Archéologie d’un paysage
|Deuxième partie. Le secteur des Étangs à l’âge du Fer
Chapitre 4. Le secteur des Étangs aux iie et ier s. av. J.‑C
4 The pools in the 2nd and 1st c. BC
4 El sector de los Estanques en los siglos II y I a. C.
Résumé
Les fouilles de Saint‑Blaise et de l’île de Martigues témoignent d’un réel dynamisme des communautés indigènes au iie s. av. J.‑C. La restructuration profonde des deux agglomérations s’inscrit dans un mouvement plus large qui affecte l’ensemble du midi de la Gaule à la même époque. Les fouilles rendent compte d’un accroissement et d’une diversification des activités productives avec, en particulier, l’extension de la viticulture et de l’oléiculture, apparues durant la période précédente. Les prospections confirment la prééminence de l’habitat groupé, au sein duquel se concentre l’essentiel des activités économiques. Cette évolution est interrompue par l’abandon de l’oppidum de Saint‑Blaise au moment de la conquête romaine.
Texte intégral
1Les fouilles de Saint‑Blaise et de l’île de Martigues témoignent du dynamisme de l’économie locale et d’une accélération des processus évolutifs des communautés indigènes au cours des deux siècles précédant le changement d’ère. Les prospections révèlent en revanche un vide archéologique relatif. Il semble que l’habitat groupé soit plus que jamais prépondérant, et que les quelques établissements repérés alentour lui soient étroitement subordonnés. Cette situation contraste avec celle qui est observée au premier âge du Fer, et implique une évolution des pratiques agricoles. À la complexification et à la structuration accrue de l’habitat aggloméré correspondent certainement celles des terroirs environnants, qui font l’objet d’une mise en valeur plus intense et plus diversifiée, mais aussi plus centralisée.
4.1 La restructuration des agglomérations
2La restructuration complète des deux agglomérations de Saint‑Blaise et de l’île de Martigues s’inscrit dans un mouvement plus général observé sur la plupart des oppida du midi de la France, et tout particulièrement dans la basse vallée du Rhône. Après une série de destructions (île de Martigues, Teste Nègre, Roquepertuse, peut‑être aussi le Baou Roux, Pierredon à Eguilles et le Pain de Sucre au Verduron) ou d’abandons (Notre‑Dame‑de‑Pitié), on assiste à une réorganisation des agglomérations anciennement occupées (Saint‑Blaise, Île de Martigues, Pierredon, Saint‑Marcel, Baou Roux, Mont Garou, La Courtine) et à l’apparition de nouvelles implantations (Entremont, La Tête de l’Ost à Mimet, La Cloche I aux Pennes‑Mirabeau, le Baou Rouge à Auriol, la Borie du Loup à La Roqued’Anthéron, le sanctuaire de Roquepertuse à Velaux, peut‑être Constantine). Le site de Saint‑Blaise se distingue toutefois par un dynamisme exceptionnel, dont on ne connaît pas d’équivalent dans le midi de la Gaule à l’exception de Glanum. Sa fortification hellénistique est au cœur du débat sur l’extension du territoire de Marseille et sur les relations entre cette cité et l’arrière‑pays indigène.
4.1.1 La réorganisation des trames urbaines
4.1.1.1 Saint‑Blaise
3À Saint‑Blaise, la superficie enclose n’augmente pas par rapport au premier âge du Fer, mais on constate une modification profonde dans l’organisation interne de l’espace bâti (fig. 56). La présence de la porte principale détermine le tracé de la seule voie d’axe nord‑sud connue dans la « ville basse ». Un découpage transversal, selon un axe approximativement perpendiculaire à cette voie, est attesté par deux rues parallèles et une ruelle plus étroite (Rolland 1956 : 18‑33, 43‑48 ; Bouloumié 1992 : 21‑24). Le réseau ainsi défini délimite des îlots d’habitation assez vastes, dont le plus méridional mesure 21,80 m dans le sens nord‑sud et 45 à 48 m dans le sens est‑ouest. La trame urbaine présente donc un quadrillage assez régulier, que l’on retrouve dans la « ville haute », malgré une légère divergence d’orientation. On y observe deux rues parallèles au parement interne de l’enceinte hellénistique. Ces rues délimitent deux îlots d’habitation d’une dizaine de mètres de largeur.

FIG. 56 – Vue aérienne verticale de l’oppidum de Saint‑Blaise. Les fouilles de la « ville basse » sont nettement visibles, ainsi que la porte principale. À l’ouest, l’étang de Laval duc forme une anse sablonneuse où l’on a voulu voir le port de l’oppidum. Au nord‑est, l’étang de Citis en période de haut niveau. Au sud de l’agglomération, le chemin qui traverse le plateau de Castillon reprend le tracé d’une voie à ornières, La nécropole paléochrétienne couvre la moitié orientale de cette partie du plateau.
4« Ville haute » et « ville basse » ont été aménagées simultanément, dans le cadre d’une opération d’urbanisme dont l’ampleur est confirmée par la présence dans les deux secteurs d’une même couche de safre jaune très tassée, épaisse de 0,10 à 0,15 m (Rolland 1956 : 18‑19, 36 ; Bouloumié 1982a : 137‑138 ; 1984 : 52‑53 ; 1992 : 20‑21, 38). Celle‑ci repose sur d’épais remblais destinés à niveler le terrain. De tels aménagements impliquent une organisation collective, la mobilisation d’une quantité de main‑d’œuvre considérable et une autorité capable d’assurer la coordination des travaux. B. Bouloumié (1984 : 52‑53) évoque un « plan général d’urbanisme », dont la mise en œuvre ne peut se concevoir selon lui que dans le cadre d’un habitat déjà à moitié abandonné.
5Il faut nuancer toutefois les conclusions relatives à la régularité de cette trame urbaine. Le fait qu’un principe général ait présidé à sa mise en œuvre est incontestable dans les secteurs dégagés. Cette régularité réside surtout dans le parallélisme des rues transversales d’orientation est‑ouest. Mais dans le détail, on n’observe pas de module dans la largeur des îlots ou des rues, et l’on remarque que les voies ne se recoupent pas de manière rigoureusement perpendiculaire. Par ailleurs, le tracé de l’enceinte hellénistique est trop irrégulier pour déterminer de grandes orientations, comme c’est fréquemment le cas sur les sites contemporains, dans l’île de Martigues par exemple. Les fouilleurs s’accordent d’ailleurs à penser que l’édification du rempart est postérieure d’une ou deux décennies à la mise en place de la trame urbaine (Rolland 1963 : 84 ; Bouloumié 1982a : 137‑141 ; Arcelin, Cayot 1984 : 64‑66).
4.1.1.2 L’île de Martigues
6À la restructuration complète dont fait l’objet l’agglomération de Saint‑Blaise correspond celle de la trame de l’habitat de l’île de Martigues. Le second village, très différent du premier, s’en distingue à la fois par ses dimensions, son organisation et son orientation, ainsi que par les techniques de construction mises en œuvre. Le principe de base reste toutefois le même : il est fondé sur une alternance de longues voies étroites sans communications transversales et d’îlots doubles linéaires à cases non communicantes, qui confère à la trame son aspect laniéré (Chausserie‑Laprée 1986 : 142‑143 ; Chausserie‑Laprée, Nin 1988 : 50‑57). Un nouveau rempart d’axe divergent est érigé à l’ouest du précédent. Il structure désormais l’espace habité selon un axe est‑ouest. Dégagé sur une quinzaine de mètres, il présente une facture aussi sommaire que le précédent et ne traduit pas d’évolution sur le plan technique. Il s’agit d’un simple mur à double parement sans assises continues, dont l’épaisseur varie de 1,20 à 2 m.
7La surface ainsi délimitée double. Il faut distinguer deux secteurs. À l’ouest, les occupants de l’île reconstruisent sur les ruines du village primitif. L’habitat s’organise en îlots doubles séparés par des rues. Certains axes du premier village sont repris, ce qui confirme une réoccupation immédiate de l’Île. L’ancienne placette de l’angle nord‑ouest correspond toujours à un espace découvert. Quant au secteur oriental, situé en contrebas et à l’extérieur du premier village, il a été reconnu sur 1 200 m2. Aménagé dans un deuxième temps, dans le courant du premier quart du iie s., il s’organise selon une trame d’orientation est‑ouest à la fois légèrement divergente et plus rigoureuse que celle du secteur occidental. On constate cependant l’absence d’un report rigoureux par marquage au sol : les alignements de façade ne sont pas tirés au cordeau et la largeur des îlots est variable.
4.1.2 L’amélioration de la voierie
4.1.2.1 Saint‑Blaise
8La réorganisation des trames urbaines s’accompagne d’une amélioration de la voirie. On soulignera en premier lieu la largeur importante des axes de circulation à Saint‑Blaise (Rolland 1956 : 19‑20 et fig. 7, plan IV ; Bouloumié 1992 : 21‑22). Celle de la voie principale nord‑sud atteint 3 m au niveau de la porte charretière, puis 2,60 m. Dans la « ville basse », la largeur de la rue transversale no 1 varie de 3,55 m à 4 m, celle de la voie no 2 atteint 3,45 m. Dans la « ville haute », la largeur des rues orientées est‑ouest est comprise entre 1,70 m et 4,50 m. La rue qui longe la courtine a une largeur moyenne, assez régulière, de 2,50 m, se resserrant par endroit à 1,70 m. La rue qui lui est parallèle, immédiatement à l’est, paraît beaucoup plus large, atteignant et dépassant peut‑être 4,40 m. Cela n’exclut pas l’existence de ruelles qui s’apparentent aux traverses et autres venelles reconnues dans l’île de Martigues. Leur largeur n’excède guère 1,20 m dans la « ville basse » et 1 m dans la « ville haute ».
- 1 Sur les « faubourgs » de Saint‑Blaise, voir Rolland 1951 : 79, 216, fig. 81 ; 1956 : 11, 23 ; 1963 (...)
9L’amélioration du réseau viaire est aussi qualitative, même si dans leur mise en œuvre les axes de circulation restent très sommaires, se réduisant à un radier de sable tassé mêlé de déchets de taille ou à un simple empierrement, qu’il faut régulièrement recharger. Aucune voie, par exemple, n’est véritablement dallée. Le sondage A a montré l’extension du système de circulation à l’extérieur de l’enceinte hellénistique, tout au moins au pied de la courtine, sous la forme d’un niveau de « safre » épais de 0,10 à 0,30 m et composé de déchets de taille (Rigoir, Rigoir 1981 : 183 ; Inf. archéo. Gallia, 35, 1977 : 526). C’est peut‑être un aménagement du même type que l’on retrouve dans la stratigraphie du sondage A, où les fouilleurs observent que la couche 4 se compose d’un sol jaune damé très dur constitué de déchets de taille, dont l’épaisseur atteint 0,10 m (Bouloumié et al. 1984 : 256, 264 et fig. 9). On aurait là les traces d’un système de circulation périphérique bordant l’enceinte à l’extérieur, hypothèse d’autant plus vraisemblable qu’un certain nombre de vestiges, qui pourraient correspondre à des habitations, sont attestés extra muros1.
- 2 B. Bouloumié (1984 : 94, fig. 1 ; 1992 : 23) remet en question l’existence d’un trottoir qui aurait (...)
10Le meilleur exemple de cette amélioration qualitative du réseau de circulation est un trottoir constitué d’un alignement de blocs taillés parallélépipédiques longs de 1,30 m, qui bordait la rue principale sur son côté est (Rolland 1956 : 20, fig. 7)2. Cet aménagement traduit le souci de donner à la voie principale un caractère monumental, tout au moins au niveau de la porte charretière. Des préoccupations plus utilitaires ne doivent pas cependant être exclues. Comme à Martigues, on observe dans les deux rues transversales de la « ville basse » des aménagements destinés à la fois à protéger la base des maisons contre les effets du ruissellement et à faciliter la circulation des piétons. Dans la rue no 1, il s’agit d’un véritable trottoir, appuyé contre les murs de façade des maisons situées du côté nord. Conservé sur 16 m de longueur, celui‑ci courait à l’origine sur toute la longueur de la rue et formait un angle avec la rue principale, qu’il bordait sur son côté est sur une longueur indéterminée (Rigoir, Rigoir 1969 : 266‑268 et fig. 1). Il était constitué d’un alignement de dalles taillées, de forme irrégulière, larges de 0,50 à 0,75 m, longues de 0,25 à 1 m et épaisses de 0,15 à 0,20 m. L’aménagement de la rue no 2 consiste en une simple bordure de pierres maçonnée (Rolland 1963 : 82 ; Bouloumié 1992 : 24). L’existence d’un autre trottoir est attestée dans le sondage MN11 (Arcelin, Cayot 1984 : 63, note 75).
11Aucun drain ou système d’égout n’est clairement attesté à Saint‑Blaise, alors que l’on connaît des aménagements de ce type dans l’île de Martigues et à Saint‑Pierre. Mais contrairement à ce que l’on observe dans l’île, la rue paraît moins constituer à Saint‑Blaise un prolongement de l’espace domestique qu’un véritable espace de circulation, véritablement fonctionnel et carrossable. Il semble que, malgré la présence de dépotoirs (d’ailleurs assez tardifs), le statut de la rue ait évolué vers celui d’un espace public. On aurait là le signe d’une différenciation embryonnaire entre espaces publics et privés, confirmée par la présence des aménagements mentionnés plus haut et par l’existence possible d’édifices à caractère collectif.
4.1.2.2 L’île de Martigues
- 3 L’aménagement systématique de caniveaux est lié au fait que le quartier oriental se situe quasiment (...)
12Par rapport à la période précédente, les rues demeurent très étroites dans le second village de l’île de Martigues (Chausserie‑Laprée, Nin 1988 : 53). Cette situation contraste avec celle de Saint‑Blaise, où la largeur des axes de circulation paraît globalement plus importante. On constate par ailleurs l’absence de voies transversales, à l’exception peut‑être d’un axe nord‑sud entre les deux secteurs oriental et occidental. Une évolution importante est marquée cependant par l’apparition d’aménagements de voierie dans toutes les rues, sous la forme de trottoirs et de caniveaux maçonnés3. On observe aussi des espaces dégagés, tels que B1 ou B6, interprétés comme des esplanades utilisées par la suite comme dépotoirs, après avoir été fermées par un mur de façade. Enfin, on constate la disparition des plaques‑foyers, qui sont intégrées à l’espace domestique. Néanmoins, il ne faut pas exagérer la portée de ces évolutions. On ne saurait conclure à une modification du statut de la rue liée à un renforcement du pouvoir collectif. En effet, celle‑ci demeure encombrée d’éléments de stockage et de matériaux appartenant aux occupants des cases d’habitation voisines.
4.1.3 La question des bâtiments publics
4.1.3.1 Les aménagements collectifs de Saint‑Blaise
- 4 B. Bouloumié (1992 : 34) y voit de simples bases de poteaux.
- 5 Ce bloc a été recueilli à 12 m de profondeur. Il pèse plus de 400 kg et est dépourvu de toute trace (...)
13Si certains de ses caractères rapprochent l’agglomération de Saint‑Blaise de celle de Glanum, on a invoqué l’absence de bâtiments publics pour l’en distinguer radicalement (Rolland 1956 : 22 ; Tréziny 1992 : 341). Pour être exact, il faut préciser que cette absence n’a rien de rédhibitoire –compte tenu de l’état d’avancement des fouilles– et qu’elle n’est pas non plus aussi radicale qu’on a pu le dire. On en voudra pour preuve toute une série d’indices témoignant d’une volonté affirmée de monumentalisation. On peut citer les éléments de corniche moulurés exhumés à proximité de la poterne est et un chapiteau remployé dans l’abside de la basilique paléochrétienne (Rolland 1951 : 259, fig. 165 ; Rigoir, Rigoir 1983). Il faut également mentionner la découverte, lors de la fouille du « puits » de la « ville haute », de huit disques de pierre de 0,44 à 0,47 m de diamètre et d’épaisseur inégale (0,12 à 0,40 m), interprétés par H. Rolland (1956 : 39 et note 3, 40) comme des tambours de colonne4. Le remblai a livré en outre deux fragments de pierre moulurés et un cube de calcaire de 0,70 x 0,70 x 0,66 m, décoré d’une moulure périphérique à son sommet et à sa base, dans lequel H. Rolland voyait un autel ou un socle5. Sans compter tous les éléments d’architecture militaire, que ce soit l’enceinte hellénistique (avec sa porte monumentale), le bastion méridional ou la tour monumentale du plateau supérieur, on a vu que les rues de Saint‑Blaise présentent des aménagements à caractère communautaire. Le creusement d’un « puits » de 25 m de profondeur et de rigoles destinées au captage des eaux de ruissellement dans la « ville haute » témoigne aussi d’entreprises à caractère collectif, tant par l’ampleur des moyens mis en œuvre (le forage traverse la molasse sur toute sa longueur) que par sa finalité (assurer un captage permanent et donc maîtriser l’approvisionnement de la population en eau).
4.1.3.2 La salle hypostyle de Saint‑Blaise
14Le seul édifice dont le caractère collectif soit assuré est un bâtiment d’axe est‑ouest, mesurant 12,50 x 4,50 m, découvert dans la « ville basse » en 1958, au sud de la rue no 1 (Rolland 1963 : 82 ; 1964 : 10 ; Rigoir, Rigoir 1983 ; Bouloumié 1984 : 90‑92 ; 1992 : 26‑29, fig. 5‑6). L’aspect de cette construction, sa position à proximité du rempart hellénistique et la présence de trois blocs taillés régulièrement espacés destinés à supporter des piliers rappellent les « salles hypostyles » d’Entremont, de Roquepertuse et de Glanum. Le bloc central, large de 1,10 m (alors que les deux autres mesurent seulement 0,70 m), supportait probablement un pilier double. Il est intéressant de noter, outre les arêtes chanfreinées, que la partie visible des bases de pilier est traitée selon la même technique que le parement de l’enceinte monumentale, avec une finition à layage en chevrons alternés. Un chapiteau carré à échine dorique soigneusement sculpté reposait sur le sol d’argile près de la base située à l’est. Il surmontait à l’origine un pilier octogonal de 0,50 m de large. On peut le rapprocher du chapiteau indigène d’inspiration ionique, mais de facture plus fruste, découvert sur l’oppidum de Constantine à Lançon (Inf. archéo. Gallia, 16, 1958 : 428, fig. 24 ; Arcelin 1991 : 235 et note 15). On retrouve le même désir d’imitation des ordres grecs à Ensérune (Jannoray 1955). Il faut voir là assurément l’influence du modèle marseillais qui, loin d’atteindre le degré de mimétisme observé à Glanum, se diffuse dans des communautés indigènes à l’hellénisation superficielle.
4.1.4 Complexification et spécialisation fonctionnelle de l’espace
15Dès 1951, surpris par l’abondance des éléments de réserve, H. Rolland (1951 : 77, note 1 ; 1956 : 23‑24) voyait dans les constructions dégagées dans la « ville basse » des « magasins ». B. Bouloumié a repris l’idée d’un entrepôt contrôlé par Marseille. Selon lui, l’organisation interne de l’habitat et la place accordée au stockage des dolia et des amphores confirment ce que l’absence de monuments publics, d’inscriptions et de toute trace d’activité artistique laisse seulement entrevoir. Il va « jusqu’à imaginer Saint‑Blaise hellénistique comme un vaste entrepôt sans doute gardé par une garnison » (Bouloumié, Fincker 1986 : 406). Une telle interprétation n’est plus recevable aujourd’hui, à la lumière des fouilles de l’île de Martigues qui montrent l’abondance des éléments de stockage dans toutes les cases d’habitation. À côté du stockage domestique pour la consommation locale, l’existence de celliers ou de greniers va même dans le sens d’une réelle spécialisation de l’espace, en relation avec le développement des échanges commerciaux. Cette évolution s’accompagne d’une complexification de l’habitat et d’un accroissement très sensible des superficies habitables.
4.1.4.1 La complexification des plans d’habitations
Saint‑Blaise
16Les habitations de Saint‑Blaise V sont mal connues, tant du point de vue des techniques de construction que de leur organisation interne. Il est souvent difficile, voire même impossible, d’isoler avec certitude plusieurs pièces appartenant à un même ensemble, d’y faire la distinction entre les espaces couverts et découverts ou d’identifier les communications entre les différents espaces. Aucun plan complet de maison n’a été relevé. On doit se contenter d’observer la présence de demeures composées de plusieurs pièces imbriquées et communicantes, dont la structure est de toute évidence plus complexe que celle des cases unicellulaires de l’île de Martigues ou de la période « archaïque ». On les rapprochera davantage des maisons de la « ville basse » d’Entremont ou même de certaines maisons du Jardin d’Hiver à Arles (Arcelin 1992 : 329‑330). L’évolution observée est assez semblable à celle qui a été décrite sur ce dernier site et s’inscrit dans un processus général affectant l’ensemble du midi de la Gaule.
- 6 H. Rolland signale à l’est de la rue principale de la « ville basse » une cour de 19,90 x 7,75 m su (...)
17On peut supposer l’existence de cours d’entrée et de vestibules desservant plusieurs pièces6. Le cas de la « Maison des Jarres » est le mieux connu. Un couloir y dessert un ensemble de cinq pièces communicantes. Dans la « ville haute », on connaît une maison à pièce unique quadrangulaire, légèrement trapézoïdale, de 11,10 x 7,40 m maximum, soit une superficie de 77,33 m2. Celle‑ci s’ouvre à l’est, par un seuil de 1,66 m de large, sur la rue qui longe la courtine. Elle est mitoyenne d’une autre habitation de plan similaire, partiellement dégagée au sud et ouverte également à l’est. Immédiatement au nord de la ruelle transversale se trouve une troisième maison, à plan complexe, composée de quatre pièces de dimensions à peu près équivalentes (entre 16 et 21 m2). Aucune communication n’est attestée, ni entre elles, ni vers l’extérieur, sauf peut‑être dans l’angle sud‑est où le mur de façade donnant sur la rue du rempart fait défaut.
- 7 Ainsi la « Maison du Fondeur » couvrirait 96 m2 et la maison no 2 de la « ville haute » atteindrait (...)
18D’une manière générale, les limites des habitations sont mal connues. C’est donc avec beaucoup de prudence qu’il faut envisager la question de la superficie des maisons de cette époque. Selon B. Bouloumié, celle‑ci serait comprise entre 56 et 115 m2. Certes, quatre cas seulement ont été pris en compte7. Mais ce qui importe, c’est la disproportion flagrante de ces valeurs en regard des cases du vie s., qui n’atteignent qu’exceptionnellement 35 m2 et dont la superficie moyenne est proche de 13 m2.
L’île de Martigues
19L’évolution constatée dans le second village de l’île de Martigues va aussi dans le sens d’un accroissement sensible de la superficie moyenne habitable, mais on n’assiste pas, comme à Saint‑Blaise, à une complexification de l’espace domestique, qui demeure unicellulaire (Chausserie‑Laprée, Nin 1988 : 54). Une cinquantaine d’habitations regroupées en quatre îlots doubles ont été dégagées. Les pièces sont assez différentes de celles du village primitif, tant par leur superficie moyenne, qui atteint 16 m2 contre 11 précédemment, que par leur morphologie. Il s’agit en effet d’espaces rectangulaires allongés dans l’axe des rues. Mais à l’instar de la phase précédente, une grande hétérogénéité est observée dans la superficie des cases, qui varie entre 6 et 20 m2 et plus.
4.1.4.2 Exemples de spécialisation fonctionnelle de l’espace
Saint‑Blaise
20L’examen détaillé de quelques exemples donnés par H. Rolland sera l’occasion d’aborder de manière plus précise la question de la spécialisation fonctionnelle de l’espace à Saint‑Blaise au iie s. La situation contraste avec la très faible différenciation des espaces constatée tant à Saint‑Blaise que dans l’île de Martigues depuis le premier âge du Fer.
La « Maison du Fondeur »
21La « Maison du Fondeur », ainsi nommée par H. Rolland (1956 : 26‑29, fig. 12‑14 et pl. II) pour qualifier une habitation située dans la « ville basse », à l’intersection de la voie principale et d’une rue transversale, constitue probablement le meilleur exemple d’une spécialisation fonctionnelle de l’espace. Un couloir desservait plusieurs pièces, dont l’une, contenant un foyer, pourrait correspondre à un atelier. La salle en question était large de 3,30 m. Le sol, comme dans les autres pièces, était constitué d’une couche de terre mêlée de déchets de taille. Le foyer, situé contre le mur ouest et légèrement surélevé par rapport au niveau du sol, était délimité par une murette de pierres en forme d’hémicycle. Son ouverture située au nord mesurait 0,58 m, sa profondeur 1,36 m. L’âtre était rempli de cendres et de bois brûlé. Près du mur est se trouvaient des fragments d’amphores, un fond de dolium, un petit vase de réserve et une série d’objets métalliques : trois fragments de plaques de plomb découpées, trois tiges pointues du même métal dont deux de section carrée et une plate et perforée en son centre au niveau d’un renflement. H. Rolland signale également une plaque de fer de 0,08 x 0,05 m percée en son milieu, une mince plaque de bronze rivetée et une pointe de flèche en fer. La présence dans cette salle des substructions d’un foyer de grandes dimensions et de débris de fer, de plomb et de bronze a incité le fouilleur à y voir un atelier de forgeron ou de fondeur. Deux cachettes aménagées dans le sol près du seuil et dans l’angle sud‑est de la pièce auraient permis à l’artisan de dissimuler son pécule (ou bien du métal précieux). Quant aux deux amphores ovoïdes tronquées au niveau du col et enterrées côte à côte dans l’angle sud‑est, il faut peut‑être y voir davantage des éléments de réserve. H. Rolland (1956 : 26) se demande si les pièces voisines n’auraient pas constitué des « magasins », bien qu’il estime qu’elles s’apparentent davantage à des espaces domestiques. Il conclut à « une habitation privée ayant, peut‑être en partie, servi d’atelier à un artisan ».
Un atelier de réparation de dolia ?
- 8 Il s’agit du secteur Q13. H. Rolland signale un foyer et des coulées de plomb fondu en P13 (Inf. ar (...)
22La découverte, à la limite nord de la zone dégagée dans la « ville basse », d’une pièce contenant un socle maçonné appuyé contre un mur qui portait un foyer, des résidus de plomb et des tiges de fer, a conduit l’auteur des fouilles à envisager l’hypothèse d’un atelier de réparation de dolia8.
La « Maison des Jarres »
23La « Maison des Jarres » constitue un troisième exemple de spécialisation de l’espace (Rolland 1956 : 29‑33, fig. 15‑16 et pl. III). Située au sud‑est de la « ville basse », à proximité de l’enceinte et en bordure de la voie no 1, elle se composait d’un ensemble de cases communiquant entre elles par des ouvertures dépourvues de seuils. H. Rolland supposait l’existence d’une toiture de torchis. Le sol des différentes pièces, constitué d’une couche compacte de débris de taille épaisse de 0,10 m, était jonché de débris d’amphores et de dolia. H. Rolland signale la présence de fonds de dolia en place dans les angles des pièces. Un fragment portait une inscription en caractères grecs archaïques gravés avant cuisson : ΜΥΡΕΣΙΚΟΣ, adjectif appliqué au vin dans le sens d’aromatique. L’archéologue voyait également dans l’inscription CAFARI, appliquée sur un fragment d’opercule d’amphore en pouzzolane, le nom d’un négociant italien dénommé Cafarus ou C(aius) Afarius (Rolland 1951 : 258, fig. 163 ; 1956 : 54, 55, fig. 38). Il est donc probable qu’une partie au moins de la « Maison des Jarres » était destinée au stockage du vin. À cette fonction de stockage s’ajoutait une fonction domestique, attestée par d’abondants tessons de bols et de plats en céramique campanienne et d’urnes indigènes dans les différentes pièces. On comprendrait mal, dans le cas d’un simple entrepôt, la disposition des éléments de stockage et le cloisonnement de l’espace en pièces distinctes. La localisation des dolia rappelle à l’évidence ce que l’on observe dans l’Île de Martigues à la même époque. Le caractère envahissant des éléments de stockage au sein des espaces domestiques est un phénomène aujourd’hui bien connu dans l’habitat protohistorique du midi de la Gaule.
L’espace Z
24J. et Y. Rigoir ont émis l’hypothèse d’une spécialisation de l’ensemble du secteur de la « ville basse » situé au sud de la rue tranvcrsale no 1 dans des fonctions de stockage. Outre la « Maison des Jarres », dont il vient d’être question, l’espace Z aurait pu correspondre à un entrepôt ou à une cour. Ses dimensions importantes (16,60 x 7,30 m au moins) et l’abondance des débris d’amphores et de dolia, qui y furent exhumés en amas, iraient dans le sens d’un véritable « quartier » spécialisé (Rigoir, Rigoir 1969 : 268). Malheureusement, les destructions occasionnées par l’aménagement d’un vaste dépotoir d’époque tardive dans ce secteur fragilisent cette hypothèse séduisante, les niveaux de sols de l’époque hellénistique (et avec eux d’éventuels murs de refend) ayant disparu.
Autres exemples
25D’autres « celliers » contenant des amphores gréco‑italiques sont signalés à diverses reprises par H. Rolland dans la « ville basse », en particulier en P/12‑13 et MN/12‑13 (Arcelin, Cayot 1984 : 61, note 59). On peut mentionner l’exemple d’une habitation située à l’est de la « Maison des Jarres » (Rolland 1956 : 31, fig. 17, 33). Dans l’une des pièces se trouvaient les vestiges d’un grand dolium à moitié enterré. À proximité, une petite cuve avait été taillée dans une élévation du substrat rocheux réservée à cet effet. Une meule circulaire en basalte et une lampe hellénistique se trouvaient à côté. Le sol de la maison était couvert de débris de céramique campanienne et de dolium. Là encore, il semble qu’une partie de l’espace domestique ait été vouée à des activités de stockage et de transformation. Mais l’hypothèse de quartiers spécialisés paraît être le fruit d’une surinterprétation.
L’île de Martigues
- 9 Il pourrait s’agir d’un grenier (Chausserie‑Laprée, Nin 1988 : 74).
26Dans l’Île de Martigues, on constate le transfert des aires de cuisson domestiques installées jusqu’alors dans la rue à l’intérieur des cases d’habitation, qui paraissent pourtant moins encombrées qu’auparavant, du fait à la fois de superficies habitables plus importantes et d’une emprise au sol plus réduite des éléments de réserve. C’est peut‑être là la conséquence d’une redistribution ou d’une dispersion de certaines activités de production et de stockage. De fait, certaines cases donnent l’impression d’avoir été entièrement consacrées au stockage. C’est très probablement le cas de l’aire de réserve B1, dans laquelle l’absence de tout foyer et de toute trace d’activité domestique contraste avec l’abondance du matériel de réserve9. Cet exemple unique dans le second village de l’Île témoignerait d’une forme de spécialisation de l’espace consécutive à un accroissement de la production, hypothèse qu’il est toutefois impossible de généraliser.
4.2 Le développement du système vivrier au iie s. av. J.‑C.
4.2.1 L’accentuation des caractères productifs de l’économie
27Le iie s. est caractérisé à Saint‑Blaise par un nouvel essor économique, qui fait suite à celui du vie s. La proximité de Marseille stimule assurément la demande de produits agricoles, et l’existence de nouveaux rapports à la terre favorise peut‑être aussi la productivité. Plusieurs indices vont dans ce sens.
-
L’intensification de la mise en valeur des terroirs, qui s’accompagne d’une diversification des ressources exploitées, favorisée par les transferts de technologie agraire en provenance de Marseille. Si l’on ne peut encore évoquer sans anachronisme une différenciation ville/campagne, celle‑ci n’en demeure pas moins embryonnaire.
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L’organisation interne des agglomérations, qui révèle des formes de spécialisation fonctionnelle de l’espace liées en partie au développement des activités artisanales.
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Le dynamisme de l’activité commerciale, dont témoigne la part occupée vers 150 av. J.‑C. par les amphores, d’origine essentiellement italique, qui constituent 33 % du mobilier céramique de Saint‑Blaise V.
-
La construction de l’enceinte hellénistique et la restructuration de la trame urbaine, qui traduisent un renforcement des différenciations sociales amorcées au VIe s. Le caractère monumental du rempart, en particulier, relève d’une volonté ostentatoire des élites locales, qui se manifeste à travers un emprunt socialement valorisant à la culture méditerranéenne.
28Les fouilles de l’île de Martigues révèlent une activité agricole assez dynamique pour dégager des surplus et permettre la réalisation de profits, comme l’atteste la découverte d’un trésor monétaire composé de 546 oboles d’argent marseillaises dans le second village (Chausserie‑Laprée, Nin 1988 : 82). À Saint‑Blaise, le monnayage est presque exclusivement d’origine marseillaise, mais il semble assez peu abondant. H. Rolland (1951 : 147 ; 1956 : 44, 47, 54) mentionne une obole d’argent à la tête juvénile et à la roue, et surtout des bronzes à la tête d’Apollon et au taureau cornupète. Il signale également quelques monnaies aux Calvires des Baléares, qui attestent un commerce avec l’Espagne, et une pièce d’argent portant au droit une tête laurée et au revers un bouquetin, qui proviendrait du monnayage des Allobroges ou plus largement de tribus de la vallée du Rhône. Le développement d’une économie de production pour la commercialisation pourrait expliquer certains transferts de technologie, dont l’enceinte monumentale de Saint‑Blaise est assurément le plus bel exemple connu dans le monde indigène.
4.2.2 L’accroissement des capacités de stockage
- 10 En P8, par exemple. En P14, H. Rolland (1956 : 37) a identifié un cellier en sous‑sol composé de de (...)
29Les fouilles de Saint‑Blaise et de l’île de Martigues indiquent clairement une augmentation de la production agricole au iie s. Le développement systématique des banquettes de terre ou de pierre le long des murs des habitations du second village de l’île, déjà amorcé au iiie s., irait dans ce sens (Chausserie‑Laprée, Nin 1988 : 76). À Saint‑Blaise, on constate la même abondance des éléments de stockage, en particulier les dolia, qui se localisent systématiquement dans les angles des pièces. On remarquera que si le village primitif a livré des dolia, l’intégralité des 614 fragments exhumés dans le sondage Q8/9 appartiennent à la période de Saint‑Blaise V (Bouloumié 1982a : 176). Quand ils ne sont pas enterrés, les dolia reposent fréquemment sur des disques de pierre de 0,26 à 0,45 m de diamètre. Ces supports sont souvent retrouvés groupés. L’invention de supports atteignant 0,75 et même 0,85 m laisse supposer l’existence de dolia de taille plus importante. Comme dans l’île de Martigues, la fouille de certaines cases a révélé des amoncellements de dolia brisés, souvent associés à des amphores. C’est tout particulièrement le cas dans la « Maison des Jarres », où les salles A, B et E ont livré de nombreux dolia, tandis que la case Z contenait à la fois des dolia et des amphores italiques. H. Rolland a également remarqué dans plusieurs cases des alignements d’amphores contre les murs10.
- 11 Rapport de fouille de 1977 cité par Bouloumié 1992 : 52, 55, fig. 17a, 57, fig. 17b ; Inf. archéo. (...)
30H. Rolland mentionne surtout un type intermédiaire entre le pithos et le dolium. Selon lui, la forme de ces grands récipients à conserves de fabrication locale, hauts de 0,80 à 1,10 m, découle du pithos grec. Leur fond est plat et surmonté d’un cordon circulaire ; la panse, ovoïde, peignée à la raclette dentée et épaisse de 0,012 à 0,030 m, est moins évasée que celle du dolium ; le col, court et lissé, est soudé à la panse au niveau du cordon supérieur ; l’ouverture est large, soulignée d’une lèvre plate et épaisse (Rolland 1956 : 55‑56 et fig. 39). Le façonnage, la morphologie et la finition de ces vases ne sont pas sans rappeler les techniques mises en œuvre par les potiers indigènes dans la fabrication des urnes. D’autre part, on peut supposer que les conditions de fouille et les connaissances de l’époque sur les aménagements domestiques de l’âge du Fer n’ont pas permis à H. Rolland de mettre en évidence les différents types de silos en terre crue et en torchis qui sont attestés par exemple dans l’île à Martigues. La fouille stratigraphique du sondage MN11 a pourtant révélé l’existence de tels éléments de réserve, avec en l’occurrence deux bases de silos circulaires de 0,70 et 0,80 m de diamètre distantes d’à peine 0,30 m11.
4.2.3 Les activités vivrières
4.2.3.1 Les productions agricoles
31Selon Strabon, « le pays est planté d’oliviers et couvert de vignes, mais il est très pauvre en blé à cause de son sol rocailleux » (Géogr., IV, 1, 5). Il semble que par « pays », le géographe entendait seulement les environs de Marseille à la fin du iie s. Les informations concernant l’activité agricole du secteur de Saint‑Blaise, plus abondantes qu’aux périodes antérieures, confirment le développement d’une viticulture et d’une oléiculture locales. Les fouilles de l’île de Martigues soulignent quant à elles l’importance de la céréaliculture, en accord avec ce que l’on sait de l’agriculture protohistorique en Gaule méridionale.
La viticulture
32G. Bertucchi (1992 : 196) a proposé de voir dans l’inscription en caractères grecs découverte à Saint‑Blaise par H. Rolland sur un fragment de dolium la preuve d’une viticulture locale au vie s. Or la datation de ce précieux indice est loin de faire l’unanimité. P. Arcelin, après avoir signalé « un fragment épais avec inscription grecque » dans le niveau V « archaïque », estime qu’il s’agit en fait d’un dolium d’époque hellénistique (Arcelin 1971 : 63, note 1 ; 1990 : 203). Le dolium en question provient de la « Maison des Jarres ». Il porte une inscription de forme archaïque tracée avant cuisson et deux fois répétée sur la panse : ΜΥΡΕΣΙΚΟΣ. H. Rolland proposait d’y lire muresikos, adjectif utilisé dans le Corpus hippocratique (Maladie des femmes, 1, II, 133) avec le sens d’« odorant », et que l’on retrouve dans la version des Septantes du Cantique des Cantiques (VIII, 2) appliqué au vin dans le sens d’« aromatique ». Le fait que l’inscription ait été gravée avant cuisson prouve que le dolium a été fabriqué dans le but précis de contenir du vin parfumé. Selon G. Bertucchi, il était destiné à recevoir le moût de la vendange pour y fermenter. Cette remarque irait dans le sens d’une production locale, à moins, évidemment, d’envisager un transport de vin par dolium.
33Aucun argument stratigraphique convaincant ne peut être avancé pour préciser la datation de cette découverte. G. Bertucchi, se fondant sur son caractère archaïque, pense qu’il s’agit de la plus ancienne inscription grecque connue en Gaule. Bien que les fragments soient mêlés à des débris d’amphore italique et de céramique campanienne A, H. Rolland (1951 : 147 et note 1) estimait qu’il fallait attribuer à ce dolium « une date sans doute antérieure à celle du milieu où il a été découvert et où il était encore en usage ». Il soulignait la « forme ancienne » du conteneur, le caractère archaïque de l’inscription et rappelait que du matériel du vie s. avait été découvert sur les sols de la « Maison des Jarres ». Mais il ne faut pas oublier que, dans son esprit, la « période massaliote » (Saint‑Blaise V) commence au ive s. Or on ne peut sérieusement envisager, à la lumière des données stratigraphiques récentes, le remploi d’un conteneur datant du vie s. dans un contexte du iie ! Par ailleurs, il est difficile d’imaginer une viticulture locale dans un secteur relativement éloigné de Marseille à une date aussi haute. En revanche, la présence de vignobles sur la rive ouest de l’étang de Berre est certaine aux ive et iiie s. depuis les fouilles de l’Île de Martigues. C’est au plus tôt à cette période que l’on rapportera le dolium en question. Rappelons qu’à Ensérune, un dolium portant trois estampilles figurant des grappes de raisin et une inscription en caractères ibériques a été découvert dans un contexte du iies. (Jannoray 1955).
L’oléiculture
- 12 L’auteur n’en propose aucune interprétation. Il avait d’abord pensé à une tombe, mais la fouille n’ (...)
34Le sondage MN 11 a révélé trois gros fragments de maie de pressoir à huile remployés comme meubles (table ou sièges) sur le sol 4a de la case B (Inf. archéo. Gallia, 37, 1979 : 233 ; Bouloumié 1992 : 51, 56). On a vu plus haut que la « table de pierre avec cupule et rigole » décrite par H. Rolland (1956 : 44, 45, fig. 29) dans la « ville haute » correspond probablement aussi à un dispositif destiné au pressage des olives12. Il s’agit d’une grosse dalle de pierre, longue de 1,13 m et large de 0,55 m, reposant sur deux boutisses longitudinales posées sur chant. La hauteur du dispositif atteint 0,63 m. La surface de la dalle est creusée d’une cupule de 0,17 m de diamètre, d’où part une rigole axiale. H. Rolland signale la découverte d’un tesson de céramique campanienne A sous cet aménagement qui fut peut‑être remployé comme banc.
La céréaliculture
35Les meules à grain ne sont que très rarement datées à Saint‑Blaise et dans l’Île de Martigues, du fait d’une réutilisation permanente. H. Rolland (1951 : 148) mentionne fréquemment des meules circulaires et des broyeurs qui se présentent sous la forme de plaques de basalte à bourrelet saillant et de molettes elliptiques. Dans tous les cas il s’agit d’instruments à usage domestique. Il est probable qu’une partie des débris de meules en basalte recueillis en prospection remonte à l’époque préromaine, comme l’indiquent la découverte d’éléments de meules à trémie sur les sites du Mazet (FO‑12/14) et du Collet Redon (SM‑49) et celle de fragments de basalte sur l’oppidum des Fourques (SM‑32). La dimension des quelques meules entièrement ou partiellement conservées suggère une activité de mouture limitée au cadre domestique. L’abondance des données carpologiques concernant la céréaliculture à Martigues va davantage dans le sens d’une activité commerciale. L’idée d’un « grenier à blé » développée par H. Rolland et B. Bouloumié à propos de Saint‑Blaise pourrait être envisagée sans forcément faire appel à un contrôle direct des Marseillais sur la production.
4.2.3.2 L’élevage
36L’activité pastorale au iie s. est basée, comme au premier âge du Fer, sur l’élevage du mouton et de la chèvre, qui composent l’essentiel du cheptel en nombre de têtes (Columeau 1985 : 113‑114). La structure de la consommation reste stable sur le site de Saint‑Blaise (fig. 52). L’étude ostéologique de la fosse 28 ACDE a montré que sur les 196 individus identifiés dans les couches 13 à 24 de l’ensemble 7, daté du iie s., les ovicapridés composent 58,1 % du cheptel, les suidés 16,8 % et les bovidés 12,7 %. Les bovidés fournissent alors 48,9 % du poids de viande consommée, contre 22,5 % pour les suidés et 22,2 % pour les ovicapridés. L’âge d’abattage du bétail atteste une activité équilibrée. La contribution de la chasse au ravitaillement demeure marginale (5,7 % du poids de viande), tout comme la consommation du cheval (4,5 %).
37Si l’on entrevoit la composition des troupeaux –leur volume et donc leur impact potentiel sur l’environnement nous échappent. P. Columeau (1985 : 447) invite à relativiser le poids des ovicapridés, qui paraît excessif dans les fouilles de Saint‑Blaise par rapport aux résultats enregistrés sur les autres grands sites provençaux contemporains. Il me semble possible toutefois de l’expliquer par la proximité de la Crau. Plus généralement, on ignore si la production de viande était ou non suffisante pour satisfaire les besoins, si des différenciations sociales existaient au niveau de sa consommation et si des surplus commercialisables étaient dégagés de l’élevage.
4.2.3.3 L’exploitation des étangs
38Les fouilles de Saint‑Blaise et de l’Île de Martigues ont mis en évidence la part considérable des mollusques dans l’alimentation quotidienne à l’âge du Fer.
Saint‑Blaise
39Sur 2 474 individus identifiés dans le sondage Q8/9, on ne compte pas moins de 1 815 coquillages (73,5 %), pour 556 vertébrés seulement (Bouloumié 1980 : 14). Les quantités les plus importantes ont été recueillies dans les niveaux des iiie et iie s. av. J.‑C. Jusqu’au iie s., la moule (Mytillus galloprovincialis) est de loin le mollusque le plus consommé (plus de 80 %). Plusieurs autres espèces font l’objet d’un intense ramassage : Pecten Jacobaeus, Ostrea edulis, Cardium edule, Helix pomatia, Venerupis pullastra, Cerithium (Columeau 1985 : 113‑114). Dans l’état actuel des recherches, il est difficile de se prononcer sur les modalités de la collecte. L’examen des coquilles de certaines espèces permet de se faire une idée de l’endroit où elles ont été récoltées, même si les spécialistes ne s’accordent pas toujours sur le lien entre leur épaisseur et le taux de salinité. D’une manière générale, les valves de coques sont plus épaisses dans l’Île de Martigues qu’à Saint‑Blaise (Brien‑Poitevin 1993 : 286). L’explication de ce phénomène doit être recherchée à Martigues dans la proximité de la nappe phréatique, l’obstruction temporaire de la passe de Caronte ayant également pu jouer un rôle déterminant dans l’abaissement du taux de salinité de l’étang de Berre. La finesse de la paroi des coques de Saint‑Blaise indique à l’inverse une récolte en milieu fortement salé. Mais il est impossible de savoir si les habitants de l’agglomération (ou une partie de la population éventuellement spécialisée dans cette tâche) se sont déplacés jusqu’à la mer pour récolter les coquillages, ou s’ils se sont contentés d’exploiter les étangs voisins. F. Brien‑Poitevin avait envisagé une mytilliculture à Saint‑Blaise. Par ailleurs, le fait que l’on n’ait retrouvé sur ce site qu’une seule valve de chaque huître atteste une technique de conservation spécifique. La fouille de l’épave étrusque d’Antibes avait déjà révélé une amphore pleine de demi-huîtres, témoignant d’une commercialisation précoce de ce coquillage.
L’île de Martigues
40Dans l’île de Martigues, la consommation des mollusques (huîtres, moules, pétoncles) s’accroît au iie s., le ramassage s’effectuant sans distinction d’espèces, de taille ou de qualité. L’apparition de nouveaux besoins, que trahit l’intensification des prélèvements alimentaires, est probablement liée à une augmentation de la population sous l’effet d’une pression démographique ou d’un regroupement de communautés jusqu’alors dispersées. Ces nouvelles conditions expliqueraient la restructuration de l’ancienne agglomération devenue inadaptée. L’évolution des goûts dont témoigne la régression de la part des moules dans la consommation derrière les huîtres et les peignes pourrait refléter une modification de la composition du peuplement de l’Île. On ne saurait y voir en aucun cas la conséquence d’un épuisement des bancs de moules, ces dernières conservant une taille importante.
4.2.3.4 Les activités artisanales
41La transformation des produits agricoles a déjà été évoquée. Les fusaïoles et les pesons de fuseau de forme bitronconique signalés par H. Rolland (1951 : 148) dans les niveaux à céramique campanienne de Saint‑Blaise attestent une activité de tissage probablement liée à l’élevage des moutons et à la culture du lin. J’ai également mentionné plus haut un atelier de forgeron ou de fondeur et celui d’un réparateur de dolia. D’une manière générale, les indices d’activités artisanales sont rares sur ce site, mais cela tient autant à la faible superficie dégagée qu’aux conditions de fouille.
4.3 L’évolution de l’occupation du sol aux iie et ier s. av. J.‑C.
42La reprise et l’accélération des processus évolutifs engagés à Saint‑Blaise sont liées à une meilleure maîtrise de l’espace. À la diversification des activités productives –engagée dans l’île de Martigues dès l’époque précédente– correspondent certainement une exploitation plus intensive et une gestion plus rationnelle des terroirs. Pourtant, le bilan des prospections est très différent de celui du premier âge du Fer : la rétraction de l’habitat dispersé constatée à partir du ve s. semble se poursuivre peu ou prou jusqu’à la conquête romaine. Force est donc d’envisager un système agricole plus centralisé, hypothèse qui a par ailleurs le mérite d’expliquer la multiplication des aires de stockage et la concentration des activités productives au sein des agglomérations.
4.3.1 Les indicateurs chronologiques
43Par rapport au premier âge du Fer, les indices caractéristiques de la fin de La Tène II et de La Tène III sont plus abondants et plus diversifiés. Ils ne sont pas plus fiables pour autant d’un point de vue chronologique.
4.3.1.1 Les amphores
44Les amphores gréco‑italiques et italiques constituent de très loin la catégorie de mobilier la mieux représentée en prospection. C’est là la conséquence de l’invasion des produits italiques dans la région à partir du milieu du iie s. 2 400 fragments répartis sur 85 sites ont été ramassés, mais le seul site de Vigne Gaste (IS‑41) a livré 1 278 fragments, dont 56 lèvres. Le calcul du nombre minimum d’individus fait apparaître 184 amphores, dont 53 sur le site de Vigne Gaste. Toutefois, ces valeurs sont sous‑estimées, et cela dans une large mesure. En effet, une expérience conduite sur deux sites particulièrement fournis (IS‑41 et SM‑10) a montré que la seule prise en compte des fragments à argile volcanique ne permettait d’identifier que 31 % du total des fragments d’amphores italiques. L’examen des lèvres permet d’affiner quelque peu la chronologie. Sur 123 lèvres, 78 se rapportent au type gréco‑italique récent ou Dressel 1A, 4 seulement au type Dressel 1B et 21 au type Dressel 1C. Les seuls sites susceptibles d’avoir livré de l’amphore gréco‑italique récente sont liés à Saint‑Blaise : c’est le cas du site de Saint‑Blaise/Lavalduc (FO‑17), ainsi que des deux vastes carrières de Tour d’Aix (SM‑3) et de Rassuen (IS‑31), qui sont probablement contemporaines de la construction du rempart hellénistique. L’oppidum des Fourques (SM‑32), dont les rapports avec Saint‑Blaise restent à déterminer, constitue un cas particulier. Mais d’une manière générale, l’association systématique des amphores italiques et de la céramique sigillée italique ou sud‑gauloise précoce va plutôt dans le sens d’importations tardives, que l’on situera au plus tôt vers le milieu du ier s. av. J.‑C.
- 13 On peut difficilement souscrire à l’idée d’une persistance des amphores marseillaises à l’ouest de (...)
45J’ai déjà souligné à plusieurs reprises la difficulté d’utiliser les fragments d’amphores marseillaises issus de ramassages de surface comme indicateurs chronologiques. Sur les six lèvres recueillies, une seule se rapporte au deuxième âge du Fer. On s’accorde aujourd’hui à admettre l’idée d’une raréfaction de ces amphores à partir du deuxième quart du iie s. en Provence (Arcelin 1990 : 201‑203 ; 1992 : 323 ; Bertucchi 1992 : 215‑216). Certains auteurs y voient la conséquence du développement d’une viticulture indigène dynamique et concurrentielle dans l’arrière‑pays de Marseille (Arcelin 1986 : 68 ; 1990 : 203). De fait, les amphores marseillaises sont rares dans le second village de l’île de Martigues et dans les niveaux de Saint‑Blaise V (Bouloumié 1982a : 173 ; Arcelin, Cayot 1984 : 61 ; Arcelin 1990 : 202 ; Gateau 1990 : 175)13. L’examen du matériel recueilli sur l’oppidum des Fourques me paraît révélateur de la faible diffusion de cette catégorie d’amphores dans la région de Saint‑Blaise aux iie et ier s. On n’y compte en effet que deux fragments d’amphore marseillaise, dont une lèvre tardive Bertucchi 6, datée de la seconde moitié du ier s., pour 99 fragments d’amphore italique. Cette constatation mérite d’être versée au dossier des relations entretenues par les habitants du secteur de Saint‑Blaise avec Marseille.
4.3.1.2 La vaisselle
46La céramique campanienne et ses dérivées permettent de préciser la chronologie mais aussi la fonction de certains sites. D’un point de vue quantitatif, elles sont pourtant assez peu représentées, avec un total de 85 fragments, dont 7 bords. Il semble que cette catégorie de vaisselle n’ait connu qu’une diffusion limitée autour de l’agglomération de Saint‑Blaise, où elle est en revanche abondante. Sur 24 sites concernés, seul l’oppidum des Fourques en a livré une quantité relativement importante ; or celui‑ci se distingue nettement des autres implantations, qui sont généralement plus modestes et plus tardives. La céramique campanienne A et ses dérivées représentent 53 % du total des fragments et 57 % des bords identifiés. Elles sont présentes sur 15 sites, mais deux sites regroupent les trois quarts des fragments et l’intégralité des bords (Lamboglia 8Bc, 28a‑b et 31) : l’oppidum des Fourques et le site des Vallons (SM‑25), situé non loin de lui, La céramique campanienne B, qui est attestée sur 13 sites, représente 28,4 % des fragments et 43 % des bords de campanienne. Sa répartition est plus homogène et concerne majoritairement des sites occupés à l’époque augustéenne. Enfin, la céramique dérivée de la campanienne C est marginale (4,9 %) et essentiellement présente sur l’oppidum des Fourques.
47Les céramiques communes italiques apparaissent dans les dernières décennies du IIe s. dans l’Île de Martigues, principalement sous la forme de mortiers, mais aussi de plats creux, de couvercles et de gobelets à parois fines et à pâte rouge granuleuse (Chausserie‑Laprée, Nin 1988 : 88 et fig. 23a). 60 fragments, dont 18 bords, ont été recueillis sur 19 sites au total, mais il est probable que la plupart datent seulement de l’époque augustéenne. Le répertoire de formes attesté sur l’oppidum des Fourques comprend cinq variantes de mortiers, des grands plats, des pichets trilobés, des marmites et des couvercles. La céramique hispanique est extrêmement rare en prospection. Au iie s., on trouve en petite quantité de la céramique ibérique peinte (sombrero de copa) et de la céramique ampuritaine à pâte rouge ou grise à Saint‑Blaise (Rolland 1951 : 143) et dans l’île de Martigues, où elles n’excèdent jamais 5 % de la céramique tournée fine du second village (Chausserie‑Laprée, Nin 1988 : 88 et fig. 23b). B. Bouloumié et J. Soyer (1990 : 150) signalent de la céramique ampuritaine sur le site du Desté (SM‑10), tout proche de Saint‑Blaise.
48Les productions tournées marseillaises sont encore moins bien représentées que la vaisselle campanienne. Les remarques qui ont été faites plus haut à propos de la diffusion limitée des amphores marseillaises sur la rive occidentale de l’étang de Berre sont également valables pour cette catégorie de vaisselle, qui est quasiment absente, par exemple, sur l’oppidum des Fourques. En revanche, la céramique tournée indigène est abondante, avec un total de 705 fragments, dont 13 bords, répartis sur 30 sites. Une partie du matériel non tourné doit également être rapportée à cette période. Sur le seul oppidum des Fourques, on n’en compte pas moins de 101 fragments, dont 6 bords. La pâte comprend généralement un gros dégraissant calcaire. Plusieurs fragments sont peignés ou présentent un lissage externe soigné et une surface de teinte claire.
4.3.1.3 Signification du mobilier et représentativité
- 14 – Sur 24 sites à céramique campanienne, 7 ont livré de la sigillée italique et 20 sont occupés au H (...)
49D’un point de vue quantitatif, le mobilier caractéristique des iie et ier s. est abondant, mais le degré de précision chronologique fourni par les traceurs culturels (principalement les amphores italiques et la vaisselle campanienne) n’est pas satisfaisant (fig. 57‑58). La durée de production des amphores Dressel 1A, en particulier, rend leur datation délicate. Néanmoins, deux constatations s’imposent : d’une part, la céramique campanienne se rapporte le plus souvent à des productions tardives (dérivées de campanienne A et C) ; d’autre part, la cartographie des très nombreuses découvertes d’amphores italiques se superpose exactement à celle de l’habitat augustéen14. L’occupation d’un site au ier s. av. J.‑C. n’est donc assurée qu’en l’absence d’indices du Haut‑Empire. Il est bien évident, par conséquent, que la carte de l’habitat proposée pour cette période donne une vision minimaliste et approximative de l’occupation du sol.
4.3.2 L’occupation du sol au iie s.
50L’hypothèse d’un habitat dispersé lié à l’agglomération de Saint‑Blaise sur le modèle observé au premier âge du Fer ne peut être retenue pour le iie s. : les quelques implantations datées de cette période dépendent en effet étroitement de l’agglomération hellénistique, soit par la proximité (SM‑10, FO‑17), soit par la fonction (FO‑17, SM‑3/9, IS‑31) (fig. 59).
4.3.2.1 Les établissements dépendants de l’agglomération de Saint‑Blaise
Le site du Desté (SM‑10)
51Tout le secteur de la nécropole paléochrétienne de Saint‑Blaise a fourni de nombreux fragments d’amphores italiques de type Dressel 1A. On peut penser à des dépotoirs ou à des aires de stockage directement liées à l’agglomération hellénistique. Mais la présence de céramiques fines laisse aussi supposer l’existence d’habitations correspondant peut‑être à des « faubourgs » plus ou moins lâches. On y a recueilli en effet de la céramique claire marseillaise, de la céramique campanienne A, de la céramique italique et ampuritaine, des débris de dolium et de meule en basalte.
Le site de Saint‑Blaise/Lavalduc (FO‑17)
52L’anse de Lavalduc, dont il a déjà été question dans le chapitre consacré au premier âge du Fer, a fourni un mobilier abondant et comparable à celui du site précédent : céramique campanienne et italique, amphore marseillaise et italique de type Dressel 1A.
La source de la Tourtoulane (SM‑9)
53La prospection des abords de la source de la Tourtoulane a livré des fragments d’amphore italique et marseillaise, ainsi que des débris de dolium préromain et de torchis. Cette source pérenne située au pied de la falaise orientale de Saint‑Blaise devait alimenter les habitants de l’agglomération en eau potable. Les dolia servaient probablement au stockage et/ou au transport de l’eau.
4.3.2.2 Les carrières de pierre
54Le volume de pierre nécessaire à la construction du rempart hellénistique de Saint‑Blaise était considérable. Le matériau utilisé est le calcaire coquillier du Burdigalien local, roche semi‑ferme abondante, facile à travailler mais sensible aux infiltrations (Bessac 1980 : 141). Deux points d’extraction sont connus intra muros, auxquels il faut ajouter les nombreuses carrières à ciel ouvert repérées dans un rayon d’un kilomètre sur l’ensemble du plateau de Castillon, au sud et à l’est de l’oppidum, et au pied de la falaise occidentale, au bord de l’étang de Lavalduc (FO‑17). La technique utilisée est celle de la tranche à l’escoude. Les carrières du plateau sont reliées à Saint‑Blaise par des voies à rails destinées à faciliter le déplacement des lourds charriots. Il est très probable que d’autres carrières, plus éloignées, ont également été ouvertes à cette même fin. Je pense en particulier aux deux vastes zones d’extraction découvertes sur l’étroite butte allongée de Tour d’Aix (SM‑3) et à l’ouest de l’étang de Rassuen (IS‑31). Ces deux secteurs ont livré en abondance de l’amphore gréco‑italique et italique Dressel IA, qui témoigne de leur exploitation vers le milieu du iie s. Peut‑être les carrières situées sur le plateau du Mazet ont‑elles aussi été exploitées dès cette époque (fig. 26) ? Les déchets de taille semblent avoir été systématiquement récupérés et remployés dans le blocage de l’enceinte hellénistique, dans la constitution du « brasier » jaune et pour l’empierrement des rues de l’agglomération, ce qui expliquerait l’absence d’accumulations dans les carrières.
4.3.2.3 L’oppidum des Fourques (SM‑32)
- 15 Ce mur rappelle celui qui ferme au sud l’éperon de Castillon (PB‑1).
55Un petit oppidum est implanté au sommet de la butte des Fourques à Saint‑Mitre, sur le plus haut et le plus septentrional des deux mamelons qui la constituent (fig. 60). Ce replat de 70 x 40 m est barré au sud par un mur transversal en pierre sèche15. Le site bénéficie d’une vue exceptionnelle sur le golfe de Fos, sur la Crau et sur l’ensemble de la zone des Étangs (fig. 23). Il « contrôle » en outre la route de Martigues à Saint‑Blaise.

FIG. 60 – Vue de \’oppidum des Fourques (SM‑32). Cette vue prise en direction du nord (A) montre comment les occupants du site pouvaient bénéficier de terroirs complémentaires associant fond de vallon, versant et bas plateau. À l’arrière‑plan, le village de Saint‑Mitre (B) et la chapelle Saint‑Michel (C).
56L’examen du matériel recueilli en surface permet de préciser sa chronologie et la nature des rapports entretenus par ses occupants avec l’agglomération de Saint‑Blaise. L’oppidum a livré de la céramique campanienne, de l’amphore italique, de l’amphore marseillaise et de la céramique commune indigène et italique, en assez grande quantité. La prépondérance de la céramique campanienne A (65,4 %) sur les autres catégories de campanienne (B‑oïde et dérivée de C) pourrait laisser penser à une occupation majoritairement située dans le courant du iie s., sur le modèle de Saint‑Blaise, si l’examen attentif des formes n’obligeait à rajeunir quelque peu la chronologie du site. Le bol Lamboglia 8Bc, les plats et assiettes Lamboglia 5 et 5/7 sont effectivement tardifs. La forme Lamboglia 5 apparaît vers le milieu du iie s., pour être supplantée à la fin de ce siècle par la variante 5/7, qui devient très courante au ier s. (Cayot 1984 : 59‑67). Le bol Lamboglia 8Bc n’est pas diffusé en Provence occidentale avant le début du ier s. Quant à la forme de bol Lamboglia 31, elle fait son apparition dès la fin du iiie s. dans la région et progresse tout au long du iie s. en basse vallée du Rhône, pour devenir majoritaire au ier s. L’occupation de l’oppidum doit par conséquent être placée au plus tôt dans la seconde moitié du iie s. et plus vraisemblablement dans la première moitié du ier s., après l’abandon de Saint‑Blaise. La présence de fragments de campanienne B, de dérivée de campanienne C et d’une lèvre d’amphore marseillaise de type Bertucchi 6 invite à étendre sa fourchette d’occupation à la seconde moitié du ier s. Toutefois, aucun indice d’époque augustéenne n’est clairement attesté.
4.3.2.4 Les autres sites
Le site des Vallons (SM‑25)
57Le site des Vallons est implanté à un kilomètre au nord‑ouest de l’oppidum des Fourques, sur le versant méridional de la butte de Tours Gros, vers la cote 40 m ngf. Déjà occupé au premier âge du Fer, il a fourni pour la période qui nous intéresse uniquement de la céramique campanienne A, dont un bord de coupe‑écuelle Lamboglia 28a‑b caractéristique de la première moitié du IIe s. et un fragment de vase ouvert à anse.
Le rocher de l’Hauture (FO‑39)
58Enfin, un fragment d’urne non tournée du iie s. et de la céramique « des Alpilles » ont été recueillis au pied du rocher de l’Hauture (FO‑39) à Fos (Coye, Lagrue 1988, II, Hau‑01B).
4.3.3 L’évolution de l’occupation du sol au ier s.
59L’oppidum des Fourques est occupé tout au long du ier s. av. J.‑C. Une quinzaine d’établissements nouveaux apparaissent durant cette période, annonçant le phénomène de dispersion généralisée de l’habitat qui sera observé à partir du règne d’Auguste (fig. 61). Leur caractérisation est extrêmement délicate compte tenu de la nature du mobilier recueilli à leur surface.
4.3.3.1 Un vaste hameau à Tour d’Aix (IS‑41) ?
60Une découverte singulière a été effectuée dans le secteur de Tour d’Aix, dans la légère dépression d’aspect triangulaire de Vigne Gaste, qui s’étend entre la route D52 et la butte de Capeau. Malgré la mauvaise lisibilité due au couvert végétal de friches, de prés et de garrigues, la prospection y a révélé une très vaste zone de concentration d’amphores, essentiellement d’origine italique, dispersées sur une douzaine d’hectares au total. 1 278 fragments d’amphores italiques ont été récoltés, soit plus de 53 % des fragments recueillis dans l’ensemble du secteur des Étangs. Sur 56 lèvres, 34 appartiennent au type Dressel 1A, une au type Dressel IB, 16 au type Dressel 1C et une au type Dressel 2/4. Le calcul du nombre minimum d’individus permet de dénombrer 53 amphores. J’ai tout d’abord envisagé l’hypothèse d’un entrepôt lié à l’agglomération de Saint‑Blaise, mais l’examen détaillé des amphores laisse supposer une occupation assez tardive, dans le courant du ier s. av. J.‑C. En fait, il pourrait s’agir là d’un hameau très étendu qui se serait développé à peu de distance de l’oppidum après son abandon, annonçant l’habitat « polynucléaire » reconnu immédiatement au sud et à l’est à partir de l’époque augustéenne (IS‑44).
4.3.3.2 Le site du Mazet (FO‑14)
61Le site du Mazet, dont on a vu qu’il présente des indices d’occupation aux ive et iiie s., a livré de la céramique campanienne B, de la céramique indigène, de la céramique de l’« atelier de Marseille », de la céramique « de tradition celtique », de l’amphore marseillaise et italique susceptibles d’attester une continuité d’occupation avec le Haut‑Empire.
4.3.3.3 Les autres sites
62Une quinzaine de sites ont également révélé des indices ponctuels d’occupation datés du ier s, av. J.‑C. –céramique campanienne A et/ou amphores Dressel 1A. Ils se localisent principalement sur les bas plateaux qui entourent les étangs dans les secteurs de Lavalduc (IS‑30, FO‑9), du Mazet (FO‑15/16/21), d’Engrenier (FO‑33), de Valentoulin (PB‑4/7), de Castillon (SM‑19) et au pied de l’oppidum des Fourques (SM‑22/27/30).
4.4 Conclusion
63La rive occidentale de l’étang de Berre n’échappe pas aux grandes tendances de l’occupation du sol observées en basse Provence au cours des deux siècles précédant le changement d’ère. Malgré l’incertitude qui pèse sur les traceurs chronologiques, il faut conclure à une évolution profonde des modes d’occupation du sol depuis le premier âge du Fer. Le iie s. constitue en effet une période de mutation, caractérisée par un renouveau du peuplement et une restructuration profonde des agglomérations de Saint‑Blaise et de l’Île de Martigues. Mais cette évolution n’engendre pas un tissu d’habitat dispersé comparable à celui du vie s. La concentration des principaux établissements dans les environs immédiats de Saint‑Blaise laisse penser à un regroupement du peuplement autour de l’agglomération indigène, alors en plein essor. On peut supposer que l’intensification incontestable de la mise en valeur du terroir s’est faite directement à partir de celle‑ci, d’une manière plus resserrée, plus centralisée, ce qui n’exclut pas le maintien d’implantations isolées dans les secteurs les plus éloignés. L’intégration des fonctions de stockage et de transformation de la production agricole au sein des trames urbaines trouverait là un élément d’explication, les activités jadis pratiquées dans la campagne étant désormais assurées intra muros. Ainsi, la restructuration des agglomérations se serait accompagnée d’une concentration des activités productives et d’une transformation des modes d’exploitation de la terre, dans un sens peut‑être plus communautaire.
64Le ier s. av. J.‑C. apparaît véritablement comme une période de transition. L’abandon plus ou moins durable et complet des agglomérations de Saint‑Blaise, de l’Île de Martigues et du Castellan après la conquête romaine s’accompagne de la formation de nouveaux noyaux de peuplement, parfois provisoires, et surtout d’une esquisse de dispersion de l’habitat. Le petit oppidum des Fourques (SM‑32) reste occupé, mais il ne survivra pas à la transformation de la campagne à l’époque augustéenne. À Tour d’Aix (IS‑41), en revanche, se met en place une forme d’habitat « polynucléaire » au sein de laquelle une partie de la population de l’ancienne agglomération de Saint‑Blaise a pu s’installer, et qui fera preuve d’une grande vitalité jusqu’à la fin de l’Antiquité. Continuité remarquable, également, dans le secteur du Mazet (FO‑14) qui est occupé sans interruption du premier âge du Fer au Bas‑Empire. Il faut attendre la seconde moitié du ier s. av. J.‑C. pour voir émerger –très rapidement– un habitat dispersé dense qui n’est pas sans rappeler par sa répartition et sa localisation celui du premier âge du Fer. La question du sort des populations des agglomérations protohistoriques au ier s. est donc partiellement éclaircie. Sur le long terme, on observe un transfert des centres de pouvoir vers les lieux privilégiés par l’administration romaine : la colonie latine de Maritima Avaticorum et le port des Fossae Marianne.
Notes
1 Sur les « faubourgs » de Saint‑Blaise, voir Rolland 1951 : 79, 216, fig. 81 ; 1956 : 11, 23 ; 1963 ; Inf. archéo. Gallia, 35, 1977 : 526 ; Rigoir, Rigoir 1981 : 181, fig. 3, 184 ; Bouloumié 1984 : 94 ; 1992 : 24 ; Bouloumié et al. 1984 : 263‑264 ; Arcelin et al. 1983 : note 25 ; Arcelin, Dedet 1985 : 31. Un escalier comportant neuf degrés a été signalé au pied de la tour 6 du rempart tardif (Inf. archéo. Gallia, 30, 1972 : 526 et fig. 23).
2 B. Bouloumié (1984 : 94, fig. 1 ; 1992 : 23) remet en question l’existence d’un trottoir qui aurait empiété sur près de la moitié de la largeur de la voie principale.
3 L’aménagement systématique de caniveaux est lié au fait que le quartier oriental se situe quasiment au niveau de l’étang de Berre, sur un terrain conquis sur l’eau (Chausserie‑Laprée, Nin 1987 : 38, fig. 11, 40).
4 B. Bouloumié (1992 : 34) y voit de simples bases de poteaux.
5 Ce bloc a été recueilli à 12 m de profondeur. Il pèse plus de 400 kg et est dépourvu de toute trace de scellement. Pour H. Rolland (1956 : 40, fig. 25), l’acharnement dont ont fait preuve ceux qui l’ont précipité dans le « puits » témoignerait de son caractère cultuel. B. Bouloumié (1984 : 94, fig. 2) y verrait volontiers un socle d’« accroupi ».
6 H. Rolland signale à l’est de la rue principale de la « ville basse » une cour de 19,90 x 7,75 m sur laquelle s’ouvre une salle de 10,85 x 5,95 m (Inf. archéo. Gallia, 16, 1958 : 430).
7 Ainsi la « Maison du Fondeur » couvrirait 96 m2 et la maison no 2 de la « ville haute » atteindrait 115 m2 (Bouloumié 1992 : 29).
8 Il s’agit du secteur Q13. H. Rolland signale un foyer et des coulées de plomb fondu en P13 (Inf. archéo. Gallia, 27, 1969 : 433 ; Bouloumié 1992 : 56). Des agrafes de plomb ont été retrouvées à proximité dans le sondage Q8/9 (Bouloumié 1982a : 180).
9 Il pourrait s’agir d’un grenier (Chausserie‑Laprée, Nin 1988 : 74).
10 En P8, par exemple. En P14, H. Rolland (1956 : 37) a identifié un cellier en sous‑sol composé de deux pièces avec des alignements d’amphores reposant contre les murs sur une couche de sable. Dans la « ville haute », il observe des alignements de dolia et d’amphores. Dans une des maisons du secteur MN12, il signale un cellier contenant de nombreuses amphores italiques écrasées (Inf. archéo. Gallia, 25, 1967 : 417).
11 Rapport de fouille de 1977 cité par Bouloumié 1992 : 52, 55, fig. 17a, 57, fig. 17b ; Inf. archéo. Gallia, 44, 1986 : 449.
12 L’auteur n’en propose aucune interprétation. Il avait d’abord pensé à une tombe, mais la fouille n’a révélé que du matériel de remblai hétérogène et de menus ossements.
13 On peut difficilement souscrire à l’idée d’une persistance des amphores marseillaises à l’ouest de l’étang de Berre avancée par P. Arcelin (1992 : 323). Si, vers 200 av. J.‑C., 55 % des 15,7 % de fragments d’amphores sont d’origine marseillaise à Saint‑Blaise, cela ne représente que 8,6 % des fragments de céramique ! Il semble que les amphores marseillaises soient également assez rares à la Roque d’Odor (FO‑44), où, à l’inverse, amphores italiques et céramique campanienne sont abondantes.
14 – Sur 24 sites à céramique campanienne, 7 ont livré de la sigillée italique et 20 sont occupés au Haut‑Empire.
15 Ce mur rappelle celui qui ferme au sud l’éperon de Castillon (PB‑1).
Table des illustrations
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Légende | FIG. 56 – Vue aérienne verticale de l’oppidum de Saint‑Blaise. Les fouilles de la « ville basse » sont nettement visibles, ainsi que la porte principale. À l’ouest, l’étang de Laval duc forme une anse sablonneuse où l’on a voulu voir le port de l’oppidum. Au nord‑est, l’étang de Citis en période de haut niveau. Au sud de l’agglomération, le chemin qui traverse le plateau de Castillon reprend le tracé d’une voie à ornières, La nécropole paléochrétienne couvre la moitié orientale de cette partie du plateau. |
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Légende | FIG. 57 – Quantification des amphores du deuxième âge du Fer recueillies en prospection. |
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Légende | FIG. 58 – Quantification de la vaisselle du deuxième âge du Fer recueillie en prospection. |
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Légende | FIG. 59 – Le secteur des Étangs au IIe s. av. J.‑C. |
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Légende | FIG. 60 – Vue de \’oppidum des Fourques (SM‑32). Cette vue prise en direction du nord (A) montre comment les occupants du site pouvaient bénéficier de terroirs complémentaires associant fond de vallon, versant et bas plateau. À l’arrière‑plan, le village de Saint‑Mitre (B) et la chapelle Saint‑Michel (C). |
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Légende | FIG. 61 – Le secteur des Étangs au Ier s. av. J.‑C. |
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