Chapitre 5. Typochronologie et faciès culturels
p. 195‑211
Texte intégral
5.1 Le Bronze final
5.1.1 Comparaisons typologiques
Types 1 et 3
1Les coupes à bord droit ou faiblement convergent (type 1b, type 3a) appellent peu de comparaisons avec des éléments régionaux du Bronze moyen ou du Bronze final. Le site de Château‑Gaillard/La Laya (Ain) a livré quelques pièces voisines en contexte de la fin de l’âge du Bronze moyen (Pichon 1990 : fig. 5 nos9 et 21) et le pendant de notre vase no 2 195 (type 3a) figure dans le mobilier du début du Bronze final de la grotte de Vaux‑les‑Prés (Doubs ; Pétrequin, Urlacher 1967 : fig. 5 no 1). Les coupes ouvertes à lèvre biseautée présentent fréquemment un profil cannelé ou segmenté. Si elles apparaissent en Italie du Nord au Bronze moyen (Vital 1990 : 50), elles sont attestées en France dans des ensembles attribués au Bronze final I ou au Bronze final IIa. Les parallèles les plus éloquents concernent La Baume des Anges (Drôme ; Vital 1990 : fig. 18 no 1), Ambérieu‑en‑Bugey/grotte du Gardon (Ain, couches 21‑23 ; Buard 1991 : fig. 90 no 1 et fig. 21 no 8), Gigny/La Baume de Gigny (Jura ; Pétrequin et al. 1985a : fig. 23 nos 1, 4, 6).
Type 2
2Les pots à bord convergent et lèvre aplatie de la variante a évoquent à nouveau des pièces de Château‑Gaillard (Pichon 1990 : fig. 5 no 11) ou, moins directement, les profils un peu carénés de Montagnieu/Le Pré de la Cour (Ain ; Vital 1993 : fig. 53 no 6) et Jons/Les Batailles (Rhône ; Hénon 1992). Notre pièce no 295, à pâte fine et décor de cannelures externes verticales, ne trouve toutefois pas de parallèle direct. La variante b est insuffisamment caractérisée par les quelques rebords attribués pour qu’on puisse mener à bien des comparaisons significatives. Le cordon horizontal digité prélabial sur bord droit est un caractère morphologique de tradition Bronze ancien, perdurant au Bronze moyen et au début du Bronze final, tant dans le bassin rhodanien que dans les régions plus septentrionales (Buard 1991 : fig. 87 nos 4‑7 ; Pétrequin et al. 1985a : fig. 19 nos 8 et 11 ; Vital, Bintz 1991 : fig. 30 nos 7 et 16).
Type 4
3Les formes hautes monosegmentées à profil tronconique ou rectiligne et bord droit (var. a) sont peu représentées dans les corpus de référence. Elles apparaissent toutefois dès le Bronze ancien (Choranche/Coufin 2 [Isère] ; Vital, Bintz 1991 : fig. 29 no 17) et figurent dans plusieurs assemblages céramiques plus septentrionaux de la fin du Bronze moyen et du début du Bronze final : Vaux‑les‑Prés (Pétrequin, Urlacher 1967 : fig. 3), Château‑Gaillard (Pichon 1990 : fig. 5 no 7).
4Les pots en tonnelet, à bord plus ou moins rentrant (type 4b) sont eux aussi peu discriminants tant d’un point de vue géographique que chronologique. On peut signaler les exemplaires de Coufin 2 (Vital, Bintz 1991 : fig. 30 no 11), Vaux‑les‑Prés (Pétrequin, Urlacher 1967 : fig. 3), Le Pré de la Cour (Vital 1993 : fig. 53 no 7) pour le Bronze final I ; ce dernier présente toutefois une amorce de carène qui l’éloigne de nos pièces. Pour le Bronze moyen, le gisement de Florémont/bois de Barangéa (Vosges) livre un élément de comparaison beaucoup plus septentrional (Buzzi et al. 1994 : fig. 35 no 13).
5Les fragments attribués à la variante c du type 4 appartiennent soit à de petits vases tronconiques hauts à bord déversé, tels que ceux identifiés à Gigny/La Baume en contexte Bronze moyen (Pétrequin et al. 1985a : fig. 17 no 3) ou à Mâcon/Flacé (Saône‑et‑Loire ; Barthélémy 1976a : no 1) en contexte Bronze final I, soit à des grosses jarres à col tronconique ouvert. Ce type de col renvoie à des profils variés, répandus sur une vaste aire géographique nord et nord‑orientale : en contexte Bronze final I, des rapprochements peuvent s’établir avec Henlisheim (Haut‑Rhin ; Zumstein 1964 : fig. 6 no 288) ou Marolles‑sur‑Seine/Les Gours aux Lions (Seine‑et‑Marne ; Mordant, Mordant 1970 : notamment fig. 20 no 1).
Type 5
6La jarre « situle » à carène haute marquée d’une ligne d’impressions digitées du type 5a présente, sinon une similitude parfaite, du moins des analogies notables avec des vases de Jons (Hénon 1992 : fig. 4 no 1), Communay/La Raze de la Dame (Rhône ; Sandoz et al. 1993 : fig. 15 nos 1 et 8) en contexte Bronze final I et de Lyon/quartier Saint‑Pierre en contexte Bronze final II (Thiériot 1988 : fig. 5 no 3).
Type 6
7L’association col lissé et cordon digité sur épaulement, observée sur la plupart des jarres de stockage du type 6 var. a, ne constitue pas un critère typologiquc discriminant. On la retrouve, à partir du Bronze moyen et jusqu’au premier âge du Fer, sur la majeure partie des grands vases hauts, au sein d’une aire géographique débordant largement le cadre régional. C’est donc plus dans l’aspect général du profil (forme ouverte à col large et épaulement haut) et dans la morphologie des lèvres (aplaties ou en biseau) qu’il convient de chercher les indices typologiques les plus significatifs. Ceux‑ci nous ramènent à plusieurs ensembles du début du Bronze final précédemment cités : Vaux‑les‑Prés (Pétrequin, Urlacher 1967 : fig. 3 no 1), la grotte du Gardon (Dumont, Treffort 1991 : fig. 22 no 2) et, avec un moindre degré de ressemblance, La Baume des Anges (Vital 1990 : fig. 17 no 2), Le Pré de la Cour (Vital 1993 : fig. 53 no 1) ou Coufin 2 (Vital, Bintz 1991 : fig. 30 nos 14, 15). On peut y ajouter une pièce du Bronze moyen de Ceintrey (Meurthe‑et‑Moselle ; Buzzi et al. 1994 : fig. 18 no 26). Les jarres avec des motifs décoratifs complexes associant cordons digités horizontaux reliés par des cordons obliques en chevrons (nos 104, 1 817, 548) rappellent par la technique décorative les productions de la « Culture du Rhône » du Bronze ancien ou certains mobiliers suisses du Bronze moyen (Zurzach/Schiffmühlcacker, cf. Gutzwiller 1994 : pl. 1 no 25 ; Savognin/Padnal, cf. Rageth 1983 : fig. 57 ; les cordons sont cependant lisses). Les caractéristiques morphologiques des vases, et notamment les lèvres obliques et/ou biseautées, les rattachent toutefois en dernier ressort à l’horizon chronologique de la fin du Bronze moyen/début Bronze final. Les formes plus trapues de la variante b paraissent relativement ubiquistes, en contextes Bronze moyen et Bronze final I. On peut citer les exemples du Pré de la Cour (Vital 1993 : fig. 53 no 5), de Jons (Hénon 1992 : fig. 5 no 2), Vaux‑les‑Prés (Pétrequin, Urlacher 1967 : fig. 3 no 2) et Gigny (Pétrequin et al. 1988 : fig. 22). Les bords très déversés de la variante c appartiennent à des vases de grandes dimensions, à la panse vraisemblablement globulaire ou biconique. Présent au Bronze moyen (grotte du Gardon, couche 24‑26 ; Buard 1991 : fig. 89 no 8), ce type de récipients apparaît épisodiquement à un stade évolué du Bronze final I, où il préfigure peut‑être les vases biconiques du Bronze final IIa. Aucun parallèle satisfaisant n’a toutefois pu être établi avec la pièce la moins incomplète de notre corpus (no 564). La dernière variante (var. d) présente un profil de col et un cordon lisse qui évoquent les ensembles du Bronze moyen suisses ou jurassiens (Pétrequin et al. 1988 : fig. 17 nos 4 et 7 ; Buard 1991 : fig. 87 no 12 ; Rageth 1983 : fig. 57‑58).
Type 7
8Les premières variantes du type 7 (var. a à c) appellent des comparaisons septentrionales pour le Bronze moyen et le début du Bronze final : Montandon (Doubs ; Pétrequin et al. 1988 : fig. 5 no 4), Vaux‑les‑Prés (Pétrequin, Urlacher 1967 : fig. 5 no 7), grotte du Gardon (Buard 1991 : fig. 91 no 6). Le Bronze final IIa de la moyenne vallée du Rhône recèle des formes voisines, rapprochées des productions nord‑italiques (Vital 1990 : fig. 18 no 2). La morphologie des lèvres, en biseau pour une majorité d’entre elles, confirme plus particulièrement le parallèle avec les ensembles du début du Bronze final.
9Les grandes écuelles carénées de la variante d se rapprochent du type 5. Les mêmes parallèles peuvent être proposés avec des ensembles du Bronze final I et du Bronze final II. Le vase de la variante e, par son profil biconique à épaulement marqué, présente une morphologie intermédiaire entre les vases carénés à bords peu développés du Bronze final I (type 5, cf. par exemple Communay ; Sandoz et al. 1993 : fig. 15 nos 1 et 8) et les jarres biconiques à bord déversé du Bronze final I et du Bronze final IIa (par exemple, Fontaine/Scialet des Vouillants, Isère ; Bocquet 1976b : fig. 76 no 3) ou Cohons/La Vergentière (Haute‑Marne ; Lepage 1992a : fig. 188). Les coupes et cruches ansées sont fréquentes au Bronze moyen et final I, mais la conformation très inhabituelle du fragment de la variante f et son anse large interdisent toute comparaison convaincante.
Type 8
10Les jarres à col du type 8a reprennent, avec une taille moindre, nombre des caractéristiques morphologiques des gros vases de stockage du type 6. Les comparaisons avec des ensembles régionaux nous conduisent au mobilier de Château‑Gaillard (Pichon 1990 : fig. 7 no 6, à mettre en parallèle avec notre pièce no 322 et fig. 7 no 2, à rapprocher de notre no 614), à la grotte du Gardon (couche 24‑26, xvie s. ; Buard 1991 : fig. 89 no 12, voisin du no 614), à Lompnas/grotte de La Balme à Rolland (Ain ; Treffort 1994 : fig. 17 no 6), plus au nord, à Mâcon (Barthélémy 1976a : fig. 2), Vaux‑les‑Prés (Pétrequin, Urlacher 1967 : fig. 5 n” 6) et en Suisse à Rances/Champ Vully (Gallay, Voruz 1978 : fig. 1 no 2). En moyenne vallée du Rhône, Balme‑Rousse fournit un bon élément de comparaison (Isère ; Vital, Bintz 1991 : fig. 32 no 1). Tous ces ensembles sont datés du Bronze moyen ou du début du Bronze final. Les cols concaves associés à la variante b sont moins caractéristiques. Les languettes sur lèvre de plusieurs d’entre eux les rattachent néanmoins à un horizon chronologique fin Bronze moyen/Bronze final I. Le no 412, à léger ressaut à la liaison panse‑col, peut être comparé à un vase de Villeneuve‑la‑Guyard (Yonne ; Mordant et al. 1979 : fig. 24 no 3). Quant au no 296, à cordon lisse prélabial de section triangulaire, il évoque très fortement le Bronze moyen (grotte du Gardon, cf. Buard 1991 : fig. 87 no 12, attribué au xviiie s ; Gigny, cf. Pétrequin et al. 1988 : fig. 19 no 5). Ce même caractère apparaît sur plusieurs pièces des variantes suivantes, mais par leurs lèvres souvent biseautées, celles‑ci renvoient plus au début du Bronze final.
Type 9
11Le type 9a comprend des bols biconiques à rebord voisins de celui exhumé sur le gisement proche de Jons (Bronze final I ; Hénon 1992 : fig. 3 no 2) et analogues à des productions de gisements alpins du début du Bronze final : Sainte‑Marie‑du‑Mont/grotte de la Rousse (Isère ; Bocquet, Degueurce 1976 : fig. 83 no 6), Scialet des Vouillants (Bocquet 1976b : fig. 76 no 1), Seyssinet‑Pariset/grotte des Sarrasins (Isère ; Bocquet 1976a : fig. 52 no 9). Une certaine similitude peut être notée avec des récipients cannelés, au bord déversé toutefois plus développé, du Bassin parisien et de ses marges (Marolles‑sur‑Seine, Mordant, Mordant 1970 ; La Combe Bernard/Magny‑Lambert [Côte‑d’Or], Mordant 1989 : 290) ou du N.E de la France (par exemple Zumstein 1964 : fig. 7). Les vases de la variante b, à panse moins renflée et donc de profil plus ouvert, offrent également un vaste éventail de références. Les plus anciennes renvoient à un Bronze moyen septentrional : Benney (Meurthe‑et‑Moselle ; Buzzi et al. 1994 : fig. 22 no 5), mais la lèvre n’est pas aussi typée que les profils très biseautés de nos exemplaires. Plus proches et plus fidèles, les pièces fournies par les ensembles du Bronze final I de la grotte du Gardon (couches 21‑23 ; Buard 1991 : fig. 90 nos 6 et 91, no 1), Mâcon (Barthélémy 1976a : fig. 14), Vaux‑les‑Prés (Pétrequin, Urlacher 1967 : fig. 6 no 3), La Baume des Anges (Vital 1990 : fig. 14 no 6) et Montricher dans le canton de Vaud (Pousaz 1984 : pl. 28 no 1). Les écuelles à rebord de la variante c présentent une aire de répartition assez similaire. À la fin du Bronze moyen et au début du Bronze final, des exemplaires dépourvus de cannelures verticales apparaissent dans une zone septentrionale : Vaux‑les‑Prés (Pétrequin, Urlacher 1967 : fig. 5 no 10), La Baume de Gigny (Pétrequin et al. 1988 : fig. 23 no 7), Courchapon (Doubs ; Daugas, Pétrequin 1970). Les Alpes occidentales voient se multiplier les exemplaires cannelés : Chastel‑Arnaud (Drôme ; Boutes 1976 : fig. 24 no 11), Scialet des Vouillants (Bocquet 1976b : fig. 76 no 6), grotte de La Balme (Bocquet, Chemin 1976 : fig. 80 no 1), Annecy/Le Port (Haute‑Savoie ; Bocquet et al. 1988 : fig. 1). À la limite entre ces deux aires, le site de Jons/Les Batailles a livré un fragment cannelé et un vase non décoré (Hénon 1992 : fig. 2 nos 1 et 11). Le type cannelé se développe au Bronze final II, sans grande variation morphologique et de façon ubiquiste : Courchapon (Daugas, Pétrequin 1970), Cohons/La Vergentière (Lepage 1992a), La Baume des Anges (Vital 1990), Seyssinet‑Pariset (Bocquet 1976a), Lyon/quartier Saint‑Pierre (Thiériot 1988). Les deux pièces rattachées à la variante d s’apparentent aux précédentes. Le vase no 110 est particulièrement proche d’une céramique provenant des couches 21‑23 (xive s.) de la grotte du Gardon (Buard 1991 : fig. 90 no 3). Les gobelets ansés de la dernière variante font référence à une même zone géographique, étendue de la Lorraine à la région médio‑rhodanienne, du Bassin parisien à la Suisse occidentale, pour une fourchette chronologique couvrant le Bronze moyen et le début du Bronze final. La pièce no 2 165, avec son profil cylindrique particulier, est à rapprocher des vases découverts à Didenheim (Haut‑Rhin ; Bronze moyen ; Kœnig et al. 1988 : fig. 3 no 2), mais surtout à la grotte de La Balme (début Bronze final ; Bocquet, Chemin 1976 : fig. 80 no 5) et à Gigny (Bronze final I ; Pétrequin et al. 1988 : fig. 23 no 3, mais vase dépourvu d’anse au contraire du nôtre). Le vase caréné no 203, morphologiquement voisin du dernier cité, trouve un autre équivalent à la grotte du Gardon (couches 24‑26, xve s. ; Buard 1991 : fig. 89 no 1). Le no 204, à panse convexe et minuscule anse en X décorative, est à comparer à une pièce de Videlles (Essonne ; Mordant 1989 : fig. 6 no 1), à un des vases de la grotte sépulcrale de Lains (Jura ; Daugas, Pétrequin 1970 : fig. 6 no 1), ou encore à une céramique de Mcyenheim/Muehlfeld (Haut‑Rhin ; Mathieu 1985 : fig. 3 no 3). Les autres pièces présentées, à profil sinueux non caréné et dont la partie supérieure de l’anse est fixée sur la lèvre, sont à rapprocher d’exemplaires de contexte fin Bronze moyen/début Bronze final, à Benney (Buzzi et al. 1994 : fig. 22 no 7), Zenneggen/Kasteltshuggen (Suisse ; David‑El Biali 1994 ; pl. 4 no 4), à la grotte du Gardon (Dumont, Treffort 1991 : fig. 26 no 1) et à La Baume des Anges (Vital 1990 : fig. 14 no 3). Signalons enfin la présence d’autres écuelles ansées de morphologie voisine à Mâcon (Barthélémy 1976a : fig. 13), La Burbanche (Ain ; Treffort 1994 : fig. 3 no 1) ou Cleppé (Loire ; Vaginay et al. 1982 : fig. 10 no 5).
Type 10
12Les gobelets du type 10a se rattachent à un groupe septentrional couvrant le Bassin parisien et le N.E de la France (Benney, cf. Buzzi et al. 1994 : fig. 29 no 3 ; Marolles‑sur‑Seine/Les Gours aux lions, cf. Mordant, Mordant 1970 : fig. 16 no 5 ; Clayeures/La Naguée [Meurthe‑et‑Moselle], cf. Buzzi, Legoff 1991 : fig. 5 no 1 ; Videlles, cf. Mordant 1989 : fig. 6 nos 5 et 6 ; Henlisheim, cf. Kœnig et al. 1988 : fig. 3 no 4 ; Appenwhir [Haut‑Rhin], cf. Zumstein 1976 : 631), le Jura (Lains, cf. Daugas, Pétrequin 1970 : fig. 6 nos 4 et 6 ; grotte du Gardon, cf. Buard 1991 : fig. 90 no 2 ; Gigny, cf. Pétrequin et al. 1988 : fig. 22 nos 4, 7, 9, 12, 14 et 15 ; Vaux‑les‑Prés, cf. Pétrequin, Urlacher 1967 : fig. 4 no 1 et fig. 5 no 3 ; Torcieu [Ain], cf. Treffort 1994 : fig. 3 no 5), la vallée de la Sâone (Mâcon ; Barthélémy 1976a : fig. 3 ; Cailloux‑sur‑Fontaines/Les Alluets [Rhône], cf. Motte 1991). À l’est, la Suisse fournit également des parallèles (Rances/Champ Vully ; Gallay, Voruz 1978 : fig. 1 no 3). Notre pièce no 1 738, qui se distingue des autres éléments du type par ses cannelures étroites et profondes, n’est pas sans évoquer un vase de la tombe à incinération de Meyenheim (Mathieu 1985 : fig. 3 no 4). Tous ces contextes s’échelonnent sur le Bronze moyen et le début du Bronze final. L’exemplaire no 277, à panse sphérique et col long et étroit, évoque plus particulièrement le faciès du Bassin parisien et du N.E de la France. Au contraire, le profil particulièrement doux et le col peu développé du no 200 le rapprochent quelque peu des ensembles mobiliers méridionaux d’affinité italique (Vital 1990 : 41). Les variantes b et c reprennent, sur des pièces de plus petites dimensions, les principaux caractères morphologiques des jarres de type 8 var. a, b et c. Les mêmes comparaisons restent valides ; il ne nous est toutefois pas possible de proposer un parallèle satisfaisant à la pièce ansée no 245. Les deux pièces archéologiquement complètes de la variante d se distinguent par leur profil biconique. Celui‑ci évoque un groupe de jarres cannelées du Bronze final I‑IIa, dont des éléments ont été mis au jour à Jons (Hénon 1992 : fig. 3 no 2), Communay (Sandoz et al. 1993 : fig. 15 no 9), Courchapon (Daugas, Pétrequin 1970 : fig. 3 no 2) et au Scialet des Vouillants (Bocquet 1976b : fig. 76 no 5). Mais par leur profil plus élancé et leur col peu déversé, nos exemplaires s’en distinguent toutefois sensiblement. Seul un vase issu d’un contexte plus tardif (Bronze final IIb), à Dampierre‑sur‑le‑Doubs (Doubs ; Pétrequin et al. 1969 : fig. 11 no 2) est susceptible de fournir un meilleur parallèle. D’autre part, la disposition des cannelures sur le no 199 ne correspond pas au schéma habituellement observé. Le no 2 194, bien que non décoré, rappelle quant à lui par sa forme un vase de la nécropole des Gours aux Lions à Marolles‑sur‑Seine (Mordant, Mordant 1970 : fig. 30 no 8), dont la panse adopte toutefois un profil plus régulier. Dernière pièce présentée, le petit vase à profil très sinueux de la variante f évoque des cruches monoansées comme celle de Chastel‑Arnaud (Boutes 1976 : fig. 24 no 13). Mais elle n’est pas décorée et la présence d’une anse est peu probable étant donné la petite taille du récipient.
5.1.2 Synthèse typochronologique
13En grande majorité, les comparaisons effectuées avec notre corpus conduisent à des contextes du Bronze moyen et du Bronze final I, même si certains types perdurent durant les périodes ultérieures du Bronze final. L’examen des différents décors confirme ce constat. La plupart des techniques décoratives observées renvoient en effet tant à des ensembles du Bronze moyen qu’à des ensembles du début du Bronze final : c’est le cas des décors peignés sur panse qui évoquent, entre autres exemples, le Bronze moyen (xve s.) de la grotte du Gardon (Buard 1991 : fig. 89 no 9 ; Dumont, Treffort 1991 : fig. 26 no 5), celui de Gigny (Pétrequin et al. 1988 : fig. 23 no 14), Château‑Gaillard (Pichon 1990 : fig. 8). La persistance de ce mode décoratif au cours du début du Bronze final est attestée sur de nombreux gisements : couches 21‑23 (xive s.) de la grotte du Gardon (Buard 1991 : 203), en domaine alpin, le Scialet des Vouillants (Bocquet 1976b : fig. 76 no 1) ou La Balme (Bocquet, Chemin 1976 : fig. 79 no 2), à Mâcon (Barthélémy 1976a : fig. 17), Cohons (Lepage 1992a : fig. 186 no 6), Coufin 2 (Vital, Bintz 1991 : fig. 30 no 1)... Les motifs de triangles incisés hachurés, disposés en registre horizontal de part et d’autre d’une bande scalariforme, évoquent eux aussi principalement des contextes du Bronze moyen, où ils apparaissent au sein d’une aire géographique extrêmement vaste. On peut citer les exemples de Savognin (Rageth 1983 : fig. 54 nos 5, 30 et 31), Zeneggen (David‑El Biali 1994 : pl. 7 no 6), Cannes‑Écluse (Seine‑et‑Marne) et Couchey (Côte‑d’Or) (Mordant 1989 : fig. 3 nos 1 et 3), Benney, Florémont (Vosges) ou Saint‑Remimont (Vosges) (Buzzi et al. 1994 : fig. 29 no 7, fig. 34 et 37). Après avoir enquêté sur 42 gisements intéressant une zone centrée sur le Bugey et couvrant le sud de l’Allemagne, l’Alsace, la Franche‑Comté, la Suisse et Rhône‑Alpes, J.‑F. Buard conclut à l’apparition de ce thème décoratif au xviiie s. et à sa notable raréfaction à partir du xive s. (Buard 1991 ; 1992 ; 1996). La technique des décors excisés/estampés, reprenant elle aussi une composition géométrique à base de triangles, a été observée sur deux pièces du Boulevard périphérique nord. Dans les deux cas, elle orne la face interne de la lèvre déversée d’un petit récipient ouvert. La source d’inspiration est difficile à établir, tant sont nombreux les groupes à avoir développé des techniques comparables au cours du Bronze moyen (proto Saint‑Vérédème, Haguenau, Duffaits), sous l’influence vraisemblable d’un influx initial nord‑oriental (Gomez de Soto 1995 : 176 sqq.). La technique perdure au début du Bronze final, plus fréquemment appliquée à la face externe de la panse des récipients, comme à Vaux‑les‑Prés (Pétrequin, Urlachcr 1967). Un vase de Cohons fournit toutefois un point de comparaison typologique probant (Lepage 1992a : fig. 187). La mise en évidence de plusieurs cordons lisses prélabiaux sur des cols d’urnes oriente tout autant notre analyse comparative vers des contextes précoces, du Bronze moyen, voire, dans certains cas, du Bronze ancien. J.‑F. Buard constate le déclin brutal de ce mode décoratif à partir du xvie s. (Buard 1991 : fig. 82). La périodisation du mobilier de la grotte de Gigny confirme la disparition, dès l’horizon Gigny moyen, des vases à bord droit et cordon lisse, si nombreux dans l’ensemble antérieur. Les assemblages céramiques de plusieurs ensembles clos du Boulevard périphérique nord attestent pourtant la cohabitation de ces pièces avec les types représentatifs de la fin du Bronze moyen et du Bronze final I (voir faits 8‑257, 1‑1 077 et 8‑254). La relative fréquence de ces associations fait douter de l’hypothèse d’un reliquat de mobilier résiduel de l’occupation du Bronze ancien. Peut‑être doit‑on voir là un possible trait de particularisme local. La cannelure est le décor le plus fréquemment employé sur‑la céramique fine. Il y a quelques années, le simple constat de présence de cette céramique cannelée au sein de notre mobilier aurait suffi à motiver son attribution au Bronze final I. Depuis lors toutefois, des indices convergents ont conduit à reconsidérer la valeur de témoin typochronologique de cette catégorie de céramique. La présence de céramique cannelée, ainsi que celle d’autres marqueurs considérés jusqu’ici comme caractéristiques du Bronze final I (anses en x, godrons cerclés de cannelures), est dorénavant attestée dans plusieurs ensembles de la fin du Bronze moyen (Pétrequin et al. 1988 : 26 ; Mordant 1989 : 292 ; Buard 1991 : 201‑202). Plus généralement, c’est la thèse d’une rupture typologique marquée entre le Bronze moyen et le Bronze final I qui est abandonnée, au profit de celle d’une évolution continue, symbolisée par l’importance croissante du style caréné/cannelé et une désaffection corollaire pour l’excision, l’estampage et l’incision. Cette continuité étant établie, la tendance actuelle visant à l’abandon des systèmes de référence chronoculturels traditionnels cloisonnés et l’adoption, lorsque c’est possible, d’un simple découpage séculaire paraît, pour cette période, pleinement justifiée. Dans cette optique, la confrontation de nos données avec le modèle typochronologique élaboré par J.‑F. Buard (Buard 1991 ; 1992 ; 1996) peut permettre d’affiner l’approche de notre horizon. Parmi les critères dominants de notre corpus, les cannelures horizontales lâches, les incisions au peigne et les languettes sur lèvre ne permettent guère que d’entrevoir une attribution chronologique large, couvrant les xvie, xve et xive s. La bonne représentation des fonds ombiliqués, sur les gobelets de type 10 notamment, laisse envisager une date plutôt tardive dans cette fourchette, hypothèse confirmée par la présence de coupes à petite anse en x sous lèvre, de quelques écuelles à panse galbée et d’écuelles carénées à bord déversé, tous types associés au xive s. dans le modèle précité.
14Le faciès céramique caractérisant notre horizon d’occupation supérieur semble donc attribuable au début du Bronze final I et confirme, si besoin était, par la force de ses affinités avec celui du Bronze moyen, la théorie d’une évolution continue du répertoire entre le Bronze ancien et le Bronze final.
5.1.3 La question de l’appartenance culturelle
15L’examen en terme d’occurrences géographiques du faisceau de parallèles typologiques élaborés conduit aux constats suivants.
16Les connexions s’établissent de façon privilégiée avec les gisements septentrionaux : Franche‑Comté, Jura méridional, Bourgogne. Quatre ensembles ont plus particulièrement capté notre attention : les lots mobiliers provenant de la grotte de Vaux‑les‑Prés, ceux des couches 21 à 29 de la grotte du Gardon (mobilier partiellement publié), de La Baume de Gigny et de la grotte sépulcrale de Lains. Ces ensembles constituent des points de référence d’inégale qualité. Il convient d’abord d’observer qu’aucun ne provient d’un habitat ouvert et n’est donc directement confrontable au mobilier lyonnais. Ensuite, ils s’insèrent dans des cadres de chronologie relative plus ou moins précis et fiables. Le mobilier de Vaux‑les‑Prés, qui provient d’un seul horizon stratigraphique de la galerie no 3, et l’ensemble de Lains peuvent être considérés comme des lots homogènes. Le contexte stratigraphique de Gigny présente une plus grande complexité accrue par les perturbations provoquées par les fouilles anciennes et il n’a pas été possible d’asseoir totalement le phasage des horizons chronologiques successifs sur des données stratigraphiques fiables. La distinction opérée de trois horizons (Bronze moyen, Bronze moyen récent, Bronze final I) procède déjà d’une interprétation combinant arguments stratigraphiques, topographiques et typologiques. Enfin, la grotte du Gardon est sans nul doute l’ensemble s’appuyant sur le contexte stratigraphique le plus riche et le mieux exploité.
17Quantitativement peu étoffé, l’ensemble de Vaux‑les‑Prés offre cependant un éventail varié de vases, céramique fine comme vases grossiers. La mise en regard du répertoire avec le nôtre confirme l’ampleur des affinités (fig. 158) : une majorité des récipients de Vaux‑les‑Prés trouve un équivalent, souvent très proche, au sein de notre catalogue. Seules trois pièces présentent des caractères qui n’ont été relevés dans aucun des assemblages du Boulevard périphérique nord ; par ailleurs, le décor de godrons, qui apparaît avec une bonne fréquence à Vaux‑les‑Prés, n’est attesté que sur une pièce lyonnaise, où il est cerclé d’une cannelure superficielle. On serait tenté de voir dans ces nuances plus la conséquence de l’éloignement géographique des gisements qu’un indice de décalage chronologique. De fait, d’autres vases à godrons et cannelures figurent à Lains, Gigny, Valentigney (Doubs), Courchapon et pourraient traduire une influence septentrionale, si l’on considère les parallèles possibles avec Marolles‑sur‑Seine. Cette hypothèse est corroborée par la cruche à col haut et décor de triangles incisés qui évoque forcement le style de Haguenau. La présence de décors similaires (godrons cerclés sur segment médian de panse, surmontés de cannelures horizontales et encadrés de cannelures verticales) associés à des écuelles basses à rebord dans les zones alpine et médio‑rhodanienne, au Bronze final 1 et IIa, soulève alors le délicat problème d’une filiation éventuelle.

FIG. 158 – Affinités des répertoires céramiques entre Vaux‑les‑Prés et Lyon/Boulevard périphérique nord.
18Une similitude assez poussée peut être menée avec la céramique cannelée de Gigny. Les comparaisons s’établissent principalement avec les pièces de l’horizon Bronze final I qui semble présenter quelques nuances avec le mobilier de Vaux‑les‑Prés : on note ainsi à Gigny la présence d’écuelles carénées à cannelures verticales (Pétrequin et al. 1988 : fig. 23 nos 5 et 7) absentes à Vaux‑les‑Prés et comparables aux pièces nos 190 et 673 de notre type 9c. On pourra retenir de la confrontation le contraste frappant entre la céramique grossière du Bronze moyen de Gigny, dominée par les jarres à cordon lisse prélabial, et la céramique grossière de notre horizon. Géographiquement plus proche et stratigraphiquement mieux ciblé, l’abondant mobilier de la grotte du Gardon laisse entrevoir une confrontation fructueuse avec le mobilier lyonnais. À l’heure actuelle, à défaut de publication exhaustive de la céramique de ce gisement, il nous faut nous limiter à quelques observations et hypothèses ; les analogies entre les deux répertoires concernent les ensembles XII et XIII (couches 21 à 29), couvrant la période xvie‑xive s. (fig. 159). Les « pots élancés » (Buard 1991 : fig. 89 nos 2 et 3), les jarres globulaires (Buard 1991 : fig. 89 nos 8 et 11) et les cruches carénées (Buard 1991 : fig. 88 no 4) de l’ensemble 26‑29 s’avèrent toutefois étrangers à notre répertoire, alors que le mobilier du xive s. présente, particulièrement pour la céramique fine, des affinités très poussées.

FIG. 159 – Affinités des répertoires céramiques entre la grotte du Gardon et Lyon/Boulevard périphérique nord.
19D’autres ensembles mobiliers d’importance secondaire renforcent ces occurrences géographiques. Mentionnons Mâcon/Flacé, Barbirey‑sur‑Ouche (Côte‑d’Or) pour la Bourgogne, la grotte de La Balme, La Burbanche, Torcieu, Lompnas, Annecy pour le nord des Alpes et l’extrémité sud du Jura.
20Les connexions méridionales nous semblent considérablement plus ténues. La confrontation entre notre répertoire et l’ensemble Bronze récent et Bronze final IIa de La Baume des Anges (Vital 1990) n’a ainsi permis d’établir que peu de rapports de similitude. Ceux‑ci concernent une jarre à cordon digité (Vital 1990 : fig. 17 no 2), des jattes cannelées à lèvres chanfreinées (Vital 1990 : fig. 14 nos 6, 7 et 9) et des écuelles carénées à cannelures verticales qui se développent surtout au Bronze final IIa. Nombre de formes identifiées par J. Vital sont d’origine italique et s’avèrent absentes de notre catalogue (Vital 1990 : fig. 14 nos 4 et 5 ; fig. 15 nos 11 à 13 ; fig. 16 nos 10 et 16). De manière réciproque, les gobelets des types 9e et 10a, fréquents sur le site lyonnais, sont inconnus à La Baume des Anges.
21Bien que moins riches, plusieurs sites de la bordure nord‑occidentale des Alpes livrent quelques données de comparaison. Plusieurs vases ovoïdes à cordon digité trouvés dans les unités stratigraphiques F4 et F5 de Coufin 2 (Vital, Bintz 1991) rappellent la céramique grossière lyonnaise. À proximité, le gisement de Balme‑Rousse a fourni de la céramique à cannelures horizontales, dont un gobelet à profil cylindrique et anse en X proche de nos pièces no 2 165 ou 203, et un col de vase muni de languettes sur lèvre analogue à ceux de notre type 8 var. a. Près de Grenoble, le Scialet des Vouillants, à Fontaine, a livré de même des productions cannelées, dont une écuelle à rebord, voisine du type 9c (Bocquet 1976b). Par contre les urnes biconiques qui complètent cet assemblage sont étrangères au répertoire du Boulevard périphérique nord. Les mêmes constats peuvent être établis au vu du mobilier de la grotte des Sarrasins, à Seyssinet‑Pariset (Bocquet 1976a).
22Sur un plan plus local, l’ensemble céramique du Boulevard périphérique nord constitue à présent la pièce principale d’un corpus jusqu’alors réduit à quelques ensembles limités, ou pas encore étudiés (Quincieux/La Terre de Vaux [Rhône] ; fouille P. Hénon). À Lyon même, la fosse 41 du gisement de la rue du Souvenir (Hénon, Thévenin à paraître) livre quelques éléments de comparaison. Les deux jarres de stockage exhumées présentent des analogies typologiques avec certains vases de notre catalogue : languettes sur lèvre, cordons digités, lèvres aplaties ou biseautées. Le profil de ces récipients semble toutefois plus bombé que celui des jarres restituées du Boulevard périphérique nord. Les parallèles avec les autres pièces sont plus difficiles à établir ; on n’a pas d’équivalent au vase à cordon lisse et bord déversé de la rue du Souvenir. Hors contexte, quelques pièces probablement associées à cet horizon présentent des caractères bien répertoriés dans notre inventaire : lèvres biseautées, anses en X...
23À quelques kilomètres de la ville de Lyon, le site de Jons a livré un mobilier partiellement superposable au nôtre (Hénon 1992) : écuelle carénée (type 9c), coupe à épaulement (type 9a), urne à digitations couvrantes (type 6d). Toutefois, plusieurs urnes biconiques à bord déversé ne figurent pas à notre répertoire ; elles se rapprochent de vases du gisement de Communay (Sandoz et al. 1993) et ne sont pas sans évoquer les vases du Bronze final II de Saint‑Pierre de Vaise (Thiériot 1988). Plusieurs vases provenant de la couche 3 du gisement de Cailloux‑sur‑Fontaines/Les Alluets (Motte 1991), gobelet ansé à fond ombiliqué, jarre à lèvre biseautée et cordon digité, décors peignés, témoignent d’affinités marquées avec le site du Boulevard périphérique nord. Enfin, la récente fouille de sauvetage de Corbas/ Grandchamp a permis la mise au jour d’un ensemble intéressant de céramiques présentant de fortes affinités avec notre corpus. Il s’en démarque toutefois par l’absence d’anses en X et un répertoire décoratif plus restreint (inédit, information C. Ramponi et P. Hénon). Ces éléments permettent de proposer une amorce de découpage typochronologique à l’intérieur du Bronze final I, à partir de nuances par ailleurs déjà perçues (Hénon 1992). À une phase ancienne représentée par le Boulevard périphérique nord et peut‑être la rue du Souvenir, caractérisée par l’importance de la tradition du Bronze moyen, succéderait une phase récente représentée à Jons et éventuellement à Communay.
5.1.4 La chronologie absolue
5.1.4.1 Les données
24Quatre datations ont été effectuées sur l’horizon Bronze final.
251 – Ly 7381 – US 94.8‑96. Charbon prélevé dans le dépotoir sur berge du talweg du secteur nord. La fiabilité physico‑chimique de l’analyse est bonne. La date 14C obtenue est de 3125 ± 50 BP.
On aboutit après calibration aux segments et dates moyennes suivants (RADIOCARBON CALIBRATION PROGRAM REV 3.0.3. Stuiver M., Reimer PJ. 1993, Radiocarbon, 35) :
– 1 sigma : cal BC 1427‑1377, 1346‑1318 ;
– 2 sigma : cal BC 1511‑1262 ;
– date moyenne : cal BC 1403 ;
– à 2 sigma, une contribution relative de 0,93 pour le segment 1464‑1263.
262 – Ly 7412 – US 94.8‑408. L’échantillon n’a pas été choisi en fonction des problématiques archéologiques mais dans le cadre d’un programme de test sur les datations de caramels alimentaires protohistoriques. Le dépôt a été prélevé dans un fond de vase provenant d’une passe mécanique effectuée dans le niveau d’occupation du Bronze final, sur le secteur nord. La quantité de carbone disponible pour la mesure s’est révélée très faible et la fiabilité physico‑chimique de la datation a été estimée mauvaise. Date obtenue : 3045 ± 95 BP.
Résultats calibrés (RADIOCARBON CALIBRATION PROGRAM REV 3.0.3. Stuiver M., Reimer PJ. 1993, Radiocarbon, 35) :
– 1 sigma : cal BC 1410‑1151, 1149‑1129 ;
– 2 sigma : cal BC 1513‑1001 ;
– dates moyennes : cal BC 1300, 1276, 1269 ;
– à 2 sigma, une contribution relative de 0,98 pour le segment 1462‑1009.
273 – Ly 7413 – US 94.8‑261. Caramel prélevé lui aussi dans le cadre du programme précédemment évoqué. Le fond de récipient concerné gisait dans un dépôt sableux du talweg, matérialisant un chenal qui a raviné le dépotoir sur berge. Une majorité des nombreux vestiges mobiliers issus de ce contexte provient du dépotoir du Bronze final, mais la présence d’autres éléments n’est pas à exclure. La quantité de carbone recueillie s’est révélée faible. Date obtenue : 2875 ± 95 BP.
Résultats calibrés (RADIOCARBON CALIBRATION PROGRAM REV 3.0.3. Stuiver M., Reimer P.J. 1993, Radiocarbon, 35) :
– 1 sigma : cal BC 1197‑1179, 1165‑1140, 1139‑910 ;
– 2 sigma : cal BC 1373‑1349, 1315‑819 ;
– dates moyennes : cal BC 1015 ;
– à 2 sigma, une contribution relative de 0, 92 pour le segment 1270‑828.
284 – Ly 7492 – US 94.8‑866. L’échantillon de charbon a été prélevé dans une fosse foyer rattachée à l’occupation du Bronze final I. Il se trouvait dans une phase initiale de comblement, liée à l’utilisation de la structure et non postérieure à son abandon. Date obtenue : 3215 ± 50 BP.
Résultats calibrés (RADIOCARBON CALIBRATION PROGRAM REV 3.0.3. Stuiver M., Reimer PJ. 1993, Radiocarbon, 35) :
– 1 sigma : cal BC 1519‑1421 ;
– 2 sigma : cal BC 1603‑1557, 1539‑1397 ;
– dates moyennes : cal BC 1499, 1481, 1456 ;
– à 2 sigma, contribution relative de 0,91 pour le segment
1547‑1395.
5.1.4.2 Discussion
29La confrontation des 4 résultats calibrés montre une certaine disparité (fig. 160), alors que l’hypothèse avancée à la suite de l’interprétation stratigraphique et de l’analyse spatiale du site proposait une occupation vraisemblablement unique et relativement restreinte dans la durée. De fait, avant d’envisager la remise en cause de cette hypothèse, la lecture des datations réalisées appelle les commentaires suivants :
– sur un plan méthodologique, deux des quatre datations ont été effectuées sur des caramels et non sur des charbons, à titre de test. L’intérêt de ces datations tient dans le mode de dépôt : contrairement aux charbons de bois, pour lesquels les problèmes de pollution et de migration génèrent un risque d’erreur non négligeable, le degré de connexion avec le contexte archéologique est ici parfait. La Fiabilité physico‑chimique de la datation semble par ailleurs assurée ;
– le cas de l’échantillon Ly 7413 est particulier : non seulement le dépôt de ruissellement dont il est issu ne peut véritablement être considéré comme un contexte archéologiquement fiable (le chenal a pu remanier des vestiges mobiliers provenant de divers horizons), contrairement à l’us 94.8‑96, mais encore les phénomènes de circulation d’eau ont pu faciliter des pollutions postdépositionnelles ;
– la date la plus haute est fournie par un échantillon d’excellente fiabilité, provenant de gros charbons de bois en fond de fosse‑foyer. La présence de brandons témoignait de la combustion de branchages de fort diamètre, provenant d’arbres âgés de plusieurs dizaines d’années. Un décalage corollaire de la datation du foyer n’est donc pas à exclure.

FIG. 160 – Synthèse des datations, 4C du Boulevard périphérique nord : Bronze final I,
30La datation de l’échantillon Ly 7381 paraît a priori la plus fiable ; elle livre la tranche chronologique 1427‑1318 cal BC à 1 sigma d’écart‑type et une date moyenne unique de 1403 cal BC. La datation de Ly 7492, plus haute d’un peu moins d’un siècle, donne un segment de probabilité maximale de 1603‑1397 cal BC, avec des dates moyennes de 1499, 1481 et 1456. Considérant les éléments méthodologiques précédemment évoqués, deux interprétations peuvent justifier le décalage de quelques décennies observé entre les deux échantillons de charbon. La première est d’ordre archéologique. Elle suppose l’existence non pas d’une occupation brève et unique au début du Bronze final I, mais de plusieurs occupations étalées sur près d’un siècle au minimum. On l’a vu, aucun argument stratigraphique ne peut s’opposer catégoriquement à cette remise en cause de la périodisation. L’analyse spatiale montre quant à elle l’absence de recoupements de structures, ce qui plaide plutôt en faveur d’une occupation unique, mais il s’agit là d’un indice et non d’une preuve. Enfin, l’homogénéité typologique globale, observée au niveau du mobilier céramique, permet d’exclure un gros décalage chronologique, mais pas un glissement sur quelques décennies dans la mesure où les ensembles clos riches en mobilier susceptibles de livrer des termes de comparaison représentatifs sont rares. Le cas de la fosse‑foyer datée (fait 94.8‑253) est à cet égard symptomatique. Le remplissage a livre peu d’éléments mobiliers typologiquement discriminants. Y figurent des fragments de vases hauts à cordons digités sur la liaison panse‑col, un fragment de panse à décor digité couvrant et un tesson de panse globulaire à cannelures superficielles verticales et horizontales. Ce dernier trait constituerait un caractère plutôt tardif, mais les récents travaux sur la typochronologie du Bronze, déjà cités, n’interdisent pas d’envisager sa présence dès la fin du Bronze moyen, au cours du xve, voire du xvie s. en ce qui concerne le contexte régional (Buard 1991).
31L’autre interprétation possible est d’ordre méthodologique. Elle consiste à imputer le décalage entre les deux datations considérées à la différence de nature des échantillons, considérant que l’analyse 14C, datant l’âge des cernes de bois brûlés et non l’instant de leur combustion, n’est susceptible de fournir qu’un terminus post quem à l’utilisation de la structure datée. Nous reprenons ici les précautions trop rarement évoquées, mais par ailleurs soulignées par J. Vital (Vital 1993) et par les maîtres d’œuvre de la méthode eux‑mêmes (Evin 1985). Le décalage entre nos deux dates n’est plus alors nécessairement révélateur d’une occupation étalée dans le temps. Il peut s’agir d’une occupation chronologiquement ponctuelle, contemporaine ou postérieure à la date la plus récente obtenue (1403 cal BC en date moyenne). Outre les réserves découlant de l’imprécision de la mesure (95 ans d’écart‑type), l’échantillon 7412 peut intégrer le même raisonnement. Avec une fourchette chronologique de 1462‑1009, pour 98 % de probabilité à 2 sigma d’écart‑type et des dates moyennes toutes comprises entre 1300 et 1269, l’appréciation est large, mais on ne note pas d’incompatibilité formelle avec les estimations précédentes. On a vu que la dernière mesure suscite plus de prudence encore : si l’essentiel du mobilier de l’unité stratigraphique se rattache indubitablement au dépotoir qui a par ailleurs fourni la datation 7381, le segment de plus forte probabilité (à 2 sigma, 1270‑828) et la date moyenne (cal BC 1015) renvoient à un horizon chronoculturel du Bronze final IIb ou IIIa incompatible avec le corpus céramique mis au jour ; la correspondance chronologique peut être établie avec la datation d’un foyer du Bronze final IIIa de la grotte du Gardon (Ly 4842 : 2905 ± 70 ; Joly et al. 1991 : 90), ou avec les secteurs A et B d’Hauterive‑Champréveyres (Suisse ; Borrello, Gross 1988 : 76), attribués au Bronze final IIb. Ce cadrage est confirmé par le modèle d’évolution dressé pour les Alpes du Nord (Bocquet et al. 1988), où cette date renverrait au début de la phase moyenne du Bronze final alpin (Bronze final IIb‑IIIa). Il convient donc d’admettre, en définitive, la non‑pertinence de cette date, vraisemblablement à cause du manque de fiabilité du contexte de gisement.
32En dernier ressort, l’examen des diagrammes cumulatifs pondérés de ces quatre dates fournit la meilleure approche chronologique de l’occupation (fig. 161). Il met en évidence un segment chronologique couvrant principalement le xve s. et, secondairement, le xive s.

FIG. 161 – Diagrammes cumulatifs pondérés des dates 14C du Bronze final I.
33La séquence chronologique de la grotte du Gardon constitue le meilleur point de comparaison régional. On a vu que les parallèles typologiques pouvaient être établis avec le mobilier des couches 26‑21 du site bugiste. La confrontation des dates 14 C confirme cette observation, sans toutefois permettre de la préciser. Ly 7412 se rapproche des datations effectuées sur les couches du Bronze final I (cf. notamment Ly 4841 pour un foyer associé à la couche 21 ; Joly et al. 1991 : 90). Mais 7381 et plus encore 7492 sont plus en relation avec l’horizon Bronze moyen (couche 26, cf. notamment Ly 4474 et Ly 4839 ; Joly et al. 1991 : 89). On dispose de peu d’autres références chronologiques régionales. Une datation effectuée sur un charbon du gisement de Jons donne une date de 3070 BP ± 55, avec des pics de probabilité de 1375, 1348 et 1317, comparable aux dates de la couche 21 du Gardon. Cette estimation dénote une possible postériorité, de quelques décennies, par rapport à nos échantillons Ly 7381 et Ly 7492. Enfin, signalons qu’une datation réalisée sur des charbons de bois des niveaux du Bronze final I du Pré de la Cour fournit des dates moyennes voisines du milieu du xiiie s. et est invalidée par l’auteur (Vital 1993 : 36‑37).
5 1.5 Conclusion
34La céramique recueillie présente à la fois de nombreux traits évoquant le Bronze moyen et des caractères propres au Bronze final. Rien ne permet toutefois de mettre en doute l’homogénéité chronologique du répertoire restitué ; à titre de preuve, on peut remarquer que le seul dépotoir sur berge (à l’exclusion de ces niveaux remaniés) appelle le même constat : présence de quelques décors estampés, de motifs incisés, de cordons lisses, mais prédominance des cannelures et apparition des formes carénées. L’examen typochronologique corrobore l’hypothèse d’un ensemble attribuable au Bronze final I et les données de chronologie absolue fournies par le gisement, ou indirectement par des référents extérieurs, contribuent à dater cette occupation de l’extrême fin du xve s. ou de la première moitié du xive s. Les connexions typologiques mettent par ailleurs en évidence l’appartenance du gisement à la marge sud d’un complexe techno‑culturel englobant le Jura, la Bourgogne et la façade nord‑occidentale des Alpes : celui‑ci est directement corrélable avec les corpus de Vaux‑les‑Prés, Lains, la grotte du Gardon ; mais l’insuffisance des référentiels locaux ne permet pas de dégager les caractères d’un éventuel particularisme local.
5.2 Le Bronze ancien
5.2.1 Comparaisons typologiques
Type 11
35L’association forme/décor observée sur le type 11 est caractéristique de la tradition campaniforme. Ces bols à fonds ombiliqués, lèvre esquissée et décor peigné et incisé (no 1 700), ou incisé et au poinçon rond (no 2 135) évoquent plus précisément le campaniforme rhodano‑provençal (Bill 1973 : pl. 5 nos 10, 11, 13 ; Jallot et al. 1996 : fig. 2), ou la série d’affinités campaniformes de Balme‑Rousse (Vital, Bintz 1991 : fig. 21). À un échelon plus local, la présence de ce type de décor ne paraît pas isolée, puisqu’on en a observé de voisins à Lyon/Gorge de Loup (Martin, Gesler 1988 : fig. 1) et à Lyon/ZAC des Blanchisseries (Jacquet 1996). La pièce no 1 556 supporte quant à elle un décor « barbelé » qu’on peut rapprocher là encore de pièces provençales et languedociennes du début du Bronze ancien (sans développer l’ensemble des comparaisons, cf. Gutherz 1995 : 377 sqq.), mais qui est aussi connu en milieu médio‑rhodanien (Balme‑Rousse ; Vital, Bintz 1991 : fig. 21), dans le Massif central (Orcet [Puy‑de‑Dôme], cf. Loison‑Weinstein 1988 : 29 ; Les Martres‑d’Artière [Puy‑de‑Dôme], cf. Daugas, Raynal 1979), jusqu’au Jura et dans la plaine de Saône (La Truchère [Saône‑et‑Loire], Quitteur [Haute‑Saône]...).
Type 12
36Les pots et bols de type 12 var. a, ne présentent que peu de caractères typologiquement discriminants exploitables. Ces formes simples, sans col, à bord droit ou légèrement convergent, sont assez ubiquistes. Elles peuvent évoquer des ensembles de diverses phases du Bronze ancien et de provenances variées : citons pour exemple Rouvres‑en‑Plaine (Côte‑d’Or ; Dartevelle 1996 : fig. 12), Laines‑aux‑Bois (Aube ; Mordant 1996 : fig. 3 nos 8 et 11), Orcet (Loison‑Weinstein 1988 : F6 typ. 25b), Véraza/grotte de la Valette (Aude ; Guilaine 1972 : fig. 27), ou même des vases du répertoire de la céramique d’accompagnement du campaniforme (Besse 1996 : fig. 5). Le pot de la variante b ne se prête, à notre connaissance, à aucune comparaison directe. Le décor appliqué à l’aide d’une cordelette barbelée renvoie aux références évoquées pour le type 11, mais il est appliqué à une forme haute qui semble très inhabituelle. De profil élémentaire et techniquement frustes, les vases des variantes c et d se prêtent mal à une analyse comparative.
Type 13
37Les constats dressés pour le type 12a peuvent être repris pour le type 13 ; la variante b, par son bord très convergent et ses languettes de préhension, présente quelque ressemblance avec une pièce chalcolithique de Balme‑Rousse et s’apparenterait à une tradition du Néolithique final (Vital, Bintz 1991 : 229). Notre exemplaire s’en distingue toutefois par les impressions digitées qui ornent sa lèvre.
Type 14
38Les deux fragments de couvercles groupés au sein du type 14 trouvent des parallèles au Bronze ancien en Provence et Languedoc : Montclus/grotte du Travers (Gard, couche 1 ; Roudil 1972 : fig. 10 nos 3 et 4), Sanilhac/grotte Saint‑Vérédème (Gard ; Roudil 1972 : fig, 21 no 1), Remoulins/grotte Raymonde (Gard ; Roudil 1972 : fig. 10 nos 3 et 4), Rouet/grotte du ravin des Arcs (Hérault ; Roudil 1972 : fig. 31 no 6). On note des pièces de morphologie approchante en Suisse centrale à la fin du Bronze ancien (Gallay 1971 : fig. 8c), dans la grotte du Gardon (Boret, Voruz 1994 : fig. 68) et à la Baume des Anges (Vital 1990 : fig. 12 no 3).
Type 15
39Le récipient 1210 présente des similitudes de morphologie avec les bols du type 11. Les affinités avec un substrat campaniforme se voient confortées par la pièce no 1 341 qui évoque, sans le reproduire exactement, le profil type du gobelet campaniforme (Besse 1992).
Type 16
40Les petites jarres monoansées présentent, sous leurs multiples variantes, une telle aire de répartition durant tout le Bronze ancien que leur utilisation en tant que marqueurs chronologiques et culturels s’avère extrêmement délicate (Gutherz 1995 : 383 sqq.). Si l’on porte une plus grande attention aux variations morphologiques, on constate que nos deux exemplaires, l’un à profil sinueux et l’autre à carène très peu accentuée, bien qu’ils soient incomplets, ne présentent qu’une faible ressemblance avec d’une part les « tasses des roseaux » qui caractérisent le Bronze ancien IV valaisan et, d’autre part, les tasses à carène vive et col concave associées en Provence et Languedoc à une phase récente du Bronze ancien. Il n’est pas possible, étant donné l’absence des cols comme des fonds, de préciser d’éventuels parallèles ; on peut toutefois noter que l’attache inférieure du vase no 235, encadrée de deux petits boutons coniques, rappelle par ce caractère deux pièces rhodaniennes provenant de la station de Terre Rouge, route d’Uzès, à Bagnols (Gard ; Roudil 1972 : fig. 10 no 2) et de la grotte du Hasard à Tharaux (Gard ; Roudil 1972 : fig. 54 no 5).
41Les pots à bord convergent des variantes b et c reflètent une conformation générale très largement répandue au Bronze ancien. Parmi les parallèles possibles, la fosse 56 de Rouvres‑en‑Plaine (Dartevelle 1996 : fig. 13), Étupes (Doubs ; Aimé 1996 : fig. 3), Saint‑Just (Ardèche ; Vital 1996 : fig. 2), Coufin 2 (Vital, Bintz 1991 : fig. 28, no 4), Orcet (Loison‑Weinstein 1988 : typ. 4), Yverdon/garage Martin (Suisse ; Hafner 1996 : pl. 30 no 22). Aucune connexion n’a pu être établie pour le vase no 236, de profil atypique. Le col en bouteille à cordon lisse et anses (var. e) trouve lui aussi peu de comparaisons, malgré son particularisme marqué. La pièce présentant les affinités les plus poussées est probablement un vase de Lyon/Gorge de Loup (Martin, Gesler 1988 : fig. 1 no 3). Mais notre col appartient peut‑être à une urne biconique comme celle de la grotte de Gazel à Sallèles‑Cabardès (Aude ; Guilaine 1972 : fig. 16 no 13).
Type 17
42Les jarres globulaires à cordon prélabial les plus proches de notre pièce no 2 225 sont celles de Collias/la Grotte suspendue (Gard ; Gutherz 1995 : fig. 7) Orcet (Loison‑Weinstein 1988 : 26, typ. 16), rattachées à une phase précoce du Bronze ancien. On peut également lui rapprocher des éléments de Lyon/Gorge de Loup (Martin, Gesler 1988 : fig. 2 nos 2‑3). Le profil globulaire à bord rentrant et col peu marqué est par ailleurs extrêmement commun au Bronze ancien. Les exemplaires du Midi présentent fréquemment un cordon digité : Codognan/Les Iragnons Perrier (Gard ; Gutherz 1995 : fig. 10 nos 7 et 9), Monze/Laval de la Bretonne (Aude ; Gasco et al. 1996 : fig. la), Narbonne/grotte de la Hache (Aude ; Guilaine 1972 : fig. 19 no 7). La Baume des Anges en a livré plusieurs spécimens, eux aussi ornés de cordons digités (Vital 1990 : fig. 11 nos 8 et 9). Plus au nord, les pièces de comparaison sont le plus souvent ornées de cordons lisses : Coufin 2 (Vital, Bintz 1991 : fig. 2 no 10, fig. 4 no 6), Lyon/Gorge de Loup (Martin, Gesler 1988 : fig. 1 nos 3 et 7), Rouvres‑en‑Plaine (Dartevelle 1996 : fig. 12, fosse 50), Chassey‑le‑Camp (Saône‑et‑Loire ; Mordant 1996 : fig. 1 c3) et la grotte du Gardon (Boret, Voruz 1994 : fig. 62). Moins fréquentes, les variantes à col cylindrique (b) ou concave (c) ne semblent pas s’intégrer à une aire de répartition plus sélective. On peut signaler des parallèles possibles avec des vases trouvés à Etupes (Aimé 1996 : fig. 3), Coufin 2 (niveau Bronze ancien I ; Vital, Bintz 1991 : fig. 28 ri 5). En Suisse centrale, une pièce de Baldegg, apparentée par son profil, est munie d’anses (Gallay 1971 : fig. 8f). Nos deux exemplaires les plus complets sont ornés de petits boutons sur la partie supérieure de la panse. Ils évoquent par ce trait une tasse ansée de la grotte Saint‑Louis (Gard ; Roudil 1972 : fig. 6), un vase de la station des Roseaux (Morges, Vaud ; Bailloud 1966 : fig. 8 no 4) et surtout, pour la pièce no 1 142, un vase de Ria/grotte de la Chance (Pyrénées‑Orientales ; Guilaine 1972 : fig. 60 ri 2) attribué au Bronze moyen. Les formes globulaires ansées, dépourvues de col et à bord convergent du type 17 var. e appellent de nombreuses comparaisons géographiquement très dispersées : La Baume des Anges (Vital 1990 : fig. 10 nos 1 et 4), Orcet (Loison‑Weinstein 1988 : typ. 12), Mouthiers‑sur‑Boëme (Charente ; Gomez de Soto 1982 : fig. 1 A2), Étupes (Aimé 1996 : fig. 2 no 1), Genlis (Côte‑d’Or ; Conche 1994 : fig. 4 no 5). Abstraction faite du décor, on observe des analogies avec un vase du Rove/Camp de Laure (Bouches‑du‑Rhône ; Jallot et al. 1996 : fig. 2 no 4).
Type 18
43La grande jarre du type 18 var. a est, on a eu l’occasion de le signaler, une pièce unique parmi le mobilier du gisement lyonnais. Sa morphologie fait directement référence au répertoire néolithique final jurassien : groupe d’Auvernier, groupe de Clairvaux récent (Giligny et al. 1995 : fig. 19). Les découvertes en contexte de l’âge du Bronze, phases précoces, ne sont pas exceptionnelles : à Lyon/rue Sergent‑Berthet (Martin, Gesler 1988 : fig. 2 no 4), à la grotte du Gardon (Boret, Voruz 1994 : fig. 73, L25), à Morges/La Poudrière (Suisse ; Kaenel, Strahm 1978 : fig. 2 no 1) et à Choranche/Coufin 2 (Vital, Bintz 1991 : fig. 27 no 4). Cette pérennité des traditions néolithiques dans le style céramique jusqu’à la fin du Bronze ancien a par ailleurs été notée (par exemple, Corboud, Pugin 1992 : 20). Au sein de la variante b du même type, on peut considérer dans un premier temps les jarres biconiques à bord droit souligné d’un cordon lisse et munies de languettes de préhension (nos 2 139, 1 945, 1 757). Localement, elles sont vraisemblablement représentées dans les corpus de Lyon/Gorge de Loup (Martin, Gosler 1988 : fig. 1 nos 3 et 7), à la grotte du Gardon (Boret, Voruz 1994 : fig. 62 et 65) et se rapprochent d’un vase d’Orcet (Loison‑Weinstein 1988 : typ. 3). Dans ces trois contextes, elles sont attribuées au début du Bronze ancien. On les retrouve à Coufin 2 (Vital, Bintz 1991 : fig. 28 no 6) et à La Baume des Anges, avec une variante morphologique pour la lèvre (Vital 1990 : fig. 11 no 7). En Languedoc, les références sont plus nombreuses : Russan/grotte Saint‑Joseph (Gard ; Bill 1973 : pl. 59 no 1), Saint‑Gervais les Bagnols (Gard ; Bill 1973 : pl. 58 no 2), Tharaux/grotte du Hasard (Roudil 1972 : fig. 50 no 5, fig. 51 no 1) et Pouzilhac (Gard ; Roudil 1972 : fig. 8 no 3). Enfin on doit signaler les jarres septentrionales à profil moins sinueux de Clairvaux‑les‑Lacs/La Motte aux Magnins (Jura ; niveau K sup., vers ‑1900 ; Mordant, Pétrequin 1989 : fig. 6), Ouroux‑sur‑Saône (Saône‑et‑Loire ; Mordant 1996 : fig. 1) et Verzé/La Bergère, tombe V (Saône‑et‑Loire ; Barthélémy 1976b : fig. 44). Les deux pièces à épaulement et cordons digités (1 743 et 2 137) renvoient à des ensembles tout aussi dispersés : Ouroux‑sur‑Saône (Mordant 1996 : fig. 1), la tombe XI du tumulus de la Bergère (Barthélémy 1976b : fig. 44) et la grotte du Gardon (Boret, Voruz 1994 : fig. 67, H18 et 117). En Suisse occidentale, les parallèles les plus probants concernent un mobilier de fouilles anciennes (Stutz‑Lattrigen) attribué par Hafner à la phase terminale du Bronze ancien (vers – 1600 ; Hafner 1996 : pl. 9 nos 1 à 3). Dans l’aire médio‑rhodanienne, le mobilier de La Baume des Anges ne présente que des similitudes partielles (Vital 1990 : fig. 11 no 4). Enfin, le Languedoc fournit de bons éléments de comparaison à Orgnac/Le Puits de Ronze (Ardèche ; Bill 1973 : fig. 57 no 2) ou Auriolles/grotte de Peyroche II (Ardèche ; Bill 1973 : fig. 53 no 8). Seule jarre de stockage complète, la pièce no 2 224 (var, c) n’a pas de pendant direct. Parmi les vases les plus proches, on peut signaler une urne globulaire d’Hermé/Les Chaises (Meurthe‑et‑Moselle), attribuée à la phase initiale du Bronze moyen, d’affinité nord‑orientale (Mordant 1989 : fig. 3 no 2) et, à un moindre degré, le vase de même contexte du tumulus de la Rente Neuve (Couchey, Côte‑d’Or ; Mordant 1989 : fig. 4 1‑1). La grotte des Châtaigniers à Vingrau (Pyrénées‑Orientales) a livré un vase de profil voisin, mais orné de cordons digités dessinant un motif sensiblement différent du nôtre (Guilaine 1972 : fig. 19 no 2). Enfin, deux fragments de récipients trouvés dans la couche 4 de Peyroche II appartiennent vraisemblablement à des récipients très proches par la forme et le décor (Roudil, Saumade 1968 : fig. 58). La dernière pièce de notre corpus (no 2 138) se distingue des précédentes jarres de type rhodanien par son profil « d’amphore », caréné à col concave très étrangle. Aucune céramique rigoureusement comparable n’a pu être trouvée. Les comparaisons les plus satisfaisantes nous orientent vers la basse vallée du Rhône. Une urne globulaire de la grotte du Hasard possède un col analogue, mais son profil n’est pas caréné et ni les points de fixation des anses, ni les décors ne sont directement comparables (Roudil 1972 : fig. 56 no 5). La couche 4 de la grotte de Peyroche II a livré la partie supérieure d’une jarre très similaire par son col et l’emplacement des cordons digités qui l’ornent. Mais l’épaulement n’est pas caréné et la préhension s’effectue par des languettes et non des anses (Roudil, Saumade 1968). Le même constat peut être appliqué à une urne chalcolithique de la Grotte suspendue, à Collias (Coste, Gutherz 1973 : fig. 8 no 1).
5.2.2 Synthèse typochronologique
44L’ensemble des parallèles effectués avec divers référentiels ne fait ressortir de façon claire ni l’attribution chronologique précise des ensembles du Boulevard périphérique nord, ni l’appartenance de ces ensembles à une sphère culturelle bien déterminée. Deux raisons peuvent justifier cette relative confusion. D’abord, les incertitudes concernant le contexte du gisement. Deux occupations sont pressenties, mais la ventilation du mobilier est imparfaite en raison de la faiblesse de l’argumentation stratigraphique. Des mélanges ne sont donc pas à exclure entre ces deux ensembles. Second élément d’explication, l’insuffisance de nos acquis actuels en matière de typochronologie pour le Bronze ancien. Sur le plan des concepts, la relativisation de la notion de civilisation rhodanienne, la réévaluation corollaire du rôle des campaniformes et des substrats locaux dans la genèse du Bronze ancien sont à présent acquises, sinon bien maîtrisées. En revanche, la remise à plat de l’ensemble de la documentation et l’élaboration de nouveaux cadres typochronologiques régionaux marquent le pas, souvent faute de corpus suffisamment fiables et précis, seuls aptes à renouveler les traditionnels marqueurs typologiques (cruches monoansées, urnes rhodaniennes) qui s’avèrent aujourd’hui largement insuffisants. Pour tenter de préciser et de rendre plus pertinente l’analyse comparative de nos ensembles mobiliers, nous allons modifier l’approche et considérer à présent les quelques ensembles clos significatifs dont nous disposons.
45Les assemblages les plus complets sont fournis par la fosse 94.1‑1064, attribuée à l’horizon supérieur (fig. 102) ; les remplissages inférieur et supérieur semblent typologiquement homogènes et mettent en évidence les associations indubitables suivantes : jarres « rhodaniennes » à cordons digités, jarres à cordon lisse, languettes, anses en ruban et cruches monoansées. La simple présence de cordons digités ne constitue pas un repère fiable, ceux‑ci étant déjà utilisés par certains groupes régionaux du Néolithique final (pour le Fontbouisse ; Coste, Gutherz 1973 ; Gutherz 1995). La présence des urnes à cordon lisse, qui semblent quant à elles redevables de l’héritage campaniforme (Gutherz 1995 ; Gallay 1976 ; 1996), n’est pas plus révélatrice, puisque cette technique décorative va se perpétuer au moins jusqu’à la fin du Bronze moyen. La tasse monoansée, tout au moins le fragment dont nous disposons, ne constitue pas non plus un indicateur précis. L’absence de carène suggérerait là encore un héritage campaniforme (Gutherz 1995 : 391). Une telle tasse non carénée figure toutefois dans le mobilier de Codognan/Les Iragnons, que X. Gutherz estime représentatif d’un Bronze ancien évolué (Gutherz 1995 : 389 sqq.).
46Les référentiels bien calés chronologiquement et typologiquement significatifs sont rares. Pour le début du Bronze ancien, l’ensemble « tardo‑chalcolithique » d’Orcet affiche certains points communs avec cet assemblage : la cruche monoansée y est présente, ainsi que le pot à anses et rebord convergent. Les urnes à cordon lisse sont apparentées, même si l’analogie n’apparaît pas parfaite. Par contre, les décors de cordons digités y sont absents, ainsi que les jarres à cordons à motifs orthogonaux. De la même façon, la confrontation avec le mobilier attribué au début du Bronze ancien de la grotte du Gardon n’est pas probante. Seuls quelques cordons lisses peuvent être rapprochés (Boret, Voruz 1994). Lyon/Gorge de Loup fournit un point de référence proche, mais typologiquement moins riche (Martin, Gesler 1988). Les cordons impressionnés ne figurent pas dans le répertoire du gisement, contrairement aux cordons lisses et aux languettes. Les mêmes remarques peuvent être formulées pour les couches F7 et F6 de Coufin 2 (Vital, Bintz 1991), où l’on constate en outre l’intrusion d’urnes à languettes de type helvétique (Auvernier). Plus au sud, le matériel de la couche 4a de la Grotte suspendue de Collias correspondrait à la phase initiale du Bronze ancien (Gutherz 1995 : 386‑387). L’ensemble a livré une série de récipients de tradition Fontbouisse sans équivalent sur le site lyonnais. Mais ce mobilier est en connexion avec un groupe de vases intéressant : grandes urnes à cordons digités, vase ansé à cordon lisse, languettes de préhension. Toutefois, les urnes à cordon digité et lisse offrent des profils radicalement différents des nôtres.
47La difficulté éprouvée à mettre en évidence une phase médiane caractérisée du Bronze ancien a déjà été signalée (Vital 1993 : 330 ; Gutherz 1995 : 391). Le faciès céramique bourguignon attribué à une « période moyenne » du Bronze ancien serait représenté entre autres par le mobilier des fosses 49 et 50 de Rouvres‑en‑Plaine (Mordant 1996). Les vases à cordon lisse et les pots ansés présentent des affinités avec notre lot 94.1‑1064, mais les cordons digités sont là encore absents. En région médio‑rhodanienne et Languedoc, les principaux indicateurs typologiques de la seconde moitié du Bronze ancien seraient l’apparition des tasses monoansées à carène vive et des décors incisés‑cannelés, la multiplication des décors de cordons orthogonaux et une tendance à la raréfaction des profils sinueux (Gutherz 1995 ; Vital 1996). Pour notre région, les ensembles de référence assurés font défaut. Une partie du mobilier de la grotte du Gardon pourrait s’y rattacher (Boret, Voruz 1994 : fig. 67). La couche F5 de Coufin 2 livre un répertoire peu fourni, difficile à comparer avec celui de notre fosse. En Languedoc, deux ensembles peuvent être significatifs : Peyroche II et l’habitat des Iragnons. Peyroche présente une urne à cordon digité comparable aux nôtres, ainsi que des cruches monoansées à carène et des cordons prélabiaux (Roudil, Saumade 1968). Le mobilier de Codognan affiche lui aussi quelques similitudes (Gutherz 1995), mais aucune urne « rhodanienne » ne fait pendant aux nôtres et les décors incisés qu’on y observe sont inconnus sur le site lyonnais.
48Une évolution assez similaire est supposée dans le Jura (Mordant, Pétrequin 1989 : 271 sqq.). Les urnes à cordon lisse, datées vers ‑1900 (Mordant, Pétrequin 1989 : fig. 6), sont analogues à deux vases de notre ensemble témoin. Mais les jarres à cordons digités associées à la période ‒1700/‑1600 se démarquent des nôtres et les « tasses des roseaux » incisées/ cannelées sont absentes de notre registre. De même, certains cordons et languettes de la Roche Maldru, à Mesnay (Jura), pourraient faire référence à notre mobilier. Mais les incisions qui les accompagnent invalident encore une fois le rapprochement. Pour la Bourgogne, les ensembles attribués à une phase avancée du Bronze ancien présentent les plus fortes analogies (Mordant 1996 : 484, fig. 1).
49L’ensemble de ces comparaisons concourt en dernier ressort à associer le mobilier de la fosse 94.1‑1 064 à une phase médiane du Bronze ancien. Les urnes à cordon lisse prélabial et la tasse monoansée reflètent peut‑être la pérennité des influences campaniformes. La prépondérance des profils plutôt biconiques, les cordons reliés aux préhensions et les motifs de cordons complexes marqueraient la distinction entre notre horizon et la phase ancienne du Bronze ancien, alors que l’absence de décors au poinçon, de cannelures, de « tasses des roseaux » décorées et de profils anguleux ferait par contre écarter une attribution très tardive. Les autres assemblages céramiques livrés par l’horizon supérieur du Bronze ancien confortent cette hypothèse sans pourtant renouveler les données de l’argumentaire.
50Il est plus délicat de porter un jugement sur l’horizon inférieur de l’occupation, car on ne dispose pas d’association fiable vraiment représentative, Les nuances typologiques entre les deux horizons ont été présentées précédemment (cf. supra ş 4.2.3.6) : absence de cordons digités pour le niveau inférieur ; une coupe à fond convexe, non décorée mais de tradition campaniforme figure dans ce même horizon. On ne peut que rapprocher cette coupe d’autres exemplaires décorés mis au jour dans les décapages mécaniques des niveaux du Bronze ancien. Le vase globulaire à anse et cordon prélabial présente, on l’a vu, les meilleurs points de comparaison avec des ensembles précoces. Il pourrait matérialiser une étape antérieure de l’évolution menant aux urnes de l’horizon supérieur, à profil plus biconique. Enfin, n’omettons pas la jarre à languettes du type 18a qui, bien qu’isolée en contexte, est vraisemblablement à rattacher à cet horizon. Elle aussi témoigne d’une chronologie haute. La seule attribution posant problème reste en fin de compte la jarre complète de fus 94.8‑194. Aucun équivalent parfait n’a pu être trouvé, mais l’ensemble des rapprochements proposés nous orientent sur des contextes de phase tardive du Bronze ancien, voire du début du Bronze moyen. L’éventualité d’une erreur de périodisation, peut‑être due à une position altimétrique équivoque, subsiste donc ici.
5.2.3 Réinsertion dans le contexte lyonnais
51Les ensembles de référence lyonnais sont peu nombreux ; cinq peuvent être mentionnés, tous issus de gisements localisés dans la plaine de Vaise ou sur ses marges. La faiblesse des corpus, loin d’atteindre les effectifs du Boulevard périphérique nord, rend toutefois périlleuse toute interprétation des comparaisons typologiques.
Gorge de Loup (Martin, Gesler 1988)
52L’ensemble collecté est caractérisé par la présence de nombreuses languettes de préhension, de cordons prélabiaux sur des cols étranglés droits ou peu déversés, tous caractères observables dans les deux horizons du Boulevard périphérique nord. La céramique fine est marquée par la présence de tessons décorés de tradition campaniforme –incisions scalariformes ou en chevrons, décors au peigne– découvertes à mettre en relation avec les coupes à fond convexe et décor incisé/poinçonné du Boulevard périphérique nord.
Rue Sergent‑Berthet (Martin, Gesler 1988)
53L’assemblage mobilier est plus pauvre encore ; il comprend des formes globulaires à anses en ruban et, contrairement au précédent, des cordons digités. La partie supérieure d’une pièce pourrait se rapporter à une urne à languette de type Clairvaux récent, semblable à notre vase no 2 136. L’absence de décor campaniforme est tenue par les auteurs comme l’indice possible d’une postériorité par rapport à Gorge de Loup, mais, au vu de la faiblesse numérique du corpus, l’interprétation est périlleuse.
Zac des Blanchisseries (Jacquet 1996)
54Ce petit ensemble, inédit, mis au jour récemment à quelques centaines de mètres du site du Boulevard périphérique nord, comprend un millier de tessons provenant d’un niveau d’occupation et d’une couche colluviée sus‑jacente. Le matériel est très fragmenté et les éléments typologiquement significatifs sont assez peu nombreux. On note toutefois la présence de vases hauts à bord droit et cordon prélabial similaires à ceux des sites précédemment mentionnés et surtout celle de plusieurs dizaines de fragments de coupes à décors campaniformes incisés/poinçonnés : motifs scalariformes, bandes horizontales, très proches des exemplaires du Boulevard périphérique nord.
Place de Paris (Joly et al. 1993)
55Dans un contexte sédimentaire particulier, rendant difficile l’identification des occupations en place, un ensemble mobilier, typologiquement assez pauvre, est vraisemblablement attribuable au Bronze ancien. Il comprend des formes pansues ou globulaires, munies d’anses en ruban et de languettes de préhension. Plusieurs cordons lisses, de section arrondie ou triangulaire, ont été observés, ainsi qu’un petit cordon prélabial à impressions digitées. Ces divers éléments font référence au mobilier du Boulevard périphérique nord de Lyon, mais l’ensemble est trop restreint pour conclure à une éventuelle synchronie des deux gisements.
17‑21 rue Gorge‑de‑Loup (Lascoux 1994)
56Dans un contexte stratigraphique non sans similitude avec le précédent, une occupation de nature indéfinie a été attribuée à la période Néolithique final/Bronze ancien. Le mobilier recueilli, dont l’homogénéité n’est pas attestée, livre quelques éléments morphologiques directement comparables à notre ensemble mobilier : anses en ruban, bords peu déversés avec cordons lisses prélabiaux. Toutefois un certain nombre de caractères répétés, notamment des impressions digitées couvrantes et des cannelures larges horizontales, interdisent d’attribuer l’ensemble au Bronze ancien.
5.2.4 Caractérisation du faciès typologique lyonnais
57Les arguments typologiques font défaut pour proposer un modèle chronologique intégrant ces quelques ensembles et les deux horizons du Bronze ancien du Boulevard périphérique nord. L’abondance des cordons lisses prélabiaux, sur des formes hautes assez fermées, à bord droit et col plus ou moins développé, est un trait commun à tous ces ensembles et ne saurait constituer un marqueur fiable. La présence ou l’absence de céramiques de tradition campaniforme est délicate à interpréter : d’une part parce que les échantillonnages, d’importance et de nature très variés, n’autorisent pas une approche statistique et, d’autre part, parce qu’on ignore jusqu’à quelle période perdurent ces productions. Enfin, l’absence de jarres « rhodaniennes » évoluées ne peut être considérée comme discriminante au sein de petits ensembles, au vu de la faible part quantitative qu’elles occupent au sein du corpus pourtant riche du Boulevard périphérique nord.
58Le rattachement du faciès lyonnais à une aire culturelle définie relève tout autant de la gageure en l’état actuel de nos connaissances. De toute évidence, une grande partie de la France méridionale et orientale fait l’objet au Bronze ancien d’évolutions parallèles à partir d’un substrat partiellement unifié. Les grands types céramiques sont ubiquistes, ou en tout cas les nuances morphologiques traduisant les changements de faciès et/ou de période nous sont encore inaccessibles : les urnes à cordon lisse prélabial et les coupes à décor poinçonné/incisé ou encore barbelé semblent procéder de la tradition campaniforme et sont présentes dans le Midi, en moyenne vallée du Rhône, Massif central, Bourgogne et Jura. Les cruches monoansées, sous leurs multiples variantes morphologiques, sont elles aussi attestées dans une aire géographique très vaste, vraisemblablement diffusées sous l’influence de courants culturels divers (Gutherz 1995). Même répartition pour les urnes « rhodaniennes » qui semblent de plus en plus dériver de traditions locales et non participer d’un unique courant de développement. Au‑delà de ces constats schématiques, il est nécessaire de recourir à des marqueurs typologiques plus fins si l’on veut préciser les jeux d’influence et faire émerger des aires stylistiques régionales. Et les séries locales ou régionales s’avèrent encore insuffisamment étoffées pour permettre de gros progrès dans la réalisation de cet objectif. On devra donc se contenter ici de quelques observations de portée limitée.
59Les influences méridionales semblent les mieux établies, avec la présence du style campaniforme rhodano‑provençal et du décor barbelé de type Camp de Laure. Ces découvertes ne constituent pas pour autant une révélation, puisque ce même style barbelé a pu être observé jusqu’à Quitteur, en plaine de Saône (Gutherz 1995). Parmi les urnes rhodaniennes, certaines témoignent peut‑être également d’influences méridionales et notamment « l’amphore » du type 18c. En tout cas, elles diffèrent très sensiblement des productions du Bronze ancien IV valaisan, avec lesquelles un lien de filiation direct semble exclu (Gallay 1996). Les autres courants d’influences sont plus difficiles à déceler. La jarre non décorée à languettes no 2 136 évoque, on l’a vu, une influence jurassienne, d’ailleurs établie pour cette période jusqu’en moyenne vallée du Rhône (Vital, Bintz 1991 : 255‑256). Rappelons également les affinités possibles entre les vases décorés de Gorge de Loup et les productions de certains groupes d’Allemagne du Sud (Vital 1990). On pourra enfin noter la parenté morphologique de certaines urnes à cordons impressionnés bourguignonnes et les pièces nos 1 743 et 2 137 de notre corpus.
60Les deux faciès céramiques du Bronze ancien semblent donc mêler des composantes culturelles variées. La détermination d’une dominante est toutefois impossible, bien que le fait le plus marquant reste sans doute la présence presque systématique sur les sites lyonnais du style campaniforme méridional. D’autre part, une majorité de traits sont vraisemblablement de tradition locale, mais notre connaissance réduite du Néolithique final lyonnais interdit tout développement sur ce thème.
5.2.5 Autres éléments typochronologiques
61Les objets autres que céramiques susceptibles d’alimenter notre argumentaire typochronologique sont rares.
62La perle discoïde en roche verte, trouvée en association avec des vases à cordon lisse, des jarres rhodaniennes à cordons impressionnés et une tasse monoansée, n’est pas significative. Elle pourrait se trouver tant en contexte néolithique final, chalcolithique, qu’à l’âge du Bronze (Barge 1982 : 141).
63Les fragments de bracelet, en schiste et roche verte, sont principalement connus pour le Néolithique et le Chalcolithique. Ils pourraient constituer un indice d’ancienneté, mais ne se prêtent pas à une attribution chronologique fine. H. Barge et J. Arnal dénombraient voici une dizaine d’années (Barge, Arnal 1985 : 81 sqq.) 15 boutons en os coniques à perforation en V. Ils sont principalement localisés dans l’est du pays et on peut plus particulièrement comparer notre exemplaire à ceux de la grotte sépulcrale des Pierrottes (Doubs) et de la Bergère à Verzé. Ils seraient datés du Bronze ancien et probablement pour la plupart d’une phase ancienne de cette période (Pétrequin, Pétrequin 1978 : 389‑390).
64L’alène en losange curviligne à section rectangulaire est du type 2a de la nomenclature de Roudil (Roudil 1972). Elle est proche de celles de La Baume des Anges, non datées (Vital 1990), de celle du dolmen 2 du Pala, à Chauzon (Ardèche ; Montjardin 1991), ou de celles de Gigny, associées au Campaniforme (Pétrequin, Urlacher 1967). Elle s’avère beaucoup plus petite que les exemplaires suisses de la fin du Bronze ancien (cf. par exemple Gallay 1971 : fig. 1d, fig. 5j).
5.2.6 La chronologie absolue
5.2.6.1 Les données
65Les niveaux du Bronze ancien du site se sont avérés moins propices à la collecte d’échantillons de matière organique que celui du Bronze final : rareté des ensembles clos contenant du charbon de bois, absence de caramels alimentaires... Trois datations 14C ont toutefois été effectuées.
661 – Ly 339/AA21698 – US 94.1‑496. Charbons prélevés dans le niveau de remplissage inférieur d’une fosse‑foyer. Cette structure a été rattachée (par son altitude, en l’absence de donnée stratigraphique utilisable) à l’occupation du Bronze ancien initiale du gisement. La fiabilité du contexte (ensemble bien clos, peu de risque de pollution) est très bonne. La date obtenue est de 4025 ± 55 BP.
Résultats calibrés (RADIOCARBON CALIBRATION PROGRAM REV 3.0.3. Stuiver M., Reimer P. J. 1993, Radiocarbon, 35) :
– 1 sigma : cal BC 2587‑2466 ;
– 2 sigma : cal BC 2855‑2819, 2663‑2634, 2627‑2453,
2420‑2406 ;
– dates moyennes : cal BC 2560, 2527, 2499.
672– Ly 340/AA21699 – US 94.8‑796. L’échantillon (microcharbon) a été prélevé entre les galets thermofractés composant un foyer à plat, attribué par sa position altimétrique à la seconde occupation Bronze ancien du gisement. Ce contexte s’avère peu fiable dans la mesure où il ne s’agit pas à proprement parler d’un ensemble clos mais d’une structure plane. L’âge 14C obtenu est de 5805 ± 60 BP.
Résultats calibrés (RADIOCARBON CALIBRATION BROGRAM REV 3.0.3. Stuiver M., Reimer P. J. 1993, Radiocarbon, 35) :
– 1 sigma : cal BC 4768‑4732, 4729‑4572 ;
– 2 sigma : cal BC 4800‑4508 ;
– date moyenne : cal BC 4689.
683 – Ly 357/AA21676 – US 94.8‑656. Microcharbons prélevés dans la couche de remplissage inférieure d’une fosse‑silo, rattachée à la seconde occupation Bronze ancien du gisement. C’est un ensemble clos peu susceptible d’avoir été perturbé et offrant une bonne fiabilité. La couche concernée est vraisemblablement liée à l’abandon de la structure et non à son utilisation initiale. Âge 14C et marge statistique : 3555 ± 60 BP.
Résultats calibrés (RADIOCARBON CALIBRATION PROGRAM REV 3.0.3. Stuiver M., Reimer P. J. 1993, Radiocarbon, 35) :
– 1 sigma : cal BC 1949‑1862, 1846‑1774 ;
– 2 sigma : cal BC 2034‑1737, 1713‑1703 ;
– date moyenne : cal BC 1886.
5.2.6.2 Discussion
69L’examen critique de ces datations conduit à écarter d’emblée l’une d’entre elles, Ly 340, qui livre un segment chronologique de près de 25 siècles trop haut par rapport à l’attribution Bronze ancien supposée. La date obtenue fait référence à la charnière Néolithique ancien/moyen. Elle paraît aberrante au vu de la position stratigraphique de la structure et du contexte typologique global du gisement. Le foyer d’origine de l’échantillon est localisé un peu au‑dessus d’une fosse‑silo qui a livre un petit lot mobilier du Bronze ancien. Cet argumentaire nous paraît décisif pour établir la non‑validité de cette date.
70On peut remarquer que des datations effectuées sur les microcharbons contenus par le paléosol englobant les niveaux d’occupation pré‑ et protohistoriques, à plusieurs niveaux d’altitude, ont donné des résultats relativement comparables entre eux (Ly 278 et Ly 279, Ly 6810, entre 4100 et 4900 BP). On peut envisager comme hypothèse explicative que le microcharbon daté a été déplacé par les phénomènes de colluvionnement et se trouve en colmatage du foyer dans une position stratigraphique aberrante.
71Les deux autres échantillons présentent une meilleure fiabilité de contexte de prélèvement. Le terminus post quem du niveau inférieur de l’occupation est fourni par la date Ly 339. Le résultat paraît quelque peu surprenant, puisque l’intervalle le plus large (2800‑2400 BC) fait référence non pas au Bronze ancien comme attendu, mais au Néolithique final ou au Campaniforme. Les trois pics de probabilités avoisinent la date de 2500. Le mobilier est typologiquement insuffisamment caractérisé pour confirmer ou infirmer avec certitude cette hypothèse d’attribution ; parmi les quelques fragments de céramique recueillis, on compte peu d’éléments utilisables : une languette de préhension et la partie supérieure d’un pot à bord convergent. Ces éléments sont typologiquement peu discriminants. On note toutefois leur récurrence au sein de plusieurs structures du gisement, y compris des structures abritant parallèlement un mobilier du Bronze ancien rhodanien typique. La similarité des aspects technologiques vient renforcer cette « couleur » typochronologique Bronze ancien. Par ailleurs, l’absence, sur l’ensemble du site, de matériel typiquement néolithique final ou campaniforme (exception faite de quelques céramiques à décor épicampaniforme dont on sait qu’elles perdurent au Bronze ancien) permet de douter de cette attribution chronologique précoce. Étant donné la bonne représentativité archéologique de l’échantillon, qui fait écarter l’hypothèse d’un matériau remanié ou mal prélevé, la seule alternative à cette datation haute est l’hypothèse d’un charbon appartenant au cœur d’un bois vieux de plusieurs siècles.
72Pour l’horizon supérieur du Bronze ancien, le terminus post quem de l’occupation est fixé par la date Ly 357. L’intervalle calibré le plus large englobe la seconde moitié du Bronze ancien tel qu’il est cerné en région médio‑rhodanienne. Le pic de probabilité, approximativement médian dans cette fourchette, s’inscrit dans un horizon Bronze ancien assez évolué.
73La même couche de comblement contenait une petite quantité de fragments céramiques dont 3 pièces remarquables : un bord peu déversé, une partie haute de vase à bord droit et cordon lisse prélabial et une anse en ruban sur panse d’urne globulaire grossière. Ces caractères typologiques, bien que dans l’absolu peu discriminants (existant dès le Néolithique final et perdurant au Bronze moyen), concordent bien avec le faciès Bronze ancien du gisement.
74Nous disposons ici de l’une des rares dates disponibles pour cette phase du Bronze ancien dans la région lyonnaise. Rappelons que le Bronze ancien de Gorge de Loup a livré la date 14C de 3760 ± 1550 BP (ARC 121), qui le place vraisemblablement dans la phase initiale de la période. Les seules dates régionales comparables concernent :
– la couche 34 de la grotte du Gardon (Ly 4472 : 3570 ± 70 BP) qui a livré un mobilier céramique assez abondant, en partie semblable à celui du Boulevard périphérique nord ;
– le foyer 464 de Géovressiat (Ly 6939 : 3550 ± 95 BP), associé à un mobilier campaniforme, ce qui pose le problème de la pertinence de la datation.
5.2.7 Conclusion
75Le rattachement du niveau d’occupation supérieur à une phase médiane du Bronze ancien, proposé à la suite de l’examen du mobilier, se voit confirmé par les datations absolues. Cette occupation est postérieure au tournant du second millénaire et assez vraisemblablement située dans le courant du xixe s.
76La datation de l’occupation antérieure, et par conséquent l’estimation du hiatus entre les deux horizons, est en revanche impossible à proposer. La mesure 14C ne permet d’établir qu’un terminus post quem probablement très éloigné de la date d’occupation, et la pauvreté et le manque de fiabilité des assemblages typologiques rendent hasardeuse toute hypothèse d’attribution.
Auteur
-
Pierre Jacquet
Archéologue
Chargé d’études, Afan
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