Version classiqueVersion mobile

Archéologie et histoire du Sinnamary du xviie au xxe s. (Guyane)

 | 
Olivier Puaux
, 
Michel Philippe
, 
Régis Picavet

Partie 1. Formation, composition et environnement d’une colonie aux xviie et xviiie s

Chapitre 1. Nouveau territoire, nouveaux paysages

Résumé

Les premiers documents à notre disposition sur la région de Sinnamary remontent à la seconde moitié du xviie s. La Relation des missions des Jésuites du père de La Mousse (1684‑1699) apparaît comme le premier témoignage écrit de l’existence d’Indiens vivant dans le cours superieur de la rivière Sinnamary. Mais il faut attendre le xviiie s., avec les premières explorations relatées, pour que l’on puisse dresser un état des connaissances sur le peuplement amérindien le long des berges de la rivière Sinnamary et de son principal affluent le Courcibo avant l’arrivée des premiers colons européens dans la zone. Ces explorateurs sont principalement des scientifiques et leurs témoignages sont riches en descriptions. Il s’agit de botanistes (Fusée‑Aublet), de minéralogistes (Leblond, Chapel) qui sont accompagnés par des Indiens de la rivière Sinnamary.

L’étude archéologique est fondée sur ces témoignages, sur les prospections‑inventaires et plus particulièrement sur la cartographie et la toponymie (cf. annexe 2). Les cartes anciennes, celles de Dessingy et de Préfontaine notamment, par leur précision topographique sur les villages et carbets amérindiens dans le cours moyen du Sinnamary et du Courcibo, ont permis de guider les prospections le long des berges. Plusieurs sites ont fait l’objet de fouilles avec l’obtention de datations par 14C. Parmi ceux‑ci, le no 20 (Poudoupoudouli) a livré du mobilier européen associé à du matériel galibi au début du xixe s.

Texte intégral

1.1 Une vallée entre forêt et pripris1

  • 1 Pripris : savanes noyées des terres basses des Guyanes.

1Imaginons, dans les lignes qui suivent, une mission de découverte, ou plus simplement d’accostage, comme l’ont été aux xviie et xviiie s. celles de marins et de colons.

  • 2 AN, C14‑61, mémoire de Fitz‑Maurice, 31 mai 1787, p. 61. Brûletout de Préfontaine signale en 1763 s (...)
  • 3 AN, c14‑61, mémoire de Fitz‑Maurice, 31 mai 1787, p. 32, 33.

2À priori, l’accès au fleuve, qu’il s’effectue par la terre ou plus aisément par l’océan, n’est pas encourageant : « Depuis la rivière de Kourou jusqu’à celle de Sinnamary, il y a les mêmes obstacles à rencontrer que depuis Cayenne jusqu’à Kourou et il y a une chaîne de roches le long de cette côte qui en rend la navigation très difficile : c’est entre cette chaîne de roches et les islets du Salut […] qu’on passe pour aborder à cette rivière ainsi qu’aux autres jusqu’au Marony2. » Le Sinnamary « est une rivière dont l’embouchure est fort étroite, peu profonde et souvent embarrassée de bancs de vase qui changent d’une marée sur l’autre. La mer y est fréquemment mauvaise. Il n’y a que des pirogues qui peuvent y entrer et il y en a quelquefois qui y périssent en faisant la tentative […]3. »

3Le déporté Barbé‑Marbois décrit les meilleurs mouillages pour les navires. D’après lui, ils se trouvent fort éloignés des lieux les mieux cultivés : « Le Maroni, qui nous sépare de la colonie de Surinam, est entièrement inhabité sur la rive française. Lorsque des voyageurs par mer sont réduits, par la perte de leurs pirogues, de se rendre (à pied) à cette rivière au premier établissement français qui est Iracoubo, ce voyage de environ 14 lieues (soit 56 km pour la lieue terrestre ou 70 pour la lieue marine) est hérissé d’obstacles : ils n’y rencontrent pas une créature humaine, et quelques‑uns y ont péri misérablement. L’entrée du Maroni n’est pas forcément connue : on peut cependant l’avancer jusqu’à plusieurs lieues au dessus de l’embouchure par trois brasses d’eau de basse‑mer. Le Sinnamary reçoit les bâtimens qui tirent seant a dix pieds d’eau (soit une trentaine de mètres). » Suivent les descriptions des mouillages des îles du Salut, de Kourou, Approuague, Oyapock, Cayenne (Barbé‑Marbois 1797 : fol. 246).

4Cette bouche du Sinnamary, si difficile d’accès, reste la clef du passage de centaines de personnes qui s’établiront un peu plus haut sur les abords du fleuve et s’en serviront pour faire transiter leurs produits. La colonisation s’installe dans une région où vivent des Indiens qui, depuis longtemps, y ont leurs abatis, des villages, des traditions et des règles.

« Le fleuve coule au milieu d’une vaste savanne ou plaine et la partage en deux. La partie droite se nomme savanne de Sinnamary parce que c’est sur ce terrain qu’est situé le poste du même nom. La partie gauche se nomme la savanne des Pères et est bordée du côté du fleuve d’une ceinture de palétuviers assés épaisse. On prétend que la partie gauche surtout a été cultivée et l’on s’appuie sur ce que l’on trouve de petites prééminences très fréquentes et très rapprochées (moins de 3 pieds, soit un mètre environ) et l’on conjecture que chaque prééminence étoit le siège d’une plante et avoir été artistement formée pour mettre les racines de cette plante à l’abri du contact des eaux qui inondoient cette (plaine) […]. C’est aux environs du village de Simapo que commence le vrai système montueux et que le lit du fleuve est vraiment limité par des montagnes des deux côtés. Ce sont des monticules sauf la montagne dite de Belle Vue, à l’ouest de cet établissement indien. » (Chapel 1788.)

5Avec le minéralogiste Chapel, poursuivons notre remontée du fleuve :

  • 4 AN C14‑31bis, fol. 284 et suiv., lettre no 195 de Préfontaine à Monseigneur, 19 septembre 1763.

« Le Sinnamary qui fort avant dans les terres jusques a 15 lieues (soit 60 kilomètres pour la lieue terrestre) et au dessus a quatre brasses de profondeur (soit 6,5 m) et soixante et douze toises de largeur (soit environ 140 m) s’est formé depuis six ans un lit étroit de vingt toises (environ 40 m) a son embouchure dans laquelle on trouve trois passes embarrassées de bancs de sable sur lesquels la mer brise avec tant de force qu’il est impossible de distinguer une entrée de large […]. Une lieue et demie au dessus je trouvay la mission et les 6 maisons élevées par les sieurs de Villers et de Tugny […]. L’intérieur des deux rivières de Counamama et d’Iracoubo est susceptible d’être navigué par des bâtiments de 200 et 300 tonneaux (environ 300 à 400 m3)4. »

6Cette remarque est alors confirmée par le capitaine du navire Aimable Marie, de Bayonne, dans le premier semestre de 1763. Il signale le manque d’eau pour un navire à l’entrée du fleuve, la présence de bancs de sable, malgré l’assurance des Indiens qu’il y avait beaucoup d’eau de pleine mer.

7Au‑delà de cette description rapide d’un paysage, sans doute assez fidèle, –une bordure marécageuse étroite, parallèle à l’océan– commence la remontée du fleuve Sinnamary et la plongée dans la forêt amazonienne. Sans être des « autoroutes », les fleuves guyanais, longues et larges artères ponctuées de rochers (ou sauts), perpendiculaires à la côte, permettent de plus amples investigations dans les terres. Le Sinnamary n’est pas le premier fleuve ainsi remonté : l’Approuague, l’Oyapock, le Maroni et l’Oyac (Comté) ont fait rêver les aventuriers et les chercheurs de terres à coloniser, de passages à ouvrir, de peuples avec qui traiter et de l’Eldorado, maintes fois décrit et évoqué depuis la fin du xvie s. Un tableau dresse un récapitulatif non exhaustif de ces voyages (tabl. i).

  • 5 Cf. chap. 2, doc. 3.

8Le fleuve sert à relier les hommes, mais aussi à la circulation de leurs produits et au brassage des cultures. Il est surtout le moyen d’accéder à une forme de connaissance, mi‑philosophique mi‑scientifique, d’un pays, d’une nation, d’une nature, en amont vers la source du fleuve et de son principal affluent le Courcibo. Il permet, par exemple, de remonter en partie jusqu’au chemin fameux des Émerillons emprunté par les Indiens entre l’Oyapock et le Maroni. C’est peut‑être ce parcours que le botaniste Fusée‑Aublet est tenté d’adopter, lorsqu’il remonte une des branches du Sinnamary, en allant jusqu’à « Manne » et en redescendant à « Maroni »5.

TABL. I – Principales missions d’exploration en Guyane depuis la fin du XVIe s.

MP, OP/Afan

1.2 Toponymie du bassin du Sinnamary : côte, vallée et intérieur

9La finalité de cette recherche sur la toponymie a consisté à établir un inventaire général des toponymes ayant pour délimitation géographique l’ensemble des zones prospectées dans le cadre du programme archéologique de Petit Saut (cf. annexe 2). Le nombre important de noms repérés sur les cartes, plans et récits de voyages nous a amenés à établir des groupes par type de toponymes : les rivières, les sauts, les criques, les roches, les montagnes... C’est la raison pour laquelle les recherches se sont attachées non seulement au réseau hydrographique (rivières et criques) mais également à tout ce qui pouvait permettre de localiser, le plus précisément possible, l’ensemble des quelque 305 sites archéologiques inventoriés, toutes époques confondues. En particulier, certains affleurements rocheux (Roche Zozo Fou) ont reçu un nom, ainsi que certaines collines ou massifs montagneux (montagnes Oupouimant, Philippe). Quant aux « pointes » ou « ronds », ils désignent des courbes du fleuve. Mais ce sont les sauts et les criques qui fournissent la majorité des toponymes. Enfin, quelques cartes livrent des renseignements précieux sur l’emplacement d’anciennes habitations, carbets, abatis et autres anciens villages amérindiens ou d’orpailleurs.

1.2.1 La toponymie des voyageurs du xviie au xviiie s.

10La plupart des fleuves côtiers importants tels le Kourou, la Mana et le Sinnamary sont, pour leurs parties moyenne et haute, encore inexplorés ou mal connus à la fin du xviie s., malgré, pour ce dernier, la mise en place éphémère en 1624 d’un établissement, c’est‑à‑dire d’un poste militaire et d’une petite colonie en provenance de Saint‑Christophe.

  • 6 Le père Jean de La Mousse est né dans le diocèse de Clermont le 30 novembre 1650. Admis le 14 octob (...)

11Au regard des principales rivières de la Guyane française (Approuague, Kourou, Mana, Maroni, Oyapock), l’exploration du Sinnamary semble, en fin de compte, avoir débuté à la même époque, à savoir dans la seconde moitié du xviie s. Sur la carte faite par le sieur Fébvre de la Barre, datée de 1665, deux représentations de carbets amérindiens (?) sont indiquées dans ce qui pourrait être le bas Sinnamary. L’unique texte connu de cette époque concerne la relation des voyages du père Jean de La Mousse6 chez les Indiens du Sinnamary entre 1684 et 1691. Ce jésuite, affecté au quartier de Sinnamary, a pour mission d’évangéliser la forte population de Galibis vivant plus particulièrement le long des côtes de la Guyane. Il ne s’aventure guère dans l’intérieur du pays, se contentant de visiter les carbets situés au maximum à cinq lieues terrestres de sa mission de Sinnamary. En 1684, lors de son second séjour, il rencontre un certain M. Chretien « qui avec quelques Indiens avoit penetre assez avant dans le pais au haut de la riviere de Sinamari, ou il pretendoit découvrir le pais, il ne fut pas si long tems qu’il pensoit en son voiage, tant a cause de ses maladies que des mauvais chemins qu’il rencontra aiant trouvé quinze ou seize saults ou chuttes d’eau de la Rivière… » (La Mousse 1684‑1699 : fol. 85). Sachant que vingt‑deux sauts sont répartis sur les 262 km du Sinnamary, on peut facilement imaginer le périple réalisé par ce Français. À titre d’exemple, Petit Saut est considéré comme le second saut situé à près de 40 km de l’embouchure du fleuve. Malheureusement, aucune information complémentaire n’est donnée sur cette exploration. Quelques années plus tard (1690), le père Jean de La Mousse rencontre des Indiens : « Enfin le 20 d’octobre l’arrivée a Sinamari dans un carbet, ou je trouvé des Indiens du milieu des terres et du haut de la riviere de Sinamari qui n’avoient jamais vu la mer. » (La Mousse 1684‑1699 : fol. 168.) Là encore, le père ne semble guère s’intéresser à ce qui se passe dans l’arrière‑pays.

  • 7 Une seconde carte attribuée au sieur d’Anville (Anville 1729), indique également la présence du vil (...)

12Dans la première moitié du xviiie s., les connaissances de ce fleuve demeurent encore lacunaires. La carte du sieur d’Anville, en 1729, indique que la rivière de Sinnamary est « très étendue mais pleine de sauts ». Il précise également l’existence, aux sources de la rivière, de « Tounoïennes ou Galibi réputés sauvages ». Une carte anonyme, qui semble dater de la première moitié du xviiie s., atteste de la présence, dans le haut de la rivière, du village de « Tonnayaribo » peuplé d’Indiens « qui sont presque blancs » et de deux villages localisés dans le cours inférieur du « Sinamary » (Recueil 1764)7. Il semble donc assez probable que des contacts existaient à cette époque avec le haut du fleuve.

  • 8 En 1763 et 1764, le projet d’installation de douze milliers d’Européens (dont la moitié d’Allemands (...)

13Mais il va falloir attendre la seconde moitié du xviiie s. pour que nous parviennent les premières descriptions de ce cours d’eau. Cette époque correspond à la reprise en mains, par l’administration royale française, de la gestion de missions jésuites telle Sinnamary, et à un effort de colonisation plus intense, dans ce vaste territoire. L’exemple le plus connu est la colonisation terrible des années 1763‑1764, « l’affaire de Kourou » et la mise en cause, après ce flagrant échec humain et économique, de M. de Chanvallon. Sinnamary et les îles du Salut bénéficient alors, en l’occurrence, d’un vaste mouvement migratoire et exploratoire8.

14Ces voyageurs du fleuve sont avant tout des scientifiques éclairant leurs témoignages des lumières de leur science : la minéralogie (Chapel, Leblond), la botanique (Fusée‑Aublet, Barbé‑Marbois), la géographie (Dessingy, Mentelle), ou l’architecture (Tugny). Parfois, chez Leblond, Mentelle, Tugny, cartes géographiques et plans d’urbanisation accompagnent des rapports de voyage ou d’exploration. Ces rapports fourmillent de renseignements, d’intérêt inégal certes, mais indispensables sur les plans géographique, géologique, climatique, ethnologique, etc. Les récits de voyages effectués sur le cours du fleuve à partir des années 1760 permettent d’apprécier la connaissance de l’espace géographique et géologique. Les distances sont évaluées en lieues ou en durée pour les marches dans la forêt.

Brûletout de Préfontaine

15Commençons par le premier d’entre tous : Brûletout de Préfontaine, ancien capitaine d’infanterie et colon à Cayenne, puis nommé en 1762 commandant de la nouvelle colonie entre le Maroni et le Kourou. C’est lui qui dresse en 1763‑1764 une carte du Sinnamary (fig. 4).

FIG. 4  – Reproduction de la carte de la rivière Sinnamary établie par B. de Préfontaine en 1764.

BRH/Afan, OP/Afan de/., d’apr. Préfontaine 1764a

16Comme l’indique une seconde carte un peu plus tardive, il réussit à faire la jonction entre le Kourou (à hauteur de saut de Kourou ou Léodate) et le Sinnamary en remontant la crique Coupii (devenue Campi), ce qui représente une quinzaine de kilomètres entre les deux rivières (il l’évalue lui‑même à trois lieues). Sur l’une des deux cartes connues de Philippe Boulongne, datée de 1764, est annotée la remarque suivante : « Mr De Préfontaine parti du camp de Kourou, remonte la riviere jusqu’au Saut ou il mit pied à terre. Il suivit a pied la crique coupii, qu’il passa plusieurs fois, ainsy que l’indique le relevé qu’il en a fait, elle le conduisit a la Montagne Oppouiman, d’où cette crique et celle de Pamabo prennent naissance en coulant la première à l’est et l’autre à l’ouest, celle cy le conduisit au Saut de Sinamary, d’où il descendit en canot jusqu’au camp qu’il avoir fait construire a la Mission. De là il s’en revint a Kourou par terre le long des Ances de la mer. » Bien que la représentation qu’il nous donne du bas et moyen Sinnamary, depuis son embouchure jusqu’au saut actuel de Bérard d’une part, et la crique reliant les deux bassins versants du Kourou et du Sinnamary d’autre part, n’est pas toujours conforme à la réalité, Préfontaine nous livre toutefois un ensemble d’informations précieuses concernant l’emplacement des habitations et des abatis situés en aval de Petit Saut (doc. 1). Il nous donne également une représentation à priori tout à fait surprenante de la confluence Sinnamary/ Courcibo, avec l’indication d’un saut appelé « Sinamaria ». Il y est indiqué la présence de roches et d’une île aujourd’hui disparue. Or, l’analyse d’une photographie aérienne et d’une coupe stratigraphique menée sur place à l’occasion de travaux réalisés par un orpailleur (Daniel Novak), a confirmé l’existence d’un ancien bras à hauteur de la confluence. Ce bras a probablement été comblé au siècle dernier, ou au début du xxe s., à la suite des recherches aurifères intensives menées dans cette zone. La découverte, sous plusieurs mètres de sédiments, d’une lime en fer associée à des tessons de céramiques amérindiennes l’atteste. Préfontaine semble accompagné d’informateurs amérindiens galibis. La plupart des noms de sauts (Paou Appouimabo, Yatapotopo) et surtout de montagnes et collines (Oupuimant, Katayabo…) et autres lieux‑dits qui parsèment ce fleuve sont amérindiens. Sur la carte de 1772, certains noms ont toutefois quelque peu évolué : c’est ainsi que le Saut de Yatapotopo est devenu Saut de Jaitapo.

Document 1
Précis d’une lettre accompagnant la carte de Brûletout de Préfontaine
Source : Préfontaine 1764b.

Du 2 8bre 1764 Comptes rendus à l’intendant sitot mon arrivée afin qu’il pût profiter du reste de la saison pour Etablir les Canadiens qui etoit convenu avec moi d’établir, 3 mois auparavant.

Vous avez Monsieur dequoi reparer le tems perdu, en profitant du relevement dela Riviere que jesais de faire, ce qui m’a donné la connaissance des habitations abandonnées et dont on peut tirer parti pour établir promptement une centaine de familles, 25 habitations depuis l’embouchure jusquà celle d’Araquary, et depuis la sienne, jusqu’au saut de Saupé 16, ou il y a déjà des Carbets, des bananes, Patates, Magnioc, et autres drogues necessaires a ensemencer, où même à la vie.

Vous avez, Monsieur, de plus cette vaste montagne pleine de vivres, ou nous avons monté avec Madame Prefontaine le Magnoc passera, s’il ne l’est pas et ne servira plus qu’a planter. Cette seule montagne peut loger 6 familles, en se hatant cet été, l’on pourra tirer au fort à qui elle restera quand chacune d’elles aura eu le tems de former son habitation ailleurs.

Au reste vous voyez que l’habitation d’Ariquary est postée merveilleusement pour un magazin du Roy ; il se trouve au centre du Vieux Etablissement et de la Riviere habitée. Je vous ai représenté toutes ces choses en may. J’espere qu’elles vous feront autant et plus de plaisir aujourdhuy puisque je vous instruit du local à cet egard.

J’ai sauvé la pirogue de St Honoré, il y a 4 mois qu’elle est abandonnée ; il y en a 5 autres le long des ances que je ferai sauver aussi et rentrer a Kourou en comptant cella que je lui ai sauvé en 8bre l’année passée. Je lui gagnay deux bateaux perdus pour rendre pratique ceux que j’avois chargé de l’entrée de la riviere de Kourou.

Je me flatte qu’enfin vous veréz que le plaisir que je trouve à celles de l’avant dans une besogne qui fait votre gloire, ne sera pas interpreté par des flatteurs comme l’objet d’un autre motif que celui de vous etre utile.

Vous ne m’avez pas fait de reponse à la première lettre que je vous ai ecrite, en montant la riviere de Kourou ce 23 7bre. Je n’ay passé devant les habitations nouvelles dans cette riviere que la nuit, crainte qu’on ne vous fit des comptes, ce qui me prouve sûrement que vous avez reçu cette lettre, c’est que j’apprends que vous avez donné des ordres pour aller faire le Carbet sur le terrain du defunt de Croize, afin de mettre a couvert les bois du Roy qui sont déjà passé un hyver dehors. Je me flatte que les remarques que j’ai fait en passant sur toutes ces choses, loin de vous avoir fait peine vous prouveront mes sentimens.

Fusée‑Aublet

  • 9 Cf. chap. 2, doc. 3 : Voyage de Senamary par le Sr Aublet en Octobre‑Novembre 1762 (copie caom, dfc(...)
  • 10 Parmi les Indiens qu’Aublet désire engager, il s’en trouve plusieurs (Antoine, Patrice, Augustin Ma (...)

17Au mois de novembre 1762, le botaniste Fusée‑Aublet entreprend un premier voyage sur la rivière Sinnamary qu’il remonte pendant dix jours9. Il est accompagné d’Indiens galibis vivant au bord de la rivière. Dans son journal personnel, Aublet note les « indiens à prendre à Cinamari » dont le capitaine « Germain de Maiaque et sa bande »10. Dans son Histoire des plantes de la Guyane, il précise que « ce voyage », réalisé au mois de novembre, l’aurait mené à 100 lieues en amont de la rivière dont il décrit « des forêts désertes, à quelques distance de la rivière de Sinémari, au dessous du premier saut qu’elles font en venant de sa source » (Fusée‑Aublet 1775 : t. I, 257). Le 13 avril 1763, un second voyage le mène par la rivière d’Oyac (la Comté) et la crique Galibi. Il débouche le 8 mai suivant sur la rivière Sinnamary, en aval du saut actuel de Deux Roros. Il préfère revenir sur ses pas plutôt que de descendre le fleuve (Fusée‑Aublet xviiie s. a, b).

Les pères missionnaires

18Ils semblent également s’être intéressés de plus près aux populations indiennes à évangéliser, pouvant se trouver à l’intérieur des terres, dans cette partie de la Guyane inconnue (au même titre que les pères Griller et Béchamel en 1674 dans le bassin de l’Approuague). En 1764, le père Geuse (ou Geusse ou Guez) remonte le Sinamaribo jusqu’au saut situé en amont du « chemin d’Oyac ». Les toponymes diffèrent de ceux donnés par Préfontaine la même année (Timoureguin, Dietapouroupi…). Il s’agit de la première carte recensée couvrant la quasi‑totalité du cours de la rivière Sinnamary (Geusse 1764).

Joseph‑Charles Dessingy

  • 11 Il s’agit de trois feuilles d’une même carte redécouvertes séparément. La première au caom d’Aix‑en (...)

19Dès lors, les explorations vont se succéder. En 1770, l’ingénieur géographe en chef Joseph‑Charles Dessingy entreprend de rejoindre le Sinnamary depuis la rivière d’Oya (ancien nom de la Comté). Au mois de janvier, il fait une première tentative qui le mène depuis la rivière Arigaraïe (ou Crique Galiby) jusqu’à un embranchement avec la rivière Sapourana. Il remonte celle‑ci pendant cinq jours et parvient aux montagnes du même nom. Au mois de mai de la même année, il entreprend une seconde expédition par le même chemin. Mais, cette fois‑ci, il délaisse la rivière Sapourana pour explorer plus avant la rivière Arigaraïe. À un moment donné, il doit abandonner les canots, la rivière étant devenue impraticable. Il parvient alors à un nouvel embranchement. Il décide de longer cette nouvelle rivière qu’il nomme Camoüinabo. Parvenu à la source de celle‑ci, il traverse une petite montagne qui délimite les deux bassins de la Comté et du Sinnamary et tombe sur une rivière (ou crique) qu’il appelle Saoüaïoubo ou Saoüaïouban (actuellement Crique Camoaïbo). Il descend cette rivière et découvre le Sinnamary (fig. 5). Au total, il lui aura fallu cinq jours pour relier la Comté au Sinnamary. Il débouche sur celui‑ci en amont de la crique actuelle d’Alaparoubo, à quelques centaines de mètres de l’endroit où Fusée‑Aublet était arrivé en 1763. Après avoir fabriqué de nouveaux canots, il remonte quelque peu la rivière jusqu’au saut de Roüaoübo (Saut Deux Roros) puis la redescend jusqu’au bourg de Sinnamary, signalant à propos de l’actuel Petit Saut que « les marées se font sentir jusqu’ici en temps de sécheresses ». Ce faisant, il indique aussi, sans plus de précision, la présence de trois anciens établissements indiens. D’après sa carte11, on sait aussi que Dessingy explore également une partie de la rivière Courcibo jusqu’au saut actuel de Bois Lait.

FIG. 5 – Carte du cours de la rivière Sinnamary, entre son embouchure et la crique Aïmara (feuille 1), par J.‑C. Dessingy (Dessingy 1770a).

Cl. Archives Nationales, caom. Tous droits réservés

20Sur le point précis de la confluence Sinnamary/Courcibo, Dessingy ne remarque pas la présence d’une île. Il est possible que le passage à cet endroit à des époques différentes de l’année modifie sensiblement la topographie. Considérant que Préfontaine a voyagé pendant la saison des pluies, il a pu effectivement voir un bras actif reliant le Sinnamary au Courcibo, contrairement à Dessingy si ce dernier est passé en saison sèche.

  • 12 Il existe peut‑être un lien entre le village de « Tonnayaribo » et la nation indienne des « Tounoïe (...)

21La mission de Dessingy consiste à organiser la défense de l’arrière‑pays en cas de guerre et il lui faut donc instruire les tribus indiennes qu’il serait amené à rencontrer. Il localise plusieurs habitations et abatis situés entre Petit Saut (Coachi Indien, Maya, Marcelin…) et Saut Bois Lait sur la rivière Courcibo. Il repère également, dans le haut Sinnamary, quatre « Anciens Établissements d’Indien ». Ne s’agit‑il pas là des anciens villages d’Indiens venant du haut de la rivière qu’évoque le père Jean de La Mousse en 1690, ou du village de « Tonnayaribo »12 ? Au regard des cartes de Préfontaine ou du père Geusse, Dessingy a sa propre nomenclature des toponymes tels que les sauts Coyacoyaman, Takeribo, Tokoloritote, ou les criques Tonambo, Tigem Bilem, etc.

22Il est à noter que les relevés réalisés par Dessingy sont d’une qualité de tout premier plan (échelle voisine du 1/40 000) ; ses cartes peuvent être comparées à celles de l’ign et les dépassent par leur précision en ce qui concerne le tracé des petites criques ou rivières (Saoüaioubo, Camoüinabo, Arigaraïe…).

Bonne

23Datée de 1782, la carte générale de la Guyane de l’ingénieur‑hydrographe M. Bonne révèle l’existence de nouveaux noms de sauts (Mociban, Ataparoubo) qui, pour certains (Paroué), perdureront jusqu’au xxe s. Mais il est probable qu’il se soit inspiré de cartes antérieures telles que celle de Dessingy ou du père Geusse.

Jean‑Baptiste Leblond

  • 13 Cette assertion rejoint la déclaration de l’historien Bassières qui affirmait que les jésuites avai (...)

24Médecin naturaliste du roi, il apparaît dans l’histoire de l’exploration de l’intérieur de la Guyane comme le premier « scientifique » à se rendre aux sources des rivières Sinnamary et Courcibo et de ce qui deviendra, quelques décennies plus tard, la rivière ou Crique Leblond (fig. 6). Il réalise également la jonction entre la Comté et le Sinnamary par la crique Galibi. Lors de son voyage commencé le 24 juillet 1787 et achevé le 3 janvier 1788, il récolte de nombreuses espèces botaniques inconnues et dresse un inventaire des ressources minéralogiques de la région parcourue : « B. Gneiss – ils occupent principalement les sauts de la rivière Sinnamary, du Courieye et de l’Oyapock » (Leblond 1814). Certaines de scs remarques annoncent, avec quelques décennies d’avance, la présence de l’or dans cette partie de la Guyane. Quant aux toponymes apparaissant sur sa carte, ils diffèrent totalement de ceux donnés précédemment par Préfontaine, Dessingy, le père Geusse et M. Bonne (Sauts Toconomo, Tamacoiarana, etc.)13.

FIG. 6 – Carte établie par J.‑B. Leblond en 1814 (Leblond 1814).

cl. ADG

Alexandre Chapel

25Au même moment (1788), l’ingénieur des mines Alexandre Chapel dresse une carte minéralogique du bas Sinnamary, depuis son embouchure jusqu’en amont de sa confluence avec la crique Tigre (fig. 7). Il attribue de nouveaux noms à certaines criques et dresse avec précision un inventaire descriptif des sols et des roches rencontrés.

FIG. 7 – Carte établie par A. Chapel en 1788 (Chapel 1788).

Cl. Archives Nationales, CAOM. Tous droits réservés

Malouet

26Vers la fin du xviiie s., Malouet mène une mission de reconnaissance sur le Sinnamary. Il signale la présence « d’indiens établis à dix lieues du poste » sans plus de précisions. Cette information est malgré tout intéressante puisqu’elle indiquerait la présence d’un établissement amérindien dans la région de Petit Saut (Malouet 1868 : t. I, 143‑165).

27De cette période, on retiendra que la grande majorité des criques, sauts et montagnes reçoivent alors des noms amérindiens, et plus précisément de langue caraïbe. L’étude des dictionnaires français‑galibi le confirme. La plupart des informateurs accompagnant les « explorateurs » sont recrutés parmi ces Galibis habitant plus particulièrement dans les villages côtiers. Certains d’entre eux (le capitaine Mayac) parlent un peu le français. N’oublions pas que la mission jésuite de Sinnamary a abrité, jusque dans les années 1759‑1760, une forte communauté de Galibis.

  • 14 AN, C14‑13, compte rendu du gouverneur de Cayenne, M. d’Orvilliers.

28Le Sinnamary, moyen d’exploration vers l’intérieur des terres, va au cours du xviiie s. devenir un enjeu politique. Les frontières occidentale et orientale de la Guyane ont longtemps été contestées, respectivement par les Hollandais du Surinam et par les Portugais du Brésil. En juin 1723, les Hollandais souhaitent que leur borne frontière soit établie à Sinnamary, soit à une dizaine de lieues de leurs sucreries14. De fait, toute la région située entre le Sinnamary et le Maroni est peuplée d’Indiens qui joueront un rôle d’intermédiaire politique, souvent complexe, entre les administrations coloniales et les Noirs marrons, ces esclaves révoltés de la Guyane hollandaise. Toute la deuxième moitié de ce siècle sera marquée par ce conflit frontalier et par ses conséquences sur l’attitude des populations galibis de toute la côte.

1.2.2 Remarques linguistiques

29Lorsque les explorateurs entreprennent les premières missions sur les rivières de Guyane, ils s’accompagnent systématiquement de guides amérindiens. Malheureusement, rares sont les allusions à l’appartenance ethnique de ces guides. Nous en sommes donc généralement réduits à supposer qu’il s’agit d’Indiens galibis, principal groupe ethnique de langue caraïbe présent le long des côtes de Guyane aux xviie et xviiie s. L’étude des dictionnaires (Biet) et des descriptions de la végétation et de la faune (La Maison Rustique de Préfontaine et l’Histoire des plantes de la Guiane française selon la méthode sexuelle par Fusée‑Aublet) nous renseigne sur l’origine linguistique de certains toponymes donnés aux rivières, criques et sauts de la Guyane. En ce qui concerne la rivière Sinnamary, on s’aperçoit que la majorité des noms pour lesquels il a été possible de trouver une origine est galibi (Paou Appouimabo, Pataoua, Aïmara…). Les seules exceptions concernent un nom garipon (Tamacouirana) et un autre d’origine caraïbe (dont font partie les Galibis).

30Avec l’arrivée des orpailleurs dans le bassin du Sinnamary, la modification de la toponymie s’accompagne de l’intrusion de nombreux noms créoles (Deux Roros, Zakarin…). Les vieux noms français sont assez rares puisque l’on ne trouve que « Camisa » déformation de Camisat.

1.3 Archéologie du cours moyen du Sinnamary

1.3.1 Archéologie et témoignages

31Rares sont les textes anciens relatant le mode de vie des populations amérindiennes de la Guyane dans les premiers temps de la colonisation (A. Biet, Goupy des Marets, Jesse de Forest, etc.). L’analyse de ces documents permet de compléter, voire de confronter, certaines découvertes archéologiques. Comme le remarque justement Stéphen Rostain « cette science [l’ethnohistoire] est intéressante pour l’archéologie, et peut même lui être complémentaire, car les études associant archéologie et ethnohistoire, réalisées dans les Guyanes, en ont prouvé l’intérêt » (Rostain 1994 : 264). Certaines descriptions faites par le père Jean de La Mousse, lors de ses différents séjours parmi les Indiens galibis du quartier de Sinnamary (1684‑1691), ou par Laffbn de Ladebat en 1798 apparaissent, à ce titre, dignes d’intérêt. Nous prenons pour exemple la fabrication de la poterie et la description d’armes.

Observations du père de La Mousse

32Lors de l’une de ses nombreuses visites d’un carbet galibi situé à proximité de la rivière Sinnamary, le père de La Mousse arrive au moment où des femmes façonnent des poteries. La description qu’il apporte des différentes phases de fabrication est d’une grande précision.

33En ce qui concerne les sources de la matière première, s’il n’est fait nulle allusion aux lieux d’extraction de l’argile, le père indique toutefois l’endroit d’où sont extraits les colorants : « leur peinture se trouvent sur les bords des rivieres, ce sont des craies rouges, blanches, noires et jaunes ». Une tentative d’interprétation peut être faite de ces différents colorants d’origine minérale ; à savoir, rouge : terre ferrugineuse, argile ; blanc : kaolin ; jaune : argile. Quant à la craie noire, il s’agit plus spécifiquement d’une terre végétale. Il en existe de différentes sortes (Rostain 1994 : 264).

34Il précise également les types de dégraissants utilisés, à savoir de l’écorce de « Canopi » (kwépi) réduite en cendre mélangée à des fragments de poteries (chamotte) : « elles mêlent la cendre d’une ecorce nommée canopi avec l’argile dont elle veulent faire les pots qui se mettent au feu, et y ajoutent encore des morceaux de vieux pots cassez qu’elles pilent bien menus ». L’emploi combiné de deux types de dégraissants (kwépi et chamotte) est une information très intéressante car des descriptions de ce type faites à la même époque ne semblent faire état que de l’usage du kwépi (Licania sp. et Couepia sp.) qui est de l’écorce brûlée.

35La phase de façonnage est également bien décrite : « elles applatissent en rond un peu d’argile de la largeur de trois doigts ou un peu moins, tous leurs pots sont un peu pointus, pour s’enfoncer dans le sable ou pour se poser sur trois pierres qui servent de foier, au tour de ce petit rond elles appliquent un long boiau d’argile qu’elles ont roulé sur un ais et l’entortillent l’un sur l’autre ». On note que les potières n’ont pas de tour et qu’elles utilisent la technique du colombin. La forme arrondie des fonds des poteries est également un trait fonctionnel et stylistique important mais la multiplicité des formes céramiques découvertes sur les sites nous incite à rester prudent dans les comparaisons pouvant être établies avec l’archéologie.

36Suit la phase de polissage où les femmes « passent un morceau de calebasse par l’endroit qui est uni avec un peu d’eau ».

37La préparation du colorant consiste en ce qu’elles « diloient leur craie dure en la trempant dans du jus de manioc. Ces couleurs se mettent avant la cuisson ».

38La dernière phase, en postcuisson, consiste à appliquer un « vernis » végétal à l’aide d’« une gomme sur l’autre, qui fait le vernis, cette gomme s’appelle chimeri ». Comme le remarque Stéphen Rostain, « des fragments d’exsudation végétale solidifiée […] ont pu servir à cet usage, ont été récoltés dans plusieurs sites archéologiques. Certains d’entre eux étaient moulés à la forme du petit sachet qui les avait conservés. Ces fragments semblent être issus de l’arbre courbaril (Caesalpiniaceae, Hymmaea courbaril, qui se dit simiri en Galibi) » (Rostain 1994 : 267‑268). Ce procédé sert avant tout à imperméabiliser la céramique.

39Quant aux formes de poteries, il reste assez imprécis et ne distingue que :
– « des grans vases qui tiennent près d’une barique, ou se met la boisson » ;
– « des pots et des plats d’usage ordinaire ».

40Le « Tomach » est « une espèce de bâton plat de bois dur, dont ils se servent ordinairement et qui est comme leur épée ». Des pièces ayant forme d’épée sont régulièrement découvertes, par les orpailleurs actuels, principalement dans le lit des rivières. Deux exemplaires nous ont été remis par un orpailleur en provenance du Courcibo et du Sinnamary (fig. 8).

FIG. 8 – Épée en bois, rivière Courcibo.

OP del./Afan

Observations de Laffon de Ladebat

41Lors de sa visite de villages et carbets indiens du bas Sinnamary, Laffon de Ladebat note que les « Indiennes font ces vases avec une espèce d’argile gris de fer, qui est assez abondante dans ce pays. Elles les font à la main ; elles les peignent ensuite avec du roucou, ou avec d’autres couleurs que leur fournissent quelques plantes ou quelques arbres, et, pour rendre ces couleurs solides, elles les mêlent avec de la gomme de Chimeri qu’elles extraient d’un arbre appelé Kroubari (Courbaril). Elles appellent la terre dont elles se servent pour faire ces vases : orinan. » (Laffon de Ladebat 1912 : 89.)

42L’indication de l’utilisation d’une argile de couleur « gris de fer » est intéressante car des poteries découvertes, en particulier, sur les sites bps 20 (Poudoupoudouli) et bps 230 (Roche Génipa berge) ont probablement été fabriquées à l’aide de ce type d’argile. De même, comme leurs ancêtres un siècle plus tôt, la tradition d’appliquer sur les poteries un vernis végétal (le chimeri) a subsisté.

1.3.2 Archéologie et cartographie coloniale

43L’étude des cartes amène tout naturellement à se poser la question de la situation du peuplement du Sinnamary et de ses principaux affluents, depuis l’arrivée des premiers colons en Guyane jusqu’à la grande période de l’exploitation aurifère entre 1870 et 1935. À l’exception d’anciens villages d’orpailleurs indiqués sur les cartes ign actuelles au 1/50 000, on ne disposait au départ d’aucun renseignement concernant la présence d’anciens villages ou d’habitations amérindiens sur le Sinnamary, en amont de Petit Saut.

44L’absence de récits d’exploration, dans cette partie de la Guyane, avant la seconde moitié du xviiie s. nous prive de la vision que l’on pourrait avoir de l’état du peuplement amérindien à cette période. La chronologie absolue concernant l’ensemble des sites d’habitats du bassin du Sinnamary découverts dans le cadre du programme archéologique de Petit Saut montre une présence humaine attestée, pour le moins, jusqu’au xve s. (Vacher et al. à paraître). Comme il n’a pas été possible de couvrir, par le biais de prospections archéologiques, l’ensemble de la zone d’étude (310 km2), nous ne saurions affirmer l’existence d’habitats amérindiens entre le xve et la fin du xviiie s.

45Les premières cartes à notre disposition, et en particulier celle de J.‑B. Leblond (dont l’exploration date de 1788), indiquent l’existence de villages galibis dans le bas Sinnamary. La présence de Galibis à proximité de la bande côtière est conforme à ce que l’on sait d’eux. Comme le montre Abonnenc (Abonnenc et al. 1956), la grande majorité des établissements sont situés non loin de l’embouchure des fleuves.

46Si la carte de Préfontaine (1764) ne relève que des habitations et abatis localisés en aval de Petit Saut, celle de Dessingy atteste non seulement de l’existence d’habitations d’Amérindiens colonisés (Coachi, Antoine et Maya ou Mayac) entre Petit Saut et Deux Branches, mais également de la présence de quatre anciens établissements dans le cours supérieur du Sinnamary.

47Quant aux cartes d’Adèle Vivet (1877) et surtout d’Eutrope (1867‑1878), elles ne font apparemment que reprendre les relevés de Dessingy, en y précisant qu’il s’agit d’établissements « Galibi ». Une hypothèse peut cependant être avancée. Il est possible que des Galibis, ayant fui la mission jésuite après sa disparition vers 1759‑1760, soient partis s’établir le plus haut possible en amont de la rivière afin d’éviter tout contact avec les colons. C’est en tout cas ce que confirme notre documentation historique.

48Enfin, l’étude de cartes et de plans plus récents (1900‑1950) a permis également de repérer des établissements liés à l’orpaillage ou à l’exploitation forestière, pour des époques plus contemporaines. Nous étudierons plus à fond ce sujet dans la partie consacrée à l’exploitation aurifère.

49Lors des premières prospections pédestres réalisées en 1991 le long des rivières du Sinnamary, du Courcibo et de la crique Tigre, il nous a été permis de localiser un site d’habitat attribué à l’époque coloniale (bps 20, Poudoupoudouli, début xixe s.). Comme les rares sources historiques le laissent supposer, des villages amérindiens peuplés par des Galibis existent encore, à la fin du xviiie s., dans le bas Sinnamary (cf. les deux villages indiqués par Leblond sur sa carte de 1788), mais également jusqu’à dix lieues en amont de la rivière (Malouet 1868). La découverte du site bps 20 prouve en tout cas que des Amérindiens ont vécu assez en amont de cette rivière.

50L’apport du premier fragment de la carte du Sinnamary dressée par Dessingy en 1770 va permettre de compléter quelque peu notre vision des modes d’établissements amérindiens à cette époque. Les localisations précises que nous offre le géographe de nombreuses habitations et abatis d’Indiens le long du Sinnamary (en particulier entre Petit Saut et la crique Aïmara) nous ont engagés dès lors à aller vérifier sur le terrain l’existence ou non de ces implantations amérindiennes coloniales.

51À la suite des fouilles réalisées sur l’ensemble des sites d’habitats de plein air amérindiens en 1992 et 1993, la découverte tardive (1994) de nouvelles cartes de Dessingy (feuilles 2 et 3), datées elles aussi de 1770, révèle de nouvelles implantations amérindiennes le long du Sinnamary et du Courcibo. Dessingy indique toujours aussi précisément l’emplacement d’établissements, d’habitations et d’abatis indiens sur le moyen Sinnamary et, plus surprenant, sur le cours supérieur du Sinnamary et le cours inférieur de la rivière Courcibo. Ces informations ont permis d’établir des correspondances spatiales et, dans certains cas, chronologiques entre les sites repérés lors des prospections et ceux indiqués par Dessingy (bps 207, 208, 274 et 275).

52Les cartes anciennes du xviiie s. permettent également de relever l’emplacement des anciens carbets des explorateurs. Les seconde et troisième cartes de Dessingy (1770) avec quatre indices de sites (bps 298 à 302) et celle de Chapel (1788) avec un indice (bps 284) apportent également un complément d’information sur les types d’implantation que l’on peut observer le long des fleuves. Il est certain que ces habitats temporaires (avec une durée d’une journée) n’ont probablement laissé que peu de traces. Quant au carbet, généralement installé au bord même de la rivière, les crues n’ont sans doute pas tardé à en faire disparaître les quelques vestiges abandonnés sur place.

53La découverte tardive de ces cartes n’a pas permis de vérifier sur le terrain tous les sites indiqués par Dessingy (bps 281, 282, 294 à 297). Mais vu l’exactitude des informations fournies précédemment par celui‑ci pour les autres implantations, il ne fait guère de doute que ces établissements ont réellement existé.

54Lors des prospections des berges du Sinnamary, deux sites amérindiens datant de l’époque coloniale n’ont pu faire l’objet de fouilles archéologiques dans la mesure où aucun indice de matériel n’a pu être observé sur place. Il s’agit des sites bps 81 (habitation de Coachi Indien) et bps 280 (Gabriel Indien) repérés dans un premier temps grâce à la première carte de Dessingy de 1770.

55La découverte de nouvelles cartes, postérieurement à la phase de prospection et de fouilles archéologiques a permis, malgré tout, d’élargir la vision spatiotemporelle de l’habitat amérindien à l’époque coloniale. Les deuxième et troisième cartes de Dessingy, de 1770, se révèlent être des sources uniques. En joignant les trois feuilles, on s’aperçoit que près de six lieux n’ont pu faire l’objet d’un quelconque repérage sur le terrain. Il s’agit de deux anciennes habitations indiennes (bps 294 et 295) et de quatre « Anciens Établissements Indiens » (bps 281, 282, 296 et 297).

1.3.3 Les sites amérindiens de l’époque coloniale

56Sur les vingt‑deux sites de l’époque coloniale recensés dans le cadre du programme de Petit Saut (tabl. ii), cinq (bps 82, 207, 208, 274 et 275) ont fait l’objet de fouilles archéologiques limitées généralement à un sondage de 4 m2, à l’exception du site bps 20 (Poudoupoudouli) où il a été possible de réaliser un décapage un peu plus extensif. Ces sites révèlent le lien possible existant entre les noms donnés par Dessingy et les sites découverts lors des prospections.

TABL. II – Inventaire des sites de l’époque coloniale.

OP/Afan

  • 15 L’étude complète sera présentée dans l’ouvrage de S. Vacher, J. Briand et S. Jérémie intitulé Améri (...)
  • 16 Ibid.

57Le site bps 230 (Roche Génipa berge) a révélé la présence de deux occupations amérindiennes, respectivement d’âge précolombien et colonial15. De même, le site bps 226 (Antoine Indien ou Amont pointe Saint‑Paul), localisé sur la carte de Dessingy, a fait l’objet d’un sondage et a permis l’obtention de deux datations par radio‑carbone (7530‑7280 BC et 3615‑3145 BC). Ces datations indiquent l’existence d’une forte perturbation du milieu, provoquée probablement par des paléo‑incendies16. Enfin, la prospection faite sur les sites bps 81 (habitation de Coachi Indien) et bps 280 (Gabriel Indien) n’a révélé aucun indice d’habitat.

58L’absence de matériel « d’influence européenne » sur certains sites soulève malgré tout le problème de la correspondance entre le toponyme et le site archéologique recensé. La datation au 14C obtenue sur la plupart de ces sites peut être un facteur de confirmation ou non de ces éventuelles correspondances.

1.3.3.1 Site no 20 : Poudoupoudouli

59Il s’agit du premier site découvert, attribué à l’époque coloniale, ayant fait l’objet d’une étude approfondie. Les fouilles ont été réalisées par P. Nowacki‑Breczewski et O. Puaux. Poudoupoudouli offrait d’assez bonnes conditions de conservation et la proximité du barrage de Petit Saut a facilité d’autant plus son étude. Les risques de destruction occasionnés par le passage de bulldozer ont accéléré notre intervention sur ce site.

Situation générale

60Localisé à 5° 03’ 54" de latitude nord et 53° 03’ 12" de longitude ouest, le site de Poudoupoudouli est placé à 200 m en aval du pont reliant les deux rives du Sinnamary au droit du barrage de Petit Saut. Son implantation en rive gauche du fleuve correspond à la hauteur des premières boules de granite qui marquent l’entrée de Petit Saut, à la source d’une grande section de bief rectiligne. Le site se trouve dans les granites galibis, non loin de leur limite avec des micaschistes de la série de l’Orapu vers l’ouest.

61Le site de Poudoupoudouli est installé à moins de 50 m du fleuve, à la limite en aval de l’emprise du saut. Si l’on considère l’ensemble des sites découverts, Poudoupoudouli est, avec Sakau situé à l’autre extrémité de Petit Saut (bps 19), le site le plus bas par rapport au fleuve, à une altitude maximale d’environ 14 m. Installé sur un petit replat en forme d’éperon parallèle au Sinnamary, il est limité à la zone est de ce relief, interrompu par une dépression perpendiculaire au cours d’eau.

Nature de l’intervention et calendrier

62Au mois de février 1991, à la suite de la prospection d’une zone nouvellement layonnée et piquetée, le site est repéré sur un replat, non loin du Sinnamary ; il est alors encore entièrement sous forêt. La première intervention archéologique est limitée à un sondage de 2 m2 (fig. 9) sur une profondeur de 0,35 m. Le matériel découvert, en très petite quantité, a attiré notre attention par l’association de matériel colonial et de céramique amérindienne.

FIG. 9 – Plan du site BPS 20.

OP del./Afan

63Au mois de juin 1991, la déforestation d’une partie de l’emprise du site, pour dégager une éventuelle zone d’emprunt de latérite, permet d’évaluer un peu mieux la nature de cette installation. Le faible enfouissement des vestiges observé lors du sondage est alors confirmé ; la simple déforestation fait ressortir une concentration de matériel dont quatre poteries coloniales et indiennes plus ou moins bien conservées.

64L’intervention archéologique se borne à décrire la stratigraphie du site, à réaliser le plan de la dispersion des vestiges, à fouiller la seule concentration de matériel décelable dont les quatre poteries ou cols de poteries apparaissant en surface.

Mode d’installation, analyse spatiale et stratigraphie

65Les vestiges mis au jour sont constitués, pour l’essentiel, de fragments céramiques, mais on trouve également des bouteilles et des objets métalliques. L’étendue du site est de l’ordre de 65 m d’est en ouest et de 35 m du nord au sud (soit environ 2 000 m2). Le nord‑est du site, d’environ 800 m2, est préservé par la forêt ; seuls quelques bouteilles et fragments de métal sont visibles en surface dans ce secteur.

La zone défrichée

66Elle correspond à l’ouest du site et se caractérise à la fouille par une forte proportion de matériel céramique amérindien. Cependant, dans chacun des sondages, quelques éléments coloniaux sont associés aux vestiges.

67Un premier sondage réalisé préalablement sous forêt avant le défrichement du site permet une bonne description de la stratigraphie superficielle de cette zone avant toute perturbation liée au chantier. De forme rectangulaire et d’une emprise de 1 m x 2 m, fouillé jusqu’à une profondeur de 0,35 m, ce sondage met en évidence un horizon superficiel de 0 à 0,10 m dans lequel passe l’essentiel du système racinaire, un horizon sablo‑limoneux de couleur beige clair de 0,10 m à 0,25 m renfermant le matériel archéologique et quelques charbons, puis le sédiment devient légèrement plus limoneux. Quelques charbons sont encore découverts entre 0,25 m et 0,30 m de profondeur. Le matériel archéologique, ici très pauvre, est composé de deux tessons de céramique amérindienne et d’un fragment de faïence coloniale.

Le sondage 1

68D’une surface d’1 m2, il est centré sur le fond et sur une grande partie de la panse d’une poterie indienne écrasée en place, extrêmement érodée, dont la forme n’a pu être reconstituée ; de la faïence y a été retrouvée. La stratigraphie apparaît sous la forme suivante : l’horizon humifère de surface a disparu lors du défrichement, il peut être estimé de 0,05 à 0,10 m d’épaisseur, de couleur beige avec de nombreuses racines et des charbons de bois. Le charbon continue d’apparaître plus profondément sur environ 0,10 m d’épaisseur dans un niveau stérile.

Le sondage 2

69D’une surface d’1 m2, il est centré sur le col d’une poterie indienne, d’environ 0,36 m de diamètre, retournée et conservée sur une hauteur de 0,11 m. Des tessons appartenant à la même poterie étaient conservés à plat, à la périphérie du cercle marqué par le col. Cette poterie, probablement stockée dans cette position, n’était sans doute pas conservée sur une grande hauteur (il est possible lors d’un défrichement au bulldozer qu’une partie de la hauteur conservée ait été détruite). Sous le niveau du col, le sédiment qui est sablo‑limoneux devient archéologiquement stérile.

Le sondage 3

70D’une surface d’1 m2, il est installé sur le col d’une poterie indienne d’environ 0,57 m de diamètre, conservée en place sur environ 0,13 m de hauteur. De grands tessons éparpillés autour de ce col et provenant de la même céramique montrent que la hauteur conservée était sans doute plus importante avant le passage des engins ; un fer de hache (cf. infra fig. 13b) a été retrouvé au nord‑ouest de ce col.

Le sondage 4

71De 0,50 m de côté, il a permis de dégager le fond d’un grès conservé sur 0,13 m de hauteur (fig. 10c). Là encore, la couche devient stérile sous ce fragment.

FIG. 10 a‑c Céramiques coloniales (BPS 20).

OP del./Afan

Le sondage 5

72De 2,50 m de côté et 0,15 m d’épaisseur, il est orienté N.‑S. et s’est révélé intéressant par la concentration importante de matériel fréquemment amérindien associé à des objets de manufacture européenne (céramiques, métal et verre). Implanté dans la zone défrichée au sud du site, la pente du sondage est de 0,33 m du nord au sud. Le pendage du niveau archéologique suit cette déclivité ; on observe que le sédiment qui contient le matériel archéologique est ici plus organique que pour les autres sondages, au maximum de 0,10 m d’épaisseur, il est sableux et comprend de nombreux charbons. Entre 0,10 m et 0,15 m on note l’absence de matériel archéologique mais la présence de quelques charbons dans un sédiment déjà moins organique. La découverte d’une quantité importante de matériel essentiellement amérindien au niveau de ce sondage correspond à une concentration de vestiges limitée, semble‑t‑il, à une grande lentille de terre légèrement plus organique d’environ 3,5 m de diamètre. Compte tenu de la déclivité du terrain et de l’absence de structure observée à la fouille, il pourrait s’agir d’une zone de rejet, sans doute située non loin d’un foyer.

La zone restée sous forêt

73Une trentaine de bouteilles, pour la plupart intactes, et quelques fragments de métal, sont découverts dans cette zone à l’est du site.

74À l’extrémité est du site sont dégagés une petite coupelle amérindienne peinte en rouge et archéologiquement complète, des tessons de bouteilles (fig. 11 et 12a, b) et un grand fragment de bord d’une céramique coloniale glaçurée jaune (fig. 10b). En l’absence de fouilles, il n’est pas possible de dire, pour le moment, si cette abondance de matériel colonial par rapport à des vestiges amérindiens correspond à une réalité de division en aires.

FIG. 11 – Bouteilles (BPS 20).

DS de/./Atari

FIG. 12a‑b Fragments de bouteilles (BPS 20).

DS del./Afan

75La répartition des vestiges sur le site donne l’impression d’une faible dispersion du matériel. Les quatre sondages, centrés sur des poteries plus ou moins restées en place, sont extrêmement groupés le long d’une ligne d’environ 6 m du nord au sud ; un grand nombre d’échos du détecteur de métaux restent très localisés dans ce secteur.

76La pauvreté du matériel découvert sur le reste de la zone défrichée nous conduit à penser que la zone délimitée par ces sondages et par le sondage 5 pourrait constituer l’aire centrale de cette partie du site. Peut‑être faut‑il voir dans l’alignement relatif des poteries un effet de paroi d’une construction disparue, et dans le sondage 5, la zone de rejet de cette aire ?

77La partie non défrichée masque, sans doute elle aussi, des éléments essentiels à la bonne compréhension de l’organisation générale du site.

Le mobilier archéologique : étude et analyse

78La grande majorité du matériel découvert à Poudoupoudouli est constituée par des céramiques amérindiennes. Cependant, le site a livré également un ensemble de bouteilles (entières et tessons), du métal et des fragments de céramiques coloniales.

La céramique coloniale

79En l’absence de références bibliographiques précises traitant de la typologie des poteries européennes locales et importées en Guyane, nous présentons simplement le dessin des formes les plus complètes retrouvées sur le site. Il s’agit plus particulièrement d’une coupelle vernissée décorée à l’intérieur de petites fleurs de lys (fig. 10a) et de deux pots en terre cuite (fig. 10b, c).

Le verre

80Découvertes au nord du site, les bouteilles retrouvées sont pour la plupart entières et datées de la première moitié du xixe s. On dénombre deux bouteilles carrées de gin importées de Hollande (fig. 11a), un fragment de bouteille de gin portant la marque « Blankenheym & Nolet » (fig. 12b), quinze bouteilles « bordelaises » entières et trois cassées (fig. 11). Sept autres bouteilles ou récipients de verre n’ont pas été déterminés.

Le lithique

81Une pierre à fusil en silex beige est retrouvée en surface (fig. 13a), au nord‑ouest de la zone défrichée. Sa découverte est d’autant plus logique que deux canons de fusils ont été localisés à proximité. D’après Michel Brézillon (Brézillon 1983 : 289), la fabrication des pierres à fusil n’a cessé que dans la première moitié du xxe s. Les principales tailleries de silex se trouvaient apparemment dans le département du Loir‑et‑Cher (Meusne par exemple).

FIG. 13a‑b Pierres à fusil (BPS 20).

DS del./Afan

Le métal

82Le métal découvert lors des différentes interventions indique l’utilisation de clous, d’une hache en fer forgé (fig. 13b) et d’un cerclage de tonnelet (?). Dans l’attente d’une installation de traitement pour stabiliser le matériel, nous avons décidé de laisser in situ les autres objets métalliques. D’après les indices d’un détecteur de métaux, il semble que d’autres vestiges soient encore à dégager.

83L’étude du mobilier colonial (céramiques, bouteilles) indique une probable occupation du site dans la première moitié du xixe s. ; le matériel amérindien semble lui être associé de façon étroite, aussi ne nous a‑t‑il pas semblé utile de faire des datations par 14C. Ce type d’analyse, compte tenu des fourchettes de calibrations, n’apporterait pas ici d’information significative.

  • 17 Ancien chercheur du centre Orstom de Cayenne.

84Une mission avec M. Hofif17 et Mlle D. Toriola, effectuée le 19 mai 1992 sur le site, n’a pas permis de retrouver de trace d’anthropisation ayant modifié le couvert forestier. On peut y voir soit la faible importance de la perturbation du milieu occasionnée par le site, soit une régénération suffisante du milieu depuis l’abandon du site pour faire disparaître toute trace de perturbation d’origine humaine.

Conclusion

85Ce site qui contient du matériel européen, visiblement de la première moitié du xixe s., associé à du matériel amérindien sans doute galibi, ouvre de nombreuses perspectives d’études. Son intérêt est multiple.

86Le peuplement galibi de la vallée du Sinnamary est sans doute la donnée essentielle pour une démarche régressive sur l’occupation amérindienne de la zone depuis le xviie s. Le contrôle par les Galibis de la côte entre l’Approuague et le Sinnamary est attesté dès le voyage d’Harcourt. Il est accompagné d’un no man ’s land entre le Sinnamary et le Maroni résultant des traités de la France avec les Provinces‑Unies.

87Y. Wack remarque qu’il existe une discontinuité entre les informations archéologiques et celles des premiers voyageurs (Wack 1987). Il pense que les caractéristiques de la céramique proviendraient du mélange de communautés indiennes des Galibis avec des Arouas, Coussaris et Maraones. En effet, à la suite des guerres avec les Portugais dans les boucles de l’Amazone, les archives relatent l’arrivée de nombreux réfugiés indiens entre l’Approuague et le Sinnamary. Au sein des missions jésuites de Kourou et de Sinnamary, de nombreuses communautés indiennes d’origines diverses ont été amenées à cohabiter. Y. Wack pense qu’un nouveau style céramique a pu alors émerger et se stabiliser.

88Il ne nous appartient pas, au stade de nos connaissances générales sur le peuplement amérindien de la Guyane, de travailler sur cette hypothèse et d’analyser les influences culturelles possibles sur le matériel découvert. L’observation de base n’en reste pas moins pertinente, et il était important d’avoir ce premier jalon qui permet de remonter de plus de 150 ans dans la culture du groupe amérindien actuellement le plus représenté en Guyane.

89Outre la culture matérielle, l’origine d’un site qui contient autant de matériel colonial associé à du matériel indien pose des questions. S’agit‑il de populations ayant eu de nombreux contacts avec les colons (exemple : Indiens issus de la mission jésuite qui existait depuis au moins 1741 et qui disparaît vers 1760 sur le bas Sinnamary) ; ou bien ce site correspond‑il plutôt à un lieu de cohabitation entre colons et indiens ?

90Il faut observer que les informations disponibles portent sur une période de très grand affaiblissement démographique des Galibis en Guyane (Hurault 1989) ; la production céramique limitée à une typologie sans doute assez simple, et par exemple à l’utilisation d’un seul type de dégraissant, est peut‑être à ce titre caractéristique de ce groupe en crise. Les possibilités d’études qui restent ouvertes sur ce site viennent compléter cette image. Les recherches en archives ont permis de préciser le cadre du peuplement galibi de la moyenne et haute vallée du Sinnamary qui semble avoir pris fin au début du xixe s. La recherche des parentés entre cultures précolombiennes et peuplements historiques des Guyanes passe sans doute par l’étude de sites de ce type ; ils sont certainement, plus que d’autres, porteurs de connaissances essentielles pour des communautés qui maîtrisent mal certaines sources de leur histoire et sont actuellement à la recherche de leur identité.

1.3.3.2 Site no 82 : nouvelle habitation de Maya18

  • 18 L’étude du mobilier céramique des sites amérindiens de l’époque coloniale sera présentée dans le vo (...)

91Ce site est repéré dans un premier temps par le biais de la carte de Dessingy (feuille 1) de 1770 et son existence est confirmée lors des prospections‑inventaires le long des berges du Sinnamary. Les fouilles sont réalisées par S. Jérémie et S. Vacher.

Situation générale

92L’habitation est située en berge rive gauche de la rivière Sinnamary (secteur 7), à hauteur de la pointe Mangée, en amont de la crique Goupi et en aval de Saut Parole Finie, par 4° 45’ 55" de latitude nord et par 53° 00’ 37" de longitude ouest. Le site se trouve au sommet d’une hauteur d’orientation E.‑O. (environ 20 m d’altitude), plus long que large et dominant la rivière et un méplat formé par la berge basse. Au nord, au sud et à l’est, les pentes sont particulièrement accentuées. De nombreux essouchages naturels ont livré du matériel céramique et ont été cartographiés (fig. 14).

FIG. 14 – Plan du site BPS 82.

DS del./Afan

Nature de l’intervention et calendrier des travaux

93En janvier 1993, S. Jérémie et S. Vacher effectuent une prospection et, après la reconnaissance de 5 indices de sites sur l’emplacement, un sondage de 4 m2 selon un axe N.‑S., un tariérage en fond de sondage (fig. 15a) et un relevé stratigraphique sont réalisés (fig. 15b).

FIG. 15a Coupe synthétique (sondage et tariérage), b coupe stratigraphique (BPS 82).

Archives SRA Guyane

Stratigraphie

94La couche 1a/ 1b correspond à la couche archéologique et se compose d’une terre végétale de couleur brune, fine et peu compacte (très sèche au moment du sondage), la se distingue de 1b par la présence importante de racines et de radicelles, par la concentration en mobilier céramique. La couche 1b se différencie de la par la plus grande quantité de graviers de nature indéterminée (quartz ?) pouvant atteindre 1 cm et de charbons de bois. La couche 2 est constituée par un sédiment latéritique ayant un aspect plus argileux et plus gras que les couches 1. Même s’il existe une zone de transition, la limite reste nette avec la couche supérieure. En profondeur, le sédiment devient plus compact et argileux. Enfin, on note la présence de graviers ocre‑rouge friables. La couleur du sédiment varie progressivement pour devenir rouge‑violacé.

Le mobilier archéologique

95On peut préciser qu’aucun tesson colonial n’a été découvert et qu’il y a très peu de mobilier décoré (Vacher et al. à paraître).

Conclusion

96Malgré l’absence de datations 14C, il semble très probable qu’il s’agit bien là du site repéré par Dessingy en 1770.

1.3.3.3 Site no 207 : habitation de Maya, capitaine indien

  • 19 Les indications des habitations et abatis sur la troisième carte de Dessingy, datée de 1770 et déco (...)

97Ce site est découvert lors des prospections‑inventaires des berges de la rivière Courcibo19. Les fouilles sont réalisées par S. Jérémie et S. Vacher.

Situation générale

98Le site bps 207 apparaît en berge rive droite de la rivière Courcibo (secteur 11), au droit de Saut Kawenne par 4° 52’ 36" de latitude nord et par 53° 03’ 07" de longitude ouest. Le site est implanté sur la première hauteur (environ 30 m d’altitude) dominant le saut et dans le coude que forme le Courcibo à ce niveau. Cinq indices sont repérés dans des essouchages naturels.

Nature de l’intervention et calendrier des travaux

99En janvier 1993, S. Jérémie, S. Vacher et A. Amessina effectuent une prospection et après la reconnaissance de 4 indices de sites sur l’emplacement, un sondage de 4 m2 selon un axe approximatif N.‑S., un tariérage en fond de sondage (fig. 16a) et un relevé stratigraphique sont réalisés (fig. 16b).

FIG. 16a Coupe synthétique (sondage et tariérage). b coupe stratigraphique. (BPS 207).

Archives SRA Guyane

Stratigraphie

100La couche 1 coïncide avec un sédiment humifère. Il s’agit d’un lit de racines très serrées, avec de nombreuses feuilles mortes et radicelles, de composition très meuble. Les couches 2 et 3 correspondent à des niveaux anthropiques. On note la présence de mobilier céramique et de rares charbons de bois. On observe également des nodules grossiers pouvant provenir de la couche 4. Aucune céramique écrasée, in situ, n’a pu être observée (absence de paléosol). À la base de la couche, une tache brune de 0,30 m de diamètre, irrégulière, pourrait correspondre à une structure ou plus vraisemblablement à une perturbation (racine ou terrier). Alors que la couche 1 est caractérisée par un sédiment brun, argileux et la présence de nombreuses racines et l’absence de pierre, la couche 3 offre un sédiment identique à la couche 2, mais légèrement plus foncé et moins riche en racine. La densité des fragments céramiques localisés dans la coupe sud n’est pas représentative des observations réalisées en fouille entre les couches 2 et 3. Quant à la couche 4, il s’agit d’un sédiment latéritique avec la présence de nombreuses pierres en décomposition et des fragments de quartz jaune, rosé et violacé. Il subsiste encore à ce niveau de nombreuses racines. À partir de 0,90 m et sur 0,15 m, une couche d’argile homogène et très compacte. Sous cette couche, le sédiment latéritique prend une couleur plus rougeâtre, la densité en nodules de roche friables en décomposition augmente progressivement jusqu’à la fin du tariérage.

Conclusion

101Une datation 14C est obtenue à partir de charbons de bois prélevés dans les couches 2 et 3 du sondage 1. Celle‑ci a donné 1280‑1630 AD (rappelons que l’habitation a été vue par Dessingy en 1770). La présence de deux couches anthropiques laisse cependant planer un doute quant à l’existence de deux occupations. L’importance du prélèvement des charbons dans les deux couches pourrait avoir perturbé le résultat de la datation.

1.3.3.4 Site no 208 : habitation de Marcelin Indien

102Ce site est découvert lors des prospections‑inventaires des berges de la rivière Courcibo19. Les fouilles sont réalisées par S. Jérémie et S. Vacher.

Situation générale

103L’ancienne habitation se situe en berge rive gauche de la rivière Sinnamary (secteur 12), en aval de Deux Branches, par 4° 53’ 26" de latitude nord et par 52° 59’55" de longitude ouest.

Nature de l’intervention et calendrier des travaux

104Le site est localisé sur une hauteur dominant le fleuve. Il s’agit d’un vaste méplat (altitude supérieure à 25 m) éloigné d’environ 120 m de la berge et sur lequel des essouchements naturels et des terriers permettent, en janvier 1993, de repérer 7 indices de site (fig. 17). S. Jérémie, S. Vacher et A. Amessina effectuent une prospection et, après la reconnaissance de ces indices de sites sur l’emplacement, un sondage de 4 m2 selon un axe approximatif N.‑S., un tariérage en fond de sondage (fig. 18a) et un relevé stratigraphique sont réalisés (fig. 18b).

FIG. 17 – Plan du site BPS 208.

DS del./Afan

FIG. 18a Coupe synthétique (sondage et tariérage), b coupe stratigraphique (BPS 208).

Archives SRA Guyane

105Le sondage est fait à proximité de l’un d’entre eux. Il faut signaler la présence d’une bouteille de verre en surface près des indices de site. Enfin, un caisson métallique et un ancien carbet situent le point d’accostage d’où part le chemin d’accès balisé pour le site bps 208.

Stratigraphie

106La couche 1 se compose d’une terre humifère avec la présence de nombreuses radicelles et feuilles mortes. Le sédiment est brun et faiblement sableux. La couche 2, anthropique, est riche en matériel céramique. On note la présence de quelques éléments de quartz (taillés ?) (Vacher et al. à paraître). Le sédiment englobant est brun, meuble, argileux, sableux, très fin, sans aucun élément grossier. Il subsiste quelques racines. Le sédiment est brun à brun foncé. La couche 3 est un sédiment brun noirâtre avec la présence anecdotique de mobilier. Le sédiment est très fin, meuble, comparable à la couche 2. Enfin, la couche 4 apparaît comme un sédiment latéritique brun‑jaune en surface de la couche, argileux, compact, sans élément grossier. Il n’y a ni sable, ni mica apparent. La couleur évolue progressivement vers l’ocre rouge jusqu’à la fin du tariérage. Le sédiment est très plastique et homogène. On note l’absence d’inclusion sauf en surface où l’infiltration des couches supérieures donne une zone de transition.

Conclusion

107Un prélèvement de charbon de bois est réalisé dans la couche 2 du sondage. Celui‑ci donne lieu à une datation par 14C de 1330‑1630 AD (rappelons que l’habitation a été vue par Dessingy en 1770).

1.3.3.5 Site no 274 : ancien abatis indien

108Ce site est découvert lors des prospections‑inventaires des berges de la rivière Courcibo19. Les fouilles sont réalisées par S. Jérémie et S. Vacher. L’ancien abatis se situe en berge rive gauche de la rivière Courcibo (secteur 11), en amont de Saut Kawenne par 4° 52’ 20" de latitude nord et par 53° 03’ 33" de longitude ouest. L’indication « ancien abatis » (zone destinée aux cultures) notée par Dessingy est tout à fait intéressante puisqu’elle peut permettre, dans la perspective de l’étude céramique, de voir quelles formes de poteries se retrouvent sur ce type de site. Un prélèvement de charbon en provenance du sondage donne une datation par 14C de 750±40 BP.

1.3.3.6 Site no 275 : habitation de Michel Maya Indien

109Ce site est découvert lors des prospections‑inventaires des berges de la rivière Courcibo19. Les fouilles sont réalisées par S. Jérémie et S. Vacher. L’ancien abatis se situe en berge rive droite de la rivière Courcibo (secteur 11), en amont de Saut Kawenne par 4° 50’ 50" de latitude nord et par 53° 03’ 59" de longitude ouest. On dispose sur ce site d’une datation par 14C de 540+50 BP.

1.3.4 Les datations par radiocarbone

110La possibilité de disposer de datations par 14C sur un échantillonnage de sites relativement important est primordiale pour la connaissance générale de l’occupation humaine du bassin du Sinnamary. Certaines de ces datations indiquent en effet une occupation amérindienne assez tardive des rives du Sinnamary et du Courcibo, entre le xiiie et le xviiie s. Les informations fournies par les cartes de Dessingy de 1770 permettent de corroborer, avec une quasi‑certitude, certains toponymes (habitats d’Indiens, Marcelin Indien, etc.) avec les sites archéologiques repérés par le biais des reconnaissances. L’apport de la cartographie peut ainsi contribuer, dans une certaine mesure, à affiner le calibrage général des datations présentées dans le cadre du programme archéologique de Petit Saut.

111Les recherches menées sur le terrain et en archives sur les cartes anciennes ont permis de localiser un total de 22 sites attribués à l’époque coloniale. L’opportunité d’avoir à notre disposition des cartes d’une précision exceptionnelle (comparables aux cartes IGN actuelles), comme celles de Dessingy, a grandement facilité le repérage et l’étude des sites coloniaux. Stéphen Rostain avait lui aussi bénéficié de cartes comparables établies là encore par Dessingy pour le bassin de l’Approuague. Il est certain que la vision que l’on peut avoir de la répartition spatio‑temporelle des sites ne peut être exhaustive dans la mesure où il s’agit généralement d’un habitat d’assez courte durée comme en témoigne l’évolution de l’habitat entre les cartes de Préfontaine (Préfontaine 1764a, b) et de Dessingy (Dessingy 1770a, b). On peut alors facilement imaginer le nombre d’habitations et d’abatis qui ont pu exister le long de ces rivières sans pour autant avoir laissé beaucoup de vestiges visibles en surface (dans les essouchages en particulier). C’est d’ailleurs le cas pour le site bps 81 (habitation de Coachi Indien).

Notes

1 Pripris : savanes noyées des terres basses des Guyanes.

2 AN, C14‑61, mémoire de Fitz‑Maurice, 31 mai 1787, p. 61. Brûletout de Préfontaine signale en 1763 sur une carte le déplacement de l’embouchure du fleuve par rapport à son premier voyage de 1746, peut‑être de quelques centaines de mètres (Michel 1989 : pl. 10).

3 AN, c14‑61, mémoire de Fitz‑Maurice, 31 mai 1787, p. 32, 33.

4 AN C14‑31bis, fol. 284 et suiv., lettre no 195 de Préfontaine à Monseigneur, 19 septembre 1763.

5 Cf. chap. 2, doc. 3.

6 Le père Jean de La Mousse est né dans le diocèse de Clermont le 30 novembre 1650. Admis le 14 octobre 1667 au noviciat de Paris, il enseigne la grammaire, les humanités et la rhétorique. Après sa théologie, il part pour la Guyane en 1684, revient en France au début de l’année 1699, avec l’intention de retourner dans sa mission, mais il meurt à Moulins le 3 février 1699 (Delandine 1812 : 5).

7 Une seconde carte attribuée au sieur d’Anville (Anville 1729), indique également la présence du village de Tonnayaribo sur le cours supérieur du Senamaribo (Sinnamary).

8 En 1763 et 1764, le projet d’installation de douze milliers d’Européens (dont la moitié d’Allemands) dû au ministre Choiseul ainsi qu’à MM. Turgot et Chanvallon, s’effectue dans de très mauvaises conditions à Kourou. Des centaines d’immigrants (4 000 à 5 000) périront de maladie et de famine, les rescapés devant leur salut à leur fuite vers les îles du Salut ou vers d’autres régions alors plus salubres comme Sinnamary (Michel 1989).

9 Cf. chap. 2, doc. 3 : Voyage de Senamary par le Sr Aublet en Octobre‑Novembre 1762 (copie caom, dfc Guyane, carton 60).

10 Parmi les Indiens qu’Aublet désire engager, il s’en trouve plusieurs (Antoine, Patrice, Augustin Mayouta) dont les habitations sont indiquées sur les cartes (Préfontaine 1764a, b et Dessingy 1770 feuille 1).

11 Il s’agit de trois feuilles d’une même carte redécouvertes séparément. La première au caom d’Aix‑en‑Provence, la seconde à l’ign et la troisième au département des Cartes et Plans de la Bibliothèque nationale de France.

12 Il existe peut‑être un lien entre le village de « Tonnayaribo » et la nation indienne des « Tounoïennes » indiquée sur la carte d’Anville, datée de 1729, comme vivant dans le haut de la rivière de Senamari. Le préfixe Tonna‑ est un mot galibi qui désigne l’eau (Mocquet 1830 : 107). Quant au suffixe ‑yaribo, l’un des Indiens accompagnant J.‑B. Leblond sur la rivière Sinnamary en 1787‑1788 nomme l’actuelle rivière de Courcibo, « Yaribo », sans plus d’explication. On peut alors émettre l’hypothèse que le village indiqué sur la carte se trouverait non pas dans le haut Sinnamary mais dans le haut Courcibo.

13 Cette assertion rejoint la déclaration de l’historien Bassières qui affirmait que les jésuites avaient, dès le xviie s. exploité cette ressource avec l’aide d’amérindiens (Bassières 1936 : 14). J.‑B. Leblond signale également l’existence d’une mine de manganèse au dessous du Saut Coulari (coutari), au point où se termine le sentier qui réunit les rivières Sinnamary et Coulé (?) (Henry 1989 : 119, note 2).

14 AN, C14‑13, compte rendu du gouverneur de Cayenne, M. d’Orvilliers.

15 L’étude complète sera présentée dans l’ouvrage de S. Vacher, J. Briand et S. Jérémie intitulé Amérindiens du Sinnamary (Guyane) : archéologie en forêt équatoriale, à paraître.

16 Ibid.

17 Ancien chercheur du centre Orstom de Cayenne.

18 L’étude du mobilier céramique des sites amérindiens de l’époque coloniale sera présentée dans le volume de S. Vacher, J. Briand et S. Jérémie intitulé Amérindiens du Sinnamary (Guyane) : archéologie en forêt équatoriale, à paraître.

19 Les indications des habitations et abatis sur la troisième carte de Dessingy, datée de 1770 et découverte postérieurement aux repérages sur place, permettent d’établir le lien possible existant entre la source historique et le site archéologique.

Table des illustrations

Légende TABL. I – Principales missions d’exploration en Guyane depuis la fin du XVIe s.
Crédits MP, OP/Afan
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/42753/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 127k
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/42753/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 117k
Légende FIG. 4  – Reproduction de la carte de la rivière Sinnamary établie par B. de Préfontaine en 1764.
Crédits BRH/Afan, OP/Afan de/., d’apr. Préfontaine 1764a
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/42753/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 115k
Légende FIG. 5 – Carte du cours de la rivière Sinnamary, entre son embouchure et la crique Aïmara (feuille 1), par J.‑C. Dessingy (Dessingy 1770a).
Crédits Cl. Archives Nationales, caom. Tous droits réservés
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/42753/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 84k
Légende FIG. 6 – Carte établie par J.‑B. Leblond en 1814 (Leblond 1814).
Crédits cl. ADG
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/42753/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 88k
Légende FIG. 7 – Carte établie par A. Chapel en 1788 (Chapel 1788).
Crédits Cl. Archives Nationales, CAOM. Tous droits réservés
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/42753/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 104k
Légende FIG. 8 – Épée en bois, rivière Courcibo.
Crédits OP del./Afan
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/42753/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 20k
Légende TABL. II – Inventaire des sites de l’époque coloniale.
Crédits OP/Afan
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/42753/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 72k
Légende FIG. 9 – Plan du site BPS 20.
Crédits OP del./Afan
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/42753/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 30k
Légende FIG. 10 a‑c Céramiques coloniales (BPS 20).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/42753/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 52k
Légende FIG. 11 – Bouteilles (BPS 20).
Crédits DS de/./Atari
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/42753/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 39k
Légende FIG. 12a‑b Fragments de bouteilles (BPS 20).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/42753/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 23k
Légende FIG. 13a‑b Pierres à fusil (BPS 20).
Crédits DS del./Afan
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/42753/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 44k
Légende FIG. 14 – Plan du site BPS 82.
Crédits DS del./Afan
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/42753/img-14.jpg
Fichier image/jpeg, 10k
Légende FIG. 15a Coupe synthétique (sondage et tariérage), b coupe stratigraphique (BPS 82).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/42753/img-15.jpg
Fichier image/jpeg, 53k
Légende FIG. 16a Coupe synthétique (sondage et tariérage). b coupe stratigraphique. (BPS 207).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/42753/img-16.jpg
Fichier image/jpeg, 65k
Légende FIG. 17 – Plan du site BPS 208.
Crédits DS del./Afan
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/42753/img-17.jpg
Fichier image/jpeg, 10k
Légende FIG. 18a Coupe synthétique (sondage et tariérage), b coupe stratigraphique (BPS 208).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/42753/img-18.jpg
Fichier image/jpeg, 58k

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par reconnaissance optique de caractères.

Lire

Open access

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search