Chapitre 1. La topographie chrétienne (ive‑viiie s.)
p. 185‑201
Texte intégral
1Le premier résultat de nos recherches est d’avoir apporté un certain nombre d’éléments nouveaux qui rendent possible une première esquisse de la topographie chrétienne de Lyon (fig. 2 et 161) : des problèmes ont été résolus pour certaines nécropoles et leurs basiliques funéraires ou encore pour le groupe épiscopal. Faute de fouilles, de nombreuses données font encore défaut, en particulier dans le sud de la presqu’île.

FIG. 161 ‒ Plan de Lyon, ville basse, aux IVe‑VIIIe s. s. (d’après Grisard et M.‑C. Guigue).
1.1 La ville haute
2Grâce aux données archéologiques fournies par les fouilles récentes, nous traiterons ici de l’enceinte présumée du Haut‑Empire et de son éventuelle disparition, de la transformation des nécropoles païennes en nécropoles chrétiennes, de l’implantation des églises cimétériales et de l’existence éventuelle d’une petite agglomération à Saint‑Just.
1.1.1 L’abandon de la ville haute
3La cité antique de Lugdunum est née sur la colline qui prendra le nom de Fourvière : sur les hauteurs, l’occupation romaine est attestée par du matériel céramique dès la seconde moitié, ou même dès le milieu du ier s. av. J.‑C. La colonie se développera ensuite sur la colline où se construisent les édifices de prestige : théâtre, odéon, forum, temples (Wuilleumier 1953 ; Audin 1956 : 103‑123). La fouille de deux quartiers d’habitation, l’un à Saint‑Just, l’autre à Fourvière, a permis de mettre en lumière l’évolution de l’habitat, ainsi que l’implantation des édifices publics comme des thermes à Saint‑Just ou, au lieu‑dit Clos du Verbe Incarné à Fourvière un vaste sanctuaire dédié au culte impérial.
4Lugdunum connaît, semble‑t‑il, des difficultés d’ordre économique dès la fin du iie s., mais reste une ville étape vers les régions rhénanes. Au cours du iiie s., une véritable mutation se traduit par l’abandon de la ville haute, abandon constaté sur tous les chantiers de fouilles mais que l’on peut maintenant nuancer quelque peu. Ainsi, à l’emplacement des futures basiliques de Saint‑Just, les dépotoirs indiquent une occupation sporadique au cours du iiie s. ; de même, au Verbe Incarné, une maison incendiée pourvue d’une citerne est reconstruite au milieu du ive s. (Lasfargues, Leglay 1980 : 399‑404 ; Mandy 1983 : 24‑26 ; Desbat 1984a ; 1986). À la même époque, nous le verrons, la ville basse (rive droite de la Saône) connaît une activité certaine.
5L’hypothèse du pillage des conduites de plomb, utilisées pour les siphons des aqueducs, qui aurait tari l’approvisionnement en eau de la cité, n’a jamais été vérifiée sur le terrain ; celle d’une forte diminution du nombre des habitants et d’une crise économique est suggérée par l’exemple voisin de Vienne où le quartier de Saint‑Romain‑en‑Gal est abandonné au cours du iiie s. ; le choix des habitants –abandon de la ville haute– n’en est pas expliqué pour autant et l’hypothèse d’une évolution sociale et économique rapide, qui aurait privilégié le commerce, et surtout le commerce fluvial –ce qui expliquerait la « descente » vers les rivières– devrait être soumise à vérification (Desbat 1984b : 33‑34 ; Mandy 1987‑1988 : 49‑66 ; Goudineau 1989).
1.2 De l’enceinte du Haut‑Empire à celle du Bas‑Empire
6L’existence, la chronologie et le tracé des enceintes successives de Lugdunum à l’époque romaine posent encore question (fig. 162). En effet, rien n’atteste la présence d’une enceinte du Haut‑Empire. Certains, en particulier A. Audin, ont cru en avoir retrouvé des segments, mais les arguments avancés ne sont pas toujours probants : les structures, parallèles et distantes entre elles de 5 m, mises au jour sur le flanc de la colline de Fourvière peuvent appartenir à des murs de soutènements, comme on en rencontre sous la falaise de Saint‑Just (Audin 1963 : 733‑746). De même, les structures semi‑circulaires, greffées sur un mur droit et considérées comme des tours, apparues lors de travaux effectués le long de la place Abbé‑Larue, peuvent avoir eu une fonction autre que défensive et devraient être datées avec plus de précision (Audin 1969 : 7‑16). Leur disposition laisse un doute à l’observateur : le fait d’être orientées vers l’intérieur paraît incompatible avec une fonction militaire alors que ce dispositif est connu pour des soutènements, par exemple dans les édifices de spectacles ou de culte. Il est vrai que les tours des castra romains du Haut‑Empire étaient souvent situées à l’intérieur de la courtine, mais il s’agit en l’occurrence de bastions carrés destinés à porter des machines de guerre. Si l’on voulait cependant donner à ces « tours » une fonction défensive, il faudrait envisager l’existence d’une sorte de forteresse sur le replat de Saint‑Just, peut‑être la caserne de la XIIIe cohorte urbaine que certains localisent dans ce secteur1 La question demeure, en l’état actuel de la documentation.

FIG. 162 ‒ Enceinte présumée de Lyon.
7Au total, on peut choisir entre différentes hypothèses : ou la ville du Haut‑Empire n’a jamais eu d’enceinte et était délimitée par une simple clôture, ou la ville haute aurait été entourée d’une enceinte qui coïnciderait avec le tracé médiéval2. Un rempart est probable dans cette zone, en tout cas au Bas‑Empire. En effet, des murs et des portes sont mentionnés par Ammien Marcellin (XVI, 15, 4) et par Sidoine Apollinaire en 467 : « egrexo mihi Rhodanusiae nostrae moenibus » (Ep., I, 5, 2) : « dès la sortie des remparts de notre ville rhodanienne » (en direction de l’Auvergne), mais moenia peut avoir le sens plus large de constructions. Grégoire de Tours situe Saint‑Irénée « in suburbia murorum » (MGH, GC, 1906‑1908, 63) et mentionne un mur en bordure du fleuve : « munis Lugdunensis civitatis aliqua ex parte subvertit » (MGH, HF, V, 33). On est frappé par le tracé aberrant, pour l’habitat de l’époque, de l’enceinte médiévale, qui suit le contour de la colline de Fourvière : l’on peut supposer que, pour l’essentiel, on a repris au xive s. un tracé déjà existant et que l’on a restauré les remparts gallo‑romains encore en élévation. Cette immense enceinte, difficile à défendre après l’abandon de la colline, expliquerait aussi que Lyon n’ait jamais véritablement joué le rôle de place forte au cours du haut Moyen Âge, qu’il soit rarement fait mention de siège prolongé et qu’aucun homme de guerre n’ait jamais choisi Lyon pour y résister à l’ennemi. On comprend donc pourquoi l’évêque de Lyon, aux xie‑xiie s., a senti le besoin de construire une véritable enceinte pour défendre le quartier épiscopal de la ville basse.
8Le cas de Lyon n’est pas unique. La population d’Autun avait de même conservé son enceinte du Haut‑Empire, désormais beaucoup trop étendue, peut‑être jusqu’à l’époque carolingienne. À Vienne enfin, R. Bony a pu récemment prouver que l’enceinte du Haut‑Empire a été utilisée dans sa partie sud jusqu’à l’époque moderne mais que son tracé nord avait été profondément modifié (Bony 1985).
9L’hypothèse d’une enceinte réduite du Bas‑Empire, allant de Saint‑Paul à Saint‑Georges en passant par Fourvière, –que nous avions présentée dans un premier temps (Reynaud 1976 : 460, note 4 et fig.)– nous paraît devoir être abandonnée, faute de preuves ; celle d’une enceinte construite au pied de la colline et protégeant quelques hectares au nord et au sud du groupe épiscopal, a été reprise récemment par B. Gauthiez (Gauthiez 1995 : 197, fig. 2), mais les sondages effectués dans cette zone n’ont pas fait apparaître de structures fortifiées indubitables, antérieures à l’enceinte du xiie s. (Arlaud et al. 1994 : 42‑50). Même en bordure de la Saône, les quelque trente mètres de mur mis au jour pourraient tout aussi bien appartenir à une clôture du groupe épiscopal, ou encore à un quai, qu’à une véritable enceinte (cf. infra).
1.1.3 Les nécropoles, le culte des saints et les églises cimétériales
10Une certaine continuité semble avoir existé entre le iiie et le ve s. dans la répartition des cimetières suburbains, où les nécropoles chrétiennes prennent la suite des nécropoles païennes (cf. supra fig. 53). Les fouilles anciennes et récentes ne donnent d’ailleurs que des indications fort imprécises sur l’extension de ces nécropoles aux portes de la ville –à Trion, Saint‑Irénée, Saint‑Just– et le long des voies d’Aquitaine et de Narbonnaise, nécropoles qui pouvaient soit s’étendre d’un seul tenant sur une grande surface, soit se morceler en areae de dimensions inconnues.
11La nécropole de Trion, la plus vaste, est maintenant la mieux connue : les fouilles du xixe s. avaient mis au jour des mausolées, des sarcophages souvent sculptés et de nombreuses épitaphes. Une zone d’incinérations et d’inhumations, fouillée en 1984, rue de la Favorite, a montré la grande complexité de cette nécropole dont on ne connaissait jusqu’à présent que les aspects les plus monumentaux (Tranoy 1987 : 43‑54) ; elle semble abandonnée durant le Bas‑Empire, alors que les nécropoles chrétiennes de Saint‑Irénée et de Saint‑Just s’installent en périphérie. Peut‑être s’agirait‑il, là encore, d’un même ensemble, mais avec des densités de tombes et de monuments plus fortes près des corps saints. Au cours des vie et viie s., la nécropole mérovingienne devait s’étendre le long d’une voie reliant les deux basiliques et autour de celles‑ci ; celle de la rue des Farges ne comptait sans doute à l’origine pas plus du double des tombes repérées en fouilles. Les quelques tombes (une trentaine) qui avaient échappé aux destructions de la fin du Moyen Âge (tombes en caissons de dalles ou en murets de pierre) ont été datées de la fin du ve s. et du début du vie s. (Desbat 1984b : 34‑35 ; 1986 : 12, pl. 13). Cet ensemble‑pourrait en fait correspondre à l’extension maximale de la nécropole chrétienne.
12Les nécropoles chrétiennes de la ville haute comportaient des tombes simples, parfois marquées par une stèle funéraire inscrite, alors que les personnages les plus importants étaient enterrés dans des mausolées. La présence de tombes d’évêques, comme Irénée et Justus, a été à l’origine de la construction de vastes édifices de culte, et la vénération des Lyonnais pour leurs saints évêques a ensuite provoqué des changements de vocable. Le cas d’Irénée est un peu particulier, le successeur de Pothin ayant été considéré comme un martyr dès le début du vie s.3. Par contre, la tombe d’Helius, signalée par Grégoire de Tours parmi les loca sancta et qui pouvait se trouver dans une des nécropoles de la ville haute, n’a pas donné naissance à un sanctuaire durable et autonome (MGH, GC, 1906‑1908, 61 ; MGH, SRM, II, 1885, 34) ; peut‑être la tombe mentionnée par Grégoire était‑elle intégrée à un ensemble monumental préexistant (Saint‑Irénée ou Saint‑Just ?). Les restes de Justus, déposés dans l’une des nécropoles de la ville haute, furent rapidement l’objet d’une grande vénération et donnèrent naissance à une memoria importante4. En même temps que celui de l’évêque‑ascète, la basilique reçut le corps de son compagnon Viator, puis abrita ceux de nombreux évêques de Lyon des ve et vie s. parmi lesquels Patiens, Stephanus, Lupicinus et Arigius.
13De semblables regroupements de sanctuaires mémoriaux et de nécropoles sont connus ailleurs : l’atrium sancti Martini à Tours et le viens christianorum de Clermont en constituent les exemples les plus célèbres (MGH, HF, V‑II, 1851, L‑1, 205‑206 ; Vieillard‑Troïekouroff 1976 : 9 ; Piétri 1983 : 390‑405). Ce phénomène a également été étudié dans le suburbium romain ; L. Reeckmans a bien montré que des îlots de peuplement s’étaient développés autour des grandes églises mémoriales de la banlieue, d’églises établies sur des grands domaines et de baptistères ou de monastères (Reeckmans 1968 : 173‑207). Les lieux vénérés et les tombes étaient entretenus par tout un personnel approprié ; les moines accueillaient également les pèlerins, et des logements étaient prévus à proximité pour les hôtes de passage ainsi que pour les pauvres. Ces agglomérations furent ensuite fortifiées à l’époque carolingienne (Saint‑Pierre et Saint‑Paul) ou à l’époque romane (Saint‑Laurent).
1.1.4 Une petite agglomération sur le plateau de Saint‑Just ?
14En 1974, P.‑A. Février se posait la question de savoir si les nécropoles de Saint‑Just et de Saint‑Irénée abritaient les tombes des habitants de la ville basse ou d’une population qui se serait maintenue sur la colline (Février 1974 : 62‑64). Une réponse peut maintenant être donnée : l’ampleur de la nécropole chrétienne de la ville haute ne peut s’expliquer par les seules traces sporadiques d’occupation repérées sur la colline aux iiie et ive s. On est donc bien assuré que le maintien en activité des nécropoles de la ville haute est dû au poids de la tradition, qui situait la zone des morts, vers l’ouest et vers le sud, le long des voies de communication toujours en usage, accessoirement aussi à la présence sur place de matériaux de construction récupérables, mais surtout à l’influence du culte des confesseurs. Ce culte des morts pourrait être à l’origine de la constitution d’une petite agglomération comportant des moines (des clercs sont mentionnés en 469 à Saint‑Just, mais rien ne prouve qu’ils résidaient sur la colline), sans doute des fossatores, des tailleurs de pierre et peut‑être une petite population d’assistés, donc une communauté liée à la vie de la nécropole et des sanctuaires funéraires. Le travail de la pierre est attesté par la présence de sarcophages taillés sur place : les monuments antiques sont alors transformés en carrières (Mandy 1983 : 23‑26). Le maintien d’une agglomération à l’époque médiévale (le bourg de Saint‑Irénée est clos de murs et le monastère de Saint‑Just, très tôt fortifié, sert de refuge aux archevêques de Lyon) viendrait également à l’appui de l’hypothèse du maintien d’un habitat très localisé sur la colline (Desbat 1984b : 34, fig. 34) et lié aux sanctuaires comme aux voies d’accès.
15L’abandon –peut‑être partiel– de la ville haute constitue le phénomène le plus frappant et le plus original de l’histoire lyonnaise, même si l’essor du culte des Confesseurs a contribué au maintien d’un petit noyau urbain et si l’utilisation de l’enceinte ancienne assure peut‑être une certaine continuité. Cette situation très particulière se maintiendra jusqu’au xixe s. où l’installation de nombreuses congrégations accentuera le caractère religieux de la Colline Sainte.
1.2 La rive droite de la Saône
16Les fouilles dirigées par F. Villedieu et J. Burnouf ont montré que la ville basse, déjà habitée à la fin du IIe s. après le comblement d’un bras secondaire de la Saône, profite de l’abandon progressif de la ville haute (fîg. 163). Du ive au viiie s., les transformations majeures proviennent de la construction d’édifices de culte et surtout du groupe épiscopal, qui font de ce quartier le principal noyau urbain. Après avoir évoqué le problème du palais épiscopal et du palais des rois burgondes, nous étudierons donc successivement les édifices religieux (vocables, fonctions, situation topographique), le groupe épiscopal puis Saint‑Paul au nord et Saint‑Georges au sud, et enfin les nécropoles extra‑muros.
1.2.1 Le quartier épiscopal
17Les fouilles effectuées au nord de la cathédrale (sous la direction de J.‑F. Reynaud), au sud du palais épiscopal (avenue Adolphe‑Max, sous la direction de F. Villedieu) et à l’ouest (rue Jean‑Carriès et rue Tramassac, sous la direction de J. Burnouf) fournissent une idée un peu plus précise de la situation (Villedieu 1990 ; Arlaud et al. 1994) et apportent des éléments susceptibles de préciser l’extension de la domus de l’évêque.
18Ainsi, on peut supposer que certaines constructions mises au jour sous l’avenue Adolphe‑Max en bordure du groupe épiscopal, en particulier un portique, font partie encore du palais épiscopal (fig. 163). Rue Jean‑Carriès, un mur en petit appareil sur des fondations de gros blocs de remploi peut appartenir soit à un grand bâtiment de fonction indéterminée, soit au mur de clôture de la cathédrale ; si cette dernière hypothèse se confirmait, on pourrait admettre que l’enceinte médiévale du cloître Saint‑Jean aurait repris un tracé préexistant (ou concrétiserait des limites de propriété) qui remonterait donc au ive s. (Villedieu 1990 : 114‑116). Les fouilles de M. Vialettes effectuées dans le sous‑sol de la Manécanterie (Vialettes 1995 : 47‑63) ont porté sur un grand bâtiment orienté est‑ouest, ouvert d’un arc large de 6 m, à claveaux de briques et de pierres. Ce bâtiment, dans ses parties les plus anciennes, pourrait remonter au ve s. pour être réaménagé à l’époque de la construction dénommée « domum cum solario » décrite par Leidrade. On peut donc affirmer, d’après les données de la stratigraphie, que le quartier Saint‑Jean est densément occupé entre le ive et le viie s.

FIG. 163 ‒ Quartier Saint‑Jean : plan schématique des vestiges gallo‑romains et paléochrétiens.
19Se pose enfin le problème de l’emplacement du palais des rois burgondes pour lequel nous ne disposons pas d’éléments nouveaux, malgré les efforts de C.‑R. Brühl pour le situer à proximité du groupe cathédral, et plus précisément à l’emplacement du palais de justice actuel (Brühl 1975a, I : 201‑202). Si l’on en croit Sidoine Apollinaire, le jeune Sigismer se rend au praetorium de son beau‑père (Ep. IV, 20 ; Sidoine Apollinaire, Loyen 1970 : II, 154‑155). S’agit‑il de l’ancien siège du légat de Lyonnaise ? Mais la ville haute, où devait se trouver ce palais, était abandonnée au ive s. Si l’on cherche, pour cette raison, à localiser ailleurs ce praetorium, aucun indice ne permet de le situer plutôt sur la rive droite de la Saône que sur la presqu’île. L’identification avec l’ancien palais de Roanne répond à un argument a priori, celui d’une continuité dans le siège du pouvoir en milieu urbain, qui est sans doute discutable, et ce d’autant plus qu’une localisation près du groupe épiscopal ne s’imposait pas, la presqu’île offrant d’autres possibilités de bâtir un centre officiel du pouvoir. Toutefois, B. Gauthiez, s’appuyant sur des textes médiévaux, situe le palais au nord de la cathédrale (la rue Saint‑Jean s’appelait à l’origine la rue du Palais) (Gauthiez 1994 : 11).
1.2.2 Le groupe épiscopal et ses vocables
20Celui‑ci s’est installé, nous l’avons vu, dès le ive s. au cœur de la ville basse, à proximité de la Saône. Un groupe épiscopal est, de façon générale, un ensemble complexe comprenant de deux à trois édifices de culte ; pour J. Hubert, qui a étudié leur typologie en Gaule, les « églises doubles » seraient en général dédiées l’une à la Vierge, l’autre à un martyr – le baptistère l’étant à Jean‑Baptiste (Hubert 1952 : 167‑176 ; 1963 : 105‑125). À l’époque carolingienne, au moment où les vocables sont connus, le groupe épiscopal de Lyon ne répond pas à ce schéma. Lcidrade mentionne en effet la maxima ecclesia dédiée à Jean‑Baptiste et une ecclesia dédiée à Étienne5.
L’église Saint‑Jean‑Baptiste
21Cette dédicace au Précurseur a toujours étonné les historiens, d’où l’hypothèse autrefois admise d’un baptistère à l’emplacement de la maxima ecclesia et d’une église principale, plus au nord, dédiée au Protomartyr. La dédicace à Jean‑Baptiste n’est pourtant pas rare, ce culte étant l’un des plus anciennement diffusés, dès le ive s. en Orient, en dehors même des édifices baptismaux (Palestine, Samarie, Sébaste, Alexandrie, Emèse, Constantinople) et en Occident (BS 1961‑1970, VI : 599‑617). Jean‑Baptiste semble d’ailleurs particulièrement vénéré à Lyon puisque, outre la maxima ecclesia, l’église Saint‑Irénée lui était sans doute consacrée primitivement. On ne peut donc déduire de cette dédicace l’existence d’un baptistère primitif sous la cathédrale actuelle.
L’église Saint‑Étienne
22Les historiens lyonnais ont donc, depuis le xvie s., considéré l’ecclesia sancti Stephani comme l’ecclesia primitive ; J. Hubert a recensé, en effet, les nombreuses églises cathédrales consacrées au protomartyr (Hubert 1952 : 169‑176). En fait, les recherches sur le terrain ont montré qu’un baptistère avait précédé l’église Saint‑Étienne. Cette dédicace, par ailleurs, est très répandue depuis l’invention des reliques en 415. Un grand nombre d’églises de Gaule, construites au ve s., à une époque où les évêques sont à la recherche de reliques vénérées, portent le nom de ce saint patron : ainsi, à Clermont, Namatius fait venir des reliques de Bologne pour la basilique qu’il édifie au milieu du ve s. et Grégoire de Tours parle de reliques du Protomartyr à Bourges, Clermont, Metz, Tours et Marseille. Les trésors de Besançon, Dijon, Metz et Sens en possédaient également. À Vienne, une basilique funéraire, d’abord dédiée à saint Étienne, est ensuite consacrée à saint Sévère (la date de 448 paraît peu fiable) (BHL 7692 ; Vita S. Severi : 105‑125). D’après E. Ewig, l’apogée du culte d’Étienne en Gaule se situe à la fin du ve ou au début du vie s. (Ewig 1960b : 40, 55).
23Si l’on s’en tient strictement aux textes, il existe donc à l’époque carolingienne une église épiscopale dédiée à Jean‑Baptiste ; la seconde, dédiée à saint Étienne, est l’église des chanoines (Sainte‑Croix n’est pas mentionnée). On peut supposer ou bien qu’Étienne a été dès l’origine (dès le ve s. peut‑être) le patron du baptistère, devenu ensuite l’église des chanoines, ou bien qu’il était l’un des deux patrons du groupe épiscopal et qu’il a été spécialisé ensuite dans la protection d’un des édifices de culte. Il n’est pas nécessaire de justifier la dédicace –rare– d’un baptistère à saint Étienne, car contrairement à ce que l’on croit, la dédicace à Jean‑Baptiste n’est pas exclusive. Ainsi la Vita Aviti précise le vocable du baptistère de Vienne, dédié « ad honorem patriarcharum et prophetarum sanctique Johannis Baptistae » (Homilia XVII : In restauratione baptisterii in civitate sua Vienna ; MGH, AA, VI‑2, 1883, 126‑129 ; Ferotin 1904). Mais dans la région, le baptistère de Valence était peut‑être consacré au Protomartyr (Février 1986 ; Blanc 1964 : 60‑62) ; plus loin, le baptistère d’Albenga était placé sous la protection de nombreux patrons dont Étienne, Jean l’Évangéliste, Gervais et Protais, Nabor, Laurent (Marcenaro 1994 : 287‑298). Le deuxième baptistère de Milan avait également Étienne pour patron. Toujours en Italie, Ennodius mentionne dans l’un de ses poèmes un baptistère dédié à Étienne : « de fonte baptisterii sancti Stephani » (Carmina, II, 148 ; Ennodius, Harrel 1882 : 607 ; MGH, AA, VII, 1885‑1961, 271). Enfin, un baptistère de Lusitanie, cité par Grégoire de Tours, était doté de reliques d’Étienne : « habentur in ea reliquiae sancti Stephani leuitae » (MGH, GM, 23‑24 ; MGH, SRM, XII, 1885, 501‑503) et dans ce cas, il faut donc distinguer la présence de reliques et le vocable.
24Le baptistère de Lyon aurait donc pu être dédié à Étienne dès le ve s. et abriter des reliques du saint. Cette hypothèse a été retenue par le séminaire de topographie chrétienne et par P.‑A. Février dans son article sur les baptistères (Février 1986 : 126). Mais on peut aussi supposer, comme le suggère Adon, que la cathédrale sud avait à l’origine un double vocable, qui s’appliquait à la fois à l’église et au baptistère. Pour Adon, en effet, l’église sud est consacrée en même temps à saint Jean et à saint Étienne : « in majori ecclesia beati Johannis Baptisti ac sancti martyris Stephani » (Quentin 1908 : 466‑475). À l’appui de cet hypothèse, le Père de Vrégille insiste sur le fait qu’au bas Moyen Âge l’église cathédrale a en général le même patron que le chapitre et le diocèse : or saint Étienne est le patron du diocèse (Vrégille 1983 : 34‑35). De plus, Saint‑Étienne et Saint‑Jean étaient considérées comme les deux parties d’un tout : les offices y avaient lieu en même temps et le clergé était divisé en deux groupes que l’on appelait « le grand et le petit nombre » (Sachet 1914‑1918 : 41). C’est dans un second temps seulement que les vocables se seraient spécialisés : Saint‑Jean‑Baptiste pour l’église sud et Saint‑Étienne pour l’église centrale qui succède au baptistère.
L’église Sainte‑Croix
25La troisième église du groupe épiscopal est consacrée à la Sainte‑Croix, culte attesté dès le milieu du ive s. en Occident, c’est‑à‑dire peu après l’invention de la Croix par sainte Hélène (Frolow 1961). Avitus, évêque de Vienne, reçut des reliques de la Croix avant 514 ; il demanda d’abord au pape Symmaque de soutenir la requête qu’il avait adressée à Élie, évêque de Jérusalem, en vue d’obtenir un fragment de la Croix ; ayant obtenu satisfaction, il écrivit à Élie pour le remercier (Ep., XVIII, XXIII ; Avitus, Migne 1857‑1866 : 236, 239‑240). Peut‑être pourrait‑on trouver là l’origine du culte de la Croix dans la vallée du Rhône, des parcelles de la croix ayant pu être données par l’évêque de Vienne à l’évêque de Lyon. Plus tard dans le même siècle, Radegonde obtint en 569 un fragment de la croix et Fortunat composa un hymne à cette occasion Ad Justimim et Sophiam Augustos (Opera poetica, V : 59‑61 ; MGH, AA, IV‑1, 1881, 277). Le culte de la Croix paraît donc un des plus précoces ; il est attesté dans la région au moins dès le début du vie s.
26L’église Sainte‑Croix pose un autre problème. Si le vocable peut être considéré comme ancien, l’église elle‑même n’apparaît guère avant le dernier quart du xie s. dans l’Obituaire de l’église cathédrale où elle est mentionnée dans un acte de 1224 (Guigue 1885 : I, 265‑266, n° 204). On pourrait donc s’abstenir et considérer que l’on ne sait rien d’une éventuelle église Sainte‑Croix antérieure aux xie‑xiie s. Mais d’autres facteurs militent pour l’ancienneté de l’église nord. D’abord de nombreux groupes épiscopaux de Gaule et d’Italie comportent deux églises parallèles encadrant un baptistère : les plus connus sont ceux d’Aquilée et de Trêves ; le mieux étudié dans la région même est celui de Genève où la situation respective des trois édifices est très proche de celle de Lyon et où les deux églises existent à coup sûr dès les années 400 (Duval 1991 : 55‑59 ; Bonnet 1993 : 28‑34). A priori l’Église de Lyon, plus ancienne et plus importante, a pu comporter une installation aussi complexe que celle‑ci. Or, l’existence d’une église nord n’est assurée qu’à l’époque carolingienne ; elle paraît probable aux vie‑viie s. (attestée par un mur et un sol) et possible aux ive‑ve s. mais sans arguments probants, la salle rectangulaire nord à chauffage par conduits rayonnants pouvant être une salle de réception. On ne peut donc, nous l’avons vu, proposer avec certitude l’hypothèse d’un groupe épiscopal dès les ive‑ve s. (Reynaud 1996 : 91‑94).
1.2.3 La ville basse en rive droite
27Si l’on sait maintenant qu’un habitat assez dense s’étendait à proximité du groupe épiscopal, l’absence de données archéologiques ne permet pas de délimiter l’extension de la ville au nord et au sud (Kleinclausz 1939 : 95‑124).
Extension
28Au sud, la ville était délimitée par la nécropole de Saint‑Laurent‑de‑Choulans. Aucune trace de rempart paléochrétien n’a été retrouvée dans cette zone ; seul le rempart carolingien est attesté : l’église Saint‑Laurent‑de‑Choulans est dite alors extra‑muros. La fouille de la zone au sud de la cathédrale a permis de délimiter avec plus de précision l’emplacement de la rive droite de la rivière dans l’Antiquité : le mur des bords de Saône construit au cours de la première moitié du IVe s., quelle que soit sa nature, marque le bord de la rivière. La découverte de gros blocs, inscrits ou non, vers Saint‑Georges et vers le conservatoire de musique, suggère que de semblables structures se prolongeaient plus au sud et plus au nord (Audin, Reynaud 1981 : 457‑479). Mais d’après V. Monnoyeur‑Roussel, une fouille récente, entre la cathédrale et Saint‑Georges, ne confirme pas l’hypothèse d’un mur continu puisqu’on y a rien trouvé de semblable (Monnoyeur‑Roussel 1992).
Les traces d’un habitat
29Les traces d’un habitat de l’Antiquité tardive ont été retrouvées à proximité de la cathédrale en quatre endroits différents : rue Tramassac (station du funiculaire), rue de la Quarantaine (niveaux du ive s.), rue Jean‑Carriès où les niveaux de ces époques, nombreux et riches en matériel (céramiques, monnaies) sont associés à des maçonneries assez puissantes et avenue Adolphe‑Max, où des ensembles peuvent être reconstitués, en particulier un portique (Villedieu 1990 : 46‑48 ; Arlaud et al. 1994 : 42‑46).
30La voie nord‑sud, dégagée rue Tramassac, longeait le flanc nord du palais épiscopal présumé. Plus au sud, un sondage rue Saint‑Georges a été également fructueux pour la période. Des vestiges d’habitat sont enfin apparus à proximité de la nécropole de Saint‑Laurent, au niveau de la première terrasse (cf. supra Part. II, § 3.3.2) : une petite salle délimitée par des murs en torchis et couverte d’un sol en mortier de tuileau ; une seconde salle, plus longue, construite en moellons liés par du mortier, avec de gros blocs renforçant les angles ou placés à intervalles réguliers dans les murs et pourvue d’un foyer. Cet habitat est daté par une centaine de monnaies récupérées dans les couches d’occupation et d’abandon (monnaies en majorité de la seconde moitié du ive s.).
Églises, monastères et hôpitaux
31Si l’on peut donc admettre que les quartiers Saint‑Georges et Saint‑Paul étaient habités entre le ive et le viiie s., on peut aussi s’interroger sur la date de construction des deux édifices de culte, encore actuellement en usage, et sur la nature de ces édifices. Après avoir rappelé les sources écrites et les données de l’archéologie, nous essaierons de replacer ces deux édifices dans un cadre plus large.
Églises et monastères urbains
32Plusieurs édifices religieux sont mentionnés sur la rive droite de la Saône, mais souvent trop tardivement pour que l’on puisse les faire remonter sans risque à l’époque paléochrétienne. On distingue des collégiales de chanoines, des monastères et des hôpitaux.
L’église Saint‑Paul
33Une église est attestée avant l’époque carolingienne ; Leidrade reconstruit cet édifice : « domus in honorem sancti Pauli de nouo coperta est » (Epistolae Carolini aevi : MGH, II, 1885, 542‑543). Cette église peut remonter soit à la réforme de Chrodegang (780‑790), soit à une époque plus ancienne : l’ancienneté du vocable apostolique peut plaider en faveur d’une fondation mérovingienne6. Au ixe s., les chanoines sont au nombre de 17 (MGH, II, 1884, 257‑259) ou de 24 (op. cit. MGH, II, 18857
34L’analyse architecturale apporte quelques arguments. Les dimensions de l’église actuelle sont considérables : le transept, très débordant, atteint 34 m de longueur ; les trois nefs 29,2 m de long et 21,10 m de large. L’église romane de Saint‑Paul a donc des dimensions et un plan comparables à ceux de Saint‑Just II et l’on peut penser que l’implantation d’une église carolingienne ou paléochrétienne a guidé les constructeurs romans. De plus, l’appareil des murs (arases de briques dans la façade nord du transept) pourrait copier celui d’un édifice mérovingien. Enfin des structures anciennes ont été aperçues au xviiie s. par le chanoine Greppo qui signalait que toute la surface de l’église était recouverte d’un mortier de tuileau. Au cours des restaurations de 1835, A. Benoit a mis au jour des mosaïques et des fondations anciennes qu’il attribua à un temple païen dédié à Diane ; il mentionna aussi la présence d’une abside de petites dimensions sous le clocher occidental (Meynis 1883 : 22 ; Duplain, Giraud 1898 ; Martin 1908 : I, 170‑180).
35Saint‑Paul était flanquée d’une seconde église dédiée à saint Laurent, Cette dernière n’est pas mentionnée avant le xiiie s. (Martin 1908 : I, 180‑182). Des fouilles diront peut‑être un jour s’il n’y avait pas là une église double, dès les temps les plus reculés.
L’ecclesia (in honorem) sanctae Eulaliae (église Saint‑Georges)
36Comme Saint‑Paul, Saint‑Georges fut restaurée par Leidrade. Le texte parvenu jusqu’à nous n’est pas clair, mais l’on peut supposer que l’évêque reconstruisit une église autrefois dédiée à sainte Eulalie « ubi fuit monasterium puellarum ». La nouvelle église, alors dédiée à saint Georges, abritait des chanoines7. L’étude des deux vocables est assez révélatrice. Sainte Eulalie, comme saint Georges, sont des vocables anciens dont le culte se répandit en Gaule au cours du vie s. et connut une certaine vogue dans le diocèse de Lyon8, peut‑être dès l’époque mérovingienne pour Gerner qui reste très prudent (Gerner 1968 : 314‑315). On pourrait donc, dans le cas qui nous intéresse, supposer le processus suivant : une église pourvue au départ de deux patrons dont l’un, saint Georges, l’emporta à l’époque carolingienne.
37L’église romane disparue peut être reconstituée d’après les plans des xviiie et xixe s. : une nef unique se prolongeait par un transept et trois absides. Ce plan peut être vérifié par une visite dans les caves, sous le chevet actuel où sont visibles les fondations de l’ancienne abside et de l’absidiole méridionale. Les comptes rendus des travaux de 1869 signalent les vestiges d’une ancienne façade de style roman et, au nord, un mur de 1 m de large qui laisserait supposer une nef égale à la moitié de la largeur de l’église actuelle. On ignore si des structures antérieures à l’époque romane ont été dégagées.
38L’installation de moniales au cœur de la ville est un phénomène courant dont nous reparlerons à propos de Saint‑Pierre dans la presqu’île ; la création d’un collège de chanoines pose le problème des fonctions qui sont imparties à la nouvelle communauté. On peut supposer que le cas de Saint‑Georges rejoint celui de Saint‑Paul. Le même phénomène s’est d’ailleurs produit à Saint‑Just, à Saint‑Irénée et à Saint‑Nizier où des collèges de chanoines ont succédé à des communautés de clercs ou de moines et l’on peut se demander s’ils n’ont pas pris –en tout cas intra‑muros– en charge des « fonctions paroissiales », qui ne sont pas attestées cependant avant le xe s. Quelques mentions plus anciennes peuvent faire penser à une organisation similaire dès l’époque mérovingienne : on sait qu’à Lyon même, un prêtre était attaché à la basilique des Apôtres {MGH, VP, VIII ; MGH, SRM, I‑2, 1884‑1951, 245) ; des clercs sont connus à l’église Sainte‑Marie en Arles ; d’autres églises urbaines relativement anciennes sont mentionnées à Tours (Saints‑Gervais‑et‑Protais) comme à Genève (Saint‑Germain) (Régula Virginum ; Césaire, Morin 1942 : II, 70 ; Beckl950 : 77).
Hôpitaux
39À Saint‑Romain ou à Saint‑Geniès, nous ne disposons d’aucune preuve pour faire remonter la fondation de l’hôpital avant l’époque carolingienne. Quant à l’hôpital ou hospice (xenodochium) fondé par Childebert, sa localisation n’est pas assurée. Les vocables des édifices de culte paraissent anciens, sans que l’on puisse vraiment avancer une date et l’archéologie n’a pas apporté d’éléments déterminants9.
L’hospitale Sancti Romanii et l’hospitale Sancti Genesii
40Ces deux hôpitaux, mentionnés dans le Bref de l’Eglise de Lyon (MGH, II, 1885, 542‑543) ont peut‑être donné naissance à des églises qui apparaissent sur le Plan scénographique, la première au sud de la cathédrale, la seconde au bas de la montée Saint‑Barthélémy. Ces deux hôpitaux ont‑ils été fondés seulement à l’époque carolingienne ou à une époque antérieure ? Le seul indice d’ancienneté serait fourni par les vocables et les fouilles de l’avenue Adolphe‑Max n’ont fait que longer des structures appartenant à église Saint‑Romain (Villedieu 1990 : 70‑78). De ce fait, la chronologie relative d’ensemble n’a pu être élaborée et la question des origines de l’hôpital n’a pu être résolue (Coville 1928 : 287‑288). Pour l’hôpital Saint‑Geniès, situé plus au nord, tout ce que l’on peut constater est que le culte du martyr d’Arles est lui aussi antérieur à l’époque carolingienne10.
L’église Notre‑Dame‑de‑la‑Saunerie
41Une petite église, située à l’extrémité ouest du pont médiéval, était dédiée à Notre‑Dame. M.‑C. Guigue voyait dans cette église la basilique de l’hôpital fondé par Childebert, et mentionnée au concile d’Orléans en 549 (Guigue 1876b : 159). D’un point de vue topographique, on ne peut que souligner l’intérêt de l’emplacement de cet édifice par rapport au pont médiéval – encore faudrait‑il prouver que celui‑ci a succédé sans changement d’implantation au pont romain pour que cette situation soit un indice d’ancienneté. On remarquera également que l’église n’était pas orientée, mais sans doute suivait‑elle le tracé des bords de Saône. Ces indices ne sont pas suffisants pour en faire l’église de l’hôpital et là encore, faute de preuves, nous resterons dans l’expectative.
1.2.4 Voies d’accès et nécropoles
42Au nord de Saint‑Paul, le quai de la rive droite semble peu fréquenté, alors que la voie de Narbonnaise, au sud, connaît une activité certaine si l’on peut prendre en compte l’exiguïté de la nécropole de Vaise et la plus grande importance de celle de Choulans.
La nécropole nord
43Quelques tombes anciennes (iiie‑ive s.) ont été mises au jour le long de la Saône, en particulier des sarcophages de plomb ; plus récemment, des sépultures ont été fouillées dans la cour de l’ancienne école vétérinaire (Pelatan, Meyronein 1970 : 217‑226 ; Cochet 1978 ; Delaval et al. 1995 : 241‑248).
Saint‑Épipoy et Saint‑Pierre de Vaise : des édifices de dates incertaines
44La recluserie de Saint‑Épipoy, située à proximité du rocher de Pierre‑Scize, rappelle le culte du martyr Epipodius, compagnon d’Irénée. Seule la tradition voudrait que cette chapelle ait pu prendre le relais d’un mausolée établi soit sur la tombe d’une sainte femme appelée Lucie qui avait ramassé la chaussure du martyr, soit à l’emplacement de la maison de cette même matrone, qui avait abrité le saint personnage avant son arrestation (Guigue 1886 : 91). La chapelle, qui figure sur le Plan Scénographique, n’a pas été localisée avec précision et aucune date de construction ne peut lui être assignée.
45Située très au nord de la ville du Bas‑Empire, l’église Saint‑Pierre de Vaise se trouvait à proximité de la voie de l’Océan (Audin 1964 : 119 ; 1979 : 108) et d’une importante nécropole romaine, dans le vicus de Vaise mis en évidence par des fouilles récentes (Bellon et al. 1988 : 55‑56 ; Delaval et al. 1995 : 274). Au Moyen Âge, le clergé de Saint‑Pierre participait aux grandes fêtes religieuses avec le clergé lyonnais : ainsi le cortège de la Fête des Merveilles prenait son départ à l’église de sanctum Petrum Veste (Guigue 1886 : 161). La construction est de date incertaine : l’église est mentionnée à la fin de l’époque carolingienne sous le vocable de Saint‑Baudile (965). L’ancienneté du vocable de saint Baudile, martyr de Nîmes11, la mention par A. Comarmond de matériaux récupérés sur des monuments ou sur des sépultures antiques dans les murs de l’ancienne église, au moment de sa restauration au xixe s. (Comarmond 1846 : IV, 2), enfin la trace d’un chaînage de l’ancienne façade, composé de blocs romains inscrits, retrouvée au nord‑ouest de l’actuelle en 1964 (Audin 1966 : I, 198‑203) militent en faveur d’une construction ancienne. Par contre, on peut faire remarquer que si une quarantaine d’inscriptions funéraires ont été recueillies dans le secteur, aucune inscription chrétienne n’a été signalée. Une fouille récente, à deux cents mètres de là, a mis au jour des sépultures antiques et mérovingiennes, peut‑être en relation avec l’ancienne basilique et avec un habitat du haut Moyen Âge (Lascoux 1992).
La nécropole de Choulans et la voie de Narbonnaise
46Au sud de Lyon, la voie de Narbonnaise devait continuer à être fréquentée. La nécropole de Choulans, dont l’extension en surface reste mal connue au sud, vint doubler celles de Saint‑Just et de Saint‑Irénée à partir de la fin du ve ou du début du vie s. Une proportion assez forte de défunts aux noms germaniques souligne la présence de Burgondes et de Francs dans la ville.
47Lyon, comme Vienne et Grenoble, possède une basilique dédiée à Laurent ; celle de Vienne, fondée au milieu du ve s. par Sévère, n’a pas été retrouvée (Jannet‑Vallat et al. 1986 : 28‑29) ; celle de Grenoble, encore en cours de fouilles, est maintenant datée du ve s. (Colardelle 1986 ; Colardelle 1995 : 239‑244). Les origines de la basilique de Lyon, où les indices sont plus clairs, peuvent se situer entre le second tiers du ve s. et le premier tiers du vie, époque où se répand le culte de saint Laurent12. Gondebaud, arien, semble tenir saint Laurent en grande estime, et ce vocable est tout particulièrement apprécié par la hiérarchie ecclésiastique (Demougeot 1979 : 661‑671).
48Une part notable de la cité s’étend donc le long de la rive droite de la Saône, au pied des collines. Les textes nous renseignent sur des édifices religieux qui sont bien localisés et sur leurs fonctions : groupe épiscopal, églises urbaines, basiliques cimétériales. Les fouilles archéologiques ont apporté de nombreux renseignements complémentaires dans les zones intra ou extra‑muros.
1.3 La presqu’île
49Le tableau que l’on peut dresser de cette zone reste très flou, pour la ville antique comme pour la ville du haut Moyen Âge, bien que la presqu’île ait été traversée dans les années 1970 du nord au sud par la tranchée du métro (Turcan 1980 : II‑2, 1‑87). Des fouilles de sauvetage, effectuées au nord dans le quartier de la Martinière, montée de la Grand’Côte et place Tolozan, au centre, à l’Hôtel‑Dieu, rue de la Monnaie, place Bellecour et, plus récemment place de la Bourse, place de la République et place des Célestins, ont apporté des éléments nouveaux (Helly 1979 ; Becker‑Janvier 1983 ; 1994 ; Jacquin et al. 1984 ; Lascoux 1986). Pour l’instant et en attendant la publication des recherches de G. Arlaud, on peut admettre l’idée que la moitié nord de la presqu’île reste une zone instable, sujette aux crues du Rhône et de la Saône, traversée de chenaux multiples. Des dépôts alluviaux, des remblais anthropiques rendent certains secteurs temporairement habitables.
50Certains problèmes ont été résolus : l’amphithéâtre a été dégagé sur les deux tiers de sa superficie après 1958, alors que les vestiges archéologiques de l’agglomération gauloise de Condate restent toujours très ténus. On sait maintenant que le quartier des Kanabae était rattaché à la presqu’île dès l’époque romaine, après l’installation d’un remblai au ier s. de n.è. à l’emplacement des anciennes places Bellecour et Antonin‑Poncet (Burnouf 1985 : 104‑105) mais, faute de recherches archéologiques à Saint‑Nizier et à Ainay, il est encore impossible de localiser avec précision l’église des Martyrs, mentionnée par Grégoire de Tours et Adon.
51Une problématique nouvelle commence pourtant à naître autour du secteur nord de la presqu’île qui aurait été occupée de façon continue entre le ive et le viie s. À l’est de la place des Célestins, une domus gallo‑romaine à mosaïques a été partiellement dégagée ; au nord de la place, un exhaussement du terrain est signalé à proximité d’un chenal. Pour l’époque mérovingienne, les données ont été assez riches : une construction sur solins de pierres, des trous de poteaux appartenant sans doute à des cabanes, de nombreuses fosses et enfin deux sépultures proches de l’habitat (Arlaud 1992 : 119). Ensuite, les traces d’occupation disparaissent, en tous cas dans les secteurs fouillés, jusqu’au xiiie s.
1.3.1 L’amphithéâtre et le lieu du martyre
52On ne peut présenter Lyon, ville paléochrétienne, sans parler de l’amphithéâtre, lieu du martyre de Blandine et de ses amis. Situé à mi‑pente de la colline de la Croix‑Rousse, à l’ouest de l’autel de Rome et d’Auguste, ce monument, vénérable entre tous pour les chrétiens lyonnais, fut utilisé comme carrière pour construire le mur des bords de Saône et sans doute les nouveaux temples chrétiens. Visible sur les deux tiers de sa surface, l’amphithéâtre nous permet de mieux situer les péripéties des événements de 177 et les deux spectacles offerts au public. Tout d’abord, des combats de bêtes, peut‑être au solstice de juin, puis un deuxième spectacle lors des fêtes qui réunissaient les représentants des soixante peuples de Gaule à partir du 1er août (Leglay 1978 : 20). Contrairement au cas de Metz ou de Tarragone, aucune chapelle n’a, à notre connaissance, été installée dans le périmètre de l’amphithéâtre13. Des travaux dans la montée de la Grand’Côte ont fait apparaître un mur assez puissant construit en gros blocs de remploi (datable de la fin du iiie ou du début du ive s.) ainsi qu’une occupation tardive (ive s.).
1.3.2 Le confluent et les voies de communication
53Grâce aux fouilles effectuées surtout dans le nord de la presqu’île, et grâce aux recherches de J.‑P. Bravard et d’A. Vérot‑Bourrély, nos connaissances sur le confluent ont beaucoup évolué depuis les théories de Marius Audin, reprises par son fils Amable, qui considéraient l’espace compris entre la place des Jacobins et la place Bellecour comme l’emplacement d’un premier confluent (Allmer, Dissard 1887‑1888 : I, 618 ; Audin 1919 ; Audin 1947 : 99‑130). Un bras majeur du Rhône, venu des Brotteaux, se serait avancé vers l’ouest pour passer au ras des pentes sud de Fourvière ; un second, continuant droit vers le sud, aurait déterminé une île d’assez grande dimension, l’île d’Ainay ou des Kanabae. Cette hypothèse trouvait une apparente confirmation dans le tracé des inondations du 3 décembre 1570 qui semblait correspondre à une zone archéologiquement stérile. Le Rhône, qui bifurquait au nord des Cordeliers, passait ensuite au nord de la place des Jacobins et de la place des Célestins. Un autre point bas de la presqu’île existait place Le Viste au nord de la place Bellecour. Au sud, l’emplacement du confluent était bien marqué par la présence d’une épave découverte dans un ancien chenal, actuelle rue Bourgelat (Wuilleumier 1953 : fig. 1 ; Russo, Audin 1964 : 49‑50). Les restes d’occupation découverts sur ce parcours –amphores trouvées sous une chapelle latérale des Cordeliers et sous le passage de l’Argue– seraient les témoins du comblement de ces chenaux. Les fouilles récentes ont clairement montré un déplacement de la rivière vers l’est, jusqu’à la digue de la rue Mercière (Jacquin et al. 1984). La présence, dans ce secteur, de constructions romaines, maisons du ier s. et entrepôts des ive‑ve s., pousse à restituer un coude de la rivière et non un véritable bras traversant la presqu’île.
54Les fouilles de sauvetage des places Bellecour, Antonin‑Poncet et des Célestins ont pour la première fois mis en évidence, aux époques historiques, la présence de chenaux non comblés, puis un remblaiement assez systématique à l’aide de graviers et d’amphores à la fin du ier s. de n.è. La destruction d’innombrables amphores lors de la construction du parking souterrain de Bellecour montre bien qu’un drainage sérieux avait été effectué dans cette zone qui devait donc être habitable ; au sud de la place (Becker‑Janvier 1983), une occupation des iie‑iiie s. est également attestée. C. Arlaud a constaté qu’aux mêmes époques, la place des Célestins était soumise aux crues de la Saône et du Rhône et était parcourue de chenaux non stabilisés (Arlaud 1992 : 119). Les dépôts alluviaux et d’importants remblais repoussent donc le confluent au sud des Kanabae et rendent la presqu’île habitable à l’époque romaine. Pour le haut Moyen Âge, les zones inondables progressent à nouveau et il est difficile de bien cerner les zones d’habitat (Celestins), les lieux de culte et les nécropoles (Saint‑Michel‑d’Ainay, Saint‑Nizier et Saint‑Pierre) et les zones inondables parcourues de chenaux instables (Arlaud et al. 1994 : 15‑20).
55Le problème des voies de communication entre la rive droite de la Saône et la presqu’île n’a guère évolué. La question de l’emplacement des ponts de la Saône et du Rhône reste toujours posée (Desbat 1982 ; Burnouf et al. 1991). La Saône était sans doute franchissable par un pont pour lequel deux implantations sont possibles. Pour certains, ce pont a été construit entre le prolongement de la rue du Bœuf sur la rive droite d’une part et le débouché de la montée des Carmélites, d’autre part (Audin 1950b : 61‑68 ; 1953 : 126‑128). Sur ce tracé se seraient installées plus tard l’église Saint‑Laurent d’un côté, l’église Saint‑Vincent, de l’autre. A. Steyert signale d’ailleurs une culée de pont antique, près de Saint‑Nizier sur la rive gauche de la Saône, à l’emplacement du pont médiéval, là où l’élargissement de la Saône rend la rivière moins profonde et où des rochers affleurent même aux basses eaux (Steyert 1895‑1899 : I, 279). B. Gauthiez suggère quant à lui un passage au droit de Notre‑Dame‑de‑la‑Platière (Gauthiez 1994 : 15‑16) ; un franchissement est également possible au sud de la presqu’île, au droit de la rue Sainte‑Hélène.
56Quant au pont sur le Rhône, son emplacement aurait varié au cours des siècles. Pour l’époque antique, deux arguments militent en faveur d’un passage méridional : de nombreuses tombes ont été mises au jour au xixe s. au droit de l’actuel pont de l’Université, donc à l’arrivée présumée de la voie de Vienne ; de même, de nombreux blocs ont été reconnus dans le lit du fleuve à cet endroit ; il peut s’agir des enrochements destinés à recevoir un pont de bois ou de pierre (Desbat 1992 : 29‑37). Dans le prolongement de ce pont, une voie aurait traversé la presqu’île, soit pour rencontrer la voie nord‑sud, soit pour déboucher sur un autre pont ou un bac permettant le franchissement de la Saône. La présence de la basilique construite par Carétène (Saint‑Michel d’Ainay) et de la recluserie de Sainte‑Hélène au débouché présumé de ces ponts n’est pas sans signification, de même qu’au nord celle de Saint‑Nizier ou de Notre‑Dame‑de‑la‑Platière (Gauthiez 1994 : 13‑14, 21).
57On aimerait enfin savoir jusqu’à quand ces ponts ou ces passages ont été maintenus. L’existence d’un burgus carolingien dans la presqu’île rend plausible le maintien en service du pont sur la Saône ou la présence d’un bac. Quant au franchissement méridional du Rhône (pont ou bac), il est confirmé par la construction d’une motte à Béchevelin, à la fin du xie s., pour surveiller le passage (Reynaud 1981a : 132), J. Burnouf et B. Gauthiez suggèrent une évolution de l’emplacement des ponts qui aurait glissé du nord vers le sud (Burnouf et al. 1991 : 29‑34 ; Gauthiez 1994 : 15‑16).
1.3.3 L’église des Apôtres : Saint‑Martin d’Ainay ou Saint‑Nizier ?
58L’Église de Lyon semble avoir laissé tomber dans l’oubli les martyrs de 177. Si l’amphithéâtre fédéral, lieu présumé du martyre, a été retrouvé, mais sans édifice cultuel commémoratif, l’emplacement de l’église élevée à l’endroit où auraient été recueillies les cendres des martyrs prête encore à discussion.
Les textes
59D’après la lettre d’Eusèbe, les corps des chrétiens furent exposés pendant six jours, puis brûlés ; les cendres furent dispersées dans le Rhône afin qu’il n’en restât aucune trace (Eusèbe de Césarée, Bardy 1955 : 6‑28). Au vie s., Grégoire de Tours racontait à sa manière la suite de l’histoire. Les martyrs, apparaissant sur le lieu même où leurs corps avaient été incinérés, auraient demandé que l’on recueillît leurs cendres. Ayant répondu à cette demande, les fidèles construisirent, en leur honneur, une basilique d’ampleur admirable où ils placèrent les reliques sous l’autel : « aedificaverunt basilicam mirae magnitudinis. Et sepelierunt beata pignora sub sancto altare ». Ce texte, jusque‑là clair, s’obscurcit quand l’auteur ajoute que le lieu où ils ont souffert est appelé Ainay : « locus ille in quo passi sunt Athanaco uocatur » (MGH, SRM, I‑2, 1885, 48). Au ixe s., Adon identifiait la basilique où l’on vénérait les cendres des martyrs avec la basilique dédiée aux Apôtres : « in Apostolorum ecclesia ubi sancti cineres [...] » (Martyrologium ; Dubois, Renaud 1984 : col. 279). D’après la liste épiscopale du XIIIe s., l’église des Apôtres aurait été fondée par Eucher au milieu du ve s. (Guigue 1897 : III). Cette mention, trop tardive, ne peut être considérée comme une preuve décisive.
60Avant d’aborder la discussion de fond, rappelons que ce problème divisa et divise encore les spécialistes. Les uns assimilent l’église des Apôtres à Saint‑Martin d’Ainay. C’est le cas de A. Longnon dans sa Géographie de la Gaule au vie s. (Longnon 1878 : 198‑199). Par contre, malgré ce que soutient Longnon, T. Ruinart ne prend pas vraiment parti dans ses Acta Primorum martyrum sincera, publiés en 1689 (Ruinart 1689 : 47). À propos des martyrs Athanacenses dont parle Grégoire de Tours, il fait mention du monastère bénédictin d’Ainay, mais il n’établit pas de rapport entre la basilique des Martyrs et le monastère : « ibi constructum postea fuit nobile ordinis nostri benedicti monasterium » (MGH, GM, I‑2, 1885, 72, note 2). Krusch, éditeur de Grégoire de Tours, fait la même remarque : le lieu où les chrétiens ont souffert le martyre est celui « ubi postea monasterium Ainay constructum est » (MGH, GM, 1‑2, 1885, 72, note 2 ; Longnon 1878 : 198‑199). M. Vieillard‑Troïekouroff, dans le chapitre sur Lyon de sa thèse sur Grégoire de Tours, n’apporte pas d’éléments nouveaux (Vieillard‑Troïekouroff 1976 : 147‑148), alors que C. Piétri, dans une première rédaction de la Topographie chrétienne se refusait à faire le lien entre la basilique des Martyrs et celle qui abrite le corps de saint Nizier, ce lien n’étant pas affirmé par Grégoire de Tours.
61Les autres assimilent l’église des Apôtres à Saint‑Nizier. C’est le cas de S. Lenain de Tillemont dans ses Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des six premiers siècles, publiés à partir de 1693. Il estime que, sans ambiguïté, « l’église des Apôtres où les saints étaient particulièrement honorés, porte aujourd’hui le nom de Saint‑Nizier » (Le Nain de Tillemont 1695 : III, 25‑26). Plus près de nous E. Griffe est du même avis et estime que le terme d’Athanacus s’applique à toute la presqu’île (Griffe 1964 1965 : III, 217‑224). Il en est de même pour A. Coville dans ses Recherches sur l’histoire de Lyon et, nous l’avons vu, pour le Père de Vrégille dans la Nouvelle histoire du diocèse de Lyon (Coville 1928 : 462‑465 ; Vrégille 1983 : 38). Enfin, dans l’article Lyon de la Topographie chrétienne, J.‑C. Picard envisage à nouveau l’hypothèse de Saint‑Nizier comme probable, tout en soulignant que le problème reste posé (Février et al. 1986 : 31‑32).
L’abbaye Saint‑Martin d’Ainay
62Les origines de l’abbaye bénédictine restent obscures, malgré les travaux d’érudition anciens ou récents : aucune interprétation nouvelle, aucune fouille d’envergure ne sont venues apporter d’arguments attestant les origines paléochrétiennes du monastère. Deux questions se posent donc : y avait‑il une abbaye avant l’époque carolingienne ; le culte des martyrs ou des apôtres était‑il ancien à Ainay ?
63Nous manquons d’éléments pour répondre à la première question. En effet les affirmations des historiens anciens sont sujettes à caution : dans sa Chronique, rédigée au xviie s., J.‑B. de La Mure se fait le porte‑parole, sans les critiquer, des traditions les plus anciennes comme des plus récentes (La Mure, Guigue 1885 : 517). Les textes antérieurs à l’époque carolingienne sont délicats à utiliser. Ainsi, Romain, premier des Pères du Jura, de passage à Lyon vers 435, rend visite à Sabinus Lugdunensis interamnis abbas : un monastère « entre deux fleuves » se trouve donc soit dans la presqu’île entre le Rhône et la Saône, soit encore à l’Île‑Barbe, entre les deux bras de la Saône (Vita S. Romani, Martine 1968 : 250). Ce récit ne pourrait s’appliquer au monastère d’Ainay que si l’on pouvait prouver qu’il y avait bien une abbaye en ces lieux à cette date.
64L’apport de l’archéologie n’est pas davantage déterminant. L’église de Saint‑Martin d’Ainay est, dans son état actuel, une construction du xiie s. ; la chapelle Sainte‑Blandine, au sud, est plus ancienne (xie s.) et assez bien conservée, alors qu’il ne reste que le narthex de la chapelle Saint‑Pierre, au nord. Du xviiie s. à nos jours, d’importants travaux ont été menés à l’extérieur de l’église où des mosaïques romaines tardives (ive s.) ont été trouvées à 3 ou 4 m sous le sol actuel ; des mosaïques romanes ont été mises au jour à 0,40 m de profondeur sous le sol de l’église mais, entre ces deux niveaux, aucun repère sérieux n’a été trouvé et l’on ne peut pas, dans l’état actuel de nos connaissances, supposer l’existence d’un édifice antérieur à l’église actuelle (Stern, Blanchard‑Lemée 1967, t. X : mosaïques romaines, nos 108‑111 ; mosaïques médiévales, nos 3‑5). L’épitaphe d’un diacre, mort en 540, a été remployée dans le clocher de Saint‑Martin ; elle peut soit provenir d’une nécropole assez éloignée, soit de Saint‑Michel d’Ainay et ce remploi ne peut être considéré comme une preuve de la présence d’une nécropole ancienne près de l’église qui permettrait de penser à une basilique funéraire. En revanche, des textes sûrs attestent l’existence d’une église carolingienne14.
65Pour répondre à la deuxième question, il faut d’abord éliminer des traditions tardives qui suggèrent le culte des Martyrs à Ainay : une chapelle dédiée à Pothin, une autre consacrée à Blandine, une pierre où Pothin aurait posé sa tête, un sac de « cendres des Martyrs » (La Mure 1671 ; Guigue 1885 : 517) ; de même une chapelle Saint‑Pierre, construite au nord‑ouest de l’église principale, évoquerait le culte des Apôtres (Ewig 1960a : 215‑261). Mais ces témoignages n’apportent pas la preuve d’un culte remontant à la période mérovingienne. Le culte de Blandine n’est pas attesté avant les xve‑xvie s. et la pierre de Pothin, comme le sac de cendres, ne sont pas connus avant J.‑B. de La Mure ; celui‑ci précise même que les cendres ont été données par le clergé de Saint‑Nizier (Chagny 1935 : 228). La chapelle Saint‑Pierre n’est citée qu’à partir du xive s. L’analyse du plan d’ensemble des bâtiments abbatiaux nous incite d’ailleurs à voir dans la chapelle Saint‑Pierre la seconde église du groupe abbatial, et dans la chapelle Sainte‑Blandine un édifice funéraire, sans que l’on ait dans l’un et l’autre cas d’indices pour une datation haute. Reste donc l’argument du toponyme, mais, puisque la colline de Saint‑Just a pu s’appeler un jour le Puy d’Esnay, on pourrait considérer que ce toponyme recouvrait à l’origine un espace beaucoup plus étendu que le sud de la presqu’île, peut‑être tout le confluent jusqu’à l’amphithéâtre (Raverat 1880).
66Les origines de l’abbaye d’Ainay demeurent par conséquent obscures et l’on ne peut, faute d’une véritable fouille archéologique, prouver l’existence à cet endroit d’un édifice de culte antérieur à l’époque carolingienne.
L’église Saint‑Nizier
67Une basilique funéraire, construite au centre de la presqu’île, abrita la sépulture de Nizier et de nombreux autres évêques, mais il ne reste rien des édifices primitifs depuis les reconstructions des xive‑xve s. et les opérations de véritable vandalisme menées au xixe s. (Martin 1908 : 349‑358).
Les origines
68Contrairement à celle d’Ainay, l’ancienneté de l’église de Nizier est bien attestée grâce à Grégoire de Tours (Vieillard‑Troïekouroff 1976 : 147‑148 ; Février et al. 1986 : 32‑33). Neveu de Nizier, celui‑ci séjourna longuement à Lyon et connaissait bien la ville. Il parle abondamment de la basilique où repose le corps de son oncle, des miracles qui se produisirent sur la tombe et du culte organisé par Aetherius pour les nombreux pèlerins. Une foule immense se pressait, dit‑il, autour de la tombe vénérée. Les fidèles emportaient de la poussière arrachée au tombeau ; des morceaux de cire, quelques brins de la frange de la couverture du sepulchrum ; le lit du saint évêque, exposé en cet endroit, était couvert d’un pallium et des lampes étaient allumées en permanence : à son contact, « les aveugles recouvrent la vue, les paralysés marchent, les prisonniers sont libérés ». Cette basilique n’avait d’ailleurs pas été construite par Nizier puisqu’un prêtre attaché à la basilique s’indigne, à la lecture du testament de l’évêque, que celui‑ci n’ait rien laissé à l’église où il avait sa sépulture ; ceci aurait constitué une anomalie si Nizier en avait été le fondateur (MGH, VP, V, 8 : De Sancto Nicetio Lugdunensi episcopo ; MGH, SRM, II, 1885, 245 ; Guigue 1876a : 145‑158 ; 1886a : 160‑161).
Le vocable
69On aimerait bien connaître le vocable de cette église primitive, Un indice est fourni par les Acta S. Annemundi, non connus d’Adon et donc plutôt du xe s (Février et al 1986 : 19), d’après lesquels le frère de l’évêque, Dalfinus ou Austregisilus, prêtre de Saint‑Nizier devenu évêque de Bourges, reposait « in basilica Apostolorum quadraginta octo martyrum » (AA SS, sept. VII, 744‑746). Des textes tardifs (xive et xve s.) font également de Saint‑Nizier l’église primitive des Apôtres (enquête de 1308, rituel de l’église Saint‑Paul, procuration à Barthélemy Berchier) (Guigue 1876a : XXI, f° 8 r° ; Guigue 1886 : 160‑161, 178‑181). Un fait nous semble enfin révélateur : le récit de la Fête des Miracles dans Adon spécifie que la messe se dit à l’église des Apôtres qui, pour lui, est aussi celle où furent déposées les cendres des Martyrs (Dubois, Renaud 1984 : 182). Or, en 1175, les statuts de l’Église de Lyon décrivent avec précision les stations successives et la messe solennelle qui est célébrée à Saint‑Nizier « [...] ad Athanacum, et in ecclesia orationem facere [...] ad Portam Sancti Michaelis et ibi incipere litanias Sancti Photini usque ad Sanctum Nicetium [...] et ibi celebratur missa a canonicis quorum est officium » (Guigue 1886 : 161).
Les données archéologiques
70L’archéologie fournit également matière à réflexion. L’édifice du haut Moyen Âge a été en tout cas détruit lors de la reconstruction de l’église aux xive‑xve s. Seuls subsistaient en sous‑sol des caveaux funéraires contemporains de l’église haute et un petit édifice oriental à plan centré. En 1883, les derniers vestiges anciens disparurent lors de la construction d’une vaste crypte. L’oratoire oriental tétraconque a été décrit et relevé au début du xixe s. (cf. supra fig. 4) : quatre absides semi‑circulaires de 2,50 m de diamètre ouvraient sur un carré de 4 m de côté. Ce « mausolée » fut sans doute construit au niveau du sol extérieur, à l’est de la basilique. Deux escaliers latéraux le mirent ensuite en communication avec le chevet de l’église gothique construit au‑dessus (Maître 1902‑1903 : 96‑107 ; Boué 1841 : 383). D’après le procès‑verbal de reconnaissance de 1308, nous savons que cet édifice abritait les tombes de quelques évêques de Lyon : Rusticus (+ 501), Viventiolus (+ av. 538), Sacerdos (+ 522), Nizier (+ 573), Priscus (+ 586), d’un évêque d’Arles, Aurélien, et d’un noble personnage, Aunemundus. Ce texte nous fournit aussi une copie des épitaphes d’évêques dont un fragment de celle de Sacerdos, retrouvé en 1883, confirme l’authenticité (Heinzelmann 1976 : 98‑179).
71J. Hubert a daté ce mausolée de la restauration de Leidrade, par comparaison avec Saint‑Laurent de Grenoble (Hubert 1952 : 26, 63, no 65). On pourrait aussi y voir une construction destinée à abriter les reliques de Nizier (vie ou viie s.), une date assez ancienne convenant d’autant mieux que la grande église cruciforme à absides multiples de Saint‑Laurent de Grenoble remonterait au ve s. (Colardelle 1986 : 36‑41 ; Duval 1995 : 239‑244). Au ixe s., Leidrade reconstruisit Saint‑Nizier qui fut pourvu de 19 chanoines (MGH, II, 1885, 542‑543). L’ancienneté de l’église est donc acquise et ce n’est pas seulement le culte de l’oncle de Grégoire de Tours qui fit la renommée de l’édifice.
72Pour conclure, il apparaît donc que le lien entre Saint‑Martin d’Ainay et le culte des Apôtres est relativement lâche et tardif, alors que les descriptions de la Fête des Miracles mettent l’accent sur l’église Saint‑Nizier où se déroulait la messe solennelle au xiie s. : « adsanctum Nicetium [...] et ibi celebratur missa » (Guigue 1886 : 161).
1.3.4 Monastères, édifices de culte, fondations privées et fondations de date incertaine
73Les monastères urbains sont assez nombreux dans la presqu’île. Le mécénat royal est à l’origine de la construction de la basilique où fut inhumée la reine burgonde Carétène et sans doute aussi du monastère de Saint‑Pierre ; l’église Notre‑Dame où, nous dit Grégoire de Tours, se rendait quotidiennement une femme noble ne peut être localisée avec précision et l’ancienneté des autres édifices est sujette à caution.
L’église Saint‑Michel d’Ainay
74Au xiie s., le quartier d’Ainay comprenait deux édifices religieux : l’abbaye dédiée à saint Martin que nous venons d’étudier, et une église paroissiale dédiée à saint Michel, ancienne basilique funéraire, peut‑être fondée par la reine Carétène à l’époque burgonde (Coville 1928 : 45).
75L’église Saint‑Michel d’Ainay, qui figure sur le Plan scénographique (milieu du xvie s.) et sur la Grande vue de Simon Maupin (xviie s.), disparaît à la fin du xviiie s. (Martin 1908 : I, 102‑110 ; Poidebard 1907 ; Chagny 1935 : 341‑350). Ses origines remontent à l’époque burgonde, comme l’indique l’épitaphe de la reine Carétène, sans doute épouse de Gondebaud. Connue de J. Spon au xviie s. et transmise jusqu’à nous par un manuscrit du ixe s., cette inscription fait de Carétène la fondatrice d’un édifice : « condidit haec templum praesens », dont le vocable n’est pas précisé (Spon, Renier 1858, ms lat. 2194). On a voulu voir dans la suite de l’inscription : angelisque dedit limina celsa choris... (elle dédia les seuils sublimes aux chœurs des anges...) une allusion à une dédicace aux saints archanges et l’on a, en conséquence, attribué à cette église l’homélie d’Avitus de Vienne mentionnant une basilique consacrée à saint Michel (MGH, AA, VI‑2, 1883, 341‑347). Le seul argument qui autorise à situer à Lyon cet édifice est l’existence aux xie‑xiie s. d’une église dédiée à saint Michel et construite par un prêtre nommé Gotbran.
76Le lotissement du quartier, à partir du xviie s., rendit nécessaire un agrandissement de l’église (une nouvelle abside fut construite à l’ouest en 1666). L’église, déjà en ruines au xviiie s., se situait à l’emplacement de l’actuelle rue Clotilde‑Bizolon (Steyert 1884 : 46). Le site a révélé, dès le xviie s., de nombreux vestiges anciens, surtout gallo‑romains. A.‑F. Artaud signale les traces de murs importants ; A. de Boissieu a vu lui‑même démolir, sur l’emplacement de l’ancien couvent Saint‑Michel, rue Saint‑Martin, un mur « qui n’avait pas moins de deux mètres d’épaisseur » fait de gros blocs de choin et de fragments de colonnes antiques (Artaud 1846 : 165‑167 : Boissieu 1865 : 65) ; ces mêmes matériaux auraient servi à la construction de l’église de Saint‑Trivier‑de‑Courtes dans les Dombes. En 1972, un sondage rue Clotilde‑Bizolon a livré un fragment de frise décoré d’un feuillage, antérieur à l’époque carolingienne (Reynaud 1972b).
77L’église paroissiale dédiée à Saint Michel a donc peut‑être conservé le souvenir de la basilique funéraire de la reine Carétène, érigée le long de l’ancien passage au travers de la presqu’île.
L’abbaye Saint‑Pierre
78Située dans la presqu’île, au pied de la colline de la Croix‑Rousse, l’abbaye des Dames de Saint‑Pierre passait pour l’un des plus anciens couvents de Gaule. Les archives de l’abbaye ont été pillées en 1562. L’église romane a été très remaniée au xviie s. et il ne reste rien des édifices antérieurs à l’an Mil (Martin 1912 : II, 141‑152).
79On ne peut affirmer que l’histoire du noble auvergnat qui, d’après Grégoire de Tours, aurait enlevé une jeune fille du monasterium Lugdunense, s’applique à l’abbaye Saint‑Pierre plutôt qu’à celle de Sainte‑Eulalie (MGH, GC, 64 ; MGH, SRM, 1‑2, 1885, 35‑36). Par contre, les Acta S. Annemundi mentionnent un don de l’évêque à l’église Saint‑Pierre (seconde moitié du viie s.) et la Vita S. Boniti, au début du viiie s., énumère les péripéties de la translation des reliques de Bonnet, de Lyon en Auvergne (Février et al. 1986 : 33 ; MGH SRM, VI, 1913, 110‑139). À sa mort, vers 711, le corps de l’évêque de Clermont avait été déposé dans l’église Saint‑Pierre ; l’abbesse fit alors tout son possible pour garder les reliques, mais les Clermontois vinrent réclamer le corps. Une autre église (ecclesia Sancti Stephani, ou plutôt sancti Saturni pour Coville) s’élevait dans l’enceinte du monastère.
80Leidrade fit réparer l’église a fundamentis, et le monastère comptait alors 32 moniales15. L’abbaye bénéficia des faveurs de Charles de Provence qui y élit sépulture. Un véritable quartier se développa autour de l’abbaye, et Saint‑Saturnin devait alors faire fonction de paroisse (Picot 1970). Les bâtiments abbatiaux remontent au xviie s. L’église Saint‑Saturnin disparut à la Révolution et Saint‑Pierre, dont la façade est englobée dans des immeubles modernes, remonte, pour l’essentiel, à l’époque romane (Perrat 1935 : 126‑135).
81L’existence d’un édifice antérieur est suggérée par la description de l’ossuaire qui s’étendait sous la nef, où l’on aperçut les fondations d’un édifice « construit en lits alternés de briques et de pierres de petit appareil ». Placés 1 m en avant des piliers romans, ces murs pourraient correspondre soit à un édifice à nef unique de 7 m de large, ce qui est peu, soit plutôt à la nef centrale d’un édifice pourvu également de bas‑côtés (op. cit. : 133‑134, note 2). Le puellare de Saint‑Pierre, le plus important monastère de femmes de la ville au Moyen Âge, remonte bien aux époques mérovingiennes, mais rien n’atteste une construction antérieure au viie s. (Février et al. 1986 : 33‑34).
L’église Notre‑Dame‑de‑la‑Platière
82Cette église, proche de Saint‑Pierre et de Saint‑Nizier et qui fut prieuré de Saint‑Ruf au xie s. (Martin 1908 : II, 141‑152), était dédiée à Notre‑Dame. Or, Grégoire de Tours cite une matrone qui apportait tous les jours du vin de Gaza pour la basilique Sainte‑Marie où était enterré son mari, lyonnais de classe sénatoriale, et qui constata un jour que le sous‑diacre remplaçait le vin par du vinaigre (MGH, GC, 64 ; MGH, SRM, VL2, 1885, 335‑336 ; Vieillard‑Troïekouroff 1976 : 150). Le seul indice qui suggère un rapprochement entre ce texte et Notre‑Dame‑de‑la‑Platière est le suivant : au ixe s., Leidrade mentionnait l’église Sainte‑Marie tout de suite après Saint‑Nizier : « ecclesia quoque sancti Nicetii de noua etiam reedificaui [...] similiter ecclesiam Sancte Marie », peut‑être en raison de la proximité des deux édifices (Coville 1928 : 285). À la fin du xie s., l’évêque Jubin fit don de l’église et de ses dépendances aux chanoines réguliers de Saint‑Ruf, donation confirmée par Urbain II en 1095. L’importance du culte marial à La Platière est attestée par une cérémonie présidée par le Pape Innocent IV en 1245. L’église fut fermée au culte en 1791 et l’abside détruite autour de 1869 (Martin 1908 : II, 141‑152). L’église romane ressemblait à celle d’Ainay si l’on en croit le Plan Scénographique et la Grande vue de Simon Maupin.
83Aucun document ne nous permet de reconnaître un édifice antérieur à l’an Mil. La basilique Sainte‑Marie connue par Grégoire de Tours et restaurée par Leidrade pourrait donc être identifiée soit à Notre‑Dame‑de‑la‑Platière, soit à Notre‑Dame‑de‑la‑Saunerie. L’existence d’une église dédiée à la Vierge ne serait cependant pas étonnante, ce vocable étant un des plus fréquents aux vie‑viie s. (Hubert 1963 : 112‑124).
La recluserie Sainte‑Blandine (Saint‑Irénée, puis Saint‑Clair)
84Au nord de la ville, une recluserie des bords du Rhône, d’abord dédiée à sainte Blandine, est mentionnée comme station à l’occasion de la Fête des Merveilles ; elle est ensuite consacrée à Irénée, puis à Clair ; elle jouxte une petite nécropole16.
La basilique Saint‑Vincent
85Au nord‑ouest de la presqu’île, une basilique, dont l’origine n’est pas précisée, est encore dédiée à saint Vincent (Baudot et al. 1935‑1959, I : 431‑436 ; Ewig 1960b : 48‑50)17. D’après Guigue, l’église « était une station où s’arrêtait la châsse des reliques des saints » promenée solennellement lors des Rogations (Guigue 1886 : 76). La présence d’un sarcophage mérovingien signalé près de l’église moderne est le seul argument en faveur d’une fondation antérieure (Lascoux 1986 : 5) ; rappelons également que la vogue de ce vocable remonte aux ve‑vie s.18 et connaît un renouveau à l’époque carolingienne.
1.4 L’Île‑Barbe
86Actuellement englobée dans le périmètre de la ville de Lyon, l’Île‑Barbe reste l’un des sites les plus séduisants de la vallée de la Saône. Formée d’une échine de gneiss, assez haute dans sa partie centrale, l’île s’étend sur plus de 500 m de long et sur plus de 100 m de large (fig. 164).

FIG. 164 ‒ Vue de l’Île‑Barbe.
87L’Île‑Barbe, qui compte parmi les plus anciennes abbayes de la région lyonnaise, peut être considérée comme partie intégrante de l’Église de Lyon, car elle figurait en bonne place dans les fêtes solennelles qui réunissaient le clergé lyonnais, en particulier lors de la Fête des Merveilles. Malheureusement, les archives en ont été pillées lors des Guerres de Religion et il ne subsiste aucun vestige des édifices religieux antérieurs à l’an Mil (Niepce 1890).
88Claude Le Laboureur et ses Mazures de l’abbaye royale l’Isle Barbe lez Lyon, écrites après 1629, doivent être cités avec prudence car ils reproduisent toutes les traditions légendaires, concernant en particulier les premiers temps du christianisme. Si on se contente des sources sûres, les origines de l’abbaye remontent au ve s. Grégoire de Tours raconte l’histoire de Maxime, disciple de saint Martin, venu faire profession « apud Insulam Barbaram » (début du ve s.) et qui faillit se noyer à son retour (MGH, GC, 60 ; MGH, SRM, VI, 1885, 311). Si la Vie des Pères du Jura mentionne un monastère interamnis, qui pourrait se situer dans la presqu’île aussi bien qu’à l’Île‑Barbe, l’ancienneté de l’abbaye est confirmée par la Vita abbatium Acaunensium. Le moine Ambroise, issu de ce monastère, fut appelé par l’abbé Hymnemodus de Saint‑Ferréol pour l’assister dans la fondation du monastère d’Agaune (début du vie s.) (Martine 1968 : 251 ; MGH, SRM, III, 1896, 174‑181). À l’époque carolingienne, l’abbaye de l’Île‑Barbe fut restaurée par l’évêque Leidrade qui répara les toitures ou reconstruisit les murs. L’église dédiée à saint Martin abritait alors une centaine de moines, 90 d’après le Bref de Leidrade, 101 d’après le Liber corfraternitatis (Coville 1928 : 268‑287).
89Il ne subsiste aucun vestige antérieur à l’an Mil si l’on excepte quelques inscriptions gallo‑romaines (Niepce 1890 : 6‑20). La grande église Saint‑Martin‑et‑Saint‑Loup remontait sans doute à la deuxième moitié du xie s. (Reynaud 1995 : 35‑41) ; sa crypte était dédiée à Épipode (Niepce 1890 : 24). L’église romane a presqu’entièrement disparu à la Révolution, alors que l’église Notre‑Dame est parvenue jusqu’à nous. Le Châtelard, au point culminant de l’île, conserve une chapelle où ont été découvertes des fresques romanes d’une remarquable qualité (Cottinet‑Bouquet 1982 : 51‑76). Enfin, à la pointe de l’île, subsistent quelques vestiges d’une chapelle romane dédiée à sainte Anne.
90Seule l’analyse des documents anciens éclaire l’existence du monastère primitif qui s’est peut‑être développé en contact étroit avec les pères du Jura et avec les moines de Lérins, et qui est devenu à l’époque carolingienne l’un des plus importants de Lyon. Une disparition totale des vestiges est peu probable, mais seules des fouilles sérieuses pourraient apporter des éléments nouveaux pour les périodes anciennes.
1.5 La presqu’île, du ive au viiie siècle
91L’étude du passage de l’habitat antique à celui du haut Moyen Âge n’est pas facile, en l’absence de fouilles de grande ampleur jusqu’à une date récente. Les efforts réalisés ces dix dernières années ont permis de combler quelque peu ce retard en apportant des réponses à un certain nombre de questions, en particulier celle du maintien de la population ou de sa disparition progressive dans la presqu’île (Becker‑Janvier 1984 ; Burnouf 1985 : 104‑105 ; Lascoux 1986 ; Helly 1989 ; Arlaud 1992 : 119). En effet, depuis quelques années, les historiens se refusent à voir dans les enceintes réduites la totalité de la ville du Bas‑Empire et considèrent celle‑ci comme une enceinte fortifiée abritant le groupe épiscopal, un embryon d’administration et les demeures des nobles, la forteresse jouant aussi son rôle de refuge en cas d’attaque pour le reste de la population, artisans et commerçants installés extra‑muros (Roblin 1951 : 301‑311 ; Février 1980 : 411‑416). Au demeurant nous sommes très mal renseignés sur le tracé d’une telle enceinte à Lyon (cf. supra Part. I, ş 1.1.2).
92Admettre que seule la rive droite de la Saône était habitée serait accepter la théorie du déclin brutal de l’agglomération lyonnaise dès le iiie s. : il faudrait en ce cas supposer que la population ait été réduite à un petit nombre d’habitants protégés par la fortification du plateau et par le fleuve, ou par une enceinte réduite non localisée. À l’encontre de cette théorie, plusieurs arguments : la population reste relativement nombreuse, en tout cas en rive droite aux ive et ve s., si l’on en croit la nécropole de Saint‑Just repérée sur près de 500 m de longueur ; les dimensions des édifices religieux et la qualité de la construction constituent des indices d’une certaine prospérité, en tout cas de l’importance du centre politique et religieux (les édifices lyonnais sont à l’échelle de ceux de Ravenne ou d’Aquilée) ; dans la plupart des fouilles de sauvetage effectuées dans la presqu’île, des niveaux tardifs ont été repérés dans le nord et le centre (près de l’amphithéâtre, à la Martinière, à la Monnaie, place des Célestins) et près de l’église Saint‑Martin d’Ainay, où des fouilles anciennes avaient déjà mis en évidence des mosaïques attribuées au ive s. (mais ces datations restent très fragiles).
93Il nous faut donc essayer d’apprécier à sa juste valeur l’évolution des zones nord et centre de la presqu’île où les découvertes archéologiques anciennes (en particulier des mosaïques) et récentes (habitat) ont été les plus nombreuses. Nous pensions que le parcellaire du quartier de Saint‑Nizier qui, encore au xviiie s. conservait un tracé orthogonal de voies, pouvait être un héritage de l’époque antique, d’autant plus que l’évêque était propriétaire de la totalité des parcelles qui entouraient Saint‑Nizier. De plus, le forum du Bas‑Empire, qui existait encore au vie s. puisque le testament de Nizier est lu inforo (MGH, VP 5, 1885 : 245 ; Février et al. 1986 : 22), aurait pu se situer dans cette région et devenir en partie propriété de l’Église19. L’existence d’autres églises, qui n’étaient pas forcément funéraires à l’origine, plaiderait aussi en faveur de la présence d’un noyau habité ; enfin un mur ancien, de direction est‑ouest, dégagé un peu au nord de la rue Grenette, aurait pu constituer à cette époque la limite sud d’un quadrilatère de 500 m de côté environ qui serait le burgus carolingien. Remarquons cependant que de tels murs (on en a trouvé d’autres plus au nord) ne peuvent être considérés avec certitude comme des murs de défense.
94Pour les périodes plus récentes (du vie au viiie s.), la situation est encore plus difficile à évaluer : la difficulté vient des incertitudes de datation du matériel céramique, difficulté accrue par la disparition presque complète du monnayage. Il faut rappeler aussi que les caves, médiévales ou modernes, ont souvent fait disparaître la presque totalité des couches archéologiques au‑dessus des niveaux romains (seul le sous‑sol des rues et des places est partiellement préservé). On remarquera qu’il n’est fait mention nulle part, lors des fouilles anciennes, de sarcophages attestant des nécropoles dans la presqu’île. Toutefois, les fouilles de la place des Célestins (dir. C. Arlaud) ont mis en évidence des tombes du haut Moyen Âge, contemporaines de probables fonds de cabanes (Arlaud 1992 : 119). Le secteur central de la presqu’île paraît donc bien être, aux époques paléochrétienne et mérovingienne, une zone où un habitat sporadique se trouve mêlé aux sépultures au point que l’on hésiterait même à employer l’expression imagée de tissu urbain « mité ». Quant au secteur méridional notre documentation est trop pauvre pour faire l’objet d’une discussion.
95Dans ce contexte, la basilique de Saint‑Nizier serait plutôt une construction commémorative (basilique des Martyrs ?) ; celles de Saint‑Michel d’Ainay et de Sainte‑Marie pourraient être des édifices de culte dont la destination primitive n’est pas assurée ; dans les trois cas des personnages importants y avaient été inhumés. Ces trois exemples s’inscriraient donc dans le cadre d’un phénomène que l’on commence à mieux comprendre, celui de la « pénétration des morts dans la cité des vivants »20. Pour B. Gauthiez, le burgus se serait construit plus au nord avec comme noyau l’église Notre‑Dame, anciennement propriété de l’évêque et le quadrillage des voies autour de Saint‑Nizier correspondrait à un lotissement médiéval (Gauthiez 1994 : 13‑14).
96Avec beaucoup de prudence et maintes réserves, on pourrait admettre à titre d’hypothèse une continuité dans l’habitat au nord de la presqu’île et un abandon ou un habitat très sporadique au sud. Le burgus carolingien de la presqu’île ne serait pas une création ex nihilo dans un terrain occupé jusqu’alors par une nécropole, mais la preuve d’une continuité d’habitat, liée sans doute à la présence de voies de communication (pont romain ou bac) et à l’activité des artisans et commerçants qui se seraient maintenus dans le nord de la presqu’île du ive au viiie s. Aux 20 ha de la rive droite de la Saône, il faudrait donc ajouter une dizaine d’hectares plus ou moins habités, et la surface de la ville serait alors plus proche de celle des grandes cités de Gaule comme Poitiers ou Bourges (40 à 50 ha). On peut admettre aussi qu’une certaine activité s’est maintenue dans la capitale des Burgondes et que la population a pu se réduire d’abord progressivement, puis assez vite, après la victoire des Francs.
Notes de bas de page
1 Sur cette cohorte, et la garnison de Lyon, voir en dernier la communication de F. Bérard au colloque : « Les militaires romains en Gaule civile », Lyon 1991 (Bérard 1992 : 9-22), avec en particulier l’étude de la stèle trouvée à Saint-Laurent-de-Choulans. F. Bérard ne se prononce pas sur la localisation du camp (Reynaud 1976 : 160, note 4, pl. 1).
2 Reynaud et al. 1979. Pour un éventuel mur d’enceinte rue Carriès, cf. Guigue 1886 : 1, 36, note 1 ; Steyert 1895-1899 : 1,147, fig. 135 ; Kleinclausz 1939 : 17 ; Arlaud et al 1994 : 42-43.
3 Passio S. Herenei episcopi, BHL, 4458 ; AA SS Sept. 1 : 373-376 ; BHL, 4600, voir chap. I. Eusebius Gallicanes, Homilia LV (49) de sanctis martyribus Ephypodio et Alexandro (Eusebius Gallicanus, Glorie 1971 : 635-644).
4 AA SS, Sept. I, 1643-1770 : 373-376 ; Baudot et al. 1935-59 : IX, 440-442). Nous tenons à remercier Mme Beaujard pour ses renseignements concernant l’essor du culte des Macchabées.
5 Auparavant, ni Sidoine Apollinaire, ni Grégoire de Tours, ne précisent les vocables. Au ixe s. des pignora de Jean-Baptiste sont signalées par Florus.
6 Comme le voudrait une tradition tardive qui attribue à Sacerdos (milieu du vie s.) la fondation de Saint-Paul. Cf. la liste épiscopale de l’Obituaire de Lyon (Guigue 1897 : 110, no 902).
7 Pour Leidrade, voir supra, Part. I, ch. 1 et Coville 1928 : 518-522. Des traditions trop tardives pour être prises en compte attribuent la fondation de Sainte-Eulalie à l’évêque Sacerdos. Les Acta Sanctorum précisent même que cette fondation par Sacerdos en 547 aurait été appuyée par Childebert qui serait revenu d’Espagne avec des reliques de la sainte. Il est encore plus difficile de suivre les moniales de Saint-Pierre qui, lors de leurs conflits avec les chanoines de Saint-Nizier, prétendent être les héritières de cette antique fondation.
8 Le culte d’Eulalie, martyr de Barcelone ou de Merida, est attesté dès le ve s. Son culte n’est connu en Gaule qu’à Lyon et à Enserune. Saint Georges est l’un des héros de la foi parmi les plus mal connus, mais son culte, originaire de Syrie, s’étend très vite en Orient, puis en Occident. En Gaule, dès le début du vie s., Clovis lui consacre une église ; son culte est surtout diffusé par l’évêque Germain de Paris (+ 576). Fortunat signale une église Saint-Georges à Mayence. À Vienne, l’oratoire Saint-Georges abrite des sépultures d’évêques du milieu du vie s. (Baudot et al. 1935-59 : 11, 276- 278 ; IV, 591-595 ; BS 1965, I, 511-531 ; Catholicisme, hier, aujourd’hui, demain 1966, IV, col. 1855-56 ; Duval 1982b ; 656-657).
9 La vénération de saint Romain, martyr d’Antioche passe par Constantinople et se répand en Occident. Deux églises de la périphérie de Vienne lui étaient sans doute consacrées ; ces deux édifices, mal connus, sont réputés fort anciens. Le culte de saint Romain, abbé de Condat ne semble pas, lui, s’être installé à Lyon ou à Vienne (Baudot et al. 1935- 59 : XI, 604-608),
10 Le culte de Geniès se répand dès les ve-vie s. en Septimanie et en Aquitaine ; plus près de nous, une des églises du monastère de Saint-Rambert en Bugey lui est dédiée peut-être dès le ve s., en tout cas au viie ainsi que de nombreuses paroisses du diocèse à une époque indéterminée (Baudot et al. 1935-59 : VIII, 210).
11 Bernard 1853 : I, no 200 ; Baudot et al. 1935-1959 : V, 394. Baudile n’est connu que par une passion tardive ; né à Orléans, il vint évangéliser la région de Nîmes et il fut décapité pour avoir interrompu un sacrifice païen. D’après Grégoire de Tours (MGH, GM, 77), son tombeau attirait de nombreux pèlerins.
12 En effet, le diacre Laurent a toujours été considéré comme l’un des principaux patrons de Rome, aussitôt après les apôtres Pierre et Paul. Il est l’objet d’un culte à Rome dès le début du ve s. ; au cours de ce même siècle, le culte s’étend à tous les diocèses d’Italie, puis à tout l’Occident (Baudot et al. 1935-5 : VIII, col. 175-184 ; BS 1966, VIII, col. 108-130 ; Catholicisme, hier, aujourd’hui, demain 1975, col. 53-56).
13 À moins que la chapelle Saint-Sébastien soit plus ancienne qu’on ne le pense (Guigue 1886 : 91).
14 Chagny 1935 : 286-287. Les textes sont ensuite muets jusqu’à l’époque carolingienne. D’après J.-M. de La Mure, qui a pu consulter des archives anciennes, un abbé Aurélien a reconstruit le monastère d’Ainay et plus particulièrement son église, consacrée à saint Pierre ; par la suite, il est toujours fait mention d’une église Saint-Martin (charte de Louis l’Aveugle ; charte de 963). Amblard, archevêque de Lyon de 957 à 978 aurait restauré l’abbaye dévastée par les Hongrois, L’église, reconstruite plus tard par l’abbé Gaucerand, est consacrée par le pape Pascal II en 1107 plus récemment (Reynaud 1997).
15 MGH, II, 542-543 ; PL, 99, col. 872-873. Ce même texte mentionne la fondation du monastère par Ennemond (milieu du VIIe s.) ; cette partie du texte serait interpolée, d’après Coville, et le testament de ce même Aunemundus, comme celui d’Abbon, abbé de Novalaise, seraient apocryphes (Coville 1928 : 268-282).
16 Guigue 1886 : 76. La tradition viennoise fait de Blandine une fille du pays ; un monastère, dominant la ville à l’ouest, lui est dédié. Par la suite, le sort de Blandine est lié à celui de saint Clair, abbé viennois, mais, à Prevessin comme à Lyon, seul subsiste un second patron. Après une longue disparition, Blandine réapparaît aux xve-xvie s., dans les missels lyonnais ; on lui dédie une chapelle latérale à Ainay (Chagny 1935 : 225-240 ; Thomas 1978 : 99-101).
17 À Mâcon, fin ve-début vie s., le vocable de saint Vincent est attesté par Avitus de Vienne ; à Vienne même, un monastère situé entre Saint-Pierre et la pyramide de l’Aiguille et cité dans la Vita S. Clari attesterait le culte de Vincent dans la région dès l’époque mérovingienne, AA SS Jan. I, 55-56.
18 Baudot et al. 1935-1959 : I, 431-436. Diacre de Saragosse, Vincent fut martyrisé par Dacien. Populaire en France après l’expédition de Childéric I qui rapporta la tunique du saint.
19 Idée de J. Rossiaud et de P. André.
20 On rappellera ici, d’une part, le texte très précis de Césaire d’Arles, qui fait préparer des sarcophages de pierre pour les moniales dans une basilique située intra-muros et d’autre part, la découverte d’inscriptions funéraires dont celle d’un évêque, peut-être Basilius (470-510), à l’intérieur du groupe épiscopal d’Aix. Autres exemples : à Soissons la tombe de l’évêque Drausius enterré dans l’abside abbatiale, qui faisait saillie à l’extérieur des murs ; à Genève, la tombe monumentale mise au jour en plein centre de la cathédrale nord, qui pourrait remonter au vie s. ; l’église qui se construit aux vie-viiie s. à l’est du baptistère renfermait également une tombe privilégiée à l’intérieur de l’abside. Voir en général le colloque « L’inhumation privilégiée » (Duval et al. 1986 ; Reynaud 1994).
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