Chapitre 3. Les stations routières
p. 37‑57
Résumés
Ce chapitre présente les différentes stations routières mentionnées par les itinéraires antiques depuis le Rhône jusqu’aux Pyrénées. Pour chacune d’entre elles, on trouvera les sources antiques, la localisation, un résumé des observations effectuées et la bibliographie. Les notices concernant les agglomérations sont plus développées et accompagnées d’un plan.
In this chapter, the different road stations mentionned in ancient itineraries and situated between the river Rhône and the Pyrenees are described. The description includes their location, the sources in ancient texts, a summary of the scientific observations performed, and a bibliography. The articles concerning the towns are more detailed and followed by a map.
Aquest capítol presenta les diferentes estacions viàries esmentades per els itineraris des d’el Roine fins ais Pirineus. Der a cada una d’elles, es trobarà les fonts antigues, la localització, un resum de les observacions realitzades i la bibliografía. Les noticies de les aglomeracions, més desenvolupades, tenen un pla.
Este capítulo presenta las diferentes mansiones viadas mencionadas por los itinerarios antiguos, desde el río Ródano hasta los Pirineos. Para cada una de ellas, se encontrarán las fuentes antiguas, la localización, un resumen de las observaciones realizadas y una bibliografía. Se desarrollarán más los apuntes relativos a las aglomeraciones y se tos completarán con un plano.
Texte intégral
1N.B.
Les références bibliographiques « premier élément‑date » renvoient à la bibliographie générale. Une liste des abréviations des titres de revues ou collections figure en tête de la bibliographie générale.
1 Pons Aerarius
2Bellegarde, Gard
a. michelozzi
3Sources antiques
4– Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem : mutatio PONTE AERARIUM.
5Localisation
6Si, dès la fin du iie s. av. n.è., s’est manifestée la volonté d’éviter Ugernum pour se rendre de Nîmes à Arles, cela ne s’est traduit, pendant longtemps, que par la déviation du carrefour des Cinq‑Coins tout proche de Beaucaire, ce qui ne réduisait guère la distance.
7Un raccourci sensible devient effectif en 333, lorsque l’itinéraire de Bordeaux à Jérusalem indique que la distance entre Nîmes et Arles n’est plus que de 20 milles (au lieu de 24 par Ugernum) en passant par Pons Aerarius. Cette station est traditionnellement située ‒sans fondement archéologique‒ aux abords de Bellegarde (Gard), sur un itinéraire mal connu, mais qui traversait obligatoirement les terres basses qui séparent Arles de la Costière.
2 Ugernum.
8Beaucaire, Gard
a. michelozzi
9Sources antiques
10– Gobelets de Vicarello : UGERNUM (III, I), UGERNO (IV) ;
– Table de Peutinger : UGERNO ;
– Anonyme de Ravenne : UGERNON.
11Antériorité de la voie ou de l’agglomération
12Les sources antiques font connaître Beaucaire/Ugernum comme un relais routier en bordure du Rhône sur la via Domitia à XV milles de Nîmes et à IX milles d’Arles.
13Pour le franchissement du fleuve à Beaucaire, on conserve le témoignage de Strabon (Géographie IV, 1.3) qui, à deux reprises, associe Ugernum et Tarusco (Tarascon) dans la description du tracé de la voie et la mention de Traiectum Rhodani, à un mille de Beaucaire, sur le quatrième gobelet de Vicarello (seconde décennie de n.è.). Les trois autres gobelets, en mentionnant Arles entre Ugernum et Ernaginum (Saint‑Gabriel, commune de Tarascon) attestent que Beaucaire était, vers le changement d’ère, un passage obligé pour se rendre de Nîmes à Arles par une route sur la rive droite du Rhône avant le passage du fleuve ; ce tracé est confirmé par la Table de Peutinger, ce qui montrerait que cette situation s’est perpétuée durant tout le Haut‑Empire. Il est permis de supposer avec quelque vraisemblance que l’agglomération des iie et ier s. av. J.‑C. s’est développée auprès du vieux chemin indigène –la voie Héracléenne– que les Romains, selon Polybe, aménageront vers le milieu du iie s. av. n.è. et qui deviendra un peu plus tard la via Domitia.
14Relation entre voie et trame urbaine
15Les recherches archéologiques ont montré que le réseau actuel des rues ne correspond pas à une trame urbaine antique. Cependant, le plan de la ville moderne et de ses abords conserve l’empreinte d’un réseau de voies dont l’origine antique est bien attestée par la présence de plusieurs nécropoles. Ce réseau est reconnaissable dans le chemin des Romains et son prolongement par les rues de la Solidarité, E.‑Jamais et des Bijoutiers qui correspondent à la via Domitia, tandis que la D 986 et les rues de Nîmes et de la République perpétuent une route de piémont qui rejoignait la voie conduisant à l’oppidum du Marduel (Remoulins). Ces deux axes convergent et aboutissent à l’ancienne place du marché –le forum du Moyen Âge– c’est là, jusqu’aux xviie/xviiie s., que se tenaient le centre administratif de Beaucaire et la principale issue de la ville sur le Rhône. C’est ce réseau qui a dû former l’ossature de la ville basse à l’époque préromaine et romaine. Il influencera plus tard la trame urbaine médiévale qui se développera en éventail le long de ces axes, oblitérant en partie la via Domitia dans les quartiers occidentaux de l’agglomération.
16Entrée et sortie de la ville
17Nous avons déjà signalé que le franchissement du Rhône devait se faire, à haute époque, à Beaucaire ; les témoignages antiques, la configuration du réseau routier et notamment le point de convergence de voies vers le fleuve à l’est de la ville autour duquel se développera, jusqu’à une époque récente, le cœur de la cité (marché, maison de ville, port, pont…) semblent bien s’accorder sur ce point. À l’ouest, l’approche d’Ugernum (fig. 15) était marquée par un important carrefour (les Cinq‑Coins), dont l’antiquité est attestée par les nécropoles bordant les voies qui en partent. Il formait une sorte « d’échangeur » à partir duquel on pouvait se diriger vers Arles, Nîmes, Le Marduel (Remoulins) ou Espeyran (Saint‑Gilles). Quant à l’entrée en ville, elle se faisait par la via Domitia, à travers un espace funéraire (nécropole des Marronniers) qui encadrait la route.

FIG. 15 ‒ Ugernum : voies, nécropoles et habitat du Ier s. av. n.è. et du Haut‑Empire et leur situation dans le paysage urbain moderne. 1 L’habitat de hauteur ; 2 la ville basse antique sous l’agglomération moderne ; 3, 4, 5, 7 successivement : nécropole du Sizen, des Marronniers, du Canal et des Colombes ; 6 carrefour des Cinq‑Coins ; 8, 9, 10, 11 successivement : chemin des Romains, rue de la Solidarité, E.‑Jamais et des Bijoutiers ; 12, 13, 14 successivement : D 986, rues de Nîmes et de la République.
d’apr. And. M., V.T./MSH del.
18Nécropoles
19L’antiquité du réseau routier est confirmée par la présence de quatre nécropoles qui s’étendaient le long des voies de la périphérie occidentale de la ville.
20Le Sizen
Cette nécropole, utilisée depuis la fin du iie s. av. n.è. et durant tout le Haut‑Empire, se place de part et d’autre de la voie qui, à partir du Rhône et à travers la localité, rejoignait la route vers l’oppidum du Marduel (Remoulins).
21Les Marronniers
Très proche de la ville, ce cimetière se trouvait dès le début du iers. av. n.è. en bordure de la via Domitia ; en fonction jusqu’à la fin du Haut‑Empire, cette nécropole s’étendra sur une grande surface.
22Les Colombes
Placée sur la route nord‑sud qui, depuis le carrefour des Cinq‑Coins menait à Rémoulins, cette petite nécropole a été en usage aux iie et ier s. av. n.è.
23Le Canal
Cette zone funéraire se trouvait le long de la voie d’Arles, au sud du carrefour des Cinq‑Coins ; son activité semble occuper les trois premiers siècles.
24Ces nécropoles ont livré deux types d’enfouissement : les incinérations (les plus nombreuses) dans des caissons de dalles ou des monolithes creusés, sous des tuiles ou dans des amphores globulaires ; les inhumations dans des fosses à même le sol. Des stèles inscrites signalaient parfois les sépultures. Il existait aussi des tombes plus monumentales qui se paraient d’éléments architecturaux ou de groupes sculptés (Les Marronniers, Le Canal).
Bibliographie
25Bessac et al. 1987.
26Lombard, Michelozzi 1975.
3 Nemausus.
27Nîmes, Gard
m. monteil
28Sources antiques et médiévales
29– Gobelets de Vicarello : NEMAUSUM (III, II, I, IV) ;
– Table de Peutinger : NEMUSO ;
– Itinéraire d’Antonin : NEMAUSUM (I, II) ;
– Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem : civitas NEMAUSO ;
– Anonyme de Ravenne : NEMAUS, NEMAUSUS ;
– Chronicon Albeldense : NEUMASE.
30Antériorité de la voie ou de l’agglomération
31Les premiers indices tangibles de l’existence d’un habitat groupé sur les pentes du mont Cavalier ne sont attestés qu’à compter de l’extrême fin du vie s. av. J.‑C. (Py 1981 : 116). La via Domitia est donc, de fait, très postérieure à la naissance de l’agglomération.
32Découvertes récentes1
33En 1989, à l’angle de l’avenue Georges‑Pompidou (anciennement du Cadereau) et des rues du Mail et de l’Abattoir, une opération de sauvetage programmé (résidence Jean‑Lasserre) a permis de mettre en évidence une voie sur talus, de direction nord‑sud, dont la construction a nécessité un apport important de remblais (fig. 16, 1). Daté du courant de la seconde moitié du iie s. av. J.‑C., cet axe majeur s’enrichit, à la fin du ier s. av. J.‑C., d’une vaste place jouxtant une porte de l’enceinte augustéenne en tous points comparable à la porte d’Auguste2.
34En 1990, une opération, sur un secteur de la ville compris entre les Halles centrales et le boulevard Gambetta (ZAC des Halles), a permis d’observer une voie, de direction est‑ouest, conçue comme une vaste tranchée artificielle de forme concave, et datée du dernier quart du iie s. av. J.‑C. (fig. 16, 2)3. Celle‑ci suit quasiment l’axe de l’actuelle rue Nationale, depuis longtemps interprétée comme la réactivation du tracé de la via Domitia à l’intérieur des remparts augustéens, et aboutit, vers l’est, à la porte d’Auguste (fig. 16, 3).

FIG. 16 ‒ Plan de Nîmes. 1 Fouille Jean‑Lasserre ; 2 fouille ZAC des Halles ; 3 porte d’Auguste ; 4 source de la Fontaine ; 5 tour Magne ; 6 forum ; 7 porte de France.
d’apr. Benoît 1980
35De ces informations récentes et encore partiellement inédites, il ressort :
‒ l’existence de deux voies datées des années 150‑100 av. J.‑C. ;
‒ l’importance des travaux qui ont présidé à leur construction (remblaiement d’une part, terrassement d’autre part) ;
‒ leur rapport de proximité avec deux voies naturelles, en l’occurrence, dans le premier cas, un cadereau, et dans le second, l’exutoire naturel de la Fontaine4, ainsi que leur situation extra muros par rapport à l’oppidum ;
‒ l’implantation sur leur axe, à l’époque augustéenne, de deux portes monumentales de l’enceinte ;
‒ leurs relations avec des nécropoles de grande ampleur.
36De plus, dans le cas de la voie de Jean‑Lasserre, F. Germer‑Durand, relatant, à la fin du xixe s., les travaux de poursuite de l’actuel boulevard Jean‑Jaurès et des rues afférentes en direction de la route de Montpellier, note l’existence d’« une voie secondaire, latérale au Cadereau, et qui, descendant du nord au sud, allait aboutir à la via Domitia, représentée aujourd’hui par le Chemin vieux de Montpellier »5. Aux abords, de très nombreuses sépultures ont été exhumées (Germer‑Durand 1872 ; Vidal 1990). Le repositionnement de ces informations sur le cadastre napoléonien, permet d’assimiler cet axe à un probable prolongement de la voie de Jean‑Lasserre. Enfin, la voie de la ZAC des Halles constitue le prolongement exact de la via Domitia reconnue dans l’axe parfaitement rectiligne qui relie Beaucaire à Nîmes6. L’étude du bornage de ce tronçon a permis de situer son origine à environ 100 m à l’intérieur des remparts augustéens, à l’angle des rues Nationale et Xavier‑Sigalon (Fiches et al. 1987 : 73), et non pas au niveau de la colonne centrale de la porte d’Auguste comme on l’a longtemps cru (Pelet 1842 : 241).
37De tout ceci, il nous faut conclure que les tronçons de voie découverts à Jean‑Lasserre et à la ZAC des Halles font, selon toute vraisemblance, partie intégrante de la via Domitia créée au lendemain de la conquête ou peu avant.
38À l’origine, il est probable que ces deux voies venaient se rencontrer au niveau de la Fontaine, c’est‑à‑dire au pied du mont Cavalier, emplacement de l’oppidum préromain (fig. 16, 4‑5). Cette hypothèse repose sur la poursuite virtuelle des portions reconnues vers l’est et le nord, mais également sur le fait que le forum n’existant pas encore à ce moment‑là (étude en cours de M. Célié et C. Pellecuer), le point d’attraction le plus probable ne pouvait être matérialisé que par la Fontaine, lieu de culte indigène (Sauvage 1992)7.
39Relation entre voie et trame urbaine
40Il est difficile d’aborder le problème du rapport entre ce réseau viaire et la trame urbaine d’époque républicaine. En effet, les tronçons de voie fouillés sont situés, pour cette période, en dehors de l’agglomération. À la ZAC des Halles, la voie s’insère dans un paysage de campagne cultivé dès le ve s. av. J.‑C. Son tracé sinueux, induit par une forte contrainte topographique, marquée au nord, par le passage d’une rivière, va influer sur l’organisation du terroir, au début du ier s. av. J.‑C. À cette époque, le site est en grande partie modifié par la construction d’un système de terrasses cultivées et irriguées. Toutes les orientations de ce nouveau paysage construit par l’homme sont directement influencées par le tracé de la via Domitia et se développent en éventail (Poupet et al. 1993 ; Monteil 1993). Ce système, déjà pressenti par J. Benoit, va subsister au Haut‑Empire (Benoit 1981 : 84‑85).
41À l’époque augustéenne, qui voit la mise en place d’une parure monumentale –création du forum (fig. 16, 6), de l’augusteum, de l’enceinte–, il est peu probable que le tracé de la via Domitia à l’intérieur de la ville ait changé. Contre cette hypothèse, il faut signaler l’idée, longtemps admise, selon laquelle la via Domitia entrait par la porte d’Auguste, suivait l’actuelle rue Nationale, puis bifurquait à l’angle du forum, pour ressortir par la porte de France (fig. 16, 7). Il ne s’agit là que d’une application, sur le plan de la ville, d’un quadrillage orthonormé dont la crédibilité a depuis longtemps été remise en cause8. À l’appui du maintien en l’état du système antérieur, vient le positionnement, sur les deux tronçons de voie évoqués ci‑dessus, de deux portes monumentales de l’enceinte augustéenne. Ces deux points d’articulation entre ville et campagne ont une apparence propre à souligner une entrée dans la ville manifestement plus imposante que l’entrée unique de la porte de France (fig. 16, 4). De plus, la voie de la ZAC des Halles devient, dès le changement d’ère, un axe majeur de l’urbanisme augustéen. Bien que la réalité d’une (ou de plusieurs) cadastration(s) de la ville ne soit pas encore totalement mise en évidence, cet axe peut être considéré, dès lors, comme le decumanus maximus de la ville9. L’événement le plus éloquent de la vie de cet axe intervient, à l’époque flavienne, avec la pose d’un puissant dallage qui accentue l’importance de cette rue, que l’on peut prolonger jusqu’au forum, qu’elle borde au nord, et au‑delà. De même, des vestiges de dalles identiques, découverts à la porte de Jean‑Lasserre et datés de la même période, suggèrent le même type d’attention.
42Du point de vue des relations plus spécifiques avec la trame urbaine, l’exemple de la ZAC des Halles démontre que le parcellaire en éventail du ier s. av. J.‑C. est conservé et amplifié avec l’urbanisation augustéenne. Plus loin vers l’ouest, sans doute au niveau du forum, la via Domitia devait se redresser et adopter un tracé plus rectiligne, en accord avec les orientations de Vaugusteum et du forum10. La voie de Jean‑Lasserre ne peut encore, en l’absence d’étude complète, être mise en relation avec la structuration urbaine11.
43Entrées de la ville, monuments
44Dès l’époque augustéenne, avec la construction de l’enceinte, deux portes monumentales marquent les points de pénétration de la via Domitia dans la ville (Varène 1992). La première, dite d’Auguste, comprend deux arches centrales réservées aux véhicules et deux passages latéraux, moins larges de moitié, servant d’accès aux piétons, le tout encadré par deux tours. Vers l’intérieur de la ville, le monument est prolongé par une cour, bordée de galeries couvertes. En façade, la porte, construite en grand appareil, est décorée de pilastres corinthiens et de deux avant‑corps de taureaux et comprend deux niches qui abritaient peut‑être des statues. Entre les deux passages centraux, une colonne a longtemps été interprétée à tort comme l’origine du bornage de la via Domitia entre Nîmes et Beaucaire. Enfin, l’ouvrage est couronné par une inscription dédicatoire qui précise la date de construction de l’enceinte (Fiches, Garmy 1982 : 59 ; Pelet 1848 ; Germer‑Durand 1878). La seconde porte, située au bord du Cadereau, est uniquement conservée en fondation et occupe une emprise au sol équivalente à celle de la porte d’Auguste. Une étude attentive des fragments architectoniques devrait permettre de pousser plus loin les comparaisons.
45Nécropoles et mausolées
46L’axe matérialisé par la voie du Cadereau puis par la route de Montpellier apparaît visiblement comme l’épine dorsale d’une vaste nécropole12. Des travaux, effectués en 1871, et liés à la poursuite du Cours Neuf (actuel boulevard Jean‑Jaurès) jusqu’à la route de Montpellier, ont livré plusieurs sépultures à incinération du iers. av. J.‑C. et du Haut‑Empire (Germer‑Durand 1872 ; 1875 ; Espérandieu 1932 ; Py 1981 : 153‑160 ; Py 1981 : 161‑167). Plus loin, le long de l’ancien Chemin de Montpellier, aux abords du Pont Biais, des tombes à incinération du ier s. av. J.‑C. et des ier/iie s. ap. J.‑C., des inhumations, des stèles ainsi que de probables ustrina ont pu être observés ou fouillés à maintes reprises (Mazauric 1910 ; 1911). Le long des rue et route de Beaucaire, de nombreuses découvertes attestent également l’existence d’une vaste nécropole s’articulant autour de la via Domitia. Ainsi plusieurs sépultures à incinération ont pu être observées sous la future ZAC des Carmes, entre le xixe et le xxe s. (Revoil 1867 ; Vidal, Célié 1989). Récemment, rue Condé, un probable monument funéraire a pu être mis au jour (cf. infra, Schwaller, part. 3, § 1.1). Plus loin vers l’est, au croisement de la rue Ernest‑Daudet et du boulevard Talabot, au bord de la route de Beaucaire, ce sont les substructions d’un mausolée, des bûchers funéraires, des tombes à incinération (dont une de la deuxième moitié du iie s. av. J.‑C., dite « de l’octroi de Beaucaire » [Py 1981 : 141‑148]) et un sarcophage, un cercueil de plomb qui ont pu être dégagés (Vigne 1899). Toujours le long de la route de Beaucaire, à l’angle de la rue Jacquerot, de nombreux fragments d’architecture, découverts dans un dépotoir, permettent de restituer un grand monument funéraire (Varène 1970). Enfin, bien que cette liste soit loin d’être exhaustive, ajoutons‑y, pour conclure, les tombes à incinération, les murs et le probable mausolée du Clos d’Orville (Lassalle 1990a).
47Évolution et changements du tracé
48Les deux tronçons reconnus évoluent au rythme d’une succession de recharges empierrées, témoins d’une volonté de maintien en bon état, Jusqu’à un mode de couvrement plus imposant, un dallage de blocs calcaires, à l’époque flavienne. Il n’y a vraisemblablement pas de changement du tracé dans la ville. Celui‑ci est maintenu au moins jusqu’au ve s. pour la voie de Jean‑Lasserre, époque à laquelle il est interrompu par un fossé, et jusqu’au xive s. à la ZAC des Halles. Cependant, à l’époque augustéenne, la construction de l’enceinte se double de la mise en place d’un système viaire périphérique, intra et extra mures, qui peut être restitué, selon toute vraisemblance, entre au moins la porte découverte sous la résidence Jean‑Lasserre et celle d’Auguste. Cet itinéraire de délestage devait avoir pour principal intérêt de relier entre elles les portes de la façade sud des remparts, mais également les portions de via Domitia allant vers Beaucaire et Ambrussum, tout en permettant aux voyageurs pressés d’éviter le cœur urbain (Monteil 1990a).
49Structure de la voie
50À l’origine, les deux tronçons récemment fouillés sont situés hors la ville. Celui de la fouille de Jean‑Lasserre s’est implanté, en partie, dans une faible dépression naturelle. Son installation a donc nécessité, pour rattraper le niveau topographique environnant, un exhaussement de l’ordre de 1 m à 1,50 m d’épaisseur, sur une largeur de près de 8 m. Le sommet de ce talus artificiel est recouvert d’un empierrement compacté et solidement contrebuté, de chaque côté, par du sable. Plus loin vers le nord, ce système se poursuit, mais le profil plus plan des sols entraîne une réduction progressive de l’épaisseur des remblais d’exhaussement. Ce type de construction s’explique, ici, par un creux dont le franchissement s’avérait nécessaire, mais également par la proximité d’un cours d’eau aux réactions violentes. Celui de la ZAC des Halles, au contraire, résulte d’un terrassement de masse du terrain sur une profondeur de l’ordre d’un mètre pour une largeur d’environ 10 m. Au fond de cette vaste tranchée, un empierrement de galets et de cailloutis sert de surface de circulation. De part et d’autre, des murs de terrasse protègent la voie des glissements des terres qui la surplombent. Ce type de voie en creux, dont on rencontre de nombreux exemples dans le sud de la France, joue un rôle certain dans l’évacuation des écoulements hydriques de surface et participe au drainage des sols cultivés. Cette volonté de régulation est encore accentuée ici par le paysage environnant, sorte d’anse humide fréquemment inondée (Poupet et al. 1993).
51À l’époque augustéenne, la portion de voie de Jean‑Lasserre est totalement oblitérée par la porte de l’enceinte et par une vaste esplanade empierrée recouvrant ses abords intra et extra mures. Les dimensions importantes de celle‑ci ainsi que les traces d’ornières observées l’assimilent à une zone de distribution viaire, point de contact entre plusieurs voies se dirigeant vers les quartiers de la ville et d’autres venant de la campagne. À la ZAC des Halles, la voie, préalablement ramenée à une surface plane par le biais de recharges successives, est recreusée pour permettre l’installation d’un vaste collecteur qui suit son tracé, puis immédiatement rétablie dans sa fonction d’axe de circulation empierré. Enfin, à l’époque flavienne, ce même tronçon, et de façon moins certaine celui de Jean‑Lasserre, sont recouverts d’un dallage de blocs calcaires soigneusement agencés, sorte de conclusion monumentale à une évolution dont les fondements sont ancrés dans le dernier quart du iie s. av. J.‑C.
52À l’extérieur de la ville du Haut‑Empire, la via Domitia a également pu être observée au Clos d’Orville (fig. 16, 5) où V. Lassalle a pu observer « un petit mur de soutènement, parementé extérieurement de petits moellons et bordé d’un caniveau couvert de dalles, qui maintenait, sur son côté nord, le remblai de la voie antique, fait de plusieurs niveaux de cailloutis liés par du mortier... » (Lassalle 1990b : 29‑30). Depuis 1993, de nouvelles fouilles ont permis de compléter le tracé de la via Domitia aux abords de l’agglomération. Du côté oriental : recharges empierrées, fossé et mur bordier au 159, route de Beaucaire et au Silo (Lemerle, in : Massy 1993 : 72 ; Manniez, Hervé, in : Garmy 1995 : 81). Au sud‑ouest, dans le prolongement de la voie de Jean‑Lasserre, nouveau tronçon reconnu au 7, rue Puech‑du‑Teil. Sur ce site, dans le courant du ier s. ap. J.‑C., un probable arc de triomphe est construit à cheval sur la route (Manniez, in : Garmy 1995 : 80‑81).
Bibliographie
53Benoit 1981 : BENOIT (J.). — Nîmes : études sur l’urbanisme antique. Problèmes de méthode et résultats. BEAN, 16, 1981, p. 69‑90.
54Bessac et al. 1987.
55Bondurand 1920‑21.
56Célié et al. 1994.
57Espérandieu 1932 : ESPÉRANDIEU (E.). — Mobilier funéraire de provenance nîmoise. Le vieux Nîmes, 4‑5, 1932‑33, p. 45‑47.
58Fabre, Pey 1991 : FABRE (G.), PEY (J.). — En Garrigue nîmoise. Nîmes : END, 1991. 141 p.
59Fiches, Garmy 1982 : FICHES (J.‑L.), GARMY (P.). — Nîmes gallo‑romaine. In : HUARD (R.) dir. — Histoire de Nîmes, Aix‑en‑Provence : Édisud, 1982, p, 45‑106.
60Garmy 1995 : GARMY (P.) dir. — Bilan scientifique du service régional de l’Archéologie du Languedoc‑Roussillon, année 1995. Montpellier : ministère de la Culture, sous‑direction de l’Archéologie, 1996.198 p.
61Germer‑Durand 1872 : GERMER‑DURAND (E.). — Découvertes archéologiques faites à Nîmes et dans le Gard pendant l’année 1871. MAN, 1872, p. 94‑101.
62Germer‑Durand 1875 : GERMER‑DURAND (E.). — Découvertes archéologiques faites à Nîmes et dans le Gard pendant l’année 1872. MAN, 1875, p. 68‑111.
63Germer‑Durand 1878 : GERMER‑DURAND (E.). — La Porte d’Arles et le château royal de Nimes. Nîmes, 1878.
64Guillet et al. 1992 : GUILLET (E.), LELIÈVRE (V.), PAILLET (J.‑L.), PISKORZ (M.), RECOLIN (A.), SOUQ (F.). — Un Monument à portique tardo‑hellénistique près de la source de la Fontaine, à Nîmes (Gard). DAM, 15, 1992, p. 57‑89.
65Grenier 1960 : GRENIER (A.). — Manuel d’archéologie gallo‑romaine, 4e partie : les monuments des eaux. Paris : Picard, 1960, 2 vol.
66Igolen 1936‑38.
67Laforgue 1985.
68Lassalle 1990a : LASSALLE (V.). — Les Nécropoles du Haut‑Empire. In : Archéologie à Nímes, 1950‑1990. Bilan de 40 années de recherche : cat. expo. Nîmes, 1990, p. 31‑34.
69Lassalle 1990b : LASSALLE (V.). — Les Voies. In : Archéologie à Nîmes, 1950‑1990. Bilan de 40 années de recherche : cat. expo. Nîmes, 1990, p. 29‑30.
70Manniez, Monteil 1992 : MANNIEZ (Y.), MONTEIL (M.). — Mémoire retrouvée d’un quartier, archéologie aux abords des Halles de Nîmes. Paris : AFAN, 1992. 34 p.
71Massy 1993 : MASSY (J.‑L.) dir. — Bilan scientifique du service régional de l’Archéologie du Languedoc‑Roussillon, année 1993. Montpellier : ministère de la Culture, sous‑direction de l’Archéologie, 1994. 192 p.
72Mazauric 1910 : MAZAURIC (F.). — Recherches et acquisitions, année 1910. Registre manuscrit. Nîmes : musée archéologique de Nîmes, 1910.18 p.
73Mazauric 1911 : MAZAURIC (F.). — Recherches et acquisitions, année 1911. Registre manuscrit. Nîmes : musée archéologique de Nîmes, 1911.
74Monteil 1990a.
75Monteil 1990b : MONTEIL (M.). — Fouille Jean‑Lasserre. In : Archéologie à Nîmes, 1950‑1990. Bilan de 40 années de recherches : cat. expo, Nîmes, 1990, p. 110‑111.
76Monteil 1993.
77Monteil, Bessac 1993 : MONTEIL (M.), BESSAC (J.‑C.) coll. — Voirie, collecteurs et urbanisme. In : MONTEIL (M.) dir. — Les Fouilles de la ZAC des Halles à Nîmes (Gard). Nîmes : École antique de Nîmes, 1993, p. 137‑166. (Suppl, au BEAN ; 1).
78Pelet 1842 : PELET (A.). — MAG, 1842, p. 241.
79Pelet 1848 : PELET (A.). — Fouilles à la porte d’Auguste à Nîmes. MAG, 1848.
80Poupet et al. 1993 : POUPET (P.), SAUVAGE (L.), MONTEIL (M.). — La Campagne avant la ville. In : MONTEIL (M.) dir. — Les Fouilles de la ZAC des Halles à Nîmes (Gard). Nîmes : École antique de Nîmes, 1993, p. 29‑79. (Suppl, au BEAN ; 1).
81Py 1981 : PY (M.). — Recherches sur Nîmes pré‑romaine. Habitats et sépultures. Paris : CNRS, 1981. 242 p. (Suppl, à Gallia ; 41).
82Revoil 1867 : REVOIL (A.‑H.). — Sépultures gallo‑romaines découvertes dans les fouilles de l’église neuve de St‑Baudille à Nîmes. MAG, 1867, p. 265‑274.
83Sauvage 1992 : SAUVAGE (L.). — Le Sanctuaire protohistorique de la Fontaine à Nîmes à la lumière des découvertes récentes. In : Monuments publics protohistoriques : actes de la table ronde, décembre 1991, Lattes. DAM, 15, 1992.
84Varène 1970 : VARÈNE (P.). — Blocs d’architecture funéraire découverts à Nîmes, Gallia, 17, Paris : CNRS, 1970, p. 91‑125.
85Varène 1992.
86Vidal, Célié 1989 : VIDAL (L.), CÉLIÉ (M.). — ZAC des Carmes, Nîmes (Gard), 1989. Rapport inédit déposé au SRA Languedoc‑Roussillon.
87Vidal 1990.
88Vigne 1899 : VIGNE (A.). — Un Coin du sol nîmois. Bull. corn. d’Art chrét., VII, 1899, p. 42‑66.
4 Ambrussum. Villetelle, Hérault
89Villetelle, Hérault
j.-l. fiches
90Sources antiques
91– Émission monétaire (ier s. av. n.è.) : AMBR ;
– Gobelets de Vicarello : AMBRUSSUM (III, II, I), AMBRUSIO (IV) ;
– Table de Peutinger : AMBRUSIUM ;
– Itinéraire d’Antonin : AMBRUSSUM (I, II) :
– Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem : mutatio AMBROSIO/var. AMBROSI.
92Toutes ces sources localisent la station à 15 milles à l’ouest de Nîmes. En revanche, il n’est pas fait mention du Pons Ambrussi dans le De Bello Gallico comme l’indiquent, à tort, plusieurs auteurs.
93Identification
94Le toponyme antique a été conservé par le pont romain, Pont Ambroix, qui franchit le Vidourle et dont subsiste une arche, quatre autres étant encore en place au xviie s. Depuis le xviiie s., la station a été généralement bien localisée sur la colline qui domine le pont en rive droite.
95Datation
96Occupée au Néolithique final et au ier âge du Fer, la colline d’Ambrussum a été fortifiée et urbanisée au cours du iiie s. av. n.è. et occupée Jusqu’à la fin du ier s. de n.è. (fouilles 1967‑1979). En 1975, la rue principale de l’oppidum, voie pavée creusée de profondes ornières, a été dégagée sur 200 m entre l’entrée est et la place située derrière l’entrée sud, où s’élevait un monument public. Ces aménagements, de même que la réfection de la porte sud de l’oppidum, datent de la fin du ier s. av. n.è.
97Sur la terrasse du Vidourle, située au nord de la colline, les fouilles de 1979 à 1985 ont révélé une nécropole de la première moitié du iie s. av. n.è. et un quartier bas établi dans le troisième quart du ier s. av. n.è. Ce quartier, organisé de part et d’autre d’une rue qui conduit à l’extrémité du pont, a été occupé jusque vers 240.
98Les fouilles conduites au début du siècle par E. Marignan avaient livré des vestiges médiévaux qu’un plan conservé par la Société archéologique de Montpellier permet de localiser à la base du talweg situé à l’est de la colline, en aval du pont. Il s’agit vraisemblablement de la résidence des quatre religieuses de Saint‑Géniès qui furent installées là en 1254, lorsque leur monastère reçut du chapitre de Nîmes la chapelle Notre‑Dame du Pont Ambroix. Un acte notarié en date du 15 juillet 1390 (ADG, II E1‑92) attribue à certains habitants de Gallargues la destruction du Pont Ambrueys.
99Observations archéologiques
100Si l’habitat gallo‑romain intra muros est caractérisé par des maisons à cour intérieure qui imitent le modèle urbain de la domus, la ferme mise au jour dans le quartier bas, avec sa vaste cour ouverte sur la rue par une porte charretière, a pu jouer un rôle d’auberge d’étape. D’autre part, des fouilles dans l’axe du pont ont permis de retrouver, sur la rive droite, deux piles et la culée. Des prospections électriques pratiquées sur la rive gauche ont précisé que l’ouvrage avait à l’origine 11 arches.
101Situation cadastrale
102Commune de Villetelle (Hérault), lieux‑dits Le Devès pour l’oppidum, Le Sablas pour le quartier bas.
Bibliographie
103Fiches 1970.
104Fiches et al. 1976.
105Fiches 1980.
106Fiches 1983.
107Fiches, Richard 1985 : FICHES (J.L.), RICHARD (J.‑C.). — L’Émission monétaire d’Ambrussum (Villetelle, Hérault) au ier s. av. n.è. RAN, XVIII, 1985 p. 381‑387.
108Fiches 1986.
109Fiches 1989.
5 Sextantio
110Castelnau-le-Lez, Hérault
j.-c. richard
111Sources antiques et médiévales
112– Gobelets de Vicarello : SEXTANTIONE (III, IV), SEXTANTIO (II), SEXTANTIONEM (I) ;
– Inscription géographique de Nîmes : SEXTANT ;
– Table de Peutinger : SEXTATIONE ;
– Itinéraire d’Antonin : SEXTATIONE (I), SEXTANTIONE (II) ;
– Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem : mutatio SOSTANTIONE/var. SUSTANCIONE ;
– Anonyme de Ravenne : SESTANTIONE, SEXTANTIONE ;
– Théodulphe, évêque d’Orléans : SEXTANTIO ;
– Chroniques de Saint‑Denis : SUBSTAN‑CIUM.
113La station est située à 15 milles d’Ambrussum à l’est et à 15 milles de Forum Domitii à l’ouest.
114Identification
115Le toponyme antique est très bien attesté à travers le Moyen Âge jusqu’à l’époque contemporaine où la forme Substantion prédominera. Depuis le xviiie s., le site est localisé de part et d’autre de la voie romaine, surplombant le passage du Lez qui a pu être assuré par un pont dont les piles ont été observées.
116Datation
117Les recherches archéologiques anciennes (xixe s.) et celles des quarante dernières années ont permis de montrer une occupation importante au premier et second âges du Fer et à l’époque romaine. Des vestiges des périodes antérieure et postérieure ont été reconnus, mais de façon plus sporadique. L’enceinte en pierre sèche, qui avait fait l’objet de recherches en 1833‑1835, a rapidement disparu, si bien qu’aujourd’hui aucune courtine n’est visible, et que la datation de cet ensemble n’est pas assurée, bien qu’il y ait tout lieu de penser qu’il soit préromain.
118Observations archéologiques
119Le site n’ayant pas été préservé des lotissements, il reste très difficile de donner de la cohérence à ces informations disparates. Ni le tracé précis des fortifications (remparts et portes), ni celui de la via Domtitia (ou d’une voie antérieure) n’ont pu être exactement repérés et mis au jour. Aucun plan complet d’habitation n’a pu être établi. Le problème de la nécropole reste posé. Le franchissement du Lez reste à étudier dans l’hypothèse d’un pont à l’époque romaine.
120Situation cadastrale
121Commune de Castelnau‑le‑Lez (34) ; les lieux‑dits, sauf celui de Substantion, sont de date récente (Mas du Diable, Navitau…).
Bibliographie
122Richard 1973 : RICHARD (J.‑C.‑M.). — La Région montpelliéraine à l’époque préromaine (750‑121 av. J.‑C.). Bruxelles, 1973, p. 33‑38.
123Ramonat, Sahuc 1988 : RAMONAT (R.), SAHUC (M.). — Les Tombes à incinération gallo‑romaines de Navitau, à Castelnau‑le‑Lez (Hérault). AL, 4, 1988, p. 145‑164.
124Ramonat, Sahuc 1989 : RAMONAT (R.), SAHUC (M.). — Un Four de potier gallo‑romain à Navitau, Castelnau‑le‑Lez (Hérault). AL, 4, 1989, p. 107‑110.
6 Forum Domitii
125Montbazin, Hérault
m. lugand
126Sources antiques
127– Gobelets de Vicarello : FORO DOMITI (iii, iv), FORUM DOMITI (II, I) ;
– Table de Peutinger : FORO DOMITII ;
– Itinéraire d’Antonin : FORO DOMITI (I, II) ;
– Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem : mutatio FORO DOMITI.
128Forum Domitii y figure entre Sextantio (Castelnau‑le‑Lez) et Cessero (Saint‑Thibéry)13, à 45 milles à l’ouest de Nîmes.
129Identification
130Les historiens des xviiie et xixe s. proposent plusieurs localisations ; le débat est tranché par J.‑P. Thomas (1820 et 1827) qui, grâce au report des distances figurant sur les documents antiques, localise la station à Montbazin. Seules quelques découvertes fortuites, peu spectaculaires, donnent une dimension archéologique à cette identification (Bonnet 1930 ; Barruol 1964 et 1978 ; Rouquette, Thomas 1969). Il faudra attendre les années 1970 pour que les ramassages de surface de L. Albagnac et V. Serneels (Albagnac 1972 ; Rigoir 1972 ; Richard et al. 1978 ; Serneels 1983) révèlent l’emprise et la chronologie du site. En 1985, 1989 et 1992 plusieurs sondages, bien que très localisés, complètent les données de la prospection (Lugand 1992).
131Datation
132L’importante quantité de numéraire et le mobilier céramique mettent en évidence une occupation continue durant tout l’Empire romain. Les documents républicains sont rares mais présents. L’élément le plus ancien, malheureusement découvert hors contexte, est un denier de Narbonne frappé en 118 av. J.‑C. Les monnaies les plus tardives appartiennent à la fin du ive s.
133Observations archéologiques
134L’identification de Forum Domitii au site placé au contact de l’agglomération de Montbazin n’est plus mise en doute. La prospection a permis de cerner une concentration de mobilier sur 7 ha. Mais la convergence des découvertes fortuites et des témoignages permet d’estimer l’emprise de l’agglomération antique à plus de 10 ha. La fondation du relais est difficile à cerner. Si les historiens l’attribuent volontiers à Domitius Ahenobarbus14 lui‑même, la documentation archéologique ne semble pas pouvoir remonter au delà du ier s. av. J.‑C., la monnaie de 118 étant le seul indice d’une fondation contemporaine de la voie. L’activité principale semble se limiter aux deux premiers siècles de notre ère, l’abandon ayant lieu au plus tard dans la première moitié du ves. La découverte d’une tombe contenant du mobilier du haut Moyen Âge pose le problème d’une continuité d’occupation pour cette période.
135Les sondages ont permis de localiser la voie en bordure de la terrasse qui longe ici l’actuel Chemin des Romains. Comme à Florensac ou à Pinet, le niveau de roulement est constitué d’un cailloutis compacté. Au nord, une zone d’extraction de blocs a été installée, au contact du massif calcaire des Cresses. Dans le même secteur, des restes d’architecture monumentale peuvent correspondre soit à un habitat luxueux, « domus dominant la ville basse », soit aux éléments d’une enceinte. Au ier s., l’expansion du site se traduit par l’installation de nouveaux quartiers, à l’ouest, gagnés sur la zone hydromorphe par la mise en place de puissants remblais argileux. L’habitat, modeste (architecture de terre, absence de sols en dur), semble avoir une vocation artisanale (importants dépôts de scories de fer). Les matériaux de construction plus luxueux se rencontrent au centre du site, de part et d’autre de la voie. On y signale de puissantes architectures, la présence d’un imposant réseau d’égout, la découverte d’éléments architectoniques.
136Relais sur la via Domitia, fondation éponyme, Forum Domitii a probablement Joué un rôle dynamique dans la politique de romanisation de la région du bassin de Thau, frontière traditionnelle entre les zones d’influence ibérique et italienne. Son activité commerciale et artisanale est importante durant le Haut‑Empire. Autour de l’agglomération, le bassin de Montbazin est occupé par plusieurs domaines agricoles dont le plus vaste, la villa des Avenasses, est associé à la nécropole ayant livré le cippe funéraire de C. Vettius Hypni. Enfin, un atelier de potier produisant tuiles et amphores gauloises a été localisé en bordure de la Vène, à peu de distance de l’agglomération.
137L’abandon de celle‑ci, comme des autres établissements, est consommé à la fin de l’Antiquité, sans que l’on puisse connaître le phénomène qui conduira à la formation du village médiéval15 à quelques centaines de mètres de là.
Bibliographie
138Albagnac 1972 : ALBAGNAC (L.). — Monnaies romaines de Montbazin. BSESS, IV, 1972, p. 61‑80.
139Barruol 1964 : BARRUOL (G.). — Informations archéologiques. Gallia, XXII, 1964, p. 494.
140Barruol 1978 : BARRUOL (G.). — Informations archéologiques. Gallia, XXXVI, 1978, p. 443.
141Bonnet 1930 : BONNET (E.). — Antiquités et monuments du département de l’Hérault. 1930, p. 285‑286.
142Cart. Gulllems : GERMAIN (A.), CHABANNEAU (C.) éd. — Cartulaire des Guillems de Montpellier, Liber instrumentorum memoralium. Montpellier : Société archéologique de Montpellier, 1884‑1886, p. 612.
143Lugand 1992 : LUGAND (M.). — Rapport de fouilles, 1992 (rapport inédit déposé au SRA Languedoc‑Roussillon).
144Richard et al. 1978 : RICHARD (J.‑C.), DEPEYROT (G.), ALBAGNAC (L.). — Étude des découvertes et de la circulation monétaire dans la région de Montpellier. Numisma, 150‑155, Madrid, 1978.
145Rigoir 1972 : RIGOIR (J. et Y.). — Les DSP de la zone littorale du département de l’Hérault. BSESS, IV, 1972, p. 112.
146Rouquette, Thomas 1969 : ROUQUETTE (D.), THOMAS (J.‑M.). — Montbazin. BSESS, I, 1969, p. 33.
147Serneels 1983 : SERNEELS (V.). — Rapport de prospection, 1983. Rapport inédit déposé au SRA Languedoc‑Roussillon.
148Thomas 1820 : THOMAS (J.‑P.). — Annuaire du département de l’Hérault. Année 1820.
149Thomas 1827 : THOMAS (J.‑P.). — Mémoire historique sur Montpellier et le département de l’Hérault. 1827.
7 Frontiana
150Mèze, Hérault
j. laforgue et j. kotarba16
151Sources antiques
152– Gobelet de Vicarello IV : FRONTIANA.
153L’unique mention de cette station routière figure telle quelle sur le quatrième gobelet de Vicarello considéré comme le plus récent (fin du règne d’Auguste).
154Identification et datation
155En 1950, Frontiana fut localisé par R. Arnaud et E. Candie (1952), à proximité du tracé reconnu de la via Domitia, au niveau du secteur de Saint‑Paul, important fief médiéval cité à de nombreuses reprises dans des textes médiévaux. Les reconnaissances menées par D. Rouquette à cet endroit n’ont jamais permis de prouver l’existence d’une implantation romaine sur ce lieu (Rouquette 1971).
156Le report des distances figurant sur le vase donne comme localisation probable, la portion de via Domitia comprise entre le Mas Garric et la Font Perdigal (Laforgue 1985 : 412). Aux extrémités de ce secteur de près de 2 km de long, deux établissements gallo‑romains ont été repérés. Tous les deux, sur la commune de Mèze, sont en bordure de la voie et placés au franchissement d’un cours d’eau. Le site le plus à l’est, Font du Perdigal, se trouve au franchissement du ruisseau Pallas. Il a été découvert par D. Rouquette (1974‑75 : 111 ; 1976‑77 : 118) qui y a observé une sorte de dépotoir sur une longueur de 30 m à plus d’un mètre de profondeur. Des prospections plus récentes menées par J. Laforgue (1985) puis M. Lugand ont permis de mettre en évidence dans la coupe d’un talus des restes d’architecture en relation avec des niveaux archéologiques. Le mobilier trouvé durant ces différentes interventions indique une occupation sur le Haut‑Empire et plus précisément la seconde moitié du ier s. et la première moitié du iie s. Au sud de la coupe, sur plusieurs parcelles et sur près de 2 ha, on trouve du mobilier antique du Haut‑Empire, ainsi que des fragments de dolium assez nombreux. La profondeur d’enfouissement des vestiges de la coupe rend difficile l’interprétation des données de surface et leur donne une fiabilité réduite.
157Le second site, le plus à l’ouest, est celui du Mas Garric. Il se trouve au franchissement du ruisseau Aigues Nay. Il a été découvert en 1983 par D. Rouquette (Nickels, Barruol 1983 : 523) qui a observé des tombes de la fin de l’Antiquité détruites par des labours. Ce gisement, comme le précédent, a fait l’objet de nouvelles prospections en 1985 et 1986, qui ont montré la présence des restes très détruits d’un sarcophage en calcaire coquillier au niveau des tombes découvertes par D. Rouquette, ainsi que sur une grande surface, entre le Mas Garric et la Vitarelle, la présence de mobilier antique diffus allant de la Protohistoire au Bas‑Empire. Enfin, la pose d’une canalisation de gaz en bordure directe de la voie et des informations orales de propriétaires ont permis de localiser un secteur d’au moins 30 m de long où des niveaux archéologiques sont en place dans le sous‑sol. Le mobilier céramique recueilli est datable des années 70 à 150 de n.è. Il était associé à des fragments d’enduit peint rouge et à un fragment de plaque d’applique en marbre, ce qui laisse supposer l’existence d’une construction à peu de distance.
158Sur ces deux sites, la profondeur d’enfouissement des vestiges ne permet pas d’avoir une idée fiable de leur importance respective. Par conséquent, il est prématuré de vouloir actuellement situer à l’un ou l’autre endroit l’emplacement de la station de Frontiana.
Bibliographie
159Arnaud, Candie 1950 : ARNAUD (R.), CANDIE (E.). — Des Voies romaines de la ville de Mèze et du site de Frontiana. In : actes du i er congrès international d’études ligures, Monaco‑Bordighera‑Gênes (avril 1950). Bordighera, 1952, p. 218‑232.
160Laforgue 1985.
161Nickels, Barruol 1983 : NICKELS (A.), BARRUOL (G.). — Informations archéologiques. Gallia, 41, 1983, p. 523.
162Rouquette 1971 : ROUQUETTE (D.). — BSESS, III, 1971, p. 4‑6.
163Rouquette 1974‑75 : ROUQUETTE (D.). — BSESS, VI‑VII, 1974‑75, p. 111.
164Rouquette 1976‑77 : ROUQUETTE (D.). — BSESS, VIII‑IX, 1976‑77, p. 118.
8 Cessero
165Saint-Thibéry, Hérault
j.-l. fiches
166Sources antiques
167– Gobelets de Vicarello : CESSERONE (III, II), CESSERONEM (I), CESSIRONE (IV) ;
– Pline (HN, III, 36‑37) : CESSERO, oppidum latinum ;
– Carte de Peutinger : CESSERONE ;
– Itinéraire d’Antonin : ARAURA (l’Hérault) sive CESSERONE (I), CESSERONE (II) ;
– Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem : mansio CESSARONE.
168La création d’un monastère dédié à Saint‑Tibère à l’époque carolingienne explique l’abandon du nom antique. L’identification est probable.
169Datation et observations archéologiques
170L’oppidum de Cessero, dit aujourd’hui « Le Fort », domine de 10 à 15 m l’actuel village de Saint‑Thibéry, à la hauteur d’un gué qui permet de franchir l’Hérault. Les fouilles pratiquées dans les années 40 et les sondages récents ont montré que la hauteur avait été occupée au Bronze final lllb et au ier âge du Fer. De rares fragments de céramique campanienne et des tessons ibériques (sombrero de copa) se rapportent à la fin de l’âge du Fer ; mais l’agglomération se situe vraisemblablement alors et à l’époque romaine sous le village actuel. De l’oppidum latinum, on ne connaît qu’une nécropole du Haut‑Empire, découverte au nord de la D 18 qui conserve le tracé rectiligne de la via Domitia à cet endroit (1,5 km à l’ouest du village).
171Situation cadastrale de la nécropole
172Commune de Saint‑Thibéry, section A, parcelles 566 (fouille 1965) et 561 (fouille 1970).
Bibliographie
173Barruol 1969 : BARRUOL (G.). — Informations archéologiques. Gallia, 27, 1969, p. 399.
174Barruol 1973 : BARRUOL (G.). — Informations archéologiques. Gallia, 31, 1973, p. 497.
175Barruol 1978 : BARRUOL (G.). — Informations archéologiques. Gallia, 36, 1978, p. 411.
176Coulouma, Claustres 1943 : COULOUMA (J.), CLAUSTRES (G.). — L’Oppidum de Cessero près de Saint‑Thibéry. Gallia, I, 2, 1943, p. 1‑18.
177Fiches, Massai 1972 : FICHES (J.‑L.), MASSAL (E.). — Une Nécropole en bordure de la via Domitia (Saint‑Thibéry, Hérault). Études sur Pézenas et sa région, III, 2, 1972, p. 4‑14.
178Gallet de Santerre 1966 : GALLET DE SANTERRE (H.). — Informations archéologiques. Gallia, 24, 1966, p. 472.
179Toussaint 1948 : TOUSSAINT (M.). — Trouvailles archéologiques dans les niveaux antiques de Béziers (Hérault). Gallia, 6, 1948, p. 178‑179.
9 Baeterrae
180Béziers, Hérault
c. olive et d. ugolini
181La ville de Béziers a tenu une place importante dans la Province narbonnaise, qui est attestée essentiellement par les découvertes épigraphiques et les sources antiques (fig. 17). La ville moderne s’étant superposée exactement à l’habitat antique, les données purement archéologiques restent très pauvres, ce qui limite considérablement les tentatives d’interprétations fiables.

FIG. 17 ‒ Béziers, plan de l’agglomération : la voie et le découpage urbain.
C.O./MC de/. ; D.U./CNRS de/.

182Sources antiques et médiévales
183– Gobelets de Vicarello : BAETERRA (III), BAETERRAS (II, i, iv) ;
– Table de Peutinger : BETERIS ;
– Itinéraire d’Antonin : BETERRAS (I), BETERRIS (II) ;
– Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem : civitas BITERRIS/var. BETERRIS ;
– Anonyme de Ravenne : BETERORIS, BETERRIS ;
– Chronicon Albeldense : BITTERIS.
184Toutes ces appellations se rapprochent des plus anciens noms connus : Besara (par le texte du ive s. ap. J.‑C. de F.R. Avienus, Ora Maritima, qui pourrait remonter autour du iie s. av. J.‑C.) et Betarratis qui apparaît en caractères grecs sur les monnaies Longostalètes du iie ou du ier s. av. J.‑C.
185Antériorité de la voie ou de l’agglomération
186À ce jour, aucune donnée archéologique ne nous renseigne sur la chronologie ou sur le tracé réel de la voie à l’intérieur de la ville de Béziers. D’après la tradition érudite, qui semble confirmée par l’étude du cadastre et de la photographie aérienne, la voie, venant de Saint‑Thibéry par la route de Bessan et l’avenue Saint‑Saëns, traverserait la ville par les rues Estienne‑d’Orves, du Puits‑des‑Arènes et Canterelles, franchirait l’Orb au Pont‑Vieux et repartirait vers Colombiers. Cette hypothèse n’a jamais pu être vérifiée par des observations archéologiques. Selon une autre proposition, qui paraît toutefois moins heureuse, la voie contournerait la ville par le sud pour traverser l’Orb à gué au niveau du Pont‑Rouge.
187Pour ce qui concerne l’habitat, la ville est attestée au plus tôt à la fin du vie/ début du ve s. av. J.‑C. Un hiatus dans son occupation (ou tout au moins une très importante réduction de sa surface) a pu être mis en évidence durant le iiies. av. J.‑C. La ville est reconstruite et son commerce repart vers 170/150 av. J.‑C. Elle aura le statut de colonie romaine vers 45/44‑36/35 av. J.‑C. sous le nom de colonia urbs Julia Septimanorum Bæterrensis. La ville de Béziers existe donc bien avant la création de la voie en 121, et il n’est pas impossible qu’une voie préromaine ait relié les grands centres urbains du littoral languedocien sur un axe est‑ouest.
188Relation entre voie et trame urbaine
189La via Domitia ne semble tenir aucun compte de la trame ou des trames cadastrales, si l’hypothèse actuelle de son tracé urbain est exacte. Son parcours supposé semble en effet surtout dicté par le souci d’utiliser au maximum la morphologie du terrain naturel.
190Venant de l’est (de Saint‑Thibéry) par la route de Bessan, elle grimpe sur la colline après avoir passé le ruisseau de Saint‑Jean, en empruntant une légère dépression naturelle (avenue Saint‑Saëns) ; elle redescend le long d’un talweg (rue Estienne‑d’Orves), puis par une petite vallée séparant le bloc de la ville de la colline Saint‑Jacques (où est édifié l’amphithéâtre) par la rue du Puits‑des‑Arènes et la rue Canterelles. La dénivellation de cette descente, entre la place Jean‑Jaurès et le Pont‑Vieux, sur 500 m de distance, est de 46 m. La voie traversait probablement l’Orb aux environs immédiats du Pont‑Vieux (peut‑être à son emplacement) pour se diriger ensuite vers Colombiers et Narbonne.
191Entrées de la ville, monuments
192Aucun monument lié à la voie n’a pu être observé à Béziers. La présence d’une enceinte n’est pas assurée, au moins sous le Haut‑Empire. Si quelques éléments architecturaux ou inscriptions appartenant à des monuments romains ont été identifiés dans les blocs utilisés en remploi dans des structures postérieures (du Bas‑Empire et du Moyen Âge), leur emplacement d’origine reste incertain.
193Des essais de localisation ont pourtant été tentés et donnent, autour d’un forum qui serait à l’emplacement de l’actuelle place de la mairie (place G.‑Péri), d’un côté un temple capitolin (rue Flourens) voisin d’un temple du culte impérial (rue P.‑Riquet), de l’autre côté, au sud, un théâtre.
194Le seul édifice parfaitement localisable, archéologiquement attesté et positionné, car il est en élévation par endroits de plusieurs mètres, est l’amphithéâtre, qui est placé sur le flanc occidental de la colline Saint‑Jacques (tangent au tracé supposé de la via Domitia). Sa date de construction se situe autour de 80 ap. J.‑C.
195Le franchissement de l’Orb pose toujours un problème : la majorité des chercheurs s’accorde à le localiser au Pont‑Vieux, soit par un gué, soit par un pont de bois, soit par un pont primitif qui serait le Pont‑Vieux actuel, rhabillé au Moyen Âge. Cette solution paraît la plus probable, mais l’antiquité du pont n’est pas prouvée de manière indiscutable.
196Le seul élément sûrement lié à la voie est une borne milliaire de Tétricus découverte à l’angle de l’avenue Saint‑Saëns et du boulevard de la Liberté, à l’extérieur de la ville antique. Ce milliaire, qui ne porte pas d’indication de distance, est daté de 271.
197Nécropoles
198Encore mal connues, les nécropoles du Haut‑Empire romain se situent à la périphérie de la ville, sur les grands axes routiers au nord et à l’est. La nécropole la plus importante de la ville semble s’étendre à l’est de l’agglomération antique, à partir de la place Jean‑Jaurès, le long de la via Domitia, sur plusieurs kilomètres en direction de Saint‑Thibéry (notamment dans le quartier de l’Hôpital‑Nouvelles Arènes et, plus loin, à Montimas) où ont été découverts anciennement des tombes, des cippes, des statues...
199Une autre nécropole est située sur la voie reliant Pézenas et Lodève (avenue Georges‑Clemenceau, près de l’ancienne Gare du Nord). Il s’agit d’une nécropole constituée de tombes à incinération en coffre ainsi que de tombes en bâtière datées du ier s. À noter à cet endroit, les traces d’un petit bâtiment construit en grand appareil, à identifier probablement comme un mausolée.
200Enfin, sous les casernes, au pied de la colline Saint‑Jacques (avenue de la Marne), la découverte au xixe s. d’éléments d’un monument funéraire pourrait également indiquer la présence d’une nécropole.
201Évolution et changements de tracé
202La voie n’ayant fait l’objet d’aucune recherche de terrain dans la ville, l’étude de son tracé reste fondée sur la persistance des directions conservées dans le parcellaire actuel. De ce fait, il est hasardeux de parler d’évolution du tracé dans l’Antiquité ou de chronologie.
203Structure de la voie
204Les couches constituant la via Domitia n’ont jamais été observées, ni à l’extérieur, ni à l’intérieur de la ville. Le tronçon qui aurait été observé en 1969 à proximité du Pont‑Vieux n’est pas daté précisément.
Bibliographie
205Balardy 1932 : BALARDY (P.). — Cimetière gallo‑romain de Béziers. BSAB, 3e sér., t. 17, 1932, p. 21‑24.
206Clavel 1970.
207Coulouma 1932a : COULOUMA (J.). — Tombes gallo‑romaines à Béziers. CHA. IV, 1932, p. 211‑215.
208Coulouma 1932b.
209Denizot 1958.
210Ginouvez et al. 1993 : GINOUVEZ (O.), MASSY (J.‑L), OLIVE (C.). — Béziers, l’amphithéâtre et le quartier St‑Jacques. Revue des monuments historiques, 187, mai‑juin 1993, p. 8‑12.
211Guy 1962 : GUY (M.). — Béziers. Photo Interprétation, II, 1962.
212Pech 1965.
213Tel 1942.
214Toussaint 1948 : TOUSSAINT (M.). — Trouvailles archéologiques dans les niveaux antiques de Béziers. Gallia, VI, 1948, p. 177‑179.
215Ugolini, Olive 1986 : UGOLINI (D.), OLIVE (C.). — Béziers et les côtes languedociennes dans l’Ora Maritima d’Aviénus (v. 586‑594). RAN, 19, 1986, p. 143‑154.
10 Narbo
216Narbonne, Aude
y. solier
217Sources antiques et médiévales
218– Gobelets de Vicarello : NARBONE (III, II, IV), NARBONEM (I) ;
– Table de Peutinger : NARBONE ;
– Itinéraire d’Antonin : NARBONE (I, II) ;
– Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem : civitas NARBONE ;
– Anonyme de Ravenne : NARBONA, NARBONE ;
– Chronicon Albeldense : NARBONAM.
219Antériorité de la voie ou de l’agglomération
220Narbonne est fondé en 118 av. J.‑C. La découverte du xxe mille prouve que la ville était déjà chef lieu de cité lors du bornage de la via Domitia.
221Relation entre voie et trame urbaine
222La via Domitia a servi de cardo à la colonie et au cadastre de son territoire. L’étude des photographies aériennes et des plans anciens a permis de repérer deux variantes dans le centre urbain, conformes à l’orientation N.‑E./S.‑O. du cadastre :
– une variante occidentale (via Domitia primitive), représentée par l’avenue du Général‑Leclerc et son prolongement le boulevard Maréchal‑Joffre ; sur ce tracé se trouvait un important marché (secteur de la place Barra) contemporain de la fondation de la première colonie ;
– une variante orientale reliant le Pont‑Vieux et le Capitole par la via recta ; elle correspond au cardo maximus de la fin de la République et du Haut‑Empire, aménagement rapportable à la déduction de Narbonne.
223Entre ces deux variantes se distingue un tracé intermédiaire visible à l’entrée sud de la ville et aboutissant semble‑t‑il à un gué installé en amont du Pont‑Vieux. Ce pourrait être un premier cardo maximus antérieur à la fondation césarienne. L’espace entre les deux cardines, d’environ 100 m, respecte le module présumé de la trame viaire.
224Entrées de la ville, monuments
225– Côté nord : découverte d’un tronçon de voie entre Razimbaud et la RN 113 (avenue Carnot). C’est l’aboutissement de la via Domitia en provenance de Capestang. De Razimbaud, la voie devait se diriger en droite ligne vers le Capitole (tracé hypothétique).
– Côté sud : après sa jonction avec la voie d’Aquitaine puis avec la voie des étangs, la via Domitia s’orientait vers Maraussan par la rue Jules‑Verne (sépultures à incinération). Son prolongement vers le S.‑E., visible sur une photographie aérienne, n’est pas conforme à la trame cadastrale : il s’agirait d’un raccourci rejoignant le tracé de la variante occidentale.
226Aucun vestige de monument n’est en rapport avec la voie. Le pons vetus qui enjambe l’ancien lit de l’Aude (robine) date du Moyen Âge ; il a remplacé le pont du Haut‑Empire. Il n’y a pas non plus de trace des portes monumentales. C’est à tort qu’on leur a attribué certaines des frises d’armes du musée Lamourguier (fig. 18).

FIG. 18 ‒ Narbonne : vestiges antiques. Trame cadastrale, voies, nécropoles... A Basilique Saint‑Paul ; B pont ; C enceinte ; D Horreum : E forum et capitale ; F monument à portique ; G amphithéâtre ; H portiques ; I Clos de la Lombarde.
d’apr. J.‑M.P. et S.G.C. del.

227Nécropoles
228La via Domitia est bordée de nombreuses tombes, principalement à l’entrée nord. Les tombes in situ sont en général modestes (loculi, coffres, amphores), les principaux monuments funéraires ayant été détruits et remployés dans les remparts médiévaux (voir les collections lapidaires du musée Lamourguier).
229– Les tombes du secteur nord s’échelonnent de Razimbaud jusqu’à la limite des quartiers résidentiels (Clos de la Lombarde) avec une forte concentration dans les parages du boulevard de 1848.
– Razimbaud : 7 épitaphes (fouilles Héléna), 30 tombes à incinérations (fouilles de 1974).
– Boulevard de 1848 (fouilles Héléna et divers) : 80 tombes à incinération et inhumations, 1 enclos funéraire (S. Statius Rufio), 5 épitaphes sur marbre, 1 autel et 1 cippe (Loripes), 1 sarcophage paléochrétien de l’école d’Arles.
– Avenue de Lattre‑de‑Tassigny : statue funéraire (femme drapée) d’époque augustéenne, nombreux loculi de part et d’autre de l’avenue, sarcophage du Bon Pasteur, 3 inscriptions chrétiennes ; la chronologie de cet ensemble va principalement de la fin de la République et du Haut‑Empire, jusqu’au vie s.
– Les tombes du secteur sud : 15 sépultures à incinération du ier s. à Maraussan (sauvetage R. Sabrié) et de nombreuses tombes détruites lors des travaux de voirie.
230Structure de la voie
231Dans le centre urbain, le cardo maximus est fait de grandes dalles en calcaire dur, à joints irréguliers, offrant des ornières marquées. Un tel dallage a été repéré en 1891, à 2,50 m de profondeur, en plusieurs points de la rue Droite, mis au jour en février 1997 devant l’hôtel de ville.
Dans les zones suburbaines (Razimbaud et boulevard de 1848), les vestiges d’une chaussée en faible surélévation, formée de couches successives de galets, argile et gravats ont été retrouvés. La bordure est (observée à Razimbaud) était consolidée par un blocage de grosses pierres, doublé par une épaisse bande de sable. Cette partie, distincte de la chaussée centrale, était peut‑être réservée aux piétons et aux cavaliers.
Bibliographie
232Gayraud 1981.
233Grenier 1959 : 58‑67 et 211‑214.
234Guy 1955a : GUY (M.). — Vues aériennes montrant la centuriation de la colonie de Narbonne. Gallia, XIII, 1, 1955, p. 103‑108.
235Héléna s, d. — Manuscrit de Th. Héléna (4 cahiers) sur les tombes du Boulevard de 1848, conservé au musée archéologique de Narbonne.
236Sabrié 1982 : SABRIÉ (M.), SABRIÉ (R.). — Vestiges d’une nécropole du ier siècle et d’un dépotoir augustéen à Maraussan (Narbonne). SCAN, 40, 1982, p. 83‑105.
237Solier 1986.
11 Ad Vicensimum.
238Fitou, Aude
y. solier
239Sources antiques
240– Itinéraire d’Antonin II : AD VICENSIMUM. Station située à xx milles de Narbonne et xiiii milles de Combusta.
241Identification
242Plusieurs hypothèses d’identification peuvent être proposées.
243Cabanes de Fitou
(De Marca, puis Devie et Vaissète)
Il s’agit d’un point routier attesté au xiiie s, mais à 5 km au sud du Rieu de Treilles. Cette hypothèse paraît donc à rejeter parce que trop éloignée du xxe mille et de plus, cet endroit ne livre pas d’indices archéologiques.
244Cabanes de Lapalme
(d’Anville, Herzog, Griffe 1938)
C’est une étape sur la voie royale, dont le tracé coïncide avec celui de la via Domitia. Mais ce point se situe entre le xviiie et le xixe mille et on n’y décèle aucune trace antique.
245Église Saint‑Pancrace
(Marty, Thiers, Pelissier, Campardou)
C’est une chapelle rurale citée au xiies. ; à cet endroit, il y a de nombreux vestiges : des tombes gallo‑romaines et médiévales tout autour, plusieurs villae à proximité ; mais cet ensemble ne se trouve pas sur le tracé de la via Domitia.
246Rieu de Treilles
(Walkenaer, Bertrand, Lenthéric, Griffe 1974)
Il y a, près du xxe mille, les restes d’un pont antique ou médiéval ; l’habitat le plus proche est de faible superficie et se situe 700 m en amont.
247Secteur des Estacades‑Canaveyres à Fitou
(Come, Solier)
C’est l’hypothèse la plus vraisemblable, suggérée par la toponymie (Canaveyres dériverait de Canabae, entrepôts). Dans ce secteur, les vestiges, éparpillés sur plusieurs hectares, se trouvent de part et d’autre du trajet suivi par la via Domitia. Le seule objection que l’on puisse apporter, c’est que les vestiges d’habitat les plus proches sont tout de même distants de près de 2 km au sud du xxe mille.
248Datation
249Le mobilier découvert s’échelonne du ier s. av. J.‑C. au ive s. ap. J.‑C., avec une large prédominance des documents du Haut‑Empire :
– pour la période républicaine : 1 denier de L. Cassius Longinus (78 av. J.‑C.), des amphores de type gréco‑italique ;
– pour les ier et iie s. : du mobilier funéraire et des épitaphes, des vases de La Graufesenque, des sigillées claires A et des monnaies ;
– pour les iiie et ive s. : 1 antoninianus, des monnaies constantiniennes et des sigillées claires C et D.
250Observations archéologiques
251Sur ce dernier secteur, 7 à 8 sépultures bouleversées (loculi, coffres) ont été trouvées de part et d’autre de la RN 9, dont le tracé se confondrait avec celui de la via Domitia. Deux épitaphes fragmentaires sur marbre ont également été découvertes. Il y a aussi deux groupes principaux de constructions, marquées par des tegulae et des céramiques fines : l’un, à l’est de la RN, au voisinage de l’étang de Leucate (Grange des Estacades), l’autre à l’ouest de la RN (mamelon des Canaveyres).
Bibliographie
252Bessac et al. 1987.
253Lombard, Michelozzi 1975.
254Gabignaud 1961.
255Gayraud 1981.
256Griffe 1938.
257Griffe 1974 : GRIFFE (E.). — Les Anciens pays de l’Aude... Carcassonne. 1974, p. 25‑30. Pélissier 1916‑18.
258Solier 1968.
12 Salsulae
259Salses, Pyrénées-Orientales
j.-p. comps et a. pezin
Sources antiques
260– Itinéraire d’Antonin I : SALSULIS.
261Identification
262L’Itinéraire d’Antonin donne Salsulis à xxx milles de Narbonne. Les Gobelets de Vicarello, l’itinéraire d’Antonin II, la Cosmographie de l’Anonyme de Ravenne situent Combusta à VI milles de Ruscino et à xxxiv milles de Narbonne. Par déduction, on peut donc situer Salsulae à iv milles au nord de Combusta. Or le site de Combusta a été bien repéré près du Mas Guiter.
263Plusieurs auteurs identifient Salsulae avec l’actuel village de Salses : le vieux château de Salses au nord‑est du fort, pourrait avoir des substructions romaines. Toutefois, la distance par rapport à Combusta ne convient pas : il manque 1 mille, et les vestiges céramiques antiques sont très rares alentour. En l’état actuel des recherches, il faut lui préférer le site de Font‑Dame à 1,5 km plus à l’est, en direction de Narbonne : les restes d’occupation romaine y sont importants et il est bien à 4 milles de Combusta. Du reste P. Ponsich (1980 : 55) cite un texte de 1100 où il est dit à propos de Font‑Dame : « in loco dicto ad Petram. » Nous pensons que cette « pierre » correspond peut‑être à une borne milliaire.
264Observations archéologiques
265Il n’y a jamais eu de fouilles en ce lieu, mais seulement des prospections de surface.
266Un premier site, dont l’existence est attestée de l’époque augustéenne jusque vers la fin du iie s. ou au début du iiie de n.è., a été repéré sur la parcelle G 299, à l’est, mais il s’étend au‑delà vers le nord ; il a été entaillé par la construction de la voie ferrée au xixe s. et plus récemment par celle de l’autoroute, dans les années 1970 (parcelle 987). Sa superficie peut être estimée à 4 000 m2 environ.
267Sur la même parcelle 299 mais plus à l’ouest, on retrouve en surface des fragments d’amphores tardo‑romaines et de claire D datables du ive voire du ve s. de n.è. Dans cette zone, de nombreuses monnaies ont été recueillies, soit à l’occasion des travaux autoroutiers, soit lors du charruage du terrain. Pour la petite liste que nous avons pu consulter, la fourchette chronologique s’étend du ier s. av. au ive s. de n.è.
268Au siècle dernier déjà, en 1860, B. Alart signale la découverte d’un trésor monétaire : « il s’est fait, il y a deux ans, près de la Font‑Dame, une découverte importante de médailles consulaires » (Alart 1860a : 117). On ne possède aucun autre renseignement sur cette découverte, ni sur son emplacement exact.
269Enfin, à 300 m à l’E./N.‑E. du site du Haut‑Empire, se trouvent les ruines d’un moulin et de son bassin de retenue, lequel captait une partie des sources qui ont donné son nom à cet endroit. Selon J. Abélanet (1983 : 126), la vanne de vidange et le mur sud du bassin sont « de technique romaine ».
270Personne n’avait jusqu’à présent localisé Salsulae à Font‑Dame. Le site du Haut‑Empire a été prospecté successivement par J. Abélanet, R. Marichal, P.‑Y. Genty, A. Pezin et J.‑P. Comps. Il n’a fait l’objet d’aucune publication.
Bibliographie
271Abélanet 1983.
272Alart 1860a.
273Ponsich 1980 : PONSICH (P.). — Rossello‑Vallespir-Conflent-Capcir‑Cerdanya‑Fenolledés. Limites historiques et répertoire toponymique des lieux habités de ces anciens « Pays ». RTN, 37, 1980.
13 Combusta.
274Salses, Pyrénéees-Orientales
j.-p. comps
275Sources antiques
276– Gobelets de Vicarello : COMBUSTA (iii) : à VI milles de Ruscino et xxxiiii de Narbonne ; COMBUSTA (II, I) : à VI milles de Ruscino et xxxii de Narbonne ; AD COMMUSTA (IV) : à VI milles de Ruscino et xxxiiii de Narbonne ;
– Itinéraire d’Antonin II : COMBUSTA : à vi milles de Ruscino et à XIIII de Ad Vicensimum ;
– Anonyme de Ravenne : COMBUSTA : entre Narbonne et Ruscino, sans mention de distance.
277Si, comme l’affirme J. Heurgon, les Gobelets iii et II sont bien contemporains, la variation de distance qu’ils indiquent entre Narbonne et Combusta ne marque pas un changement dans le tracé mais seulement une erreur de copie. Les indications de l’Itinéraire d’Antonin permettent, par déduction, de retenir xxxiiii.
278Identification
279L’hypothèse la plus plausible situe Combusta dans la commune de Salses, à proximité du Mas Guiter, au croisement du CVO 4 qui conduit de Salses à Claira, en fait la via Domitia, et du cami de Boto. On trouve là deux sites d’époque romaine, nommés par les archéologues : Combusta nord et Combusta sud.
280Combusta nord occupe 3 500 m2 environ sur les parcelles E 814 et 815, et Combusta sud 3 000 m2 environ sur les parcelles E 989 et 1007.
281Il s’agit des seuls sites d’envergure, actuellement découverts le long de la voie, à une distance convenable de Ruscino. Les sources antiques indiquent 6 milles, la distance réelle est de 6 milles et demi, ce qui convient puisque les itinéraires ne portent pas les demi‑milles.
282En outre, le grand‑père de l’actuel propriétaire de la parcelle E 815, M. Joseph Martrette, aurait retrouvé en charruant, au début du siècle, une borne inscrite « Ad Combustam ». La borne a, depuis, été incorporée dans les fondations d’une cuve à vin de la cave familiale, à Saint‑Laurent‑de‑la‑Salanque.
283Datation
284Combusta sud apparaît d’abord puisque l’on y trouve de la sigillée italique. On peut donc supposer que sa fondation a bien eu lieu à l’époque augustéenne, un peu avant notre ère. Combusta nord vient plus tard, vers le milieu du ier s. de n.è. : absence pour la sigillée sud‑gauloise de la forme Drag. 29A alors que la forme 29B est bien présente.
285Comme on n’a relevé, ni au nord ni au sud, de sigillée claire C ou de luisante, on peut conclure que les deux sites ont été abandonnés vers la fin du iie ou au iiie s. de n.è.
286Cet abandon pose un problème puisque Combusta est citée dans des documents que l’on dit avoir été rédigés ou mis à jour postérieurement à cette date : l’Itinéraire d’Antonin, la Cosmographie de l’Anonyme de Ravenne, la Table de Peutinger. Si la localisation est bien exacte, il faut supposer que les derniers itinéraires ont été recopiés sur des listes plus anciennes sans vérification sur le terrain. La négligence des scribes paraît l’explication la plus vraisemblable. On peut en voir la confirmation dans le fait que la Table de Peutinger, qui ne mentionne pas Combusta, note entre Ruscino et Narbonne la distance de vi milles, ce qui correspond précisément au trajet Ruscino‑Combusta. Le scribe, s’appuyant sur des documents antérieurs, opère une mise à jour : il ôte donc Combusta, qui a disparu, mais recopie par distraction le nombre de milles qui va avec.
287Observations archéologiques
288Des fouilles sont en cours à Combusta nord, et ont mis en évidence une construction qu’il est encore trop tôt pour interpréter ; d’autre part, la destruction des sols rend l’interprétation difficile. Toutefois, dans ce dégagement partiel, on peut distinguer un ensemble rectangulaire, orienté grosso modo est‑ouest, de 22,90 m x 16 m extra muros qui se décomposerait ainsi : à l’est, un bâtiment plus soigné de 14,80 m x 3,50 m intra muros ; à l’ouest adossé à cette première partie, un hangar, une écurie ou une cour de dimension plus grande (17,60 m x 14,80 m intra muros). Les murs sont orientés 17 ou 18° E. par rapport au Nord géographique, ce qui ne correspond pas à l’orientation de la voie mais se rapproche de l’une des deux cadastrations supposées de la plaine du Roussillon : 21° E.
Bibliographie
289Guiter 1953.
14 Ruscino
290Château-Roussillon/Perpignan, Pyrénées-Orientales
r. marichal
291Sources antiques et médiévales
292– Gobelets de Vicarello : RUSCINONE (III, IV), RUSCINNE (II), RUSCINONEM (I) ;
– Table de Peutinger : RUSCIONE ;
– itinéraire d’Antonin II : RUSCIONE ;
– Anonyme de Ravenne : SUSCILONE, RUSCINONE ;
– Chronicon Albeldense : RUSCI LIGNE.
293Le nom de l’agglomération apparaît dans les textes antiques accompagné de descriptions sommaires sur la topographie locale : fleuve, littoral, relief. Les plus précises sont les mentions de Pomponius Mela17 : Inde est ora Sordonum et parva flumina Telis et Ticis, ubi adcrevere persaeva, colonia Ruscino, vicus Eliberrae (« Il y a ensuite le littoral des Sordones et les petits fleuves de la Tet et du Tech, avec leurs crues redoutables, la colonie de Ruscino et le vicus d’llliberris/Ene ») ; et de Pline18 : In ora, regio Sordonum intrusque Consua‑ranorum, flumina Tetum, Vernodubrum, oppida llliberis, magnae quondam urbis tenue vestigium, Ruscino Latinorum, flumen Atax (« Sur la côte [il y a d’abord] le territoire des Sordones, puis, vers l’intérieur celui des Consuaranl19, les fleuves la Tet et le Verdouble, les oppida d’llliberris, petit vestige d’une cité jadis importante, et de Ruscino, cité de droit latin, le fleuve Aude. »).
294Au ive s., Festus Avienus mentionne Ruscino et décrit la plaine de Roussillon à partir, semble‑t‑il, de sources anciennes comme le remarque G. Barruol (1980 : 32).
295Identification et datation
296La lente déformation du nom de Ruscino en Ruscinone (après le iie s. ap. J.‑C.), Rossiliona, Castell Rosselló, etc. donnera le nom de Roussillon à la province, facilitant ainsi grandement la localisation du site antique à Château‑Roussillon. Cette détermination a été faite notamment par Pierre de Marca au xviie s. Les fouilles archéologiques réalisées au début du xxes. ont confirmé, si besoin en était, par la découverte du forum et des inscriptions sur marbre, la situation de Ruscino.
297L’oppidum est occupé dès le vie s. av. J.‑C. avant d’être ensuite sous l’influence ibère jusqu’à la romanisation.
298Observations archéologiques
299Lors de la réfection de la voie que l’agglomération contrôlait sans doute déjà, celle‑ci resta cité indigène comme semblent l’indiquer les découvertes récentes. La via Domitia contournait alors le site par l’est avant de poursuivre vers llliberris au sud. La route actuelle qui traverse le site (chemin vicinal de Château‑Roussillon à Cabestany) avait été interprétée au début du siècle comme étant la via Domitia. Cette hypothèse a par la suite été formellement démentie puisque ce chemin recoupe largement l’angle sud‑est du monument où se trouvent les boutiques.
300Il semble, d’après les fouilles en cours, que Ruscino n’ait été romanisé qu’au milieu du ier s. av. J.‑C., et non lors de la réfection de la voie comme il était généralement admis, ce qui expliquerait que celle‑ci n’ait en définitive jamais traversé l’agglomération. Le forum se trouve donc rejeté loin de l’arrivée de la voie après le franchissement du fleuve, et ce pour des raisons qui n’ont pas encore été mises en évidence. Son orientation est précisément nord‑sud. Les trois rues à l’intérieur du gisement, mises au jour dans les fouilles en cours, participent à une trame urbaine qui semble en place depuis l’époque indigène (ou pour le moins, depuis la première moitié du ier s. av. J.‑C.). Deux axes ouest‑est nommés decumani possèdent un tracé peu rectiligne rectifié au cours de l’occupation romaine ; un seul est orienté assez précisément nord‑sud, il s’agit d’une rue longeant la maison iii à l’est du chantier actuel.
301L’organisation urbaine de la seconde moitié du ier s. av. J.‑C. s’adapte sur ces rues, les axes des murs principaux sont soit alignés sur les axes du decumanus pour les murs est‑ouest, soit orientés à 6° vers l’est pour les murs nord‑sud. Le decumanus est en biais par rapport à l’axe est‑ouest de 16° vers le nord (fig. 19).

FIG. 19 ‒ Ruscino : implantation des fouilles et des structures mises au jour. 1 Quartier d’habitation (fouilles récentes 1976‑1990) ; 2 forum ; 3 basilique ; 4 curie ; 5 quartier d’habitation (fouilles anciennes).
d’apr. Service archéologique de Ruscino, Perpignan M.H./MC del.
302L’occupation urbaine actuelle et la configuration du site n’ont pas permis jusqu’à présent de mettre au jour les accès de la via Domitia à l’agglomération antique. Le tronçon de la voie entre la Tet et la colline a pu, à partir de la romanisation, être bordé par les nécropoles ou par un quartier bas plus commerçant que la partie haute autour duquel l’agglomération va peut‑être subsister à partir de la fin du ier s. ap. J.‑C.
303Plusieurs sondages ont été réalisés sur le chemin de Charlemagne à proximité du site. Ceux‑ci n’ont pas livré de vestiges qui puissent être rattachés de façon indiscutable à la voie antique. Les inondations répétées et l’exhaussement du niveau du sol depuis l’Antiquité (estimé à 5 m environ) ont sans doute profondément modifié l’aspect des abords du site de Ruscino.
Bibliographie
304Pour la bibliographie détaillée sur Ruscino, voir dans la bibliographie générale : Barruol 1980.
15 Illiberris/ Castrum Helena.
305Elne, Pyrénées-Orientales
a. pezin
306Sources antiques
307– Table de Peutinger : ILLIBERRE.
308Les sources antiques qui mentionnent Illiberris sont relativement abondantes. Parmi celles‑ci, un seul itinéraire mentionne la cité : il s’agit de la Table de Peutinger (segment I, b, 2) sur laquelle Illiberris est situé à 7 milles de Ruscino, et 12 d’Ad Centenarium.
309Identification
310Après plusieurs tentatives de localisation au xixe et au début du xxe s. sur des emplacements antiques proches d’Elne (Margail 1938), les premiers sondages réalisés dans la ville même (Claustres 1949, Claustres et al. 1952) montrèrent l’ancienneté de son occupation. Ils confirmèrent ainsi l’hypothèse selon laquelle l’agglomération actuelle serait établie sur l’oppidum d’Illiberris. Les fouilles conduites par la suite ne firent que compléter la connaissance du gisement et sa chronologie d’occupation.
311Cet oppidum est installé sur un ensemble de petites collines argileuses qui font face aux derniers contreforts des Pyrénées. Il domine la basse plaine du Roussillon et l’embouchure du Tech.
312Datation et observations archéologiques
313La ville protohistorique, occupée depuis le vie s. av. J.‑C., était installée à l’emplacement de l’actuelle ville haute, et s’étendait aussi sur le versant ouest de la colline, sur une superficie totale de 10 ha environ.
314Le vicus romain, sous l’effet de l’importance grandissante de Ruscino, se rétrécit durant l’époque républicaine. Cette moindre importance pourrait expliquer que la via Domitia ne semble pas la traverser, mais file droit en direction du sud. À partir de la fin du ier s. ap. J.‑C., l’agglomération connaît une expansion importante, des domus de grande superficie se construisent dans la ville haute (Pezin 1992) ; l’agglomération s’étend à la ville basse. Ce renouveau assez soudain est très certainement en relation avec le déclin brutal de Ruscino dans la seconde moitié du ier s. de n.è.
315C’est dans la ville basse, au niveau d’une route secondaire qui relierait l’agglomération à la via Domitia, que sont localisées les nécropoles romaines et paléochrétiennes (Chalon 1980) (quartier du Planiol et rues voisines).
Bibliographie
316Candau 1985.
317Chalon 1980 : CHALON (M.). — Étude sur le Roussillon du ive au ixes. In : BARRUOL (G.) dir. — Ruscino, Chateau‑Roussillon, Perpignan (P.‑O.), I, état des travaux et recherches en 1975. Paris : De Boccard, 1980, p. 341‑363. (Suppl, à la Revue archéologique de Narbonnaise ; 7).
318Claustres 1949 : CLAUSTRES (G.). — Les Ruines d’llliberis : notes archéologiques sur son emplacement. BSASEL, LXV, 1949, p. 24‑25.
319Claustres et al. 1952 : CLAUSTRES (G.), BASSÈDES (L.), GRAU (R.). — Les Fouilles d’llliberis. ER, t. II, no 3, 1952, p. 153‑167.
320Grau 1954‑1955 : GRAU (R.). — Sondage à llliberis. ER, IV, 1954‑1955, p. 273‑274.
321Grau 1970 : GRAU (R.). — Données sur la métallurgie de l’llliberis pré‑romain. In : XLIIe congrès, FHLMR, Perpignan, 1969. 1970, p. 117‑119.
322Grau 1975 : GRAU (R.). — llliberis, un oppidum ibérique. Archéologia, no 83, juin 1975, p. 63‑64.
323Lacvivier 1900 : LACVIVIER (R. de). — Notes sur Elne. RHAR, no 1, 1900, p. 146‑150, 185‑190 et 220‑225.
324Lacvivier 1901 : LACVIVIER (R. de). — Notes sur Elne. RHAR, no 2, 1901, p. 166‑174, 201‑207, 234‑240 et 275‑278.
325Margail 1938 : MARGAIL (J.). — À la recherche d’Illiberis. Annales du Midi. Toulouse, Privat, 1938.
326Pezin 1990a : PEZIN (A.). — Elne et sa campagne. In : CASTELLVI (G.) et al. — En suivant la voie domitienne… en Roussillon. Texte et diapositives. Perpignan : AAPO‑CDDP, 1990, p. 29‑32.
327Pezin 1992.
16 Ad Stabulum
328Elne, Latour-Bas-Elne, Argelès-sur-Mer ou Palau-del-Vidre, Pyrénées-Orientales
j. kotarba
329Sources antiques
330– Itinéraire d’Antonin I : AD STABULUM.
331Cette station est donnée comme distante de 48 milles de Salsulis vers le nord et de 16 milles de Ad Pyreneum. La somme de ces deux distances est presque le double de celle réellement nécessaire pour traverser du nord au sud la plaine du Roussillon.
332Identification et observations archéologiques
333De cette aberration sont nées plusieurs hypothèses de localisation de cette station, certains cherchant à allonger le parcours en allant passer par les Bains d’Arles (Amélie‑les‑Bains), d’autres s’appuyant sur une erreur de transcription, la distance de 48 milles donnée correspondant en fait au trajet Narbonne‑Ad Stabulum, la distance réelle Salsulis‑Ad Stabulum serait alors de 18 milles. C’est cette dernière hypothèse qui nous paraît devoir être actuellement retenue. De même, un seul tracé étant sûrement reconnu pour le sud de la plaine (Comps, part. 1, § 4.4) (Ruscino/Château‑Roussillon, lllibems/Elne, Ad Centuriones/ Saint‑Martin de Fenollar), nous rechercherons au bord de cette voie l’emplacement de Ad Stabulum.
334La confrontation des distances des différents itinéraires antiques, place Ad Stabulum à proximité immédiate d’llliberris, à une distance comprise entre 1 et 2 milles. La présence en cette fin du iiie s. d’une petite station toute proche d’Elne qui alors existe bien et deviendra, peu de temps après, le siège de l’évêché, est sans doute explicable par le fait que la voie ne la dessert pas directement et sans doute aussi par les changements de cours du Tech. Ce fleuve pouvait en effet à cette époque tout aussi bien passer au sud qu’au nord du promontoire d’Elne20 et changer très brusquement de lit.
335Sur le terrain, différents sites pourraient correspondre à Ad Stabulum ; nous n’avons pas pris le parti d’en choisir un, les critères de choix nous paraissant trop aléatoires.
– Le plus couramment retenu est celui de Palol d’Avall (commune d’Elne). Sur une petite butte située à l’est d’Elne, en bordure du Chemin de Charlemagne, des fouilles anciennes ont mis au jour des vestiges de constructions romaines (Ponsich 1952). Ce site est occupé depuis le iie s. av. n.è. en continu au moins jusqu’au xive s. Une chapelle (aujourd’hui rasée) dédiée à Sainte‑Marie, est attestée depuis le milieu du xiie s.
– Un peu plus bas, toujours sur le Chemin de Charlemagne, se trouve la petite chapelle de Sainte‑Eugénie de Tresmals (commune d’Argelès‑sur‑Mer) dont le nom villa Tresmalos est cité depuis le début du ixe s. (Ponsich 1980 : 39). Les découvertes faites autour ne concernent pour l’instant que le Moyen Âge21, mais des vestiges antiques pourraient être masqués du fait de l’importance de l’alluvionnement à cet endroit (sans doute plusieurs mètres).
– À l’ouest d’Elne, au pied des coteaux Saint‑Martin, se trouve un gros gisement antique occupé depuis le milieu du ier s. av. n.è. jusqu’au viie s. ap. La présence de sols mosaïqués et de marbres ont pour l’instant fait supposer qu’il s’agissait d’une riche villa (Grau 1959 : 238).
– Plus au sud (commune de Palau‑del‑Vidre), le site du Camp de la Pedre où a été trouvé un milliaire du Bas‑Empire (Comps, part. 1, § 4.4) se trouve aussi dans le périmètre défini. Ce gisement occupé du milieu du ier s. av. n.è. au début du ve s. ap., a lui‑aussi pour l’instant été interprété comme une villa.
– Enfin, mais sortant de plus d’un kilomètre du périmètre correspondant à la distance de 2 milles d’Elne, nous devons citer les deux hameaux de Taxo d’Amont (commune de Saint‑André) et de Taxo d’Avall (commune d’Argelès‑sur‑Mer). La forme la plus ancienne de Taxo est donnée par certains auteurs comme pouvant dériver de statio. D’un point de vue archéologique, nous n’avons pas trouvé pour l’instant autour de ces endroits de vestiges attribuables au iiie ou ive s. de n.è. Toutefois, la position de ces deux lieux importants au Moyen Âge, à proximité du Chemin de Charlemagne pour Taxo d’Avall, et sur le tracé même de la Carerrasse qui mène à la vallée de Lavall pour Taxo d’Amont, nous a incité à les prendre dans cet inventaire.
336Il est certain que nous ne connaissons pas tous les sites compris dans le périmètre des 2 milles définis. Nous avons de même privilégié les sites importants au détriment de nombreux autres22. Mais si Ad Stabulum n’était qu’une simple mutatio, de plus de courte durée, quels types de vestiges aura‑t‑elle laissés ?
Bibliographie
337Grau 1959 : GRAU (R.). — La Région d’Elne à l’époque romaine, essai de géographie archéologique. CERCA, no 5, 1959, p. 234‑241.
338Lacvivier 1900 : LACVIVIER (R. de). — Notes sur Elne. RHAR, no 1, 1900, p. 146‑150, 185‑190 et 220‑225.
339Kotarba et al. 1990 : KOTARBA (J.), DONÈS (C.), PASSARRIUS (O.), PEZIN (A.), VIGNAUD (A.). — Inventaire des sites archéologiques de la basse vallée du Tech et des Albères. Elne, 1990, 3 vol. non paginés. Rapport inédit déposé au SRA Languedoc‑Roussillon.
340Kotarba et al. 1991 : KOTARBA (J.), PEZIN (A.), VIGNAUD (A.), PASSARRIUS (O.), DONÈS (C.), CONSTANT (A.), MAZIÈRE (F.). — Inventaire des sites archéologiques de la basse vallée du Tech et des Albères. Elne, 1991, 3 vol. non paginés. Rapport inédit déposé au SRA Languedoc‑Roussillon.
341Ponsich 1952.
342Ponsich 1980 : PONSICH (P.). — Rosselló‑Vallespir-Conflent-Capcir-Cerdanya‑Fenolledés. Limites historiques et répertoire toponymique des lieux habités de ces anciens « Pays ». RTN, 37, 1980.
17 Aquae Calidae
343Therme du Boulou ou Amélie-les-bains, Pyrénées-Orientales
g. castellvi, j. kotarba
344Sources antiques
345– Anonyme de Ravenne : AQUAE CALIDAE.
346Cette station est située entre Suscilone/Ruscilone (Ruscino) et la station Pyrenaeum sans aucune précision de distances. Le compilateur Guido de Pise (1119) a repris le nom de cette station sous la forme Aque Calide.
347Identification
348Le terme générique d’Aquae Calidae désigne une station thermale dont la spécificité résiderait dans la présence et l’exploitation d’eaux chaudes. De quelle station thermale située sur la via Domitia peut‑il s’agir ? L’on pense évidemment à l’emplacement des thermes actuels du Boulou (construits vers 1850), anciennement appelés « Bains de Saint‑Martin de Fenollar » (Joanne 1868 : 666 ; Guides Joanne 1912 : 441). L’avantage de cette hypothèse réside dans la situation proche de Saint‑Martin de Fenollar, emplacement présumé de la station d’Ad Centuriones/ Ad Centenarium. Au contraire, on soulignera l’absence en ce lieu de toute source d’eau chaude ainsi que de tout vestige antique.
349On peut se demander s’il n’y aurait pas eu confusion d’appellation entre les sources actuelles du Boulou connues à l’époque de l’Anonyme de Ravenne (viiie‑ixe s.)23 et les thermes antiques d’Amélie‑les‑Bains, distants de 17 km sur la voie du Vallespir24 qui croise la via Domitia dans le secteur du Boulou‑Saint‑Martin de Fenollar. Cette hypothèse semble la plus probable.
350Les sources guérisseuses d’Amélie‑les‑Bains, anciennement les Bains d’Arles25, ont été fréquentées dès l’Antiquité. En 1845, des travaux effectués dans la source d’eau chaude du Gros Escaldador ont permis de découvrir de nombreuses monnaies romaines et des plombs inscrits portant le nom d’une divinité énigmatique : Kantae Niskae. L’établissement actuel des thermes comprend des parties antiques, en particulier une salle de 22 m de long et 12 m de large qui conserve sa voûte d’origine de 11 m de haut, et, dans une partie voisine, un bassin dont le revêtement de fond est en briquettes disposées en opus spicatum (Henry 1835 : 38‑40). Les découvertes anciennes en particulier au niveau de l’église St‑Quentin toute proche26 et de l’hôtel qui jouxte les thermes (informations orales), et celles plus récentes au niveau de la place Arago (Pezin 1995), permettent d’envisager un complexe thermal antique de grande dimension (de l’ordre de 3 000 m2). Les thermes se trouvent sur le versant nord de la vallée, au débouché d’une gorge très étroite où une prise d’eau est fort probable, et en contrebas de la source d’eau chaude distante d’une cinquantaine de mètres. À l’exception d’un four à tuiles antique découvert sur le même versant que les thermes, il semble que les habitats de cette époque se soient plutôt développés de l’autre côté du Tech. En effet, dans cet autre quartier situé dans un méandre du fleuve particulièrement bien exposé au sud, de nombreux vestiges d’époque romaine ont été observés par P.‑A. Fourquin au milieu de ce siècle (Ponsich 1952 : 227, note 1), dans une zone qui est aujourd’hui totalement urbanisée. Outre les ressources liées au thermes, les habitants de la petite agglomération d’Aquae Calidae prenaient sans doute aussi une part importante aux nombreuses exploitations de fer qui existaient alors dans cette partie du Vallespir.
Bibliographie
351Basseda 1990.
352Freixe 1900d.
353Guides Joanne 1912 : — Guides Joanne Pyrénées. Paris : Hachette, 1912, p. 441.
354Henry 1835 : HENRY (D.‑M.‑J.). — Histoire du Roussillon. Paris, 1935.
355Joanne 1868 : JOANNE (A.). — Itinéraire des Pyrénées, 3e éd. Paris : Hachette, 1868, p. 666.
356Marca 1688.
357Pezin 1995 : PEZIN (A.). — Amélie‑les‑Bains, découverte de vestiges archéologiques rue des Thermes et place Arago, 1995, non paginé. Rapport inédit déposé au SRA Languedoc‑Roussillon.
358Ponsich 1952 : PONSICH (P.). — Des Blocs gravés aux plombs inscrits des bains d’Arles ? ER, 4, 1952, p. 227‑232.
359Ponsich 1954‑55 : PONSICH (P.). — Les Origines de l’abbaye d’Arles. ER, 1‑2, 1954‑55, p. 69‑99.
18 Ad Centuriones/ Ad Centenarium.
360Saint-Martin de Fenollar/Maureillas-las-Illas, Pyrénées-Orientales
g. castellvi
361Sources antiques
362– Itinéraire d’Antonin II : AD CENTURIONES ;
– Table de Peutinger : AD CENTENARIUM. Ces deux sources ‒les seules à mentionner cette étape‒ la placent à 5 milles au nord du Summum Pyrenaeum. Vers le nord, les stations précédentes sont, pour l’itinéraire d’Antonin, Ruscione, à 20 milles, et pour la Table de Peutinger, llliberre à 12 milles.
363Le nom de la station n’a pas laissé de traces dans la toponymie actuelle. Les deux termes Centuriones (acc. plur.) et Centenarium (acc. sing.) font référence à l’implantation d’une garnison. L’emploi de Centenarius pour Centurio est attesté dès le règne de l’empereur Tacite (275‑ 276) ; le terme est utilisé par Modeste et Végèce (Mil. 2,13).
364La Table de Peutinger porte une autre station de même nom, Ad Centenarium, siège d’un évêché en Numidie, également connu sous le nom de Centenorias dans l’Anonyme de Ravenne, rédigé entre les années 508 et 522. La mise à jour des termes prouverait, selon M. Chalon, la persistance d’une station sous l’égide de l’autorité publique.
365Quant à l’emploi de la préposition ad signifiant « vers » ou « près de », il renverrait à localiser la garnison non pas au lieu même de la station mais à quelque distance. On pense évidemment aux Clausurae voisines ‒les deux forts des Cluses–, situées 3,5 km au sud sur la voie menant au Summum Pyrenaeum. L’Itinéraire d’Antonin daterait de la fin du iiie s., de l’époque de Dioclétien et Maximien (284‑305). Si la mention Ad Centuriones fait référence aux Cluses, cela signifie que les fortifications ou partie de celles‑ci existaient à cette époque.
366Identification
Dès le début du xixe s. l’église préromane de Saint‑Martin de Fenollar était considérée comme l’un des points où l’on plaçait la station Ad Centuriones (Henry 1820), le lieu se trouvant exactement à la distance indiquée (5 milles ou 7,5 km) par rapport aux cols du Perthus ou de Panissars. Cette hypothèse s’appuyait sur les nombreuses chartes carolingiennes plaçant l’église sur la voie menant aux Cluses (« in via quae discurrit ad ipsas clusas », 844).
367Jaubert de Réart (1834) y signale la découverte de monnaies « celtibères » et de tegulae, et Henry (1842) fait état de la mise au jour de monnaies romaines. Ménétrier (1870) rapporte que l’on prétendait avoir trouvé dans le bois de la Mahut, situé 100 m au nord de l’église, » des traces d’une voie pavée, composée de béton » ainsi que de « nombreuses fondations » ; dans le même secteur, ont été découverts, un siècle plus tard, de nombreux fragments de tegulae, lors du creusement des fondations d’une maison (Guisset in Castellvi, Got Castellvi 1994‑95).
368Une prospection menée en 1986 avec J. Kotarba sur la parcelle A 387 ne nous avait permis de découvrir que deux fragments épars d’amphores à pâte indéterminée. Cependant, à la suite du forage d’un puits, effectué quelques années auparavant sur la parcelle voisine A 637 jouxtant l’église, F. Sanchez mit au jour un fond d’amphore à pâte italique à 1 m de profondeur. Sur la base de ces indices, deux sondages stratigraphiques furent pratiqués au cours du mois d’avril 1990 dans la parcelle A 637, au nord de l’église (Castellvi et al. 1990b).
369Observations archéologiques
370Dans le premier sondage, à une profondeur de 1,15 m, nous avons reconnu, recouvrant un paléo‑lit de la Rom, constitué de graviers (US 1.11), un niveau d’argile gris‑vert fortement anthropisé (US 1.9). Sur toute la surface du sondage, soit 1,20 m2, et une épaisseur de 0,10 à 0,20 m, nous avons recueilli un lot de tessons d’époque républicaine (fin iie-ier s. av. J.‑C.) accompagnés de tessons du Haut‑Empire ier‑iiie s.).
371Dans le sondage 2, un mur maçonné (US 2.7) a été reconnu entre 0,80 et 1,20 m de profondeur en contact, au fond, avec un niveau d’occupation antique (US 2.8) qui a livré quelques fragments d’amphores républicaines, de dolium et de tegulae. Nous sommes là dans un scénario proche de l’US 1.9, à savoir un niveau républicain remanié probablement au Haut‑Empire.
372Les niveaux 1.9, 2.7 et 2.8 furent ensuite recouverts de remblais médiévaux consécutivement à la création de la cella du ixe s. ou peu après ; ces derniers ont livré un ensemble de tessons antiques remaniés (sigillée sud‑gauloise, céramique africaine de cuisine, claire A, claire B et luisante, claire D…) couvrant une fourchette chronologique s’étendant du ier s. au ive/ve s. ap. J.‑C. La présence de ces différentes céramiques importées, la mise au jour de fragments de tegulae et d’imbrices, le repérage de murs maçonnés enfouis près du puits (sondage 2) ou affleurant au niveau du sol de la nef préromane, sont autant de faits qui attesteraient l’existence d’un habitat (ou de plusieurs habitats) à l’une ou l’autre période de l’Antiquité (Haut‑Empire ? Bas‑Empire ?).
Bibliographie
373Castellvi 1991.
374Castellvi, Got Castellvi 1994‑95.
375Castellvi et al. 1990b : CASTELLVI (G.), GOT CASTELLVI (S.), GAVAGE (C.). — Site archéologique de Fenollar. Sondage, 1990, 1 vol. Rapport inédit déposé au SRA Languedoc‑Roussillon.
376Henry 1820.
377Henry 1842 : HENRY (D.‑M.‑J.). — Le Guide en Roussillon. Perpignan, 1842.
378Jaubert 1834.
379Ménétrier 1870.
19 Clausurae.
380Les Cluses, Pyrénées Orientales
g. castellvi
381Sources antiques et médiévales
382● Historiens de l’Antiquité et du haut Moyen Âge :
– Orose (VII, 40, 6), Isidore de Séville (Hist. Wand., 71) : PYRENAEI CLAUSTRA ;
– Jordanés (Getica, 165) : CLAUSTRA PYRENEI ;
– Julien de Tolède (Epistola Pauli ; Hist. Wambae, 11) : CLAUSURAE.
383● Itinéraire et mentions médiévales :
– actes du Concile de Tolède, année 694 : CLAUSURAE ;
– Chronicon Albeldense, en 883 : CLAUSULAS ;
– acte daté de 889 (HGL, II, p. ix) : CLUSA ;
– acte de consécration de l’église d’Elne, en 916 (MH, 840) : CLUSAE SPANIAE ;
– accord entre Alphonse ier d’Aragon et Raymond de Toulouse, en 1185 (MH, 1379) : PORTUS CLUSAE.
384Il est possible que les claustra Pyrenaei cités par Orose, Isidore de Séville et Jordanés (ier quart du ve s.) ne désignent pas uniquement les forteresses des Cluses, mais l’ensemble des forteresses de frontière situées aux divers passages orientaux des Pyrénées (également : Collioure, Ultrera). Cependant, il est très probable que, dès cette époque, le terme générique désigne déjà spécifiquement celles des Cluses, situées sur la principale route d’Espagne : la via Domitia, dénommée au Moyen Âge caminum franceschum ou camí francès (en catalan).
385L’unique itinéraire portant Les Cluses date de 883, soit six siècles après les derniers itinéraires antiques mentionnant, dans le secteur, les étapes d’Ad Centuriones/Ad Centenarium, au nord, et du Summum Pyrenaeum, au sud.
386Identification
387Les Clausurae correspondent aux deux forteresses romaines implantées de part et d’autre de la rivière Rom, à hauteur du village de La Cluse Haute. Elles sont situées à mi‑chemin de Saint‑Martin de Fenollar (emplacement présumé d’Ad Centuriones/Ad Centenarium) et des cols du Perthus et de Panissars (région du Summum Pyrenaeum).
388Le fort de la rive droite, situé au village actuel de La Cluse Haute est de forme polygonale, allongé d’est en ouest sur une longueur de 105 m, pour une largeur de 28 m à l’ouest et seulement 6 m à l’est. Le seul accès actuellement visible est une poterne s’ouvrant sur la courtine sud. Le fort de la rive gauche est connu sous le nom catalan de Castell dels Moros (ou château des Maures) ; c’est un grand quadrilatère irrégulier, sorte de trapèze rectangle long de 137,5 m, orienté N.‑S., dont la face nord large de 71 m, est flanquée de trois tours de plan carré, la plus basse abritant une citerne. Deux accès avaient été aménagés entre les tours ; une poterne s’ouvrait également au milieu de la courtine occidentale. Au sud, au point dominant du site, s’élevait une autre tour de plan carré. L’ensemble de la construction couvre une superficie de près d’un hectare pour un dénivelé atteignant près de 40 m d’ouest en est. Il faut ajouter à cet ensemble une structure bâtie à même la voie, au pied du Castell dels Moros, sorte de tour‑porche de 10 m sur 5 environ, connue sous le nom de Porte des Cluses, identifiée à un poste de péage ou portorium où aurait été perçu l’impôt dit « quarantième des Gaules » (Freixe 1900b, Grau 1985).
389L’ensemble de ces trois constructions réutiliserait une partie du grand appareil de grès provenant de la mise en carrière du monument de Panissars (trophée de Pompée), situé 3,7 km en amont.
390Observations archéologiques
391Castell dels Moros
Les déblaiements effectués à l’intérieur de la place, le long des courtines, par R. Grau, entre 1960 et 1979, ont livré « des tessons d’amphores et un fragment de lampe à huile de type paléochrétien » ; un sondage implanté au sud a donné la forme d’une DSP grise décorée (Rigoir 18), ainsi qu’un fer de javelot (Grau 1979).
392Fort de La Cluse Haute
Le suivi de travaux de terrassement en 1991 nous a permis de recueillir un tesson de céramique luisante (Lamb. 2, iiie-ive s.) et quelques fragments d’amphore d’Afrique du Nord. Un sondage pratiqué en 1996 au droit de la poterne sud a permis de mettre au jour un niveau d’abandon renfermant un mobilier céramique et de verre attribuable au ve s. ap. J.‑C. (Castellvi et al. 1996).
393Porte des Cluses
La fouille d’un dépotoir (Castellvi 1995), accumulé à l’ouest de cette structure à partir, semble‑t‑il, du Castell dels Moros ou de la Porte elle‑même, a livré un lot de céramiques du ve s. et plus précisément de la première moitié de ce siècle. Parmi celles‑ci, l’ensemble des DSP ‒ou imitations‒ grises ou orangées recueillies (7 formes dont 3 Rigoir 18 et 1 Rigoir 8) semblent être toutes des productions « méditerranéennes » (formes et décors), ou inspirées des formes provençales.
394Datation
395À la suite des fouilles de Panissars et des données connues à ce jour sur les Cluses, nous pensons qu’au moins une partie de l’ensemble défensif des Clausurae (le Castell dels Moros et la Porte) a pu être construite peu après le milieu du ive s., en utilisant des grès du monument de Panissars alors en ruines (Castellvi 1991). E. Demougeot (1974) a proposé de rapporter le début des forteresses aux événements de 352‑353, quand Constance II ferma l’Espagne à Magnence. Selon R. Grau, puis J.‑L. Massy, le fort de La Cluse Haute aurait pu être construit, semble‑t‑il, avant le Castell dels Moros et la Porte des Cluses.
396Découverte en 1987 à 1,250 km au nord des forts des Cluses, par C. Gavage et J. Chotard, d’un possible fragment de colonne milliaire en granite de 0,62 m de diamètre et 0,65 m de hauteur dans le lit de la rivière de Rom, suite à la crue du 13 octobre 1986 (déposé provisoirement à La Cluse Basse, chez J. Chotard). Fragment anépigraphe. Lieu de la découverte : Les Cluses, parcelle B 19 (cadastre 1933).
Bibliographie
397Alart 1878.
398Castellvi 1991.
399Castellvi 1995.
400Castellvi et al. 1996 : CASTELLVI (G.), FOREST (V.), FOY (D.), GOT CASTELLVI (S.), KOTARBA (J.), GAVAGE (C.), VERGÉ (L.), coll. — Fort romain de La Cluse Haute. Rapport de sondage. SRA Languedoc‑Roussillon, 1996. 38 p.
401Chalon, Gayraud 1980.
402Demougeot 1974.
403Freixe 1900b.
404Grau 1979.
405Grau 1985.
20 Summum Pyrenaeum
406Sources antiques
407– Gobelets de Vicarello : IN PYRENAEO (iii), IN PYRENEO (II), IN PYRAENEUM (I), SUMM0 PYRENAE (IV) ;
– Table de Peutinger : IN SUMM0 PYRENEO ;
– Itinéraire d’Antonin : AD PIRENEUM (I), SUMMO PYRENEO (II) ;
– Anonyme de Ravenne : PYRENEUM.
408Par rapport aux distances données par l’ensemble des itinéraires ‒hormis l’Anonyme de Ravenne qui ne donne aucun décompte de milles entre les stations–, cette station est située à 25 milles au sud de Ruscino (24 dans la Table de Peutinger) et à 16 milles au nord de luncaria. Les stations les plus proches sont : Ad Centuriones (Itinéraire Il d’Antonin) ou Ad Centenarium (Table de Peutinger), à 5 milles au nord, et Deciana (Table de Peutinger) ou Deciana (Anonyme de Ravenne), à 4 milles au sud.
409Identification et observations archéologiques
410Les deux cols du Perthus et de Panissars, distants d’à peine 1,5 km, ont dû être simultanément utilisés dans l’Antiquité, la branche principale étant celle du col de Panissars (Antiquité, Moyen Âge). Les deux branches bifurquaient 2 km au nord (au confluent de la Rom et de la Freixe) pour se retrouver exactement un mille au sud des cols, au lieu‑dit Pont d’Espanya, sur le versant sud.
411Sites du col du Perthus (271 m)
Quatre sites républicains, d’étendues différentes, ont été identifiés par l’équipe française de G. Castellvi entre 1984 et 1988 (Camp de la Torre, Mas Rimbaut, Pelegri, place du Village). Ils sont caractérisés par une relative abondance d’amphores Dressel 1A (78,5 %), Dressel 1C (16,5 %) et gréco‑italiques (5 %). On y trouve également trace de céramiques fines d’origine ibérique, à cuisson oxydante (90 %) ou réductrice (10 %), et de rares fragments de campaniennes. Le terminus ante quem de ces céramiques peut être fixé aux environs de 50 av. J.‑C. La localisation du Summum Pyrenaeum est inséparable de celle du trophée pyrénéen élevé par Pompée en 71 av. J.‑C. au « sommet des Pyrénées », marquant « la frontière de l’Ibérie et de la Celtique » (Strabon, Géo. IV, 1, 3).
412Monument du col de Panissars : trophée de Pompée (330 m)
Il est situé en ligne de crête, pour deux tiers en France, un tiers en Espagne. Il subsiste de nos jours deux importants soubassements parallélépipédiques, taillés dans le rocher de part et d’autre de la voie N.‑S. large de 5 m, aménagés en opus caementicium et originellement parementés d’un appareil pseudo‑isodome en grès à assises alternées de carreaux et de boutisses (une trentaine de blocs subsistent à l’angle N.‑E. sur la hauteur de trois assises). Chaque soubassement atteignait au sol entre 30,765 et 30,915 de long pour une largeur comprise entre 15,530 et 16,066 m ; l’ensemble du monument (soubassements et voie intérieure) couvrait ainsi une aire de 36,70 x 30,84 m. D’axe en axe des fondations du parement, ces mesures donnent, pour l’ensemble des mesures moyennes de : 35 x 29,20 m (soit 120 x 100 pieds), et pour chaque soubassement : 29,20 x 14,40 m (soit largeur = 50 pieds). La hauteur conservée du soubassement le plus élevé (à l’ouest) est de 6,40 m au‑dessus de la voie. Les superstructures devaient être construites en grand appareil de grès à l’identique des fondations du parement. Des fondations internes à chaque soubassement laissent à penser qu’un corps au plan presque carré de 22,40 x 18 m s’élevait au‑dessus des soubassements (certainement aux dimensions de 75 x 60 pieds, soit 21,90 x 17,52 m). Ce plan offre la possibilité de restitution d’un monument turriforme, qui ne peut être que le trophée de Pompée.
413Les fouilles ont démontré que celui‑ci a été mis en carrière au plus tard vers le milieu du ive s. ou peu après. Il est aujourd’hui recouvert par les ruines de l’église Sainte‑Marie de Panissars (1011‑1679).
– Salluste (Hist. fragments III, 5, 89M) ;
‒ Strabon (Géo. III, 4, 7 ‒ III, 4, 9 ‒ IV, 1, 3) ;
– Pline (HN, III, 18 ‒ VII, 96 ‒ XXXVII, 14‑ 15) ;
– Dion Cassius (HR, XLI, 24) ;
– Exuperantius (BC, VIII).
414À signaler également la découverte, sur le site même de Panissars, de la partie supérieure d’un milliaire attribuable à Constantin ier (cf. infra, Castellvi et al., part. 1, § 4.3) et la mention par Dion Cassius d’un autel élevé par Jules César (HR, XLI, 24).
415Le site archéologique (ruines médiévales, fresques romanes) a été signalé par M.‑L. Blangy vers 1980. Une série de travaux de débroussaillement y a été effectuée à sa demande par la fédération des chantiers REMPART en 1983‑84. Les fouilles du secteur français de Panissars ont débuté en 1984 (équipe G. Castellvi), celles du secteur espagnol en 1990 (équipe J.M. Nolla i Brufau, I. Rodà) ; elles se sont achevées en 1993.
416Si les fondations du trophée de Pompée doivent être certainement identifiées aux soubassements républicains du col de Panissars, la localisation précise de la station du Summum Pyrenaeum est à situer dans les parages immédiats. Quelques rares fragments de sigillée sud‑gauloise ont bien été recueillis à une centaine de mètres au nord du monument, versant français, autour de l’actuel Mas de Panissars ‒situé à proximité de trois sources–, ainsi qu’à l’emplacement du village médiéval sis à 50 m vers l’ouest. Un site, découvert durant l’hiver 1992‑93 par C. Gavage sur le versant sud de la crête de Panissars, à 200 m du monument, et situé non loin du tracé supposé de la via Augusta, pourrait cependant s’identifier à la mansio recherchée. Ce site, dénommé Garni de Panissars ou Garni de Cal Rei se trouve abrité des vents dominants (tramontane, mistral) par la crête frontalière. Il est implanté sur un mouvement de terrain relativement plat, situé une dizaine de mètres en contrebas du tracé de la voie, qui offre une assiette suffisamment large pour une construction. Un mur de 0,60 m d’épaisseur, orienté N.‑S., est visible en bordure du chemin actuel carrossable. De nombreux fragments de céramiques ont été récoltés couvrant une période comprise entre le milieu du ier s. et le premier tiers du iie s. ap. J.‑C. (Nolla I Brufau 1993 ; Castellvi 1994‑95).
417Il est à noter que de ce point jusqu’à Fenollar, emplacement présumé de la station d’Ad Centuriones, la distance est de 7,3 km, mesure relativement proche des 5 milles donnés par la Table de Peutinger et l’Itinéraire II d’Antonin.
Bibliographie
418Blangy 1981 : BLANGY (M.‑L.). — Notre‑Dame‑de‑Panissars, prieuré oublié des Pyrénées‑Orientales. Archeologia, no 152, Dijon, 1981, p. 62‑65.
419Castellvi 1987.
420Castellvi 1989.
421Castellvi 1991.
422Castellvi, Got Castellvi 1994‑95.
423Castellvi et al. 1990a.
424Castellvi et al. 1992a.
425Castellvi et al. 1992b.
426Étienne 1955.
427Freixe 1900b.
428Freixe 1901a.
429Freixe 1907.
430Nolla I Brufau, Rodà 1993 : NOLLA I BRUFAU (J.M.), RODÀ (I.). — Memòria de les campanyes d’excavació efectuades a Santa Maria de Panissars (La Jonquera, Alt Empordà) entre 1989 i 1993. Barcelona : Servei d’Arqueologia, Generalitat de Catalunya, 1993.115 p. Rapport dactylographié.
Notes de bas de page
1 Ce texte a été rédigé en janvier 1993. En effet, les nouvelles données, obtenues dans le cadre de fouilles de sauvetage récentes et inédites à la date du colloque, nous ont paru nécessiter une refonte totale du texte initial.
2 Pour tout ce qui concerne l’opération de Jean‑Lasserre, on se référera à Monteil 1990a ; 1990b : 110‑111 ; Célié et al. 1994.
3 De même, pour la ZAC des Halles, voir Manniez, Monteil 1992 et Monteil 1993.
4 Le mot Cadereau, d’origine locale, s’applique à un cours d’eau temporaire, en partie assimilable aux oueds du Maghreb, qui se met en charge de façon ponctuelle et brutale. À Nîmes, il désigne plus spécifiquement un vallon, situé à l’ouest de l’agglomération, qui prend naissance dans les collines et aboutit au Vistre (Fabre, Pey 1991 : 139). Dans la partie est de la ville, la fouille des niveaux d’époque républicaine de la ZAC des Halles a permis de démontrer la présence du cours d’eau naturel de La Fontaine, au pied des collines, sous l’actuel boulevard Gambetta (Poupet et al. 1993).
5 À la sortie de la ville, en direction d’Ambrussum, la via Domitia est reprise, dans ses grandes lignes, par l’avenue du Maréchal‑Juin (ancien Chemin de Montpellier) puis par la RN 113, du moins jusqu’à Codognan (Laforgue 1985, ch. iv).
6 Depuis la porte d’Auguste jusqu’à Beaucaire, la via Domitia peut être restituée au travers des rue et route de Beaucaire. Après le boulevard périphérique, elle emprunte la D 999 jusqu’au mas des Pins (Fiches et al. 1987 : 70). Ce tronçon bénéficie d’une étude récente (ce qui n’est pas le cas de celui qui part en direction d’Ambrussum) qui tend à démontrer sa haute antiquité (Fiches et al. 1987). Une étude technique a ainsi permis de proposer que trois milliaires anépigraphes le jalonnant soient datés de l’époque républicaine (Bessac 1987 : 83‑84).
Il faut ajouter à cette information la tombe de l’octroi de Beaucaire, enfouie au bord de la rue de Beaucaire, et datée de la deuxième moitié du iie s. av. J.‑C. (Py 1981 : 141‑148), ainsi que l’existence d’un petit habitat républicain découvert aux bords de la route de Beaucaire par J.‑L. Fiches.
7 J.‑L. Fiches propose d’ailleurs que la remarquable ligne droite que constitue la via Domitia entre Nîmes et Beaucaire ait pu être réalisée en prenant pour point de visée la tour préromaine englobée dans la tour Magne (renseignement J.‑L. Fiches).
8 À propos de ce schéma où la via Domitia ne pouvait qu’être reprise par des axes majeurs, decumanus et cardo maximus, voir Bondurand 1920‑21, Igolen 1936‑38 et Grenier 1960 : 146. Pour la critique évidente d’une telle hypothèse, voir, par exemple, Fiches, Garmy 1982 : 59.
9 Sur cette interprétation qui ferait de la rue Nationale et de son prolongement vers l’ouest une régénérescence du decumanus maximus, voir Benoit 1981 : 84.
10 « Au‑delà, à partir du forum, le decumanus adopte un tracé rectiligne pour filer en direction de l’ouest, probablement au niveau des quais de la Fontaine ou légèrement plus au sud » (Benoit 1981 : 85). Cette restitution proposée par J. Benoit va d’ailleurs dans le sens de notre proposition de croisement des deux axes de la via Domitia aux abords de la Fontaine. Le fait que la voie restituée, vers l’ouest, par J. Benoit soit en accord avec les orientations du forum et de l’augusteum ne signifie pas forcément qu’elle soit modifiée à cette période.
Une opération récente (Villa Rome), sous la direction de M. Piskorz, a en effet permis la découverte d’un bâtiment monumental à portique qui suit la même orientation que les complexes publics augustéens, mais qui est daté du début du 1er s. av, J.‑C. (Guillet et al. 1992).
11 Il sera difficile d’analyser l’impact de son orientation dans le cadre du travail d’archéomorphologie de J. Benoit (1981). En effet, tout le secteur qu’elle traverse a été créé de toutes pièces au xviiie s., puis agrandi au xixe s., suivant des orientations en grande partie induites de celles des jardins de la Fontaine dont la création, à la même époque, avait permis de mettre au Jour les vestiges de l’augusteum. Ce « masque » recouvre donc une organisation antique dont la nature exacte est à restituer par le biais des fouilles récentes.
12 Je dois ici remercier L. Vidal qui m’a permis de puiser dans son mémoire de maîtrise l’essentiel des informations présentées dans ce chapitre (Vidal 1990).
13 Sur l’un des Gobelets de Vicarello, une station supplémentaire nommée Frontiana est intercalée entre Forum Domitii et Cessera.
14 « Au temps de la République l’usage était répandu de créer des marchés sur les routes nouvellement établies et de leur donner le nom des fondateurs de ces routes » (Bonnet 1905 : 286).
15 Castellum et villam de Monbasen, 1113, Cartulaire des Guilhems p. 612 (F.R. Hamlin, Les noms de lieux du département de l’Hérault, A. Cabrol, 1983, p. 245).
16 Cet article est la synthèse de documents transmis par J. Laforgue. Elle a été effectuée par J. Kotarba.
17 Pomponius Mela. De Chorographia, 2, 5, 84.
18 Pline. Naturalis Historia, 3, 22.
19 Consoranni.
20 Sur les variations récentes du cours du Tech, voir en particulier Lacvivier 1900 : 146‑150. Des travaux menés dans les années 1960 par la direction départementale de l’Agriculture ont montré que le Tech avait bien coulé au nord d’Elne et que cet ancien bras est encore alimenté souterrainement. Nous avons confirmé cette hypothèse par des prospections (Kotarba et al. 1991).
21 Travaux inédits de R. Grau en bordure du Tech, où fut mis au jour, après une crue, un important niveau d’occupation au bas de la berge nord. Le mobilier recueilli est uniquement médiéval (Kotarba et al. 1990).
22 Nous pensons en particulier au gisement des Padraguets I (Latour‑Bas‑Elne) découvert en 1991 et qui est un petit habitat situé à 700 m à l’est de la voie, et occupé uniquement aux iiie et ive s. de n.è. (Kotarba et al. 1991).
23 La première mention des sources du Boulou –les plus anciennes exploitées sont la Font de Sant-Marti et la Font del Volo– date de 869 : « super fluvium Fullonicas cella Sancti Martini cum ipso fontenlle » (Marca 1688 : 793).
24 La voie du Vallespir, croisant la via Domitia vers Saint‑Martin de Fenollar, reliait la côte Vermeille (ports de Port‑Vendres et Collioure) à l’Espagne par Amélie‑les‑Bains et le col d’Ares. Elle est connue dans les chartes du Moyen Âge sous le nom de via vallis aspiranae (Freixe 1900b : 363 ; Ponsich 1985 : 102‑105).
25 Le nom des Bains d’Arles a été changé en celui d’Amélie‑les‑Bains par décret royal du 7 avril 1840, sur demande de la municipalité, en souvenir du passage de la reine Amélie, épouse de Louis‑Philippe.
26 Cette église, malgré une inscription à l’inventaire des sites, fut déclassée et détruite en 1932. Cet acte regrettable a fait disparaître un bâtiment roman dont l’origine paléochrétienne était fort probable (Ponsich 1954‑55 : 90 sq.).
Auteurs
Archéologue, Beaucaire (Gard).
Archéologue, doctorant, Nîmes (Gard).
Directeur de recherche au CNRS, Centre de recherches archéologiques de Sophia‑Antipolis (Alpes‑Maritimes).
Directeur de recherche au CNRS, UMR6573, centre Camille‑Jullian.
Service archéologique du syndicat intercommunal nord du Bassin de Thau, Maison de la Mer, Mèze (Hérault).
Architecte DPLG, Sète (Hérault).
Archéologue AFAN, chercheur associé UMR 154, Lattes (Hérault).
Cet article est la synthèse de documents transmis par J. Laforgue. Elle a été effectuée par J. Kotarba.
SRA Languedoc‑Roussillon, Montpellier (Hérault).
Chargé de recherche au CNRS, UMR 6573, Centre Camille‑Jullian, Aix‑en‑Provence (Bouches‑du‑Rhône).
Directeur de recherche au CNRS, UMR 154, Lattes (Hérault).
Enseignant, archéologue, Perpignan (Pyr.‑Or.).
Archéologue, Elne (Pyr‑Orient.).
Service archéologique de la Ville de Perpignan, musée de Ruscino, Château‑Roussillon, Perpignan (Pyr.‑Or.).
Chercheur associé, UMR 154, Lattes (Hérault), chargé de cours, université de Perpignan.
Professeur d’archéologie, université de Girona, Espagne.
Professeur d’archéologie, université autonome de Barcelone, Espagne.
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