Avant‑propos
p. 11‑12
Texte intégral
1Pour découvrir du Paléolithique lors d’opérations d’archéologie préventive, il faut s’en donner les moyens techniques et humains, c’est ce que constatait en 1988 André Delpuech qui venait d’être nommé coordinateur Afan de l’opération de l’autoroute A5 qui allait traverser les régions de l’Île‑de‑France, de Bourgogne et de Champagne‑Ardenne. Il est clair que la découverte des trois gisements du Paléolithique supérieur, qui font l’objet de ce présent ouvrage, et des cinq autres du Paléolithique moyen, déjà publiés (Deloze et al. 1994), est le résultat de la stratégie mise en œuvre avec les services archéologiques régionaux et Jean‑Paul Thevenot, responsable interrégional. Il fallut pour cela créer une équipe pluridisciplinaire interrégionale, associant aux géologues des spécialistes du paléoenvironnement et des paléolithiciens, et réaliser à la pelle mécanique des prospections en profondeur cherchant, dans les secteurs géomorphologiquement favorables, à définir les séquences stratigraphiques des formations quaternaires susceptibles de receler d’éventuels dépôts paléolithiques.
2Sur les trois sites concernés par cette publication, le premier, le gisement du Grand Canton à Marolles‑sur‑Seine, en Seine‑et‑Marne, fut découvert à la suite d’une opération de diagnostic approfondi en décembre 89 et janvier 90, destinée à circonscrire l’extension d’une occupation du haut Moyen Âge dans la confluence de l’Yonne et de la Seine. Entre 1990 et 1991, trois secteurs, couvrant une superficie de plus de 1 000 m2 ont été fouillés au cours de deux opérations, dirigées successivement par Jean‑Luc Rieu et Philippe Alix. Les méthodes de fouille cherchèrent à la fois à s’adapter aux diverses conditions de sauvetage et à la problématique d’exploitation d’occupations paléolithiques de plein air de la région proche. La richesse et l’extension du niveau archéologique incitaient en effet à tenter de comprendre l’organisation générale d’ensemble du gisement et à concilier les exigences d’une fouille de sauvetage de grande ampleur avec les techniques d’approche habituellement développées dans les fouilles programmées. Les deux autres gisements, le Domaine de Beauregard à Lailly, dans l’Yonne, et le Bas du Fort Miroir, à Fontvannes, dans l’Aube, sont situés plus au sud‑est à la hauteur de Sens, dans le bassin de la Vanne dont la vallée constitue un lien naturel entre la vallée de la Seine près de Troyes et la vallée de l’Yonne. Le niveau du Paléolithique supérieur du Domaine de Beauregard fut découvert de manière fortuite en 1991, lors de la fouille de l’un des ensembles moustériens de Lailly, trois semaines avant la fin du chantier archéologique dirigé par Jean‑Luc Locht ; celui du Bas du Fort Miroir à Fontvannes, repéré par des prospections de surface, fut fouillé par Frédéric Séara fin 1991 sur la partie du site menacée par les travaux de l’autoroute. Dans l’un et l’autre cas, il fut procédé à des décapages à la pelle mécanique complétés par une fouille manuelle dans les zones de plus forte concentration, sur des superficies respectives de 438 m2 et de 2 300 m2. C’est grâce au repérage constant fourni par les larges tranchées stratigraphiques effectuées lors des diagnostics préliminaires que tous ces décapages en passes fines à la pelle mécanique furent rendus possibles.
3En dehors du fait que leurs industries appartiennent au Paléolithique supérieur, ces trois gisements n’ont apparemment en commun que les conditions de leur découverte dans le cadre des travaux de l’autoroute A5. Le gisement de Marolles, clairement attribué au Magdalénien, est le plus important en superficie et il a livré une quantité impressionnante (se comptant par tonnes) de vestiges de toute nature, silex, faune, pierres chauffées. De superficie plus restreinte, celui de Lailly ne comporte que des amas de silex, totalisant 660 pièces, et trois concentrations de pierres chauffées. Il a fallu une investigation approfondie du matériel lithique pour attribuer, avec prudence, cette industrie à l’Aurignacien. Dans le gisement de Fontvannes enfin, seuls des produits de débitage ont été retrouvés. Les quelque 2 800 artefacts, bien que présentant des caractéristiques homogènes permettant de les rattacher à un même ensemble techno‑culturel, sont difficilement attribuables à un contexte précis ; tout au plus peut‑on y voir des affinités avec certaines industries du Périgordien ou du Paléolithique final.
4Nous sommes donc en présence de trois sites conservés à des degrés très divers, depuis le plus riche, Marolles apparenté par la nature de ses vestiges et de sa structuration à ce que l’on connaît dans le Bassin parisien à Pincevent, Etiolles, Marsangy ou Verberie, jusqu’au plus pauvre, Fontvannes, qui n’a livré que des témoins d’activités liées au travail du silex. Un seul domaine d’analyse peut permettre de les comparer, c’est celui de la technologie lithique, domaine fécond s’il en est puisqu’il offre la possibilité, même en l’absence d’autres vestiges, d’approcher une partie du comportement et des activités des occupants de chaque lieu. Puisque les analyses effectuées sont tributaires de la nature des vestiges conservés, on peut dire que chacun des gisements découverts a livré le maximum d’informations possibles. Toutefois, les conditions de conservation spécifiques du Grand Canton ont permis le développement exceptionnel d’une approche palethnologique concertée entre les différents spécialistes : l’intégration au contexte spatial des études de la faune chassée, de l’économie du débitage et des structures de combustion permet de proposer non seulement un modèle d’établissement encore inédit dans la région mais aussi de suggérer une complémentarité d’exploitation du territoire dans le cycle saisonnier des chasseurs magdaléniens du Bassin parisien.
5On comprendra que l’étude de chacun des sites ait nécessité les efforts synergiques d’un plus ou moins grand nombre de spécialistes en fonction de l’importance et de la nature des vestiges : 17 spécialistes pour les occupations magdaléniennes du Grand Canton à Marolles, 6 à Lailly et 5 à Fontvannes. On remarquera également que certains des auteurs, en particulier les géologues, se retrouvent participer à l’analyse des trois sites, et que les technologues du silex ont voulu comparer systématiquement les productions lithiques. Il s’agit donc d’un ouvrage véritablement collectif, en dépit des différences chronoculturelles et des variations du potentiel d’information des sites. L’un des points importants est celui de l’intégration régionale de ces nouveaux sites qui sont constamment comparés à ceux déjà connus. Le but est de fournir, au‑delà d’analyses locales, un référentiel qui pourra être directement utilisable lors de nouvelles découvertes.
6Tous les auteurs de cet ouvrage tiennent à rappeler d’emblée qu’en dehors du temps réservé à la rédaction des rapports préliminaires, il n’avait malheureusement pas été prévu, au moment de la mise en place du projet en 1989, de moyens financiers particuliers pour mener à bien une publication d’ensemble. Les quelques mois de vacation accordés à certains spécialistes ont permis toutefois de relancer l’étude qui a été poursuivie en dehors des heures de travail, pour les salariés de l’Afan qui avaient d’autres contrats ou d’autres postes, et parallèlement à leurs travaux universitaires pour la plupart des autres. Signalons également que compte tenu du temps écoulé entre la fin de la fouille et la publication, plusieurs documents graphiques originaux ont été égarés. Heureusement, les documents finals de synthèse (DFS) en avaient édité un certain nombre. Nous avons donc travaillé avec les documents disponibles. Les deux directeurs scientifiques et plusieurs des auteurs de cet ouvrage étant rattachés au laboratoire d’Ethnologie préhistorique du CNRS, c’est grâce au soutien de cette structure que la réalisation du manuscrit a pu être menée à bien. Il aurait probablement été difficile, en l’état actuel de la recherche, de faire davantage pour les gisements de Lailly et de Fontvannes, mais la démesure du gisement du Grand Canton aurait demandé beaucoup plus de mois d’analyse. Il ne s’agit donc ici que d’un premier état –déjà « plantureux »– de l’étude. D’autres chercheurs s’intéressent déjà aux données du Grand Canton, rien n’est donc terminé.
7Les directeurs scientifiques tiennent à remercier la plupart des participants d’avoir quand même été présents aux réunions de travail ou envoyé à temps leurs textes, et d’avoir pu, bon an mal an, aller au bout de ce qu’il était possible de faire dans le cadre mis en place. Ils tiennent également à remercier Claude Mordant, alors coordinateur scientifique de l’opération Autoroute A5, pour sa patience et sa compréhension des problèmes, et l’équipe du service publication de l’Afan, chargé de la coordination technique, pour les soutiens qu’elle a pu faciliter.
8Michèle JULIEN
Directeur de recherche au CNRS/ARSCAN,
Ethnologie préhistorique, Nanterre
9Jean-Luc RIEU
Attaché de conservation du Patrimoine au Musée de Préhistoire
d'Île-de-France, Nemours
Auteurs
Directeur de recherche au CNRS/ARSCAN, Edmologie préhistorique, Nanterre
Attaché de conservation du Patrimoine au Musée de Préhistoire d’Ile‑de‑France, Nemours
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