Habitats de l’âge du Bronze à Lyon-Vaise (Rhône)
|Chapitre 3. Analyse spatiale
Texte intégral
3.1 Du semis de structures au schéma d’organisation de l’espace : précautions d’emploi
- 1 Voir, entre autres, l’habitat de la fin du Bronze final IIb de Perthes/Les Gréverats‑ouest (Haute‑M (...)
1Le décapage d’une aire de fouille couvrant partiellement des habitats et leurs abords sur quelque 5 000 m2 laissait a priori augurer d’intéressantes perspectives concernant l’approche spatiale des gisements, c’est‑à‑dire la reconnaissance des subdivisions de l’espace, des unités architecturales et des règles d’assemblages de ces unités. Mais le morcellement de certains secteurs et surtout les difficultés rencontrées dans l’identification et la périodisation des vestiges sont vite apparus comme des obstacles majeurs à la restitution de l’organisation spatiale des différentes occupations. Pour les trois niveaux repérés a posteriori, les problèmes se sont posés globalement dans les mêmes termes : peu ou pas de zonation spatiale possible à partir de l’examen des niveaux d’occupation, éléments structurants (cloisons, palissades) peu évidents et forte dispersion des faits anthropiques susceptibles de caractériser des espaces aux fonctions particulières (silos, foyers...). La médiocre qualité de l’information nous a ainsi contraints à nous cantonner à des constats approximatifs et de portée limitée, ne pouvant déboucher que sur des interprétations tronquées et des hypothèses fragiles. Malgré la faible valeur démonstrative de nos conclusions, nous avons souhaité ne pas esquiver l’exposé des différentes étapes de notre réflexion. D’une part parce que les acquis, mêmes mineurs, méritent d’être soulignés et d’autre part parce qu’il nous a paru intéressant d’alimenter un débat méthodologique qui n’est pas sans enjeux, dans la mesure où les obstacles auxquels nous avons été confrontés sont communs à bon nombre de gisements protohistoriques terrestres1. Passer sous silence une démarche qui n’aboutit qu’à des résultats limités ne ferait à notre sens qu’encourager à la considérer comme inutile, alors qu’elle s’avère au contraire plus indispensable que jamais. Il importe simplement que le lecteur aborde ces interprétations avec toute la prudence qui a présidé à leur mise en œuvre.
3.2 L’habitat du Bronze final
3.2.1 Analyse du secteur nord
2(FIG. 30)
- 2 – Voir, par exemple, Audouze, Buchsenschutz 1989 : chap. 5 ; Blouet et al. 1992 : 181 sqq. ; David‑ (...)
3Ces deux secteurs présentent la densité maximale de vestiges reconnus. Le plan de localisation des différents types de faits anthropiques met en évidence la dispersion des structures de stockage. Les cinq fosses‑silos potentielles sont réparties sur toute la moitié nord de l’emprise et les cinq jarres de stockage sont dispersées sur l’ensemble de celle‑ci. Trois associations probables peuvent être mentionnées : les jarres 94.8‑19 et 94.8‑66, les jarres 94.1‑75 et 94.1‑81 et les fosses 94.8‑65 et 94.8‑204. Cependant, aucun regroupement n’apparaît au‑delà de ces trois appariements, les structures étant séparées de plus de 10 m les unes des autres. Les trois foyers avérés sont quant à eux distants de près de 25 m. On peut signaler la proximité systématique d’une ou plusieurs unités de stockage. Les deux grands empierrements 94.8‑97 et 94.8‑99, foyers potentiels, sont localisés en marge de l’aire de fouille et il est impossible de les rattacher à d’autres vestiges mis au jour. Les structures supposées de maintien sont très nombreuses, ce qui rend paradoxalement difficile la restitution des éléments structurant l’espace (palissades, murs, cloisons). Quatre nébuleuses de calages peuvent être distinguées. À l’exception des deux premières (A et B), distantes de moins de 10 m, les autres, éloignées de près de 15 m, sont séparées par d’importants espaces non complètement stériles mais pauvres en calages. L’ampleur de ces espaces laisse à penser qu’ils s’intercalent entre des aires architecturalement autonomes. La compréhension de l’organisation de chacun de ces ensembles repose essentiellement sur la restitution de limites à partir du semis de calages relevé. En l’absence de discrimination stratigraphique ou typologique, les regroupements de structures de maintien ne peuvent être guidés que par la mise en évidence de séries géométriquement cohérentes : alignements, cellules quadrangulaires ou circulaires. La démarche repose donc sur le postulat que le découpage de l’espace répond à une logique géométrique, postulat qui peut aisément être admis si l’on considère les données de références archéologiques2. Le foisonnement des structures de maintien multiplie les possibilités de combinaisons, alors que les difficultés de lecture de terrain, favorisant l’omission de structures non décelées et les erreurs de phasage, contribuent à fausser le plan des données de base. En définitive, l’examen de chacune des nébuleuses évoquées conduit à élaborer les hypothèses de travail suivantes.
Zone A
4Une douzaine d’alignements plus ou moins parfaits semblent envisageables. Chacun d’eux ne réunit toutefois qu’un effectif limité de structures et les espacements sont particulièrement inégaux. Les axes d’alignement sont variés et l’assemblage à angles approximativement droits le plus probable est un module quadrangulaire de 8,50 x 5,50 m, intégrant 11 calages. L’espace ainsi délimité ne renferme aucun aménagement particulier. Une extension du bâti vers le nord, en dehors de l’emprise de fouille, est toutefois possible.
Zone B
5Parmi les alignements possibles, il en ressort ici trois, sensiblement parallèles et séparés par des intervalles réguliers de 3,50 m. Les structures ne sont pas situées de façon symétrique le long de ces trois axes. En admettant, sans pouvoir toutefois argumenter cette proposition, que le plus long de ces axes est complet, on est amené à tracer une cellule quadrangulaire de 7 x 14 m, intégrant 13 calages. Cet éventuel bâtiment à deux nefs contient trois petites fosses et une jarre de stockage. Il abrite d’autre part un foyer en cuvette, implanté dans l’axe médian de l’une des nefs du bâtiment.
Pourtour des zones A et B
6Il est difficile d’envisager des regroupements logiques pour les calages disséminés au pourtour des zones A et B. On peut cependant noter un alignement de six structures traversant l’emprise selon une direction N‑S, c’est‑à‑dire parallèlement à l’axe principal du bâtiment de la zone B. Aucun alignement perpendiculaire ne permet d’entrevoir un espace clos, mais une amorce d’alignement parallèle apparaît, de l’autre côté des zones A et B, à une distance de 22 m. Les intervalles importants entre les calages conservés varient entre 4 et 8 m. Aux restitutions hypothétiques précédentes vient donc s’ajouter celle d’une limite de type palissade légère, ou même un vaste espace clos non couvert, peut‑être centré sur le bâtiment de la zone B.
Zone C
7À défaut d’alignement parfait à espacements réguliers, il faut prendre en considération des combinaisons multiples d’alignements inégaux. Ceux‑ci ne font guère apparaître de modules géométriques. Un seul assemblage nous paraît quelque peu crédible : il rassemble 15 calages et dessine un rectangle approximatif de 8 x 16 m. L’espace délimité n’abrite aucun foyer et aucune structure de conservation de nourriture. En revanche, il est bordé au nord par une aire où se côtoient une fosse‑silo, un foyer en cuvette avec une vraisemblable superstructure de terre et deux aires de rejet de galets thermofractés. Au S‑E du bâtiment, éloignée de 6 m environ, une association assez similaire se répète, comprenant deux jarres de stockage et un foyer.
Zone D
8Le nombre limité de structures de maintien n’en rend malheureusement pas le plan plus facile à interpréter. De rares alignements apparaissent. L’un d’eux, rassemblant 7 calages, s’inscrit dans un axe similaire à celui du bâtiment de la zone B. Une autre combinaison possible fait apparaître un quadrilatère de 5 x 8 m dont le tracé intègre 8 calages. L’implantation d’un poteau cornier fait toutefois défaut. Les pieux intermédiaires ne sont d’autre part pas disposés symétriquement. L’extension de ce bâtiment vers l’est, par l’adjonction de 3 calages au module initial, semble plus hypothétique. Ce nouveau module, qui triple la surface du précédent, n’intègre en effet que 6 structures de maintien. L’espace clos contient deux jarres‑silos, en position globalement centrale, mais aucun foyer. Deux fosses le bordent au N‑E et au S‑O. Enfin, à l’extrémité N‑E du secteur, peu avant la butte qui sépare l’habitat de la berge du paléochenal, un ensemble assez lâche de structures variées (2 fosses‑silos, 2 foyers, fosses en cuvette et rejets de foyers) s’avère trop pauvre en structures de maintien pour que l’on puisse imaginer la présence d’un bâtiment ou même d’un simple enclos.
3.2.2 Autres secteurs
9Le morcellement combiné des aires de conservation des vestiges et des zones de fouille rend très fragmentaires nos données sur l’organisation de l’espace au Bronze final sur les autres secteurs de l’opération. Sur le secteur centre‑nord (fig. 31), seule une série de 6 calages de poteaux a été observée en bordure d’emprise de fouille. Par leur disposition, ils semblent délimiter un espace rectangulaire de 3,60 m de côté. La nature de cet espace et ses éventuelles relations avec les autres vestiges restent indéterminables. Plus au sud, où les décapages ont pu être conduits sur de plus vastes surfaces, on observe un complexe de calages plus important (51 structures). Il semble s’organiser sur deux nuages principaux. La recherche d’alignements et de modules géométriques simples aboutit laborieusement à proposer trois petites cellules structurelles très approximativement rectangulaires (fig. 32). Ces hypothèses ne sont toutefois que peu satisfaisantes dans la mesure où elles n’intègrent qu’un nombre assez limité de calages, de gabarits divers, sans intervalles d’espaces réguliers. Le nombre important de structures non associées fait entrevoir la possibilité d’un remaniement éventuel de l’espace.
3.2.3 Répartition du mobilier et perception des espaces
10On constate ainsi que l’on se trouve vite bloqué dans nos tentatives de restitution des bâtis par l’incohérence de semis de calages inextricables. Les aires de rejet identifiées avec certitude –hormis le cas du dépotoir sur berge– susceptibles de révéler les espaces extérieurs, voire des effets de parois symptomatiques, sont trop peu nombreuses pour compléter utilement nos données. La confrontation entre la répartition du mobilier au sein des niveaux d’occupation, qu’on a pu cartographier sur une emprise limitée du secteur nord (cf. supra § 2.3.3), et la localisation des structures de maintien ne donnent également que peu de résultats probants. L’aire concernée par cette confrontation englobe dans sa totalité la zone D et vient empiéter sur les marges de la zone C. L’examen de la carte de répartition du mobilier met en évidence une corrélation partielle avec l’assemblage des zones (fig. 33). La zone D se caractérise par une densité de mobilier assez élevée et surtout contrastée. L’interzone C‑D se présente dans l’ensemble comme une aire de faible densité et de forte fragmentation, à l’exception des carrés E4/5 bordant la zone D qui matérialisent peut‑être une aire de rejet de déchets en bordure extérieure de bâtiment. L’extrémité nord de la zone C coïncide avec un accroissement brutal de la densité de mobilier céramique. Un examen du matériel en cause laisse penser qu’il s’agit essentiellement des restes d’une ou plusieurs jarres‑silos, sans qu’il soit possible d’affirmer s’ils sont en place (aire de stockage) ou non (aire de rejet). Au‑delà de ces constats, la répartition du mobilier s’avère insuffisamment parlante pour corroborer les modèles de bâtis proposés ou mettre en évidence des espaces de circulation, et ce d’autant plus que la taille relativement restreinte de la zone‑test ne permet pas de vérifier la répétitivité des constats et d’en déduire des régularités. L’effort d’une recherche systématique des recollages entre fragments céramiques n’a pas été réalisé au vu des résultats de cette première approche. La dernière piste d’investigation envisageable est celle du faciès mobilier des remplissages d’ensembles clos. Elle est délicate à exploiter, car on traite ici des dépôts secondaires. Toutefois, en admettant comme postulat de départ que les rejets sont localisés à proximité immédiate des lieux d’usage du mobilier (hypothèse fondée sur la loi logique du moindre effort, mais ne tenant pas compte d’éventuelles contingences spécifiques), alors il faut convenir que les contrastes observés dans la composition des assemblages mobiliers des ensembles clos peuvent révéler une dissociation fonctionnelle des espaces voisins. L’examen du profil des comblements (fig. 34) montre la forte prédominance générale de la céramique, devant les vestiges fauniques et l’industrie lithique. Les variations de proportions sont secondaires et difficiles à interpréter, surtout pour les ensembles statistiquement peu représentatifs. La faune voit croître ponctuellement son importance, sans qu’une aire particulière de l’emprise puisse être impliquée. Les silex, dont les effectifs paraissent globalement anecdotiques, voient leur part relative croître dans deux structures localisées à l’extrémité nord du secteur ; toutefois la faiblesse des effectifs engagés interdit de tirer une quelconque conclusion de ce constat.

FIG. 33 – Superposition du plan de répartition du mobilier et des restitutions architecturales, Bronze final.
3.2.4 Bilan et perspectives : un habitat groupé ouvert
11Malgré les limites maintes fois évoquées qui s’imposent à notre démarche, l’analyse spatiale du gisement livre des constats qui sont loin d’être sans conséquences.
12La localisation des structures de maintien témoigne de la présence de plusieurs bâtiments (vraisemblablement une demi‑douzaine) dispersés sur les 5 000 m2 de l’emprise explorée.
13Des structures de combustion ont été reconnues dans la plupart des aires de concentration de calages et trous de poteaux, probablement aussi bien à l’intérieur des bâtiments qu’à proximité immédiate. Peut‑on, dans le second cas de figure, écarter la fonction de maison d’habitation stricto sensu ? Les conditions de conservation et de collecte des vestiges nous incitent à la réserve.
14La dispersion des structures de conservation des denrées alimentaires a déjà été notée. L’utilisation de jarres et de fosses est conjointe, alors qu’aucun plan de grenier sur pieux n’a pu être mis en évidence avec certitude. Les jarres semblent se localiser préférentiellement à l’intérieur des cellules architecturales, les fosses sont implantées dans le voisinage de celles‑ci.
15L’ensemble de ces constats converge vers l’hypothèse d’un agrégat relativement lâche d’unités comprenant chacune un bâtiment et des structures annexes : zones d’activités domestiques, aire d’entrepôt des denrées alimentaires. Les symptômes d’une quelconque gestion collective de l’espace ne sont pas perceptibles : absence de trame commune de bâti, d’espace collectif d’activité. Faute d’argument stratigraphique déterminant, il est bien sûr impossible d’écarter définitivement l’éventualité d’unités non contemporaines. Mais au vu de l’homogénéité typologique du mobilier et de l’absence de recoupements attestés de structures, la synchronie de l’ensemble paraît plausible. Toutefois, une durée de vie de plusieurs générations, avec des remaniements possibles de l’organisation spatiale, n’est pas à exclure totalement. Une telle hypothèse contribuerait à expliquer la complexité du semis de structures de maintien, et donc la difficulté des restitutions architecturales. En l’absence de données stratigraphiques et typologiques suffisamment précises, rien ne permet d’accréditer ou d’infirmer ce scénario. Nous sommes par conséquent contraints de conclure avec prudence à l’existence d’un très probable habitat groupé d’une durée de vie sans doute inférieure à un siècle, dont les phases de reconstruction éventuelles nous échappent totalement.
16L’extension de l’habitat est en l’état actuel des données collectées impossible à extrapoler. La seule limite clairement perceptible est constituée par le paléochenal du secteur nord et la butte qui le précède. À l’autre extrémité du tronçon, la faible densité des vestiges observés sur le secteur sud laisse à penser que l’on se trouve en périphérie de l’agglomération. Celle‑ci s’étale donc sur environ 250 m, transversalement au versant ; pour la partie haute et le pied du versant, les informations font par contre complètement défaut. On peut supputer que l’accentuation de la pente du plateau, en amont, restreint l’extension possible de l’habitat à quelques dizaines de mètres. En revanche, rien n’interdit d’envisager un débordement de l’habitat sur la plaine elle‑même. Il est ainsi difficile de tenter, en terme d’extension d’emprise, une comparaison avec les agglomérations connues par ailleurs. L’aire minimale estimée, voisine de 5 000 m2, semble toutefois nous orienter vers les exemples de grandes agglomérations de la fin du Bronze final, couvrant toutes moins d’un hectare : 8 500 m2 pour Hauterive‑Champréveyres, 6 500 m2 pour Cortaillod‑Est (Suisse ; David‑El Biali 1992).
17Au vu de la légèreté des quelques hypothèses de restitution proposées, il paraîtrait osé de vouloir conjecturer sur les choix architecturaux opérés sur le gisement. La surface des modules pressentis oscille entre 25 et 130 m2. Ils s’inscrivent plus ou moins dans l’axe de la pente. Aucun aménagement de terrasse ou nivellement de terrain n’a pu être mis en évidence lors de la fouille, mais de tels aménagements de faible amplitude ont pu passer inaperçus. Faute de sols conservés, seules les altitudes de pierres de calage permettent d’appréhender très approximativement le pendage affectant le sol des bâtiments. À partir de ces données, les dénivelés suivants peuvent être relevés :
– zone A : 59 cm (pendage maximum 6 %) ;
– zone B : 114 cm (pendage maximum 8 %) ;
– zone C : 95 cm (pendage maximum 5 %) ;
– zone D : 79 cm (pendage maximum 5 %).
18Les inconvénients générés par cette topographie ont pu éventuellement être corrigés par l’aménagement de planchers surélevés, sans qu’il ait été possible d’en déceler le moindre indice lors de la fouille. L’éventualité d’une construction à deux nefs n’est apparue qu’en un seul cas (zone B). Elle implique l’existence d’une poutre faîtière sur laquelle reposait une part prépondérante du poids de la toiture. L’asymétrie systématiquement constatée des emplacements de poteaux dans les murs gouttereaux –si elle n’est pas due à l’oblitération d’une partie conséquente des empreintes de pieux– fait écarter la technique d’assemblage par poteaux porteurs avec entraits, pourtant de loin la plus attestée en Europe occidentale durant le Bronze final (Audouze, Buchsenschutz 1989). Le faible gabarit généralement observé pour les calages du gisement semble pourtant exclure l’hypothèse de parois porteuses, sauf à imaginer des bâtiments munis de couverture légère.
19Les comparaisons chronologiquement et géographiquement proches font grandement défaut. Par son éclatement, l’habitat contemporain de Montagnieu/Le Pré de la Cour (Ain), appréhendé de façon très fragmentaire, s’approche de notre gisement (Vital 1993 : 86 sqq.). Les cellules architecturales partiellement restituées dénotent toutefois un gabarit vraisemblablement plus réduit (3,50 et 6 m de largeur) que celui des bâtiments du Boulevard périphérique nord de Lyon.
20Le site de Bavois‑en‑Raillon (Suisse) fournit un autre point de comparaison contemporain, très particulier par son contexte topographique (implantation dans l’axe d’un talweg) qui a pu exercer des contraintes spatiales non négligeables (Vital, Voruz 1984). Les constructions, à deux nefs, couvrent là aussi des emprises notablement plus réduites, comprises entre 30 et 55 m2.
21Bien que plus tardif, le gisement de Dampierre‑sur‑le‑Doubs (Doubs) constitue un point de comparaison obligé par la clarté du schéma d’organisation qu’il nous livre (Pétrequin et al. 1969). Les similitudes envisageables avec le gisement du Boulevard périphérique nord de Lyon sont nombreuses : inorganisation de l’assemblage des cellules architecturales (absence de trame), dispersion des structures annexes (silos, foyers), physionomie des bâtiments. Ceux‑ci sont toutefois de taille plutôt comparable à ceux de Bavois, entre 25 et 50 m2.
22Des bâtiments de dimensions identiques à nos estimations sont rares à l’âge du Bronze, mais connus (Vital, Voruz 1984 : 453 et note 21). À Savognin‑Padnal (Suisse), on compte ainsi au moins trois maisons dont la superficie avoisine 120 m2 (Rageth 1990).
23Dans un contexte géographique et chronologique quelque peu différent du nôtre, le village du Bronze final IIIb d’Auvernier (Suisse) fournit un exemple d’organisation fondamentalement opposé, avec un habitat contracté s’inscrivant dans une trame régulière. Les cellules y sont de modules assez homogènes, avoisinant 50 m2 (Arnold 1983).
3.3 Les habitats du Bronze ancien
3.3.1 Analyse du secteur nord
3.3.1.1 Horizon inférieur
24(FIG. 35)
25La carte de répartition des différents types de structures met en évidence leur forte dispersion. Hormis une aire centrale quasiment stérile de 120 m2, il est bien difficile de délimiter des zones de forte et de faible densité de vestiges. Les cinq fosses‑silos avérées sont réparties sur l’ensemble des deux secteurs. Les foyers sont, à l’exception d’un cas, plus regroupés sur la partie centrale de l’emprise. Les structures de maintien ne forment pas d’ensembles aussi bien circonscrits que pour l’occupation du Bronze final. En revanche des combinaisons de trous de poteaux très rapprochés les uns des autres apparaissent assez nettement. Ils forment 3 alignements irréguliers, sur des longueurs variant de 8 à 20 m. Ils ne s’intègrent à aucun module géométrique et évoquent plus des vestiges de palissades ou de clôtures que de bâtiments. Sur la partie médiane, la recherche d’agencements privilégiés conduit à la reconnaissance d’un hypothétique espace quadrangulaire, dont le périmètre relie 12 à 15 structures de maintien. L’extension de cet ensemble est difficile à préciser. Il est possible que son extrémité sud soit hors emprise. Sa longueur minimale peut être estimée à 27 m pour une largeur de 9 m environ. Cet espace enferme un foyer situé en position axiale. À l’ouest de cette construction, une série de trous de poteaux disposés approximativement en cercle semble constituer une seconde unité structurelle, de surface beaucoup plus restreinte (environ 15 m2).

FIG. 35 – Proposition de restitutions architecturales, secteur nord, Bronze ancien, horizon inférieur.
3.3.1.2 Horizon supérieur
26(FIG. 36)
27La dispersion des différentes catégories d’aménagements, déjà notée pour l’état précédent, se voit confirmée ici. L’emprise concernée est sensiblement identique, seul un léger glissement de l’espace anthropisé vers le nord est décelable. Silos et foyers sont disséminés sur les trois quarts N‑E de l’emprise. Si les témoins de palissades observés précédemment semblent ici absents, on peut toutefois noter un certain nombre de points communs avec l’organisation de l’état 1 : la zone médiane, abritant nombre de trous de poteaux, apparaît comme la plus nette cellule architecturale potentielle. Aucun module géométrique ne transparaît toutefois avec évidence et la seule restitution à laquelle nous soyons parvenus est celle d’un grand quadrilatère irrégulier (7 à 9 m de largeur et 21 m de longueur). Il pourrait préfigurer un grand bâtiment à deux nefs, prolongé d’une abside. L’espace ainsi délimité n’englobe aucun foyer, mais inclut curieusement une fosse‑silo. Un peu plus au nord, les structures de maintien sont peu abondantes, mais un alignement droit et régulier de 4 trous de poteaux distants d’environ 2 m apparaît nettement. Il s’inscrit perpendiculairement à un petit fossé identifié comme une possible empreinte de solin, ce qui conduit à envisager l’existence d’une construction à techniques composites. Cependant, aucune combinaison probante ne permet de clore l’espace ainsi dessiné.

FIG. 36 – Proposition de restitutions architecturales, secteur nord, Bronze ancien, horizon supérieur.
28Comme à l’état précédent, un ensemble de trous de poteaux délimite au nord de cette zone un espace presque circulaire. Enfin, à la périphérie N‑E de l’occupation, deux groupements réduits de structures de maintien pourraient trahir la présence de petites structures de type greniers.
3.3.1.3 Géographie des faciès mobiliers d’ensembles clos
29Si l’on admet, comme pour le Bronze final, la validité d’une loi de proximité déterminant en grande part l’évacuation des déchets, la cartographie des faciès mobiliers des remplissages peut refléter une zonation fonctionnelle de l’espace (fig. 37 et 38). À cet égard, l’examen des ensembles clos de l’horizon 1 montre des contrastes violents. La céramique est, à une exception près, prépondérante dans les comblements. La faune affiche une présence très discrète. L’ensemble où elle occupe la place la plus significative est par ailleurs très particulier, puisqu’on y a retrouvé le squelette presque complet d’un porcelet. La répartition des silex semble montrer une plus nette sélectivité. Trois fosses ont livré 65 % de l’industrie lithique issue d’ensembles clos. Deux de ces fosses sont localisées sur le secteur nord, au nord de l’habitation supposée.
3‑3.2 Les autres secteurs
30L’exiguïté des surfaces décapées au nord du secteur centre‑nord ne permet pas d’avoir une perception claire de l’organisation des quelques vestiges du Bronze ancien qui y ont été repérés. Quatre trous de poteaux, approximativement alignés, matérialisent peut‑être une façade de bâtiment, dont on doit logiquement situer l’intérieur côté nord, ou bien une palissade (fig. 39). 20 m plus au sud, le foyer en cuvette mis au jour ne peut être associé à aucun ensemble de vestiges. Il en est de même pour les structures isolées à l’extrémité sud du secteur. Sur le secteur sud, malgré le décapage de surfaces importantes, l’occupation liée à cet horizon paraît d’une densité très faible. Les quelques structures identifiées (foyers et fosse‑silo) sont disséminées, alors qu’aucun aménagement ne suggère la présence d’un bâtiment ou d’un espace clos.
3.3.3 Bilan et perspectives : des établissements ruraux ?
31Malgré une surface occupée globalement identique, l’implantation spatiale aux deux états du Bronze ancien présente des différences notables avec celle du Bronze final. Si cette dernière était caractérisée par un éclatement et la multiplication de cellules structurelles répondant sensiblement au même modèle, l’image restituée du Bronze ancien reflète une implantation nettement centrée sur une zone (secteur nord), autour de laquelle paraissent s’organiser des espaces complémentaires moins fortement structurés. Le constat est valable pour les deux horizons distingués, entre lesquels ne semblent exister que des modifications de détails. Dans les deux cas, il est difficile de préciser l’organisation de l’espace central. Il est possible qu’il s’agisse, comme le suggèrent les tentatives de restitution et ce malgré le faible diamètre moyen des empreintes de pieux, d’un grand bâtiment couvrant plus de 200 m2. Tout en rappelant avec quelle réserve il convient de considérer ces hypothèses, on peut remarquer que des bâtiments de telles dimensions évoquent nombre de maisons et de fermes‑étables mises au jour en Europe du Nord et jusqu’en Bourgogne. Le plan de bâtiment à deux nefs et abside, proposé pour l’état 2, n’est ainsi pas sans rappeler les restitutions de Frouard (Meurthe‑et‑Moselle ; Baccega et al. 1988) ou Genlis‑Izier (Côte‑d’Or ; Dartevelle 1992). La présence, à proximité de la maison principale, d’une structure quasi circulaire fait elle aussi référence à des modèles d’organisation connus : à Frouard, pour reprendre cet exemple, c’est un bâtiment en fer à cheval, de surface voisine de celle de nos structures (7 x 5,50 m), qui jouxte l’habitation. Un ensemble comparable, mais de plus grandes dimensions (plus de 60 m2) accompagne vraisemblablement les fermes‑étables de Genlis‑Izier. La fonction de ces cellules reste à déterminer. Au voisinage du bâtiment central s’organise un ensemble d’aires d’activités plus ou moins structuré par des limites (enclos, palissades). Celles‑ci pouvaient être réalisées en clayonnage, comme le suggèrent les abondants fragments d’argile brûlés découverts notamment dans le comblement d’une fosse de 94‑1. Les traces d’activités diverses montrent une dispersion sur une aire importante. L’ampleur exacte de celle‑ci est cependant difficile à déterminer avec précision, car la synchronie de tous les ensembles ne peut être établie avec certitude. Aussi les structures révélées sur le secteur sud, distantes de près de 400 m du foyer d’habitation supposé, font‑elles peut‑être partie d’un établissement éloigné de quelques centaines de mètres du premier, et peut‑être chronologiquement distinct.
Notes
1 Voir, entre autres, l’habitat de la fin du Bronze final IIb de Perthes/Les Gréverats‑ouest (Haute‑Marne ; Lepage 1992b), dont l’étude spatiale soulève, avec peut‑être une acuité moindre, des problèmes similaires, liés aux mêmes facteurs : absence d’architecture imposante, complexité d’un semis de structures de maintien excessivement touffu où les restitutions architecturales possibles sont multiples.
2 – Voir, par exemple, Audouze, Buchsenschutz 1989 : chap. 5 ; Blouet et al. 1992 : 181 sqq. ; David‑EI Biali 1992 : 366‑367 ; Dartevelle 1996 ; Rageth 1990 ; Vital, Voruz 1984.
Table des illustrations
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Légende | FIG. 30 – Proposition de restitutions architecturales, secteur nord, Bronze final. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/44188/img-1.jpg |
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Légende | FIG. 31 – Proposition de restitutions architecturales, secteur centre‑nord, Bronze final. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/44188/img-2.jpg |
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Légende | FIG.32 – Proposition de restutions architecturales, secteur centre‑sud, Bronze final. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/44188/img-3.jpg |
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Légende | FIG. 33 – Superposition du plan de répartition du mobilier et des restitutions architecturales, Bronze final. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/44188/img-4.jpg |
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Légende | FIG. 34 – Profils mobiliers des ensembles clos du Bronze final, secteur nord. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/44188/img-5.jpg |
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Légende | FIG. 35 – Proposition de restitutions architecturales, secteur nord, Bronze ancien, horizon inférieur. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/44188/img-6.jpg |
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Légende | FIG. 36 – Proposition de restitutions architecturales, secteur nord, Bronze ancien, horizon supérieur. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/44188/img-7.jpg |
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Légende | FIG. 37 – Profils mobiliers des ensembles clos du Bronze ancien, horizon inférieur, secteur nord. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/44188/img-8.jpg |
Fichier | image/jpeg, 86k |
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Légende | FIG. 38 – Profils mobiliers des ensembles clos du Bronze ancien, horizon supérieur, secteur nord. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/44188/img-9.jpg |
Fichier | image/jpeg, 91k |
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Légende | FIG. 39 – Proposition de restitutions architecturales, secteur centre‑nord, Bronze ancien. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/44188/img-10.jpg |
Fichier | image/jpeg, 56k |
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