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Archéologie d’un paysage

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Frédéric Trément

Troisième partie. Le secteur des Étangs de l’époque romaine au haut Moyen Age

Chapitre 2. Le secteur des Étangs au Haut‑Empire (fin ier s. av. J.‑C.-milieu iie s. ap. J.‑C.)

2 The pools in the Early Roman Empire (late 1st c. BC‑mid‑2nd c. AD)

2 El sector de los Estanques en el Alto Imperio (fines del siglo I a. C.‑mediados del siglo II d. C.)

Résumé

L’habitat dispersé qui s’était mis en place au ier s. av. J.‑C. se densifie considérablement dès le règne d’Auguste et dans la première moitié du ier siècle. L’ancien territoire vivrier de Saint‑Blaise, limité à la zone des plateaux molassiques, est occupé par un réseau d’établissements agricoles dont la ferme des Soires est représentative. Les collines et les dépressions marneuses situées au sud, jusqu’alors inoccupées, font l’objet d’une mise en valeur dans le cadre d’une économie domaniale probablement liée à l’émergence des nouveaux centres de pouvoir locaux. La bordure des petits étangs, quant à elle, est occupée par une forme d’habitat originale, qualifiée de « polynucléaire ». L’économie est dominée par la viticulture, l’oléiculture et la céréaliculture. Il semble que l’utilisation traditionnelle des étangs pour la collecte des coquillages ait alors perdu de son importance. De nombreux indices laissent en effet entrevoir des travaux de drainage visant à étendre les terres cultivées aux dépressions.

Texte intégral

2.1 La romanisation du paysage bâti

2.1.1 Mise en place et évolution de l’habitat

1Si la période de La Tène III et plus particulièrement la première moitié du ier s. av. J.‑C. restent relativement méconnues, comme dans beaucoup d’autres régions du sud de la Gaule, il n’en va pas de même pour la période qui suit la déduction de la colonie d’Arles en 46. Les indicateurs chronologiques, qui sont alors plus abondants, plus facilement repérables, mieux conservés et surtout mieux connus, permettent de dresser un tableau nettement plus précis de l’occupation du sol (fig. 63‑64).

FIG. 63 – Quantification de la vaisselle fine d’époque romaine recueillie en prospection.

FIG. 64 – Quantification des amphores d’époque romaine recueillies en prospection.

2.1.1.1 La mise en place de l’habitat à l’époque augustéenne

2Les prospections ont mis en évidence une double tendance dans l’évolution de l’occupation du sol à l’époque augustéenne : d’une part, l’intensification de la mise en valeur des sols cultivés depuis le premier âge du Fer et bien souvent depuis le Néolithique final, dans le secteur central des plateaux molassiques de Saint‑Blaise ; d’autre part, la conquête de terres jusqu’alors incultes dans la zone méridionale des collines de Martigues et de Port‑de‑Bouc. Cette évolution s’accompagne de la diffusion d’un habitat dispersé particulièrement dense (fig. 65).

FIG. 65 – Le secteur des Étangs aux Ier et IIe s. de n.è.

L’habitat dispersé

  • 1 Sur ces 57 sites, 30 ont livré de la sigillée italique (52,6 %), 18 de la céramique campanienne et (...)

3La fréquence de la céramique campanienne, de la sigillée, de la céramique commune et des amphores d’origine italique sur de nombreux sites témoigne de la rapidité de la transformation du paysage rural sous l’effet de la romanisation. Il semble que dès la mort d’Auguste, ou peu après, le paysage bâti ait déjà acquis les traits qu’il conservera pendant plus d’un siècle. L’examen détaillé du mobilier recueilli en prospection montre en effet l’ancienneté des implantations les plus importantes. Des formes du répertoire « précoce » des sigillées italiques –telles que les types Goudineau 15, 20 ou 22, dont l’apparition est antérieure à 10 av. J.‑C.– sont attestées sur la villa de Péricard (SM‑34) et sur l’établissement de Mauvegeane (SM‑37). Des formes antérieures au changement d’ère se retrouvent sur les sites de Saint‑Macaire (MA‑2), de Courtine (SM‑56), de Lavalduc (IS‑30), de Niveau (SM‑46), de Ranquet (SM‑1), de Sivier (IS‑4) et de Pichotty (FO‑28), dont la plupart se distingueront par leur importance, leur dynamisme et leur longévité remarquables. Au total, on peut considérer que sur 57 sites occupés au Haut‑Empire, une quinzaine au moins apparaissent avant le changement d’ère, soit plus de 26 %1.

4Mais plus que la précocité des implantations, c’est le rythme de leur diffusion qui est véritablement significatif de la rapidité et de la profondeur du bouleversement qui affecte l’occupation du sol (fig. 14 et 66). Aux 15 sites apparus avant le changement d’ère, il faut en ajouter au moins 21 dès les deux premières décennies du ier s. Tous les types d’habitat se mettent en place en même temps (villae, établissements secondaires). Mais l’ampleur de ce phénomène ne doit pas étonner. Les prospections réalisées en Beaucairois ont également souligné la précocité des implantations, 18,6 % des sites antiques ayant livré de la céramique campanienne et 11,6 % de la sigillée italique. Au total, près d’un tiers des établissements y sont occupés dès le début du ier s. et l’on considère que les villae s’y mettent en place dès le règne d’Auguste (Bessac et al. 1987 : 102, 112). Il en va de même en Vaunage, où l’habitat dispersé se densifie dès le ier s. av. J.‑C. (Parodi et al. 1987). Dans la vallée du Calavon (Vaucluse), près de 15 % des établissements du Haut‑Empire ont livré de la céramique campanienne A, de la céramique non tournée de l’atelier des Alpilles et de la céramique commune claire augustéenne (Bellet 1990 : 37‑40). Il semble, en revanche, que l’évolution soit plus lente en Lunellois. L’habitat gallo‑romain ne paraît pas s’y développer avant le milieu du ier s., et les auteurs des prospections soulignent la rareté des céramiques à vernis noir, des amphores italiques et marseillaises (Amblard et al. 1985 ; Favory et al. 1994 : 211, 217).

FIG. 66 – Nombre de créations et d’abandons de sites par tranches de 20 ans.

L’habitat aggloméré

  • 2 Les deux sites sont occupés depuis la fin du viie s. av. J.-C. À Saint-Pierre-les-Martigues, il sem (...)

5L’évolution des agglomérations protohistoriques après la conquête romaine est complexe. Au ier s. av. J.‑C., seul le petit oppidum des Fourques (SM‑32) est occupé de manière indiscutable. Mais il semble bien que celui‑ci soit définitivement abandonné avant le changement d’ère, selon un modèle fréquemment attesté autour de l’étang de Berre et plus généralement dans le sud de la Gaule. En revanche, l’oppidum du Castellan et surtout le « village » de l’Île de Martigues paraissent se repeupler dès l’époque augustéenne, après une interruption apparente. Outre quelques tessons de céramique campanienne C, le premier a effectivement livré de la céramique à paroi fine et de la sigillée italique (Giroussens 1987). Sur environ 70 fragments de sigillée italique, les deux tiers proviennent de coupes du type Haltern 8, 9 et 11. L’étude des estampilles laisse supposer une occupation du site à l’époque augustéenne : Cn. Ateius, L. Saufeius Gausa, L. Tettius Samia, A. Titius et Cupitus ont en effet produit à Arezzo dans les deux dernières décennies du ier s. av. J.‑C. L’oppidum a également révélé plus de 350 fragments de sigillée de la Gaule du Sud, dont plus de la moitié appartiennent à la forme décorée Dragendorff 37. La mauvaise qualité des décors les place à la fin du ier s. et au début du iie. De même, l’étude des estampilles confirme que l’essentiel de la sigillée de la Graufesenque date de la seconde moitié du ier s. : Primus, Scottius, Secundus et Tertius ont exercé leur activité sous le règne des Flaviens. Il semble bien que l’oppidum soit déserté dans la seconde moitié du ier s. ou au début du iie, après avoir connu un sort comparable à celui de Saint‑Pierre‑les‑Martigues2.

6La présence de céramique sigillée italique atteste la réoccupation de l’île de Martigues à l’époque augustéenne. Toutefois, aucune structure bâtie ne peut être attribuée à cette période (Chausserie‑Laprée et al. 1984 ; Chausserie‑Laprée, Nin 1988 : 57). Les fouilles ont également livré de la céramique sigillée sud‑gauloise et de la sigillée claire A, mais la ténuité des vestiges conservés ne permet pas de se faire une idée de l’importance réelle de l’occupation au Haut‑Empire : celle‑ci se résume à des fondations de murs arasés par les constructions modernes ou médiévales, à des radiers d’hypocaustes, à un soubassement de foyer en tuiles et à des tranchées de récupération de pierres (Inf. archéo. Gallia, 44, 1986 : 426‑430 ; Chausserie‑Laprée, Nin 1988 : 25). Rien n’évoque ici la fameuse Maritima Avaticorum signalée par Pomponius Mela et Ptolémée à l’embouchure du Kainos. Mais celle‑ci était‑elle dans l’Île ? En revanche, la masse considérable des amphores italiques recueillies dans l’anse Saint‑Gervais indique que le port des Fossae Marianne a commencé à fonctionner très tôt dans le courant du ier s. av. J.‑C. Son activité reste intense jusqu’au iiie s., comme en témoignent les quantités importantes d’amphores bétiques et gauloises dénombrées par B. Liou et M. Sciallano (1989).

2.1.1.2 L’évolution de l’habitat au Haut‑Empire

7Le rythme des implantations nouvelles s’essouffle dès le second tiers du ier s., la mise en place de l’habitat étant alors quasiment achevée. Les quelques créations postérieures paraissent en effet sans importance, et le nombre des établissements se stabilise autour de 55 dès le milieu du ier s. Cette situation, qui correspond à un maximum de peuplement rural jusqu’alors jamais atteint dans ce secteur, se maintient jusqu’au début du iie s., soit près d’un siècle de prospérité apparente. Durant cette période, on ne compte pas plus de trois créations de sites et deux abandons.

8Seul un établissement d’une certaine importance, créé vraisemblablement à la fin du ier s. av. J.‑C. –comme semble l’indiquer la présence de céramique campanienne et de sigillée italique– est abandonné vers le milieu du siècle suivant : celui des Ferrages (SM‑30). L’unique forme de sigillée sud‑gauloise identifiée sur ce site est en effet un bord de bol Ritterling 8, daté de la première moitié du ier s. Outre quelques fragments d’amphore étrusque, les ramassages y ont fourni une masse assez importante d’amphore italique de type Dressel 1A. L’amphore marseillaise y est plus rare. Il pourrait s’agir là d’un entrepôt dont le développement serait lié à celui de l’oppidum des Fourques (SM‑32), au pied duquel il est situé, au milieu de terres agricoles particulièrement fertiles aujourd’hui. On remarque que le site des Ferrages se localise à peu près à égale distance de l’oppidum et d’un autre site –les Vallons (SM‑25)– qui, comme lui, a livré de la céramique campanienne. L’abandon de cet établissement s’expliquerait par celui de l’oppidum, et par le développement de la villa de Péricard (SM‑34), également proche. Quoi qu’il en soit, la rupture avec les modes d’occupation du sol de l’époque préromaine est définitivement consommée avant le milieu du ier s. de n.è.

9L’examen du « profil chronologique » des implantations les plus importantes fait apparaître différents types d’évolution durant le Haut‑Empire. On peut distinguer trois groupes principaux.

  • Les sites dont le maximum de l’occupation se place, plus ou moins tôt, dans le courant du ier s. On en compte quatre au total : les sites de Niveau (SM‑46) et de Mauvegeane (SM‑37), dont les indices d’occupation les plus abondants se situent entre 0 et 60 de n.è. ; celui de Saint‑Verran (IS‑33), où ils se placent vers 40‑80, avec un second « pic », moins conséquent, vers 160‑200 ; celui de Lavalduc (FO‑6), enfin, où ils se situent entre 60 et 100. L’occupation de ces établissements n’en continue pas moins au‑delà du ier s., jusqu’au milieu du iie s. pour le site de Mauvegeane, jusqu’au vie s. pour les autres.

  • Les sites dont le maximum de l’occupation se place à la charnière des ier et iie s., entre 80 et 120. Il s’agit du cas le plus fréquent. Il concerne les sites des Clapières (SM‑45), de Saint‑Macaire (MA‑2), de Castillon (SM‑15), de Tour d’Aix (IS‑44) et du Ranquet (SM‑1). L’occupation de ces établissements se prolonge jusqu’au vie s., à l’exception de celui de Saint‑Macaire, qui est abandonné vers le milieu du iie s.

  • Les sites dont les indices d’occupation les plus fréquents se prolongent tardivement dans le courant du iie s., jusque vers 160 pour ceux de Courtine (SM‑56) et des Vèles (SM‑22), au‑delà du milieu du iiie s. pour les villae de Péricard (SM‑34) et de Sivier (IS‑4). Leur occupation perdure jusqu’au vie s.

2.1.2 L’habitat dans l’espace : répartition et organisation

10L’extension de l’agro‑système prend un tour systématique sans équivalent avant l’époque moderne. Quasiment aucune zone n’échappe au mouvement de conquête des terres. Dès l’époque augustéenne, l’habitat se développe indifféremment sur les plateaux molassiques de Saint‑Mitre, de Fos et d’Istres, dans les zones de piémonts, dans les fonds de vallons et même en bordure des étangs. Toutefois, sa répartition dans l’espace n’est pas homogène. On peut distinguer trois sous‑ensembles, qui diffèrent à la fois par la densité et la nature de l’occupation du sol, et qui correspondent à autant d’unités géo‑pédologiques.

2.1.2.1 Le secteur des plateaux calcaires d’Istres

11Le secteur des plateaux calcaires situé au nord de l’étang de l’Olivier a fourni relativement peu d’indices d’occupation pour le Haut‑Empire. Il se présente comme une série de plateaux assez élevés (entre 100 et 120 m ngf) entrecoupés de vallons parallèles, aujourd’hui cultivés, qui délimitent autant de zones de garrigues et de pinèdes. Difficiles à explorer, ces zones à la végétation touffue ont pourtant fourni de nombreux indices d’occupation pour la Préhistoire et la fin de l’Antiquité. Un établissement d’importance mérite néanmoins que l’on s’y attarde. Il s’agit du site de Sivier (IS‑4), qui surplombe l’atelier de fabrication d’amphores (IS‑5) signalé par G. Amar à F. Laubenheimer (1985 : 121‑123).

12L’abondance, la diversité et la qualité du mobilier recueilli à sa surface permettent d’y voir une villa occupée sans interruption de l’époque augustéenne à la fin de l’Antiquité. Un fouloir repéré à proximité vient compléter la série des découvertes effectuées en contrebas : aux abords immédiats de l’atelier de potier se trouvaient une carrière d’argile et une source aménagée. L’hypothèse d’une exploitation viticole paraît pleinement justifiée. Sur le modèle de la villa de Péricard (SM‑34), l’extension de son domaine expliquerait l’absence d’implantations (d’une certaine importance tout au moins) alentour. En effet, les rares établissements contemporains reconnus au nord de l’étang de l’Olivier se situent à plus de deux kilomètres de là, près du domaine de Sulauze (IS‑1) au nord, et en bordure des petites dépressions marécageuses de Peiremalle (IS‑17) et de l’Estagel (IS‑18) au sud‑est. Encore s’agit‑il là d’implantations très modestes.

2.1.2.2 Le secteur des plateaux molassiques de Saint‑Mitre et de Fos

13Le secteur des plateaux molassiques de Saint‑Mitre et de Fos correspond à proprement parler à la « zone des étangs » dont Saint‑Blaise est le centre. Très morcellé, il juxtapose de longs entablements calcaires d’altitude variable (de 31 à 142 m ngf) recouverts de garrigues et de pinèdes et des chapelets de cuvettes d’axe méridien. La topographie générale de cette zone s’élevant régulièrement vers l’est, les vallons les plus orientaux, dans le secteur de Saint‑Mitre, sont naturellement drainés et dépourvus de grands étangs. Ce secteur a livré les témoignages d’occupation antique, mais aussi préhistorique et protohistorique, de loin les plus nombreux. Les plateaux molassiques, en particulier, ont constitué un lieu d’attraction privilégié pour le petit habitat dispersé sécrété par l’agglomération de Saint‑Blaise au premier âge du Fer. La découverte de fragments d’amphores étrusques et italiques sur un grand nombre d’établissements gallo‑romains invite à s’interroger sur le poids de l’héritage préromain en matière d’occupation du sol.

14Le long entablement molassique du Mazet, qui sépare les étangs de Lavalduc, d’Engrenier et de l’Estomac, est intensément mis en valeur au Haut‑Empire : on y dénombre près d’une dizaine d’implantations et deux installations de pressage, dont la nature (cuves de décantation, pressoir à contrepoids et pressoirs à vis) laisse supposer un développement de l’oléiculture. L’espacement régulier des sites, leur position en bordure du plateau et leur petite taille, compensée par leur nombre élevé, invitent à imaginer le plateau et son versant oriental partiellement couverts d’oliviers. Seul l’établissement du Mazet (FO‑14) se distingue par son importance et par son ancienneté, ses abords immédiats ayant livré de multiples indices d’une occupation au Chalcolithique, à l’âge du Bronze et à l’âge du Fer. Peut‑être faut‑il lui rattacher la petite zone d’extraction de meules voisine (FO‑11), à moins que celle‑ci n’ait été exploitée par les habitants de Fos.

15Dans le prolongement de ce secteur, la rive nord‑ouest de l’étang de Lavalduc constitue également un lieu d’attraction pour l’habitat du Haut‑Empire. Cette situation contraste avec l’insalubrité actuelle de ce milieu sursalé où pullulent les moustiques. Deux sites importants s’y développent des l’époque augustéenne (FO‑6 et IS‑30). Comme l’établissement du Mazet (FO‑14), ils se caractérisent par une longévité remarquable jusqu’à la fin de l’Antiquité. Ils paraissent même avoir sécrété autour d’eux d’autres implantations dépendantes, qu’il s’agisse d’entrepôts destinés à stocker le produit des récoltes, de remises pour l’outillage ou même d’habitations (FO‑2/4/5/9). Les seuls indices d’occupation connus dans ce secteur pour l’époque médiévale et surtout moderne et contemporaine sont étroitement liés à l’exploitation du sel, les variations du niveau du plan d’eau rendant aléatoire une occupation permanente. La continuité du site de Lavalduc (FO‑6) dans l’Antiquité n’en a que plus d’intérêt pour l’histoire du paysage.

16Le secteur voisin, situé entre les étangs de Rassuen, de Citis et de Lavalduc, semble avoir connu une intense mise en valeur, autour d’implantations dont l’importance est de premier ordre. C’est le cas, tout particulièrement, des établissements de Tour d’Aix (IS‑41/42/44) et de Ranquet (SM‑1), qui présentent des caractères originaux par rapport à la moyenne des autres sites ruraux. Le problème du secteur de Tour d’Aix a déjà été abordé dans le chapitre consacré à l’âge du Fer, la masse considérable des fragments d’amphores italiques recueillis dans la dépression de Vigne Gaste (IS‑41) sur une douzaine d’hectares indiquant le développement d’un hameau à La Tène III. Pour la période suivante, les prospections ont mis en évidence un établissement principal (IS‑44) entouré d’une série de sites périphériques (IS‑33/42/43). La question est de savoir s’il s’agit là d’une exploitation domaniale de type villa ou d’une petite agglomération paysanne, la spécificité et la dispersion considérable du mobilier rendant cette seconde hypothèse plus vraisemblable que la première. On notera, au passage, la proximité d’une petite carrière où ont été extraits des blocs de calcaire, mais aussi des colonnes (IS‑40). La mise en culture de cette zone de bas plateau légèrement dépressionnaire nécessitait l’aménagement d’un système de drainage vers les étangs de Citis et de Rassuen. L’établissement du Ranquet (SM‑1), localisé sur la rive opposée de l’étang de Citis, se rapproche davantage du modèle de la villa. Les prospections y ont révélé un établissement d’assez vaste superficie (environ un hectare), doté de revêtements d’enduits peints et d’hypocaustes, où l’absence d’éléments architectoniques et de restes de mosaïque constitue la limite d’un luxe mesuré.

17Le plateau de Castillon est également occupé, plus d’un siècle après l’abandon de l’agglomération de Saint‑Blaise. La prospection s’y est révélée particulièrement difficile, du fait de la densité des pinèdes, dans lesquelles aucune trace de vestiges antiques n’a pu être identifiée. En revanche, plusieurs clairières ont révélé des sites, principalement à Castillon (SM‑15), aux Enconques (SM‑19) et à Castelveyre (SM‑16), où elles correspondent à de légères dépressions qui étaient encore cultivées au début du siècle. Aucun de ces établissements ne semble toutefois se distinguer par son importance ni sa longévité.

18L’occupation des coteaux qui dominent l’étang du Pourra à l’est apparaît comme un cas de figure intermédiaire entre les implantations de plateau et de fond de vallon. Il s’agit en effet d’un large versant en pente douce et étagée, naturellement drainé et irrigué par plusieurs sources. Les sols lourds et marneux du Bégudien s’apparentent davantage aux conditions pédologiques de la zone collinaire de Martigues, mais le type d’habitat et –on peut le supposer– les façons culturales et les modes d’exploitation rappellent ceux de la zone des plateaux calcaires. Le toponyme « les Ferrages » est là pour témoigner de la fertilité de ces terres saines exposées à un ensoleillement permanent et relativement abritées du mistral. Les établissements des Soires (SM‑13), des Emplaniers (SM‑14), des Vèles (SM‑22), des Espérètes (SM‑27), des Ferrages (SM‑30) et de Fourna (SM‑29), régulièrement espacés, dominaient une large bande de terre et disposaient de terroirs complémentaires.

19Le vallon et la bordure du petit étang de Magrignane correspondent à une zone de concentration particulièrement dense de l’habitat au Haut‑Empire. Cet espace intermédiaire, d’un point de vue géologique, entre les collines marneuses méridionales et les plateaux molassiques, a donné naissance à une forme d’habitat originale, intermédiaire entre l’habitat dispersé et l’habitat aggloméré, que l’on qualifiera de « polynucléaire » ou de « semi‑agglomérée » (Favory, Fiches 1994 : 231‑232). Le développement d’un hameau à cet endroit précis peut s’expliquer par la nécessité de mettre en valeur un milieu humide grâce à des moyens collectifs. Au XVIe s., l’étang de Magrignane était un lieu de pêche sur lequel naviguaient des barques à fond plat. En 1791, le percement d’une galerie maçonnée à travers le seuil rocheux bégudien a permis de drainer ses eaux vers l’étang de Berre et de le mettre en culture, jusqu’à sa « poldérisation » définitive en 1990.

20La mise en valeur du vallon de Mauvegeane, situé à un kilomètre au nord, s’est opérée en deux temps : dès l’époque augustéenne, à partir d’un établissement précocement implanté sur un replat dominant le vallon (SM‑37) ; puis, dans le courant du ier s., à partir d’un second établissement (SM‑35) installé au débouché de ce vallon sur celui de Massane.

21En fin de compte, peu de secteurs paraissent désertés dans cette zone centrale. Cela semble être essentiellement le cas du vallon de Massane et des plateaux de Caderaou et du Lèbre, qui surplombent l’étang de Berre. Toutefois, il faut se garder de tirer des conclusions trop hâtives sur le « vide archéologique » constaté dans ces zones, la densité du couvert végétal sur les plateaux et le morcellement de la dépression en multiples propriétés privées nuisant considérablement au repérage des sites potentiels. D’ailleurs, les prospections conduites dans le vallon de Mauvegeane ont révélé des implantations antiques, et la découverte de tessons isolés datés du Haut‑Empire à Figuerolles (SM‑40), à Massane (SM‑6) et à Varage (SM‑4) prouve que les rives de l’étang de Berre étaient également fréquentées.

2.1.2.3 Le secteur des collines bégudiennes de Martigues et de Port‑de‑Bouc

22Milieu jusqu’alors hostile à toute forme d’occupation, la zone collinaire méridionale est l’objet, dans le courant du ier s., d’un mouvement de colonisation des terres lourdes et marneuses de l’étage bégudien que l’on peut mettre en rapport avec le développement de la colonie latine de Maritima. Les prospections n’y ont pas livré le moindre indice d’occupation préromaine –protohistorique ou préhistorique. Aucune découverte ancienne de ce type n’y est davantage signalée. Paradoxalement, ce secteur moins densément occupé que le précédent a révélé les vestiges de trois établissements majeurs interprétés comme des villae : Péricard (SM‑34), Tholon (MA‑5) et la Pointe Baumasse (PB‑12). Ces trois sites espacés de quatre kilomètres se disposent symétriquement en bordure de la zone en question. Leur position « marginale » est accentuée par leur situation topographique, l’un sur la rive de l’étang de Berre, l’autre en bord de mer et le dernier à proximité de l’étang du Pourra, dont il domine la vaste dépression. Si le choix de ces endroits précis peut s’expliquer par la beauté des lieux, il résulte surtout d’une politique concertée d’extension de l’agro‑système sur des terres jusqu’alors inexploitées de la part des nouvelles élites locales qui adoptent un mode de vie « à la romaine » et investissent dans des exploitations agricoles plus ou moins étendues. L’étude paléoenvironnementale montre que l’occupation de ce secteur n’a jamais été aussi favorable qu’à cette époque, du fait d’un assèchement relatif des zones basses. Mais on peut se demander si la mise en valeur de ces terres « périphériques » n’est pas aussi la conséquence de modes d’appropriation des sols antérieurs à la conquête.

23La rareté du petit habitat dispersé contraste ici avec sa fréquence dans les zones de plateaux calcaires situées plus au nord et qui, naturellement drainées et offrant des sols légers, ont été cultivées dès le Néolithique. Quelques établissements sont connus au sud de l’étang d’Engrenier, dans les secteurs de Valentoulin (PB‑6/7) et de la Mérindole (PB‑11). On peut se demander quels rapports ils entretenaient avec la villa de la Pointe Baumasse dans la mise en valeur de ce secteur de zones basses et palustres. Il en va de même du site du Mas de l’Hôpital (PB‑5), implanté à 750 m de la villa de Péricard, en contrebas, sur la bordure méridionale de l’étang du Pourra. L’abondance et la diversité du mobilier recueilli à sa surface laissent peu de doute sur la nature de cet établissement agricole occupé depuis l’époque augustéenne jusqu’à la fin de l’Antiquité. Mais il reste à déterminer son statut et sa place dans la hiérarchie de l’habitat. S’agit‑il d’une dépendance de la villa de Péricard ? Et dans ce cas, qui y résidait ? Ou bien est‑ce une exploitation « indépendante », ce qui paraît assez improbable au cœur du domaine supposé de la villa ?

24Le cas des établissements de l’Escaillon (SM‑1), de Cantoperdrix (MA‑4), de Barboussade (MA‑3) et de Saint‑Macaire (MA‑2) éclaire la question des rapports entre villae et petit habitat dispersé. Il s’agit là d’implantations de petite ou moyenne importance, exclusivement occupées au Haut‑Empire, à la différence des sites localisés plus au nord, sur la bordure de l’étang de Magrignane, qui eux connaissent un développement important à la fin de l’Antiquité. Les trois premiers se situent en limite d’une petite dépression ouverte à l’est sur l’étang de Berre, et contrôlée par la villa de Tholon. Il pourrait s’agir d’établissements dépendants destinés à loger une partie de la main‑d’œuvre ou à entreposer outillage, semences et récoltes à la périphérie du domaine, ou tout au moins à une distance suffisamment importante de la villa pour justifier leur construction. Peut‑être leur présence s’explique‑t‑elle par le développement, au sein de ce domaine, de cultures complémentaires sur des zones de versants périphériques, qu’il s’agisse de vignes, d’oliveraies ou d’autres formes d’arboriculture ou de cultures complantées. Quant à l’établissement de Saint‑Macaire (MA‑2), situé au cœur de la zone collinaire, il pourrait constituer un relais dans la mise en valeur des terres plus éloignées. Mais du fait de sa position isolée, à mi‑distance des villae de Tholon et de Péricard, on pourrait tout aussi bien y voir une exploitation « indépendante », repoussée en quelque sorte à la limite des deux domaines, dans une zone au relief plus prononcé, donc moins favorable à l’agriculture domaniale. L’abondance, la qualité et la diversité du mobilier recueilli à sa surface vont nettement dans le sens d’une habitation permanente. Enfin, le petit site de Campeu (MA‑6), quoique moins bien documenté, pourrait correspondre également à une petite exploitation isolée.

25Il faut évidemment faire la part des hypothèses, en l’absence de fouilles. Il est un fait, toutefois, qui mérite d’être souligné : tous les établissements du secteur méridional appartiennent au groupe des sites à occupation brève, limitée au Haut‑Empire. L’examen du matériel ramassé sur le site de Saint‑Macaire permet de conclure à son abandon dans le courant du iie s. Il en va de même des sites de la Mérindole, de Cantoperdrix, de Barboussade et de Campeu. Or il s’agit là d’un phénomène peu fréquent sur la rive occidentale de l’étang de Berre, la tendance générale étant nettement à la continuité des implantations jusqu’à l’extrême fin de l’Antiquité. Il s’avère par conséquent que l’entreprise de colonisation des terres marginales de la zone collinaire bégudienne fut relativement éphémère, et sans suite avant l’époque moderne. Les villae de Péricard et de Tholon n’en continuent pas moins de fonctionner au Bas‑Empire, probablement à la suite d’un mouvement de concentration foncière.

26En conclusion sur ce thème de la répartition spatiale de l’habitat, j’insisterai sur la dualité des modes d’occupation du sol dans le secteur des Étangs au Haut‑Empire. L’évolution constatée dans la zone des collines méridionales témoigne de l’extension, dès l’époque augustéenne, d’un « front pionnier » vers des terroirs jusqu’alors demeurés incultes, probablement grâce à l’apport technologique des Romains en matière de drainage, mais aussi grâce à un renouvellement des techniques agraires et des plantes cultivées. Le développement des exploitations domaniales semble y avoir joué un rôle déterminant, même si des établissements « indépendants », de rang plus modeste que les villae, ont pu se développer en marge des domaines. Il faut voir là la conséquence de la proximité de la colonie latine de Maritima. Ce phénomène est de courte durée, puisque les petites implantations sont abandonnées dans le courant du iie s. On assiste alors, comme dans d’autres régions, à un resserrement de l’habitat au profit des villae. La situation est très différente dans le secteur des plateaux molassiques, où l’héritage préromain paraît peser de tout son poids sur les modes d’occupation du sol. Le petit habitat dispersé y prédomine largement. Or ce secteur avait déjà connu une telle situation, alors embryonnaire certes, au premier âge du Fer. Durant le Haut‑Empire, les villae en paraissent absentes, mais la hiérarchie de l’habitat s’exprime ici avec plus de subtilité, de la petite ferme ou du simple entrepôt au gros établissement présentant les indices d’un standing supérieur. Les prospections systématiques révèlent également des formes d’habitat originales –que j’ai qualifiées de « polynucléaires »– dans le vallon de Magrignane et à Tour d’Aix. On peut y voir des sortes de hameaux étendus. Dernière différence majeure avec le secteur méridional, l’habitat rural fait preuve ici d’une vitalité remarquable jusqu’à la fin de l’Antiquité. Même si bon nombre d’établissements connaissent un ralentissement de leur activité aux iiie et ive s., ce dernier est suivi d’un sursaut incontestable aux deux siècles suivants. Toutes ces observations vont dans le sens de la permanence d’un espace culturel hérité du territoire de l’ancien oppidum de Saint‑Blaise à l’époque romaine.

2.2 Typologie fonctionnelle de l’habitat dispersé du Haut‑Empire

  • 3 Voir les conclusions développées pour le Lunellois dans Favory et al. 1994 : 233.

27L’examen de l’évolution et de la répartition de l’habitat dispersé fait nettement apparaître la diversité et l’hétérogénéité de la campagne au Haut‑Empire3. La notion d’« habitat dispersé » recouvre de multiples cas de figures, qui vont du simple gisement interprété comme un lieu de stockage à des formes d’habitat plus complexes, à la limite de l’habitat groupé. De grands types se dégagent néanmoins, qu’il convient de présenter à travers des exemples concrets.

2.2.1 Les villae

28Pour les raisons évoquées plus haut, les villae sont peu nombreuses et occupent une position « marginale » dans le secteur étudié. De plus, elles sont très mal connues, aucun plan, même partiel, ne permettant de concrétiser un discours qui repose uniquement sur les données de prospection, l’observation des vestiges visibles en surface et une carte de répartition. Deux sites ont livré un mobilier particulièrement riche, qui permet de saisir précisément leur évolution chronologique : Péricard et Sivier.

2.2.1.1 La villa de Péricard (SM‑34)

29Implantée à la cote 25 m ngf sur un replat structural, la villa de Péricard domine au sud la vaste dépression de Plan Fossan, aujourd’hui intensivement cultivée, et à l’ouest l’étang du Pourra. Les vestiges, très arasés par les labours modernes, laissent apparaître un réseau de murs régulièrement organisés sur une superficie d’un hectare au moins. La technique de construction utilisée est celle du petit appareil lié au mortier de chaux, comme en témoigne un angle de murs dégagé par l’érosion au sud‑ouest du plateau. Un sol de terrazzo se distingue également au nord‑ouest du site, délimité sur deux côtés par un départ de mur recouvert d’un béton de tuileau, avec joint en quart‑de‑rond. La découverte d’un chapiteau de colonne, de fragments de marbre et d’enduit mural monochrome, de briques de chauffage, de très nombreuses tegulae, de débris de dolium et de meules en basalte atteste la juxtaposition d’une partie résidentielle relativement luxueuse et d’un secteur à vocation agricole.

30La présence de céramique campanienne B, de céramique engobée dite « rouge pompéienne », de céramique à paroi fine et de formes précoces de sigillée italique (assiettes Goudineau 23, 20/25) et sud‑gauloise (tasse Ritterling 5) permet de dater l’occupation initiale de la fin du ier s. av. J.‑C. Le « profil chronologique » élaboré à partir des formes de céramiques fines présente toutefois un faciès très particulier (fig. 67) : après une longue phase de « démarrage », que l’on peut situer entre 20 av. J.‑C. et 80 de n.è., le plein développement du site paraît se placer entre 80 et 260, avec un « pic » bien marqué autour de 140‑220. L’occupation se poursuit jusqu’à la fin de l’Antiquité, mais semble très limitée à partir du ive s. Cette évolution se distingue radicalement de celle des autres établissements agricoles du secteur des Étangs, à la fois par la lenteur apparente de la mise en place de l’occupation, par sa continuité, dans le courant des iiie et ive s., et par la ténuité des indices caractéristiques des ve et vie s.

FIG. 67 – Profil chronologique de la villa de Péricard (SM‑34).

31Les fouilles de villae conduites en Provence ont montré que les établissements les plus anciens sont fréquemment précédés d’aménagements sommaires en matériaux périssables. Ainsi, le premier état de la villa de Pardigon 2, daté de la fin du ier s. av. J.‑C., correspond‑il à un édifice en pierres sèches, aux sols en terre battue et à toiture légère soutenue par un poteau de bois, évoquant les techniques de construction de l’âge du Fer (Brun et al. 1988 : 26‑39 ; Congès, Lecacheur 1994 : 280). La première véritable villa apparaît peu avant le changement d’ère (état 2), mais elle est reconstruite au profit d’un vaste édifice (état 3) vers le milieu de ce siècle. L’ensemble est encore agrandi à la fin du ier s. et au début du iie (aménagement d’une aile et de nouveaux thermes). La villa de Saint‑Julien‑les‑Martigues connaît une évolution assez similaire, malgré l’absence d’implantation préalable (Rivet 1993 : 4). Sa mise en place n’est pas antérieure aux années 25/30 de n.è. Les premiers aménagements (état I) consistent en murs liés à l’argile, ordonnés selon un plan régulier autour d’une cour centrale à portiques. Vers 50/60, l’établissement est pourvu d’une installation thermale et d’une cour secondaire ; le hall reçoit une mosaïque (état II). À la fin du ier s., le balnéaire est agrandi et les pièces d’habitation sont remodelées (état IIIA/B). Dans le Var et le Vaucluse, certaines villae apparaissent plus tardivement encore : ainsi l’état 1 de la villa de Pardigon 1/3 n’est pas antérieur au troisième quart du ier s., et les premiers aménagements destinés à en améliorer le confort se placent au début du siècle suivant (Brun et al. 1988 : 41 ; Congés, Lecacheur 1994 : 282). À Bonnieux (Vaucluse), la stratigraphie de la villa de Saint‑Jean révèle quant à elle une occupation continue du iie s. au début du vie (Bellet 1990 : 38‑39). Les exemples précédents s’accordent bien avec l’image fournie par le « profil chronologique » de la villa de Péricard.

32L’examen du matériel recueilli à la surface de la villa révèle enfin la très nette prédominance des céramiques fines, qui représentent 70,6 % du mobilier caractéristique du Haut‑Empire, contre 28 % pour les céramiques communes. Quant aux amphores, leur part demeure étonnamment marginale (1,3 %). Cette situation tranche nettement avec celle qui est observée sur la plupart des établissements ruraux contemporains du secteur des Étangs.

2.2.1.2 La villa de la Pointe Baumasse (PB‑12)

33Le site de la Pointe Baumasse est implanté en bord de mer, sur une avancée rocheuse, au nord‑ouest de Port‑de‑Bouc. Orienté au nord, il regardait vers le fond du golfe de Fos. Les auteurs de la Statistique des Bouches‑du‑Rhône y voyaient les vestiges d’une prétendue ville de Stomalimné (Villeneuve 1824 : 223‑224, 256, 303‑304, 928, pl. X, 9).

34Le témoignage direct d’A. Saurel (1865 : 39‑44) est particulièrement précieux : « Ce que j’ai vu, en 1856, consistait en très peu de choses, et je transcris la note au crayon que j’écrivis sur les lieux mêmes dans une de mes pérégrinations sur la plage de l’Ourse : les pierres des murailles, petit appareil, sont reliées entre elles par du béton. Il n’y a que deux blocs de pierre volumineux, superposés. Une partie des murs est enduite de ciment rouge. Immédiatement au‑dessus des pierres repose une couche épaisse de ciment grossier. Un cordon de briques est placé à une hauteur de 50 centimètres au‑dessus du sol ; les murs, à l’endroit où ils sont le mieux conservés, ont une hauteur totale de deux mètres environ. Des fragments nombreux de briques à rebords, de marbre blanc, gris et vert ; des anses d’urnes et d’amphores jonchent le sol. Ces débris datent évidemment de l’époque romaine ». L’auteur précise cependant qu’aucune structure n’a été découverte lors du creusement des fondations d’une maison immédiatement à l’arrière du rivage, sur le site même, à l’exception de quelques monnaies. Il mentionne en revanche une monnaie d’or de Vespasien découverte dans la mer non loin de là. En 1921, L.‑A. Constans (1921 : 168‑169) signale « des restes de constructions que la mer recouvre en partie » et, « en arrière, de grandes citernes ». Il identifie le site à Maritima Avaticorum.

35Une partie des vestiges précédents était encore visible en 1973. A.‑M. Vigoureux (1973 : no 27) écrit alors : « Le long de la plage N‑S, on peut suivre dans la dune littorale abrupte les restes d’un mur et de nombreuses tegulae. Du côté de la plage E‑O, les ruines sont plus abondantes et l’on voit encore en place des murs sur une hauteur de 1,50 m environ, tout le long de la plage et qui sont sapés régulièrement par la mer ». Elle donne une description plus précise de ces derniers vestiges qui « s’ordonnent suivant une sorte de quadrillage et constituent une série de bassins en petit appareil régulier et soigné », confirmant ainsi les observations de L.‑A. Constans. Elle signale de « grandes pierres taillées » repérées également sous l’eau par des pêcheurs. Malheureusement, elle n’a réalisé aucun relevé et seules sont conservées quelques photographies (fig. 68). Le mobilier recueilli est plutôt rare : un fragment de sigillée sud‑gauloise, deux fragments de sigillée claire A, un fragment de sigillée indéterminé, de la céramique commune grise et rouge à dégraissant, un morceau de stuc rouge et des fragments de tegulae. L’auteur conclut à une « station portuaire » occupée du ier au iiie s.

FIG. 68 – Vue des bassins de salaison de la villa de la Pointe Baumasse (PB‑12) en 1973. La vue, prise en direction de l’ouest, montre des constructions en moellons réguliers assemblés au mortier de chaux.

36En 1988, il restait très peu de choses des vestiges photographiés par A.‑M. Vigoureux quinze ans plus tôt. Subsistait essentiellement un grand mur d’axe est‑ouest parallèle au rivage, large de 1,35 à 1,55 m et quasiment fondé au niveau de la mer. Conservé sur 11,60 m de longueur et environ 1,50 m de hauteur, il semblait se poursuivre dans l’eau sur au moins 2 m. Deux sections de murs s’y rattachaient à angle droit. L’une, visible sur 2 m et large de 1,60 m, se dirigeait vers la mer au nord. L’autre, visible également sur 2 m, était décalée d’environ 2 m par rapport au mur précédent et se dirigeait vers le sud. L’ensemble était assez soigneusement bâti en petit appareil parallélépipédique lié au mortier. Il pourrait effectivement s’agir de bassins, qui seraient à l’origine du toponyme « Baumasse », fréquemment associé en Italie aux citernes des villae. Ces structures correspondent bien à celles qui sont décrites par A. Saurel. Le plan qu’en donne ce dernier révèle l’ampleur des vestiges encore visibles au xixe s. (fig. 69). On y voit un grand mur d’axe est‑ouest d’une quarantaine de mètres de longueur, dont une petite partie seulement a été conservée., recoupé perpendiculairement par une série de cinq murs. A. Saurel interprétait ces vestiges comme des éléments de quai. Personnellement, j’y verrais plus volontiers les ruines de viviers associés à une villa maritima.

FIG. 69 – Vestiges de la Pointe Baumasse au XIXe s. (d’après Saurel 1865 : pl. II).

2.2.1.3 La villa de Tholon (MA‑5)

37La villa de Tholon est mentionnée pour la première fois par les auteurs de la Forma : « À la source, à 1 500 m au nord de la route de Martigues, poterie sigillée, amphores, tuiles très abondantes » (Benoit 1936 : no 169A). Elle est implantée sur le rivage de l’étang de Berre. En 1964, une fouille de sauvetage révèle à 0,80 m de profondeur une série de murs bâtis en petit appareil régulièrement taillé, conservés sur une hauteur de 2 m et recouverts par endroit d’un enduit à décor floral polychrome rouge, bleu, noir et blanc (Inf. archéo. Gallia, 14, 1956 : 224 ; 22, 1964 : 585‑586 ; Michon 1973 : 10). Le mobilier recueilli se compose, entre autres, de fragments de céramique campanienne, de sigillée italique et sud‑gauloise, de céramique à paroi fine, de « lampes à bec d’enclume », d’un as de Nîmes au crocodile et d’un grand plat en sigillée claire D. La multiplication des sondages sur une superficie totale de quatre hectares a permis de constater l’étendue considérable de ce site, qui pourrait laisser supposer l’existence d’un vicus. L’absence de rapport de fouille invite toutefois à considérer avec prudence le peu de données disponibles.

2.2.1.4 La villa de Sivier (IS‑4)

  • 4 Le domaine actuel de Sulauze, qui englobe les vestiges en question, est une exploitation viticole.

38Un établissement important a été découvert en 1991 sur le rebord de la corniche qui surplombe l’atelier de fabrication d’amphores de Sivier (IS‑5). Aucun vestige n’était visible en surface, mais un mobilier remarquablement abondant et varié a été recueilli sur plus de deux hectares au total. La nature des matériaux de construction observés –qui comprennent, outre d’abondants fragments de tegulae, des fragments de briques de chauffage, un fragment d’enduit peint monochrome et une tesselle de mosaïque blanche– permet d’y voir une villa (fig. 70). À quelques dizaines de mètres à l’est, la prospection a révélé une installation de pressage aménagée dans un rocher et interprétée comme un fouloir, que l’on ne peut s’empêcher de mettre en rapport avec l’atelier de potier situé immédiatement en contrebas. Il s’agit très certainement là d’un domaine viticole antique, où les différentes mailles de la chaîne de production sont clairement attestées : installation de pressage, lieu d’habitation, fabrication d’amphores pour la commercialisation4. On signalera aussi la présence de scories, de fragments de meule en basalte et de dolium, témoins d’activités complémentaires telles que la forge, la mouture et le stockage du vin et/ou des grains.

FIG. 70 – L’exploitation domaniale de Sivier (IS‑4/5) d’après les prospections.

39Le « profil chronologique » de ce site révèle une occupation précoce et continue de l’époque augustéenne jusqu’au milieu du iiie s. (fig. 71). Les ramassages ont révélé la présence de céramique campanienne A et B, de céramique commune italique, de céramique rouge « pompéienne », de céramique à paroi fine, de formes précoces de sigillée italique (Goudineau 18 et 27) et sud‑gauloise (Dragendorff 19). Mais on observe deux différences par rapport à la villa de Péricard : d’une part, la mise en place de l’occupation semble se faire ici en une seule fois, dès le changement d’ère, et non pas de manière progressive ; d’autre part, le site connaît un développement important à la fin de l’Antiquité. La composition du mobilier est aussi très différente, puisque la céramique commune prédomine ici, avec 48,4 % des fragments, devant la céramique fine (30,5 %) et les amphores (21,1 %). Il faut certainement voir dans l’inégale représentation des amphores sur ces deux établissements la conséquence d’activités productives de nature différente, ou bien celle d’une répartition différente de l’habitat et des zones de production. L’importance des amphores sur la villa de Sivier s’explique certainement par le développement d’une viticulture domaniale justifiant la fabrication de conteneurs pour le stockage et la commercialisation du vin.

FIG. 71 – Profil chronologique de la villa de Sivier (IS‑4).

40Il est probable qu’une différenciation pourrait être opérée au sein du réseau des villae. Les recherches conduites en Beaucairois ont montré la juxtaposition de deux types d’exploitations domaniales :
– les grandes villae de piémont, qui intègrent parfois un atelier de fabrication d’amphores, semblent vouées à l’agriculture spéculative et bénéficient, de par leur situation, des ressources variées de terroirs complémentaires ;
– les villae de plaine, dont la nature de la production demeure inconnue (Bessac et al. 1987 : 110‑112). Au premier type pourrait correspondre la villa de Sivier (IS‑4) ; au second, celle de Péricard (SM‑34), tandis que l’établissement de la Pointe Baumasse (PB‑12) s’apparente davantage à une villa maritima.

2.2.2 Les formes d’habitat « polynucléaires »

41Les prospections ont fait apparaître deux zones de concentration exceptionnelle de matériel archéologique, qu’il convient de traiter séparément, du fait de leur spécificité : le vallon de Magrignane et le secteur de Tour d’Aix. Dans les deux cas, l’étendue et la densité remarquables des découvertes invitent à évoquer un habitat de type « polynucléaire », ou « semi‑aggloméré », dont la nature et la fonction exactes sont encore difficiles à définir.

2.2.2.1 L’habitat « polynucléaire » du vallon de Magrignane (SM‑42/45/46/48/53)

42Selon C. Rostaing, le toponyme Magrignane serait un dérivé en ‒anus du nom d’un propriétaire terrien gallo‑romain (com. pers.). Mais on pourrait très bien y voir un dérivé du même type que le nom d’Engrenier, toponyme d’origine romane attesté dans les livres terriers de 1467 et 1501, dont la racine gran signifie « grain » (Coye, Lagrue 1988, II, Eng). Comme cette zone très fertile, la dépression de Magrignane a pu devenir une sorte de « grenier à blé », à condition d’être drainée. C’est probablement là l’explication de la densité remarquable des implantations dans ce secteur dès le Néolithique final (fig. 42) et le premier âge du Fer (fig. 50), mais surtout au Haut‑Empire (fig. 72) et à la fin de l’Antiquité (fig. 118). Pour le Haut‑Empire, les prospections ont permis de cartographier une dizaine de points de découverte de mobilier, tant dans le fond du vallon que sur le bas des versants qui le bordent. L’essentiel de l’habitat se concentre au nord de l’étang, dans un espace long d’un kilomètre dans le sens nord‑sud, et large de 500 m en moyenne, soit une cinquantaine d’hectares.

FIG. 72 ‒ Le vallon de Magrignane au Haut‑Empire.

43L’établissement des Clapières (SM‑45) est le site le plus important. Il est implanté sur un entablement rocheux dominant la dépression d’une dizaine de mètres. Le mobilier, recueilli en abondance sur 8 000 m2, révèle une occupation remontant à la fin du viie s. av. J.‑C. et continue de l’époque augustéenne à la fin du vie s, (fig. 73). Si les témoins de l’Antiquité tardive sont de loin les plus abondants, l’occupation du site au Haut‑Empire n’en est pas moins évidente. Celle‑ci se met précocement en place, comme le laisse penser la présence de céramique campanienne B, de paroi fine et de sigillée italique. La sigillée sud‑gauloise est bien représentée, tout comme la sigillée claire A, B et C. La vaisselle commune se compose de céramique calcaire, engobée ou non, de céramique « commune oxydante micacée » et de céramique « rouge et noire globulaire ». La composition du mobilier du Haut‑Empire est très éloignée de celle de la villa de Péricard (SM‑34) ou de l’établissement de Saint‑Macaire (MA‑2) : la prédominance de la céramique commune (50,5 % du mobilier) sur la vaisselle fine (42,8 %) et les amphores (6,7 %) rapproche davantage le site des Clapières de celui de Sivier (IS‑4) (fig. 74). On observera que les amphores du Haut‑Empire (italiques, tarraconaises, bétiques et gauloises) sont peu représentées en regard des amphores tardives (africaines et orientales). Enfin, bien qu’aucune structure ne soit visible en surface, les nombreux fragments de tegulae, d’opus caementicium et de mortier de chaux vont dans le sens d’une construction en dur. L’absence de traces d’enduit peint et de tout élément de confort indique toutefois un mode de vie modeste. L’abondance des débris de meule en basalte, des fragments de dolium et la présence de scories de forge attestent l’existence d’activités de stockage et de transformation agricole et artisanale.

FIG. 73 ‒ Profil chronologique du site des Clapières (SM‑45).

FIG. 74 ‒ L’habitat « polynucléaire » du vallon de Magrignane au Haut‑Empire : proportion des différentes catégories de mobilier. Ce document met en évidence une organisation hiérarchisée de l’habitat : au sud d’un noyau consacré aux activités domestiques (SM‑45), établi sur un replat dominant le vallon, plusieurs implantations plus modestes semblent vouées davantage au stockage ou à la transformation de la production. Au nord, les deux établissements du vallon de Mauvegeane apparaissent bien distincts du groupe précédent.

44Les prospections ont révélé l’existence d’un établissement contemporain, immédiatement en contrebas du précédent à l’ouest, au fond du vallon (SM‑46). Le matériel, recueilli sur 5 000 m2, présente un faciès identique attestant, outre une fréquentation durant la Préhistoire et le premier âge du Fer, une implantation à l’époque augustéenne (sigillée italique Goudineau 18, céramique à paroi fine). L’occupation de ce site perdure au Haut‑Empire jusqu’à la fin de l’Antiquité, sur le modèle de l’établissement précédent (fig. 75). La composition du mobilier du Haut‑Empire présente toutefois une nette prédominance des amphores (45,4 %) sur la vaisselle fine (31,8 %) et la céramique commune (22,7 %), révélant ainsi la prépondérance de l’activité de stockage. La présence de fragments de dolium et d’une scorie de forge confirme l’hypothèse d’une annexe accolée au site précédent, La position relative des deux implantations est intéressante : le corps d’habitation principal se situe en effet sur un replat, aux environs de la cote 50/55 m ngf, tandis que les bâtiments que l’on peut qualifier d’annexes se situent environ dix mètres en contrebas. Ce schéma semble courant dans le secteur des Étangs, particulièrement dans la zone bégudienne de Saint‑Mitre, où les dépressions humides sont plus difficilement drainables que dans la zone des plateaux calcaires. On le retrouve, avec des variantes, à Péricard (SM‑34), à Courtine (SM‑56) et à Mauvegeane (SM‑37).

FIG. 75 ‒ Profil chronologique du site de Niveau (SM‑46).

  • 5 Sur ces différents sites, la part des céramiques communes varie entre 35 % et 53,7 %, celle des amp (...)

45Plusieurs autres établissements se distinguent alentour, sur le versant oriental de la butte du Collet‑Redon (SM‑48), en bordure de l’étang de Magrignane (SM‑53) ou au nord du vallon (SM‑42). La plupart se localisent sur des replats de bas de versant, dominant ainsi la dépression d’une dizaine de mètres. Ils sont occupés durant le Haut‑Empire et, pour la plupart, jusqu’à la fin de l’Antiquité (fig. 76). La céramique commune et les amphores y composent toujours l’essentiel du mobilier, devant la vaisselle fine5. Fragments de dolium, débris de meule en basalte et scories de forge témoignent d’activités de stockage et de transformation. La fréquence des découvertes isolées au fond du vallon invite à voir là la conséquence de la mise en culture systématique des zones basses (SM‑44/47/50/51/53). L’extension de l’agro‑système aux versants peut également être supposée en plusieurs points, particulièrement au Collet Redon (SM‑49) et aux Roqualèdes (SM‑43). Par ailleurs, A.‑M. Vigoureux (1973 : no 11/2) signale l’invention d’une base de pressoir sur le versant opposé, au pied du plateau du Lèbre (SM‑54). On peut imaginer qu’une partie des bas plateaux et des versants dominant le vallon était plantée de vignes et/ou d’oliviers, les zones basses étant vouées à la céréaliculture.

FIG. 76 ‒ Profil chronologique de quelques sites du vallon de Magrignane.

46On a donc là un exemple de mise en valeur d’une zone présentant des terroirs complémentaires (étang, vallon humide, versants et bas plateaux) à partir d’une forme d’habitat originale, que l’on qualifiera davantage de « polynucléaire » ou de « nébuleuse » que d’« agglomérée », selon les formules utilisées à propos de l’habitat de la vallée du Berbian à Lunel‑Viel (Favory et al. 1994 : 231‑232). Peut‑être cette forme d’occupation du sol résulte‑t‑elle de la nécessité, pour une communauté, d’associer ses efforts pour exploiter un milieu difficile et a priori répulsif, grâce à la mise en œuvre de moyens habituellement rencontrés dans les exploitations domaniales. On ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec le modèle qui nous est offert dans ce même secteur à l’époque du maximum de population en milieu rural. Dès le xvie s., les tentatives de drainage de l’étang de Magrignane se sont vainement succédées. En 1791, une association de propriétaires de Saint‑Mitre entreprend avec succès la construction d’un émissaire souterrain, qui permet de gagner près de 300 ha d’un terrain particulièrement fertile (Villeneuve 1824 : 937 ; 1829 : 68). Dans le même temps, les versants font l’objet d’une mise en culture systématique, grâce à l’aménagement de restanques. L’opération semble avoir eu une grande cohérence, la trame parcellaire des versants étant projetée sur l’étang asséché (fig. 77). On a là un exemple d’action communautaire sur un milieu naturellement défavorable à l’agriculture, qui s’inscrit dans le cadre de l’économie villageoise. À sa réussite indéniable correspond très certainement celle d’une entreprise plus ancienne, comme en témoigne la longévité remarquable des implantations antiques dans ce secteur, depuis l’époque augustéenne jusqu’à l’aube du Moyen Âge.

FIG. 77 ‒ L’étang de Magrignane en 1810 d’après le cadastre de Saint‑Mitre. L’indication « terres labourables jadis » et le toponyme « les étangs » prouvent que le succès de la tentative de drainage entreprise en 1791 a été relativement éphémère.

47De récents travaux tendent à faire apparaître des formes d’habitat complexe de ce type dans différentes régions de Narbonnaise. J’ai déjà cité l’exemple de l’habitat « polynucléaire » de la vallée du Berbian, où deux zones d’habitat –les Conques et les Baisses– se juxtaposent à moins de 600 m de distance durant le Haut‑Empire (Favory et al. 1994 : 231‑232 et fig. 53). Les auteurs des prospections y ont décelé une aire de stockage, caractérisée par une abondance de fragments de dolia et d’amphores, une zone d’habitation de faible dimension (entre 0,1 et 0,3 ha) et peut‑être une aire funéraire. Ils émettent l’hypothèse d’une spécialisation des différents secteurs. Cette organisation perdure jusqu’aux ive et ve s. La découverte de fragments de plaques de marbre reflèterait « une certaine aisance » des occupants. Dans la vallée du Calavon (Vaucluse), des formes d’habitat comparables ont été mises en évidence. Il s’agit de groupements de sites proches les uns des autres que les auteurs des prospections interprètent comme des hameaux. C’est le cas au pied du village de Bonnieux, où plusieurs gisements antiques situés au débouché de la combe de Lourmarin semblent correspondre à un « hameau étalé » (Bellet 1990 : 41). Il pourrait en aller de même du site de Fumières, qui s’étend sur 250 m de long et 125 m de large et est occupé du ier s. av. J.‑C. au ve s. de n.è. Dans tous les cas, la longévité de ces formes d’habitat est le signe d’une forte cohésion sociale.

2.2.2.2 Le site de Tour d’Aix (IS‑41/42/43/44) : villa ou hameau agricole ?

  • 6 Considérant l’étendue et l’importance des vestiges repérés en surface, B. Bouloumié et J. Soyer (19 (...)

48Le site de Tour d’Aix se caractérise par un « éclatement » des points de découverte autour d’une zone centrale bien caractérisée (fig. 78)6. Celle‑ci (IS‑44) se localise en bordure de plateau, sur un petit promontoire légèrement escarpé, bénéficiant d’une superbe vue panoramique sur l’étang de Citis. Les ramassages y ont fourni un abondant mobilier, réparti sur une superficie d’un hectare, qui atteste une implantation précoce (céramique campanienne A et B, céramique italique « rouge pompéienne », paroi fine), importante et continue jusqu’à la fin de l’Antiquité (fig. 79). La composition du mobilier du Haut‑Empire reflète un équilibre entre vaisselle fine (39,2 %), céramique commune (38,5 %) et amphores (22,3 %). L’abondance des fragments de dolium est remarquable. On note aussi la présence de débris de meule en basalte et de scories de forge. Les matériaux de construction utilisés témoignent de techniques diversifiées : tegulae, torchis, enduit peint monochrome rouge.

FIG. 78 ‒ L’habitat « polynucléaire » de Tour d’Aix au Haut‑Empire : proportion des différentes catégories de mobilier. Ce document fait apparaître un certain nombre d’établissements au nord de l’étang de Citis. L’un d’eux (à l’ouest) s’étend sur un vaste espace et semble présenter une organisation en pôles spécialisés soit dans des fonctions domestiques (IS‑42, IS‑44), soit dans des activités de stockage (IS‑41, IS‑43).

FIG. 79 ‒ Profil chronologique du site de Tour d’Aix (IS‑44).

49Au noyau d’habitation principal se juxtapose une série de zones de concentration de matériel antique. L’une d’elle a été repérée dans la petite dépression humide située immédiatement en contrebas au sud, dans un verger. Elle a livré principalement de l’amphore italique. Par ailleurs, B. Bouloumié et J. Soyer (1990 : 132‑133) signalent des découvertes de tuiles, de fragments d’amphores et de constructions antiques en bordure de l’étang. Un autre site a été repéré à environ 250 m à l’ouest du secteur d’habitation principal, de l’autre côté de la route D52, au lieu‑dit Vigne Gaste (IS‑42). Le mobilier recueilli sur près d’un hectare y est identique à celui du secteur central, mais sa composition diffère sensiblement : la part des amphores (40,3 %) est presque aussi importante que celle des céramiques communes (43,8 %), et largement supérieure à celle de la vaisselle fine (15,8 %). De toute évidence, il s’agit là d’un lieu de stockage où la fonction domestique est secondaire (entrepôt ? grenier ?). La présence de nombreux fragments de dolium va dans ce sens. La découverte de débris de meule en basalte, de scories de métallurgie et d’une fusaïole en terre cuite atteste l’existence d’activités complémentaires de transformation agricole et artisanale : mouture du grain, forge, tissage étaient donc également pratiqués hors de la zone d’habitation principale, où l’on a vu que la fonction de stockage occupe néanmoins une place importante. Enfin, la rareté des tegulae contraste avec la présence de résidus de torchis, confirmant ainsi l’hypothèse de constructions en matériaux périssables destinées davantage à des fonctions productives ou au stockage qu’à l’habitation.

50Immédiatement à l’ouest, au pied de la petite butte de Capeau (IS‑43), la prospection a révélé une faible concentration de matériel antique dispersé sur 6 000 m2 et identique à celui des sites précédents. Sa composition accentue encore la tendance constatée sur le site de Vigne Gaste : les amphores y prédominent largement (69,2 %) sur les céramiques communes (20,5 %) et la vaisselle fine (10,2 %). Dolium et tegulae sont très rares. Il s’agit là probablement du prolongement du site précédent, ou bien d’une petite unité dépendante. On notera enfin la présence d’une carrière au sommet de la butte de Capeau (IS‑40). Quelques fronts de taille et trois négatifs de colonnes y ont été observés.

51Il est tentant de voir dans la vaste zone d’épandage d’amphores italiques localisée immédiatement au nord de l’habitat « polynucléaire » de Tour d’Aix (IS‑41) la confirmation de l’existence, à cet endroit, d’un véritable hameau agricole hérité de La Tène III. La relative modestie du mobilier et des matériaux de construction mis en œuvre, l’extension considérable des vestiges et leur dispersion en unités bien distinctes rendent cette hypothèse préférable à celle d’une villa associant pars urbana et pars agraria.

2.2.3 Les établissements de classe supérieure

52Les « établissements de classe supérieure » correspondent aux sites les plus importants qui ne s’apparentent ni aux villae ni aux formes d’habitat « polynucléaires » dont il vient d’être question. Tout laisse penser, comme on le verra, qu’il s’agit d’exploitations en faire‑valoir direct indépendantes des villae. On en compte cinq pour le Haut‑Empire, mais ce nombre n’est en rien limitatif et reflète surtout le hasard des découvertes et les conditions de lisibilité. Si l’on excepte le site de Saint‑Macaire (MA‑2), qui se localise dans le secteur des collines méridionales, toutes les autres implantations se trouvent dans la zone des plateaux molassiques, où elles se répartissent équitablement entre deux secteurs : le vallon qui s’étend de l’étang de Magrignane à Mauvegeane (SM‑37/56) et la bordure septentrionale de l’étang de Citis (IS‑33 et SM‑1).

2.2.3.1 L’établissement de Mauvegeane (SM‑37)

53L’établissement de Mauvegeane est précocement implanté sur un replat de bas de versant dominant un vallon (fig. 72). Orienté au sud, il bénéficiait d’un excellent ensoleillement, d’une vue agréable sur l’étang de Berre et se trouvait en même temps à l’abri du vent et de l’humidité des zones basses. Ces dernières constituaient un potentiel agricole non négligeable, mais nécessitaient la mise en œuvre d’un réseau de drainage destiné à faciliter l’écoulement des eaux du vallon vers celui de Massane. En outre, le versant et le plateau de Caderaou situés en arrière offraient des ressources complémentaires (vergers, élevage des ovicapridés, chasse, bois). Ce site de 6 000 m2 se distingue pourtant des autres par la brièveté de son occupation.

54Le mobilier, très homogène et bien conservé, est caractéristique de l’époque augustéenne et du ier s. de n.è. (fig. 80). La céramique commune italique et la céramique à paroi fine sont abondantes. La sigillée italique présente un faciès particulièrement précoce (Goudineau 15, 20/22, 27), dont la première diffusion s’opère dans l’avant‑dernière décennie précédant le changement d’ère. La sigillée sud‑gauloise est représentée par une majorité de formes de la première moitié du ier s. (Ritterling 8, Dragendorff 2/21, 16, 24/25, 29). Les formes postérieures sont plus rares (Dragendorff 33, 35/36) et l’absence du type Dragendorff 37 suggère un abandon précoce. La composition du mobilier se rapproche assez de celle du site de Saint‑Macaire (MA‑2), dont l’occupation se limite également au Haut‑Empire. Elle se caractérise par une prépondérance très nette de la vaisselle fine (57,4 %) sur la céramique commune (20,8 %) et les amphores (21,7 %). La vaisselle commune est essentiellement composée de céramique à pâte claire, parfois engobée, de céramique « commune oxydante micacée » et de céramique grise du type dit « de Vaison ». Les amphores sont d’origine italique, marseillaise et gauloise. Les fragments de dolium et de meule en basalte sont rares. Pour tout matériau de construction n’ont été observées que d’abondantes tegulae. Toutes ces caractéristiques rappellent celles du site de Saint‑Macaire, malgré l’absence complète de traces de mortier et d’enduit peint.

FIG. 80 ‒ Profil chronologique du site de Mauvegeane (SM‑37).

55La prospection a fait apparaître un autre établissement, localisé à moins de 500 m en contrebas à l’ouest, au débouché du vallon sur celui de Massane (SM‑35). Moins important que le précédent en apparence, ce site est occupé plus durablement, du ier au vie s. La composition de son mobilier révèle une nette prépondérance de la céramique commune (46,1 %) et de la vaisselle fine (38,5 %) sur les amphores (15,4 %), offrant une image assez différente de celle de l’implantation augustéenne. La présence de tegulae indique une construction en dur, Les fragments de dolium, de meule en basalte et quelques scories de forge attestent une activité diversifiée. La chronologie relative des deux implantations témoigne clairement de leur succession et, partant, d’une descente de l’habitat vers les zones basses dans le courant du ier s. L’abandon rapide de l’habitat primitif (SM‑37) s’expliquerait par son inadaptation aux conditions nouvelles du milieu, tandis que le second semble prendre de l’importance à la fin de l’Antiquité.

2.2.3.2 L’établissement de Courtine (SM‑56)

56La tradition locale associe au domaine moderne de Courtine une villa gallo‑romaine.

  • 7 Selon A. Grenier (1931, VI, 2 : 915), les noms dérivés de la racine curtis indiquent parfois le dém (...)

57Dès 1824, les auteurs de la Statistique des Bouches‑du‑Rhône affirmaient de l’étang de Magrignane que « ses rives étaient bordées de villae et d’établissements romains » (Villeneuve 1824 : 305, 934‑935). Selon eux, « MM. Toulouzan et Négrel ont découvert des ruines de plusieurs grands édifices dans la propriété de Mme Tavernier de Courtine »7. Un siècle plus tard, l’Encyclopédie des Bouches‑du‑Rhône reprend cette assertion : « Il est certain, d’autre part, qu’il y avait des villae à Courtine, dans l’étang de Magrignane » (Bergounhoux, Masson 1933 : 256). À leur suite, les auteurs de la Forma signalent une « villa dans la propriété Tavernier, à Courtine » (Benoit 1936 : no 294). A.‑M. Vigoureux (1973 : no 1) décrit une implantation « de grande importance » sur le flanc sud de la colline des Colles. Le mobilier recueilli par l’auteur se compose de sigillée italique et sud‑gauloise (formes Dragendorff 22, 23 et 27), de céramique commune à dégraissant blanc, de débris d’amphores et de dolia, de nombreux fragments de tegulae et de stuc rouge et brun. A.‑M. Vigoureux en déduit que l’occupation se limite à la fin du ier s. av. J.‑C. et au ier s. de n.è. Elle conclut : « On peut envisager ici la présence d’une villa commandant une vaste zone dans la dépression de Magrignane. L’étendue du domaine s’étant perpétuée dans les vastes propriétés de Mme Tavernier de Courtine, attestées au xixe s. dans les cadastres ».

58De fait, le mobilier recueilli en assez grande abondance se répartit sur une superficie de plus d’un hectare au pied de la butte des Colles. On en trouve en plus faible quantité sur le premier replat, qui domine la dépression humide à la cote 75 m ngf. Son examen confirme la précocité de cette implantation, que l’on peut placer à la fin du ier s. av. J.‑C. (sigillée italique, céramique à paroi fine, sigillée sud‑gauloise précoce). Mais il témoigne aussi d’une réoccupation tardive, aux ve et vie s., après un abandon apparent dans le courant des iiie et ive s. (fig. 81). La composition du mobilier du Haut‑Empire, assez proche de celle des sites de Mauvegeane (SM‑37) et de Saint‑Macaire (MA‑2), reflète la prépondérance des céramiques fines (49,3 %) et communes (36,2 %) sur les amphores (14,5 %). La présence de nombreux débris de dolium, d’un fragment de meule et de scories de forge atteste des activités assez diversifiées : stockage, transformation agricole et artisanale. L’abondance des fragments de tegulae et l’utilisation de l’opus caementicium confirment l’existence de constructions en dur, tandis que la découverte de fragments d’enduit peint témoigne d’un niveau de confort supérieur à la moyenne des petits établissements agricoles. Aucun indice n’autorise toutefois à interpréter ce site comme une villa.

FIG. 81 ‒ Profil chronologique du site de Courtine (SM-56).

2.2.3.3 L’établissement de Saint‑Macaire (MA‑2)

59La première mention du site de Saint‑Macaire est le fait de la Forma, qui signale de la « poterie sigillée, sur le penchant sud de la colline » en question (Benoit 1936 : no 169). Les prospections d’A.‑M. Vigoureux (1973, no 2) confirment l’existence d’un établissement occupé de la fin du ier s. av. J.‑C. au ier s. de n.è. selon l’auteur, qui précise que « la récolte de céramique a été abondante ». Deux campagnes de ramassage effectuées après un débroussaillage puis un labour ont livré un mobilier abondant et remarquablement bien conservé, sur 4 000 m2. La fréquence de la sigillée italique, de la céramique rouge « pompéienne » et de la céramique à paroi fine témoigne d’une implantation précoce, datée au plus tard du début de notre ère (fig. 82). Les formes de sigillée sud‑gauloise les plus tardives sont constituées par des assiettes Dragendorff 18/31 et 35/36, des tasses Dragendorff 33 et des bols hémisphériques Dragendorff 37. La céramique sigillée claire A, beaucoup moins fréquente, est essentiellement représentée par les types Hayes 8 et 23A. L’abandon du site se place par conséquent au plus tard vers le milieu du iie s.

FIG. 82 ‒ Profil chronologique du site de Saint-Macaire (MA-2).

60La composition du mobilier est très proche de celle qui a été observée sur la villa de. Péricard (SM‑34), avec une nette prépondérance de la vaisselle fine (59,6 %) sur la céramique commune (22,8 %) et les amphores (17,6 %). La vaisselle commune se compose principalement de céramiques à pâte claire et à pâte noire peignée. Les amphores présentent une certaine diversité : amphore italique Dressel 1B et 2/4, amphore hispanique, marseillaise et gauloise 4. Les débris de dolium, abondants sur tout le site, attestent une activité de stockage ; les fragments de basalte, une activité de mouture. Au registre des techniques de construction, on signalera une énorme quantité de tegulae, l’usage du mortier de chaux et de l’enduit peint monochrome rouge.

61La question des rapports entre cette implantation et les villae de Péricard (SM‑34) et de Tholon (MA‑5) a déjà été posée. Ces dernières se trouvent à environ deux kilomètres à vol d’oiseau. La situation « marginale » du site de Saint‑Macaire, à la limite des domaines théoriques des deux établissements de plaine, et qui plus est dans une zone collinaire assez peu favorable à l’agriculture domaniale, permet d’envisager une exploitation « indépendante ». L’examen du matériel recueilli confirme l’existence d’une unité d’habitation et de production autonome, ce qui n’exclut en rien une relation de dépendance juridique à l’égard des grands propriétaires fonciers voisins.

2.2.3.4 L’établissement de Saint‑Verran (IS‑33)

62L’établissement de Saint‑Verran, situé à moins de 700 m au nord de celui de Tour d’Aix (IS‑44), s’en distingue par une importante occupation préromaine, attestée par de nombreux fragments d’amphores étrusques et marseillaises datés des vie et ve s. av. J.‑C. L’occupation romaine se met en place au début du ier s. de n.è., probablement dès l’époque augustéenne (céramique sigillée italique, céramique à paroi fine, sigillée sud‑gauloise précoce). Elle se développe sur près d’un hectare et perdure aux iie et iiie s. (fig. 83). L’occupation du site se maintient ensuite à un rythme réduit jusqu’à la fin de l’Antiquité.

FIG. 83 ‒ Profil chronologique du site de Saint-Verran (IS-33).

63La composition du mobilier est assez proche de celle qui est observée sur le noyau d’habitat principal de Tour d’Aix (IS‑44), malgré l’inversion du rapport céramique commune/ amphores (fig. 78) : la vaisselle fine et les amphores, qui représentent respectivement 39,6 % et 38,1 % du mobilier du Haut‑Empire, y prédominent sur la céramique commune (22,3 %), témoignant de l’étroite imbrication des fonctions domestiques et productives. Les nombreux débris de dolium et les scories de forge attestent des activités de stockage et de transformation. Quelques tegulae trahissent une maçonnerie en dur, non dénuée de confort, puisque des fragments de briques de chauffage ont été recueillis. C’est ce dernier aspect, ainsi que sa superficie importante, qui m’ont poussé à classer ce site dans la catégorie des « établissements de rang supérieur ».

2.2.3.5 L’établissement du Ranquet (SM‑1)

  • 8 Les auteurs de la Forma notent la présence de « poterie romaine » à Citis, ainsi qu’une « voie à ra (...)

64Le site du Ranquet présente un cas de figure original et en quelque sorte intermédiaire entre la catégorie des « établissements de rang supérieur » et le groupe des villae. Il n’est d’ailleurs pas totalement exclu qu’il s’agisse d’une villa. Pourtant, l’absence d’éléments de luxe particuliers –à l’exception d’une installation de chauffage par hypocaustes– m’a incité à y voir davantage une sorte de grosse ferme, bien distincte des établissements plus modestes qui constituent l’essentiel de l’habitat dispersé du secteur des Étangs durant le Haut‑Empire. Le site est bordé à l’est par une voie à rail, qui se divise à ce niveau précis en deux branches et est pourvue d’un système d’évitement (fig. 27)8. Comme celui de Tour d’Aix (IS‑44), il est implanté en bordure de plateau et domine l’étang de Citis, de telle manière qu’il lui fait face. Mais là s’arrête la comparaison. Une différence essentielle tient ici à l’absence d’implantations annexes, celles‑là mêmes qui apparentent l’établissement de Tour d’Aix à un hameau agricole. Par ailleurs, les indices de confort sont ici plus marqués : outre la présence d’enduits peints monochromes, relativement courants sur les établissements ruraux, même modestes, on remarque surtout celle de nombreux fragments de briques de chauffage, comme sur le site voisin de Saint‑Verran (IS‑33). Enfin, les vestiges d’un mur très arasé en petit appareil irrégulier sont visibles en surface.

65Comme sur les gisements des Clapières (SM‑45) et de Saint‑Verran (IS‑33), les ramassages ont révélé des indices d’occupation du premier âge du Fer (amphore étrusque et marseillaise). L’implantation gallo‑romaine semble précoce : un bord de sigillée italique de type Goudineau 27, des formes anciennes de sigillée sud‑gauloise (bols Ritterling 5 et 9) et des céramiques à paroi fine la situent dans un contexte augustéen (fig. 84). L’occupation se développe aux Ier et IIe s. de n.è. sur un hectare. Après une probable interruption ou tout au moins un ralentissement, elle semble reprendre à la fin de l’Antiquité, avec une ampleur limitée. La composition du mobilier du Haut‑Empire rappelle le faciès de la villa de Péricard (SM‑34) et des sites de Saint‑Macaire (MA‑2) et de Mauvegeane (SM‑37) : la vaisselle fine (51,9 %) y est mieux représentée que la céramique commune (40,6 %), tandis que les amphores occupent une place marginale (7,5 %) (fig. 78). Pourtant, les débris de dolium, de meule en basalte et les scories de forge, particulièrement abondants, attestent une diversification des activités productives. Le site du Ranquet paraît donc bien correspondre à une unité d’exploitation « autonome » présentant un degré de confort assez exceptionnel pour un établissement agricole.

FIG. 84 ‒ Profil chronologique du site de Ranquet (SM‑1).

66Les recherches conduites sur la commune de Lunel‑Viel montrent à quel point il est difficile de définir précisément la villa à partir des données de prospection. L’exemple de l’établissement des Casals peut être rapproché de celui du Ranquet. Ce site de 800 m2, finement prospecté, juxtapose un secteur domestique, une partie thermale et résidentielle et une aire de stockage et de transformation. Malgré un aménagement thermal qui le distingue de la plupart des autres implantations rurales, le site des Casals, de par sa superficie réduite et la nature du mobilier recueilli, reflète un mode de vie somme toute modeste (Favory et al. 1994 : 230‑231). Les auteurs en concluent à « l’absence de la grande villa au cadre somptueux » dans la campagne lunel‑vielloise, et à l’existence d’une catégorie de sites « intermédiaires », dont la superficie est généralement contenue entre 0,5 et 0,8 ha. Le problème se pose exactement dans les mêmes termes sur les établissements du Ranquet et de Saint‑Verran.

2.2.4 Les établissements de rang inférieur

  • 9 L’établissement des Soires (SM-13) n’était représenté en surface que par une vingtaine de tessons ( (...)

67La grande majorité des sites repérés en prospection –soit 35 au total– se rattachent à la classe des « établissements de rang inférieur », trop modestes, trop pauvres en mobilier ou trop peu caractérisés pour être classés dans les catégories précédentes (fig. 85). Ce groupe est donc extrêmement hétérogène, à la fois trop large –puisqu’il englobe assurément des sites importants que les conditions de révélation n’ont pas permis d’identifier –et incomplet– bon nombre de découvertes isolées, particulièrement en fond de vallon et dans les zones basses en général, pouvant correspondre à des implantations de petite dimension9. On peut néanmoins distinguer les sites dépendant d’établissements plus importants –qu’il s’agisse de villae, de hameaux ou de grosses fermes–, les unités de production « indépendantes » qui, sur le modèle observé aux Soires (SM‑13), s’apparentent à des fermes de tradition indigène, et enfin les unités de production spécialisées. Cette différenciation est souvent difficile à établir, même avec le secours des fouilles, Elle repose essentiellement sur la répartition spatiale des implantations, l’examen du matériel recueilli à leur surface et l’étude des éventuels vestiges conservés.

FIG. 85 ‒ Comparaisons interrégionales de l’habitat rural antique par classes de superficie, de matériaux, d’activité et de mode de vie (classes définies dans la partie I, § 1.2.2.3).

2.2.4.1 Les établissements « dépendants »

68Le concept d’« établissement dépendant » n’est pas pris dans une acception juridique. Il l’est ici seulement dans un sens fonctionnel et économique. On peut envisager trois cas de figures théoriques, sans prétendre épuiser par ce découpage la diversité des situations possibles.

Les annexes agricoles et artisanales

69Des « annexes agricoles et artisanales » associées à un corps d’habitation principal –et par là‑même considérées comme faisant partie intégrante de celui‑ci– ont été signalées à plusieurs reprises dans la présentation qui a été faite plus haut des établissements les plus importants, villae ou grosses fermes. Seule une prospection minutieuse peut mettre en évidence une telle différenciation de l’espace, qui passe le plus souvent inaperçue ou s’avère difficile à interpréter. Le cas du site des Clapières (SM‑45/46) est particulièrement significatif, dans la mesure où l’implantation « annexe » au corps d’habitation principal, localisée en contrebas, est topographiquement bien différenciée. Si le faciès du mobilier recueilli sur environ 5 000 m2 est identique à celui de l’implantation principale, sa composition en diffère sensiblement, avec une prédominance affirmée des amphores (45,4 % contre 6,7 %) sur la vaisselle fine (31,8 % contre 42,8 %) et commune (22,7 % contre 50,5 %) (fig. 74). En outre, les ramassages ont fourni des fragments de dolium et une scorie de forge, qui confirment le développement d’activités de stockage et de transformation complémentaires de celles pratiquées sur le replat supérieur. Enfin, la rareté des tegulae, l’absence de débris de mortier et de chaux contrastent avec leur fréquence sur l’implantation principale, les annexes étant peut‑être édifiées en matériaux périssables.

70Le corps d’habitation principal de Tour d’Aix (IS‑44) possédait également une série d’annexes, comme en témoigne la présence de plusieurs concentrations de mobilier associées à des résidus de torchis dans ses environs immédiats (IS‑41/42/43) (fig. 78). Il en allait probablement de même de la villa de Péricard (SM‑34), autour de laquelle trois petites aires de concentration de matériel laissent supposer des installations annexes (fig. 65).

Les cellules d’exploitation dépendantes

71Les « cellules d’exploitation dépendantes » correspondent à des établissements satellites inclus dans le domaine d’une villa. La question des limites domaniales a été plusieurs fois abordée, à propos des villae de Péricard (SM‑34) et de Tholon (MA‑5) en particulier. Je reprendrai donc ces deux exemples, qui permettent d’échafauder les hypothèses les plus consistantes.

Les établissements dépendant de la villa de Péricard (SM‑34)

72Le domaine de la villa de Péricard englobe à l’évidence une partie au moins de la vaste dépression humide de Plan Fossan, qui s’écoule toute entière dans l’étang du Pourra. Plusieurs zones d’épandages de tessons liés aux pratiques agricoles ont été décelées dans cette dépression aux terres lourdes et gorgées d’eau. Un seul établissement a été identifié, en revanche, au lieu‑dit Mas de l’Hôpital (PB‑5), au sud de l’étang du Pourra, à environ 750 m au sud‑ouest de la villa. Ce site d’environ 4 000 m2 a livré un matériel assez abondant, homogène et bien conservé, attestant une occupation continue depuis le début du ier s. jusqu’à la fin du vie s. La composition du mobilier du Haut‑Empire, caractérisée par la prédominance des céramiques fines (41,4 %) et communes (41,4 %) sur les amphores (17,2 %), suggère une fonction de résidence permanente. La présence de fragments de dolium, de débris de meule en basalte et de scories atteste également des activités de stockage et de transformation agricole et artisanale. Les tegulae, abondantes, sont associées à un fragment de torchis portant en négatif l’empreinte d’une latte de bois, révélant la juxtaposition de constructions en dur et en matériaux périssables. En outre, un élément de conduite en plomb et un fragment de placage de marbre invitent à supposer un certain raffinement des occupants. On ne peut s’empêcher d’effectuer un rapprochement entre ces derniers et ceux de la villa de Péricard.

73Deux autres établissements pourraient être rattachés au domaine de la villa, aux Ferrages (SM‑30) et à Fourna (SM‑29). Tous deux sont situés au nord de la villa, de part et d’autre de l’ancien oppidum des Fourques (SM‑32), Le premier occupe une position centrale au sein d’une longue bande de terre marneuse étagée en terrasses et dominant l’étang du Pourra à l’ouest. Le mobilier récolté sur près d’un hectare est caractéristique de l’époque augustéenne et de la première moitié du ier s. de n.è. Il se compose essentiellement d’amphores italiques, mais comprend également de la céramique campanienne, de la sigillée italique et sud‑gauloise, de la céramique non tournée, de l’amphore bétique et gauloise. Sa composition reflète la part écrasante des amphores (81,1 %) sur la céramique fine (13,2 %) et commune (5,7 %). On note également la présence de fragments de dolium et de tegulae. La fonction principale de cette implantation est de toute évidence le stockage des récoltes. Il pourrait s’agir là d’une tentative éphémère de mise en culture de ce secteur par les propriétaires du domaine de Péricard, à moins que cette entreprise n’ait été le fait, comme je l’ai aussi envisagé plus haut, des derniers occupants de l’oppidum des Fourques.

74L’établissement de Fourna (SM‑29) occupe quant à lui le fond du vallon qui remonte vers le nord, depuis la villa de Péricard, le long du flanc est de la butte des Fourques. Il fait l’objet, comme le précédent, d’une occupation assez brève, limitée au ier s. (céramique campanienne, sigillée sud‑gauloise). La composition du mobilier y est plus équilibrée, la part des amphores (39,5 %), moins importante que celle de la céramique commune (44,7 %), devançant toutefois largement celle de la vaisselle fine (15,8 %). Un fragment de dolium et une scorie confirment la juxtaposition d’activités de stockage et de forge à la fonction domestique. La découverte d’un fragment de placage de marbre –dont l’origine peut être mise en doute, à proximité du village de Saint‑Mitre et de constructions modernes– pourrait rappeler le souci de confort déjà observé sur l’établissement du Mas de l’Hôpital.

Les établissements dépendant de la villa de Tholon (MA‑005)

75Le problème du domaine de la villa de Tholon se pose dans les mêmes termes. Trois implantations présentant des caractéristiques assez similaires ont été repérées en bordure de la dépression qui s’ouvre à l’est sur l’étang de Berre. Il s’agit d’établissements de faible superficie, occupés uniquement durant le Haut‑Empire.

76Le site de l’Escaillon (MA‑1) est implanté sur le rebord d’un bas plateau dominant légèrement la dépression au nord. Sa superficie, apparemment réduite, n’a pu être déterminée avec précision. Le mobilier, rare, atteste une occupation aux ier et iie s., mais on note également la présence d’un bord de sigillée claire D. Les indices d’activité se limitent à un fragment de dolium et une scorie de forge. Quelques fragments de tegulae suggèrent une construction en dur. L’établissement de Barboussade (MA‑3), détruit lors de l’aménagement du stade Julien Olive, se trouvait à l’ouest de la dépression. Il a livré de la sigillée italique, de la sigillée sud‑gauloise, de la sigillée claire africaine et de la céramique commune. Sa superficie n’a pu être estimée, mais semble avoir été très modeste. Les nombreux fragments de tegulae indiquent un habitat en dur. Il en va de même du site de Cantoperdrix (MA‑4), découvert en mars 1973 par A.‑M. Vigoureux (1973 : no 4) au moment de sa destruction. L’auteur y signale de la sigillée italique, de la céramique commune à cuisson oxydante, de la commune grise et mentionne également « une suite de belles pierres taillées ».

77La position marginale de ces implantations, distantes de 750 à 1 800 m de la villa de Tholon, pourrait s’expliquer par la nécessité de mettre en culture des terrains trop éloignés pour être exploités directement depuis la villa. Deux types de cultures pouvaient se juxtaposer, dans la dépression d’une part, sur les versants et les faibles hauteurs de la zone collinaire périphérique d’autre part.

Les cellules d’habitat « polynucléaire »

78Enfin, au nombre des établissements « dépendants », on peut ajouter les cellules appartenant à un ensemble plus vaste, habitat « polynucléaire » ou hameau agricole. Les deux exemples observés dans le secteur des Étangs ont été suffisamment décrits pour qu’il ne soit pas nécessaire d’y revenir. L’habitat « polynucléaire » de la dépression de Magrignane est constitué d’une demi‑douzaine d’implantations, dont la plus importante est celle des Clapières (SM‑45/46). Trois autres établissements apparaissent comme relativement secondaires dans son environnement immédiat : il s’agit des sites de Magrignane (SM‑48/53) et des Clapières (SM‑42), qui sont implantés comme elle en bordure de la zone humide, sur des replats de bas de versant. Ces implantations modestes font pour la plupart l’objet d’une occupation longue, durant le Haut‑Empire et l’Antiquité tardive. La vaisselle commune y constitue l’essentiel du mobilier, devant la céramique fine et les amphores (fig. 74). Les fragments de dolium, de meule en basalte et les scories de forge y suggèrent des activités de stockage et de transformation. Des remarques assez similaires pourraient être faites à propos du secteur de Tour d’Aix (IS‑41/42/43/44) où, toutefois, l’éclatement de l’habitat en petites unités paraît moins prononcé (fig. 78).

2.2.4.2 Les établissements « indépendants »

79L’essentiel de l’habitat dispersé est constitué de petits établissements visiblement autonomes, dont on peut raisonnablement supposer qu’ils étaient exploités en faire‑valoir direct. Les plus importants ont déjà été présentés. Mais les plus modestes sont de loin les plus nombreux –on en compte un peu plus d’une vingtaine– et leur caractérisation ne va pas sans poser de problèmes. C’est la raison qui m’a poussé à explorer l’un d’entre eux –celui des Soires (SM‑13)– dans le cadre d’une fouille programmée dont les résultats peuvent servir de modèle.

Caractéristiques générales du petit habitat dispersé

Localisation

80Ces établissements modestes se localisent le plus souvent sur les bas plateaux molassiques du secteur central des Étangs, essentiellement le plateau du Mazet, le plateau de Castillon et celui de Saint‑Mitre. Sur le plateau du Mazet, aucun site ne se distingue par son importance, à l’exception de celui du Mazet (FO‑14). Les implantations, de dimension assez modeste, sont régulièrement espacées de 500 à 700 m. La présence de deux installations vraisemblablement liées au pressage des olives aux Errares (FO‑22) et au Collet de Carbonnière (FO‑24) laisse supposer un développement de l’oléiculture dans ce secteur. L’extraction de la pierre paraît aussi constituer une activité importante sur ce plateau, comme sur celui de Castillon, eu égard au nombre élevé de carrières et à la densité du réseau de voies à rails. La prospection du plateau de Castillon, rendue plus aléatoire du fait d’un épais couvert de pinèdes, a permis de déceler néanmoins la présence de plusieurs implantations, apparemment modestes et régulièrement réparties. Enfin, la bordure sud‑ouest du plateau de Saint‑Mitre a révélé plusieurs sites, régulièrement espacés, eux aussi, de 750 à 1 000 m. Quelques établissements de ce type apparaissent également dans les zones basses, principalement en bordure nord et nord‑ouest de l’étang de Lavalduc (FO‑6/9, IS‑30/38), en bordure méridionale de l’étang d’Engrenier (PB‑7/11), dans la dépression perchée de Rassuen (IS‑28/34) et dans le vallon de Mauvegeane (SM‑35).

Superficie

81Ces différents gisements se caractérisent par une superficie très variable, comprise entre 0,1 et 1 ha. Six établissements atteignent un hectare : le Mazet (FO‑14), Lavalduc (IS‑30), Valentoulin (PB‑6), les Emplaniers (SM‑14), les Ferrages (SM‑30) et Fourna (SM‑29). On a vu que les deux derniers pouvaient être inclus dans le domaine de la villa de Péricard. Le site de La Pinède (IS‑34) atteint 9 000 m2, ceux des Vèles (SM‑22) et de Mourette (IS‑28), 8 000 m2, celui de Mauvegeane (SM‑35), 6 000 m2. Dix autres implantations ont une superficie inférieure à 5 000 m2. Cette hétérogénéité, si elle reflète en partie la diversité des formes de l’habitat au Haut‑Empire, s’explique aussi par le fait que certains de ces établissements ont connu leur extension maximale à la fin de l’Antiquité : c’est tout particulièrement le cas des sites de Lavalduc (IS‑6/30) et de Mauvegeane (SM‑35).

Mobilier

82La quantité de mobilier caractéristique du Haut‑Empire recueillie sur ces différents gisements est également très variable, comprise entre 10 et 159 fragments. Les deux établissements des Ferrages (SM‑30) et de Lavalduc (IS‑30) ont fourni les plus gros contingents, avec respectivement 159 et 153 fragments. Cinq sites ont livré entre 50 et 100 fragments, treize moins de 50 fragments. Pour le Haut‑Empire, la moyenne générale, toutes catégories d’implantations confondues, s’établit à 108 fragments par site. La composition du mobilier est également très variable, mais elle reflète la prépondérance des amphores et de la vaisselle fine : sur neuf sites, la part des amphores prédomine ; sur huit sites, c’est celle de la céramique fine qui est majoritaire ; la part de la céramique commune l’emporte sur seulement trois sites. D’une manière générale, on constate que la proportion d’amphores est d’autant plus élevée que les établissements sont importants dans cette catégorie. Signalons, en outre, que neuf implantations ont donné des fragments de verre : il s’agit des établissements les plus conséquents, par la taille et par la quantité de matériel recueilli en surface.

Activités

83L’examen des indices d’activité révèle la prépondérance de la fonction de stockage : 20 des 23 implantations considérées ont livré des fragments de dolium, confirmant ainsi les observations qui ont été faites à propos des amphores. Les débris de meule en basalte, attestés sur 14 gisements, témoignent également d’une activité de transformation dans un cadre domestique. Enfin, des scories ont été observées sur neuf sites, signalant une activité de forge sur les établissements qui sont en général les plus importants.

Matériaux de construction

84L’étude des matériaux de construction mis en œuvre suggère une certaine hétérogénéité, bien que la majorité des établissements présentent des techniques très rudimentaires. Si 18 des 23 gisements considérés ont fourni des fragments de tegulae, en quantité d’ailleurs assez faible, seuls les trois sites des Soires (SM‑13), du Mazet (FO‑14) et de Valentoulin (PB‑6) ont révélé des indices d’un usage du mortier de chaux. En revanche, quatre implantations ont livré des fragments de placage de marbre : deux des sites précédents (FO‑14 et PB‑6), ceux du Mazet (FO‑12) et de Fourna (SM‑29). On a vu que ce dernier dépendait peut‑être du domaine de Péricard, ce qui expliquerait un souci de confort supérieur. Enfin, trois établissements de cette catégorie ont fourni des traces d’enduit peint mural monochrome : les deux sites voisins de la Mérindole (PB‑11) et de Valentoulin (PB‑6) et celui de Varage (SM‑4). Or les deux premiers ont pu entretenir des relations privilégiées avec la villa de la Pointe Baumasse (PB‑12), située à moins de deux kilomètres au sud.

Durée d’occupation

85La durée d’occupation des établissements de cette catégorie est très variable : quatre sont abandonnés dans le courant du ier s., mais trois d’entre eux sont réoccupés aux ve et vie s. ; dix sont occupés aux ier et iie s., mais sept d’entre eux sont réoccupés tardivement ; trois sont occupés aux ier, iie et iiie s., dont la ferme des Soires (SM‑13), qui fait l’objet d’une fréquentation très ponctuelle au ve s. ; deux implantations sont occupées de manière continue durant les quatre premiers siècles de notre ère ; quatre enfin le sont du ier au vie s. Globalement, les établissements les plus importants connaissent les occupations les plus longues, avec ou sans interruption aux iiie et ive s. En revanche, les implantations plus modestes semblent avoir une durée de vie plus brève, qui n’excède pas le iie s., mais elles sont souvent à nouveau fréquentées aux ve et vie s.

L’exemple de l’établissement agricole des Soires (SM‑13)

86La fouille de l’établissement agricole des Soires peut servir de modèle de référence pour mieux comprendre la nature des implantations qui constituent l’essentiel du paysage bâti du secteur des Étangs au Haut‑Empire (Trément 1995 ; 1997). Cette exploitation est occupée durant les deux premiers siècles de notre ère et une partie du iiie s. ; elle connaît une réoccupation très partielle au ves., dont la nature est sans commune mesure avec celle de l’implantation initiale. Ses dimensions connues avoisinent 30 x 22 m, soit une superficie minimale de 660 m2 (fig. 86). Il ne semble pas toutefois que la surface totale du bâtiment ait excédé 1 000 m2. Ces valeurs sont inférieures ou à peine égales à celles des plus petits gisements repérés en prospection, mais il faut tenir compte de l’effet de distorsion des images de surface par rapport aux vestiges enfouis (Trément à paraître e). Globalement, l’établissement des Soires se rattache au groupe des dix sites de moins de 5 000 m2 dont il a été question plus haut.

FIG. 86 ‒ Plan de l’établissement agricole des Soires.

  • 10 Les comptages portant sur le nombre total de fragments ne donnent pas une image aussi exacte de la (...)

87En ce qui concerne la composition du mobilier, on constate dans tous les niveaux du sondage no 1 la prépondérance très nette de la vaisselle commune, dont la proportion –en nombre total de fragments10– varie entre 69,8 % dans la couche 5 et 56,6 % dans la couche 2, datées respectivement du ier s. et du début du iiie s. (Trément 1996c). La part de la vaisselle fine oscille quant à elle entre 9,2 % et 18,1 %, celle des amphores entre 13,9 % et 34,2 %. Ces résultats sont proches de ceux qui avaient été obtenus à partir de la surface avant l’ouverture de la fouille, qui a confirmé la fonction domestique de l’établissement et le rôle très limité du stockage. La rareté des fragments de dolium va d’ailleurs dans le même sens. L’examen des indices d’activités souligne la vocation agricole du site, où la présence d’une installation de pressage et la fréquence des débris de meule en basalte attestent clairement une activité de transformation de la production. Malgré l’absence de scories, généralement présentes sur des établissements plus importants, quelques coulées de plomb témoignent d’une petite activité de fonderie liée aux besoins immédiats des occupants.

88Les techniques de construction mises en œuvre sont rudimentaires, comme sur la plupart des implantations de cette catégorie : les murs sont édifiés en appareil irrégulier, très sommairement équarri et le plus souvent lié à la terre. Quelques murs sont jointoyés au mortier de chaux, et l’on observe par endroit des revêtements de chaux très rustiques probablement destinés à protéger les murs liés à l’argile des effets du ruissellement. La toiture est couverte de tuiles et la charpente assemblée avec des clous de fer. On constate l’absence d’hypocaustes et d’éléments architectoniques, mais aussi de toute trace d’enduit peint ou de torchis.

  • 11 Voir la mise au point de D. Garcia (1994) à propos de la maison à cour de l’îlot 9 à Lattes, datée (...)
  • 12 J’ai déjà cité plus haut l’exemple d’une cour de 19,90 x 7,75 m sur laquelle s’ouvre une salle de 1 (...)

89L’une des caractéristiques les plus intéressantes du bâtiment est la présence d’une cour centrale entourée d’un portique sur trois de ses côtés. Ce type de plan s’inscrit d’ores et déjà dans une série et n’apparaît plus, désormais, comme l’apanage des seules villae : on le retrouve sur les établissements contemporains du Gouffre des Bouchers à Nîmes (Gard), de la Combe de Fignoles à Péret (Hérault), du Gros Haut à Chanac et de Lachamp à Ussel (Lozère) (Pellecuer 1993). Or l’on sait que ce plan dont on attribue l’origine au monde gréco‑romain est déjà diffusé dans les agglomérations de La Tène finale du midi de la Gaule11. Il est présent à Saint‑Blaise dès le iie s. av. J.‑C.12. Son adoption dans les campagnes du Haut‑Empire témoigne donc tout autant d’un ancrage dans la tradition architecturale préromaine que du mimétisme culturel d’une petite paysannerie qui entretient nécessairement des relations avec les grands propriétaires domaniaux.

90En conclusion, on peut envisager à partir de l’exemple de la ferme des Soires l’existence d’une petite propriété fondée sur le faire‑valoir direct. L’abondance de la vaisselle fine et commune et la présence d’une installation de pressage attestent en effet une exploitation autonome, où se juxtaposent fonctions domestiques et productives. Ainsi s’opposeraient un système agricole domanial lié à l’économie de marché et un système vivrier plus traditionnel.

Un habitat dispersé hétérogène

91L’étude de cette catégorie d’habitat dispersé fait apparaître la diversité des cas de figures, et donc l’hétérogénéité de ce groupe au sein duquel il est possible de distinguer deux sous‑ensembles (fig. 87‑88). Les implantations les plus modestes, sur le modèle de l’établissement des Soires, se caractérisent par une faible superficie (le plus souvent moins de 4 000 m2) et une durée d’occupation limitée au Haut‑Empire, avec toutefois de fréquentes réoccupations à la fin de l’Antiquité. Le mobilier présent en surface est assez varié, mais les amphores et la vaisselle commune en constituent la plus grande partie. Ces établissements dénués de tout confort semblent correspondre à de modestes fermes, aux activités plus ou moins diversifiées, allant du simple stockage à la transformation des produits agricoles. Sont susceptibles d’entrer dans ce sous‑groupe les sites de Lavalduc (FO‑6/9), de Daguin (IS‑38), de Castillon (SM‑15), des Enconques (SM‑19), des Emplaniers (SM‑14), des Vèles (SM‑22), des Ferrages (SM‑30), de Valentoulin (PB‑7), de Campeu (MA‑6) et évidemment celui des Soires (SM‑13).

FIG. 87 ‒ Corrélation entre critères de matériaux et de superficie. Le graphique montre que plus de 90 % des implantations antiques ont une superficie inférieure ou égale à un hectare et ont livré des matériaux de construction limités aux classes 1 et 2. Seulement 36 % des sites ont une superficie inférieure ou égale à 0,5 ha et appartiennent à la classe 1. Parmi les établissements dont la superficie est supérieure à l’hectare, il faut distinguer les villae (SM‑34, IS‑4), qui se rapportent à la classe de matériaux la plus luxueuse (3), et une agglomération comme celle de Saint‑Michel (IS‑14), qui présente des matériaux de construction très rudimentaires.

FIG. 88 ‒ Corrélation entre critères de mode de vie et de superficie. La corrélation entre les deux critères est flagrante : plus de 82 % des sites de moins de 0,5 ha appartiennent aux classes 1 et 2, plus de 96 % des implantations de 0,5 à 1 ha aux classes 2 et 3, et tous les établissements de plus d’un hectare aux classes 3 et 4. Dans cette dernière catégorie, on ne trouve que des villae (SM‑1, SM‑34, IS‑4), à l’exception de l’agglomération de Saint‑Michel (IS‑14).

92Plusieurs établissements se distinguent par une superficie supérieure (entre 6 000 et 10 000 m2), une occupation généralement plus longue, parfois continue du ier au vie s., et surtout par un souci de confort qui se manifeste dans l’utilisation d’enduits peints monochromes (toujours de couleur rouge) et même, dans quelques cas, par l’emploi de placages de marbre à des fins que l’on ignore. Le mobilier comprend fréquemment des objets en verre. L’absence d’éléments d’hypocaustes fixe toutefois les limites de ce confort. Ce type d’implantation apparaît donc comme un cas de figure intermédiaire entre les modestes fermes et des établissements plus luxueux et peu ou prou apparentés à des villae. Entrent dans ce sous‑groupe les sites du Mazet (FO‑14), de Lavalduc (IS‑30), de Fourna (SM‑29), de Varage (SM‑4), de Valentoulin (PB‑6) et de la Mérindole (PB‑11). Il n’est pas exclu, toutefois, que certains des établissements classés dans ce sous‑groupe aient dû l’être dans la catégorie supérieure, compte tenu du hasard des découvertes et des conditions de révélation des sites.

2.2.4.3 Les unités de production spécialisées

93Les « unités de production spécialisées » correspondent à des lieux de stockage, de transformation et de production où. la fonction domestique est absente in situ. Trois exemples seront présentés.

L’atelier de fabrication d’amphores de Sivier (IS‑5)

94Le plus significatif est celui de l’atelier de fabrication d’amphores de Sivier, localisé immédiatement en contrebas d’un vaste établissement situé sur le rebord du plateau (IS‑4) (fig. 70). L’invention d’une installation de foulage à proximité de la zone d’habitation confirme l’hypothèse d’une importante exploitation viticole produisant elle‑même ses amphores.

  • 13 Les analyses par activation neutronique ont porté sur 27 éléments dosés à 10 % au pire et à 10-3 da (...)

95Les ramassages effectués au pied de l’escarpement rocheux ont permis de recueillir des tessons de céramique du Haut‑Empire attestant une implantion précoce, contemporaine de l’établissement principal. L’occupation du secteur se poursuit jusqu’au vie s., avec peut‑être une interruption aux iiie et ive s. Outre quelques fragments d’amphores italiques et africaines, l’essentiel du matériel amphorique est constitué de productions locales de type Gauloise 4 caractéristiques, avec leur pâte calcaire beige très clair, pulvérulente et légèrement micacée. Le matériel, peu abondant, se réduit à 57 fragments d’amphores gauloises, tous de même nature, dont 12 lèvres, 19 anses et 4 fonds plats à pied annulaire. F. Laubenheimer signale la présence de bords de type Gauloise 5, non confirmée par mes ramassages, qui ont en revanche révélé une lèvre à bandeau de section quadrangulaire assez proche du type 8. L’atelier d’Istres est le premier a avoir livré conjointement des résidus de production des types Gauloise 4 et 5. Des analyses par activation neutronique effectuées sur une série de vingt échantillons au laboratoire Pierre Süe à Saclay ont confirmé la provenance locale des amphores, que la présence en surface de rebuts de cuisson laissait supposer13.

  • 14 Le niveau géologique exploité correspond aux argiles calcaires bleues de La Bayanne et de Saint-Cha (...)

96Les ramassages ont également révélé des fragments de tegulae, de briques de chauffage et de dolium. Selon F. Laubenheimer, tuiles, briques et céramiques communes pourraient appartenir au registre de la production locale. La découverte de débris de torchis peut s’expliquer par des aménagements légers liés à l’atelier. En outre, la présence à la base de l’escarpement rocheux d’un affleurement d’argile calcaire bleue et d’une source pérenne offrait les deux conditions indispensables au fonctionnement de l’atelier : l’argile et l’eau14. Une énorme fosse creusée dans le banc d’argile est encore visible à l’est du gisement : elle a marqué le paysage au point de figurer sur la carte au 1/5 000.

97L’association d’un atelier de fabrication d’amphores et d’une villa a plusieurs équivalents en Beaucairois. On peut citer l’exemple des sites de Pauvre Ménage les Tourelles et de Privat, mais c’est probablement aussi le cas des établissements de Valescure et de Broussan, tous localisés sur le coteau de la Costière, au sud‑ouest de Beaucaire, en zone de piémont (Bessac et al. 1987 : 106).

L’installation de pressage du Collet de Carbonnière (FO‑24)

98L’installation de pressage du Collet de Carbonnière constitue également un bon exemple d’unité de production spécialisée. Elle est implantée sur le rebord du plateau qui domine à l’ouest l’isthme de Plan d’Aren, au pied de la butte du Collet de Carbonnière. Les vestiges visibles, qui ont fait l’objet d’un relevé complet, consistent en deux contrepoids de pressoirs –l’un à treuil et l’autre à vis– et en une installation maçonnée de pressoir à vis. Ils seront décrits plus loin en détail.

L’installation de décantation des Errares (FO‑22)

99Une installation composée de trois cuves monolithiques accolées a été repérée par N. Coye et J.‑P. Lagrue (1988, II, ERR‑01) au quartier des Errares, sur le plateau du Mazet à Fos. Les auteurs y voient les bassins de décantation d’une huilerie. Le mobilier recueilli alentour est très pauvre et dispersé sur plusieurs hectares, donc sans signification. En revanche, ces vestiges peuvent être mis en relation avec le site FO‑21, qui se trouve à 150 m à l’est, et surtout avec l’huilerie du Collet de Carbonnière (FO‑24), localisée à 700 m au sud‑est. Cette installation probablement antique suppose d’autres aménagements du type de ceux qui sont visibles au Collet de Carbonnière.

2.3 Occupation du sol et système agricole au Haut‑Empire

100La restitution du système agricole passe par une prise en compte globale des activités productives en liaison avec l’étude des différentes formes de l’habitat. Avant d’aborder la question des cultures pratiquées, il convient d’essayer de définir le plus précisément possible l’extension et l’organisation de l’agro‑système qui se développe dans le courant des deux premiers siècles de notre ère.

2.3.1 Habitat, façons culturales et système agricole

101Trois catégories de données nous renseignent sur la localisation et l’extension des cultures :
‒ la carte de répartition de l’habitat ;
‒ la cartographie des épandages de tessons liés aux façons culturales ;
‒ la carte de susceptibilité géo‑pédologique, pondérée par l’approche de l’évolution récente du milieu.

2.3.1.1 Habitat et géosystème

102La carte archéologique montre clairement qu’aucun secteur n’est délaissé au Haut‑Empire, la densité remarquable de l’habitat dispersé témoignant d’une intense mise en culture liée à un maximum de population encore jamais atteint sur la rive occidentale de l’étang de Berre. Plateaux calcaires, zones collinaires, bas de versants, fonds de vallons et dépressions font l’objet d’implantations durables, conditionnées par des modes d’exploitation nettement différenciés : alors que les plateaux molassiques du secteur central se caractérisent par un habitat dispersé plus ou moins modeste, les zones basses méridionales, aux sols lourds et gorgés d’eau, offrent des conditions favorables au développement d’exploitations domaniales de type villae. Ce mode de mise en valeur n’est pourtant pas exclusif, certains établissements, vraisemblablement indépendants, ayant pu s’implanter en bordure de ces domaines. Les prospections systématiques obligent toutefois à nuancer ce schéma trop simpliste : en effet, des formes d’habitat originales se développent dans des zones « intermédiaires », c’est‑à‑dire à la fois très fertiles –à condition de faire l’objet de drainages–, mais trop exiguës, apparemment, pour susciter l’intérêt des grands propriétaires fonciers. L’exemple le plus intéressant est celui de la dépression de Magrignane, où l’on peut évoquer un habitat « polynucléaire ». La disposition des sites de Mauvegeane (SM‑37), des Clapières (SM‑45), de Courtine (SM‑56) et de Saint‑Macaire (MA‑2) selon un axe méridien et un espacement constant de 1,5 km pourrait également témoigner d’une politique concertée de mise en valeur des terres marneuses du secteur bégudien situées hors du domaine des villae, dans des zones de vallons et de collines peu propices au système d’exploitation domaniale.

2.3.1.2 La question des épandages de tessons liés aux façons culturales

  • 15 À propos des déplacements d’artefacts issus de gisements archéologiques, voir : Kirkby, Kirkby 1976 (...)

103La prise en considération des épandages de tessons liés aux façons culturales confirme l’intensité de la mise en valeur du secteur des Étangs au Haut‑Empire (fig. 65). En commençant les prospections, j’avais pris le parti de cartographier l’intégralité des artefacts, quelle que soit leur chronologie et leur origine, habitat ou objet isolé. Or de vastes zones d’épandages caractérisées par de faibles densités de mobilier cohérent d’un point de vue chronologique se développent entre les établissements agricoles, tant à l’âge du Fer qu’à l’époque romaine. Leur interprétation est délicate, dans la mesure où l’origine de ces artefacts n’est jamais assurée. Certains épandages peuvent en effet provenir : de gisements archéologiques dispersés par l’érosion ; de sites non découverts, car dissimulés par la végétation ou masqués par des aménagements plus récents, et révélés uniquement sur leur bordure par de faibles concentrations de tessons ; ou bien encore d’implantations de hauteur ou de rebord de plateau dont les niveaux superficiels ont fait l’objet d’un colluvionnement15. Par ailleurs, l’hypothèse d’apports de remblais ou de terre ne doit jamais être exclue dans un secteur aussi bouleversé par l’homme à l’époque moderne et contemporaine. La bordure nord‑ouest de l’étang de Lavalduc, par exemple, a fait l’objet d’apports massifs de matériaux exogènes lors de l’aménagement des salines modernes.

  • 16 On peut mentionner en particulier les travaux suivants : Moseley, Mackey 1972 ; Thomas 1975 ; Foley (...)
  • 17 Par exemple Zadora-Rio 1987 : 14 ; Parodi et al. 1987 : 50 ; Favory et al. 1994 : 194-199 ; Bermond (...)
  • 18 Voir sur ces pratiques Ferdière 1988, Il : 44-45.

104L’étude des épandages agricoles en est encore à ses premiers balbutiements, malgré de multiples travaux d’origine anglo‑saxonne depuis deux décennies16. En France, quelques tentatives récentes ont essayé d’intégrer cette dimension de l’occupation du sol17. La plus avancée à ce jour a été développée en Lunellois, où l’application de traitements statistiques intégrant trois descripteurs chronologique, topographique et pédologique, a permis de produire une typologie des épandages (Favory et al. 1994 : 194‑ 199). Les auteurs de cette étude définissent les épandages agricoles comme des « zones, généralement beaucoup plus amples qu’un site d’habitat, où affleurent des tessons marqués par une usure caractéristique, fragmentés et roulés, et qui ont été répandus sur les terres cultivées dans l’Antiquité et au Moyen Âge, en même temps que les amendements organiques provenant de l’habitat qu’ils accompagnaient » (Favory et al. 1994 : 194)18. Personnellement, j’ai retenu quatre critères d’identification :
‒ la superficie importante des gisements (en général plusieurs dizaines d’hectares) ;
‒ la faible densité des artefacts (entre 0,01 et 0,08 tesson/ are) ;
‒ leur état d’usure (fragmentation et émoussé) ;
‒ enfin, leur cohérence chronologique. Il était par ailleurs indispensable de procéder à une cartographie détaillée des formes du relief en intégrant, autant que possible, les éléments de sa dynamique récente.

105Cette tentative montre clairement que certains secteurs ont fait l’objet d’une intense mise en culture : c’est le cas, tout particulièrement, des plateaux du Mazet et de Castillon, du versant sud‑ouest du plateau de Saint‑Mitre, des dépressions de Lavalduc, d’Engrenier, de Plan Fossan et de Magrignane, du vallon de Mauvegeane enfin. Tous ces secteurs, à l’exception du bassin de Plan Fossan, correspondent à des zones où l’habitat dispersé est très densément implanté et organisé en réseau, selon une maille régulière de 0,5 à 1 km. L’exemple du plateau du Mazet constitue quasiment un cas d’école, à la fois par la régularité étonnante des distances qui séparent les différents établissements (environ 700 m) et par la permanence d’un « bruit de fond » caractérisé par une concentration constante d’artefacts antiques très fragmentés, roulés et chronologiquement homogènes, sur de vastes superficies. Les densités d’artefacts mesurées en différents points du plateau varient dans une fourchette comprise entre 0,01 et 0,08 tesson par are. Des densités comparables se retrouvent sur la bordure nord‑ouest de l’étang de Lavalduc, sur la marge méridionale de l’étang d’Engrenier et en divers autres endroits.

106Le bassin de Plan Fossan présente un cas particulier. Il semble que cette vaste dépression vraisemblablement intégrée au domaine de la villa de Péricard ait fait l’objet d’une mise en valeur précoce (céramique campanienne A, sigillée et amphore italiques), mais limitée au Haut‑Empire. Toutefois, les conditions de lisibilité diffèrent ici de celles qui prévalent dans les zones de plateaux. L’extension de l’agro‑système est déduite non pas d’un « bruit de fond » continu mais de petites concentrations très dispersées de mobilier chronologiquement cohérent. Ces zones de faible concentration, au nombre de sept, se répartissent très régulièrement aux abords de la villa, mais également vers le sud et vers l’ouest, jusqu’à une distance de plus de 1,5 km, en bordure méridionale de l’étang du Pourra, alors probablement asséché. Les recherches conduites en Lunellois ont montré que l’intensification a plus spécialement porté sur les zones de plaine durant le Haut‑Empire, tandis que les garrigues et les piémonts paraissent avoir été exploités plus longuement, jusqu’à la fin de l’Antiquité. Les observations effectuées ici vont exactement dans le même sens.

2.3.1.3 Approche géo‑pédologique du système agricole antique

107La cartographie des zones d’épandages agricoles mérite d’être affinée, au sein de chaque unité de paysage, par une prise en compte des potentialités offertes par les différents types de sols (fig. 89). Globalement, 53 % des établissements du Haut‑Empire sont implantés sur des sols colluviaux, 31 % sur des sols développés sur substrat molassique et 15 % seulement sur les terres marneuses du Bégudien. Deux grandes catégories d’unités géo‑pédologiques seront distinguées et analysées successivement : les terrains de plateaux calcaires et de vallons secs et ceux des zones basses correspondant soit à des bordures d’étangs, soit à des fonds de vallons humides.

FIG. 89 ‒ Carte pédologique du secteur des Étangs.

Les sols de plateaux molassiques et de vallons secs

108Sur les plateaux calcaires et dans les vallons secs, trois classes de sols correspondant à trois types de toposéquences peuvent être différenciées.

  • Les sols de la classe VI correspondent à la formation pédologique la plus développée dans le secteur étudié. Il s’agit de sols calcimagnésiqucs d’épaisseur variable mais générale ment peu importante (20 à 30 cm), de fertilité moyenne, à faible réserve en eau (moins de 40 mm) et à charge caillouteuse assez élevée, plus propices aux pinèdes et aux garrigues qu’à l’agriculture. Ces sols apparaissent sur de faibles pentes (moins de 5 %), au sommet des plateaux d’Istres, de Saint‑Mitre et de Fos, sur les substrats durs plus ou moins fissurés, tels que les calcarénites. Ils semblent avoir été particulièrement attractifs pour le petit habitat dispersé. Il y a tout lieu de penser qu’ils ont servi de base, dans l’Antiquité, au développement de l’oléiculture sur le plateau du Mazet, où plusieurs installations de pressage ont été identifiées (FO‑22/24).

  • Les sols de la classe Va se rencontrent dans les vallons, les zones de piémont et dans de légères dépressions perchées au sommet des plateaux précédents, sur des substrats rocheux ou à cailloutis et sur les éboulis de pentes à éclats calcaires. Leurs caractéristiques sont assez proches de celles des sols de la classe précédente : il s’agit en effet de sols calcimagnésiques bruns calcaires, de profondeur moyenne, à réserve en eau assez faible (40 à 60 mm), de fertilité médiocre et à charge caillouteuse très élevée. Ces sols sont naturellement favorables aux cultures rustiques telles que la vigne, l’olivier et l’amandier. Irrigués, ils peuvent être consacrés à l’arboriculture ou aux cultures maraîchères, après défonçage et épierrage. Comme les précédents, ils se révèlent très attractifs pour le petit habitat dispersé. On remarque en effet que bon nombre d’établissements de plateaux se localisent en bordure des petites dépressions sommitales où ces sols se sont formés. C’est le cas, tout particulièrement, sur les plateaux du Mazet (FO‑12/15/16/21/22) et de Castillon (SM‑16/17/19). Ces formations pédologiques, qui s’étendent largement entre les étangs de Rassuen, de Citis et de Lavalduc, paraissent même avoir favorisé le développement d’établissements importants à Tour d’Aix (IS‑41/42/44), Saint‑Verran (IS‑33) et Ranquet (SM‑1). Plusieurs autres sites sont implantés à leur contact : Sivier (IS‑4), Mauvegeane (SM‑37), Courtine (SM‑56), Les Emplaniers (SM‑14), Les Vèles (SM‑22) ou encore Saint‑Macaire (MA‑2), pour ne citer que les principaux.

  • Les sols de la classe VII se développent sur les versants en forte pente (plus de 20 %) des plateaux d’Istres, de Saint‑Mitre et de Fos. Il s’agit là de sols d’érosion peu évolués ou minéraux bruts, à réserve hydrique quasiment nulle et à texture peu favorable. Nus ou couverts de garrigues, ils sont difficilement exploitables autrement que pour l’élevage ovin et caprin. Toutefois, les versants concernés ont été aménagés en restanques aux xviiie et xixe s. Dans l’Antiquité, ils ont pu être utilisés comme parcours pour le petit bétail, et être ainsi intégrés dans un système de terroirs complémentaires. La position privilégiée de nombreux établissements en bordure de plateau ou en zone de piémont n’a pu que favoriser une telle pratique.

Les sols de zones basses et humides

109Cinq classes de sols peuvent être distinguées dans les zones basses de bordure d’étang ou de fond de vallon humide.

  • La classe VII comprend également les sols hydromorphes minéraux à gley ou moyennement organiques, fréquemment salés, des cuvettes palustres. Les dépressions fermées les moins salées (étangs du Pourra et de Magrignane, petits étangs d’Istres) ont été mises en culture aux xviiie et xixe s. à la suite de travaux de drainage.

  • Les sols de la classe III sont présents en bordure immédiate des zones palustres précédentes. Ces sols hydromorphes peu humifères à gley superficiel d’origine palustre se caractérisent par une profondeur généralement importante (0,80 à 1 m), une teneur en eau très élevée (plus de 100 mm) et fréquemment excédentaire (nappe à faible profondeur), une texture fine et une salure variable. Très fertiles, ils se développent sur les substrats argilo‑limoneux des dépressions humides, essentiellement sur la bordure méridionale de l’étang d’Engrenier (sur une superficie de 25 ha), dans la dépression littorale de Massane (10 ha) et dans l’étang de Magrignane (35 ha). Ces zones ont été intensivement exploitées à l’époque moderne, à la suite de travaux de drainage impliquant parfois, comme dans le cas de Magrignane, la mise en œuvre de techniques lourdes (creusement d’une galerie). On a vu que, dès le Moyen Âge, la marge sud de l’étang d’Engrenier constituait un grenier à blé pour les habitants de Fos. Les auteurs de la Statistique des Botiches‑du‑Rhône nous apprennent que le drainage de l’étang de Magrignane libéra plusieurs centaines d’hectares de terrains très propices à la céréaliculture (Villeneuve 1824 : 937 ; 1829 : 68). De nos jours, l’utilisation qui est faite de ces terres est assez diversifiée : la dépression de Massane est vouée essentiellement aux cultures maraîchères intensives et aux prairies, celle de Magrignane aux céréales et aux prés de pâture, tandis que la marge sud d’Engrenier, laissée à l’abandon, a été reconquise par une végétation palustre. Ces zones constituaient, dans l’Antiquité, des lieux particulièrement attractifs pour des formes d’habitat spécifiques –villa de Péricard près de l’étang du Pourra, habitat « polynucléaire » à Magrignane– liées à la mise en œuvre de moyens lourds ou à des pratiques collectives, tant au niveau des aménagements (percement des galeries, creusement des roubines) que de leur entretien (désherbage, curage, reprofilage).

  • Les sols de la classe II se développent sur la bordure sud de l’étang du Pourra, sur la marge nord de l’étang de Lavalduc et dans le vallon de Varage. Il s’agit de sols hydromorphes peu humifères, à gley profond d’origine palustre, d’épaisseur importante (plus de 1 m) et à salure variable, assez fertiles. Leur engorgement hydrique (80 à 100 mm) nécessite, comme pour les terrains précédents, l’aménagement de réseaux de drainage. Dans la dépression de Plan Fossan, la proximité de la villa de Péricard laisse supposer une mise en culture de ces sols dans l’Antiquité –soit une cinquantaine d’hectares– en liaison avec un possible drainage de l’étang du Pourra vers celui d’Engrenier. Ce secteur est aujourd’hui consacré à la céréaliculture, aux prairies, aux cultures maraîchères et aux arbres fruitiers. De même, l’établissement de Lavalduc (FO‑6) est au centre d’un halo d’implantations secondaires (FO‑5/7/9) contrôlant une zone aujourd’hui fortement marécageuse. La mise en culture de ces terrains qui se développent sur une cinquantaine d’hectares nécessitait d’importants travaux de drainage, favorisés par un bas niveau de l’étang.

  • La classe I regroupe des sols de vallons et de dépressions humides, mais non marécageux, tels que le vallon qui s’étend de Magrignane à Massane, le débouché du vallon de Mauvegeane sur le précédent, une partie de la vaste dépression de Plan Fossan et les cuvettes qui bordent l’étang de l’Olivier au nord et à l’est. Il s’agit là de sols calcimagnésiques carbonatés bruns calcaires, peu évolués, d’origine colluviale. Fertiles, profonds (plus de 1 m), possédant une forte réserve hydrique (plus de 80 mm) mais rarement saturés, ils sont propices à tous les types de cultures, même exigentes et à haut rendement. La densité de l’habitat dispersé dans les secteurs concernés laisse supposer leur intense mise en valeur dans l’Antiquité.

  • La classe IVb rassemble, comme la précédente, des sols de piémonts et de vallons assez humides, mais naturellement drainés, fréquemment développés sur des éboulis de pentes à éclats calcaires. Il s’agit de sols calcimagnésiques carbonatés bruns, présentant parfois des traces d’hydromorphie. Ils se caractérisent par une épaisseur et une réserve en eau assez importantes (60 à 80 mm), une charge caillouteuse variable et une fertilité moyenne, favorable à la céréaliculture, la viticulture et l’arboriculture. Irrigués, ils peuvent porter des prairies, des vergers et même des cultures maraîchères. On les rencontre fréquemment au contact des sols de la classe précédente, principalement dans le vallon de Magrignane, dans le vallon de l’Escaillon, dans les vallons situés au sud du plateau de Saint‑Mitre, dans la vaste dépression de Plan Fossan, dans l’anse située au pied de Saint‑Blaise, sur le bord des étangs de Citis, de Lavalduc et de Rassuen. Cette formation pédologique se retrouve plus au nord dans la dépression de Monteau, qui forme une anse échancrée sur le rivage de l’étang de Berre. Il s’agit toujours de secteurs particulièrement attractifs pour l’habitat antique. C’est le cas, par exemple, dans les vallons de Magrignane (SM‑ 42/45/46/48/53), de Mauvegeane (SM‑35/37), de Varage (SM‑4) et des Soires (SM‑13), mais aussi dans les amples dépressions de Plan Fossan (SM‑34) et de Tholon (MA‑1/3/4/5), où se sont développées des exploitations domaniales. Les dépressions plus modestes sont également cultivées – ainsi à Citis (SM‑11), à Rassuen (18‑28) et dans les petits étangs de Peiremalle (IS‑17) et de l’Estagel (18‑18) à Istres.

110La dualité de l’habitat reproduit exactement l’opposition entre sols secs de plateaux calcaires ou de vallons drainés et sols humides de zones basses engorgées –vallons mal drainés, dépressions perchées, paluds ou étangs. L’examen des conditions géologiques, topographiques et pédologiques qui ont présidé à l’implantation de l’habitat fait apparaître l’interdépendance étroite et complexe de ces différents facteurs. Il souligne également la capacité des communautés riveraines à s’adapter aux contraintes du milieu : la diversité des formes de l’habitat peut être ainsi perçue en terme de « réponse ». Entre le système domanial « classique » illustré par la villa de Péricard et le modeste établissement agricole des Soires, des formes intermédiaires ont pu prendre place. L’habitat « polynucléaire » du vallon de Magrignane en constitue le meilleur exemple. Il tient probablement sa particularité de la spécificité même du milieu dans lequel il est implanté : une petite dépression humide débouchant sur un étroit vallon, impossible à cultiver sans la mise en œuvre de moyens collectifs. Des facteurs historiques ont pu aussi conditionner les implantations nouvelles après la conquête romaine. On peut supposer que les modes d’appropriation des terres n’étaient pas les mêmes sur les plateaux anciennement occupés en liaison avec l’agglomération protohistorique de Saint‑Blaise et dans les zones basses jusqu’alors considérées comme répulsives. Dans ces dernières, la salinité des terres constituait également une contrainte de premier ordre. Plusieurs textes médiévaux et modernes évoquent les méfaits du sel des étangs sur les cultures environnantes (Archives départementales des Bouches‑du‑Rhône, série C, liasse no 126 ; Archives communales de Saint‑Mitre, CC36 : 3‑4).

2.3.2 Les activités productives

111Les données fournies par l’archéologie permettent de se faire une idée des activités productives du secteur des Étangs au Haut‑Empire.

2.3.2.1 Les productions agricoles

La viticulture

112Deux séries d’indices attestent le développement de la viticulture : l’atelier de fabrication d’amphores de Sivier (IS‑5) et plusieurs installations de pressage, dont l’interprétation n’est pas toujours assurée. En revanche, l’absence quasi complète de pollens de Vitis dans la carotte du Pourra ne doit pas surprendre, dans la mesure où la vigne pollinise peu et sur place (Mai, Meffre 1990 : 28‑29).

L’exploitation viticole de Sivier (IS‑4/5)

113L’exploitation domaniale de Sivier présente un exemple remarquable intégrant toute la chaîne de production du vin. Elle associe un établissement assimilé à une villa (IS‑4), une installation de foulage, une carrière d’argile, une source aménagée et un atelier (IS‑5) destiné à fabriquer des amphores de type Gauloises 4 et 5 (fig. 70).

114L’installation de foulage repérée à quelques dizaines de mètres à l’est de la zone résidentielle, sur le plateau, est d’un type suffisamment rare en Gaule pour mériter que l’on s’y attarde un peu (fig. 90‑92). Aménagée dans un bloc d’effondrement du banc de molasse sommital d’environ 3,50 m de long et 1,50 m de large, elle consiste en un bassin rectangulaire de 2,08 x 1,34 m, peu profond, où les grappes étaient foulées, accolé à un cuveau de dimension plus réduite (1,20 x 0,74 m) mais plus profond (0,70 m), où le jus était recueilli. L’ensemble, fortement incliné au sud‑ouest, permettait l’écoulement du bassin vers le cuveau, au moyen d’un canal de 0,10 m de largeur et 0,39 m de hauteur. Le cuveau est muni à sa base d’un orifice de vidange long de 0,29 m. On observe en outre quatre trous de poteaux circulaires de 0,10 à 0,20 m de diamètre et 0,12 à 0,40 m de profondeur taillés sur la bordure du bassin de foulage et destinés à fixer une toiture légère ou une installation mécanique. Une encoche semi‑circulaire aménagée dans la paroi orientale du bassin principal était peut‑être destinée à exercer un bras de levier pour faciliter le pressage du moût.

FIG. 90 ‒ Plan du fouloir monolithique de Sivier (IS‑4).

FIG. 91 ‒ Coupes du fouloir monolithique de Sivier (IS‑4) : a coupe longitudinale A‑B d’axe nord‑sud ; b coupe transversale C‑D du bassin de foulage ; c coupe transversale E‑F du cuveau.

FIG. 92 ‒ Vue du fouloir monolithique de Sivier (IS‑4).

115On peut raisonnablement supposer que la production du domaine était exportée hors du secteur des Étangs, du fait de l’absence quasi totale en prospection d’amphores gauloises de pâte comparable à celles qui étaient produites à Sivier. Cela n’exclut pas pour autant une distribution locale dans d’autres types de conteneurs que les amphores, des outres par exemple. Les amphores gauloises exhumées dans la fouille de l’établissement des Soires (SM‑13), où un pedicinus de petit pressoir a été inventé, présentent des caractéristiques très différentes : il s’agit d’amphores à pâte calcaire beige, micacée (21,5 % des fragments) ou non (16,6 %), à pâte rose et surface crème micacées (19,8 %), à pâte jaune (19,8 %) et à pâte orange et surface crème (15,4 %). Rares sont les amphores à pâte blanche, micacée (5,7 %) ou non (0,9 %). Par conséquent, l’atelier de Sivier ne semble avoir fabriqué que les amphores nécessaires à la production de ce seul domaine.

116En revanche, les types d’amphores gauloises présents aux Soires se retrouvent sur bon nombre d’établissements (58 occurrences), où six groupes ont été isolés et classés par ordre décroissant de fréquence : pâte chamois non micacée (33,8 % des fragments et 53,8 % des bords), pâte beige micacée (31,8 % et 23 %), pâte orange non micacée (21,2 % et 7,7 %), pâte rose à surface chamois micacée (4,6 % et 7,7 %), pâte orangée micacée (4 % et 7,7 %), pâte rose à surface crème non micacée (4 % et 0 %) et pâte blanchâtre non micacée du type produit à Sivier (0,7 % et 0 %). Il s’agit là vraisemblablement d’amphores liées à la consommation du vin (et des saumures ?) et non à sa production, vu la diversité des types. Sur tous les sites, on constate toutefois la prépondérance des amphores à pâte micacée, d’origine régionale.

Les installations de pressage (SM‑13/54)

117La découverte de deux éléments de pressoirs au Lèbre (SM‑ 54) et aux Soires (SM‑13) pourrait attester également une viticulture dans le secteur de Saint‑Mitre. Il s’agit de blocs d’assise de jumelles dont les dimensions relativement réduites (environ 1 m) laissent penser à des pressoirs à vin.

118C’est probablement à l’habitat « polynucléaire » de Magrignane qu’il faut rattacher la première installation, qui n’a pas été retrouvée et dont il est par conséquent difficile d’affirmer qu’elle est liée au pressage des raisins plutôt qu’à celui des olives. L’auteur de la découverte, A.‑M. Vigoureux (1973 : no 11/2), penchait pour un pressoir à huile : « À la cote 70, on découvre les ruines d’une maison (bastidon), et près de celle‑ci une pierre taillée, qui pourrait être un élément d’un antique pressoir à huile. En effet la pierre est entaillée de deux cavités carrées où pouvaient venir se fixer les arbores, et évoque un pedicinus. On peut noter cependant que les cavités sont assez peu profondes (6,5 cm). Par ailleurs, on n’a pas retrouvé les autres éléments (contrepoids) aux alentours, qui seraient venus confirmer cette interprétation ». D’après le croquis de l’auteur, il s’agit d’un bloc de calcaire de forme parallélépipédique de 1,04 x 0,46 x 0,16 m dans lequel deux encoches de 0,26 x 0,22 m ont été aménagées (fig. 93). Sur sa face antérieure, une cavité de 0,22 m de large et 0,06 m de profondeur servait à fixer l’ensemble. Une installation similaire a été observée sur l’établissement des Soires, où un pedicinus de dimensions comparables (0,95 x 0,50 x 0,32 m) a été exhumé lors du creusement d’un fossé de drainage (fig. 94). Le bloc, aménagé dans la molasse coquillière locale, présente deux encoches de 0,17 x 0,11 x 0,09 m et 0,16 x 0,12 x 0,10 m creusées sur sa face supérieure. Espacées de 0,35 m, elles étaient destinées à ancrer les arbores.

FIG. 93 ‒ Bloc d’assise de jumelles du site du Lèbre (SM‑54) (d’après Vigoureux 1973) : a face supérieure ; b face antérieure ; c coupe de la zone évidée.

FIG. 94 ‒ Bloc d’assise de jumelles de l’établissement des Soires (SM‑13) : a face supérieure ; b coupe longitudinale.

L’oléiculture

119Deux installations espacées de 700 m attestent le développement de l’oléiculture sur le plateau du Mazet, où elles paraissent liées à un habitat dispersé de petite dimension.

L’installation de pressage du Collet de Carbonnière (FO‑24)

120L’huilerie antique du Collet de Carbonnière juxtapose un contrepoids de pressoir à treuil transformé probablement au Bas‑Empire en contrepoids à vis, un petit pressoir à vis et une installation maçonnée de pressoir à vis (fig. 95‑101).

FIG. 95 ‒ Plan de l’huilerie antique du Collet de Carbonnière (FO‑24) : 1 aménagement du chemin ; 2 contrepoids de pressoir à vis ; 3 contrepoids de pressoir à treuil ; 4 structure principale d’un pressoir à vis.

FIG. 96 ‒ Coupe topographique de l’huilerie antique du Collet de Carbonnière (FO‑24).

121Le contrepoids de treuil consiste en un gros bloc de calcaire polygonal de 0,96 x 0,90 m et 0,40 m de hauteur, dans lequel sont aménagés une cavité centrale de forme trapézoïdale profonde de 0,08 m et deux mortaises latérales en queue d’aronde, ainsi que quatre trous de fixation par agrafes et vis de forme semi‑cylindrique de 0,05 m de diamètre et 0,10 m de profondeur (fig. 97‑98). Le contrepoids repose en place sur une base maçonnée en petit appareil de 0,29 m de hauteur, elle‑même posée sur un bloc équarri parallélépipédique de 0,30 m de haut. Dans un premier état, l’élément a fonctionné comme contrepoids de pressoir à treuil à tenons et mortaises. Dans un deuxième temps, la cavité centrale a été aménagée pour loger une vis, fixée grâce à un système de gouges.

FIG. 97 – Vue du contrepoids de pressoir à treuil de l’huilerie antique du Collet de Carbonnière (FO‑24).

FIG. 98 – Plan et coupes du contrepoids de pressoir à treuil de l’huilerie antique du Collet de Carbonnière (FO‑24) : a plan du contrepoids ; b face nord‑ouest ; c coupe transversale ; d face est.

122Le petit pressoir à vis a été découvert à quelques mètres de là. Il est taillé dans un bloc de calcaire de 0,90 x 0,61 m, épais de 0,38 m, à évidement central, muni d’une mortaise et de deux trous de goujons de 0,05 m de diamètre (fig. 99). L’évidement central sub‑cylindrique (0,37 x 0,22 m) comporte en son centre une cavité rectangulaire de 0,13 x 0,07 m ainsi qu’une rigole d’évacuation latérale. Ce type de pressoir n’est pas recensé dans la typologie de J.‑P. Brun (1986 : 277).

FIG. 99 – Plan et coupes du contrepoids de pressoir à vis de l’huilerie antique du Collet de Carbonnière (FO‑24) : a plan ; b coupe longitudinale ; c face écoulement ; d face antérieure ; e coupe transversale.

123À quelques mètres à l’est du contrepoids à treuil, à flanc de talus, une pièce quadrangulaire de 2,33 x 1,96 m a été dégagée par l’action conjuguée de l’érosion et de fouilleurs clandestins (fig. 95‑96 et 100). Le versant est encombré de blocs taillés dissimulés dans la végétation, dont l’abondance laisse supposer une installation de dimension respectable. Le mur occidental, qui retient la terre du versant, est apparent sur plus de 3,40 m de hauteur. Cette construction est délimitée à l’est par un gros bloc parallélépipédique. Deux encoches se faisant face aménagées à la base de la maçonnerie, au centre de la troisième assise visible, étaient certainement destinées à supporter une poutre transversale munie de tenons. Les trois assises inférieures sont soigneusement montées et liées au mortier de chaux dans le but de bloquer les deux éléments porteurs munis d’encoches (fig. 101). Les élévations supérieures sont de facture beaucoup plus sommaire et témoignent d’un remaniement. Les blocs de calcaire coquillier ont en moyenne 0,20 à 0,60 m de long. Le calage de petits blocs (0,10 à 0,15 m) est peu soigné ; les joints sont très lâches. Quelques blocs de grand appareil sont également inclus dans la maçonnerie, qui remploie visiblement de nombreux éléments d’une construction plus ancienne : une boutisse de 1,25 m et un élément de stèle dans le mur ouest, un bloc portant une encoche de carrier et un R gravé dans le mur sud. Les dimensions de cette installation, son aspect massif et la présence des deux encoches symétriques font penser à un pressoir à vis.

FIG. 100 – Vue de la structure principale de l’huilerie antique du Collet de Carbonnière (FO‑24).

FIG. 101 – Relevé de la structure principale de l’huilerie antique du Collet de Carbonnière (FO‑24). On remarquera tout particulièrement les deux blocs d’ancrage sur les faces est et ouest ; ils appartiennent vraisemblablement à un premier état de l’édifice dont les murs sont liés au mortier. Dans le cartouche, détail de l’élément porteur muni d’une encoche encastré dans le mur ouest.

124L’utilisation de contrepoids à vis pourrait dater cette huilerie de l’Antiquité tardive. Toutefois, la réutilisation d’un contrepoids de treuil en contrepoids à vis et la réfection de la chambre laissent supposer une période de fonctionnement plus ancienne, peut‑être au Haut‑Empire. En bordure de l’huilerie, à une dizaine de mètres seulement à l’ouest, à l’endroit où le chemin qui contourne la butte du Collet de Carbonnière est marqué par une dénivellation d’environ un mètre due à l’affleurement du substratum, la roche a été taillée en stries transversales pour favoriser l’adhérence des roues des chariots et des sabots des animaux de trait. Cet aménagement est peut‑être lié à la production locale d’huile, ce chemin étant le seul moyen d’accès.

L’installation de décantation des Errares (FO‑22)

125Trois cuves accolées interprétées comme des bassins de décantation d’une huilerie ont été découvertes à 700 m au nord‑ouest de l’installation du Collet de Carbonnière, au lieu‑dit Les Errares (Coye, Lagrue 1988, II, Err‑01). Ces cuves quadrangulaires aux angles arrondis creusées dans le substrat calcaire sont alignées selon un axe est‑ouest et espacées de 0,40 m. Leur profondeur n’est pas connue. Seule la cuve du milieu est intacte. Elle mesure 2,40 x 1,90 m et affecte une forme irrégulière. La cuve occidentale mesure 2,50 m sur au moins 1,80 m ; la cuve orientale 2,15 m sur au moins 1 m. La paroi nord de ces deux dernières cuves n’est pas conservée. Les deux cuves orientales communiquent entre elles par une surverse large d’un mètre.

La céréaliculture

126La fréquence des fragments de meules en basalte sur les sites antiques est le signe tangible d’une céréaliculture, attestée à Saint‑Blaise dès le premier âge du Fer, et dont il est difficile d’évaluer l’importance. Au total, 157 fragments de meules ont été récoltés en 46 points différents, dont 36 établissements agricoles. Certains sites, comme la villa de Péricard (SM‑34), l’établissement des Clapières (SM‑45) et celui des Soires (SM‑13), ont révélé des meules rotatives entières. Leur taille réduite ne permet guère d’y voir autre chose qu’une activité vivrière destinée à l’autoconsommation familiale. Il en va peut‑être différemment dans les exploitations domaniales, où l’on peut supposer que les céréales constituaient l’une des composantes principales de la production agricole, particulièrement dans les zones basses conquises dès l’époque augustéenne dans le secteur de Martigues et de Port‑de‑Bouc. La carotte du Pourra montre en effet clairement l’essor des pollens de céréales à cette époque : or ceux‑ci ont toutes les chances de provenir du bassin de Plan Fossan, qui correspond peu ou prou au domaine de la villa de Péricard (SM‑34).

2.3.2.2 Les autres activités vivrières

L’élevage

127L’étude archéozoologique conduite par P. Columeau (1997) sur la faune de l’établissement des Soires (SM‑13) a mis en évidence la forte continuité des pratiques pastorales et alimentaires depuis le premier âge du Fer, en soulignant la prédominance des ovicapridés dans le cheptel et le rôle substantiel de la chasse au Haut‑Empire (fig. 52). Les ovicapridés représentent en effet 38,3 % des individus identifiés dans le sondage no l, devant les suidés (17 %), les bovidés (14,9 %) et les cervidés (8,5 %). En poids de viande consommée, l’apport des bovidés est majoritaire (51 %) face à celui des ovicapridés (15,3 %) et des suidés (14,1 %), mais cette prépondérance est nettement moins affirmée qu’ailleurs en Provence. En outre, l’apport en venaison représente 12,1 % de la consommation. Cette situation n’est pas sans rappeler celle qui est constatée sur les autres rives de l’étang de Berre. Mais alors que l’intégralité du ravitaillement en viande d’ovicapridés se compose de chèvres dans l’établissement de La Pousaraque à Gignac, l’essentiel en est fourni ici par les moutons. L’élevage des chèvres dans la chaîne de la Nerthe s’expliquerait par la proximité de Marseille, où L. Jourdan (1976) suppose l’existence d’un important marché de viande boucanée. Celui des moutons dans le secteur de Saint‑Blaise, en revanche, serait lié à la proximité de la Crau, où de nombreuses bergeries d’époque romaine ont été récemment découvertes (Badan et al. 1995b).

L’évolution du rôle des étangs

128L’évolution de la consommation de coquillages est mal documentée pour cette période. On peut s’étonner de l’absence de restes dans la fouille de l’établissement des Soires. L’hypothèse d’un abaissement généralisé des plans d’eau et d’un drainage de l’étang du Pourra dans l’Antiquité pourrait expliquer un désintérêt pour les ressources vivrières dispensées par les étangs, les nouveaux propriétaires s’attachant davantage à intégrer les dépressions dans un système agricole étendu aux zones basses dans le cadre de l’économie domaniale.

129Si l’on associe fréquemment récolte des mollusques et économie vivrière, il ne faut pas perdre de vue le goût prononcé des Romains pour les huîtres et les moules, dont témoignent les recettes culinaires transmises par la littérature latine. La consommation des coquillages a pu devenir à cette époque l’objet d’une activité de « luxe », dont la signification socio‑économique serait très différente de celle qui prévalait antérieurement. N’est‑ce pas en ce sens que la richesse écologique de l’étang de Berre suscite l’admiration de Strabon (Géogr., IV, 1, 8) ?

  • 19 Des observations du même ordre ont été effectuées à Loupian et à Lattes (Brien-Poitevin 1993 : 290)

130Les étangs ont pu faire aussi l’objet d’autres types d’utilisation. Par exemple, il est certain, à la lumière de la fouille des Soires, que le sable utilisé pour la confection du mortier de chaux employé comme enduit mural provient d’une plage (il contient en abondance des petites palourdes). Il en va de même pour la surface de préparation des enduits peints monochromes dont des fragments ont été recueillis sur bon nombre de sites prospectés19.

Un exemple d’activité artisanale en milieu rural : la forge

131Il faut signaler enfin la découverte, en prospection, de 122 scories denses réparties sur 34 sites antiques (fig. 102). Un échantillon de 18 scories provenant de trois établissements (SM‑1, IS‑33/44) a été analysé au Centre de recherche pétrographique et géochimique de Nancy. Il s’agit d’analyses quantométriques des constituants chimiques, réalisées par spectrométrie d’émission, qui donnent la composition de l’échantillon en 10 éléments majeurs et mineurs et en 16 éléments‑traces. Les résultats sont visualisés en replaçant les quatre éléments majeurs Si02, Al2O3, Fe2O3 et CaO sur des diagrammes ternaires d’équilibre physico‑chimique, qui représentent leur interaction dans le système fusion‑cristallisation (fig. 103). L’analyse rend compte des réactions chimiques secondaires qui s’opèrent au moment de la réduction ou de la forge entre les parois du four et la charge, entre la scorie et le charbon de bois (Trément 1993a). Les résultats ont permis d’établir que les scories appartiennent à deux grands types, présents sur chaque implantation et peut‑être liés à différents stades d’affinage et de forge. Pour l’instant, aucune activité de réduction n’est sérieusement démontrée. Mais il est très probable que les occupants des établissements ruraux se livraient –au moins occasionnellement– à une activité de forge pour la fabrication de petits outils ou la réparation de l’outillage agricole. Il semble même que cette activité ait joué un rôle non négligeable dans la vie quotidienne des occupants du hameau « polynucléaire » de Magrignane, où au moins sept points de concentration de scories ont été repérés en association avec des indices d’habitat.

FIG. 102 – Carte de répartition des scories denses recueillies en prospection.

FIG. 103 – Diagrammes ternaires d’équilibre physico‑chimique des scories denses analysées. Ces graphiques montrent la présence de deux types bien distincts de scories (A et B) sur les trois établissements considérés.

2.3.3 Approche du domaine des villae du secteur méridional

132Bien que la nature des activités productives des établissements domaniaux nous échappe en partie, il est possible de développer quelques éléments de réflexion pour la restitution des domaines des villae du secteur méridional (fig. 104).

FIG. 104 – Modélisation du domaine des villae du secteur méridional.

2.3.3.1 La densité différentielle de l’habitat dispersé

133La faible fréquence des découvertes dans le secteur des terres marneuses méridionales contraste singulièrement avec la densité de l’habitat dispersé dans la zone des plateaux molassiques située immédiatement au nord. Elle pourrait découler des conditions de révélation des sites imposées par la nature des sols, du substrat et des cultures actuelles, mais on objectera que des établissements ont été découverts en grand nombre dans des milieux aussi peu favorables (le vallon de Magrignane, la rive nord de l’étang de Lavalduc, la rive sud de l’étang d’Engrenier, par exemple). Les conditions de sédimentation devraient jouer plutôt en faveur d’une bonne lisibilité, compte tenu de la faiblesse des dépôts post‑antiques dans la carotte du Pourra (qui est pourtant située au point le plus bas de la dépression) et d’une topographie très peu différenciée. Il est donc plus raisonnable de penser que le « vide archéologique » de la dépression de Plan Fossan correspond à un « vide » de l’occupation du sol. On aurait là en négatif l’image du domaine de la villa de Péricard (SM‑34). Les mêmes remarques valent pour les deux villae de Tholon (MA‑5) et de la Pointe Baumasse (PB‑12), bien que dans ces deux derniers cas l’emprise des zones urbaines et industrielles et celle des nombreux terrains privés limitent considérablement l’apport de la prospection.

2.3.3.2 Analyse de l’habitat dispersé du secteur méridional

134Si l’on considère uniquement l’habitat du secteur méridional, on observe une superposition de réseaux correspondant à des classes d’établissements différentes. La prise en compte de ces réseaux emboîtés permet à la fois de confirmer et d’affiner l’image précédente.

Le réseau des villae

135Le réseau des villae se caractérise par une remarquable symétrie.

  • Les trois villae de Péricard, de Tholon et de la Pointe Baumasse sont distantes de 4 km. Pour comparaison, en Beaucairois, les villae les plus importantes sont espacées de 800 à 2 000 m (Bessac et al. 1987 : 110).

  • Elles sont implantées en limite de la zone bégudienne méridionale, l’une en bordure de l’étang du Pourra, au contact de la zone des plateaux molassiques, l’autre au bord de l’étang de Berre et la dernière en bord de mer. L’utilisation de l’espace méridional a donc été optimisée. Un schéma identique se retrouve à plus grande échelle dans la basse vallée de l’Arc, où la distribution régulière des villae sur la bordure septentrionale du delta est interprétée comme la conséquence d’une stratégie de conquête des terres humides (Leveau, Provansal 1993b : 202).

136On peut ainsi appliquer la méthode des polygones de Thiessen, à titre d’hypothèse de travail, pour restituer les limites théoriques des domaines de ces trois villae (Haggett 1973 ; Hodder, Orton 1976 ; Carandini, Ricci 1985). En Beaucairois, cette méthode a permis de définir des domaines de 50 ha en moyenne, et de plus de 100 ha poulles plus vastes d’entre eux. Ces dernières superficies sont comparables à celles des domaines des villae de l’Âger Cosanus (celle de Settefinestre par exemple). Dans le secteur des Étangs, le tracé des médianes des segments reliant les villae permet d’isoler trois secteurs, correspondant globalement à trois unités physiques distinctes :
– la dépression de la Mérindole, située au sud de l’étang d’Engrenier ;
– le bassin de Plan Fossan, au centre ;
– la dépression de Cantoperdrix, à l’est.

137Ces trois dépressions présentent un certain nombre de points communs : une superficie assez comparable (entre 100 et 200 ha), un potentiel agricole identique (sols de classes I, II, III et IVb assez fertiles), enfin une tendance à l’engorgement hydrique nécessitant d’importants travaux d’assainissement. Elles sont séparées par des zones de basses collines susceptibles de constituer des terroirs complémentaires pour des cultures spécifiques (olivier, vigne, arboriculture) ou pour l’élevage des moutons.

Petit habitat dispersé et cimetières

  • 20 En Beaucairois, la distance au site le plus proche varie entre 440 et 1 200 m (Bessac et al. 1987 : (...)

138Chacune des villae occupe une position centrale au sein d’un bassin‑versant en bordure duquel sont disséminés de petits établissements, au nombre de 3 ou 4. Ceux‑ci sont assez régulièrement espacés (de 700 à 800 m en moyenne) et distants de 750 à 1 500 m de chaque villa, formant une sorte de couronne20. Tout laisse penser qu’ils étaient intégrés aux domaines respectifs de ces villae, dont ils exploitaient probablement les marges, tirant profit de terroirs complémentaires associant zones basses, piémonts et collines. Par ailleurs, les concentrations de petits cimetières du Bas‑Empire à proximité des villae pourraient correspondre à d’anciennes limites domaniales. A.‑M. Vigoureux (1973 : no 15) a ainsi découvert une cuve de sarcophage à 900 m au nord‑ouest de la villa de Péricard (SM‑31), et plusieurs sarcophages auraient été repérés dans la dépression de Plan Fossan, au quartier de Roseron. Le cas de la villa de la Pointe Baumasse est particulièrement intéressant. Des découvertes anciennes signalent la présence de plusieurs cimetières tardifs (PB‑9/10/13) dans le secteur de la Mérindole (Gorsse 1803, fol. 25 ; Saurel 1865 : 28, 48‑49, 326 ; Franck 1905b : 168‑169 ; Benoit 1936 : no 167). Aucun d’eux n’a été retrouvé, mais les prospections effectuées dans ce secteur ont fait apparaître un petit cimetière rupestre sur le rebord méridional du plateau de Castillon (PB‑6). Cet ensemble de quatre cimetières, qui constituent une sorte de ceinture autour de la dépression méridionale de l’étang d’Engrenier, pourrait matérialiser la limite d’un ancien domaine, peut‑être celui de la villa en question.

2.3.3.3 L’apport des sciences de l’environnement et des archives

139Les recherches pluridisciplinaires apportent un éclairage complémentaire sur l’organisation de l’espace domanial antique. L’examen des carottages réalisés dans plusieurs étangs fait apparaître clairement des fonctionnements différenciés des bassins‑versants, que seules les modalités de l’occupation du sol sont susceptibles d’expliquer, démontrant la possibilité d’appréhender des espaces sociaux à partir d’une approche paléoenvironnementale. Ainsi, le niveau d’émersion oxydé observé dans la carotte du Pourra à la cote 65 s’intègre bien au modèle d’occupation du sol proposé pour cette période et caractérisé par la mise en culture systématique des zones basses dans le cadre de l’économie domaniale. Le facteur climatique a pu favoriser l’assèchement de ces terres dans l’Antiquité. Mais des drainages artificiels sont attestés dans la région par des ouvrages d’art antiques – ainsi dans la dépression des Taillades à Fontvieille (Leveau 1993b). La légende d’une galerie de drainage romaine dans l’étang du Pourra n’est certainement pas née par hasard au xviiie s. En 1774, lors du percement de l’émissaire destiné à évacuer les eaux de cet étang dans celui d’Engrenier, les Cadenet‑Charleval eurent la surprise de découvrir un ouvrage plus ancien, dont personne ne soupçonnait l’existence. Le récit de cette découverte a été relaté par C.‑F. Achard (1787, II : 426) : « On découvrit un canal à 122 pieds de profondeur dans la montagne de Castillon ». Les auteurs de la Statistique des Bouches‑du‑Rhône s’empressent de conclure sans plus de preuve à « un ouvrage des Romains » (Villeneuve 1824 : 305). A. Saurel (1877 : 19‑28) a tenté de faire le point sur la question en réunissant les archives de Charleval. Si l’antiquité de cette construction n’est pas assurée, sa réalité est quant à elle indiscutable. Elle est attestée par le récit que fit Charleval de la découverte, par les prix‑faits dressés par les maçons et par le plan qui y figure (fig. 105). Il ressort de ces documents que l’ancienne galerie mesurait 959 m de long, et que sa pente était de 0,7 cm par mètre. Le problème réside dans le fait qu’aux dires de Charleval, la pente allait de l’étang d’Engrenier vers l’étang du Pourra et non l’inverse, comme c’est aujourd’hui le cas. Il fallut par conséquent modifier la galerie, tout en consolidant ses parois. La voûte, qui était « dans le meilleur état possible », fut conservée. La proximité de la villa de Péricard, dont le domaine couvrait une partie du bassin de Plan Fossan, aurait pu justifier une entreprise d’une telle envergure. Il pouvait être tentant pour ses propriétaires de vidanger le réceptacle naturel des écoulements de tout ce secteur, opération qui leur aurait permis de gagner plusieurs centaines d’hectares de terre cultivable ou pâturable.

FIG. 105 – Coupe de la galerie de vidange de l’étang du Pourra découverte par Charleval (d’après Saurel 1877).

140Il est impossible de proposer une estimation précise de la superficie des domaines respectifs des trois villae du secteur méridional, dans la mesure où ceux‑ci n’étaient probablement pas jointifs. On ignore même s’ils constituaient des ensembles unitaires. La présence d’établissements isolés et apparemment indépendants dans la zone des collines bégudiennes laisse en effet supposer des tentatives de mise en valeur hors du cadre domanial. L’hypothèse d’un drainage antique –même partiel– de l’étang du Pourra conduit à envisager l’existence d’un vaste domaine autour de la villa de Péricard : la superficie de cet étang atteint encore aujourd’hui 140 ha ; celle de la dépression de Plan Fossan dépasse 250 ha et l’ensemble du bassin‑versant avoisine les 450 ha. On a vu comment l’application de la méthode des polygones de Thiessen a permis de définir des domaines théoriques variant entre 50 et 135 ha en Beaucairois. Une démarche différente, appliquée sur le domaine de la villa de Pardigon 1/3, a produit des résultats comparables (Brun et al. 1988 : 50 ; Congés, Lecacheur 1994 : 284‑286). En croisant données de fouilles et de prospections, informations fournies par les agronomes latins et étude du vignoble moderne, les auteurs estiment la superficie du domaine viticole à une vingtaine d’hectares, auxquels il faut ajouter un complément d’une soixantaine d’hectares consacrés à la céréaliculture et une vingtaine d’hectares voués aux cultures maraîchères, fruitières et fourragères. La superficie totale du domaine de Pardigon 1/3 aurait ainsi avoisiné une centaine d’hectares, soit l’équivalent des grands domaines du Beaucairois et de l’Ager Cosanus. Sans prétendre à une telle précision – toujours discutable sur le plan méthodologique – je me contenterai d’observer que le croisement des données obtenues dans le secteur de Saint‑Blaise aboutit aux mêmes ordres de grandeur.

Notes

1 Sur ces 57 sites, 30 ont livré de la sigillée italique (52,6 %), 18 de la céramique campanienne et de la paroi fine (31,6 %), 15 de la céramique commune italique (26,3 %) et 46 de l’amphore italique (80,7 %).

2 Les deux sites sont occupés depuis la fin du viie s. av. J.-C. À Saint-Pierre-les-Martigues, il semble, au vu des fouilles récentes, que si la partie haute est abandonnée au ier s. av. J.-C., il n’en aille pas de même sur le versant nord, où l’occupation protohistorique se perpétue invariablement jusque dans le deuxième quart du ier s. de n.è. (Chausserie-Laprée 1992 : 123-124).

3 Voir les conclusions développées pour le Lunellois dans Favory et al. 1994 : 233.

4 Le domaine actuel de Sulauze, qui englobe les vestiges en question, est une exploitation viticole.

5 Sur ces différents sites, la part des céramiques communes varie entre 35 % et 53,7 %, celle des amphores entre 37,9 % et 44,9 %, celle de la vaisselle fine entre 7,9 % et 22,5 %.

6 Considérant l’étendue et l’importance des vestiges repérés en surface, B. Bouloumié et J. Soyer (1990 : 131-133, carte 4 et fig. 2) avaient envisagé une « grosse villa » ou un « hameau de plusieurs maisons ».

7 Selon A. Grenier (1931, VI, 2 : 915), les noms dérivés de la racine curtis indiquent parfois le démembrement d’un grand domaine gallo-romain à l’époque barbare.

8 Les auteurs de la Forma notent la présence de « poterie romaine » à Citis, ainsi qu’une « voie à rail de pierre » (Benoit 1936 : no 296). La proximité de la voie à ornières laisse penser qu’il s’agit bien du site en question.

9 L’établissement des Soires (SM-13) n’était représenté en surface que par une vingtaine de tessons (néanmoins représentatifs de la chronologie du site).

10 Les comptages portant sur le nombre total de fragments ne donnent pas une image aussi exacte de la composition réelle du mobilier domestique que ceux portant sur les bords ou, mieux encore, sur le nombre minimum d’individus. Les amphores sont sur-représentées du fait de leur volume important, de même que les céramiques communes, du fait d’une morphologie généralement plus ample (urnes, marmites) que celle de la vaisselle fine. Le choix de ce mode de comptage résulte simplement ici du souci de comparer données de fouilles et données de prospections sur une base de calcul commune, portant sur un échantillon numériquement suffisant.

11 Voir la mise au point de D. Garcia (1994) à propos de la maison à cour de l’îlot 9 à Lattes, datée du iie s. av. J.-C.

12 J’ai déjà cité plus haut l’exemple d’une cour de 19,90 x 7,75 m sur laquelle s’ouvre une salle de 10,85 x 5,95 m (Inf. archéo. Gallia, 16, 1958 : 430).

13 Les analyses par activation neutronique ont porté sur 27 éléments dosés à 10 % au pire et à 10-3 dans le meilleur des cas. Les productions d’Istres constituent un ensemble homogène et nettement différencié des autres groupes connus. Elles se caractérisent par une faible teneur en fer (1,59 %) et de très fortes teneurs en Co (15,8 %). L’analyse d’un fragment d’amphore G5 et la comparaison avec les ratés de cuisson permettent selon F. Widemann (1981 : 273) « d’affirmer le caractère local de l’amphore du type Gauloise 5 ».

14 Le niveau géologique exploité correspond aux argiles calcaires bleues de La Bayanne et de Saint-Chamas (m2a2). Carte géologique IGN 1 : 50 000. Istres, La Crau, XXX-44-45.

15 À propos des déplacements d’artefacts issus de gisements archéologiques, voir : Kirkby, Kirkby 1976 ; Wood, Johnson 1978 ; Hofman 1986 ; Schlanger, Orcutt 1986.

16 On peut mentionner en particulier les travaux suivants : Moseley, Mackey 1972 ; Thomas 1975 ; Foley 1981 ; Reynolds 1982 ; Wilkinson 1982 ; 1989 ; 1992 ; 1994 ; Frink 1984 ; Williamson 1984 ; Ammermann 1985 ; Shennan 1985 ; Bintliff, Snodgrass 1985 ; 1988b ; Gallant 1986 ; Barker et al. 1986 ; Hayfield 1987 ; Van Andel, Runnels 1987 ; Bintliff, Gaffney 1988 ; Bintliff et al. 1990 ; 1992 ; Hayes 1991 ; Stoddart, Whitehead 1991. Le point sur la question a été fait dans Schofield 1991, Bintliff à paraître et Trément à paraître a.

17 Par exemple Zadora-Rio 1987 : 14 ; Parodi et al. 1987 : 50 ; Favory et al. 1994 : 194-199 ; Bermond, Pellecuer 1997 ; Favory, Raynaud à paraître.

18 Voir sur ces pratiques Ferdière 1988, Il : 44-45.

19 Des observations du même ordre ont été effectuées à Loupian et à Lattes (Brien-Poitevin 1993 : 290).

20 En Beaucairois, la distance au site le plus proche varie entre 440 et 1 200 m (Bessac et al. 1987 : 110).

Table des illustrations

Légende FIG. 63 – Quantification de la vaisselle fine d’époque romaine recueillie en prospection.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/45258/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 66k
Légende FIG. 64 – Quantification des amphores d’époque romaine recueillies en prospection.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/45258/img-2.jpg
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Légende FIG. 65 – Le secteur des Étangs aux Ier et IIe s. de n.è.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/45258/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 126k
Légende FIG. 66 – Nombre de créations et d’abandons de sites par tranches de 20 ans.
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Légende FIG. 67 – Profil chronologique de la villa de Péricard (SM‑34).
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Légende FIG. 68 – Vue des bassins de salaison de la villa de la Pointe Baumasse (PB‑12) en 1973. La vue, prise en direction de l’ouest, montre des constructions en moellons réguliers assemblés au mortier de chaux.
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Légende FIG. 69 – Vestiges de la Pointe Baumasse au XIXe s. (d’après Saurel 1865 : pl. II).
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Légende FIG. 70 – L’exploitation domaniale de Sivier (IS‑4/5) d’après les prospections.
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Légende FIG. 71 – Profil chronologique de la villa de Sivier (IS‑4).
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Légende FIG. 72 ‒ Le vallon de Magrignane au Haut‑Empire.
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Légende FIG. 73 ‒ Profil chronologique du site des Clapières (SM‑45).
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Légende FIG. 74 ‒ L’habitat « polynucléaire » du vallon de Magrignane au Haut‑Empire : proportion des différentes catégories de mobilier. Ce document met en évidence une organisation hiérarchisée de l’habitat : au sud d’un noyau consacré aux activités domestiques (SM‑45), établi sur un replat dominant le vallon, plusieurs implantations plus modestes semblent vouées davantage au stockage ou à la transformation de la production. Au nord, les deux établissements du vallon de Mauvegeane apparaissent bien distincts du groupe précédent.
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Légende FIG. 75 ‒ Profil chronologique du site de Niveau (SM‑46).
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Légende FIG. 76 ‒ Profil chronologique de quelques sites du vallon de Magrignane.
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Légende FIG. 77 ‒ L’étang de Magrignane en 1810 d’après le cadastre de Saint‑Mitre. L’indication « terres labourables jadis » et le toponyme « les étangs » prouvent que le succès de la tentative de drainage entreprise en 1791 a été relativement éphémère.
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Légende FIG. 78 ‒ L’habitat « polynucléaire » de Tour d’Aix au Haut‑Empire : proportion des différentes catégories de mobilier. Ce document fait apparaître un certain nombre d’établissements au nord de l’étang de Citis. L’un d’eux (à l’ouest) s’étend sur un vaste espace et semble présenter une organisation en pôles spécialisés soit dans des fonctions domestiques (IS‑42, IS‑44), soit dans des activités de stockage (IS‑41, IS‑43).
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Légende FIG. 79 ‒ Profil chronologique du site de Tour d’Aix (IS‑44).
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Légende FIG. 80 ‒ Profil chronologique du site de Mauvegeane (SM‑37).
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Légende FIG. 81 ‒ Profil chronologique du site de Courtine (SM-56).
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Légende FIG. 82 ‒ Profil chronologique du site de Saint-Macaire (MA-2).
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Légende FIG. 83 ‒ Profil chronologique du site de Saint-Verran (IS-33).
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Légende FIG. 84 ‒ Profil chronologique du site de Ranquet (SM‑1).
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Légende FIG. 85 ‒ Comparaisons interrégionales de l’habitat rural antique par classes de superficie, de matériaux, d’activité et de mode de vie (classes définies dans la partie I, § 1.2.2.3).
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Légende FIG. 86 ‒ Plan de l’établissement agricole des Soires.
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Légende FIG. 87 ‒ Corrélation entre critères de matériaux et de superficie. Le graphique montre que plus de 90 % des implantations antiques ont une superficie inférieure ou égale à un hectare et ont livré des matériaux de construction limités aux classes 1 et 2. Seulement 36 % des sites ont une superficie inférieure ou égale à 0,5 ha et appartiennent à la classe 1. Parmi les établissements dont la superficie est supérieure à l’hectare, il faut distinguer les villae (SM‑34, IS‑4), qui se rapportent à la classe de matériaux la plus luxueuse (3), et une agglomération comme celle de Saint‑Michel (IS‑14), qui présente des matériaux de construction très rudimentaires.
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Légende FIG. 88 ‒ Corrélation entre critères de mode de vie et de superficie. La corrélation entre les deux critères est flagrante : plus de 82 % des sites de moins de 0,5 ha appartiennent aux classes 1 et 2, plus de 96 % des implantations de 0,5 à 1 ha aux classes 2 et 3, et tous les établissements de plus d’un hectare aux classes 3 et 4. Dans cette dernière catégorie, on ne trouve que des villae (SM‑1, SM‑34, IS‑4), à l’exception de l’agglomération de Saint‑Michel (IS‑14).
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Légende FIG. 89 ‒ Carte pédologique du secteur des Étangs.
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Légende FIG. 90 ‒ Plan du fouloir monolithique de Sivier (IS‑4).
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Légende FIG. 91 ‒ Coupes du fouloir monolithique de Sivier (IS‑4) : a coupe longitudinale A‑B d’axe nord‑sud ; b coupe transversale C‑D du bassin de foulage ; c coupe transversale E‑F du cuveau.
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Légende FIG. 92 ‒ Vue du fouloir monolithique de Sivier (IS‑4).
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Légende FIG. 93 ‒ Bloc d’assise de jumelles du site du Lèbre (SM‑54) (d’après Vigoureux 1973) : a face supérieure ; b face antérieure ; c coupe de la zone évidée.
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Légende FIG. 94 ‒ Bloc d’assise de jumelles de l’établissement des Soires (SM‑13) : a face supérieure ; b coupe longitudinale.
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Légende FIG. 95 ‒ Plan de l’huilerie antique du Collet de Carbonnière (FO‑24) : 1 aménagement du chemin ; 2 contrepoids de pressoir à vis ; 3 contrepoids de pressoir à treuil ; 4 structure principale d’un pressoir à vis.
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Légende FIG. 96 ‒ Coupe topographique de l’huilerie antique du Collet de Carbonnière (FO‑24).
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Légende FIG. 97 – Vue du contrepoids de pressoir à treuil de l’huilerie antique du Collet de Carbonnière (FO‑24).
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Légende FIG. 98 – Plan et coupes du contrepoids de pressoir à treuil de l’huilerie antique du Collet de Carbonnière (FO‑24) : a plan du contrepoids ; b face nord‑ouest ; c coupe transversale ; d face est.
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Légende FIG. 99 – Plan et coupes du contrepoids de pressoir à vis de l’huilerie antique du Collet de Carbonnière (FO‑24) : a plan ; b coupe longitudinale ; c face écoulement ; d face antérieure ; e coupe transversale.
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Légende FIG. 100 – Vue de la structure principale de l’huilerie antique du Collet de Carbonnière (FO‑24).
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Légende FIG. 101 – Relevé de la structure principale de l’huilerie antique du Collet de Carbonnière (FO‑24). On remarquera tout particulièrement les deux blocs d’ancrage sur les faces est et ouest ; ils appartiennent vraisemblablement à un premier état de l’édifice dont les murs sont liés au mortier. Dans le cartouche, détail de l’élément porteur muni d’une encoche encastré dans le mur ouest.
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Légende FIG. 102 – Carte de répartition des scories denses recueillies en prospection.
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Légende FIG. 103 – Diagrammes ternaires d’équilibre physico‑chimique des scories denses analysées. Ces graphiques montrent la présence de deux types bien distincts de scories (A et B) sur les trois établissements considérés.
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Légende FIG. 104 – Modélisation du domaine des villae du secteur méridional.
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Légende FIG. 105 – Coupe de la galerie de vidange de l’étang du Pourra découverte par Charleval (d’après Saurel 1877).
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