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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral 1.1 L’environnement du contact garrigue‑piémont à Nîmes1.2 L’anthropisation des pentes du mont Cavalier : archéologie agraire en milieu urbain1.3 Les indices chasséens1.4 Les occupations de l’âge du Fer Notes de bas de page Auteurs

    Le quartier antique des Bénédictins à Nîmes (Gard)

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre 1. Le site naturel et les occupations préromaines

    Guilhem Fabre, Pierre Poupet, Luc Jallot et Laurent Sauvage

    p. 21‑61

    Résumés

    Les vestiges archéologiques sont présents indifféremment sur tous les types géologiques de terrains identifiés sur la zone. Globalement, le sous‑sol du quartier est composé de plusieurs formations qui s’étagent sur la pente, sous les premières unités stratigraphiques anthropisées. Le substrat sur lequel se sont développés les sols qu’ont trouvés les agriculteurs néolithiques est une mosaïque très hétérogène. Les observations faites permettent de restituer un paysage de la fin de la Préhistoire qui possédait déjà certains aspects de nos garrigues modernes ; elles apportent la preuve que l’anthropisation des pentes a bien été effective dès le Néolithique et qu’il n’a pas fallu attendre la fixation d’un groupe humain au début de l’âge du Fer pour perturber l’équilibre fragile de l’écosystème naturel. L’occupation du quartier des Bénédictins à compter de la fin du vie s. av. J.‑C. évolue au rythme d’une gestion de l’espace où habitat et agriculture sont combinés. La construction d’une enceinte au ive s. av. J.‑C. consacre une phase d’extension et de structuration de l’agglomération en plaine. Le quartier des Bénédictins est alors situé intra muros, même s’il n’existe pas d’occupation construite entre la fin du ve s. et le milieu du iie s. av. J.‑C., seuls des champs en terrasses y prenant place. L’habitat de cette période est situé au pied des collines et vers la plaine. L’agglomération préromaine connaît donc un habitat groupé non perché, situation originale dans le contexte régional. L’installation de nouvelles constructions sur les pentes à partir du iie s. av. J.‑C. traduit une reconquête des versants depuis la plaine, au détriment de zones anciennement cultivées.

    Archaeological features are to be found on all soil types encountered in this area. Essentially, the subsoil of the slope comprises several superimposed formations directly under the human activity. The subsoil encountered by neolithic farmers is a heterogeneous mosaic. The study and the reconstitution of the late prehistoric countryside shows a certain ressemblance to the modern garrigues. The earliest human activity on the slopes dates from the Neolithic period. The fragile balance of the ecosytem is disturbed before there is permanent occupation at the beginning of the Iron Age. Human occupation of the Bénédictins from the end of the sixth century BC follows a rhythm of management of space where habitat and agriculture are entwined. The construction of a city wall in the fourth century BC completes a period of expansion and organisation of the town on the plain. Thereafter the Bénédictins is intra muros, though there are no buildings, only terrassed fields, between the end of the fifth century and the middle of the second century BC. At this time the habitat is at the foothills and on the plain. The pre‑Roman town was therefore a lowland grouped habitat, which is unique in the region. New building on the slopes from the second century BC indicates a renewed interest for the slopes near the plain, to the disadvantage of the formerly cultivated areas.

    Los vestigios arqueológicos se han localizado de manera indiferente en todos los tipos geológicos de terreno identificados en la zona. Globalmente, el subsuelo del barrio está compuesto por diversas formaciones que se escalonan sobre la pendiente, bajo los primeros estratos antropizados. El substrato sobre el que se desarrollan los suelos que encontraron los agricultores neolíticos, es un mosaico muy heterogéneo. Las observaciones realizadas permiten restituir un paisage de finales de la Prehistoria que posee ya ciertos aspectos de nuestras carrascales (« garrigues ») modernos: aportan la prueba de que la antropización de estas cuestas fue ya efectiva desde el Neolítico y de que no hizo falta esperar la fijación de un grupo humano a principios de la Edad del Hierro para perturbar el frágil equilibrio del ecosistema natural. La ocupación del barrio de « Bénédictins » a tener en cuenta desde finales del s. VI a. C. evoluciona al ritmo de una gestión del espacio en la que se combinan el hábitat y la agricultura. La construcción de una muralla en el s. IV a. C. consagra una fase de expansión y estructuración del asentamiento en el llano. El barrio de « Bénédictins » se sitúa en este momento intra muros, si bien no existen construcciones entre finales del s. V y mediados del s. II a. C., siendo la zona ocupada únicamente por campos de cultivo en terraza. El hábitat de este periodo se sitúa al pie de las colinas y hacia el llano. El asentamiento prerromano consiste pues, en un hábitat agrupado no elevado, situación original en el contexto regional. La instalación de nuevas construcciones sobre las cuestas a partir del s. II a. C. deja ver una reconquista de las laderas desde el llano, en detrimento de zonas anteriormente cultivadas.

    Les restes arqueológiques es presenten indiferentment en tots els tipus geològics de terrenys identificáis a la zona. Globalment, el subsòl del barri està compost per diverses formacions que s’escalonen per la pendent, sota els primers estrats antropitzats. El substrat sobre el qual es desenvolupen els sòls que trabaren el agricultors neolítics, és un mosaic molt heterogeni. Les observacions fetes permeten restituir un paisatge de finais de la prehistòria que posseïa ja alguns aspectes de les nostres garrigues modernes: aporten la prova de que l’antropització de les costes fou efectiva des del neolític i que no va caldre esperar la fixació d’un grup humà a principis de l’edat del ferro per perturbar el fràgil equilibri de l’ecosistema natural. L’ocupació del barri de « Bénédictins », que pot considerar‑se des de finais del s. VI abans de C. evoluciona al ritme d’una gestió de l’espai en la qual hàbitat i agricultura es combinen. La construcció d’una muralla al s. IV abans de C. consagra una fase d’extensió i d’estructuració de l’assentament al pla. El barri de « Bénédictins » es troba en aquest moment intra muros, encara que no existeix ocupació construïda entre finais del s. V i mitjans del s. II abans de C, ja que nomès es localitzen camps de conreu en terrasses. L’hàbitat d’aquest periode està situat al peu deis turons i cap a la plana. L’assentament prerromà respon a un hàbitat agrupat no elevat, situació original en el context regional. La instal.lació de noves construccions a les pendents a partir del s. II abans de C tradueix una reconquesta dels vessants des de plana, en detriment de les zones antigament conreades.

    Texte intégral 1.1 L’environnement du contact garrigue‑piémont à Nîmes1.1.1 Géologie1.1.1.1 Terrains en place cohérents1.1.1.2 Terrains clastoïdiens anté‑pléistocènes1.1.1.3 Terrains clastoïdiens pléisto‑holocènes (1,65 MA à nos jours)1.1.2 Géomorphologie1.1.2.1 Garrigue1.1.2.2 Piémont‑vallée du Vistre1.1.3 Hydrologie1.1.3.1 Hydrologie de surface1.1.3.2 HydrogéologieAquifère du Hauterivien (A.K.)Aquifère de l’Astien (A.N.)Aquifère du Pléistocène ancien rhodanien (A.V.)Aquifère du sistre (A.5.)Relations entre les aquifères1.1.4 Conclusion1.2 L’anthropisation des pentes du mont Cavalier : archéologie agraire en milieu urbain1.2.1 La documentation géoarchéologique et les questions de méthodes1.2.2 Le paysage des agriculteurs néolithiques1.2.2.1 Le substrat1.2.2.2 Les sols et l’agriculture1.2.2.3 L’eau1.2.3 L’évolution des sols au cours de la Protohistoire1.2.4 Quelques aspects du paysage et des techniques agricoles protohistoriques1.2.4.1 Sur la rupture de pente du quartier des Bénédictins1.2.4.2 Vers le bas de la pente1.2.5 Oppidum ou campagne périurbaine ?1.3 Les indices chasséens1.3.1 Silex1.3.2 Autres roches1.3.3 Conclusion1.4 Les occupations de l’âge du Fer1.4.1 Le quartier à l’époque protohistorique : état des connaissances1.4.2 L’apport de la fouille des Villégiales1.4.2.1 Les traces de la première occupationDes constructions sur poteaux et des fossesDatation1.4.2.2 Succédant au bâti, des aires d’ensilageL’aire d’ensilage orientaleDescription des silos Fig. 19, 20DatationL’aire d’ensilage occidentaleDescription des silosDatation1.4.2.3 Un habitat du ve s. av. J.‑C.Description des foyersDatation1.4.3 Un nouveau paysage essentiellement agraire1.4.4 À la fin de la Protohistoire, de nouvelles structures d’habitatDatationAutres vestiges d’habitat1.4.5 L’occupation des pentes du mont Cavalier à l’époque protohistorique1.4.6 Le quartier des Bénédictins dans l’agglomération protohistorique Notes de bas de page Auteurs

    Texte intégral

    1.1 L’environnement du contact garrigue‑piémont à Nîmes

    1g.f.

    2À quelques centaines de mètres de La Fontaine, l’occupation antique du secteur compris entre le jardin de la Fontaine et le mont Duplan s’inscrit dans une zone de contact linéaire irrégulière à cheval sur la masse des garrigues au nord, et le piémont de celles‑ci au sud. Elle concerne un substrat analysé ici sur les plans géologique (surtout lithostratigraphique), géomorphologique et hydrologique, les sols et les paléosols étant étudiés par ailleurs. Ce substrat est identifié à plusieurs échelles afin de caler le quartier par rapport à l’ensemble de la ville antique. Sont ainsi abordés, d’une part le site urbain, rurbain et rural de Nîmes, et d’autre part l’espace du contact signalé ci‑dessus.

    3On n’insistera pas sur les grands traits bien connus du triptyque topomorphographique souvent décrits dans toute étude sur Nîmes : la garrigue, le piémont et la vallée du Vistre. La garrigue, au nord, dessine les gradins irréguliers d’un ample amphithéâtre‑barrière dissymétrique ouvert vers le sud. Dominante et d’aspect trapu, elle comprend des collines et surtout des plateaux plus ou moins disséqués et incisés par des vallons assez plats en amont, plus pentus en aval, avec des altitudes sommitales distribuées autour de 200 m ngf. En contrebas immédiat de celle‑ci, et en aval d’une nette rupture de pente à linéarité hachée orientée globalement N‑E/S‑O, se développe un piémont de 1 à 2 km, jusque, en gros, au droit de l’autoroute A9. Sa pente est très faible, de 2 à 0,5 %, entre 55 m ngf et 40 m ngf. Il se raccorde en douceur avec la plaine du Vistre dont le grand axe est parallèle à celui de la rupture de pente précitée. Concernant cette dernière, elle est encore plus faible que la précédente, puisque toujours inférieure à 40 m ngf, souvent proche de 20‑ 25 m ngf et de 1 % de gradient longitudinal.

    4Géologie et géomorphologie se moulent largement sur ces trois unités topomorphographiques.

    1.1.1 Géologie

    5À l’affleurement, ou sous faible couverture, les terrains sédimentaires constituant le cadre rapproché de Nîmes, du niveau de Tholozan jusqu’au Vistre, sont de types variés : en place cohérents et détritiques (= clastoïdes) (Slansky 1992), anté‑pléistocènes et pléisto‑holocènes (Carte géologique 1973 ; Synthèse géologique 1984 ; Lemaire et al. 1968) (fig. 8). On ne signale ci‑après que les principales unités, en tant que « matériaux » encaissants de vestiges archéologiques.

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    FIG. 8 – Cadre géologique général du site de Nîmes. 1 limite de faciès, 2 Hauterivien inférieur, 3 Hauterivien supérieur, 4 Astien, 5 Pléisto‑holocène grossier et fin, 6 Pléisto‑holocène fin, 7 Holocène fin alluvial, 8 faille affleurante, 9 faille masquée de Nîmes.

    DAO G. Macabéo/Afan, d’ap. G. Fabre/CNRS, J. Pey/musée archéo. de Nîmes

    1.1.1.1 Terrains en place cohérents

    6Ils se limitent au seul étage du Hauterivien (122‑116 MA) qui regroupe plusieurs unités de roches carbonatées, dures dans l’ensemble, bien litées en bancs massifs à décimétriques, très fracturées et puissantes de quelque 500 m. Deux sous‑étages se distinguent nettement : le Hauterivien inférieur (300‑400 m), qui présente une alternance de calcaires, de calcaires argileux et de marnes ; le Hauterivien supérieur (100‑200 m), qui est franchement calcaire, avec des teneurs moyennes supérieures à 95 % en CaC03.

    1.1.1.2 Terrains clastoïdiens anté‑pléistocènes

    7Un seul sous‑étage pliocène, le Pliocène supérieur astien, affleure en quelques points au toit des argiles et des marnes grises du Pliocène inférieur et moyen (1,65 mA) avec un faciès relativement azoïque, sableux fin et moyen, surmonté par un dépôt de clastoïdes calcaires grossiers, rudites roulées et percées de trous de lithophages marins (tabl. i). Ils signent la présence d’un paléorivage continu, au tracé sinueux, qui épouse les contours du massif crétacé, vers une altitude de 80 m ngf. D’une épaisseur moyenne de 10 m, ces dépôts transgressent partout en discordance le Hauterivien. Les sites concernés sont, d’ouest en est, la Zup ouest, le stade Marcel‑Rouvière, le bas de la colline Montaury, le quartier des Hespérides, les bases sud‑ouest (Enclos‑Rey) et sud (Centre des impôts, et nord de celui‑ci) du mont Duplan, celles des Justices‑Vieilles et de Serre‑Paradis. En aval des affleurements hauteriviens, en ville, On trouve l’Astien sous couverture clastoïdienne en une multitude de sites au toit de niveaux marneux : 21, rue Séguier, à ‑3,25 m ; Zac des Halles, toit entre 13,60 et 15,60 m ; place d’Assas, à ‑14,80 m ; médiathèque‑Carré d’Art, à ‑17,50 m ; rue Espérandieu, à ‑27,3 m ; 20, rue Dardaillon, à ‑25,5 m ; etc.

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    TABL. I – Identification synthétique et simplifiée des clastoïdes d’après leur taille.

    1.1.1.3 Terrains clastoïdiens pléisto‑holocènes (1,65 MA à nos jours)

    8Le cas des dépôts rhodaniens excepté, ils affleurent partout sur le piémont‑vallée du Vistre, comme les formations carbonatées hauteriviennes en garrigue. Ils sont bien sûr toujours discordants sur les terrains antérieurs, et souvent entre eux, et de nature très variée avec, dans l’ensemble, une ubiquité de la fraction carbonatée. Plusieurs types d’inégale extension sont identifiables. Les principaux sont :
    – les formations du Pléistocène ancien rhodanien et de la Zup ;
    – le « sistre » et les limons de piémont ;
    – les clastoïdes des cadereaux et des versants ;
    – les clastoïdes exokarstiques ;
    – les limons du Vistre ;
    – les tufs ;
    – les dépôts anthropiques.

    9Objet de débats passionnés chez les quaternaristes, le Pléistocène ancien rhodanien n’affleure pas dans la Nîmes urbaine. Il est cependant présent au toit du Pliocène inférieur sous l’aérodrome de Nîmes‑Courbessac, et dans d’autres sondages de la base du piémont et en Vistrenque. Il correspond aux nappes alluviales qui recouvrent la Costière sur une épaisseur moyenne de 10 à 20 m et s’ennoient en Vistrenque sous les formations de celle‑ci et du piémont, où localement elles peuvent atteindre 50 m de puissance. En ville, on l’a trouvé dans beaucoup de sondages et de forages : au parking souterrain de l’Esplanade à ‑6 m ; 20, rue Dardaillon à ‑15,5 m ; rue Espérandieu à ‑10,6 m ; à la clinique Pasteur à ‑10 m ; au CES Romain‑Rolland à ‑8 m. Il s’agit de rudites grossières roulées fluviatiles, de calibres centimétrique à décimétrique, quartzitiques à près de 80 %, emballées dans une matrice sablo‑limono‑argileuse. L’ensemble est profondément altéré et pédogénétisé, avec des paléosols rouges (Munsell : 2,5 YR 4‑6) très épais, de 2 à 8 m, rubéfiés, lessivés, carbonatés et encroûtés quand ils se trouvent sous couverture limoneuse lœssique ; dans ce dernier cas, le paléosol est souvent plus brun, voire rougeâtre.

    10Dans la Zup ouest existe une formation bréchique calcaire complexe, d’origine proximale, à paléosol argileux rouge, épaisse de plusieurs mètres, ponctuellement stratifiée, et à racine tronquée vers 130 m ngf. Elle témoigne d’une ancienne phase de décharge‑comblement de bas de versant, antérieure à la mise en place du glacis polygénique du piémont inférieur.

    11En contrebas, partout sous la ville, et bien au‑delà sur une distance d’au moins 1‑2 km, depuis la base de la garrigue vers le Vistre s’étale une formation bien individualisée mais à débris hétérogènes appelée « sistre » (Marcelin 1926 ; 1950). Son épaisseur moyenne est voisine de 10‑15 m. De caractère bréchique, elle comprend un complexe de rudites grossières calcaires (du Crétacé inférieur surtout), à usure mécanique, anguleuses à peu émoussées, avec un fort taux de plats et de pseudo‑plats, le tout est très injecté de limons beige rougeâtre, souvent compacts et indurés. Dans la plaine, en amont du lit majeur du Vistre, le faciès limoneux silto‑arénitique prédomine, avec une couleur brun‑beige en surface (Munsell : 16 YR 6‑4), plus rouge au mur (Munsell : 5 YR 6‑6) du fait de la décalcification. La phase calcaire se présente généralement sous la forme d’agrégats de types tubés, noduleux et poupiformes. Ces traits ne peuvent s’expliquer que par une mise en place généralisée originelle par géli‑solifluction, puis par ruissellement‑colluvionnement de matériaux fins, souvent issus de dépôts éoliens. Leur âge se cale entre l’Holocène et le Pléistocène supérieur.

    12Tous les lits actuels du Vistre sont tapissés de limons argileux calcaires gris (Munsell : 7,5 YR 5‑1) de débordement‑décantation, avec hydromorphie généralisée dans la zone de battement de la nappe phréatique (marmorisation, ocrification, gleyification...). Leur contact avec les limons silto‑arénitiques du piémont n’est pas toujours net et la transition se fait souvent graduellement, toujours sur une faible distance.

    13Dans les talwegs des vallons et des vallées sèches des cadereaux1 se trouvent des rudites calcaires grossières, émoussées, libres, parfois cimentées dans des pellicules tufacées. Elles sont faiblement remobilisées lors des crues classiques et directement issues des petits tabliers d’éboulis et autres dépôts gravitaires de pentes. Leur âge est actuel, voire Holocène pour les plus anciennes du lit majeur. On en connaît de plus vieilles (Holocène ancien‑Pléistocène terminal), sous forme de lambeaux de nappe alluviale étagée, dans le secteur aval de Camplanier‑route d’Alès, en haut de l’avenue Franklin‑Roosevelt, dans le cadereau de la route d’Uzès en amont du Van Dyck, etc. Elles s’ennoient sous les clastoïdes anthropiques de la racine du piémont.

    14Les tufs sont peu représentés. Deux gisements principaux sont identifiés, d’une part aux Charpentiers à Courbessac, où ils sont perchés sur une colline dominant le cadereau du Valadas et de ce fait un peu hors contexte, et d’autre part dans le cadereau de Valdegour qu’ils barraient entre la colline du Puech du Teil et Saint‑Césaire avant les nombreux aménagements qui affectent ce secteur (périphérique ouest, etc.). Les premiers relèvent du Pléistocène moyen‑ancien, les seconds du Pléistocène récent‑Holocène.

    15On doit également citer pour mémoire les siltites fines de type terra, rossa qui injectent les fissures, karstifiées ou non, de la garrigue, et les placages de limons éoliens qui feutrent les topographies planes et en creux de celle‑ci. Dans Nîmes même, ils sont peu importants sauf au toit du Hauterivien, alors qu’à l’est de la garrigue ce n’est pas le cas, comme dans le secteur de Cabrières‑Lédenon.

    1.1.2 Géomorphologie

    16Dans ce domaine, on doit également distinguer la garrigue, du piémont et de la vallée du Vistre (Marcelin 1926 ; Fabre 1980) (fig. 9).

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    FIG. 9 – Cadre géomorphologique général du site de Nîmes. 1 apex et interfluve, 2 col, 3 aplanissement dégradé, 4 cadereau, fond plat, 5 cadereau, vallon en V, 6 rupture de pente basale, 7 talus détritique, 8 cône de déjection, 9A glacis couvert, 9B glacis colluvio‑alluvial, 10 Vistre de la Fontaine à l’air libre (a), couvert (b), 11 fossé, 12 débordement du Vistre, 13 limite supérieure d’inondation du Vistre, G garrigue, P piémont, V plaine et lit majeur du Vistre.

    DAO G. Macabéo/Afan, d’ap. G. Fabre/CNRS, J. Pey/musée archéo. de Nîmes

    1.1.2.1 Garrigue

    17Au niveau de la retombée de celle‑ci sur la ville, les formes identifiables sont plus banales dans leur géométrie que dans leur genèse. Les aires sommitales, vers 180‑200 m au plus, portent des topographies très nettes d’aplanissements, et des buttes‑collines plus ou moins individualisées par des vallons et alignées sur ceux‑ci. Les aplanissements, ici à l’état de lambeaux, ou de méplats dégradés, sont résolument polygéniques et initiés dès l’Éogène jusqu’au Cénozoïque terminal. Tout comme les apex, ils participent à la « surface d’érosion fondamentale » du Languedoc et à ses retouches, dont le façonnement essentiel est oligo‑miocène. Elle est, sur ce versant sud, en position basse par rapport à son prolongement amont bien conservé qui tronque les assises urgoniennes. La raison principale de cet état de fait relève d’une dynamique hydroérosive différentielle. Celle‑ci est en effet classiquement plus efficace dans les marno‑calcaires du Hauterivien que dans les formations compactes et dures susjacentes de l’Urgonien. Elle rend aussi compte de l’évidement des têtes des vallons et des profils convexes‑brisés des interfluves ; les secteurs avals des cadereaux, aux talwegs plus pentus et « rectilignes », étant davantage et directement commandés par les fluctuations des niveaux de base pliopléistocènes de la Vistrenque.

    1.1.2.2 Piémont‑vallée du Vistre

    18Le piémont constitue le substrat géomorphologique de la zone urbaine et rurbaine et comprend différentes formes de décharges, d’âges récents, compris entre la fin du Pléistocène ancien et les temps historiques, et mises en place de façon synchrone avec l’évidement‑façonnement de la vallée du Vistre. Dans ses grandes lignes, c’est un vaste glacis couvert, dont la racine primitive plus haute (quartiers de la Zup ouest par exemple) a été quasiment gommée par l’érosion. Sont impliqués dans ce relief des petites formes difficilement repérables à cause de l’anthropisation très prononcée des lieux. Outre des topographies ténues d’éboulis, liées à la présence de dépôts de bas de pente érodés, existent de vagues cônes de déjection alluviaux également très érodés, à crête aplanie et à front tronqué (Fabre, Martin 1994). Ils se connectent en amont aux lambeaux de nappes alluviales signalés par P. Marcelin (1929) dans les cours avals calcaires (en place) des cadereaux, avant leur ennoyage sous le piémont clastoïdien. Le plus important se développe du débouché des cadereaux de Camplanier‑route d’Alès vers la place Jules‑Guesde. Dans sa terminaison aval, ce glacis, franchement colluvial jusqu’au niveau de l’autoroute A9, passe sensiblement à un glacis « terrasse » dans la zone affectée par les inondations actuelles du Vistre (lits majeurs de celui‑ci).

    19On retrouve au contact garrigue‑piémont, entre la Fontaine et le mont Duplan, bien qu’inégalement représentés, les traits essentiels évoqués ci‑dessus, à savoir, la base de la garrigue calcaire et la racine même du piémont soulignée par une rupture de pente nette édentée, localement très fracturée (satellites de la faille de Nîmes), et, sur le plan lithostratigraphique, le Hauterivien supérieur calcaire, l’Astien sableux et ses clastoïdes littoraux, le sistre, et les clastoïdes anthropiques (fig. 10, 11). Au toit de ceux‑ci, les sols brun‑beige actuels et les paléosols souvent rougeâtres, analysés par ailleurs, ont des épaisseurs supérieures à 1 m, comme dans l’axe du talweg du « vallon » et du méplat ouest des Hespérides. On comprend pourquoi, outre le caractère isolé des lieux, les protestants y ont enterré clandestinement beaucoup de leurs défunts. Dans la partie haute des Villégiales, l’ensemble sistre‑anthropique‑sols et paléosols atteint même 2,5 m de puissance.

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    FIG. 10 – Coupe lithostratigraphique de référence moyenne du contact garrigue‑piémont entre le jardin de la Fontaine et le mont Duplan. 1 Hauterivien, 2 Plaisancien, 3 Astien, 4 Pléistocène ancien rhodanien, 5 Pléistocène sistre, 6 Pléisto‑holocène limons, 7 Pléisto‑holocène divers et anthropique.

    dess. G. Fabre/CNRS, J. Pey/musée archéo. de Nîmes,

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    FIG. 11 – Log lithostratigraphique de référence moyenne au contact garrigue‑piémont entre le jardin de la Fontaine et le mont Duplan.

    dess. G. Fabre/CNRS, J. Pey/musée archéo. de Nîmes,

    20L’interprétation strati‑géométrique des logs des forages, des sondages et des coupes indique clairement que tout ce secteur est concerné par la pointe transgressive de l’Astien discordant et érodé sur le Hauterivien, parfois bréchique au droit des zones fracturées. Celui‑ci est également raviné en discordance, comme l’Astien, par la pointe amont du sistre, sur lequel reposent, également en discordance, les clastoïdes anthropiques. Les plus hautes côtes de l’Astien sont dans ce secteur : 57 m ngf aux Hespérides (toit érodé), 55,6 m ngf aux Villégiales (toit érodé).

    1.1.3 Hydrologie

    21L’environnement hydrologique et hydrogéologique de la zone de contact garrigue‑piémont (fig. 12) est bien connu dans ses grandes lignes et signalé dans plusieurs travaux auxquels on renvoie pour plus de précisions (Bayer, Poul 1975 ; Fabre 1980 ; 1987 ; Fabre et al. 1994 ; Fabre et al. 1991).

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    FIG. 12 – Niveaux piézométriques habituels sous le site de Nîmes. 1 altitude NGF (en m), 2 rempart augustéen, 3 écusson médiéval, 4 crétacé inférieur marno‑calcaire affleurant, 5 terrains dastoïdiens affleurants de l’intervalle Pliocène‑Holocène, 6 contact garrigue‑piémont, 7 cours d’eau pérenne, 8 courbe isopiézométrique.

    DAO G. Macabéo/Afan, d’ap. G. Fabre/CNRS, J. Pey/musée archéo. de Nîmes

    1.1.3.1 Hydrologie de surface

    22L’hydrologie de surface actuelle est nulle dans le secteur des Hespérides, à celle près, très temporaire, brutale et induite par les épisodes orageux, comme un certain 3 octobre 1988. Ce n’était pas le cas, dès la fin du Pléistocène, durant tout celui‑ci, et antérieurement. La paléohy-drotopographie est sans équivoque malgré le masque anthropique qui entrave considérablement la qualité de l’observation directe ou aéroportée. Ainsi, de l’apex de la tour Magne, jusqu’à celui du mont Duplan, l’analyse permet de définir « l’affleurement » des têtes concaves vers le nord de quatre petits vallons N‑S, plus ou moins marqués, creusés dans les calcaires hauteriviens, dont les tronçons avals s’ennoient sous les clastoïdes du piémont : aux Hespérides, dans l’axe de la rue Ménard, au réservoir de la porte d’Alès et dans l’axe de la rue Baudin. La pointe supérieure de leurs bassins versants passe par une ligne de crête orientée O‑E, au droit du tracé des rues de la Tour‑Magne, des Gazons, Démians, des Moulins et des Trois‑Fontaines, jusqu’au col de la Croix‑de‑Fer. Les débits qui transitaient étaient, en tout état de cause, bien inférieurs à ceux des principaux cadereaux de la ville mais, lors de leur étiage‑tarissement en particulier, ils devaient s’injecter dans les aquifères sous‑jacents. En effet tout leur substrat, sous la surface urbanisée, est perméable en grand.

    1.1.3.2 Hydrogéologie

    23Sous la surface se trouvent plusieurs aquifères, aux caractéristiques bien différentes, dans les formations calcaires affleurantes ou sous couverture, et dans les clastoïdes du piémont. Ils sont souvent superposés et plus ou moins connectés entre eux.

    Aquifère du Hauterivien (A.K.)

    24Il concerne surtout, mais pas exclusivement, le Hauterivien supérieur, très fissuré, karstifié, perméable en grand (K [= perméabilité] comprise entre 8.10‑3 et 10‑4 m/s) et réservoir principal drainé partiellement en surface par l’émergence de la Fontaine et vidangé temporairement lors des crues par les émergences karstiques de la Gaffone, de l’Eau Bouillie, de la Crucimelle, et d’un grand nombre d’autres. Son niveau piézométrique habituel se cale en gros entre 51 et 65 m ngf, mais il peut nettement monter lors des crues et atteindre, voire largement excéder des cotes supérieures à 70 m ngf. Le 3 octobre 1988, pendant quelques heures elles furent dépassées, et on a pu observer des mises en charges spectaculaires dans tout le bassin d’alimentation. Toutes les fissures « pissaient », des émergences se sont créées pour disparaître aussitôt, par exemple aux quartiers d’Espagne, de La Cigale, du Bois de Mittau et sur les pentes de la tour Magne. À l’aven de la Fontaine, sis juste en arrière du griffon, un « geyser » de 6 m de haut a coulé pendant 2 heures, alors qu’à la source même, on notait quelque 35 m3/s ! En aval, sous couverture, et en amont de sa dénivellation par la faille de Nîmes, le niveau piézométrique normal se distribue entre 40 et 30 m ngf sous l’écusson médiéval. La nappe est libre en amont de la Fontaine, captive au sud.

    Aquifère de l’Astien (A.N.)

    25Malgré sa faible extension, cette nappe phréatique à perméabilité d’interstices peut produire des débits voisins de 1 m3/s. Ses caractéristiques sont les suivantes : perméabilité comprise entre 2.10‑5 et 6.10‑8 m/s, transmissivité 10‑5 m2/s.

    Aquifère du Pléistocène ancien rhodanien (A.V.)

    26Bien développé en Vistrenque, sa limite supérieure se situe au niveau de l’écusson. Ses caractéristiques sont les suivantes : perméabilité comprise entre 10‑2 et 10‑3 m/s, transmissivité comprise entre 10‑2 et 10‑4 m2/s. Son extension verticale est modeste, quelques mètres au nord, 15 m au sud, avec un niveau piézométrique voisin de 35‑40 m ngf dans la zone densément urbanisée. Le toit se cale entre 35 m ngf au nord et 5 m ngf au sud.

    Aquifère du sistre (A.5.)

    27Cette nappe, ou plutôt ces petites nappes discontinues, lenticulaires, ou à niveaux superposés (stratiforme, aquifères « multicouches »), individualisées par des passées argileuses étanches, médiocre dans ses caractéristiques générales, avec une perméabilité comprise entre 5.10‑3 et 5.10‑6 m/s, est présente sous toute la ville, de la racine du piémont, jusqu’à une ligne orientée N‑E/S‑O passant entre le boulevard périphérique sud et l’autoroute A9. C’est elle qui assurait l’essentiel de l’alimentation de la ville, de ses origines au xixe s., avant le captage des eaux souterraines du Gardon‑Rhône à Comps. Tous les puits de l’écusson relèvent de cet aquifère, avec un niveau piézométrique moyen, actuellement dans une dynamique de rabattement, situé entre ‑4 et ‑10 m (35‑41 m ngf).

    Relations entre les aquifères

    28Elles sont en tout état de cause complexes et fluctuantes selon les conditions du régime et les secteurs, mais davantage pour certaines que pour d’autres. Ainsi au sud, l’A.K., sous couverture clastoïdienne, et en crue, a son écoulement partiellement barré par la faille de Nîmes et les niveaux étanches du Pliocène inférieur‑moyen marno‑argileux. En temps normal, il est drainé vers les aquifères profonds de la Vistrenque par cette même faille. À l’ouest et à l’est de la ville, là où le Pliocène imperméable a été érodé, l’A.K. s’injecte ponctuellement dans l’A.N.‑A.V., et même dans l’A.S.

    29L’A.N. et l’A.V., non individualisés par un niveau étanche et souvent en continuité stratigraphique, constituent en fait un seul aquifère, qui draine ponctuellement l’A.K.

    30L’A.S. quant à lui, très étanchéifié par l’anthropisation à son toit, a un mur argileux également très étanche. Seul l’A.K. l’injecte, surtout en périodes de crues. En phase normale, il est nettement individualisé.

    31Des nuances ont été relevées dans le secteur des Bénédictins. Comme elles ne modifient pas sensiblement le schéma général exposé, elles sont associées à l’étude des puits développée ci‑après (cf. infra § 4.2).

    1.1.4 Conclusion

    32Les vestiges archéologiques identifiés sont encaissés indifféremment dans tous les terrains évoqués supra, à savoir : Hauterivien calcaire en place, Astien sableux, sistre et formations clastoïdiennes de racine de piémont, avec une part anthropique cumulée dans le temps nettement supérieure à celle naturelle en ce qui concerne les niveaux décimétriques supérieurs, les sols et les lambeaux de paléosols en particulier. Par ailleurs on peut être péremptoire, aucun contrôle tectonique général, ou d’échelle plurimétrique, n’a présidé à l’implantation de l’habitat. Ainsi les critères géologiques n’ont joué en rien dans le choix de l’urbanisation. Seul celui des habitants antiques a prévalu. En ce sens, il apparaît qu’ils ont tenu un certain compte des critères topogéomorphologiques : base de pente abritée et bien orientée, existence de méplats, de replats, et de clastoïdes libres facilement aménageables en terrassettes cultivables, et des critères hydrologiques : construction hors des lits des cadereaux, présence d’eau souterraine importante, de qualité et facilement cap table.

    1.2 L’anthropisation des pentes du mont Cavalier : archéologie agraire en milieu urbain

    33p.p.

    34Présenter les quelques documents relatifs aux rapports entretenus par l’homme et l’environnement sur les pentes méridionales du mont Cavalier ne peut désormais et raisonnablement pas affranchir quiconque de poser la question relative à l’existence d’une démarche archéologique ayant pour objectif, non seulement la connaissance de la dynamique de l’environnement, mais aussi celle des rapports entre milieu naturel et sociétés d’agriculteurs, et celle des aménagements du paysage rural et des techniques de la production agricole. En effet, cette question ne peut plus être esquivée, singulièrement à propos de la région nîmoise, et on peut même étendre sa portée à tout le Languedoc oriental, alors que se développent, depuis une dizaine d’années, quelques actions de recherche qui sont qualifiées d’archéologie spatiale, d’archéologie du paysage ou d’archéologie agraire.

    1.2.1 La documentation géoarchéologique et les questions de méthodes

    35J’irai tout à fait dans le même sens que mon collègue géographe G. Fabre lorsqu’il fait allusion (cf supra § 1.1) à « l’habillage » de certains travaux archéologiques par des études environnementales. Cette pratique a prévalu jusqu’au milieu des années 80. Cependant, une ouverture à une véritable interdisciplinarité verra peu à peu le jour dans l’archéologie languedocienne. La publication des travaux sur le territoire d’Ambrussum avait en quelque sorte ouvert la voie des champs (Poupet, Favory 1989), mais cette première illustration de l’évolution dans la pratique de l’archéologie reste encore bien isolée aujourd’hui, en 1997. La fouille néglige encore trop souvent le volume sédimentaire complexe qu’est un site archéologique, avec ses stratifications, ses transformations post‑dépositionnelles et ses connexions aux sédiments de l’environnement. Je l’écrivais déjà en 1988 dans La Pensée (Poupet 1988 : 43‑55), ce qui montre que l’évolution des pratiques archéologiques n’est pas aussi rapide et profonde que voudraient le faire croire les recensions censées promouvoir l’archéologie agraire pour la restreindre à l’analyse morphologique des grandes divisions parcellaires et aux études cadastrales (Fiches 1994b ; 1996d). Je l’écrivais encore dans le chapitre de la publication de la fouille de la Zac des Halles consacré à la campagne nîmoise (Poupet et al. 1993 : 76, n. 8). Enfin et surtout, bien avant moi, un homme qui a marqué la recherche archéologique languedocienne avait déjà tenu le même discours. En 1933, lors de sa conférence à la XIVe session de l’École antique de Nîmes, P. Marcelin évoquait en effet déjà l’intérêt des recherches spécialisées sur le sol pour la géographie humaine et la Préhistoire (Marcelin 1933 : 42‑44). C’était l’époque de la naissance de la pédologie en France et des premières études dans le Languedoc. Cet avertissement ne fut guère entendu. Et pourtant, P. Marcelin concluait sa conférence par ces deux phrases éloquentes : « Nous avons essayé de montrer que cette étude, précise et détaillée, des sols, de leurs relations avec le climat, avec la végétation, avec les cultures, ne peut manquer d’apporter à l’Histoire une précieuse contribution [...] Elle doit nous être particulièrement utile en ce qui concerne ces civilisations primitives dont le secret, dit Vidal de la Blache, est géographique autant qu’historique. » Il est à l’évidence insuffisant de changer de vocabulaire, en parlant maintenant de parcellaires au lieu de cadastres ou limitations antiques, pour acquérir les compétences nécessaires à l’étude de l’espace rural dans sa principale composante qui reste quand même, faut‑il encore le rappeler, le sol et son histoire.

    36Je reprends pour la deuxième fois ces phrases à mon compte en tentant de leur apporter une lumineuse confirmation. Mais les résultats produits par la collaboration entre archéologues et spécialistes des sciences de la Terre sur les terrains de la Zac des Halles (Poupet et al. 1993 : 29‑79) et du quartier des Bénédictins ne doivent en définitive pas occulter toutes les nombreuses destructions de la documentation relative aux paléopaysages ruraux qui ont eu lieu dans le même temps. Dire que l’archéologie des campagnes du Languedoc oriental, et plus particulièrement du Némausais, est entrée dans une phase où « l’interdisciplinarité est vécue et pas seulement invoquée », pour reprendre une expression fort juste de Ph. Leveau pour qualifier la recherche en Provence, serait à mettre au compte de l’ignorance de la situation de la recherche de l’autre côté du Rhône, en Languedoc oriental, ou, plus gravement, cela voudrait dire que l’on a franchi le pas vers l’imposture.

    37À Nîmes, dès le début des années 80, le nouvel essor de la recherche archéologique était possible, en partie issu d’une prise de conscience de quelques archéologues, d’une volonté de leur part de rompre avec les traditionnelles annexes, pour ne plus restreindre la démarche archéologique au bâti, aux céramiques et aux autres objets manufacturés mais de l’élargir à la production vivrière, au troupeau et à la chasse, aux végétaux prélevés dans un territoire qu’ils soient cultivés ou non. Ce changement devait son ampleur à une lente diffusion des résultats des travaux anglo‑saxons et helvétiques principalement, de quelques recherches pionnières en France aussi, qui prenaient en considération l’environnement des sites, les macrorestes végétaux et la nature des sédiments constitutifs des stratifications archéologiques.

    38Sur les pentes méridionales du mont Cavalier, les sites fouillés qui ont pu profiter d’une collaboration interdisciplinaire sont rares. Seuls ceux de La Fontaine des Bénédictins, des Villégiales des Bénédictins et, dans une moindre mesure, de la propriété Solignac‑Villa Roma ont autorisé la collecte de données sur le paléopaysage rural qui a précédé et accompagné l’agglomération. Il faut ajouter à cette documentation celle de la Zac des Halles qui illustre le paysage du bas de la pente, à proximité du lit du Vistre de la Fontaine, et celle recueillie à l’occasion d’une opération immobilière dans le quartier des Terres du Fort, rue Fléchier, à 250 m au N‑E du premier site. À côté de ces recherches, il faut bien avouer que les opérations de terrain ont ignoré cette ouverture de la discipline et sont restées à l’écart des nouvelles démarches archéologiques en privilégiant le contenu des unités stratigraphiques tout en ignorant le contenant, notamment les matériaux constitutifs des strates les plus profondes.

    39Le cadre général de la pente méridionale du mont Cavalier dans lequel vont évoluer les premiers agriculteurs est de ce fait difficilement saisissable. Les seules données sont issues des observations réalisées par G. Fabre. Elles vont permettre de tracer les grandes lignes de ce paysage qui ont imposé leur marque à l’histoire de ce géosystème. Cette connaissance a pu être sensiblement enrichie par une étude géoarchéologique approfondie réalisée pendant plusieurs mois, en fonction de l’avancement des fouilles du site des Villégiales des Bénédictins. Il est ensuite facile de comprendre pourquoi les travaux de sauvetage du quartier de La Marseillaise effectués en 1966 par V. Lassalle n’ont pu s’attarder sur les niveaux archéologiques profonds. À cette époque, l’archéologie urbaine ne bénéficiait pas de la protection de tout l’arsenal juridique actuel et l’interdisciplinarité n’avait pas encore été inventée. Plus récemment, les travaux préalables à la construction des Hespérides ayant été réalisés par les seuls fouilleurs, la documentation géoarchéologique n’a pas été exploitée comme il l’aurait fallu.

    1.2.2 Le paysage des agriculteurs néolithiques

    40Le domaine des plateaux et collines, formé par les calcaires durs du Hauterivien plissés et fracturés, s’arrête selon un contact globalement linéaire mais très irrégulier à courte distance. Une première rupture de pente très nette fait une transition avec les pentes lacérées par des vallons. Ce relief de gradin de faille et le réseau hydrographique qui l’accompagne sont responsables des formes du paysage : un aspect rectiligne dans l’ensemble, un plan incliné en direction du sud et du S‑E, un détail haché et anguleux sous l’action des écoulements de surface qui ravinent ce plan en le subdivisant, des versants d’érosion où les roches dures sont mises à nu et où les produits d’érosion de granulométrie très variée s’accumulent différentiellement selon la pente.

    41L’importance de ce relief et des dépôts corrélatifs n’a jamais été réellement soulevée dans les études archéologiques. Elle est pourtant fondamentale dans le cas du géosystème qui forme le substrat du quartier des Bénédictins. Tous les écosystèmes qui se sont succédé sur ces pentes ont en effet été étroitement dépendants du relief comme du climat. La pente topographique et son inclinaison, la lithologie, les paramètres climatiques, le drainage et la stabilité des sols sont à l’origine des phénomènes d’érosion et des dépôts corrélatifs plus ou moins pédogénétisés. Et quand on a compris que certains caractères de ce géosystème ont pu présider au choix fait par des communautés humaines de cet emplacement pour y installer un habitat et y construire des champs, il semble que la question d’une étude géoarchéologique un tant soit peu précise, bien que rapide, se pose en termes cruciaux.

    42Cela devrait permettre à l’archéologie de ne pas toujours réduire l’origine de Nîmes à l’unique attrait exercé par La Fontaine, en se perdant dans les suppositions invérifiables du domaine sacré et dans la facilité du mythe fondateur qui permet d’évacuer « élégamment » les vraies questions sans avoir le moindre recours à une démarche herméneutique. Et ces questions ne sont rien moins que relatives à l’installation d’une communauté majoritairement composée d’agriculteurs, évidence que l’archéologie protohistorique languedocienne a manifestement oubliée depuis trois décennies au moins. La présente étude du quartier des Bénédictins qui allie les observations géopédologiques et archéologiques devrait, sans prétention, permettre de mieux maîtriser la formation de l’agglomération nîmoise depuis l’arrivée des agriculteurs de la Préhistoire.

    1.2.2.1 Le substrat

    43Les formations strictement géologiques constituant le substrat du paysage naturel –ce qualificatif étant compris dans son sens strict–, antérieur à l’intervention de l’homme agriculteur, sont d’une extrême complexité à l’échelle de la pente du quartier des Bénédictins. Les variations de nature pétrographique se font à courte distance, sans logique apparente si ce n’est l’impression d’un gigantesque chaos sur la pente.

    44L’étude du sous‑sol antérieur à tous les dépôts liés à l’anthropisation de la pente a pu être rapidement effectuée aux Villégiales des Bénédictins. Pendant les investigations archéologiques, trois longs transects ont été levés afin de rendre compte de la topographie générale, de la grande diversité géologique du substrat à une échelle plurimétrique et de la couverture sédimentaire soumise aux agents de la pédogenèse (fig. 13). Le premier transect long de 30 m a été implanté au droit de la domus B, de l’aire d’ensilage occidentale et de la partie haute du projet immobilier (espace D). Il a permis une lecture géoarchéologique du substrat entre 62,5 m et 58 m ngf. Le deuxième transect long de 27 m recoupe les domus A et C et le substrat a pu être étudié entre 61 m et 58 m. Enfin, le troisième transect dans le secteur H (fig. 13, coupe C3), long de 25 m, a été celui qui a permis les observations les plus précises en raison de l’absence de vestiges archéologiques, notamment de mosaïque gallo‑romaine, hormis quelques traces d’une occupation protohistorique (foyers).

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    FIG. 13 – Les Villégiales des Bénédictins. Plan des vestiges protohistoriques de la fouille (en fond, les constructions du Haut‑Empire). Situation des zones, secteurs et coupes.

    DAO M. Monteil, L. Sauvage/Afan

    45La variété des renseignements recueillis est bien plus importante que ne le montre le schéma obligatoirement réducteur illustrant, dans la partie archéologique de cette étude, la séquence stratigraphique sur la pente. À ces trois transects à finalité géoarchéologique, il faut ajouter deux coupes stratigraphiques (fig. 13, coupe C5 pour la plus occidentale) levées sous l’hôtel particulier des Villégiales qui renseignent sur le bas de la pente, entre 58 et 54 m ngf environ. Enfin, la construction des immeubles des Villégiales ayant été précédée d’une profonde excavation à l’emplacement des secteurs E, G, H et des domus A et C, le chaos géologique a pu être observé sur une grande coupe stratigraphique offerte par la paroi septentrionale de l’excavation.

    46L’impression générale qui ressort de toutes ces observations complémentaires est donc une extrême complexité. Dans ce secteur de la pente, le calcaire hauterivien affleure de part en part sans que l’on puisse comprendre, par un examen de surface, le processus géomorphologique responsable de la forme du toit de cette formation géologique. La seule évidence est relative à certains affleurements qui correspondent en fait à d’énormes blocs remaniés sur la pente puis noyés dans les sédiments meubles provenant de la décalcification des calcaires hauteriviens.

    47Globalement, le sous‑sol de ce quartier est composé de plusieurs formations qui s’étagent sur la pente, directement sous les premières unités stratigraphiques anthropisées. Au plus haut, dans le secteur D des Villégiales, les calcaires du Hauterivien sont soit à l’affleurement, soit recouverts par les limons argileux, de couleur ocre à rouge, issus de l’altération des premiers par décalcification. Cette terra rossa (ou terra fusca ?) est notamment conservée dans les multiples diaclases de la roche très fracturée. Plus bas, une nette rupture de pente, conservée jusque dans le paysage urbain moderne, met les calcaires à l’affleurement. L’accident topographique est tel que les roches n’ont jamais pu recevoir et conserver une couverture détritique. Il se situe directement au sud de la galerie technique d’adduction d’eau datée de l’époque romaine (cf. infra § 2.2.2.1) et forme une sorte de barrière de direction E‑O qui limite, au nord, le secteur E, la domus C et l’aire d’ensilage occidentale. Sous cette deuxième rupture de pente, les matériaux du sous‑sol sont incartographiables tant leur imbrication est complexe. On y trouve des affleurements de blocs calcaires massifs et plurimétriques, des calcaires très fracturés, bréchiques, des clastoïdes calcaires grossiers, des limons argileux jaunâtres à rougeâtres, parfois très homogènes sur le plan granulométrique, parfois très hétérogènes avec de nombreux éclats calcaires de toute taille, aux arêtes émoussées. Enfin, au droit du jardin de la domus B, sous la domus A, dans le secteur G et bien sûr, toujours plus bas sur la pente, sous l’hôtel particulier, des limons épais argilo‑sableux se substituent totalement au complexe détritique plus hétérogène de la pente.

    48La grande excavation réalisée à la fin de la fouille archéologique dans la partie médiane du projet immobilier des Villégiales des Bénédictins, en contrebas de la rupture de pente, a été profitable à la compréhension de l’aspect complexe du substrat et notamment de ces brutales variations de faciès entre le calcaire massif ou fracturé, les clastoïdes grossiers, le sistre et les limons argileux ou sableux. Cette excavation a largement atteint les sables astiens déjà observés sur les coupes de terrain offertes dans les puits étudiés par G. Fabre et J. Pey. (Fabre et al. 1994 : 50, 66). La séquence stratigraphique examinée intègre la succession des phénomènes géomorphologiques et pédologiques depuis la transgression du Pliocène supérieur qui a déposé les faciès sableux.

    49À la base de la coupe de terrain, vers 55 m ngf, les sables sont abondamment micacés, de couleur verte, et présentent des bancs indurés, grésifiés. Entre 56 m et 57,50 m, les sables deviennent plus jaunes et sont recouverts par un dépôt d’argile verte de 0,60 m d’épaisseur, ce qui illustre les variations de dynamique de la sédimentation et des apports continentaux.

    50Ces formations géologiques n’intéressent pas au premier abord l’archéologie. Mais la fouille des Villégiales en 1991‑1992, comme celle de la Zac des Halles en 1990, est une nouvelle occasion d’insister sur l’aspect primordial d’une étude du sous‑sol. J’en veux pour preuve la découverte de cette argile qui a pu être facilement exploitée, car accessible, pour la fabrication de matériaux de construction en terre crue ainsi que pour la céramique. L’argile des Villégiales contient des nodules de carbonates, cette formation secondaire intra‑sédimentaire tendant même parfois vers l’encroûtement. Il faut rappeler qu’une production de céramiques à pâte calcaire du ier s. av. n.è. a été mise au jour sur le chantier des Halles tout proche (Sauvage 1993).

    51À la surface de l’argile, des blocs calcaires et autres fragments de toute taille recouvrent une surface de ravinement, témoin d’une exondation et d’un retour à des conditions d’érosion continentale. La stratification se poursuit par le retour des sables marins qui ont une couleur ocre à jaune caractéristique des conditions d’oxydation sur le continent. Cette sédimentation s’est effectuée à proximité de la plage astienne puisqu’elle est ravinée au toit et recouverte par une formation de plage indubitable, à la cote de 57,30 m ngf, constituée de sables mêlés à des galets calcaires très roulés. Cette plage marque le retrait des eaux et l’avènement définitif d’un régime continental.

    52Sur 1,60 m d’épaisseur, recouvrant les derniers dépôts marins, une formation complexe rend compte d’une intense érosion et, sans doute, de bouleversements d’ordre tectonique sur les pentes des reliefs calcaires. Elle est constituée de limons plus ou moins argileux, ocres à rouges, qui ne présentent aucune stratification. Ils emballent des éléments de roche calcaire de toute taille, des graviers aux blocs, les plus gros blocs pouvant atteindre plusieurs dizaines de tonnes et affleurant au toit des limons. Cette formation très hétérogranulaire est non seulement caractéristique d’une violente crise érosive sur la pente mais porte aussi la signature d’un démantèlement brutal des affleurements calcaires, peut‑être d’une falaise morte. Certains blocs calcaires portent des traces de dissolution par les eaux de pluie qui forment de profonds lapiez. De nombreuses roches calcaires, roulées, à patine jaune, et présentant les perforations des organismes lithophages caractéristiques de la ligne de rivage ont été retrouvées pendant la fouille dans ce substrat (fig. A).

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    FIG. A – Les Villégiales. Vue de la séquence stratigraphique observée dans la partie médiane.

    cl. X. Belougne/Afan

    53La fin de la séquence sédimentaire, sous les premiers niveaux anthropiques à 59 m ngf, est semblable aux colluvions sous‑jacentes mais la sédimentation est plus fine, plus argileuse, et les fragments de calcaire aux arêtes émoussées ne dépassent pas la taille des cailloux (2‑20 cm). Le dépôt est également très hétérogène spatialement puisque l’on passe latéralement de limons argileux purs à un complexe grossier de décharge sur pente.

    54Ce sont ces deux derniers faciès sédimentaires continentaux qui représentent les conditions du géosystème et de l’écosystème pendant au moins tout le Quaternaire ancien, en fait pendant la totalité du Pléistocène et une grande partie de l’Holocène. Ce sont eux qui sont à l’affleurement sous les premières unités stratigraphiques très anthropisées. Ils forment ce substrat complexe, aux variations latérales de faciès brutales et extrêmes. Ils ont aussi supporté l’attaque des agents de la pédogenèse et climatiques pour se transformer en sols (lithosol, sol fersiallitique, rendzine, sol brun calcaire sur matériau d’origine fersiallitique).

    55Les matériaux succinctement décrits ci‑dessus sont les seules indications organo‑minérales directement accessibles à la fouille qui intègrent la succession de phases climatiques du Tardiglaciaire et du début du Postglaciaire (alternance et succession de froids secs ou humides et de périodes tempérées parfois chaudes et humides) et l’état de la couverture pédologique et végétale sur les pentes en amont. Leur mise en place s’est effectuée depuis le retrait de la mer astienne sous la forme de clastoïdes et de dépôts gravitaires de pente au cours de violentes crises de décharge par solifluxion. Des tris granulométriques sont également sensibles dans les différents apports, le ruissellement ayant entraîné les phases les plus fines jusqu’aux pièges formés par les cuvettes entre les blocs du chaos de pente. Les sédiments constituant ce substrat sont également marqués par des épisodes climatiques anciens, interglaciaires, où les processus pédogénétiques étaient à caractère rubéfiant car les limons argileux portent la signature colorée d’anciens sols fersiallitiques.

    56En définitive, le substrat sur lequel se sont développés les sols qu’ont trouvés les agriculteurs néolithiques est une mosaïque de dépôts grossiers de pente à éclats calcaires qui sont paradoxalement les moins représentés en surface, de calcaires durs fracturés et de terra rossa présents sur le haut de la pente dans l’espace D des Villégiales, de blocs calcaires affleurant au milieu de limons argileux ocres plus ou moins mêlés de graviers et cailloux calcaires, et enfin de plages de limons argilo‑sableux fortement marqués par une pédogenèse rubéfiante. 11 reste à citer le plus significatif des substrats pour la restitution du paysage préhistorique, une dalle de calcaire évidemment diaclasée mais sans trop de fractures qui se situe sous la domus C, au droit et en contrebas de la rupture de pente majeure du paysage, sur une faille satellite de la grande fracture de Nîmes qui court des Alpes aux Pyrénées.

    1.2.2.2 Les sols et l’agriculture

    57Ces différents substrats ont évidemment réagi différemment aux agents des pédogenèses successives et se sont plus ou moins transformés. La longue histoire de cette altération au cours du Pléistocène et du début de l’Holocène est difficile à suivre car les sols sont rarement conservés sur toute la hauteur de leur profil. Les troncatures contemporaines de la construction des maisons romaines ont, malheureusement pour l’histoire du paysage avant l’agglomération, été les plus incisives. Il ne faut cependant pas oublier que l’érosion s’est toujours poursuivie sur la pente jusqu’à ce que les sols, tronqués ou non, soient « fossilisés » par les bâtiments et les remblais anthropiques. Les remaniements des horizons supérieurs des sols de l’amont n’ont pas cessé de nourrir les profils situés en aval dès qu’un déséquilibre mettait les sols à nu et favorisait leur érosion.

    58Malgré les limites imposées à l’étude par les conditions de conservation, les observations réalisées permettent de reconnaître quelques grandes phases. Il est évident que le paysage de cette pente a été globalement marqué par une pédogenèse rubéfiante pendant les stades chauds et humides du Quaternaire ancien, anté‑würmien. Les sols fersiallitiques qui se sont développés pendant ces périodes ont ensuite été tronqués, parfois totalement décapés jusqu’à la roche‑mère. Il en résulte les matériaux fins piégés dans des dépressions entre les affleurements des blocs calcaires sur la partie médiane de la pente ainsi que les horizons profonds des profils du bas de pente.

    59Ce type de sous‑sol limono‑argileux pourrait paraître anecdotique à celui qui ne connaît le plancher des stratifications archéologiques nîmoises qu’au travers des habituelles notices et informations archéologiques publiées. Il est pourtant beaucoup plus présent sous l’agglomération moderne que ne le laisse entendre cette littérature archéologique qui pêche par méconnaissance et semble n’avoir retenu qu’un seul mot, le sistre (cf. supra § 1.1.1.3). Les limons argileux se retrouvent fréquemment au pied des pentes, à la racine du piémont, et dans une partie de la plaine : Quartier des Halles, au bas des Terres du Fort (rue Fléchier), Zac Villa Roma, Maison carrée. Ils ont certainement joué un grand rôle dans la qualité de l’utilisation de l’espace qu’en ont faite les communautés d’agriculteurs successives, question sur laquelle je reviendrai à propos des aires d’ensilage protohistoriques.

    60La mobilisation et le dépôt de ces matériaux fins sur le piémont ont une autre signification tout aussi importante pour l’histoire du paysage. Les limons beiges, rougeâtres à jaunâtres en profondeur, sont la signature d’un épisode érosif, anté‑néolithique, qui implique une faible couverture végétale inapte à jouer son rôle protecteur des sols. Cette érosion est aussi responsable de quelques autres caractères majeurs du paysage de la pente comme celui des affleurements calcaires lapiézés retrouvés au débouché de la galerie d’adduction d’eau romaine vers le sud et sous la domus C (cf. infra § 2.2.2.1).

    61Ces observations essentielles permettent de restituer un paysage de la fin de la Préhistoire qui possédait déjà certains aspects de nos garrigues modernes. Si je m’en tiens à la période néolithique, une certaine variété de sols était distribuée en fonction du substrat sur la pente du mont Cavalier. Les calcaires affleuraient çà et là présentant ces « rascles », cupules et sillons profonds séparés par des crêtes coupantes et aiguës comme les décrivaient P. Marcelin et P. Rutten aux environs de Nîmes (Marcelin, Rutten 1960). Les lithosols ainsi formés, avec la patine grise à blanche des calcaires hauteriviens, devaient occuper une surface non négligeable sur les pentes et constituer des îlots incultes.

    62Cependant, l’essentiel du paysage possédait une couverture pédologique. Vers le haut de la pente, il ne reste qu’une formation rouge sous les niveaux romains. Ce fond de profil fersiallitique ne permet pas de restituer un paysage néolithique. Il n’est en effet pas possible de situer précisément dans le temps la troncature des horizons supérieurs ni d’en déduire la nature et le biotope supporté et nourri. Il faut descendre sur la pente pour constater que l’érosion avait déjà décapé la plupart des horizons organiques des sols plus profonds, antérieurement au second âge du Fer (secteurs E et G, sud de la domus B). Mais il est probable que les agriculteurs de la fin de la Préhistoire ont trouvé là des sols polycycliques, assez profonds, développés sur la terra rossa et les sols fersiallitiques. Des sols bruns calcimorphes avaient également pu se former sur les colluvions enrichies d’apports éoliens comme le montrent les profils pédologiques conservés en quelques endroits du bas de la pente, notamment ceux retrouvés sous l’hôtel particulier du xviiie s.

    63Tous ces sols pouvaient en principe supporter un couvert végétal de type forestier (chêne et pin) où les taxons méditerranéens devenaient petit à petit majoritaires. Mais sur la pente du mont Cavalier, des phénomènes de lessivage et de recarbonatation secondaire des horizons profonds, caractérisés par la présence de concrétions et de croûtes, ont également pu être observés. Ces processus pédologiques sont plutôt activés par l’agriculture car les pratiques aratoires augmentent les échanges entre le sol, l’air et l’eau, ce qui facilite la mise en solution, le transport et le dépôt de sels. En résumé, le paysage de la pente devait être largement déboisé et offrait vraisemblablement une variété de sols tout à fait aptes à supporter des cultures.

    64Dans cette variété de profil pédologique, il en est un que j’ai réservé pour la fin car son examen à la fouille a permis d’y reconnaître et de recueillir des artefacts lithiques étudiés par L. Jallot et datés du Néolithique moyen (4500‑3500 av. n.è., Chasséen méridional). Ce sol est une rendzine, de couleur brune à noire, peu épaisse. Il est développé sur les argiles de décarbonatation ancienne du paléosol fersiallitique riche en fer qui couvraient une dalle calcaire peu pentue, juste sous la rupture de pente, au droit de la domus C. La structure du sol est grumeleuse et le profil de type AC. La texture est fine mais le sol possède aussi une charge caillouteuse non négligeable. Les caractères macroscopiques observables sur le terrain ont été suffisants pour affirmer que cette rendzine avait évolué vers le type brunifié anthropique parce qu’elle avait été cultivée. Le travail du sol a eu pour conséquence une fragmentation des cailloux qui a impliqué une augmentation de la teneur en carbonates des fractions fines. Ce même travail a également eu pour effet de réduire la teneur en matières organiques évoluées, par oxydation d’une fraction des matières humiques. La texture et la couleur de ce sol cultivé, caractères appréciables à l’œil nu, sont le résultat de cette déshumification de la fraction la plus labile de la matière organique associée à l’enrichissement en carbonates.

    65La découverte et l’identification de ce lambeau de champ cultivé prennent toute leur dimension avec la présence du mobilier lithique et l’étude réalisée par L. Jallot (cf. infra § 1.3). L’efficacité du travail interdisciplinaire a en effet permis de mettre en évidence une agriculture néolithique, chasséenne, sur cette pente du mont Cavalier. L’absence de céramique modelée associée aux silex est certainement un autre indicateur, en convergence avec les caractères du profil pédologique, qui force l’interprétation à abandonner toute tentative de conclusion visant à démontrer un habitat.

    66Je veux insister sur ce point de l’efficacité de l’interdisciplinarité alors que se développent des démarches archéologiques de plus en plus nombreuses en direction des paysages ruraux. Il est malheureusement certain que bon nombre de sites difficilement détectés, souvent peu ou pas fouillés, au plus profond des stratifications urbaines, ne sont pas les traces d’habitat que l’on peut lire dans les rapports et publications, mais plutôt ces champs que l’archéologue seul, possédant les compétences qui sont habituellement les siennes, ne peut voir. Il est également patent que certains sites détectés au cours de prospections pédestres, qui ne livrent en surface que des silex, et qui sont interprétés comme des habitats, appartiennent aussi à la catégorie des champs. Deux zones ont ainsi pu être définies dans la plaine de la Vistrenque, au sud de l’agglomération nîmoise, où la seule présence de silex inspire la même conclusion. C’est également le cas dans le Lunellois où L. Jallot a été le premier à étudier ces sites particuliers et à formuler cette conclusion.

    67La présence de ce sol noir et peu épais sur la dalle de calcaire n’a rien d’exceptionnel. Ce qui est plus surprenant, c’est sa parfaite conservation sous d’épaisses colluvions grossières qui l’ont soustrait aux agents de la pédogenèse. Les limons très caillouteux d’origine anthropique qui se sont déposés sur les champs chasséens –du moins néolithiques pour ne pas exagérer la précision de la datation du champ à partir du rattachement typo‑chronologique des silex retrouvés– mettent en évidence une érosion brutale des terrains situés plus haut sur la pente, érosion induite par la pression agricole et le déboisement qui ont fragilisé la couverture pédologique et l’ont rendue vulnérable aux effets des précipitations violentes et des ruissellements. Cet épisode érosif a sans doute été accentué par le déséquilibre intervenu lors de l’abandon de ces champs cultivés, jusqu’à ce que la végétation reprenne sa place et son rôle fixateur des matériaux meubles sur la pente.

    68Les fouilles archéologiques récentes ont donc apporté la preuve que l’anthropisation des pentes du mont Cavalier a bien été effective depuis le Néolithique et qu’il n’a pas fallu attendre la fixation d’un groupe humain au vie s. près de l’exurgence karstique pour perturber l’équilibre fragile de l’écosystème naturel, développé dans des conditions de substrat et d’orographie très sensibles aux attaques des agents de l’érosion. Les abords mêmes de La Fontaine ont été très tôt le lieu du développement d’un habitat connu depuis le début du siècle et remis au jour par les fouilles récentes de la Zac Villa Roma (Gimon 1923 ; Hugues 1924‑1926).

    69Il est malheureusement difficile de savoir quoi que ce soit sur le statut de cette occupation de la fin de la Préhistoire retrouvée sur la Zac Villa Roma. Maisons et/ou champs, la documentation accessible ne permet pas de conclure sur la qualité et la densité des traces, pas plus que sur les sols puisque, sur le site de Villa Roma comme souvent à Nîmes, les investigations ont privilégié les domus romaines et les constructions monumentales.

    1.2.2.3 L’eau

    70Le modelé topographique est aussi sous l’influence du réseau hydrographique. Deux des quatre vallons anté‑holocènes définis par G. Fabre concernent le quartier, celui au droit des Hespérides et de La Fontaine des Bénédictins et celui dans l’axe de la rue Ménard, à l’est des Villégiales. Les incisions marquées de la pente dont ils sont responsables sont restées des dépressions linéaires canalisant les eaux de ruissellement, malgré leur enfouissement relatif sous les produits de l’érosion, le sistre et les limons de la racine du piémont.

    71Il faut ajouter à ce système hydraulique le cours du Vistre de la Fontaine dont l’un des lits –ou le lit si l’hypothèse pourtant plausible d’un second bras naturel plus méridional n’est pas retenue– s’est frayé un chemin au bas de la pente, au droit de l’actuel canal de la Fontaine et du boulevard Gambetta, comme l’ont confirmé les travaux géoarchéologiques de la Zac des Halles déjà cités. Ce cours d’eau suit la base de la pente, calé sur la bordure d’un vaste cône de déjection dont la racine se place entre le mont Cavalier et les reliefs de Montaury et du mont Mirabel. Il a même pu être grossi, à un moment de son histoire, des eaux temporaires du cadereau, comme le suggèrent des observations réalisées au cours de sondages archéologiques à l’angle de l’avenue Franklin‑Roosevelt et de la route d’Alès.

    72Ce paysage a évolué sous l’action des déplacements de matériaux pédologiques et de fractions minérales plus grossières sur les pentes, provoquant un comblement partiel ou total des ravins prénéolithiques. Des processus géomorphologiques semblables ont été mis en évidence sur les versants des Alpilles en Provence (Ballais 1993 : 515‑547). Si au Néolithique la topographie devait être relativement différenciée en ravins et croupes sur le haut du piémont, le paysage est ensuite devenu sensiblement différent, notamment par un comblement partiel des lits des vallats. Les observations réalisées sur le site des Villégiales, à l’est du terrain dans le secteur E, tendent à démontrer qu’un probable écoulement préférentiel des eaux de ruissellement s’est progressivement fixé au droit de la rue Rouget‑de‑Lisle, peut‑être pour remplacer le ravin de la rue Ménard en partie comblé.

    73Il est certain que les agriculteurs du Néolithique ont trouvé un paysage où le réseau hydrographique était bien marqué et actif, cloisonnant les versants orientaux et méridionaux des monts Cavalier et Margarot. Mais il est peu probable que leur ressource en eau ait été diversifiée à courte distance sur la pente par un écoulement régulier dans ces vallons. Il est plus que vraisemblable que la seule eau disponible en toute saison était offerte par le Vistre de la Fontaine auquel il faut au moins ajouter, parmi les sources citées par G. Fabre, celle toute proche de La Crucimelle.

    1.2.3 L’évolution des sols au cours de la Protohistoire

    74La fouille des Villégiales des Bénédictins n’apporte malheureusement pas, avec sa trop rare documentation amputée par les bâtiments romains et modernes, la matière escomptée pour enrichir sensiblement le dossier méditerranéen de l’évolution de la dynamique érosive au cours de la Protohistoire, ce terme entendu ici dans son acception la plus répandue, en dehors du Midi méditerranéen. La documentation est principalement issue de l’analyse des paléosols et de la compréhension de la succession des matériaux constitutifs des unités stratigraphiques superposées sur le site des Villégiales, avec quelques compléments issus d’un bref travail malheureusement écourté sur la Zac Villa Roma.

    75Cependant, la documentation récente que j’ai pu rassembler doit être comparée aux travaux provençaux et rhodaniens pour alimenter le débat. Au cours du temps, les tendances de la recherche ont évolué de façon pendulaire entre deux types d’explication des responsabilités dans les processus de modification de l’environnement : le modèle « colonial » et le modèle « climatique ». Le modèle « colonial », établi par les géographes et les agronomes après la décolonisation dans les années 70, a été très rapidement emprunté par les archéologues et projeté en arrière vers l’Antiquité. Dans ce modèle, les causes des dégradations des sols et des modifications de la morphogenèse sont principalement une grande pression démographique, des techniques agricoles différentes et un autre type d’organisation et d’exploitation de l’espace rural. Le modèle « climatique », déjà mis à contribution par les archéologues pour expliquer sans retenue les vides documentaires comme les modifications perçues des sociétés et des habitats, ces faits étant provoqués par d’hypothétiques péjorations du climat, a effectué un retour en force avec un article de M. Provost en 1984.

    76Inspiré ou non par cet article, le récent regain du modèle climatique, masqué par un souci réel ou simulé de prudence et rebaptisé pour la circonstance anthropo‑morpho‑climatique, me semble actuellement ressortir à la même démarche. Les prétendues crises érosives équivalentes à des épisodes climatiques se répètent notamment dans la moyenne vallée du Rhône comme une succession de véritables phénomènes cataclysmiques. Pourtant, contrairement aux pentes du mont Cavalier à Nîmes, les phénomènes érosifs observés, notamment la faiblesse de certaines incisions, peuvent être nés d’un orage, de quelques heures de précipitations à caractère méditerranéen. On peut effectivement voir dans des recouvrements de sites enfouis des crises rhexistatiques où le climat est le principal agent mais il faut que l’intensité et la durée des phénomènes soient démontrées. Des incisions de quelques centimètres et des recouvrements corrélatifs souvent bien faibles, de 5 ou 10 cm, ne suffisent pas à convaincre. Si l’on ajoute que la contemporanéité des différents faits observés n’est pas assurée sinon à quelques siècles ou –au mieux– quelques décennies près et que l’intensité de l’occupation humaine pouvait être très diversifiée, il faut se poser honnêtement la question de la pertinence des conclusions. Combien d’orages et de phénomènes climatiques exceptionnels –et malheureusement catastrophiques comme à Nîmes ou à Vaison– ont pu se succéder au cours de quelques décennies ou sur plusieurs siècles ? Au moment où l’archéologie prend conscience de la nécessité d’étudier l’environnement des sites, le modèle anthropo-morpho‑climatique pourrait n’être qu’une ancienne construction intellectuelle maquillée qui revient tout simplement au bon moment.

    77Il existe évidemment, à toute époque, des sites archéologiques localisés dans des vallons et vallées et d’autres établis sur des reliefs modestes ou plus vifs. Parmi ces sites, ceux des dépressions –qui peuvent être devenues paléodépressions– sont souvent enfouis et ceux des reliefs largement érodés. Peut‑on construire à partir de ces constatations une déduction intelligente en les corrélant à des variations –péjorations– climatiques ? Les termes de crise, érosion, incision, omniprésents dans le discours géoarchéologique, sont‑ils adaptés à qualifier les faits observés ? Enfin, l’histoire de ces sites archéologiques n’est‑elle qu’une succession, généralisée dans l’espace, de phases paroxysmiques et de moments intermédiaires de répits où la végétation et la pédogenèse reprennent leurs rôles ? N’y‑a‑t‑il pas parfois oubli d’un phénomène physique, inhérent à notre planète, avec lequel nous vivons quotidiennement sans l’avoir à l’esprit ? Ce phénomène fait que le haut est inexorablement entraîné vers le bas ; il s’appelle la gravité.

    78Les travaux de M. Provansal et M. Jorda enregistrent en Provence des phénomènes d’une grande ampleur (4 m de sédimentation holocène dans le vallat Neuf) qui ne laissent pas de doute quant à un détritisme holocène largement provoqué par l’homme (Jorda 1991b). Le climat joue évidemment son rôle, exacerbé par la pression anthropique dans les conditions géomorphologiques des pentes et des sols nus sur roche‑mère calcaire et dure. Ces résultats offrent des similitudes avec ceux obtenus sur la pente du mont Cavalier. Ils concernent surtout toute une région couvrant la basse vallée de l’Arc et la périphérie de l’étang de Berre où les rythmes morphogéniques sont identiques d’un bassin versant à un autre (Jorda 1991a ; Leveau 1993).

    79Au début de l’Holocène, une phase d’incision verticale est associée à l’élaboration d’un sol brun‑rouge partiellement décarbonaté. La tendance se renverse au début ou au cours du Boréal avec le dépôt d’une nappe alluviale dont le sommet est daté de l’âge du Fer ou du début de notre ère. Pendant la fin du second âge du Fer ou les deux premiers siècles de la période romaine, une pause morphologique est signalée par une reprise de la pédogenèse, signe d’un apaisement de la dynamique érosive. Enfin, le détritisme médiéval et moderne, où le rôle du « petit âge glaciaire » est certain, se remarque par son importance.

    80Sur la pente du quartier des Bénédictins, l’histoire de la dynamique du paysage rural s’arrête approximativement au changement d’ère avec les premiers sols construits des maisons. Mais comme en Provence, la base de l’évolution holocène est marquée par des phénomènes qui soulignent le rôle des paramètres bioclimatiques dans l’histoire du géosystème. Dans les Alpes françaises du sud, M. Jorda signale quatre dépôts colluviaux ou soliflués entre 4900 et 2280 av. n.è. (Jorda 1987). Il constate la même importance des dépôts de pente holocènes dans la vallée de l’Arc, vers Roquepertuse, avant l’intervention humaine (Jorda 1991a). Ces dépôts semblent ici paradoxaux puisqu’ils sont contemporains de la « plénitude forestière » postglaciaire. En fait, comme à Nîmes où se sont développés des lapiez, il faut lever ce paradoxe en restituant une couverture végétale discontinue sur les versants et une persistance d’affleurements du substratum soumis au ruissellement et aux ravinements.

    81Puis, à partir du Néolithique, l’homme apparaît comme le moteur de la morphogenèse. La première mobilisation du manteau sédimentaire meuble largement transformé par la pédogenèse sur les pentes du mont Cavalier, que l’on peut attribuer sans hésitation à la pression anthropique, est un épisode érosif mal calé chronologiquement mais qu’il faut bien placer vers la fin du Néolithique. Il a certainement contribué à la modification du profil des vallons sur la pente. Les mêmes constats ont été effectués sur le bas de pente méridional de la montagne Sainte‑Victoire où d’importantes colluvions sont datées du Néolithique final (Ballais 1992 ; D’Anna 1992). En basse Provence calcaire, cette sédimentation subboréale est encore très importante à l’âge du Bronze (Jorda 1991a). Mais dans le cours du vallat Neuf, il apparaît que cet essor de l’activité érosive est associé à une difficulté des apports détritiques à transiter vers l’aval. Tout semble donc indiquer que l’homme et ses pratiques agropastorales sont bien les responsables des modifications du paysage.

    82Les termes de comparaison sont plus rares en Languedoc. Les travaux de J.‑E. Brochier sur le marais holocène de la Resclauze à Gabian (Hérault) sont à peu près les seuls à fournir des similitudes avec les résultats provençaux et nîmois. Les observations ont été effectuées sur la sédimentation associée à une occupation préhistorique complexe, près de la source qui alimentera l’aqueduc de Béziers à l’époque romaine. J.‑E. Brochier constate une corrélation entre l’occupation datée du Néolithique ancien, cardiale, autour de 4500 BC (MC. 1227), et le déclenchement des processus érosifs. La séquence se poursuit par une énorme accumulation détritique grossière allochtone, postcardiale, qui matérialise la crise rhexistatique importante retrouvée dans la plupart des gisements préhistoriques holocènes du Midi entre 4500 et 4000 av. n.è. Après un bref répit contemporain d’une occupation chasséenne aux alentours de 3400 BC, de nouvelles colluvions sont déposées jusqu’au Néolithique final, correspondant à la nouvelle crise pendant l’Atlantique récent entre 3300 et 3200 BC.

    83À côté de ces rares résultats importants pour la compréhension des relations homme‑environnement, il faut ajouter les rapides observations que j’ai pu réaliser, pendant la fouille de sauvetage dirigée par L. Jallot, sur le site de plaine de Peirouse‑ouest à Marguerittes (Gard), à quelques kilomètres de Nîmes. Ce site exceptionnel, malheureusement détruit en partie, a permis le relevé d’une importante stratification au sein d’un habitat du Néolithique final‑Chalcolithique. Son étude à venir est fondamentale pour avoir un autre terme de comparaison entre l’évolution du paysage sur les pentes des derniers reliefs méridionaux et l’enregistrement stratigraphique corrélatif dans la plaine de la Vistrenque.

    84Pour conclure sur l’évolution de la dynamique érosive post‑néolithique, il faut retenir que la pente des Villégiales est recouverte, comme dans les exemples cités en comparaison, par des colluvions. Elles sont parfois grossières mais l’essentiel des dépôts de pente est encore issu d’un ruissellement qui soustrait les matériaux fins au paysage de l’amont pour les déposer plus bas sur la pente. Une stabilisation relative des couvertures pédologiques des versants se produit ensuite, au cours de l’âge du Bronze sans plus de précision, puisqu’un sol différencié en horizons a pu se développer sur ces matériaux.

    85L’exploitation de ces sols par les agriculteurs protohistoriques a permis de freiner partiellement la dynamique érosive dont l’agressivité en région méditerranéenne est inhérente au contexte bioclimatique et à la fragilité des géosystèmes, aggravée par une anthropisation plurimillénaire. Mais le déplacement de matériaux d’origine pédologique sur la pente s’est poursuivi comme le montre la stratification complexe du secteur E, à l’est du chantier des Villégiales. Il faut donc en conclure que les périodes d’érosion ne sont pas seulement initiées par la conquête agricole néolithique puis par la rétractation de l’espace cultivé. En fait, la stabilisation des versants n’est jamais totale mais seulement maintenue globalement par un contrôle strict des écoulements dans le cadre d’une économie agricole dont on sait bien peu de chose, notamment sur le plan des techniques. Il faudrait changer radicalement de politique scientifique pour que d’autres sites comme les Villégiales puissent apporter ces données nécessaires à l’histoire du paysage rural et veiller à ce que la fouille soit réellement interdisciplinaire.

    1.2.4 Quelques aspects du paysage et des techniques agricoles protohistoriques

    86J’ai déjà évoqué maints aspects du géosystème des pentes des collines dominant La Fontaine de Nîmes et de leur anthropisation. Mais il est plusieurs résultats des fouilles des Villégiales sur lesquels je dois insister bien qu’ils soient très lacunaires et rarement spectaculaires. À la faveur des travaux archéologiques, j’ai pu observer sur la pente du site des situations topographiques favorables où existaient d’une part un profil pédologique intégralement conservé au sud de la fouille, et d’autre part une séquence stratigraphique dont les termes sédimentaires évoquaient une succession d’apports (colluvions et remblais) dans le secteur E, contre la rue Rouget‑de‑Lisle.

    87Il est difficile de restituer dans le détail un paysage protohistorique sur cette pente du mont Cavalier. Seuls quelques lambeaux de campagne ont été épargnés par les constructions romaines, modernes et l’archéologie. Mais ils permettent une réelle progression dans la connaissance de l’agriculture protohistorique par rapport au modèle existant qui, comme bien des modèles en archéologie languedocienne, repose sur des idées préconçues. Il ne suffit pas d’écrire que « ce thème représente pour l’archéologie protohistorique une piste de recherche relativement neuve qui débouche actuellement sur plus d’interrogations que de réponses » pour justifier la politique menée et en conclure que ce vide documentaire « nous obligera à nous en tenir aux généralités et à quelques cas » (Py 1993a : 15). Cette attitude apparaît singulièrement rétive à un développement de la recherche en direction de l’espace rural et elle se manifeste encore plus clairement dans la façon dont le discours met en place un vocabulaire privilégié. Parmi les mots constamment utilisés, certains projettent les idées préconçues qui renseignent sur l’idée que se fait l’archéologue des hommes qu’il est censé étudier. Une seule phrase de sept lignes résume un état de connaissance dans lequel sont réunis les mots suivants : tradition, précaire, modeste, archaïque, sans grandes innovations, permanence, primitive, peu hiérarchisée, réduites (Py 1993a : 82). Ce vocabulaire tend certainement à cacher un dessein et doit peut‑être servir à légitimer la discrimination de l’auteur vis‑à‑vis de sociétés « inférieures » aux grandes civilisations méditerranéennes, grecque, étrusque et latine. Malgré ces difficultés à développer une archéologie des campagnes, les quelques observations réalisées donnent la mesure de ce qui aurait pu être fait.

    88Les dépôts de pente postnéolithiques ont généralement recouvert les horizons profonds, de teinte rouge, des anciens sols fersiallitiques décarbonatés et tronqués. Aucune autre trace de modification importante du contexte sédimentaire (érosion ou dépôt) n’a été décelée sur cette pente après le recouvrement du champ néolithique. On peut considérer que la mobilisation brutale des matériaux sur la pente s’est arrêtée après le Chalcolithique, au cours de l’âge du Bronze, la végétation ayant reconquis et protégé les sols abandonnés et les colluvions de pente. Seul le temps s’est écoulé et il est possible d’estimer la durée de cette période de biostasie. J. Gasco a donné comme bornes chronologiques, exprimées en dates 14C calibrées, 2905‑2160 av. n.è. pour le groupe de Fontbouisse et 3150‑2050 av. n.è. pour le Campaniforme (Gasco 1990). Si l’on retient comme limite inférieure du Chalcolithique la date de 2000 av. n.è., les agriculteurs protohistoriques du vie s. ont donc trouvé un sol qui s’est développé pendant 2 500 ans environ.

    89Ce sol a subi, dans les conditions topographiques de la pente, les effets de l’érosion. Il n’est donc pas conservé partout dans son intégralité, hormis dans la partie méridionale du projet immobilier des Villégiales que je décrirai ensuite.

    1.2.4.1 Sur la rupture de pente du quartier des Bénédictins

    90Généralement, le sol présente une différenciation en deux horizons nettement distincts et superposés (les unités stratigraphiques auxquelles je fais référence sont numérotées conformément à la partie archéologique, cf. infra § 1.4). L’horizon profond (US 1081) est constitué du fond de profil du paléosol rouge tronqué. Sa texture est limono‑argileuse. Sa couleur jaune à ocre‑rouge. Il contient des concrétions carbonatées nodulaires qui signalent un processus pédologique superposé à ce sol tronqué, et présente des marbrures grises provoquées par la pénétration de l’horizon de surface organique dans les galeries de la pédofaune et en substitution des parties les plus grosses des systèmes racinaires. Cet aspect d’interdigitations étroites a pu également se former dans les fentes structurales et refléter ainsi le caractère glossique du paléosol.

    91L’horizon de surface (US 1084 et 1070) s’est développé par la transformation des colluvions limono‑argileuses à éclats calcaires qui se sont accumulées dans les cuvettes entre les énormes blocs calcaires, toujours affleurants, du chaos sur la pente. Dans le secteur E, il est peu épais, de 10 à 20 cm, et la transition est nette avec l’horizon sous‑jacent. Il contient de nombreux graviers calcaires aux arêtes émoussées qui ont une sorte de gangue pulvérulente ocre, résultat de l’altération pédologique (fig. 19).

    92Le profil pédologique ainsi formé est de type AC, selon la nomenclature et la désignation internationale des horizons dans la systématique des sols (Duchaufour 1984 : 131‑142 ; CPCS 1967 ; Soil Taxonomy 1975 ; USSR Academy of Sciences 1977). Il appartient à la catégorie des sols bruns calcaires. La matière organique d’origine végétale est bien évoluée et incorporée à la phase minérale argileuse. La structure de l’horizon de surface est grumeleuse, les agrégats aux faces bien développées sont polyédriques.

    93À la fin du vie s., ce sol est investi par l’homme qui y creuse des fosses et construit un bâtiment sur poteaux. Cette occupation n’a aucune répercussion apparente sur la nature du sol ce qui implique une couverture végétale protectrice de type pelouse. Il est vraisemblable que ce secteur de la pente conserve donc, malgré la présence de constructions, un caractère rural prononcé. L’aspect du sol exclut la présence d’un habitat et le bâtiment de bois appartient sans doute à la catégorie des annexes agricoles, peut‑être un grenier sur poteau. Les déplacements de sédiments pédogénétisés se poursuivent puisque des colluvions recouvrent le sol (US 1055 puis 1052). Ceci prouve que la stabilité toute relative qui avait régné pendant 2 500 ans a été mise à mal par l’arrivée des agriculteurs protohistoriques et que les sols de l’amont subissent une forte érosion.

    94Ces agriculteurs mettent leur connaissance des terrains à profit pour installer, dans le courant du ve s., deux aires d’ensilage là où les sédiments sont les plus profonds et où affleurent aussi de nombreux blocs calcaires. Les silos, comme le grenier précédemment évoqué, sont sans doute installés à l’écart des habitations afin que les réserves subissent moins l’attaque des rongeurs, précaution relevée par les agronomes latins. Cette découverte n’est pas isolée dans ce secteur des pentes du mont Cavalier puisque j’ai également pu fouiller dans des conditions édaphiques identiques deux grands silos contemporains sur le site de Villa Roma (Piskorz 1993 ; Guillet et al. 1992 : 57), à proximité de La Fontaine. Ces trois aires d’ensilage du Ve s. sur le piémont du mont Cavalier à Nîmes et celle de la Zac des Halles plus récente –comme d’ailleurs le champ labouré à l’araire– ont été si rapidement intégrées dans les publications que leurs auteurs en ont oublié non seulement de citer leurs sources mais aussi de dire les modifications qu’elles imposent à l’idée qu’ils se faisaient de l’agglomération protohistorique et des techniques de conservation des graines :
    – des silos là où devaient se trouver un lacis de ruelles et un bâti très dense ;
    – l’existence de ce type de réserve à céréales ou légumineuses dans cette partie orientale du Languedoc.

    95Bien des états de connaissance que l’archéologie protohistorique languedocienne a tendance à ériger en acquis définitif peuvent ainsi être mis en porte‑à‑faux au fur et à mesure qu’un autre type d’investigation est mis en place sur le terrain. Pour ne prendre que l’exemple des aires d’ensilage, les conclusions de D. Garcia à l’issue de son inventaire des silos en Languedoc sur la rareté des silos dans le Gard et le déterminisme du paysage (roche, sol et topographie) sont caducs au moins pour Nîmes (Garcia 1987 : 92).

    96La pente des Villégiales a certainement perdu au cours du ve s. son caractère purement agreste puisque des traces d’habitat (foyers), contemporaines des aires d’ensilage, ont été reconnues par les archéologues. Les fosses des silos creusés dans les sédiments à la texture fine enregistrent l’histoire locale du géosystème à la fin du ve s. Elles se comblent, la plupart du temps lentement, de matériaux fins ce qui prouve que le ruissellement sur sols nus est toujours actif sur la pente.

    97À la fin du ve s., l’habitat est abandonné et le paysage soumis à une forte érosion qui détruit presque totalement les maisons, ne laissant que des lambeaux de sols construits et les foyers. Doit‑on en conclure l’existence d’une crise climatique au début du second âge du Fer qui coïnciderait ainsi avec de profonds changements dans la société ? Il est plus honnête de présenter l’évolution du très modeste fragment de paysage que représentent les Villégiales comme une succession de périodes calmes, quand l’homme est garant –consciemment ou non– d’une stabilité des sols, et d’accélérations de l’activité érosive déclenchée par une rupture d’équilibre lors de l’abandon du secteur.

    98Les dépôts de pente qui s’accumulent sur 40 à 60 cm dans la partie orientale du site ont une origine pédologique et sont plutôt de texture fine (limons et argiles). Une stratification a été remarquée à la fouille qui doit correspondre à des apports successifs (US 1046, 1043, 1042, 1040). Bien que l’ensemble de ces matériaux ait évolué sous l’action des processus pédogénétiques, chaque unité stratigraphique a gardé des caractères propres qui permettent de comprendre l’érosion des pentes en amont. L’US 1046 est constituée de limons argileux de couleur brun‑gris noyant de nombreux cailloux et graviers. Elle est le remaniement des horizons de surface des sols et peut‑être aussi de l’habitat dispersé sur la pente. L’US 1043 est de couleur brun‑gris et de nature argileuse et riche en matières organiques. Des taches vertes liées à des phénomènes d’oxydo‑réduction rappellent que la texture fine du matériau a entraîné une légère hydromorphie locale, à proximité du vallat de la rue Rouget‑de‑Lisle qui canalisait les eaux de ruissellement. Enfin, l’US 1042 de couleur brun‑rouge, très organique et compacte, présente de nombreuses cavités formées par la pédofaune. La compacité de cet horizon est sans équivoque liée à sa texture mais elle a pu être renforcée par l’action des travaux agricoles de l’horizon de surface.

    99En effet, l’US 1040 correspond à l’horizon de surface d’un sol perturbé par les engins aratoires. Cet horizon Ap est peu épais (10‑15 cm), de couleur gris‑brun, très aéré et possède une structure grumeleuse. Une fouille attentive aux caractères morphologiques de ce sol protohistorique a permis de retrouver, sur une surface de 20 m2 environ, la surface topographique d’un champ, conservée sous de nouveaux dépôts de pentes et des colluvions anthropiques voire des remblais stricto sensu.

    100Le champ est limité au nord par un affleurement rocheux qui correspond à la rupture de pente majeure du versant, déjà évoquée et toujours visible dans le paysage protohistorique. Les blocs de calcaire présentent au sud un plan de stratification oblique qui possède des irrégularités, sortes de décrochements en saillie par rapport au plan qui peuvent atteindre jusqu’à 50 cm. La bordure septentrionale du champ n’est donc pas très rectiligne. Le terrain est en légère pente vers le sud.

    101L’aspect le plus spectaculaire de la fouille réside dans la découverte de sillons de labour « fossilisés » sous les colluvions grossières, à la surface de ce champ (fig. 14). Sur l’étroite zone conservée entre les constructions modernes, huit sillons grossièrement parallèles ont été mis en évidence. Ils présentent une légère courbure vers le sud comme pour éviter un obstacle, sans doute la prolongation de l’affleurement calcaire, et ils sont dans le sens des courbes de niveau. À cette échelle, le champ ne présente donc pas une forme très régulière. Vers le nord et l’affleurement rocheux, le premier sillon de la bordure du champ est à une distance de 90 cm du plan de stratification afin de ne pas accrocher avec le soc le rocher sous‑jacent à faible profondeur, le labour ayant aussi soigneusement évité les saillies rocheuses. L’écartement des sillons est de 15 à 25 cm et leur profondeur de 5 à 10 cm. Leur profil en travers est en forme de V ouvert et symétrique. L’ensemble de ces caractères descriptifs évoque un labour à l’araire.

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    FIG. 14 – Les Villégiales. Vue du champ protohistorique avec ses sillons d’araire.

    cl. X. Belougne/Afan,

    102Plusieurs arguments vont permettre d’estimer la datation de cette image retrouvée de la campagne protohistorique. La surface du champ et le creux des sillons sont encombrés de nombreux cailloux et tessons de céramique, signe d’une concentration progressive par perte des particules fines à la suite des labours successifs. La surface du calcaire des blocs de bordure, à quelques centimètres de profondeur sous la surface du champ, présente de petites cupules ou alvéoles qui correspondent à une altération pédologique, de nature biochimique. Cet aspect du calcaire associé à la qualité de la surface du champ va dans le sens d’une longue durée pour ce stade topographique. On sait que les apports détritiques débutent vers la fin du ve s. Il est donc possible d’estimer que le champ a pu être labouré pour la première fois au cours du ive s, plutôt vers la fin du siècle, pour laisser le temps à l’épais dépôt de se mettre en place et à la pédogenèse de reprendre son action.

    103Le dernier labour à l’araire de ce champ protohistorique sur les pentes du mont Cavalier va être enfoui sous un dépôt complexe provenant à la fois de l’érosion de l’horizon organique, gris‑noir, du sol de la pente et de remblais remaniant les restes de l’habitat du début du second âge du Fer (US 1039, 1034). Cette couverture sédimentaire ne peut, de fait, pas renseigner sur la durée pendant laquelle le champ a été cultivé. Cette estimation vient de l’analyse de la qualité de l’occupation du site en général qui conclut à l’installation d’un habitat groupé au cours du iie s., aux dépens de la campagne. La pente du mont Cavalier, sur le site des Villégiales, a donc été cultivée selon des champs étagés en un système de terrasses, entre le ive et le début ou le milieu du iie s. av. n.è.

    1.2.4.2 Vers le bas de la pente

    104Au sud de la zone fouillée, sous la domus A, l’accumulation des matériaux mobilisés sur la pente a été plus importante alors que ce secteur est au‑delà des affleurements de blocs calcaires qui ont formé des pièges à sédiments. Le sol qui a pu se développer sur ces sédiments plutôt fins est plus profond que sur l’ensemble de la pente. Il est contemporain du premier sol précédemment décrit et qu’ont investi les agriculteurs du ve s pour y installer des réserves de grains (fig. B).

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    FIG. B – Les Villégiales. Vue du sol reconnu sous la maison A.

    cl. X. Belougne/Afan

    105Ce sol appartient également à la catégorie des sols polycycliques ou polygénétiques. Le fond du profil, ocre‑jaune à rouge, appartient au paléosol de la pédogenèse rubéfiante de la phase humide et chaude du Quaternaire ancien. Les sédiments de la couverture colluviale et cet horizon profond ont évolué pour donner un sol brun calcimorphe. Sa texture est limono‑sablo‑argileuse. Des graviers calcaires avec une gangue pulvérulente sont parfois abondants dans le profil. La profondeur de ce sol peut atteindre 80 cm et l’horizon profond présente une recarbonatation sous la forme de nodules. L’horizon de surface est épais, de couleur brun foncé et homogène sur une vingtaine de centimètres. Enfin, pour clore cette rapide description, il faut signaler l’aspect marbré de l’horizon intermédiaire qui est dû à la pédofaune et aux systèmes racinaires.

    106Des petits tessons très émoussés de céramique non tournée et de minuscules charbons de bois ont été repérés dans l’épaisseur de l’horizon organique de surface. L’ensemble du profil a été recouvert par un apport volontaire (remblais) de limons argileux jaunes, destiné à établir une surface de circulation à l’intérieur d’un bâtiment, qui a soustrait le profil aux agents de la pédogenèse. L’horizon intermédiaire de ce paléosol présente un caractère glossique qui implique également la longue durée. La pénétration de l’horizon organique A dans les fentes structurales des horizons B et C forme des squelettanes ou revêtement foncé des discontinuités verticales des horizons profonds. Les matières organo‑minérales formant ces squelettanes sont reconnaissables à leur couleur qui indique leur origine. Les glosses ainsi formées, bien qu’il soit extrêmement difficile de reconnaître sur le terrain leur nature sans faire appel aux techniques d’examen microscopique en lames minces (micromorphologie), pourraient être des agricutanes (Lozet 1990).

    107L’épaisseur relative de ce sol comparée à celle des sols de la pente implique une structure de soutènement, un mur construit par l’homme, qui l’a protégé des atteintes de l’érosion. Ce mur, que la fouille n’a pas mis au jour, mais on en a trouvé des semblables sous l’hôtel du xviiie s. dans des situations comparables sur le bas de pente (fig. 15), doit évidemment être daté de l’époque protohistorique et est certainement antérieur au champ labouré à l’araire. Si l’on considère que les premiers occupants des lieux arrivent vers la fin du vie s., la construction du mur de terrasse pourrait donc être le fait de ces agriculteurs, en l’absence de preuve archéologique (céramique) mais aussi en raison de l’épaisseur des sédiments pédogénétisés et, surtout, du degré d’évolution du sol. L’hypothèse développée plus loin par L. Sauvage d’associer le champ labouré et les terrasses de bas de pente dans une même grande phase chronologique –ive‑iiie s.– ne peut cependant être exclue.

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    FIG. 15 – Coupe 5 du décaissement réalisé à l’aplomb de la façade ouest de l’hôtel particulier des Villégiales. Noter les murs de terrasse des champs protohistoriques.

    DAO M. Monteil, L. Sauvage/Afan,

    108Quoi qu’il en soit, le fait technique représenté par cette construction aussi ancienne en Languedoc est l’occasion de faire le point sur le développement des connaissances de l’agriculture antique en général dans le Midi méditerranéen et du problème des terrasses de culture en particulier. Ce point rejoint mes propos sur les difficultés qui existent à convaincre la communauté archéologique de sortir des traditionnelles fouilles d’habitats et de nécropoles pour investir le paysage rural.

    109Dès 1956, J. Despois pose le problème historique et géographique de l’existence de terrasses dans les paysages méditerranéens en général, à partir de ses travaux sur l’Afrique du Nord (Despois 1956 : 48‑49). Ces dispositifs techniques structurent les champs de la plupart des pays du pourtour méditerranéen, notamment en Provence et en Languedoc-Roussillon, mais leur origine n’a, semble‑t‑il, pas beaucoup intéressé les archéologues. Le même auteur déplore de nouveau cette situation en 1957 lors d’un colloque international qui rassemble les spécialistes de géographie et histoire agraires à Nancy, mais il rappelle « qu’il n’est jamais question de champs en terrasses chez les auteurs anciens, pas même chez les agronomes, et qu’il n’existe, pour les désigner, aucun mot grec, ni latin » (Despois 1959). Il évoque cependant quelques travaux qui admettent l’existence de terrasses antiques, notamment ceux de J. Nicod qui pense que la « culture en terrasses serait localement antérieure à l’occupation romaine en Provence » (Nicod 1951 : 724). À partir de cet avis, l’archéologue pense aussitôt comme l’auteur à l’introduction de techniques grecques et au rôle de Marseille.

    110J. Despois, immense géographe et historien de la ruralité, pouvait en effet ignorer, à la fin des années 50, le détail de la richesse documentaire des auteurs gromatiques. Mais R. Compatangelo, au cours de ses recherches sur le Salento romain, à l’extrémité adriatique de la botte italienne, a remis au jour un passage de Siculus Flaccus où il est question de personnes qui « ... bâtissent des murs pour soutenir et garder leurs terrains », donc pour les défendre contre l’érosion (Siculus Flaccus, Clavel‑Lévêque et al. 1993 : 1. 137‑138, traduction 1. 42‑45 ; Compatangelo 1989 : 61). Il ne fait guère de doute que ces murs impliquent l’existence de terrasses de culture, même modestes.

    111D’autres indices, indirects ceux‑là, existent dans la littérature antique. P. Leveau rappelle, dans l’ouvrage collectif qu’il a dirigé avec M. Provansal, le récit que fait Procope (De Aed., VI, 7, 6), historien byzantin de la fin de l’Antiquité sous Justinien, de la guerre entre Maures et Vandales en Afrique du Nord, dans l’Aurès (Leveau 1993 : 19, 22). La description du paysage de l’Aurasion dressée par Procope a été réexaminée par M. Janon qui montre que les populations sédentaires de l’Aurès possédaient un savoir dans le domaine des techniques hydrauliques (Janon 1980). Dans ce pays montagneux à saison sèche, la maîtrise de l’eau pour une irrigation temporaire destinée à la culture du blé et de l’olivier devait s’accompagner de la maîtrise de la terre sur les pentes par la construction de terrasses, celles que J. Despois et M. Cote avaient étudiées (Despois 1956 ; Cote 1968). L’antiquité des terrasses de l’Afrique du Nord, plus particulièrement celles de l’Aurès, ne faisant plus de doute, cela n’implique pas que celles des paysages du rivage septentrional de la mer Méditerranée existent depuis plus de 2 000 ans. C’est sans doute pourquoi P. Leveau hésite encore à se prononcer en 1993 quand il écrit : « de fait, dans toute la France du Sud, un tel système semble d’âge récent » (Leveau 1990 : 25‑26 ; Leveau 1993 : 31), en faisant référence à l’ouvrage de P. Blanchemanche (1990) et aux résultats pourtant probants présentés lors d’un séminaire à Aix‑en‑Provence en 1990 (inédit).

    112Dans son livre et lors du séminaire cité ci‑dessus, P. Blanchemanche s’est élevé bien imprudemment contre ce qu’il qualifie comme une « idée tenace », idée qui attribuerait à tort aux Romains l’apport en Gaule du Sud de la technique des terrasses. Emporté par son élan, il protestait même énergiquement contre toute présomption d’antiquité, les murs de soutènement des terrasses de culture étant pour lui construits au cours des xviie‑xixe s. Il ne pouvait ignorer qu’au même moment les premières investigations archéologiques de l’espace rural démontraient à Nîmes et à Béziers l’existence de murs de terrasses de culture (Poupet et al. 1990a ; 1990b). Cela montre combien il est difficile d’investir un champ de recherche par le seul biais d’un travail spécialisé sur les archives modernes qui n’a pas pris en compte la longue durée historique. P. Blanchemanche aboutit inévitablement à affirmer des contrevérités, relayées par P. Leveau, quand il nie sans véritable argumentation la possibilité de l’existence de terrasses antérieures à l’Époque moderne.

    113Plusieurs communications dans le cadre de ce même séminaire, publié dans la revue Méditerranée (t. 71, 3‑4, 1990, 94 p.), avaient cependant été particulièrement convaincantes sur ce sujet de l’ancienneté de la technique des terrasses. Les murs du vallon des Sausses à Séguret (Vaucluse) (Meffre 1990 : 17‑21) ainsi que l’aménagement des pentes de l’île de Délos (Brunet 1990 : 5‑11) suffisaient à démontrer cette ancienneté de la maîtrise d’une telle technique pour l’agriculture. Pourtant, un troisième exemple, celui des terrasses de culture massaliotes de l’île de Porquerolles (Var), pouvait semer le doute comme le dit l’auteur lui‑même : « Rien dans le résultat de ces sondages ne permet donc d’affirmer qu’il s’agit bien de terrasses de culture antiques » (Brun 1990 : 13‑15). Cet exemple posait en effet le problème de la fiabilité et de la pertinence de l’argumentation archéologique. Couramment, cette dernière repose non seulement sur la présence de céramiques (ou autres artefacts) datables, mais aussi sur les rapports stratigraphiques entretenus par la couche qui contient les tessons et le mur construit. Mais contrairement à ce qu’écrit P. Leveau, la seule preuve convaincante de l’antiquité d’un mur de soutènement de terrasse de culture n’est pas son recouvrement par des colluvions ou des remblais eux‑mêmes dûment datés. C’est notamment le cas de Délos où j’ai pu effectuer des sondages dans plusieurs terrasses de la zone rurale de l’île, dans le cadre d’une recherche géoarchéologique qui répondait à l’appel de M. Brunet. Cette expertise pédologique et archéologique à la fois, visant à étudier les techniques agricoles antiques, confirme l’analyse historique que l’on pouvait seulement faire jusqu’alors (Brunet 1990). Lorsqu’il n’y a pas de recouvrement stratigraphique comme à Délos, la datation du mur repose sur la contemporanéité parfaite entre les tessons, la mise en place de la couche, la nature et l’histoire du sol et la construction, mais aussi sur une analyse historique du peuplement.

    114Aujourd’hui, l’origine antique de la technique des terrasses de culture ne peut plus faire de doute. Dans le quartier des Bénédictins à Nîmes, des murs de soutènement des terres agricoles sont probablement construits dès le vie s. av. n.è., peut‑être même antérieurement. D’autres murs datés du ive s. ont été mis au jour à la Zac Villa Roma (Guillet et al. 1992) . L’impact de ces constructions de champs est bien sûr sensible dans l’environnement. Comme en Provence (Jorda 1993), la faiblesse de l’érosion et du détritisme au cours de l’âge du Fer et des premiers siècles de l’époque romaine est due à une meilleure stabilité des pentes et à un contrôle des écoulements de l’eau en surface par l’établissement de ces terrasses de culture.

    1.2.5 Oppidum ou campagne périurbaine ?

    115S’il ne fait aucun doute que le paysage décrit ici se situe à proximité d’une agglomération protohistorique, sans que l’on puisse honnêtement formuler une quelconque estimation de distance, sa mise au jour sous la forme de lambeaux de sols pédologiques –ce qualificatif « augmentatif » destiné à éviter toute confusion avec une surface foulée aux pieds–, de constructions en bois et terre crue associées aux champs et de traces de labour ne doit pas surprendre car ces découvertes se multiplient à partir du moment où les fouilles ne se complaisent plus dans les techniques archaïques mais persistantes de la recherche des constructions en dur et des tombes. Mais il est évident, pour la plupart, que la reconnaissance, la compréhension et l’enregistrement raisonné de cette documentation demandent des compétences que n’a pas naturellement l’archéologue. C’est pourquoi cette multiplication des découvertes n’est pas toujours synonyme de progrès des connaissances.

    116Cependant, avec le développement général de cet axe de recherche au plan national, quelques pièces du puzzle représentant le paysage protohistorique autour de l’agglomération nîmoise commencent à s’emboîter. Le bilan qui suit permet d’élargir, à partir de la pente du mont Cavalier, l’angle de vue sur l’espace rurbain –et au‑delà– afin d’alimenter la réflexion sur les stratégies d’exploitation et sur l’organisation du territoire agricole. Il comprend des éléments de datation qui se placent tous avant notre ère. Aussi cette indication ne sera pas signifiée par l’abréviation habituelle « av. n.è. » qui suit l’écriture du siècle en chiffres romains.

    117À l’est de l’habitat groupé, au bas de la pente (Zac des Halles), le paysage était cultivé dès les vie‑ive s. malgré des conditions locales très hydromorphes dues notamment à la proximité du Vistre de la Fontaine. Les fragments de céramiques et d’os de faune consommée ne laissent aucun doute quant à la pratique de la fumure. Si l’on s’en tient strictement aux artefacts retrouvés et identifiés sous l’angle chronologique (céramique), cet espace rural devient en quelque sorte « extra‑planétaire » durant les ive‑iiie s. puisque l’archéologue n’y reconnaît aucune trace de la présence de l’homme qu’il sait distinguer, à savoir les déchets produits par celui‑ci. En fait, aucune modification des sédiments et des sols ne permet de conclure à un abandon de ces champs. Les quelques aménagements du iie s. retrouvés (trous de piquets et de poteaux, fossé de drainage et fosses de plantation) s’inscrivent dans la permanence sur la longue durée de cette exploitation agricole du secteur bien que les iv‑iiie s. ne soient pas représentés avec certitude au travers du rare mobilier céramique recueilli. Ce quartier de campagne de bas de pente est ensuite radicalement transformé à la fin du iie s. ou au tout début du ier s. Des champs en terrasses et les installations liées à leur irrigation, traversés par un grand chemin creux qui n’est rien moins que la via Domitia, ainsi qu’une aire d’ensilage contribuent alors à compléter l’histoire de ce paysage rural protohistorique (Poupet et al. 1993 : 29‑79).

    118Au N‑E de l’agglomération nîmoise (commune de Marguerittes, cadastre de 1992, section BP, Peirouse‑Ouest, parcelle 97), dans des conditions également hydromorphes, un chemin empierré, bordé par deux fossés, jouxte une construction très arasée qu’il est impossible de qualifier et qui ne peut donc pas être interprétée comme un habitat de plaine mais seulement comme un ou plusieurs bâtiments. L’ensemble est daté de la première moitié du ve s. (fouille sous la direction de L. Jallot). Si le bâti est ininterprétable, le chemin représente un linéament structurant très fort du paysage, reconnu sur plus de 175 m, qui témoigne de la mise en valeur agricole et de l’organisation de tout un territoire (travaux inédits de P. Poupet). Il est probable que cet axe routier n’était qu’un des éléments de la construction du paysage agricole selon un plan quadrillé plus ou moins régulier, mais il est impossible de s’avancer plus, les fossés limitant les parcelles ayant été négligés quand ont été arrêtés les choix administratifs en amont de la fouille. Le chemin a été totalement gommé du paysage antérieurement à l’époque romaine. Cette documentation révélant l’espace rural protohistorique doit être complétée par les multiples découvertes du quartier de Grézan, datées du ve s. (objets isolés, fossés et constructions en torchis), également situées en zone hydromorphe.

    119Au sud de l’oppidum nîmois, toujours dans le périmètre agricole probablement contrôlé par l’habitat groupé, l’application récente de l’arsenal législatif protégeant le patrimoine archéologique a permis à des fouilles, malheureusement souvent trop partielles, de précéder plusieurs chantiers de construction. Là encore, les résultats n’ont pas le caractère spectaculaire et attractif des vestiges de bâtiments antiques, des villae ou des nécropoles. Mais quelques morceaux du paysage agricole protohistorique ont été mis au jour et ils complètent le tableau où figuraient déjà les découvertes anciennes de l’Enclos Stécher et de Languissel (Louis 1929 ; 1930‑1935). Ce sont des fragments de parcellaires matérialisés par des fossés et des chemins (Mas Carbonnel, section ES, parcelle 329) datés du iie s., associés parfois à des bâtiments sur poteaux datés entre 375 et 125 comme dans le quartier du Viol du Plan (section HY, parcelle 115). Tout près de là, à moins d’ 1 km, ce sont encore des fossés et de probables traces de palissades datés des ve‑ive s. qui ont été mis au jour dans le quartier dit Sur le Mas Neuf (Nîmes, 1981, HZ, parcelles 149, 152, 155, 165). Plus au sud, dans le quartier de Mas de Vignole‑Nord, ce sont des fossés proches de bâtiments datés des ve‑ive s. (Nîmes, 1981, HY, 208). Ce sont encore les fosses, un puits et les bâtiments en terre crue et bois datés du ve s., installés au bord du Vistre dans une zone palustre (commune de Caissargues, cadastre de 1987, section AZ, Moulin Villard) (fouilles de l’autoroute A54 Nîmes‑Arles). La liste pourrait encore être allongée de ces découvertes malheureusement toujours tronquées par les conditions de fouilles –pas de décapage extensif– et souvent mal décrites et enregistrées, notamment en ce qui concerne le contexte sédimentaire et pédologique pourtant essentiel pour discuter d’agriculture antique (Vidal 1993 ; 1994 ; 1996 ; Vidal et al. 1992).

    120Sans revenir sur l’analyse que fait L. Sauvage de cette documentation en posant cette surprenante question qui renforce le doute quant à l’existence d’une ferme indigène dans le midi de la France (Sauvage 1996b), il faut bien se rendre à l’évidence : les campagnes protohistoriques étaient bien cultivées, structurées en quartiers et parcelles, parsemées de bâtiments (habitats et exploitation agricole) bien que ces découvertes soient rares et la plupart fort récentes. Il faudra bien avouer qu’on n’a jamais vraiment cherché ces éléments. Aussi il est maintenant probable que l’échafaudage intellectuel conduisant aux grandes synthèses aux effets stérilisants, qui écartait généralement cette vision des sociétés d’agriculteurs protohistoriques en laissant juste une petite place à quelques découvertes isolées – voire minimisées – pour prévenir la critique, s’écroule (Dedet, Passelac 1989 ; Py 1990a ; 1993). La raréfaction de l’habitat rural intermédiaire, comme la nomment ces travaux et sur laquelle ils s’appuient pour imaginer une société entièrement recroquevillée à l’abri des remparts des agglomérations, n’apparaît plus que comme un vide documentaire créé par les choix stratégiques de la recherche archéologique régionale et amplifié par des idées préconçues. Ceci tend à devenir évident pour la Vistrenque aux abords de Nîmes mais également pour la Vaunage, notamment au bas des pentes de l’oppidum de La Liquière‑Font de Coucou (commune de Calvisson) et de Mauressip (Saint‑Côme, Gard) (prospections F. Favory et C. Raynaud, 1994 et 1995 ; travaux inédits P. Poupet et R. Harfouche). Pour réellement progresser dans cet axe de recherche, il faudrait maintenant rompre avec certaines pratiques sélectives dans le choix des chantiers de fouille archéologique qui abandonnent trop souvent cette documentation irrémédiablement vouée à la destruction pour privilégier le spectaculaire.

    121Le paradoxe mis en évidence par l’archéologie récente de la ville de Nîmes réside aussi dans le fait que la multiplication des fouilles dans le périmètre occupé par l’agglomération protohistorique –localisation reconnue par le plus grand nombre d’après les récentes synthèses– ne met pas au jour un réseau dense de ruelles étroites et d’îlots bâtis de forme allongée sur la pente du mont Cavalier dans le quartier des Bénédictins et aussi à la Zac Villa Roma, mais plutôt des espaces voués à l’agriculture et au stockage de denrées agricoles. Une analyse de ce paysage urbain ou périurbain ne peut pas escamoter une réflexion critique sur les connaissances unanimement admises et relatives aux formes de l’urbanisme protohistorique du Languedoc oriental.

    122Depuis une vingtaine d’années, les travaux consacrés aux habitats groupés protohistoriques de la France méditerranéenne ont été nombreux, surtout en Languedoc oriental. Le point commun à tous ces travaux –que je veux particulièrement souligner car il rompt avec les sempiternels propos laudatifs– est relatif à l’échelle des investigations et au caractère extrêmement partiel des fouilles, paramètres qui semblent radicalement exclus des analyses malgré les évidences et la prudence qu’ils devraient imposer. C’est ainsi que ces analyses ont abouti à une synthèse, sorte de modèle dont l’effet stérilisant sur la recherche est déjà sensible puisque les données des recherches les plus récentes ne sont discutées que selon ce modèle unique qu’elles vérifient évidemment toujours. Rapidement formulées, les formes de l’habitat groupé protohistorique du second âge du Fer et singulièrement de celui qui est perché sur une hauteur, l’oppidum, se résument à un rempart qui contient un urbanisme très dense dont les axes directeurs sont imposés par la topographie, aux rues étroites et souvent parallèles, et qui ne laissent que peu ou pas de place à des espaces largement ouverts.

    123Le cas de l’agglomération préromaine de Nîmes est sans doute un des exemples les plus flagrants de cette absence de rigueur et de prudence qui laisse le champ libre à l’imagination et aux idées préconçues. Les découvertes anciennes sont nombreuses et dispersées qui montrent une occupation protohistorique étendue sans que l’on puisse préciser ses caractères. Les fouilles récentes qui ont permis de faire entrer ce site prestigieux dans la norme du modèle arrêté de l’oppidum protohistorique ne sont cependant guère plus représentatives. Trois zones géographiques ont été investies par les archéologues : les abords immédiats de la tour Magne, la pente méridionale du mont Cavalier (terrasse du Mas Rouge dans les jardins de la Fontaine) et le relief de Canteduc. Il faut mentionner les surfaces explorées et leur localisation pour prendre honnêtement la mesure des conclusions arrêtées. Les fouilles de P. Varène, qui travaillait sur l’enceinte augustéenne, ont couvert près de 200 m2 aux abords de la tour Magne. Celles de M. Py dans le même secteur se résument à 3 sondages exigus de 5,50 m2 près de la tour Magne, 4 et 8 m2 sur la pente du mont Cavalier. Seule la fouille de Canteduc dépasse les 60 m2 (Py 1981a). L’ensemble de ces trois points d’investigation ne représente malgré tout qu’une surface inférieure à 300 m2, ce qui est bien peu. Aussi, il est opportun de relativiser ce qui semble définitivement acquis au niveau de la connaissance de l’oppidum –ce qui n’a jamais été fait.

    124Selon M. Py, l’occupation débute vers la fin du vie s. et se poursuit jusqu’au milieu du ive s. D’après les points de découvertes anciennes et ses trois sondages, il imagine que « le village de la fin du vie s. s’agrandit quelque peu à partir de la fin du ve s. vers l’est et vers l’ouest (Canteduc, quartier du Fort) » (Py 1981a : 117). La fouille des Villégiales montre que cette occupation ne ressemblait en rien au modèle urbanistique créé par M. Py en 1981 et sur lequel il n’est pas revenu en 1990, si ce n’est sur l’étendue de l’agglomération (Py 1990a : 299‑301). Ses conclusions pourraient encore être prises en défaut dans le secteur du bas de pente où semble bien être localisé l’essentiel de l’agglomération des trois derniers siècles avant notre ère et où les observations paléoenvironnementales permettent de reconnaître les cours du Vistre de la Fontaine qui sont parfaitement localisés par rapport aux traits géomorphologiques et pédologiques du lieu. Il n’est donc plus d’actualité de dire qu’« on devra supposer que cet écoulement se faisait selon la fantaisie du terrain, et [qu’] il est probable que les quelques traces d’occupation préromaine décelées sous la ville basse de Nîmes jalonnent l’ancien cours d’eau » (Py 1981a : 14). C’est bien la notion même de l’habitat groupé de la Protohistoire du Languedoc oriental et sa prééminence qui sont mises en porte‑à‑faux dans le cas particulier de Nîmes. Il est maintenant certain que le statut des soi‑disant sites –qui ne sont que des points de découvertes, il ne faut pas l’oublier– de la place Questel, de la rue Benoît‑Malon, des Halles centrales ne correspond plus à ce qui était imaginé en 1981 : « Il faut en effet traiter à part les traces d’occupation de cette époque [iie‑ier s.] repérées à la périphérie de la ville, qui correspondent à des installations d’importance réduite, probablement liées aux activités agricoles » (Py 1981 a : 117). Ces « sites » de la périphérie, en plaine, font partie intégrante de l’agglomération, mais comme aux Villégiales, l’habitat groupé ressemble plus à une nébuleuse parsemée de zones agricoles qu’à un strict maillage urbain.

    125Les recherches les plus récentes qui se sont multipliées dans le sous‑sol de la ville de Nîmes ont permis de proposer un probable tracé du rempart protohistorique, hypothèse encore bien fragile au vu du faible nombre de points de découvertes enregistrées de façon satisfaisante, notamment vers l’est de l’agglomération antique. La première surprise qui jaillit de ces investigations dans les stratifications accumulées au bas des reliefs collinaires, c’est que l’habitat groupé protohistorique, que l’on plaçait sur les pentes méridionales du mont Cavalier pour satisfaire sans doute à la rigueur du modèle, s’est plutôt largement développé, dès les premiers siècles de son existence, dans la plaine où sont établis les lits du Cadereau et du Vistre de la Fontaine. La deuxième surprise, qui n’est pas la moindre pour mon propos, c’est que l’espace protégé par le rempart tel qu’il est défini actuellement n’était pas totalement bâti et que des champs, des murs de soutènement de terrasses de culture et des aires d’ensilage y occupaient une large place jusqu’au milieu du iie s. De plus, les rares bâtiments mis au jour dans ce contexte paysager éminemment rural pourraient avoir été réservés à un usage exclusivement agricole. Il reste donc encore à mettre au jour le cœur densément bâti de la Nîmes préromaine, comme cela a été réalisé, dans les mêmes conditions, sous d’autres agglomérations modernes, à Martigues par exemple (fouilles J. Chausserie‑Laprée). Il reste aussi à explorer plus attentivement d’autres habitats groupés –et perchés– pour voir si les marges d’autres agglomérations protohistoriques protégées par une enceinte étaient vouées à des activités de production agricole.

    126Enfin, l’iconographie et les archives de la période moderne montrent un paysage particulièrement dénudé sur les pentes des collines qui surplombent la source de la Fontaine, ce qui donne une idée de la vigueur et de la durée des processus qui ont affecté la couverture pédologique. Le Mons Excelsus du Moyen Âge et de la Renaissance se reconnaît mieux dans l’appellation locale et moderne de Roc de la Font tant les calcaires sont partout portés à l’affleurement. Il faut attendre les plantations décidées par le maire Cavalier au début du xixe s. pour masquer la longue histoire de la dynamique érosive et transformer jusqu’au nom du relief.

    127Si l’on sait depuis Aristote que la démarche analytique, développée par Descartes, consiste fondamentalement à décomposer les problèmes de la recherche afin de rendre les choses aussi simples que possible pour résoudre des problèmes élémentaires, il ne faut cependant pas céder à une sorte de facilité qui réduit considérablement la portée des objets archéologiques exhumés. Réduire l’espace rural antique à une collection de tronçons de fossés et à quelques traces de bâtiments et de plantations est largement insuffisant. Pourra‑ton un jour prochain –et rapidement pour précéder les destructions qui vont en s’accélérant– observer et enregistrer tous les caractères encore visibles de ces paléopaysages enfouis dans le sous‑sol actuel afin que les campagnes antiques languedociennes ne soient plus cet infranchissable désert de connaissance qu’elles ont été jusqu’aux années 90 et que l’archéologie de l’espace rural dans son ensemble ne soit pas qu’une pitoyable histoire de petits événements ?

    1.3 Les indices chasséens

    128l.j.

    129Les sites de La Fontaine des Bénédictins et des Villégiales des Bénédictins prennent place sur une série de terrasses, en bas de pente, orientées vers le S‑E. Les artefacts décrits ci‑dessous proviennent de l’interface entre les niveaux anthropisés et le sol naturel (paléosol) reposant sur le sistre (cf. supra § 1.1.1.3). Aucune construction n’est associée à ces objets.

    130L’assemblage lithique très disparate présenté ici paraît à première vue peu significatif. L’impression générale est celle d’une série hétérogène dans laquelle cohabitent des éléments de différentes périodes. Néanmoins, la présence d’une hache polie et de pièces caractéristiques comme des lamelles, une lame en silex portant un lustré de céréale ainsi que l’utilisation de silex blond témoignent d’une fréquentation du site au Néolithique.

    1.3.1 Silex

    131US 5009 (no inv. 5 ; Fontaine des Bénédictins) : fragment chauffé avec trace de cortex. Silex lacustre bleu‑gris avec de nombreuses inclusions (aspect proche du silex lacustre de la région de Saint‑Maurice‑de‑Cazevieille, Gard).

    132US 1004 (no inv. 1 ; Villégiales des Bénédictins) : éclat de silex blond chauffé, très léger, lustré.

    133US 1018 (no inv. 51 ; Villégiales des Bénédictins) : pièce esquillée. Éclat de galet cortical (éclat de mise en forme). Silex beige.

    134US 1018 (no inv. 51 ; Villégiales des Bénédictins) : lamelle à crête, silex blond chauffé, profil arqué.

    135US 1079 (no inv. 143 ; Villégiales des Bénédictins) : fragment de silex blond, extrémité portant des traces d’utilisation, retouches latérales.

    136US 1144 (no inv. 87 ; Villégiales des Bénédictins) : fragment de lamelle à retouches latérales, silex blond chauffé (fig. 16, no 4).

    137US 2213 (no inv. 313 ; Villégiales des Bénédictins) : nucléus à éclat, polygonal, dimensions : 6 x 6,5 x 3,7 cm, silex de même provenance que 2046 (78).

    138US 2046 (no inv. 78 ; Villégiales des Bénédictins) : lame de section triangulaire, silex oligocène brun à inclusions portant des retouches latérales obliques, non chauffé ; pièce incomplète brisée en trois fragments, le talon n’est pas conservé ; profil très arqué (percussion directe ?), trace très nette d’un lustré sur les deux tranchants (fig. 16, no 2).

    139US 4002 (no inv. 284 ; Villégiales des Bénédictins) : grattoir double opposé sur éclat épais, silex beige bleuté (aspect proche du silex lacustre de la région de Saint‑Maurice‑de‑Cazevieille, Gard) (fig. 16, no 1).

    140US 5007 (Fontaine des Bénédictins) : éclat, préparation d’un nucléus à lamelles, silex noir, chauffé, débitage par pression probable.

    141US 5008 (Fontaine des Bénédictins) : 3 éclats de petit module (de l’ordre de 1 à 2 cm), portant des traces de lustré ou patine (possibles éléments de faucille), silex beige à beige‑roux.

    142US 7006 (no inv. 3 ; Fontaine des Bénédictins) : lamelle de section trapézoïdale, silex blond non chauffé (fig. 16, no 3).

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    FIG. 16 – Mobilier lithique provenant du quartier des Bénédictins. 1 grattoir double ; 2 lame ; 3 lamelle ; 4 fragment de lamelle ; 5 fragment de hache polie ; 6 fragment de quartz.

    dess. L. Jallot/Afan

    1.3.2 Autres roches

    143US 1009 (no inv. 68 ; Villégiales des Bénédictins) : fragment de quartz hyalin, pièce esquillée (fig. 16, no 6).

    144US 1043 (no inv. 123 ; Villégiales des Bénédictins) : fragment de hache polie de forme triangulaire à section ovale, roche verte, trace de polissage, striée très finement sur sa surface (d’origine ?) ; pièce très usée au tranchant fortement écaillé (fig. 16, no 5).

    1.3.3 Conclusion

    145Comme l’impression d’ensemble le laissait supposer, la majorité des pièces se rattache au Néolithique et plus spécifiquement au Chasséen méridional (4500 à 3500 av. J.– C.). On dénombre au moins 3 lamelles ou indices de lamelles et le silex blond compte 5 éléments sur 12 (3 de ces pièces sont chauffées). Le traitement thermique du silex blond et la présence de lamelles prismatiques sont des critères reconnus de cette culture. En revanche, nous n’avons pas caractérisé avec certitude le débitage par pression (Binder 1984 ; 1991). La pièce esquillée en quartz, la lame en silex oligocène portant un lustré (2046, no inv. 78) et le nucléus peuvent être également rattachés au Chasséen. La hache polie et le reste des pièces en silex doivent être attribuées au Néolithique au sens large (Chalcolithique compris) ainsi qu’au début de l’âge du Bronze. Deux éléments en silex gris‑bleu lacustre sont vraisemblablement originaires de la région de Saint‑Maurice‑de‑Cazevieille. Cette roche semble exploitée au Chalcolithique par les Fontbuxiens (Bordreuil 1981), mais une de ces pièces, le grattoir double (fig. 16, no 1), est de facture chasséenne. L’absence de céramique modelée est assez surprenante. Dans un contexte d’habitat, des tessons devraient accompagner l’outillage en roche. La rareté et la dispersion des artefacts évoquent plutôt des activités localisées en dehors de l’espace domestique –on pense bien entendu à des champs et à des outils de moisson perdus ou abandonnés. La présence d’une lame portant un beau lustré va dans ce sens, ainsi que la pièce en quartz et les éclats lustrés qui pourraient provenir de faucilles en bois. Le fragment de hache polie très usé et fragmenté peut être considéré comme le rebut d’un outil cassé lors de travaux agricoles.

    146La présence de Chasséen sur le territoire de la commune de Nîmes est une information intéressante. Sur le site de la rue Pierre‑Sémard à Nîmes a été trouvée une fosse du Néolithique moyen (pré‑Chasséen), sans doute associée à des traces de bâtiments à ossature en bois (Piskorz, Jallot 1995). En dehors de cette découverte exceptionnelle, seules les stations du Bachas (inédite, mentionnée par Gisclon 1982), située à 3 km au sud de Nîmes dans la plaine du Vistre, et celle de Courbessac, à 4 km au N‑E au pied des Garrigues de Nîmes, également dans la plaine du Vistre (Gimon 1923), ont livré des éléments de cette culture. Nous avons par ailleurs identifié du mobilier chasséen provenant d’une station proche de l’actuelle polyclinique Grand‑Sud de Nîmes. A peu de distance de ces habitats et toujours dans la plaine du Vistre, les fosses chasséennes de Moulin‑Villard à Caissargues ont donné un abondant mobilier du Chasséen ancien et classique (inédit). Aux environs de Nîmes, les prospections au sol dans les parcelles cultivées révèlent fréquemment des éléments de cette culture mais sans concentrations notables. Pourtant, il semble que les habitats du Néolithique moyen aient tendance à se concentrer dans la vallée du Vistre et il fait peu de doute que les travaux urbains finiront par toucher, vers le sud, un important établissement de cette époque2. Quoi qu’il en soit, face à la densité des sites du Néolithique final et du Chalcolithique découverts à ce jour dans le Gard, la faible fréquence des stations du Néolithique moyen (Bordreuil, Roger 1992) donne un relief particulier à cette petite série lithique.

    1.4 Les occupations de l’âge du Fer

    147l.s.

    1.4.1 Le quartier à l’époque protohistorique : état des connaissances

    148Établi sur le bas des versants S‑E du mont Cavalier où l’on a tôt reconnu le siège de l’agglomération protohistorique de Nîmes (Py 1981 a : 9‑32), le quartier des Bénédictins a livré, comme l’ensemble des pentes méridionales de la colline, son lot de découvertes se rapportant aux occupations de cette époque. S’attachant à situer l’oppidum nîmois dans son contexte de la Protohistoire en Languedoc oriental, M. Py en a fait le recensement dans son ouvrage (Py 1981a). Parmi celles‑ci, on mentionnera la description donnée par F. Mazauric d’une séquence d’occupation protohistorique observée rue Ménard, entre la rue d’Albenas et la rue Clérisseau (Registre 1909 : 153‑154 ; Mazauric 1909 : 212‑214). Il s’agit de vestiges archéologiques observés en coupe sur une hauteur de 2 m environ à l’occasion de la pose de canalisations. Sous un remblai moderne, un niveau incluant un abondant mobilier romain recouvrait une séquence d’occupation protohistorique, d’1 m de puissance environ, avec des foyers d’argile cuite coupés par la tranchée : le mobilier recueilli indique une occupation couvrant tout le second âge du Fer et l’époque républicaine (Py 1981a : 100‑102). Non loin, dans la rue Rouget‑de‑Lisle, ce sont des éléments de chenets et d’un « autel‑foyer » qui ont été fortuitement mis au jour ; les trouvailles ont été faites en deux points distincts ; l’une (chenet figurant un cheval et petit fragment d’autel‑foyer), en haut de la rue Rouget‑de‑Lisle, par J. Brunel dans son jardin, l’autre (fragment de la tête d’un chenet en argile grise avec décors marqués en creux), par O. Rappaz à l’angle de la rue d’Albenas, lors de la destruction d’un immeuble (Robert 1969 : 288, 296 ; Py 1981a : 101‑102). Provenant des abords du quartier vers l’est, on possède une inscription votive en écriture gallo‑grecque trouvée rue de la Lampèze : il s’agit de la partie supérieure d’un pilier votif en calcaire dur à section carrée de 0,21 m de côté et de hauteur conservée 0,40 m, découvert en janvier 1876 au cours de travaux de voirie. L’inscription, complète, en gallo‑grec sur 5 lignes et développée sur 2 faces adjacentes, correspond à la dédicace de Cossitalos à une divinité (topique ?) masculine gauloise : Alaminos ? (Py 1981a : 100 ; Lejeune 1985 : G. 206, 284‑286 ; Py 1990a : 809). Toujours rue de la Lampèze, en 1941, H. Banquier signale la découverte d’une tombe en 1933. Nous en ignorons les caractéristiques et son mobilier n’a pas été conservé (Banquier 1941 : 5 ; Py 1981a : 127).

    149Un tel inventaire révèle un état fort lacunaire de la documentation qui pose le problème de la qualité des données sur la situation, la nature et la localisation des vestiges protohistoriques dans le quartier des Bénédictins, et sur leur évolution au sein de l’agglomération protohistorique. De cette dernière, nous ne connaissons qu’une emprise supposée, déduite de la cartographie de multiples points d’observations (fig. 17). C’est, semble‑t‑il, vers la fin du vie s. av. n.è. que s’implante à Nîmes, selon un processus commun au Languedoc oriental, un premier habitat groupé autour de la source de la Fontaine et sur les pentes méridionales du mont Cavalier (Py 1981a : 201‑203). Plusieurs phases d’extension successives au cours du second âge du Fer marquent un déplacement progressif de l’habitat depuis les pentes vers la plaine, et confèrent à l’agglomération nîmoise une emprise au sol sensiblement supérieure à celle des habitats contemporains de la région (Py 1990a : 299‑301). Ainsi, les découvertes de la rue Saint‑Laurent et de l’école Jean‑Jaurès montrent une extension de l’agglomération bien au sud de la source dès la fin du ve s. av. J.‑C., et une occupation sans discontinuité jusqu’au Haut‑Empire (Genty 1990a). Pour autant, ses limites demeurent fort mal connues. À l’exception d’un tronçon d’enceinte observé par M. Célié au niveau de la place Jules‑Guesde –rempart en pierres sèches érigé au cours du ive ou du iiie s. av. J.– C., bordé au sud par deux larges fossés de 7 à 8 m de largeur et de 3 à 4 m de profondeur qui se succèdent dans le temps (Célié 1990c : 90‑93)– et qui marque, de manière formelle, la limite méridionale de l’agglomération, on ne connaît guère que les deux départs de courtine de chaque côté de la tour monumentale dressée au sommet de l’oppidum et qui est englobée, à l’époque augustéenne, par la tour Magne. Des fouilles ont en effet révélé à l’intérieur du monument romain les vestiges d’une tour primitive « en forme d’un tronc de cône aux pentes inégales » ainsi que ceux d’un tronçon à plusieurs parements de la courtine préromaine ; par ailleurs, un mur et l’angle de deux autres, fondés à même le rocher à l’intérieur de l’enceinte, déterminent un petit noyau orthogonal de cases datables de la fin du ve ou du début du ive s. av. J.‑C. (Py 1981a : 32‑49 ; 1992 : 119‑120).

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    FIG. 17 – L’agglomération préromaine. Le tracé présumé de l’enceinte protohistorique est représenté sous la forme d’un trait gris sombre. 1 La Fontaine des Bénédictins, 2 Les Hespérides, 3 Les Villégiales des Bénédictins, 4 La Marseillaise, 5 chenet de la propriété Brunel, 6 chenet découvert par O. Rappaz, 7 observations faites rue Ménard par F. Mazauric, 8 tombe (?) de la rue de la Lampèze, 9 source de la Fontaine, 10 tour Magne, 11 Zac des Halles, 12 ancien théâtre, 13 Maison carrée, 14 amphithéâtre, 15 place Jules‑Guesde, 16 école Jean‑Jaurès, 17 rue Saint‑Laurent, 18 Villa Roma.

    DAO M. Monteil/Afan

    150La proximité de la tour sommitale avec le quartier des Bénédictins et leur position relative suggèrent un passage proche du tracé de l’enceinte, depuis le faîte de l’oppidum jusqu’au secteur de la place Jules‑Guesde. Un jalon intermédiaire est fourni par les informations tirées des recherches sur le quartier du forum impérial. Ainsi, les fouilles de l’Ancien Théâtre (Pellecuer, Célié 1990) et de la Maison carrée (Célié et al. 1994 : 390) révèlent des types d’occupations différentes de part et d’autre du boulevard Alphonse‑Daudet qui sépare les deux gisements, respectivement « urbanisées » et rurales, et qui ne peuvent s’expliquer ici que par le passage des limites de l’agglomération jusqu’à l’époque républicaine. C’est d’ailleurs à une conclusion similaire qu’est parvenu J. Benoit dans son analyse des structures urbaines antiques (Benoit 1981) : l’extension d’une trame préromaine au sud et à l’est de la source de la Fontaine délimite la zone à l’intérieur de laquelle a pu se développer l’agglomération indigène.

    151Si dans ce secteur de la ville la question du tracé de l’enceinte préromaine souffre de peu d’ambiguïté, elle demeure entière pour le bas des pentes du mont Cavalier un peu plus au nord. Au parti retenu par M. Christol et C. Goudineau qui, s’appuyant sur le travail de J. Benoit, donnent aux limites orientales de la ville préromaine un tracé correspondant approximativement à la rue Rouget‑de‑Lisle (Christol, Goudineau 1987‑1988 : fig. 2) on peut opposer en effet la présence attestée de vestiges d’occupations bâties dans le quartier du fort, rue Ménard et rue Clérisseau (cf. supra Introduction) qui suggère une extension plus importante vers l’est de l’agglomération protohistorique.

    152Aux incertitudes sur les limites de l’agglomération s’ajoute celle relative à la définition de la qualité des occupations protohistoriques. En effet, si l’oppidum est reconnu depuis longtemps pour lui‑même (Bourilly, Mazauric 1911), les unités qui le composent ont été si peu explorées que l’on sait en définitive très peu de chose sur la nature, la densité et l’organisation de l’habitat nîmois au cours de la Protohistoire. Hormis celles, déjà évoquées, au pied de la tour Magne, les seules structures d’habitat reconnues au bas et sur les pentes du mont Cavalier sont, pour l’essentiel, les « cases à encoche » mises au jour au quartier de Canteduc lors des fouilles menées par F. Mazauric (Registre 1911 : 260‑266 ; Registre 1912 : 338‑339 ; Registre 1913 : 354‑360) et les vestiges d’occupation étudiés sur la terrasse du Mas rouge, datables des ve et ive s. av. J.‑C. (Py 1981a : 29‑32, 51‑81). On perçoit mieux, dès lors, l’intérêt d’une telle analyse archéologique à l’échelle d’un quartier de la ville moderne.

    1.4.2 L’apport de la fouille des Villégiales

    153L’étude des occupations préromaines du quartier des Bénédictins repose sur des données hétérogènes provenant d’opérations multiples et diverses, tantôt simples observations sur des fouilles et sondages ponctuels, tantôt recherche plus systématique à l’aide d’un décapage extensif des vestiges (cf infra chap. 2). S’il faut donc relativiser la portée des diverses informations disponibles, suivant en cela l’attitude prudente des fouilleurs, et même si les niveaux anciens sont souvent perturbés par les occupations ultérieures, la concentration géographique des opérations de fouille fournit ici la matière à un essai d’appréhension globale des vestiges (fig. 17). La fouille des Villégiales, qui livre une vision relativement étendue à l’échelle de l’ensemble, permet, en premier lieu, de dresser un schéma évolutif des occupations protohistoriques du quartier auquel il faudra confronter les informations issues des nombreuses découvertes fortuites et des autres interventions programmées.

    1.4.2.1 Les traces de la première occupation

    154À l’issue d’une campagne de diagnostic d’un terrain en forte pente d’environ 5 000 m2, un sauvetage a été conduit, après décapage de la partie basse de la parcelle, sur près de 2 500 m2 (fig. 18). Occultés dans la partie médiane du site par les structures d’époque romaine, les vestiges protohistoriques ont fait l’objet d’une étude sous la forme de fouilles stratigraphiques ou d’observations de coupe. L’équipe responsable des fouilles, grâce au concours de P. Poupet (cf. supra § 1.2), a porté un intérêt particulier à l’étude des faits techniques agricoles protohistoriques dans leurs contextes géomorpho‑pédologiques.

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    FIG. 18 – Les Villégiales des Bénédictins. Plan cumulé des vestiges protohistoriques de la fouille.

    DAO M. Monteil. L. Sauvage/Afan

    155Une occupation préhistorique initiale –Néolithique/Chalcolithique– est sans doute responsable de modifications affectant les caractères du milieu. On a en effet relevé, directement à la base des sols construits d’époque romaine de l’ensemble C (cf. infra § 2.2), la présence de minces sols pédologiques de type rendzines colmatant les anfractuosités du rocher et piégeant des fragments d’outillage lithique (lame en silex). L’existence d’un tel sol s’explique par l’affleurement et la mise à nu du substrat au cours d’une longue période. Sur la base d’observations similaires faites sur d’autres sites, on peut avancer l’hypothèse que la disparition de la couverture sédimentaire primitive est à mettre au compte d’un comportement humain agressif sur le milieu, plus précisément d’une exploitation non maîtrisée des ressources végétales et pédologiques (culture sur brûlis, surpâturage). De fait, la présence de mobilier à la base des sols anciens implique une dégradation de la couverture sédimentaire vraisemblablement contemporaine, à la période Néolithique/ Chalcolithique.

    156L’occupation de l’âge du Fer qui se superpose semble répondre à une implantation choisie et aménagée. En effet, le versant est du site, en bordure de l’actuelle rue Rouget‑de‑Lisle, révèle un affleurement rocheux de gros blocs calcaires effondrés. On a vu (cf. supra § 1.2) que ces blocs forment des compartiments comblés par des matériaux meubles issus de l’érosion et de la pédogenèse dont la présence peut avoir constitué un facteur attractif pour l’implantation de structures porteuses. Par ailleurs, le secteur est peut‑être situé sur un bord de thalweg ou de combe : en dépit de l’absence de confirmation archéologique formelle, on est enclin à penser que les structures d’évacuation et d’écoulement des eaux d’époque romaine, sous la rue Rouget‑de‑Lisle, pourraient correspondre à l’habillage maçonné d’une combe naturelle (?) assurant le drainage du quartier dans sa topographie primitive.

    Des constructions sur poteaux et des fosses

    157Marquant la première occupation de l’âge du Fer, des constructions sur poteaux ont partiellement été mises au jour (fig. 19, 20). Les trous des poteaux sont de différents types et peuvent être classés par groupes.

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    FIG. 19 – Les Villégiales des Bénédictins. Section 1 (N‑S) sur la stratigraphie de l’ensemble E.

    DAO M. Monteil. L. Sauvage/Afan

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    FIG. 20 – Les Villégiales des Bénédictins. Relevé en plan des fosses et poteaux de la première phase d’occupation (ensemble E).

    DAO M. Monteil. L. Sauvage/Afan

    158Un premier groupe est constitué par des trous de forme oblongue, présentant un étranglement en partie médiane. Les parois du creusement sont subverticales et la base affecte un profil rigoureusement plan. Trois négatifs creusés dans un horizon d’altérite (argile de décalcification produite par des calcaires en voie de décomposition) appartiennent à ce premier groupe : P058, P059 et P061. Creusés N‑S sur une longueur maximale observée de 0,60 à 0,71 m, ils sont alignés suivant un axe N‑E/S‑O et semblent appartenir à une même structure ; l’étranglement en partie médiane décrit deux zones quasi circulaires qui déterminent sans doute une construction à poteaux jumelés. Les négatifs des poteaux sud ont un diamètre variant de 0,14 à 0,18 m à la base, de 0,22 à 0,30 m au sommet, ceux des poteaux nord de 0,16 à 0,24 m et de 0,25 à 0,32 m, les largeurs médianes s’échelonnant entre 0,26 et 0,30 m. Dans le fond de l’un des négatifs, on a relevé la présence de petits cailloux (P058) (fig. 21). Un autre négatif de poteaux jumelés, P053 et P054 (creusements [US 1096] et [US 1097] des poteaux P053 et P054 respectivement ; comblement unique [US 1098]), suit une orientation N‑O/SE qui diffère de celle des trois précédents situés à environ 3 m plus au sud. On constate une identité dans le mode de creusement des poteaux jumelés, mais la situation en bordure de fouille n’a pas permis de faire toutes les observations utiles (diam. P053 : ?, diam. P054 : 0,25 m, prof. 0,10 m).

    159Un second groupe est constitué de creusements de forme plus ou moins circulaire, aux parois subverticales. On remarque dans ce groupe les poteaux P057 et P060, négatifs isolés situés à proximité des poteaux jumelés P058, 59 et 61, et qui viennent s’installer sur le même horizon que ces derniers. P057 présente un creusement de forme grossièrement ovale, ses parois sont fortement obliques. Au nord se situe une pierre de calage extraite du rocher constituant le substrat. Le fond a un profil en U, le diamètre est de 0,20 à 0,21 m pour une profondeur de 0,19 m. P060 présente quant à lui un diamètre de 0,31 m pour une profondeur de 0,10 m.

    160Tous les trous de poteau ne sont pas contemporains, mais en raison de l’extension réduite de la fouille, leur emplacement n’a permis de définir ni des orientations ni des structures précises (à l’exception de P058, 59 et 61). Il est sûr cependant que la proximité des trous n’implique pas forcément une unité de structure, mais plutôt une succession et un déplacement dans le temps. Les poteaux sont associés à des fosses. La chronologie relative des creusements des poteaux et ceux des fosses n’est pas facile à établir d’un point de vue purement stratigraphique, les niveaux supérieurs d’occupation ayant été tronqués (fig. 22). Certains poteaux sont clairement antérieurs au creusement des fosses, c’est le cas des poteaux jumelés P047 (diam. 0,22 m, prof. 0,40 m) et P048 (diam. 0,36 m environ, prof. 0,38 m). D’autres sont postérieurs aux creusements de certaines fosses : P037, P038 et peut‑être aussi P043 postérieurs respectivement à FS33, FS34, FS46. Pour un dernier groupe enfin, il n’est pas possible de trancher : P039 (diam. 0,20 m, prof. 0,30 m), P040 (ovale, long. 0,32 m, larg. 0,20 m, prof. 0,38 m), P041 (diam. 0,32 m, prof. 0,14 m), P042 (diam. 0,21 m, prof. 0,05 m), P044 (diam. 0,28 m, prof. 0,40 m) et P045 (diam. 0,16 m, prof. 0,46 m). À noter que le poteau P041 recoupe ou est recoupé par P042 et qu’il peut s’agir de poteaux jumelés ; de même dans le cas des négatifs P044 et P045.

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    FIG. 21 – Les Villégiales des Bénédictins. Vue de la partie méridionale de l’ensemble E prise de l’est. Au premier plan, à gauche, des négatifs de poteaux jumelés.

    cl. X. Belougne/ Afan,

    161À l’ensemble de ces trous de poteaux correspond une sédimentation organique d’occupation. Tous sont creusés dans le substrat [US 1081] présent sur tout le secteur et formé d’une argile de décalcification de couleur jaune à ocre avec nodules de carbonate de calcium blanc, résultat de la décomposition des cailloux et graviers calcaires ; il inclut des matériaux issus des horizons du paléosol supérieur par percolation dans les galeries de la pédofaune. Localement, on trouve quelques moellons et blocs de calcaires intrusifs. Vers l’est, on n’observe que ce matériau d’altération.

    162Au‑dessus du substrat se trouve l’horizon en place d’un paléosol [US 1084] (équivalant à [US 1070]) dont la matrice est constituée d’un limon argileux avec une forte proportion d’inclusions de gravier calcaire, ainsi que de quelques cailloux. Mobilier et faune sont ici peu abondants. Sur ce paléosol on trouve un niveau [US 1055] de gravier anthropisé et probablement rapporté, correspondant à un nivellement du secteur en vue de l’aménagement d’une surface (altitude moyenne 59,80 à 59,90 m ngf).

    163À l’ouest du secteur, un blocage de cailloux calcaires, mêlés à du gravier provenant de la dégradation du rocher et à un sédiment argileux brun d’origine pédologique, comble une anfractuosité du rocher. Il a été aménagé en sorte que son pseudo‑parement au sud corresponde à une crête de diaclase et s’aligne sur des blocs du rocher affleurant en limite ouest. Dans la partie inférieure, le sédiment argileux se trouve seul et repose sur le paléosol. Cette indication et quelques tessons prélevés dans le blocage [US 1061] du muret (MR35) rattachent l’aménagement de ce dernier aux éléments d’occupations les plus anciennes.

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    FIG. 22 – Les Villégiales des Bénédictins. Vue générale de la partie septentrionale de l’ensemble E prise du sud : poteaux et fosses associées.

    cl. X. Belougne/ Afan,

    Datation

    164La datation de la phase initiale d’installation d’époque protohistorique est délicate à établir. Seule, en effet, l’US 1070 a livré quelques éléments mobiliers. De fait, les données chronologiques sont à rechercher dans la combinaison du phasage général des occupations anciennes et des indications tirées de l’étude du mobilier. C’est une date aux alentours de la fin du vie s. ou du début du ve s. av. J.‑C. que suggère le lot céramique de l’US 1070. En comparaison, la présence d’éléments anciens au sein du mobilier de l’US 1061, à savoir des fragments d’amphores massaliètes à pâte feldspathique, dont un bord de type 1 –production datée des années ‑550/‑500 (Py 1993b : 60)–, et d’une épaule de coupe en céramique modelée à décor excisé incitent à proposer une installation du bâti dans le courant du dernier quart du vie s. av. J.‑C.

    165Mobilier de l’US 1070 :
    – céramique non tournée tous modules : 84 panses, 8 bords ;
    – amphore massaliète à pâte micacée : 5 panses ;
    – grise monochrome : 1 bord de coupe, 2 panses à décor ondé dont 1 épaule de coupe carénée ;
    – 1 petit galet.

    166Mobilier de l’US 1061 :
    – céramique non tournée tous modules : 4 bords, 13 panses, dont 1 épaule en céramique excisée ;
    – amphore massaliète à pâte feldspathique : 2 panses, 1 bord de type 1 ;
    – 2 fragments de torchis.

    167L’interprétation des vestiges mis au jour est rendue passablement délicate par l’exiguïté même de la surface de fouille (quelque 28 m2 environ), la fugacité des structures rencontrées et leur mauvaise lisibilité. Seuls émergent parmi les documents de la vie matérielle quelques tessons, un broyeur et deux fragments de meule en grès ; par ailleurs, on n’a pas dégagé de foyer et les restes de faune sont très peu nombreux. L’ensemble renvoie à un contexte d’occupation avec structures construites en matériaux légers. Malgré une documentation encore peu abondante et mal établie, on admet que les modes de construction de l’architecture domestique font alors un large usage des matériaux périssables et s’inscrivent dans la permanence des techniques de construction du Bronze final IIIB et du plein premier âge du Fer (Py 1990a : 625‑633). Pour autant, d’après les caractères matériels identifiés sur le site des Villégiales et décrits ci‑dessus, nous n’avons pas affaire ici à un habitat à proprement parler, au sens de cellule domestique d’habitation, mais davantage à une annexe d’habitat ou à un bâtiment à vocation spécifique dont l’un des côtés est structuré par des poteaux jumelés sur une longueur minimale de 2,30 m. Toutefois, développer davantage son analyse est délicat. On se contentera d’avancer l’idée selon laquelle la nature de ce bâtiment peut être associée au mode d’occupation des lieux, ce qui lui conférerait un caractère agricole.

    1.4.2.2 Succédant au bâti, des aires d’ensilage

    168À l’occupation sur bâti léger semblent succéder deux aires d’ensilage, l’une installée au droit des structures précédemment décrites, l’autre située à quelques dizaines de mètres à l’ouest. La mise en concordance de ces deux aires d’ensilage est établie sur la base exclusive de la chronologie relative, sans que leur contemporanéité n’ait pu être établie matériellement.

    L’aire d’ensilage orientale

    169À l’est, les silos se caractérisent par des fosses plus ou moins circulaires, à embouchure rétrécie et un comblement qui peut être brutal ou lent. Leur creusement s’effectue dans des niveaux d’occupation antérieurs ce qui interdit de les interpréter comme d’éventuelles fosses d’extraction. Leur identité de forme et de profil ainsi que leur contiguïté illustrent la présence d’une véritable aire d’ensilage.

    170Les silos ont été creusés après les trous de poteau décrits ci‑dessus et sont apparus en fouille à partir de la surface de creusement [US 1087] d’un sol anthropisé [US 1052] tronqué d’une dizaine de centimètres et contenant des fragments calcaires ayant subi l’action du feu. Ce creusement marque un nivellement du secteur et la surface [US 1087], non homogène, constitue un véritable sol topographique sur lequel prenaient place de nombreux cailloux calcaires. Il correspond à l’horizon supérieur du sol dans lequel ont été creusés les silos (altitude moyenne 59,90 m ngf). Les silos sont implantés à proximité d’un habitat contemporain. En témoignent certains des comblements et le creusement ultérieur de trous de poteau.

    Description des silos Fig. 19, 20

    171FS33 [US 1058]3 : fosse grossièrement circulaire, diam. 1,15 m, prof. 0,44 m. Le comblement, au vu du sédiment argileux qui ne présente pas de rupture sédimentaire, s’est fait progressivement et lentement, par ruissellement diffus. Vers le sud (et le bas de la pente), la paroi de la fosse est consolidée par un « muret » grossièrement appareillé dont deux blocs se trouvaient en fond de comblement. Vers l’ouest, la fosse s’appuie sur un ressaut de rocher calcaire. FS33 est recoupée par P038. FS34 [US 1060] : fosse circulaire moins bien conservée que FS33, diam. 0,82 m environ, prof. 0,42 m. Son comblement s’est fait rapidement, par action anthropique : le sédiment comprenait, outre les graviers calcaires, des charbons de bois provenant du balayage de l’habitat. FS34 est recoupée par P037.

    172FS46 [US 1114] : fosse aux contours flous, non visible dans son intégralité, profil des parois tronqué, proximité des fosses‑silos FS49 et FS50. Diam. 0,43 m environ, prof. 0,28 m. Le comblement est assimilable au sédiment constituant la surface à partir de laquelle ont été creusés un certain nombre de négatifs ; sédiment homogène, contenant des graviers calcaires, du mobilier peu abondant, et parfois des petits charbons de bois. Les comblements se font donc à partir d’un sédiment issu d’un horizon anthropisé du paléosol.

    173FS49 [US 1120] : fosse recoupée par FS 50 ; le contour restituable est ovale. La paroi N‑O s’engage sous l’affleurement rocheux. Long. 0,77 m, larg. 0,67 m, prof. 0,20 m. Son comblement présente les mêmes caractères que celui de l’US 1114.

    174FS50 [US 1122] : fosse postérieure à FS49 située au S‑O et à proximité de FS46 plus au nord mais la série des trois n’a pas fonctionné en même temps : le matériau dans lequel elles sont creusées rend possible l’interpénétration des structures. Ces creusements successifs peuvent suggérer une idée de la durée d’occupation de cette aire d’ensilage. Long. 0,96 m, larg. 0,59 m, prof. 0,32 m. Son comblement présente les mêmes caractères que celui de l’US 1114. FS50 est recoupée par P043 (diam. sup. 0,15 m, prof. 0,26 m).

    175FS51 [US 1086] : s’engage presque entièrement sous la berme de limite de fouille à l’est mais son examen en coupe montre la juxtaposition par recoupement de 2 fosses : long, totale 2 m environ. Son comblement ne se dissocie pas de celui de l’US 1052.

    176FS55 [US 1102] : fosse située à l’intérieur de FS56 mais dont les contours restent nettement visibles ; fosse‑silo isolée qui devait compléter le profil nord de la grande fosse polylobée FS56. Les limites nord et (surtout) sud comportent des blocs calcaires noyés dans l’altérite. Long. 1,13 m, larg. 0,73 m, prof. maxi. 0,27 m (au nord) : pendage du S‑O vers le N‑E. Son comblement ne se dissocie pas de celui de l’US 1052.

    177FS56 [US 1082 (sup.), US 1083 (inf.)] : grande fosse constituée d’au moins 3 fosses coalescentes. La partie septentrionale est relativement tronquée en raison de la présence en cet endroit d’une tranchée réalisée lors du diagnostic préliminaire ; longueur totale conservée : 1,35 m. Son comblement est très organique.

    Datation

    178On a vu par les recreusements de négatifs que cette occupation ne constitue pas un épisode ponctuel mais s’est prolongé dans le temps. Seules les US 1052, 1058, 1060, 1082, 1083 ont livré du mobilier (fig. 23). Le décompte global est le suivant :
    – céramique non tournée tous modules : 361 panses dont 4 à décor poinçonné, 35 bords, 15 fonds dont 8 annulaires et 7 plats ;
    – amphore massaliète à pâte micacée : 29 panses ;
    – grise monochrome : 2 bords de coupe, 5 panses (dont 1 panse incertaine) ;
    – attique : 2 panses ;
    – claire massaliète : 1 panse de coupe à anse, 1 bord de couvercle type C1. mas 712 ;
    – petits galets de Costières, 1 galet de quartzite ;
    – éléments en terre : 13 fragments (torchis, chenet, sole) ;
    – éléments intrusifs d’époque romaine : 1 bord d’amphore gauloise G1, 2 fragments de tegula, 1 fond annulaire de commune oxydante engobée.

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    FIG. 23 – Les Villégiales des Bénédictins. Mobilier de l’US 1052. Céramiques non tournées.

    dess. V. Mathieu

    179On relèvera tout d’abord l’écrasante prédominance des céramiques d’origine indigène. En l’absence de bords d’amphores massaliètes et d’une relative variété des catégories céramiques, il est délicat de proposer une datation précise. La pâte des amphores massaliètes, rose à jaune orangé avec dégraissant de mica en paillettes ou en écailles avec nodules rougeâtres, désigne une production qui apparaît vers 525 av. J.‑C. (Py 1993b : 60). La présence d’un exemplaire de bord de couvercle en pâte claire massaliète de type C1. mas 712 indique une datation dans la fourchette ‑500/‑300 av. J.‑C. (Py 1993b : 221). La céramique grise monochrome est encore bien attestée et on note la présence de 2 tessons de céramique attique à vernis noir. En conséquence un fonctionnement de l’aire d’ensilage au cours du ve s. av. J.‑C. et, malgré la présence d’éléments intrusifs plus tardifs, un abandon dans la seconde moitié du siècle paraissent probables.

    L’aire d’ensilage occidentale

    180D’autres silos prennent place à l’ouest du site. Ils sont installés dans un contexte géomorphologique identique à celui de l’aire d’ensilage orientale, à une altitude étagée de 61,35 à 59,90 m ngf. Le substrat qui encaisse les structures est ici constitué d’argile orange de décalcification et de graviers calcaires correspondant aux horizons profonds du paléosol [US 4002]. On note l’affleurement de gros rochers calcaires, sur les parois desquels les fosses se sont parfois appuyées. Des constructions d’Époque moderne en béton scellent directement les structures de l’âge du Fer. Un peu plus au sud, préservées des constructions romaines sous un jardin de cette époque (domus B des Villégiales cf. infra § 2.2), d’autres fosses (FS112 et FS 111) peuvent éventuellement appartenir au même ensemble. Globalement contemporains, ces silos ont, pour certains, connu un abandon volontaire marqué par un comblement soudain par de gros blocs (fig. 24, 25).

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    FIG. 24 – Les Villégiales des Bénédictins. Plan et section 2 de l’aire d’ensilage occidentale.

    DAO M. Monteil, L. Sauvage/Afan

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    FIG. 25 – Les Villégiales des Bénédictins. Aire d’ensilage occidentale. Vue de FS107 prise de l’est.

    cl. X. Belougne/Afan

    Description des silos

    181FS 107 [US 4008] : vaste structure en fosse dont le contour de surface et les dénivelés à la base résultent du surcreusement sur un même espace de plusieurs silos (2, vraisemblablement) ; diam. à la base 1,20 m environ, prof, observées 0,50 et 0,85 m. Cette interprétation est confortée par la forme elliptique des creusements et leur profil en ampoule ; par ailleurs, la fouille du comblement [US 4008] a mis en évidence, au niveau de la base des parois, des poches de sédiment identique à celui dans lequel est creusée la fosse de stockage. Le comblement de FS 107 est extrêmement hétérogène et constitué d’alternances de gravier, de sédiment argilo‑sableux, d’argiles orange, incluant de fréquents gros blocs provenant du substrat rocheux et du mobilier céramique relativement abondant. Ce comblement apparaît comme un apport volontaire et rapide marquant la condamnation de la structure de conservation.

    182FS108 [US 4010] : vaste structure en fosse dont le contour polylobé et les grandes dimensions (long. 4,35 m) résultent du surcreusement de plusieurs fosses interprétables comme des silos (au nombre vraisemblable de 3, prof. 0,60 à 0,70 m). Fouillée uniquement dans sa moitié orientale, FS 108 présente à la base des dénivelés provenant des surcreusements de structures. Largement écrêtées, les parois de FS 108 conservent un profil à embouchure rétrécie. Le comblement [US 4010] est constitué, comme pour FS 107, de l’apport de remblais hétérogènes, de gravier, de déchets domestiques d’occupation (cendres, charbons de bois) mêlés à un sédiment argilo‑sableux, de blocs et petites pierres irréguliers provenant du substrat rocheux et d’un mobilier céramique abondant. Bien que seule la présence d’un mur moderne sépare les silos FS 108 et FS 107, il semble que ces deux structures soient à dissocier.

    183FS 109 [US 4012] : fosse observée partiellement, de forme grossièrement circulaire (diam. approximatif 1,20‑1,30 m), dont la paroi orientale est constituée par un affleurement rocheux de pendage oblique. Les parois de FS 109 sont évasées au nord, subverticales au sud et à l’est. Peu profonde, la fosse semble avoir été largement écrêtée dans sa moitié nord. Son comblement [US 4012], compact et homogène, ne contenait quasiment pas de mobilier ; il est constitué d’un abondant gravier calcaire, mêlé à de petites pierres et à un sédiment argilo‑sableux. En dépit de son mauvais état de conservation, FS109, par analogie avec FS107 et FS108, correspond aux vestiges d’un silo.

    184FS111 [US 4016] : vaste fosse, rapidement étudiée, dont le comblement a été fortement perforé par des creusements postérieurs (fosses et trous de poteaux).

    185FS 112 [US 4087] : creusement polylobé, recoupé par des creusements postérieurs, observé en limite occidentale de fouille.

    Datation

    186Les silos ont fait l’objet de creusements successifs, ce qui constitue l’indication d’une période de fonctionnement d’une relative durée. À l’exception du comblement du silo FS 109 qui peut traduire un processus d’abandon progressif, les comblements [US 4008] et [US 4010] témoignent d’une condamnation des fosses de stockage FS107 et FS108. Le mobilier trouvé dans le comblement de ces silos provient à l’évidence de l’habitat contemporain qui leur est sans doute associé.

    187Mobilier de l’US 4012 :
    – 3 petits fragments émoussés de panses de céramique non tournée ;
    – 1 anse d’amphore massaliète ;
    – 1 panse de céramique grise monochrome.

    188Mobilier de l’US 4008 :
    – amphore massaliète micacée : 2 fonds, 3 anses (dont 1 avec décor de 3 incisions parallèles) et 40 panses ;
    – grise monochrome : 1 fond annulaire de coupe de type Gr. mono 2c, 1 panse à décor mouluré de lignes parallèles (couvercle conique ? type Gr. mono 16a) ;
    – céramique non tournée : 6 bords, 20 panses, dont 1 bord d’urne et 1 de couvercle ;
    – 1 fragment de tore de cuisson.

    189Mobilier de l’US 4010 :
    – amphore massaliète : 5 panses, 1 anse ;
    – grise monochrome : 2 pieds annulaires de coupes, 3 panses à décor ondé ou strié, 2 épaules de coupe carénée à décor ondé ;
    – claire massaliète : 1 petit fragment de panse avec couverte brun‑rouge ;
    – céramique non tournée petit module : 6 fonds dont 2 annulaires et 4 plats, 7 bords dont 4 couvercles, 92 panses ; céramique non tournée grand module : 12 panses ;
    – 10 fragments d’éléments en terre, dont 1 fragment de plaque‑foyer ;
    – 1 galet de quartzite.

    190Ici encore, les indications chronologiques fournies par le mobilier imposent une relative imprécision. Parmi les céramiques grises monochromes, le fond de coupe de type 2c est daté des années ‑575/‑400 (Py 1993b : 446) et les couvercles coniques de type 16a, dont on aurait un exemplaire, des années ‑525/‑400 (Py 1993b : 452). Parmi les amphores, on notera l’absence de fragments d’amphores étrusques et la présence exclusive de panses d’amphores massaliètes à pâte micacée. L’ensemble de ces indications suggérerait une datation autour du milieu ou dans le courant de la seconde moitié du ve s. av. J.‑C.

    1.4.2.3 Un habitat du ve s. av. J.‑C.

    191Un phénomène localisé de crise érosive sur la pente a pu être mis en évidence. Il est marqué par un niveau de lessivage de surface, matérialisé par des graviers, des petits cailloux et quelques tessons occasionnels de céramique roulée. Cette nappe d’érosion [US 1123] repose, du nord vers le sud, sur le substrat rocheux altéré et les argiles jaunes marquant les horizons profonds du sol en place. Enfin, sur le bas de pente, il scelle un sol pédologique anthropisé, incluant un certain nombre de petits charbons de bois (fig. 26). S’il convient de relativiser l’importance de la crise, elle traduit cependant, sans nul doute, une déprise humaine du secteur qui intervient vraisemblablement à l’issue de la phase précédente. On a pu remarquer en effet parmi les tessons de céramique modelée piégés, dans la nappe de gravier, deux petits fragments de céramique excisée (Dedet 1980 ; Py 1990a : 348‑354) qui peuvent être rapprochés des vestiges de l’occupation précédente. Le mobilier recueilli est issu du nettoyage [US 1137] d’une coupe pédologique, située sur la paroi est d’un sondage à la pelle mécanique, au sud de l’ensemble H, à l’ouest de l’ensemble G. Il provient pour l’essentiel d’horizons anthropisés du paléosol.

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    FIG. 26 – Les Villégiales des Bénédictins. Section topographique 3 (N‑S) de l’ensemble H.

    DAO M. Monteil, L. Sauvage/Afan

    192Certes, les éléments sont maigres pour tenter de mettre en place un phasage des données archéologiques. Toujours est‑il qu’à mi‑pente (ensemble H), un habitat a été installé après aménagement en partie basse d’une surface d’occupation [US 1159] au moyen de cailloux calcaires et de galets (altitude moyenne 59,40 à 59,20 ngf), installée sur le cailloutis déplacé sur la pente. L’emprise de cet habitat, fortement dégradé, nous est inconnue, de même que les structures porteuses éventuelles et seuls des lambeaux d’un niveau d’occupation [US 1130] ont été observés. Ce niveau, peu épais (2 à 4 cm), meuble et hétérogène, est constitué de fines recharges litées, mêlant à un sédiment limoneux de minces pellicules localisées de cendres, de sable jaune, avec du mobilier céramique et faunique trouvé à plat, quelques charbons de bois et quelques rares petits cailloux calcaires irréguliers. Ce niveau de fonctionnement est conservé sur une faible surface (altitude moyenne 59,80 à 59,75 m ngf).

    193En association avec cette sédimentation d’occupation, ont été dégagés les vestiges de plusieurs plaques‑foyers et, en retrait d’1 m environ, une zone de vidange de foyer [US 1129] : il s’agit d’un niveau cendreux gris clair à gris‑noir se présentant sous la forme de nappes à plus ou moins grande concentration de charbons de bois, contenant du mobilier céramique et de la faune ainsi que de nombreux cailloux calcaires irréguliers avec quelques galets de Costières, présentant des traces de chauffe pour la plupart et/ou noircis au contact de la cendre. Au nord, le niveau est délimité du côté ouest par un ressaut de l’affleurement rocheux sur lequel les nappes de cendres ont été déposées. Vers l’est et le sud‑ouest, l’US 1129 a été tronquée par une perturbation d’époque romaine. Au sud, le sédiment repose directement sur l’aménagement de surface de « circulation » [US 1159]. Le dépôt successif de vidanges de foyer sur une même aire, sans creusement préalable de fosses, peut indiquer que l’on se trouve à l’extérieur de l’habitat (fig. 27).

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    FIG. 27 – Les Villégiales des Bénédictins. Relevé de détail des plaques‑foyers FY19, 20, 56 et 57 et du niveau d’occupation (US 1130) de l’ensemble H.

    DAO M. Monteil, L. Sauvage/Afan

    Description des foyers

    194Les foyers construits mis au jour sont au nombre de quatre.

    195FY19 : foyer construit sur un radier de petites pierres plates et de tessons de céramique (amphore massaliète et céramique modelée) à plat, juxtaposés [US 1133], recouverts d’une chape d’argile jaune, avec inclusion de gravier, de forme circulaire (diam. restituable 0,72 m, ép. 4 cm environ), dont la périphérie est biseautée. Cette chape a reçu un traitement de surface lissé, non décoré, de forme quadrangulaire (0,60 m de côté environ), induré par combustion sur une épaisseur de 4 à 5 mm. Le radier de FY19 repose en partie (vers l’ouest) sur la sole de FY20.

    196FY20 : foyer construit sans radier, légèrement surélevé par rapport au niveau du sol [US 1160/US 1130], composé d’une chape épaisse de 4 à 5 cm, de forme circulaire (diam. restituable 0,85 m environ), dont la partie supérieure a reçu une forme quadrangulaire de 0,61 m de côté environ. Le profil est biseauté sur sa périphérie et la surface a été lissée, sans décor ni incisions.

    197FY56 : foyer construit sans radier, légèrement surélevé par rapport au niveau du sol [US 1160/US 1130], dont les vestiges extrêmement dégradés correspondent à une chape d’argile peu épaisse (1 à 2 cm conservés) complètement rubéfiée ; la surface supérieure ne correspond pas à la surface d’origine [US 1163]. Le contour au sol de l’US 1163, largement tronqué au sud, indique peut‑être une forme quadrangulaire.

    198FY57 : foyer construit sans radier, légèrement surélevé par rapport au niveau du sol [US 1160/US 1130], dont les vestiges extrêmement dégradés indiquent qu’il était constitué d’une chape circulaire à l’origine, peu épaisse (1 cm environ), en argile jaunâtre, dont la surface supérieure, plus étroite, excentrée et sans doute de forme quadrangulaire, a été lissée.

    Datation

    199Des éléments chronologiques nous sont fournis par le mobilier provenant du radier [US 1133] de la plaque‑foyer FY19, du niveau de déchets d’occupation [US 1129] et du niveau d’occupation [US 1130],

    200Mobilier de l’US 1133 :
    – amphore massaliète : 11 panses ;
    – céramique non tournée : 51 panses dont 7 à décor peigné et 1 à décor incisé.

    201Mobilier de l’US 1129 :
    – amphore massaliète : 1 bord de type 2 (‑500/‑450) (Py 1993b : 62), 7 panses ;
    – grise monochrome : 1 bord de coupe à décor ondé, 7 panses ;
    – claire massaliète : 7 panses, dont 1 panse à décor peint rouge ;
    – céramique non tournée : 5 bords dont 2 bords d’urne, 2 bords de coupe, 1 bord de couvercle et 49 panses ;
    – éléments en terre : 2 fragments de torchis, 5 fragments de plaque‑foyer dont 1 fragment de sole ;
    – 1 galet de Costières, 1 éclat de silex retouché.

    202Mobilier de l’US 1130 :
    – amphore massaliète : 11 panses ;
    – claire massaliète : 2 panses dont 1 carbonisée ;
    – céramique non tournée : 2 bords dont 1 de jatte, 24 panses dont 1 à décor incisé.

    203C’est un contexte très homogène que décrit l’ensemble mobilier. On y retrouve en effet les grandes catégories céramiques associées aux deux aires d’ensilage. En bonne logique, on verra par conséquent un fonctionnement contemporain de l’habitat et des structures agraires, l’ensemble se situant aux alentours du milieu du ve s. av. J.‑C.

    1.4.3 Un nouveau paysage essentiellement agraire

    204À l’issue de la période d’occupation décrite ci‑dessus, le site archéologique se caractérise par un manque total d’informations trahissant une occupation construite des lieux (habitat, sols, structures d’occupation). Des observations précises effectuées dans le secteur de l’aire d’ensilage orientale se sont révélées riches d’enseignement. Elles montrent une accumulation sédimentaire progressive sur la pente et la mise en labour du secteur. Les documents sont présentés ici sous l’angle de la description stratigraphique. Leur analyse du point de vue de l’aménagement agricole des pentes est plus amplement développée par P. Poupet (cf. infra § 1.2).

    205Après l’abandon des silos, s’est formée une couche subhorizontale dont les matériaux sont d’origine pédologique [US 1046]. Limon argileux de couleur brun‑gris, il inclut de nombreux graviers et cailloux et contient un abondant mobilier céramique à l’exclusion de restes de faune. Ce niveau pourrait s’apparenter à un niveau d’occupation s’exhaussant progressivement (ép. moyenne 6 à 10 cm). Pourtant, l’absence de structures caractéristiques telles que des foyers et celle de restes de faune est problématique. Au vu de la quantité de mobilier céramique collecté sur un petit espace, il est probable que l’on se situe à proximité immédiate d’un habitat, à l’extérieur de celui‑ci.

    206Sur ce niveau [US 1046] prend place un sol pédologique brun calcaire en formation, niveau d’accrétion correspondant à un abandon ponctuel. Il s’agit à l’origine d’un remblai provenant de sols pédologiques remaniés. Ce sol pédologique montre deux faciès, distingués à la fouille mais qui ne se dissocient pas. En partie inférieure, il s’agit d’un sol très organique de couleur brun‑gris avec de nombreuses traces de couleur verte [US 1043] ; en partie supérieure, le sol prend une teinte brun‑rouge [US 1042], Sa structure présente de nombreuses cavités plus ou moins circulaires de pédofaune et il a livré un mobilier céramique relativement abondant.

    207Au niveau topographique, le sol pédologique forme un cône sédimentaire qui comble le bas d’une rupture de pente de forme arrondie. Sur ce sol, un horizon cultivé [US 1040] a été fossilisé. Il se caractérise par la présence de sillons de labour parallèles, au nombre de 8, espacés de 0,17 à 0,25 m (moyenne autour de 0,20 m). Ceux‑ci affectent un profil en V ouvert et symétrique et ont une profondeur estimée de 5 à 10 cm. Dans le creux des sillons, on note la présence fréquente de cailloux, tandis que parfois des tessons sont posés contre les parois. Le sédiment est percé de nombreux trous et galeries de pédofaune.

    208Le champ accuse un léger pendage vers le sud. Les sillons sont observés jusqu’au contact de l’affleurement rocheux qui le limite au nord. Ils sont globalement orientés selon une direction parallèle à la bordure que donne le rocher (orientation à 40° est du nord magnétique environ) (fig. 14, 28).

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    FIG. 28 – Vue générale de l’ensemble E prise du sud. Au centre du cliché, l’aire d’ensilage du milieu du Ve s. av. J.‑C. (au centre, FS33) ; à gauche, des traces de sillons de labours.

    cl. X. Belougne/Afan

    209Les horizons de culture sont scellés par une couche organique grise à noire traduisant un apport naturel par colluvionnement (interpénétration de l’US 1039 et de la partie inférieure de l’US 1034). On note tout d’abord la présence de cailloux calcaires anguleux dont certains pénètrent dans les sillons, puis on observe une interstratification de matériel pédologique limono‑organique avec des apports de cailloux. Outre le processus de colluvionnement, l’apport anthropique ne semble pas négligeable : lui est imputable en effet la présence de terres rapportées, prélevées sur l’habitat protohistorique antérieur détruit par le remodelage de la pente ; à titre d’illustration de cette remarque, on a relevé la présence de galets de Costières parmi les pierres jetées sur le terrain de culture ; il va de soi que ces galets ont à l’origine un usage domestique.

    210Ailleurs sur le site, d’autres éléments témoignent de sa mise en culture sous forme de champs en terrasses. Ceux‑ci n’existent toutefois que dans la partie la plus basse du site. On a noté par exemple que dans la zone de l’habitat du ve s. av. J.– C., un niveau gallo‑romain d’époque impériale [US 1127] scelle uniformément et directement le niveau d’occupation protohistorique et les foyers associés [US 1130], le paléosol anthropisé de cette époque [US 1160] et les cailloux calcaires de l’affleurement du substrat rocheux au sud [US 1161]. De même les restes d’un sol construit d’époque gallo‑romaine, posé au contact du rocher dans le même secteur, sont révélateurs de la faible puissance du recouvrement sur l’aire en pente douce où se situent ces vestiges. Ce qui suggère l’absence, sur ce niveau topographique, d’aménagements structurant le paysage de type murs de terrasse. Au contraire, en partie basse du site, des vestiges construits à l’époque républicaine (cf. infra § 2.2) scellent le paléosol originel, conservé ici de manière particulièrement remarquable. Ce paléosol brun‑rouge, caractéristique de la couverture pédologique naturelle sur socle calcaire en zone méditerranéenne, contient, dans son horizon supérieur, le témoignage diffus d’une mise en culture d’époque protohistorique sous forme de tessons roulés de céramique modelée et de quelques petits charbons de bois. L’état de conservation de ce sol ne peut s’expliquer que par l’existence d’une structure de soutènement des terres (mur de terrasse) qui devait prendre place en contrebas. Son existence et celle d’autres plans de terrasse ont été prouvées ultérieurement, lors des décaissements qui ont été effectués le long de la rue Rouget‑de‑Lisle préalablement à la reconstruction (cf. supra § 1.2).

    211L’ensemble de ces observations montre une grande concordance. Effectuées en de multiples points du site et sur une grande superficie, elles donnent l’image d’un paysage essentiellement agraire, mis en culture de façon continue pendant une période dont la durée peut être estimée à partir de l’examen de la stratigraphie. En effet, on a vu que les champs succèdent à une aire d’ensilage abandonnée dans le courant de la seconde moitié du ves. av. J.‑C. Les matériaux sur lesquels ils sont construits proviennent en partie de niveaux d’occupation démantelés, ce que traduit le mobilier.

    212Mobilier de l’US 1046 :
    – céramique non tournée tous modules : 249 panses, 22 bords, 13 fonds dont 11 plats et 2 annulaires ;
    – 4 galets de Costières ;
    – 1 fragment de bronze et 1 fragment de bracelet en lignite ;
    – éléments en terre : 7 fragments de sole, 6 fragments de torchis.

    213Mobilier de l’US 1042 (fig. 29) :
    – céramique non tournée tous modules : 233 panses, 7 fonds dont 4 fonds plats, 3 fonds sur pied, 1 anse polie, 37 bords ;
    – amphore étrusque : 1 panse ;
    – grise monochrome : 4 panses, 1 bord de coupe ;
    – claire massaliète : 1 panse à couverte rouge.

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    FIG. 29 – Les Villégiales des Bénédictins. Mobilier de l’US 1042 : céramique non tournée et bord de céramique grise monochrome.

    dess. V. Mathieu

    214Mobilier de l’US 1040 :
    – céramique non tournée tous modules : 198 panses, 5 fonds dont 4 fonds plats, 1 fond sur pied, 8 bords ;
    – amphore massaliète : 18 panses micacées, 1 panse feldspathique ;
    – amphore étrusque : 1 panse ;
    – grise monochrome : 2 bords de coupe, 11 panses dont 1 épaule de coupe carénée et 1 fragment de panse d’urne type 9a (Py 1993b : 451) (‑575/‑400) ;
    – attique : 1 bord de coupe indéterminée à bord divergent ; 
    – claire massaliète : 2 petites panses micacées (amphorettes ?) ; 
    – 1 petit galet ;
    – éléments en terre : 2 fragments de sole, 2 fragments de torchis.

    215Le mobilier retrouvé en comblement des sillons de labour est issu d’un colluvionnement de terres et de la destruction de l’habitat protohistorique antérieur. En conséquence, on ne sera pas étonné de voir que ce mobilier correspond à un ensemble du début du second âge du Fer.

    216Mobilier de l’US 1039 :
    – céramique non tournée tous modules : 109 panses, 7 fonds dont 3 fonds plats, 4 fonds sur pied, 16 bords, dont 1 à décor digité d’urne sans col ;
    – amphore massaliète : 18 panses micacées, 2 anses ;
    – amphore étrusque : 1 panse ;
    – grise monochrome : 9 panses dont 2 du type de l’urne type 9a (Py 1993b : 451) (‑575/‑400) ;
    – attique ou vernis noir : 1 panse ;
    – claire massaliète : 4 panses dont 1 à couverte rouge ;
    – 4 petits galets de Costières, 1 galet de Costières ;
    – éléments en terre : 2 fragments de sole, 2 fragments de torchis.

    217En définitive, il n’est guère d’autre solution que d’inscrire dans une fourchette chronologique large le processus continu de mise en culture. C’est au cours d’une période allant de la fin du ve s. av. J.‑C. au courant de la première moitié du iie s. av. J.‑C., époque qui voit une réoccupation bâtie des lieux (cf. infra § 1.4.4), que le site est dévolu aux activités agricoles et que le bas des pentes de la colline est alors modelé par des champs en terrasse.

    1.4.4 À la fin de la Protohistoire, de nouvelles structures d’habitat

    218Dans la partie basse du site (ensemble G), de nouvelles structures d’habitat sont installées à la fin de l’âge du Fer. Les vestiges les mieux conservés sont ceux de deux murs encadrant un sol en terre. En limite méridionale de fouille, complètement détruite au sud par des constructions modernes, la fondation d’un mur, MR22, de direction approximative N‑S, est établie sur le toit du paléosol anthropisé [US 1164] (altitude moyenne : 58,30 m ngf). Conservée sur une seule assise et sur une longueur maximale de 1,50 m, la fondation est installée en tranchée. Elle est constituée de blocs et cailloux calcaires irréguliers, disposés pour former un parement à l’est et à l’ouest avec blocage interne de petits cailloux et liant de terre. Elle constitue selon toute vraisemblance le solin d’un mur à élévation probable en terre, large de 0,48 à 0,51 m. L’extrémité nord a été en partie épierrée lors de la récupération des pierres du retour E‑O, MRI 52, négatif d’un mur de 0,50 m de largeur restituée, complètement épierré à l’époque romaine. Vers l’est, le négatif du mur MRI 52 forme un court retour vers le sud, « appendice » mal observé car situé en limite orientale de fouille. Au niveau du chaînage des deux murs, un affleurement rocheux, situé en léger retrait de l’angle, a subi un piquetage ponctuel (bouchardage) et indique l’existence d’une structure porteuse en matériau périssable (poteau ?).

    219Deux niveaux de sols en terre battue [US 1156 et US 1147] et un niveau de sédimentation d’occupation intermédiaire [US 1155] (fouillé rapidement, il inclut un troisième niveau de sol) ont pu être rattachés à la pièce à laquelle ces deux murs appartiennent (fig. 30). Le plus récent [US 1147] est un niveau d’occupation relativement plan sur lequel on a observé la présence de cendres, de petits charbons de bois, de mobilier céramique. Creusé dans le niveau de sol, le négatif d’un éventuel poteau (PO 155 ; on n’a pas observé d’aménagement de calage) prend place contre le côté intérieur du mur MR152. Au sud du niveau [US 1147], les vestiges très dégradés (notamment par le passage d’une canalisation) d’un petit four domestique (FR23) ont été dégagés. Installé dans une légère dépression de 6 cm, un radier composé de fragments de céramique et de terre indurée supporte une sole d’environ 0,80 x 0,60 m. Au‑devant de la sole, vers le nord, une rubéfaction importante affecte le sol en terre sur une emprise d’1 m environ (fig. 31).

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    FIG. 30 – Les Villégiales des Bénédictins. Section 4 (N‑S) sur l’habitat de la fin de l’âge du Fer (ensemble G).

    DAO M. Monteil, L. Sauvage/Afan

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    FIG. 31 – Les Villégiales des Bénédictins. Détail du radier du four FR23 de l’ensemble G.

    cl. X. Belougne/Afan

    220Sur l’US 1147 et –du four FR23 prend place un niveau de remblai [US 1142] conservé sur une faible épaisseur (1 à 3 cm), et situé directement sous le béton moderne. Il est constitué d’un sédiment sableux jaune, meuble, homogène, issu de l’extraction d’un horizon profond du substrat géologique. Ce remblai marque la mise en place d’un nouvel état, complètement oblitéré par l’histoire postérieure du site. L’emprise des niveaux de sols confère à la pièce des dimensions minimales de 3,50 m (O‑E) sur 3,40 m (N‑S).

    Datation

    221En raison des conditions de la fouille (données lacunaires, faible épaisseur fouillée, risques d’intrusion importants), le mobilier rattaché à la séquence stratifiée de la pièce d’habitat doit davantage être envisagé dans la perspective d’une évolution générale du faciès que par la prise en compte d’ensembles stratifiés homogènes et/ou représentatifs.

    222Mobilier de l’US 1156 :
    – céramique non tournée : 16 panses dont 1 à décor balayé (dessiné), 2 fonds plats, 1 bord de couvercle à décor peigné ;
    – éléments en terre : 3 fragments de torchis ;
    – 1 galet.

    223Mobilier de l’US 1155 :
    – céramique non tournée : 88 panses dont 1 panse d’urne (fig. 32) à décor balayé, 17 bords dont 6 d’urne et 5 de couvercle, 3 fonds dont 1 plat et 2 annulaires ;
    – amphore massaliète : 11 panses, 1 anse ;
    – amphore italique : 1 panse ;
    – céramique campanienne A : 3 panses, 1 bord de coupe ;
    – dérivées de céramique campanienne C : 1 bord d’assiette en 2 fragments (forme Der. C 5, ‑100/‑1) (Py 1993b : 400) ;
    – éléments en terre : 4 fragments de torchis, 1 fragment de sole ;
    – 2 petits galets.

    Image 10000000000004070000038C417BA96558F58C09.jpg

    FIG. 32 – Les Villégiales des Bénédictins. Mobilier des US 1155, 1156 et 1147 : céramique non tournée, bords de céramique campanienne A et de campanienne dérivée de C.

    dess. V. Mathieu

    224Mobilier de l’US 1147 :
    – céramique non tournée : 9 panses, 1 fond plat ;
    – amphore massaliète : 2 panses ;
    – amphore italique : 1 panse ;
    – céramique campanienne A : 1 bord de coupe ;
    – céramique pâte calcaire réductrice : 1 bord (intrusif ?) ;
    – éléments en terre : 3 fragments de torchis ;
    – 2 petits galets.

    225Mobilier de l’US 1153 [radier du four FR23] :
    – céramique non tournée : 4 panses, 1 fond de jarre ;
    – amphore italique : 8 panses ;
    – céramique campanienne A : 2 panses ;
    – dolium : 8 panses ;
    – éléments en terre : 2 fragments de sole.

    226Mobilier de l’US 1142 :
    – céramique non tournée : 22 panses, 1 fond d’urne ;
    – amphore massaliète : 1 panse ;
    – amphore italique : 1 panse ;
    – céramique campanienne A : 3 panses ;
    – paroi fine : 1 gobelet quasi complet, cuisson oxydante, de type Par. Fin 2.2 ; 1 panse cuisson réductrice ;
    – claire récente : 1 panse ;
    – céramique grise de la côte catalane : 1 anse, 5 panses ;
    – dolium : 1 panse ;
    – éléments en terre : 3 fragments de sole.

    227Le premier enseignement que l’on peut tirer de cet inventaire est qu’il désigne un faciès céramique profondément indigène, tant par les catégories représentées que par son évolution générale (fig. 32). On note un usage relativement important de la céramique modelée tout au long de la séquence. Parmi les amphores, l’amphore massaliète semble initialement largement prédominante. Son association à la céramique campanienne A et la timide apparition de l’amphore italique indiquent un contexte aux alentours du deuxième quart ou du milieu du iie s. av. J.‑C. La tendance principale est celle d’une évolution vers une prédominance de l’amphore italique : le radier du four FR23 est quasi exclusivement composé de panses d’amphores de ce type. La nature particulière de cette unité stratigraphique et la faible quantité de fragments doivent cependant inciter à la prudence pour ne pas surinterpréter les données : si la présence majoritaire de l’amphore italique peut suggérer une datation autour du dernier quart du iie s. av. J.‑C., l’amphore massaliète est toujours bien représentée [US 1147 et US 1142] et nous amène à proposer plutôt une datation dans le courant de la seconde moitié du iie s. av. J.‑C. La présence de céramique campanienne A, de céramique à pâte claire, d’un gobelet en céramique à paroi fine de type Par. Fin 2.2, dont la production est datée des années ‑150/‑20 (Py 1993b : 512) et de céramique grise de la côte catalane s’accommode bien d’une telle datation. Au contraire, la présence d’une forme de céramique dérivée de campanienne C constitue un élément intrusif dans l’US 1155 ; cette production céramique qui apparaît au début du ier s. av. J.‑C. (Py 1993b : 400) suggère fortement ici un développement de l’occupation de l’habitat au cours du ier s. av. J.‑C. dont le type est cependant impossible à établir.

    Autres vestiges d’habitat

    228Non loin vers l’ouest, immédiatement sous le dallage moderne en ciment, le solin d’un mur à élévation de terre de direction O‑E et un lambeau de sol construit en cailloutis calcaire orange (substrat remanié) se rapportent, selon toute vraisemblance, à cette période. Établie sur le même niveau topographique que l’habitat décrit plus haut (ensemble G), la pièce a été tronquée au nord par l’installation à l’époque romaine d’une maison (la domus A, cf. infra § 2.2). En effet, les sols de cette dernière sont à une cote nettement plus basse que celle restituée pour l’habitat d’époque républicaine qui la précède.

    229Légèrement plus au nord, ce sont les restes extrêmement dégradés d’un aménagement d’écoulement qui ont été observés. Non fouillés, ils correspondent à des fragments de dalles en calcaire gris‑bleu épaisses de 3 à 4 cm, placés de chant et juxtaposés le long des parois d’un négatif linéaire long d’environ 3,50 m. Non datés, ces vestiges sont antérieurs à la construction de la partie basse de la domus C d’époque romaine.

    230Au sein de l’ensemble C, détruit vers le sud par l’aménagement du caniveau CN91 associé au fonctionnement des domus du Haut‑Empire, les restes d’un petit four (FR99) à pilier central en adobe ont été fortuitement conservés (larg. intérieure 0,78 x 0,40 m minimum). Appuyés contre un muret au nord, ses vestiges sont toutefois trop dégradés pour pouvoir préciser s’il s’agit d’une structure domestique ou à caractère artisanal. La présence d’un tesson d’amphore italique pris dans le blocage du muret et son antériorité évidente par rapport aux constructions d’époque romaine incitent à le rattacher au groupe des structures d’époque préromaine.

    231Enfin, au cœur de la stratigraphie d’époque romaine dans la partie méridionale de l’ensemble E, on a isolé deux niveaux de remblais installés pour établir une petite forge. Ces remblais, [US 1054] et [US 1056], sont constitués à partir du démantèlement de niveaux d’occupation plus anciens, provenant peut‑être du même secteur. Le mobilier inclus dans les remblais peut provenir d’un habitat détruit du milieu du iie s. av. J.‑C. Les ensembles céramiques sont constitués de deux lots principaux, l’un de l’âge du Fer, l’autre d’époque gallo‑romaine. Les deux remblais ont été fortement perturbés et les risques d’intrusion sont inconnus.

    232Mobilier de l’US 1054 :
    – céramique non tournée tous modules : 264 panses, 1 anse, 6 fonds annulaires, 6 fonds plats, 57 bords ; 1 urne à anse presque complète (type CNT Lor U5b, ‑450/‑1) (Py 1993b : 301) ;
    – dolium : 3 panses ;
    – amphore massaliète : 46 panses, 1 anse, 1 fond, 3 bords de type 9 (‑300/‑100) (Py 1993b) ;
    – amphore italique : 6 panses ;
    – campanienne A : 3 bords de coupe dont 1 bord de coupe A27c, 2 fonds de coupe A27c dont 1 fond avec rosette centrale (‑225/‑25) (Py 1993b : 148), 1 anse de forme indéterminée (kylix, bol, coupe...), 11 panses ;
    – 1 fusaïole ;
    – 2 fragments de torchis ;
    – 16 tessons de céramique non tournée retaillés non perforés ;
    – commune italique : 1 bord de couvercle forme 7 A (‑200/+50) ;
    – 1 bord de mortier en céramique claire récente (Cl. rec 18A, ‑75/+200) ;
    – commune oxydante : sabl. Or précoce, 1 bord de type A4 ;
    – des productions de céramique claire récente à engobe orangé : augustéen précoce ;
    – 1 bord de sigillée italique ;
    – campanienne A, productions tardives : 3 panses ;
    – céramique dérivée de campanienne C, 1 forme de type Der. C 16 ;
    – céramiques communes sableuses réductrices présentes, mais absence de la commune kaolinitique.

    233Mobilier de l’US 1056 :
    – céramique non tournée tous modules : 89 panses, 1 anse, 1 fond annulaire, 3 fonds plats, 19 bords ;
    – dolium : 3 panses ;
    – amphore massaliète : 33 panses dont 2 panses découpées en rondelle (cf. supra [US 1054]), 1 bord de type 9 (‑300/‑100) (Py 1993b) ;
    – amphore italique : 1 panse ;
    – campanienne A : 2 bords de coupe, 2 fonds de coupe A27c avec rosette centrale (‑225/‑25) (Py 1993b : 148), 6 panses ;
    – campanienne B : 1 bord, pâte jaune chamois, vernis dégradé ;
    – 1 galet ;
    – 3 fragments de torchis ;
    – tegula et imbrex : 4 fragments ;
    – dolium à cordon augustéen : 3 fragments ; dolium autre : 1 fragment ;
    – tuile peignée : 7 fragments ;
    – céramique claire récente à engobe orangé : augustéen précoce : 1 panse ;
    – sigillée italique : 1 fond, 2 panses ;
    – sigillée du sud de la Gaule : 1 bord, 5 panses ;
    – communes réductrices : 28 panses, 1 anse, 5 bords, 1 fond ;
    – communes oxydantes : 50 panses, 4 anses, 1 fond, 2 bords de mortier ;
    – amphores gallo‑romaines : 36 fragments dont 1 anse ;
    – céramique africaine de cuisine : 1 bord Hayes 196, 1 bord Hayes 23b ;
    – glaçurée archaïque médiévale brûlée : 1 panse (élément intrusif) ;
    – verre : 1 fragment de couleur bleue ;
    – 4 clous.

    234Dans ce mobilier, les lots d’époque protohistorique indiquent un contexte des alentours du iie s. av. J.‑C. : en témoignent la présence largement majoritaire de l’amphore massaliète par rapport à l’amphore italique et celle exclusive de la céramique campanienne A (formes A27c avec rosette centrale notamment), à l’exception peut‑être d’un bord de campanienne B. Enfin, la fréquence de tessons de panses de céramique, retaillés mais non percés (18 individus), suggère une activité spécialisée (tissage ?).

    235L’ensemble de ces éléments fait pencher pour un habitat vernaculaire établi sur d’anciennes terrasses de culture. D’après des indices issus de l’étude des mobiliers, il semble se développer dans le courant du ier s. av. J.‑C. Toutefois, nous ne disposons pas d’informations qui illustreraient la transition entre les occupations républicaines et l’habitat d’époque gallo‑romaine.

    1.4.5 L’occupation des pentes du mont Cavalier à l’époque protohistorique

    236Couvrant une période s’échelonnant de la fin du vie s. au ier s. av. J.‑C., les occupations protohistoriques reconnues sur la fouille des Villégiales des Bénédictins ont été présentées dans une perspective évolutive. À partir d’une vision relativement étendue du bas des pentes S‑E du mont Cavalier, il est possible, en analysant les données des autres fouilles, notamment des Hespérides (cf infra § 3.3) et de La Fontaine des Bénédictins (cf infra § 3.4), de proposer un schéma relatif à la nature, la densité et l’organisation de l’habitat du quartier des Bénédictins au cours des différentes périodes de la Protohistoire.

    237Les plus anciennes traces d’occupation protohistorique sont celles de l’établissement agricole des Villégiales, installé dès la fin du vie s. av. J.‑C., construit sur poteaux et à l’aide de matériaux périssables (bois, torchis, terre). Du haut des pentes, sur la fouille des Hespérides (altitude supérieure du substrat : 66,13 m ngf) jusqu’au contact du piémont à La Fontaine des Bénédictins (altitude du substrat : 55 à 56 m ngf), on a découvert du mobilier céramique se rapportant à la période fin ive‑début ve s. av. J.‑C. Piégé dans les anfractuosités du rocher ou dans un paléosol peu épais et anthropisé, situé au contact du substrat, il marque une fréquentation des lieux sous forme d’un tissu lâche d’habitations sur bâti léger. La topographie protohistorique est alors tributaire d’un certain état de dégradation du milieu, qui remonte à une époque plus ancienne (Néolithique/Chalcolithique). Optimisant la contrainte que pouvait constituer une topographie naturelle, l’habitat du premier âge du Fer a pu prendre l’aspect de cases en encoche.

    238Au cours du ve s. av. J.‑C., un habitat présentant sensiblement les mêmes caractères est attesté aux Villégiales, comme aux Hespérides où l’on a dégagé un sol en terre équipé de trois plaques‑foyers (fig. 33). Aucune structure construite en matériaux non périssables ne semble pouvoir être rapportée à cette occupation.

    239À partir de cette époque et tout au long du second âge du Fer, jusqu’au milieu du iie s. av. J.‑C., les pentes paraissent affectées à des activités agricoles et n’être plus occupées que par des champs et des aménagements agraires (aires d’ensilage notamment). Le secteur livre des vestiges de terrasses, toutes installées en bas de pente dans les secteurs où les sols étaient le moins lessivés et où s’effectuent des accumulations sédimentaires. Le chantier des Hespérides et la partie haute du site des Villégiales sont révélateurs à cet égard et montrent que la mise en terrasse n’a pas existé sur la partie supérieure de la colline où la topographie est moins marquée.

    Image 10000000000001F00000014903767B53394D40F1.jpg

    FIG. 33 – Les Hespérides. Foyers à sole décorée.

    cl. H. Pomarèdes/Afan

    240Il faut attendre le courant du iie s. av. J.‑C. et notamment la seconde moitié de ce siècle, pour constater une réinstallation de l’habitat. Les vestiges conservés ont principalement été observés sur la partie basse des pentes (Villégiales et Fontaine des Bénédictins) où il s’établit sur les anciennes terrasses de culture. Certains éléments étudiés aux Hespérides (un mur et des niveaux de cette époque) tendent aussi à montrer un développement de l’habitat plus haut sur les pentes, sous une forme plus éparse. Les murs de l’habitat sont alors construits sur des solins de pierres et reçoivent une élévation en terre, les sols sont en terre battue ou empierrés (aménagement de cailloutis ou de nappes de gravier argilo‑calcaire orangé issu du naturel), l’emploi de la tuile semble rare, indices qui décrivent tous, même en l’absence de plan réellement reconnu, un habitat domestique où peuvent avoir trouvé place des activités artisanales, comme pourrait le suggérer la découverte aux Villégiales des restes d’un petit four à pilier central en adobe ou, parmi le mobilier de remblais de cette époque, de plusieurs tessons retaillés.

    241Le même type d’occupation semble se poursuivre au cours du ier s. av. J.‑C. mais aucun chantier n’a clairement prouvé la continuité d’occupation entre la période républicaine et la phase de création des domus gallo‑romaines. Seuls des éléments épars (mobilier céramique essentiellement) indiquent une fréquentation des lieux au cours du dernier tiers du ier s. av. J.‑C. et du premier tiers du ier s. ap. J.‑C. (Villégiales, Hespérides) ce qui peut traduire une densité de fréquentation moindre, plutôt qu’un réel hiatus d’occupation.

    1.4.6 Le quartier des Bénédictins dans l’agglomération protohistorique

    242Dans ce qui précède, on a vu que l’occupation du quartier des Bénédictins à l’époque protohistorique évolue au rythme d’une gestion de l’espace où habitat et agriculture sont combinés en fonction de zones de répartition. La présence de l’habitat indique que l’on se situe bien dans l’agglomération : un certain nombre de découvertes anciennes montrent d’ailleurs son développement plus à l’est, dans le Quartier du Fort, peut‑être dès une époque ancienne si l’on retient la découverte d’une fibule en bronze a navicella signalée par E. Germer‑Durand en 1869 et datée par M. Py de la fin du viie s. av. J.‑C. (Py 1981a : 99 ; 1990a : 299). De la fin du vie s. à la fin du ve s. av. J.‑C., l’aspect de l’agglomération nîmoise devait être celui d’un village implanté sur les pentes méridionales des collines et autour de la source de la Fontaine au pied du mont Cavalier, regroupement lâche de cabanes construites en matériaux légers. En cela, la naissance de l’agglomération s’inscrit dans un processus général de fixation de l’habitat, commun à la région du rebord méridional des Garrigues entre Rhône et Vidourle (Py 1981a : 199‑210). Suivant quelques indices ténus, la bourgade se dote, peut‑être dès la fin du ve s. av. J.‑C., d’une première enceinte, dont on ne connaît qu’un très court tronçon, et d’un bastion primitif à l’emplacement de la tour Magne (Py 1992 : 119‑121). Plus tard, la construction d’une nouvelle enceinte est dûment attestée par les fouilles de la place Jules‑Guesde ; elle consacre aux ive‑iiie s. av. J.‑C. une phase d’extension et de structuration de l’agglomération en plaine, largement au sud de la source, mais la question du tracé de la courtine sur les pentes S‑E du mont Cavalier reste entière. Il est tentant de voir passer le rempart en rebord de combe, sous l’actuelle rue Rouget‑de‑Lisle, même si cette restitution ne permet pas d’englober les vestiges observés par F. Mazauric dans le secteur de la rue Ménard qui inciteraient, eux, à envisager un passage plus oriental de la courtine, dans les environs du fort. Quel que soit le tracé retenu, et au vu de l’évolution générale du site, le quartier des Bénédictins semble de toute façon occuper alors une situation intra muros, même s’il n’existe pas d’occupation construite entre la fin du ve s. et le milieu du iie s. av. J.‑C., période au cours de laquelle seuls des champs y prennent place. Des indications similaires issues d’autres fouilles, notamment les sondages réalisés sur la terrasse du Mas Rouge, montrent également une absence d’occupation à partir de la fin du ve s. av. J.‑C. (Py 1981a : 51‑81), tandis que, de manière synchrone, le secteur de la source (fouilles Villa Roma) voit la construction de terrasses (agricoles ?) et semble resté dépourvu de construction jusqu’à son urbanisation au cours du iie s. av. J.‑C. (Guillet et al. 1992 : 87). L’habitat de cette période semble donc devoir être recherché de préférence en contexte de piémont, au pied des collines et vers la plaine.

    243L’agglomération préromaine de Nîmes connaîtrait par conséquent une situation non perchée de l’habitat groupé, situation originale dans le contexte régional en dehors de la zone littorale (Py 1990a : 609‑619). Les informations archéologiques disponibles en plaine vont dans le même sens : en effet, les fouilles menées par P.‑Y. Genty, rue Saint‑Laurent, ont montré l’existence d’un habitat en plaine dès la fin du ve s. av. J.‑C. qui évolue sans discontinuité jusqu’au Haut‑Empire (Genty et al. 1980). Les orientations de cet habitat sont les mêmes que celles d’un monument à portique construit près du sanctuaire de la source de la Fontaine, au début du ier s. av. J.‑C. (Guillet et al. 1992). Cette coïncidence, qui n’est sans doute pas fortuite, pourrait indiquer que l’agglomération s’est dotée, au cours du second âge du Fer, d’un schéma régulateur de l’urbanisme qu’elle a développé largement en plaine.

    244Dans cette perspective, l’installation d’un habitat en partie basse des pentes à partir du iie s. av. J.‑C. traduit un processus de reconquête des versants depuis la plaine, au détriment de zones anciennement cultivées. Sans doute, la réapparition d’un habitat modeste sur les collines est‑elle liée au développement d’un habitat plus urbain et plus structuré en plaine.

    245En définitive, l’étude des occupations protohistoriques du quartier des Bénédictins soulève nombre de problèmes nouveaux. Le moindre n’est pas celui qui fait supposer que l’évolution de l’ oppidum nîmois ne répond pas à un schéma linéaire : initialement établie sur les pentes et autour de la source de la Fontaine, suivant un modèle courant de la Protohistoire régionale, l’agglomération est essentiellement développée en plaine au cours du second âge du Fer.

    Notes de bas de page

    1 Terme local très employé pour définir les vallons des Garrigues nîmoises drainés par le Vistre. Ils sont parcourus d’écoulements temporaires (quelques heures ou quelques jours au plus par an) de type torrentiel, comme les oueds du Maghreb, et causent des dégâts, parfois catastrophiques.

    2 En 1998-1999, des fouilles de sauvetage ont effectivement révélé, au sud de la ville, d’importants établissements chasséens (Vidal 1997 ; Hervé 1999).

    3 Les unités stratigraphiques de comblement sont indiquées à la suite du numéro de structure.

    Auteurs

    • Guilhem Fabre

      Guilhem Fabre [G.F.]
      Directeur de recherche, CNRS, UMR 154.

    • Pierre Poupet

      Pierre Poupet [P. P]
      Ingénieur, CNRS, UMR 154.

    • Luc Jallot

      Luc Jallot [LJ.]
      Ingénieur, Afan ; CNRS, UMR 6636.

    • Laurent Sauvage

      Laurent Sauvage [L.S.]
      Ingénieur, Afan ; CNRS, UMR 154.

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    Géoarchéologie de sites préhistoriques

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    Le Gardon (Ain), Montou (Pyrénées-Orientales) et Saint-Alban (Isère)

    Dominique Sordoillet

    2009

    L’enceinte des premier et second âges du Fer de La Fosse Touzé (Courseulles-sur Mer, Calvados)

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    Entre résidence aristocratique et place de collecte monumentale

    Ivan Jahier (dir.)

    2011

    Lyon, Saint-Georges

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    Archéologie, environnement et histoire d’un espace fluvial en bord de Saône

    Grégoire Ayala (dir.)

    2012

    Les gisements précolombiens de la Baie Orientale

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    Campements du Mésoindien et du Néoindien sur l’île de Saint-Martin (Petites Antilles)

    Dominique Bonnissent (dir.)

    2013

    L’Îlot du palais de justice d’Épinal (Vosges)

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    Formation et développement d’un espace urbain au Moyen Âge et à l’époque moderne

    Yves Henigfeld et Philippe Kuchler (dir.)

    2014

    Manuel de gestion du mobilier archéologique

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    Méthodologie et pratiques

    Silvia Païn

    2015

    Bettencourt-Saint-Ouen (Somme)

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    Cinq occupations paléolithiques au début de la dernière glaciation

    Jean-Luc Locht (dir.)

    2002

    L’art solutréen du Roc de Sers (Charente)

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    Sophie Tymula

    2002

    Campements mésolithiques en Bresse jurassienne

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    Choisey et Ruffey-sur-Seille

    Frédéric Séara, Sylvain Rotillon et Christophe Cupillard (dir.)

    2002

    Productions agricoles, stockage et finage en Montagne Noire médiévale

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    Le grenier castral de Durfort (Tarn)

    Marie-Pierre Ruas

    2002

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    5 Quelques éléments pour l’histoire de l’espace rural et de l’agriculture antique en Tricastin : le quartier des Hautes‑Palus, Suze‑la‑Rousse (Drôme)

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    16 Sols, paléosols et structures agraires

    Pierre Poupet

    4. Conservation et distribution du matériel céramique : de l’espace domestique à l’espace social

    Luc Jallot

    Chapitre 2. Les vestiges d’époque romaine

    Victor Lassalle, Laurent Sauvage, Martial Monteil et al.

    5. L’espace humanisé : inventaire des habitats et des tombes Chalcolithiques

    Xavier Gutherz, Luc Jallot, Nigel Mills et al.

    Chapitre 4. Un quartier de la ville romaine

    Martial Monteil, Alain Veyrac, Guilhem Fabre et al.

    5. Ressources naturelles, matériaux utilisés et territoire communautaire : premières données

    Jacques Coularou, Xavier Gutherz et Luc Jallot

    2. Les macrorestes végétaux et leur signification

    Jacques Coularou, Xavier Gutherz et Luc Jallot

    11 Lunel‑Viel et son territoire

    François Favory, Anne Parodi, Pierre Poupet et al.

    La Gaule méridionale

    Claire-anne de Chazelles, Jean-luc Fiches et Pierre Poupet

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    5 Quelques éléments pour l’histoire de l’espace rural et de l’agriculture antique en Tricastin : le quartier des Hautes‑Palus, Suze‑la‑Rousse (Drôme)

    Pierre Poupet

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    François Favory, Anne Parodi, Pierre Poupet et al.

    La Gaule méridionale

    Claire-anne de Chazelles, Jean-luc Fiches et Pierre Poupet

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    1 Terme local très employé pour définir les vallons des Garrigues nîmoises drainés par le Vistre. Ils sont parcourus d’écoulements temporaires (quelques heures ou quelques jours au plus par an) de type torrentiel, comme les oueds du Maghreb, et causent des dégâts, parfois catastrophiques.

    2 En 1998-1999, des fouilles de sauvetage ont effectivement révélé, au sud de la ville, d’importants établissements chasséens (Vidal 1997 ; Hervé 1999).

    3 Les unités stratigraphiques de comblement sont indiquées à la suite du numéro de structure.

    Le quartier antique des Bénédictins à Nîmes (Gard)

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    Ce livre est cité par

    • Luley, Benjamin P.. (2014) Colonialism, Dining, and Changing Strategies of Power: the Example of Iron Age and Roman Mediterranean France at Lattara (ca 150 bc–ad 50). Journal of Archaeological Method and Theory, 21. DOI: 10.1007/s10816-013-9174-7

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    Fabre, G., Poupet, P., Jallot, L., & Sauvage, L. (2000). Chapitre 1. Le site naturel et les occupations préromaines. In P. Garmy & M. Monteil (éds.), Le quartier antique des Bénédictins à Nîmes (Gard) (1‑). Éditions de la Maison des sciences de l’homme. https://doi.org/10.4000/books.editionsmsh.46465
    Fabre, Guilhem, Pierre Poupet, Luc Jallot, et Laurent Sauvage. « Chapitre 1. Le site naturel et les occupations préromaines ». In Le quartier antique des Bénédictins à Nîmes (Gard), édité par Pierre Garmy et Martial Monteil. Paris: Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2000. https://doi.org/10.4000/books.editionsmsh.46465.
    Fabre, Guilhem, et al. « Chapitre 1. Le site naturel et les occupations préromaines ». Le quartier antique des Bénédictins à Nîmes (Gard), édité par Pierre Garmy et Martial Monteil, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2000, https://doi.org/10.4000/books.editionsmsh.46465.

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    Garmy, P., & Monteil, M. (éds.). (2000). Le quartier antique des Bénédictins à Nîmes (Gard) (1‑). Éditions de la Maison des sciences de l’homme. https://doi.org/10.4000/books.editionsmsh.46395
    Garmy, Pierre, et Martial Monteil, éd. Le quartier antique des Bénédictins à Nîmes (Gard). Paris: Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2000. https://doi.org/10.4000/books.editionsmsh.46395.
    Garmy, Pierre, et Martial Monteil, éditeurs. Le quartier antique des Bénédictins à Nîmes (Gard). Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2000, https://doi.org/10.4000/books.editionsmsh.46395.
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