrement, ici, au puits à roue de M. Guiraud, car V. Lassalle a retrouvé son infrastructure lors de fouilles effectuées en 1969, préalablement à la construction de l’actuel immeuble du 11, rue des Bénédictins. La description qu’il en donne témoigne d’un aménagement important. Il consistait en une chambre souterraine rectangulaire, bâtie en moellons, mesurant près de 6 x 2,50 m et conservée sur une hauteur de 8,30 m. Les arrachements visibles dans sa partie supérieure attestaient de la présence initiale d’une couverture voûtée. La partie centrale, partiellement comblée en 1969, permettait à l’origine le captage de la nappe phréatique. C’est d’ailleurs pour résister à la poussée de l’eau que les parois latérales étaient dotées de grandes arcades aveugles, qui avaient une fonction d’arcs de décharge. Un couloir voûté, partant du niveau du sol et recelant un escalier, aboutissait au sud de cette chambre ; il comportait à mi‑parcours un regard, sous la forme d’un puits de 0,70 m de côté.
103Si l’on en juge par l’aspect des arcs de décharge latéraux, on pourrait penser à un aménagement effectué à la fin de l’époque romane ou au début de l’âge gothique. Cependant, ce serait conclure hâtivement car il faut préciser que ce système de construction d’origine médiévale a continué à être mis en œuvre jusqu’au xixe s., comme J. Pey l’a constaté après avoir observé plusieurs dispositifs similaires (Fabre et al. 1994 : 39‑57).
104Au début du xixe s., la propriété de M. Guiraud apparaît partagée entre l’ingénieur des Ponts et Chaussées Frédéric Journet et le négociant Joseph Fabre (A.D.G. 3 P 1703 Section A). Le premier en détient toute la partie ouest : la cour cernée de maisons où aboutissait la rue des Bénédictins, la vigne établie entre celles‑ci et le chemin de la Tour‑Magne, et le grand jardin descendant vers la rue de la Fontaine (aujourd’hui rue Pasteur). Le second récupère la partie est de l’ancienne propriété Guiraud, c’est‑à‑dire le puits à roue et les maisons voisines, ainsi que le jardin précédemment détenu par le docteur Baux. Vers 1885, à la suite de son mariage avec une demoiselle Fabre, Jules Gasquet devient propriétaire des parcelles de Joseph Fabre (A.D.G. 3 P 1707 Case 122). Il fait considérablement modifier le bâti, en réunissant et surélevant les constructions héritées du xviiie s. On peut supposer que le puits à roue est abandonné à ce moment : dans cette zone où l’urbanisation s’intensifie alors au détriment des jardins, il perd une partie de sa raison d’être avec la disparition de la vocation rurale du secteur, d’autant plus que l’alimentation en eau potable de la ville est désormais assurée en toute saison, depuis les années 1860, par les eaux du Rhône captées à Comps, par suite de la mise en œuvre du projet de l’ingénieur Dumont.
5.2.5.3 Les fouilles de La Fontaine des Bénédictins
105Les remarques concernant l’historique du 11, rue des Bénédictins, pour la fin du Moyen Âge, s’appliquent également à cette parcelle. L’emplacement qui nous intéresse ici paraît correspondre à celui de plusieurs oliveraies, et d’une « parran » que le chapitre baillait, dans les années 1460‑1520, à divers emphytéotes, notamment : Antoine Moratin, à qui succédèrent le fournier –ou plutôt chaufournier– George Bertrand et le tailleur François Sanson, plus tard remplacés à leur tour par le marchand Guillaume Delaure. Ces oliveraies furent remembrées dans le courant du xvie s. par Jean Roussière, en même temps que la parcelle mitoyenne au nord –tenue, au xve s., par le sous‑viguier– et l’ensemble fut partagé en 1599 entre le marchand Jean Audiffret et Jacques de Baudan, seigneur de Vestric (A.D.G. G. 214). Il est possible que les fosses circulaires retrouvées lors de la fouille de 1981 correspondent à une partie des excavations réalisées en vue de planter ces oliveraies.
106Lors de l’arpentement de l’enclos d’Alison, au début du xviiie s., ces terrains ont subi d’autres démembrements. La portion correspondant à la zone fouillée en 1981 était à cette époque détenue par M. Rastouin et se composait d’un jardin, riverain du chemin de la Fontaine, et d’une vigne occupant le fond de la parcelle. Trois petites maisons, espacées les unes des autres, étaient bâties aux limites de la propriété : l’une dans le jardin, adossée à son mur est ; la deuxième, certainement aussi à l’intérieur du jardin, mais contre le mur ouest ; la dernière dans la vigne, à l’angle N‑O (A.D.G. G. 255).
107Si l’on compare cet état avec celui présenté par le cadastre de 1820, on remarque que le bâti a considérablement augmenté. Seule, la petite maison élevée à l’angle N‑O demeure inchangée. Les deux autres constructions ont été modifiées et agrandies, au détriment de l’ancien jardin : celle placée à l’est couvre maintenant 268 m2, elle est séparée de la rue par un « parterre » –désignant ici, en fait, une cour à l’anglaise, établie en contrebas du niveau de la chaussée– ; quant à la maison ouest, elle a cédé la place à un nouvel édifice, plus vaste –214 m2– dont la façade principale donne directement sur la rue, tandis que la façade postérieure ouvre sur un autre « parterre ». Enfin, la vigne a disparu ; c’est le jardin qui occupe désormais cet emplacement. L’ensemble appartient, dans les années 1820, à M. Rochemaure, domicilié à Paris (A.D.G. 3 P 1703 Section A). Il en cédera une partie en 1833, puis le reste vers 1850‑1851 au banquier Gustave Bérard. Celui‑ci fait remanier l’ensemble aux alentours de 1857, donnant à la maison du 24 de la rue Pasteur l’aspect qu’elle conserve aujourd’hui. Pour ce faire, il abat le petit immeuble riverain de la rue et lui substitue une construction alignée sur la grande maison, en retrait du parterre antérieur, qui se trouve alors lui aussi prolongé, et il fait réaliser des travaux complémentaires visant à unifier parfaitement le bâti (A.D.G. 3 P 1788).
5.2.5.4 De la propriété de l’abbesse à la teinturerie : le site des Hespérides
108Contrairement aux autres terrains de l’ancien faubourg de la Bouquerie précédemment évoqués, le site aujourd’hui occupé par la résidence des Hespérides ne dépend pas du chapitre de Nîmes mais de l’abbesse de Saint‑Sauveur‑de‑la‑Font. Cependant, ce sont les plans du chapitre qui montrent le mieux la disposition des biens que possédait l’abbesse ici, tels qu’ils se présentaient encore fin du xvie‑début du xviie s. : ils formaient une large bande étendue d’ouest en est, du chemin de la Tour‑Magne à celui de la Calmette (aujourd’hui rue Rouget‑de‑Lisle) ; la limite sud pourrait avoir correspondu approximativement à une ligne prolongeant l’horizontale de notre actuelle rue d’Albenas, quant à la limite nord, on la situerait plutôt dans le prolongement des franges nord des actuelles parcelles 277 et 230. L’abbesse disposait là de 3 émines d’oliveraie et de 2 émines 1/4 de terre dont l’utilisation n’est pas précisée, qu’elle a continué à exploiter directement jusqu’au début du xviie s. Elle les a ensuite concédées à des emphytéotes, moyennant une modeste redevance d’une livre de cire : d’abord à Bertrand, puis au sieur François Guiraud auquel succéda Claude Guiraud, cité en 1671. Les Guiraud détenaient, en outre, d’autres terres mitoyennes au nord, atteignant le « Plan de la Tour Magne » et dépendant, quant à elles, du chapitre (A.D.G.G. 214).
109Au début du xviiie s., l’ancienne propriété de l’abbesse se trouve intégrée, elle aussi, à l’enclos d’Alison et apparaît subdivisée en plusieurs vignes, terres et jardins. L’emplacement de la future résidence des Hespérides est composé des parcelles alors désignées comme étant la « terre de Pierre Castilhon, tisserand », pour la majeure partie, et d’une partie de la « terre de Pierre Nivard, travailleur », mitoyenne à l’est. Pierre Castilhon cultive une oliveraie sur une partie de sa parcelle et il dispose au sud, en bordure du chemin, d’une petite maison (A.D.G.G. 255).
110Le puits du xviiie s. (Fabre et al. 1994 : 50) découvert sur ce terrain doit être lié à cette occupation : autant agricole que « résidentielle » et artisanale, nouvelle donc par rapport à la situation antérieure, purement rurale.
111Les fouilles effectuées en 1986 ont, par ailleurs, permis de découvrir une quinzaine de sépultures : dans des fosses ovales ou rectangulaires, les défunts –adultes et enfants– parfois protégés par des linceuls, avaient été déposés dans des cercueils de bois. L’horizon stratigraphique de creusement de ces inhumations permet de les mettre en rapport avec la fin xviie et la majeure partie du xviiie s. Durant cette période, qui suit la révocation de l’édit de Nantes en 1685, la foi réformée est mise hors la loi. Parmi les mesures destinées à favoriser les abjurations, on note la suppression d’un état civil pour les réformés et de leurs cimetières. Ceux qui se refusent à rallier l’Église romaine sont alors enterrés clandestinement dans les jardins et terres agricoles, où leurs sépultures sont souvent signalées plus tard par les cyprès plantés au moment de l’inhumation.
112Un siècle plus tard, la forme des parcelles de Castilhon et de Nivard reste bien lisible sur le feuillet A2 du cadastre napoléonien (A.D.G. 3 PFI 311 et note 25), mais les constructions couvrent désormais l’ancienne « terre de Pierre Nivard » et toute la partie sud de l’ancienne terre de Castilhon. Cependant, le reste de cette parcelle est encore, en majeure partie, voué aux activités agricoles et détenu par le « ménager » –ou propriétaire‑exploitant– François Boucoiran. On peut noter d’ailleurs que les Boucoiran étaient déjà installés dans ce même quartier vers 1730 : un Jacques Boucoiran y exploitait une grande vigne riveraine du chemin de la Tour‑Magne. François Boucoiran dispose ici d’une vigne de 2 980 m2, de la petite maison héritée du xviiie s., à laquelle s’adjoint une écurie mitoyenne à l’est, tandis qu’une remise et une autre écurie ont été bâties au S‑O. Les autres petites habitations situées en contrebas, au long de la rue des Bénédictins, appartiennent à des personnes dont la situation sociale paraît plutôt modeste en général –ainsi les « chineurs », plus chiffonniers que brocanteurs, Pierre et David Riquet ou le maçon Jean Laudier– ; quelques propriétaires, plus aisés, les utilisent à des fins locatives –par exemple le marchand de vin Louis Casse, vers 1880.
113En 1833, François Boucoiran cède sa propriété au bourrelier Jean Giran, dont les descendants la conserveront jusqu’en 1866‑1867. À cette époque, elle est acquise par le teinturier Jean Dumas, domicilié rue du Mûrier‑d’Espagne : il va faire bâtir un vaste atelier de teinture sur l’emplacement de l’ancienne vigne et transformer la remise en bureaux pour la gestion de son entreprise. L’installation d’un atelier de teinture dans ce secteur est liée aux facilités d’approvisionnement en eau offertes aux industriels du textile depuis le captage –alors récent– des eaux du Rhône à Comps. En revanche, l’Agau, zone d’élection jusque‑là de cette activité, déjà en partie détourné et transformé en une rue depuis 1826, perdra totalement sa vocation teinturière en 1876 en devenant, sur tout le cours du ruisseau, la « rue Neuve de l’Agau », puis la rue Nationale, en 1889 (Potay 1993).
114Quant à l’atelier de teinture qui nous intéresse ici, il disparaît en 1889 : Louis Dussaud, nouveau propriétaire des lieux, le fait démolir en même temps qu’il modifie le reste du bâti, agrandissant la maison du xviiie s. afin qu’elle rejoigne les bureaux et écurie et surélevant le tout (A.D.G. 3 P 1707 Case 137).
5.2.6 Le xixe s.
115C’est au xixe s. que le faubourg va véritablement s’urbaniser, ce qui est dû à la fois à la disparition des remparts, détruits entre 1789 et 1793 pour l’essentiel, et à la reprise de la croissance démographique et économique suivant les périodes de la Révolution et de l’Empire, aux alentours de 1820. Faisant désormais partie intégrante de la ville, ce quartier va alors connaître divers réaménagements afin que ses artères soient plus commodément articulées avec celles du centre, et cette révision de la voirie va à son tour susciter l’apparition de nouveaux noms de rues tandis que les axes anciens seront rebaptisés (fig. 233).

FIG. 233 – Plan anonyme de 1820. Le quartier est désormais fortement urbanisé. Conservé au musée du Vieux‑Nîmes.
cl. musées d’Art et d’Histoire de Nîmes (Naudin 1986)
116Le cadastre napoléonien, établi en fait dans les années 1820‑1830, et les plans de la ville qui se succèdent ensuite permettent de suivre le détail de ces changements. Les plus décisifs se produisent dans les années 1850‑1860 et marquent une accélération de l’urbanisation5.
117Une première étape est cependant franchie le 30 septembre 1824, date à laquelle la municipalité baptise, ou rebaptise, officiellement un grand nombre d’artères situées à la périphérie du centre ancien, ce qui marque obligatoirement l’amplification de l’emprise urbaine. Le choix des nouvelles appellations fait appel à des critères poétiques ; ainsi, toute une série de voies encore très champêtres, situées entre les avenues Jean‑Jaurès et Pompidou actuelles, ont été dotées de noms ayant trait à la végétation : rues des Cerisiers, des Tilleuls... Dans le quartier auquel nous nous intéressons ici, deux thèmes sont retenus : celui des historiens de la ville, d’où l’appellation des rues Ménard, Clérisseau et d’Albenas, pour les artères situées à l’est, et par ailleurs la référence aux empereurs romains, avec les rues Trajan, Titus, Adrien... à l’ouest.
5.2.6.1 Les places, pivots de la structuration nouvelle du quartier
118Au tout début du xixe s., la place de la Bouquerie n’a pas encore pris son extension actuelle, malgré la disparition du rempart peu d’années auparavant. Elle se présente comme un espace libre mais encore inorganisé. Elle est peu praticable, du fait des ornières qui la sillonnent ; quelques arbres l’égaient, mais sans parvenir à la rendre véritablement agréable d’autant que son sol devient, selon la saison, tantôt boueux et tantôt poussiéreux (Michel 1877 : 61‑63).
119Le côté ouest de la place se trouve, en un premier temps, modifié du fait du nouvel alignement imposé aux immeubles à partir des années 1825‑1830, à la suite du réaménagement des abords de la Maison carrée. C’est dans ce contexte que s’inscrit le percement de la rue Auguste, pour offrir une perspective sur le fronton du monument romain. Dans le même but, l’axe de la rue Auguste est prolongé au nord, du côté ouest du square de la Bouquerie dont les immeubles se voient doter de nouvelles façades qui observent les normes constructives établies par ceux de la rue Auguste et du boulevard Alphonse‑Daudet (A.D.G. 3 0 1362. Plan du 10 nivôse an 9 ; 3 R 1. Ordonnance royale du 16 avril 1824 ratifiant les nouveaux alignements des abords du monument).
120L’aménagement des rangées d’arbres, déterminant trois allées rayonnantes, prévu à cet emplacement dans le cadre du plan Mareschal ne fut jamais réalisé. Les seules manifestations d’embellissement dont bénéficie d’abord cette place, au début du xixe s., revêtent l’apparence de symboles politiques : elle se voit, en effet, à deux reprises –lors des révolutions de 1830 et de 1848– attribuer un « arbre de la Liberté », distinction justifiée ici par la réputation du quartier, considéré comme le point de rencontre privilégié des groupes de tendance libérale depuis la Révolution de 1789.
121Il faut, en fait, attendre les années 1860 pour assister au parachèvement, à cet endroit, de la politique d’aménagement et d’embellissement amorcée autour de la Maison carrée une trentaine d’années auparavant. C’est alors, en effet, que le square Antonin est créé à l’emplacement d’un vaste abreuvoir circulaire et que, dans la foulée, la place de la Bouquerie est elle aussi enrichie d’un square.
122Quant à la place de la Révolution, il convient d’abord de préciser qu’elle n’a reçu cette appellation qu’en 1891. Créée à la fin du xviiie s., à l’emplacement d’une partie de l’ancien jardin du gouverneur de la citadelle, on la désignait sous le nom de « plan Balore » dans les documents officiels, bien que, dans le langage courant, elle soit connue comme « enclos d’Albenas », du nom des principaux propriétaires de cette partie du faubourg au xviiie s. La référence à monseigneur Balore, évêque de Nîmes à la fin de l’Ancien Régime, s’explique par les divers domaines dans lesquels il s’était illustré : il compta, en 1787, parmi les fondateurs du premier Mont‑de‑Piété nîmois, et fut par ailleurs, en 1789, l’un des députés du clergé aux États généraux (Serre 1989 : 46).
123La place est plantée d’arbres, semble‑t‑il, depuis le début du xixe s. et, à cette époque, un abreuvoir y est construit, justifié par la proximité des routes menant aux Cévennes, très fréquentées par les commerçants dont les montures et attelages avaient grand besoin de se désaltérer lors de leur arrivée en ville. Plus que la place de la Bouquerie, qui est davantage liée au boulevard, la place de la Révolution devient, dans le courant du xixe s., le centre de la vie de ce quartier, lieu convivial, à la rencontre de ses principales artères.
5.2.6.2 Les rues : nouvelles appellations, nouvelles liaisons
124Les modifications subies par les rues au xixe s., tant dans leur dénomination que dans leur aspect, sont elles aussi significatives de l’urbanisation en accélération de ce secteur.
125En dehors des rues ayant reçu une appellation en 1824, et qui ont été évoquées plus haut, il faut tout d’abord citer, parmi les artères existantes qui seront rebaptisées, la ruelle Lagorce : elle est ainsi nommée, alors, par référence au propriétaire du vaste hôtel –élevé au xviiie s. par les Albenas– dont la façade principale ouvre toujours au niveau du 3, place de la Bouquerie. Cet hôtel était mitoyen, au xixe s., de l’auberge du Cheval‑Vert, et les dépendances de ces immeubles, étendues vers le nord et l’ouest, se sont trouvées tronquées par le prolongement de la rue Ménard jusqu’à la place de la Bouquerie (Michel 1877 : 152) (fig. 234).

FIG. 234 – Vue de la partie nord du square de la Bouquerie. À gauche, le débouché de la rue Ménard, là où s’élevait encore, au début du XIXe s., l’auberge du Cheval‑Vert. À droite, l’ancien hôtel de Lagorce (XVIIIe s.).
cl. C. Potay/Agence d’urbanisme de Nîmes
126En 1857, la ruelle Lagorce reçut l’appellation nouvelle de rue Balore, ce changement découlant lui‑même d’une autre modification contemporaine. Jusque‑là, en effet, notre actuelle rue Clérisseau portait, sur la totalité de son tracé, trois noms distincts : seul le tronçon reliant la rue Bachalas à la rue de la Porte‑d’Alès avait été baptisé rue Clérisseau en 1824 ; sa portion suivante, entre la rue de la Porte‑d’Alès et la rue du Fort, était désignée comme étant la rue Basse‑du‑Fort ; enfin, on parlait de rue Balore en ce qui concerne son dernier tronçon, de la rue du Fort à la place Balore (aujourd’hui place de la Révolution). En 1857, la décision fut prise d’appliquer à l’ensemble de l’artère le nom de Clérisseau, en hommage au peintre et architecte, qui avait fait aussi figure d’archéologue grâce aux planches gravées selon ses dessins des Monuments de Nîmes, publiées en 1778 (Serre 1989 : 114).
127Quant à l’appellation de « rue Ménard », elle était, en 1824, réservée à la partie de cet ancien chemin de garrigue compris entre la rue d’Albenas et le niveau de notre actuelle rue Clérisseau, où elle s’achevait en cul‑de‑sac : en effet, à cette époque, les bâtiments de l’auberge du Cheval‑Vert faisaient obstacle au prolongement de cette rue jusqu’à la place de la Bouquerie. Il faut attendre le plan Liotard de 1849 pour voir la rue Ménard déboucher sur la place. Pour ce qui est de sa jonction, plus au nord, avec la rue François‑Rouvière, elle ne fut effectuée que durant la seconde moitié du xixe s. (Serre 1989 : 270‑271).
128La rue Rouget‑de‑Lisle a reçu, elle aussi, cette dernière appellation au début du xxe s. Sur le plan cadastral de 1820, on la désigne encore comme rue des Fours‑à‑Chaux, tandis que dans la langue courante les Nîmois parlent de rue ou chemin du Chinchorlier ou du Dindoulier –jujubier– ou encore des Néfliers, par allusion aux arbres visibles sur les terrasses de certaines maisons ou dépassant le haut des murs de clapas (pierres sèches) qui cernaient leurs jardins. Sa nouvelle identification est suscitée par les habitants du quartier qui adressent au maire, M. Crouzet, une pétition dans laquelle ils réclament l’appellation nouvelle de « me Rouget‑de‑Lisle », qui leur paraît plus appropriée pour une artère menant à la place de la Révolution. En conséquence de quoi le conseil municipal accède à leur désir lors de la séance du 3 août 1900 (Serre 1989 : 364 ; Michel 1877 : 177‑178).
129L’ancien chemin de la Fontaine avait reçu, peu auparavant, sa dénomination nouvelle de « rue Pasteur ». Sous la municipalité Reinaud, en 1895, on avait en effet décidé, ce faisant, de rendre hommage au savant décédé depuis peu et dont les recherches avaient permis de faire progresser la sériciculture.
130Les artères perpendiculaires à cette rue et au quai de la Fontaine sont tracées, pour l’essentiel, depuis les années 1740, lors de la mise en œuvre du plan Mareschal6. Cependant, l’ensemble de ce secteur ne prend, lui aussi, un aspect réellement urbain que dans le courant du xixe s. La persistance de son caractère antérieur, semi‑rural, s’exprime encore dans les années 1820‑1830, autant par l’appellation « enclos d’Alizon » qui est donnée pour toute adresse à certains terrains riverains du quai, à l’ouest, que par les mentions des nombreux jardins, « bâtiments ruraux » et remises figurant au cadastre de cette époque (A.D.G. 3 P 1703 Section A 2).
131Un premier signe d’évolution peut être perçu en 1837, lorsque les édiles envisagent de prolonger la rue Trajan jusqu’au bosquet de la Fontaine (Pieyre 1886‑1887 : I, 93). À cette époque, en effet, le dernier îlot riverain du quai, dans sa partie N‑O, forme un bloc compact depuis la rue Adrien, à l’est, jusqu’au bosquet, à l’ouest, et étendu au nord jusqu’à la rue de la Fontaine (aujourd’hui rue Pasteur). Scinder ce vaste îlot, c’est en faciliter le lotissement ; mais finalement l’opération, avec le prolongement de la rue Trajan, ne sera accomplie qu’en 1850, la rue Agrippa étant tracée dans la foulée. Ensuite, la jonction de la rue des Bénédictins avec la rue de la Fontaine est amorcée vers 1872, à travers le grand jardin de M. Journet, puis élargie aux alentours de 1889 (A.D.G. 3 P 1788 f° 8‑9).
132C’est d’ailleurs à ce moment que le quai de la Fontaine commence à prendre son aspect résidentiel car les propriétaires riverains, pour la plupart aisés, y feront aménager, afin de s’y installer, de luxueux hôtels, en place des « maisons des champs » qui y prédominaient jusque‑là. Même l’hôtel que le général Merle y avait fait aménager au tout début du xixe s. conservait cet aspect, avec les deux remises bordant sa cour et son vaste jardin. Ces constructions ne seront pas toutes bâties ex nihilo ; certaines d’entre elles tirent parti des quelques bâtiments déjà élevés au xviiie s., avec les façades normalisées présentant un à deux étages sur rez‑de‑chaussée conçues par Mareschal : ouvertures en arc segmentaire, chaînages latéraux, entrée dominée par un balcon sur double console, en étaient les principaux ingrédients (fig. 235). Ces éléments peuvent d’ailleurs être encore perçus, ici et là, au long du quai, sur des façades ensuite modifiées par l’adjonction d’un décor architectural plus riche, à l’honneur sous le Second Empire, et le surhaussement de l’immeuble (A.D.G. 3 P 1794).

FIG. 235 – Immeuble du 8, quai de la Fontaine conservant encore une façade conforme au modèle donné par Ph. Mareschal en 1774.
cl. C. Potay/Agence d’urbanisme de Nîmes
133On peut suivre la progression de ces réaménagements et constructions nouvelles à travers les registres de Petite Voirie, à partir des années 1850 (Archives municipales modernes Série 1.0). En 1856, MM. Girard et Daunant font surélever leurs maisons donnant sur le bosquet de la Fontaine ; vers 1866, Samuel Guérin fait bâtir un luxueux immeuble au no 2 du quai... Parallèlement, le mouvement est aussi suivi par les propriétaires des terrains et maisons des rues parallèles et perpendiculaires à la rive nord du quai : surhaussement de maisons en rez‑de‑chaussée de M. Guérin, neveu (8, rue Trajan), M. Krugger (2, rue Adrien) ; construction d’un mur de clôture et d’une façade neuve, selon le nouvel alignement donné, à l’extrémité ouest de la rue de la Fontaine (aujourd’hui rue Pasteur), respectivement par M. Parades de Daunant et M. Mourier (A.D.G. 3 P 1788 P 8‑9 ; A.D.G. 3 P 1794).
5.2.6.3 Composition sociale et activités
134Cet ancien faubourg de la Boucarié présente deux faces assez tranchées à partir des années 1850. Le quai, le bosquet et l’extrémité de la rue de la Fontaine proche du jardin deviennent les lieux d’élection de l’élite nîmoise7. Le cadastre énumère les familles de notables et d’industriels installées ici, entre la place de la Bouquerie et l’entrée ouest du jardin : l’architecte Gaston Bourdon ; le fabricant de lacets Samuel Guérin ; le général Merle, puis son héritier Fortuné Combes ; un peu plus loin, le fabricant de tapis Pierre Soulas, auquel succédera M. Favre de Thierrens ; à côté, l’hôtel de la famille d’Urre d’Aubais, qui devient ensuite celui du banquier Auguste Margarot ; plus près du bosquet, celui du général Cambriel, dont héritent ensuite les Colomb de Daunant, les Houel et les Favre de Thierrens ; ainsi que celui de Ferdinand Girard, maire de Nîmes... Bien que, nous le verrons plus loin de manière détaillée, certains immeubles du quai abritent aussi des activités commerciales et/ou industrielles.
135Les rues adjacentes, en revanche, sont habitées par une population plus composite, mêlant employés, artisans et membres de la moyenne et de la petite bourgeoisie. On trouve d’ailleurs dans ces artères, aujourd’hui encore, une majorité de maisons d’aspect modeste, quasiment dépourvues de décor architectural et ne comportant, pour certaines, qu’un étage sur rez‑de‑chaussée. Au xixe s., certaines de ces constructions abritent des ateliers uniquement ; d’autres, propriétés d’artisans plus modestes, leur servent en même temps de domicile (fig. 236).

FIG. 236 – 1‑3, rue Pasteur : exemple de constructions modestes du XIXe s.
cl. C. Potay/Agence d’urbanisme de Nîmes
136En règle générale, les activités commerçantes sont plutôt concentrées dans la partie est du quartier, autour des places. Les plus anciennes de ces activités sont liées au voyage et au transport commercial, lesquelles découlent de la proximité des routes venant des Cévennes. A. Michel cite deux auberges situées, depuis la fin du xviiie s., sur la place de la Bouquerie. Celle dite du Cheval‑Vert occupait, nous l’avons vu, l’espace voisin de l’hôtel de Lagorce –ex‑hôtel d’Albenas (3, place de la Bouquerie)– et disparut lors du prolongement de la rue Ménard jusqu’à la place. Le Cheval Vert était l’hôtellerie préférée des fabricants de bas cévenols. A. Michel a d’ailleurs décrit de manière pittoresque les conditions de leur installation et le pragmatisme avec lequel ils traitaient ici leurs affaires : « Rien n’était curieux comme de voir arriver de véritables convois de mulets chargés de grandes valises de cuir qui servaient à faire l’étalage desdits bas de soie [...] (les marchands) certains jours de marché arrivaient avec de véritables cargaisons de leurs marchandises qu’ils étalaient dans trois ou quatre chambres de ladite auberge. Les négociants étrangers se rendaient dans ce local et faisaient leurs achats. Chaque marchand vendant au petit poids apportait sa balance. Des affaires très importantes se sont traitées dans ces conditions. » (Michel 1877 : 61‑63.)
137L’auberge Bressac, elle‑même sise face au Cheval‑Vert sur l’autre côté de la place, y poursuivit plus longtemps ses activités, jusque dans les années 1835. Par la suite, les listes professionnelles de l’Annuaire du Gard citent encore ici un hôtel‑restaurant Crès, tandis que les descendants de Bressac s’étalent reconvertis comme loueurs de voitures et de chevaux, tout en conservant leur adresse antérieure.
138Le même annuaire mentionne également, à proximité, sur la place Balore (aujourd’hui place de la Révolution) deux autres artisans dont l’activité est liée au transport : le charron Sipeyre et le forgeron Bayard.
139En ce qui concerne les activités de production, le textile, branche économique maîtresse à Nîmes, est bien représenté ici, autant par les manufacturiers que par les artisans tels que cardeurs, faiseurs de bas, fabricants de taffetas, parfois propriétaires des petits immeubles qu’ils occupent. On peut suivre certaines familles d’artisans sur plusieurs générations tout au long du xixe s., à travers les registres du cadastre.
140Place Balore, dans les premières années du xixe s., trois négociants nîmois –Astier, Foussard et Rigot– font bâtir, sur une partie du terrain de l’ancien jardin du gouverneur, une fabrique de mouchoirs imprimés. Celle‑ci sera acquise, en 1827, par M. Roux‑Carbonnel et, dans les années suivantes, un fabricant de galons et deux fabricants de soie s’installeront autour de la même place. On relève aussi, çà et là à travers le quartier, la présence à la même époque de teintureries, telle celle de Louis Redon, établie dans le grand îlot qui s’étend alors de la rue Adrien au bosquet de la Fontaine, ou encore celle installée dans la même zone par le négociant David Lecun en 1840.
141La prépondérance du textile, depuis la production jusqu’à la commercialisation, devient ensuite particulièrement spectaculaire au milieu du xixe s., ce qui témoigne, d’une manière plus générale, de la dernière phase de prospérité de cette activité qui entrera bientôt en crise. On peut aussi, en parcourant la liste des industriels cités dans l’Annuaire du Gard –par exemple pour l’année 1850–, apprécier toute la variété des fabriques du textile nîmois en même temps que leur concentration dans l’ancien faubourg de la Bouquerie. Dix fabricants de châles sont alors installés autour de la seule place de la Bouquerie ou à ses abords –en l’occurrence, au pont de la Bouquerie– c’est‑à‑dire, aujourd’hui, au nord du square Antonin. Toujours au pont de la Bouquerie, on cite aussi un fabricant de foulards et de cravates. La bonneterie et la ganterie de soie sont représentées par cinq entreprises : deux sur la place Balore, les autres place de la Bouquerie, rue des Fours‑à‑Chaux et rue Basse‑du‑Fort. Quatre fabricants de galons sont également présents : place Balore, quai de la Fontaine et aux abords du jardin, et rue Trajan. Lecun, rue Trajan, et Rédarès, rue Titus, s’occupent à la fois de « laines lavées, cardées et filées » et de fabrication de tapis, tandis que deux entreprises se consacrent uniquement à cette dernière activité : Flaissier frères, quai de la Fontaine, Laval‑Saurel‑Arnaud‑Gaidan, rue de la Fontaine. Au fil des mutations on retrouve encore, au début du xxe s., les locaux de l’une de ces entreprises du textile, au no 7 de la place dite désormais de la Révolution, occupés d’abord par la fabrique Salanon, spécialisée dans la production de tapis, tissus d’ameublement et étoffes de soie et d’or –ces dernières destinées au marché nord‑africain. En 1937, c’est un autre fabricant de tissus d’ameublement, Boudin, qui lui succède. Il est à noter que Boudin était déjà installé dans le quartier précédemment –depuis le début des années 1930– au 11, rue Ménard. Là aussi, il avait récupéré les locaux d’un établissement producteur de textiles plus ancien, celui des frères Privat. Réputés dans les années 1860 pour leurs tapis et tissus d’ameublement, ceux‑ci s’étaient pourtant reconvertis, après 1923, en qualité de grossistes en tissus. Il est enfin possible de suivre l’évolution de la fabrique de tapis d’Antoine Saurel, sise au no 9 de la rue de la Lampèze, des années 1850 à 1880 (Potay 1991b : n.p.). Il faut encore citer l’installation, en 1901, du « fabricant à métier » Mathieu Avinen, aux 12‑16 de la rue Trajan.
142Par ailleurs, plusieurs teintureries fonctionnent dans ce quartier : nous avons déjà évoqué celle installée par David Lecun en 1840. Elle était établie en bordure de la rue Pasteur –près de sa jonction actuelle avec la rue des Bénédictins– et s’étendait profondément à l’intérieur de l’îlot. Elle subit plusieurs campagnes d’agrandissement par la suite. Lors des travaux réalisés en 1857, on lui adjoignit des locaux d’habitation. Les bâtiments furent à nouveau remaniés en 1863‑1864 : David Lecun fit alors construire un local destiné à abriter une machine à vapeur, qui rendrait son outil de travail plus performant. Ces travaux successifs, notamment ceux nécessaires à la teinturerie –laquelle suppose un apport d’eau considérable–, sont probablement la cause de l’absence de stratigraphie ancienne à cet endroit, ainsi que l’a constaté Marc Célié lors d’une surveillance de travaux durant l’été 1994. Ces aménagements divers –creusement d’égouts, raccords de canalisations, puis leurs modifications– opérés au xixe s. ont dû, en effet, effacer toute trace de l’occupation antérieure. On trouvait également rue Nerva, à l’emplacement aujourd’hui occupé par l’école maternelle, la teinturerie d’Élie Ducros ; ou encore, sur le terrain de l’actuelle résidence des Hespérides, celle aménagée par Jean Dumas dans les années 1880.
143Une autre des activités annexes du textile se signalait non loin de là avec la fabrique d’apprêt que M. Journet fit bâtir sur une partie de son grand jardin en 1862 ; celle‑ci devait disparaître vers 1889.
144Parmi les autres métiers liés au textile ici représentés, il faut encore citer les « liseurs de dessins », spécialistes adaptant le modèle donné par le dessinateur de manière à ce que les machines à tisser –métiers Jacquard– puissent le décrypter et le réinterpréter ; on relève les noms de trois de ces personnages au long du quai de la Fontaine. En aval de la chaîne de production, parmi divers courtiers, commissionnaires, négociants, on remarque également la présence de marchands en gros spécialisés : par exemple, pour ce qui concerne les seuls cotons filés et laines, l’annuaire de 1850 cite : Arnal‑Cahous, rue Trajan ; Gelly, Rampe‑du‑Fort ; Dombre et Cie, quai de la Fontaine, Lauront, place de la Bouquerie. Le textile règne en maître et, par contre, les mentions relatives à d’autres activités sont sensiblement moins nombreuses ; parmi celles‑ci, les métiers du bâtiment sont sans doute les plus présents : plusieurs maçons et menuisiers, un rocassier, deux entrepreneurs en bâtiments, un charpentier, des architectes et ingénieurs des Ponts et Chaussées –Gaston Bourdon, Charles Durand, Frédéric Journet. Par ailleurs, l’imprimeur‑typographe Triquet, qui fait paraître Le Républicain du Gard, s’installe vers 1850 sur la place de la Bouquerie. Enfin, un fabricant de chandelles est cité dans la rue des Bénédictins au début du xixe s., tandis que Jacques Brunel aménage un moulin à huile, en 1866, au niveau de l’actuel no 1 de la rue Pasteur.
145Quant aux chaufourniers qui ont laissé ici au xixe s. leur nom à une rue et à une partie du quartier –celui situé à l’emplacement des actuels immeubles de La Marseillaise et du collège–, ils ont quitté le secteur, et ce apparemment dès le début du xixe s. Les annuaires du Gard ne comportent pas de rubrique industrielle et commerciale avant 1850 mais, si l’on se reporte au cadastre, on constate qu’aucun chaufournier n’est mentionné dans ce secteur. On relève toutefois le nom d’une famille qui exerçait là cette activité au xviiie s. : celle des Chavanier ; mais force est de constater que ses représentants, présents vers 1820‑1830, se sont reconvertis dans le textile, en tant que « feseurs de bas », lorsqu’il ne s’agit pas de femmes sans activité professionnelle. On ne peut exclure, cependant, la possibilité que quelques ateliers de chaufourniers aient subsisté mais, dans ce cas, aucun de ces artisans n’était propriétaire de l’immeuble qu’il occupait. En consultant la liste des industriels et artisans de Nîmes de 1850, on constate alors, sans équivoque, que tous les chaufourniers sont installés dans les faubourgs est et sud de Nîmes, notamment au long des chemins de Beaucaire et de Montpellier. Ne réapparaît un chaufournier dans le quartier de la Bouquerie qu’en 1859, et encore y est‑il bien isolé : il s’agit de l’atelier Reynaud, rue de la Lampèze.
146En conclusion, nous compléterons ce panorama du quartier en précisant qu’un autre facteur d’animation naît aux abords de la place de la Révolution dès le début du xixe s. : la présence d’établissements éducatifs. Le premier est créé par M. Reumond ; acquéreur de la maison des Bénédictins, vendue comme bien national durant la Révolution, il y installe une institution scolaire pour les jeunes gens. Dans le courant du xixe s., une congrégation religieuse rachète l’immeuble afin d’y héberger un refuge pour « femmes repenties ». À cette époque, le bâtiment est considérablement agrandi et, lors de la construction d’une vaste chapelle dans la partie nord du jardin, une mosaïque gallo‑romaine est mise au jour (Michel 1877 : 177‑178). Connu encore dans les années 1980 sous le nom de foyer Marie‑Thérèse, l’établissement a donc poursuivi longtemps son activité ; toutefois, il dépendait à cette époque de la DDASS et accueillait des jeunes filles confrontées à des difficultés personnelles ou familiales. Ce secteur a d’ailleurs gardé une vocation éducative jusqu’à nos jours. L’urbanisation du quartier, allant de pair avec l’essor démographique nîmois, entraîna la construction, face au foyer Marie‑Thérèse, à l’angle des rues des Bénédictins et Rouget‑de‑Lisle, d’un cours complémentaire réservé aux jeunes filles. Cet édifice, élevé à l’emplacement d’anciens hangars et logements vers 1868, aurait été remanié aux alentours de 1884, selon le cadastre. Le souvenir de ce premier établissement perdure actuellement dans l’école primaire Marie‑Soboul, reconstruite récemment sur le même site. Par ailleurs, l’école maternelle de la rue Nerva et le collège de la place de la Révolution ont complété les aménagements scolaires du quartier. Le collège a été édifié à l’endroit qu’occupait un garage Renault –après la fabrique Roux‑Carbonnel, au début du xixe s.–, indication utile puisqu’elle montre que la vocation commerciale routière du quartier s’est maintenue un temps avec l’avènement de l’automobile ; ce garage était en quelque sorte le « successeur » des charrons et forgerons établis auparavant autour de cette place, prêts à réparer les voitures des voyageurs descendus des Cévennes, ou à ferrer leurs montures. Enfin, pendant longtemps, la place ombragée a été un lieu convivial où l’on prenait le frais à l’ombre des marronniers, et où étaient organisés des bals durant les soirées estivales.
Notes de bas de page
1 Les deux abréviations suivantes sont utilisées pour mentionner les sources archivistiques : A.D.G. Archives départementales du Gard ; A.C.N. Archives communales anciennes de Nîmes.
2 A.D.G. C. 152 et collection de la Bibliothèque Carré d’Art. Projets réalisés lors du concours d’idées de 1744 pour l’aménagement des abords de la source et l’amélioration de l’alimentation en eau de la ville, et plan de Mareschal pour l’établissement des quais de la Fontaine : le cours ancien du ruisseau entre la source et la ville présente un tracé tortueux et on peut penser que les zones riveraines étaient boueuses une partie de l’année.
3 A.D.G.H. 210, 23 février 1712. « Quittance portant extinction de pension » de madame Marianne du Chenas, veuve de messire Charles d’Alison, seigneur de La Roche, au sieur Jean Teissier, marchand bourgeois, et Isabeau Teissier sa sœur, veuve du sieur Grefeuille, qui viennent de lui verser 1 450 livres afin que leur « pension de locatairie annuelle et perpetuelle » soit « éteinte et amortie nulle et sans effect de present et a l’advenir ».
4 A.D.G.H. 210, 1er juillet 1771. Rapport établi par Jacques Loison et Joseph Maury, maîtres-maçons, experts nommés par le sieur Teissier et les Bénédictins pour dresser un état des lieux avant l’échange.
5 A.D.G. 3 PFI 311. Cadastre napoléonien. A.D.G. 3 0 46. Plan d’alignement dressé par M. Liotard ; A.D.G. 2 M1 26. Plans microfilmés (Plan de la ville en 1884, par L. Boucoiran/Nîmes en 1925, reprenant le plan de 1901, Nîmes, éd. Feline-Laporte) ; Musée du Vieux Nîmes (Plan de 1820, anonyme/Nîmes en 1835, in FROSSARD (E.). — Tableau pittoresque, scientifique et moral de Nîmes... Paris, 1846, cote 929.53.1/Nîmes en 1853, in DURANT (S.), DURAND (H.), LAVAL (B.). — Album archéologique et description historique des monuments du Gard. Nîmes, 1853). Pour une bonne synthèse de la question voir Naudin 1983.
6 Voir aussi A.C.N. FF 24, 27/09/1734, réglement municipal pour les alignements et normes constructives repris le 3/02/1746.
7 A.D.G. 3 PFI 311 Section A. ; A.D.G. 3 P 1703 Section A, 3 P 1788 f° 8-9-155- 158-159-163..., 3 P 1707 Cases 173-349-769-770... ; annuaires du Gard, à partir des années 1850.
Auteurs
Yves Manniez [Y.M.]
Chargé d’études, Afan.
Martial Monteil [M.M.]
ATER, université de Provence ; CNRS, UMR 154 et centre Camille‑Jullian.
Corinne Potay [C.P.]
Documentaliste, Agence d’urbanisme de Nîmes.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
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