La pierre dans les bâtiments des i^er‑iii^e s. fig. 60 fig. 61

1La craie blanche, homogène et assez tendre, est de loin le matériau le plus employé en parement. Elle provient sans doute des étages santonien et campanien (c5/c6) qui affleurent aux environs immédiats du site et étaient exploités à l’époque moderne dans le proche vallon de Tripleval. Les bâtisseurs gallo‑romains lui ont associé des moellons de craie dolomitique, matériau résistant, piqueté de noir, et comportant de nombreuses veinules de dolomite cristallisée. Elle est issue de l’étage coniacien (c4), repéré dans les mêmes affleurements que le matériau précédent. Quelques grès bruns ont été observés dans les parements de la phase IV. Ce type de grès est attesté en marge du site, dans les alluvions anciennes de très haut niveau (P2) et, en fond de vallée, dans les alluvions récentes Fy et Fz. Le silex, enfin, est surabondant aux alentours du sanctuaire.

2Deux matériaux ont une origine un peu plus lointaine. Le calcaire grossier à millioles a été exclusivement utilisé pour confectionner les chaînages d’angle des bâtiments. Ces blocs ont probablement été extraits des affleurements de Chérence ou du plateau de Bray‑et‑Lu (Val‑d’Oise). Le calcaire pisolithique n’apparaît que dans la plus tardive des constructions en pierre érigées sur le site, le bâtiment N. Cette pierre résistante très blanche, d’âge montien ou dano‑montien, est identifiable grâce à la présence de fragments de cérithes géants et d’épines d’oursins Cidaris. Si le gisement de référence pour ce matériau est situé à Vigny (Val‑d’Oise), des affleurements plus proches de Bennecourt ont été recensés par le Bureau de la recherche géologique et minière : la carrière souterraine de Bray‑et‑Lu, qui existait peut‑être dès l’Antiquité, ou celle d’Ambleville, près de Magny‑en‑Vexin (Val‑d’Oise). Le calcaire grossier à millioles et le calcaire pisolithique sont donc les seules catégories de pierres de construction extraites à au moins dix kilomètres du site. Elles venaient s’ajouter aux ressources locales, peu adaptées à la confection des blocs de grande taille nécessaires au chaînage d’angle des bâtiments.

Les céramiques architecturales

3L’échantillon de tegulae mesurables reste limité et l’amplitude des dimensions paraît assez forte. Toutefois, deux séries assez homogènes peuvent être distinguées : la première, autour de 350 mm de longueur, regroupe des exemplaires à pâte très rouge ; la seconde, autour de 410 mm, est constituée de grandes tuiles légèrement trapézoïdales. L’étude des rebords est peu informative. Les imbrices sont plus homogènes ; ils mesurent tous 295‑300 mm de longueur. Les exemplaires provenant du bâtiment G, peu cuits, étaient pour la plupart enduits d’un badigeon rouge, ceci sans doute afin d’uniformiser la couleur du toit.

4Le lavage systématique des tegulae issues de la fouille a permis de reconnaître deux types de marques.

Les tally marks

5Il s’agit de signes incisés avant cuisson sur la face externe d’un des rebords. Deux caractères ont été reconnus qui semblent correspondre au A et au X cursifs, c’est‑à‑dire à la première et à la dernière lettre de l’alphabet latin. Un troisième groupe est caractérisé par des barres verticales ou obliques. G. Brodribb a effectué une étude préliminaire de ces signes qui figurent le plus souvent des chiffres romains (Brodribb 1979a et b). Il les relie –sans doute un peu rapidement– aux productions militaires. En France, des marques latérales apparaissent sur des tuiles de la cargaison du bateau de Médès (Carraze 1976), de Boulogne‑sur‑Mer (Pas‑de‑Calais) (Brodribb 1979a : 154), d’Escolives‑Sainte‑Camille (Yonne) (Kapps 1983) et du Bas‑Dauphiné (Chauffin 1956). On les rencontre également sur des briques des thermes de Cluny à Paris (Duval 1961).

Les marques digitées

6Sur le bord de la face supérieure de quelques tuiles, on note la présence de marques de doigts affectant la forme d’un arc de cercle, parfois double ou triple. Ce type de marque a fait l’objet de plusieurs études récentes (Neumann 1973 ; Brodribb 1987 ; Goulpeau, Le Ny 1989). Selon certains auteurs, ces signes apposés à la fin du moulage seraient purement décoratifs (Ward 1911 : 263) ; d’autres les assimilent à des marques de tâcherons ou de stockage (Bardon 1966 ; Brodribb 1987 ; Pauc 1984) ; elles sont également attestées sur des briques (Le Bohec 1984).

7La fréquence des tally marks et des empreintes concentriques paraît extrêmement faible. Plus subtils à repérer que les marques classiques, ces témoignages demanderaient à être confrontés à d’autres observations effectuées sur des sites régionaux.

8Signalons en exergue deux traces de pattes de chiens et une d’ovicapridé ; elles ont probablement été imprimées par ces animaux alors que les tuiles séchaient à même le sol.