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Chapitre 3. Ateliers carolingiens dans le nord de la haute Bretagne
Loïc Langouët, Catherine Bizien‑Jaglin et Philippe Lanos
p. 79‑88
Résumés
La fouille de trois ateliers de potiers d’époque carolingienne dans le nord de la haute Bretagne a permis d’avoir des données précises sur les fours de cuisson, sur les productions à partir des rejets, sur les chronologies d’abandon et sur les diffusions des produits respectifs.
The excavation of three pottery workshops in the north of Upper Britanny from the Carolingian period has given precise data on the kilns, on the Products (from analysis of the wasters), on the time‑scale of the production and on the distribution.
Texte intégral
3.1 Introduction
1Par suite de prospections systématiques menées en haute Bretagne par le Centre régional d’archéologie d’Alet, plusieurs ateliers médiévaux de céramiques ont été localisés dans le nord de la haute Bretagne (fig. 1). Ils présentaient un intérêt tel qu’ils ont tous fait l’objet de fouilles et que, de ce fait, diverses données typologiques ou chronologiques ont été obtenues. Avant de faire une étude synthétique, il est nécessaire de donner les acquis des études réalisées sur ces quelques ateliers qui se sont révélés dater de l’époque carolingienne.

FIG. 1 – Localisation des ateliers d’époque carolingienne (•) fouillés dans le nord de la haute Bretagne et des lieux de découvertes (●) des productions correspondantes sur des sites d’habitats.
V.T. del/FMSH
3.2 Étude de trois ateliers : Trans, Planguenoual, Guipel
3.2.1 Trans/La Ville Berger (Ille‑et‑Vilaine)
2Dans une parcelle dénommée Les Mardrelles, après un défrichement récent, la prospection de surface avait permis de récupérer, en deux zones restreintes, un grand nombre de tessons identiques. Ces deux gisements, distants entre eux d’environ 200 m, correspondaient en apparence à deux ateliers contemporains. En 1975, une des zones fit l’objet d’une fouille de sauvetage, dirigée par D. Mouton, et permettant de découvrir un des fours de l’atelier, d’obtenir des données chronologiques et d’établir une typologie de la production (Langouët, Mouton 1978). En 1987, la poursuite de la prospection de la commune de Trans débouchait sur la découverte d’un autre gisement identique d’atelier, situé aux Mesliers, à environ 100 m des deux précédents (Langouët, Faguet 1987 : 104). Une des parcelles de ce nouveau site, riche en rejets de cuisson et en blocs d’argile cuite, portait une dénomination significative, Le Champ Rouge. Les productions sont identiques dans tous ces ateliers. La fouille d’un des gisements des Mardrelles a permis de se faire une toute première idée d’une activité potière qui devait cependant avoir une certaine importance en son temps, ne serait‑ce que par le nombre des fours (quatre au moins) et du diamètre de la zone où ces ateliers fonctionnaient (environ 1 000 m).
3Le four de potier fouillé dans Les Mardrelles, très arasé, était approximativement circulaire, d’un diamètre de 1 m. Sa partie basse, en l’occurrence la chambre de chauffe, était limitée par un parement de pierres disposées dans une cavité creusée dans le substrat argileux. Un alandier, orienté au sud, creusé dans l’argile du substratum et lui aussi limité par des pierres, permettait l’alimentation en combustible. La sole, à présent disparue, était soutenue par des briques en forme de secteur circulaire. Une zone de rejets jouxtait le nord du four. L’atelier fouillé se situait à quelques mètres d’un ruisseau et à une centaine de mètres de l’orée actuelle de la forêt de Villecartier. Par des datations combinant l’archéomagnétisme et plusieurs techniques de thermoluminescence, la dernière chauffe de ce four a pu être située entre 920 et 980 apr. J.‑C. (Langouët et al. 1977 : 140‑141 ; Langouët et al 1978 : 78‑86).
4Les couleurs des pâtes de céramiques vont du jaune orangé au brun clair, en passant par le rouge. Le dégraissant est un sable de granulométrie inférieure à 3 mm, comprenant en très grande majorité du quartz et en moindre proportion des feldspaths alcalins, des plagioclases et des micas. Manifestement la matière utilisée tant pour le four que pour les céramiques était l’argile locale du substratum, mêlée naturellement de sable.
5À travers les rejets de cuisson, on a pu tenter de reconstituer le catalogue des formes produites. Celles‑ci (fig. 2) comprenaient principalement des pots globulaires. Le diamètre moyen de l’extérieur des lèvres des vases globulaires était de 16 cm, celui des fonds plats, de 14 cm. La hauteur de ces pots était de l’ordre de 25 cm. Deux types de lèvres surmontaient ces pots : les premières, d’un profil arrondi extérieurement et hautes en moyenne de 13 mm, comportaient une légère dépression sur leur face supérieure ; les secondes, dites en bandeau et de même hauteur moyenne, avaient une gorge intérieure destinée à l’assise d’un couvercle, probablement en bois. Les lèvres de ce dernier type représentaient environ 2 % du total des rebords des pots globulaires. Quelques‑uns de ces vases étaient ornés de bandes digitées horizontales sous la lèvre ou verticales sur la panse. Cependant, par des tessons provenant du dépotoir, on décela une production très minoritaire de pichets de même forme, munis de becs verseurs (6 ex.) et d’anses plates nervurées, de quelques jattes tronconiques (1 ex.), de grandes jarres (quelques ex.) et de chandeliers (2 ex.). Le bec verseur des pichets était obtenu par déformation des lèvres. Les fonds montrent un enlèvement à la ficelle. La seule jatte tronconique retrouvée était ornée de boudins digités.

FIG. 2 – Échantillonnage des productions de l’atelier de La Ville Berger à Trans (Ille‑et‑Vilaine).
6La datation obtenue par des méthodes objectives est confirmée, d’une part, par la proportion des lèvres en bandeau, valeur très faible, symptomatique dans l’Ouest, de la première moitié du xe s. (Boüard 1976), d’autre part grâce à la découverte de productions de cet atelier dans deux retranchements voisins où est sensée s’être déroulée une bataille entre Normands et Bretons en 939 apr. J.‑C. (Hamel‑Simon et al. 1979).
7L’atelier de la Ville Berger s’inscrit dans un ensemble dont on connaît d’autres lieux de production sur la même commune de Trans, les uns étant certains, aux Mesliers (Langouët, Faguet 1987 : 104), un autre étant probable au Mottay (Langouët, Faguet 1990).
3.2.2 Planguenoual/ Le Frêche Clos (Côtes-d’Armor)
8En 1982, lors de prospections systématiques, J.‑H. Clément et P. Amoureux décelaient une fosse‑dépotoir de potier du haut Moyen Âge, éventrée à la suite du creusement d’un canal de drainage (Langouët et al. 1982). La collecte des nombreux tessons avait permis d’établir une première typologie de la production (Langouët et al. 1984). Par contre, à partir de l’échantillonnage collecté, il n’y eut pas acquisition de données chronologiques autres que typologiques. Depuis 1987, une fouille programmée est menée sur ce site sous la direction de C. Bizien. Aucun four n’a été découvert à ce jour, seules des fosses‑dépotoirs ont pu être explorées. La datation archéomagnétique des nombreux fonds de pots récoltés dans les différentes structures de rejet devrait à moyen terme fournir un élément chronologique. Le seul mode de datation actuellement disponible est typologique. Le mobilier décoré lors des fouilles a permis de compléter considérablement le catalogue des formes produites dans cet atelier. Les couleurs des pâtes vont du beige à l’orange. Le dégraissant est constitué principalement de quartz. Les potiers ont utilisé un granité altéré à deux micas d’un petit massif très localisé (Giot, Querré 1987 : 156).
9Les formes produites étaient les suivantes (fig. 3 et 4) :
– les pots globulaires : le diamètre moyen de l’extérieur des lèvres se situe vers 18 cm, celui des fonds plats, vers 13 cm ; la hauteur moyenne de la lèvre, très rarement en bandeau, est de 14 mm ; la hauteur moyenne de ces pots tourne autour de 22 cm ;
– les pichets, de même forme que les pots globulaires, dont le bec verseur est obtenu soit par perçage du haut de la panse et adaptation d’un manchon tronconique, soit par déformation de la lèvre ; les anses plates retrouvées sont à associer à cette forme ;
– les formes ouvertes, jattes à fond plat, aux bas de panses tronconiques mais aux hauts de panses verticaux ;
– des chandeliers (quelques ex.) ;
– des bouteilles (1 ex.).

FIG. 3 – Échantillonnage I des productions de l’atelier du Frêche Clos à Planguenoual (Côtes‑d’Armor).

FIG. 4 – Échantillonnage II des productions de l’atelier du Frêche Clos à Planguenoual (Côtes‑d’Armor).
10Les pots globulaires sont les plus abondants. Par ordre d’importance viennent ensuite les jattes puis les pichets. Les autres formes sont très faiblement représentées. Tous les fonds ont été enlevés à la ficelle. Des bandes digitées étaient parfois appliquées sur les jattes, soit verticalement sur les panses, soit horizontalement sous les lèvres, le plus souvent sur les jattes, beaucoup plus rarement sur les pots globulaires.
3.2.3 Guipel/Launay‑Margat (Ille-et-Vilaine
11En 1979, G. Faguet identifiait un site de production de céramiques en une zone très restreinte d’une parcelle ; l’homogénéité des tessons et la présence de nombreux ratés de cuisson ne laissaient aucun doute à cet égard (Langouët et al. 1978). Après une prospection magnétique ayant mis en évidence l’existence d’un four, un sondage d’une semaine y fut dirigé en 1982 par P. Lanos (Lanos et al. 1986). Un sol d’occupation et les restes d’un four arasé furent mis au jour sous la couche de terre arable. Le four à sole inclinée, délimité par un empierrement enduit d’argile, comprenait deux parties : un laboratoire subcirculaire, d’un diamètre moyen de 1 m, aux parois et à la sole vitrifiées, cette dernière étant inclinée vers l’est de 11° en moyenne et un alandier, situé à l’est du laboratoire, long et large de 0,40 m,
12Plusieurs méthodes de datation objective furent appliquées sur ce site. Tout d’abord une datation radiocarbone calibrée a donné les limites chronologiques 880‑1140 apr. J.‑C. Par ailleurs la datation archéomagnétique du fond du four a situé la dernière cuisson entre 920 et 960 apr. J.‑C. (Lanos, Querré 1987). Cette dernière datation, la plus précise, est à retenir.
13Tant sur le sol d’occupation que dans l’intérieur du four, de nombreux tessons, rejets de cuisson en général, furent collectés, permettant de caractériser la production (fig. 5). Les pâtes des céramiques, en dehors d’accidents de cuisson, sont très généralement de couleur gris‑noir. Le dégraissant, qui représente le tiers de la pâte, est constitué de quartz, de feldspath potassique, de plagioclase acide et de mica ; la formation granitique la plus proche d’où il pouvait provenir se trouve à au moins 1 km de l’atelier. En revanche, l’argile provient de l’environnement immédiat du site.

FIG. 5 – Échantillonnage des productions de l’atelier de Launay‑Margat, en Guipel (Ille‑et‑Vilaine).
14En ce qui concerne les formes produites, on peut distinguer :
– les pots globulaires (95 % de l’ensemble des rejets) surmontés de trois types de lèvres, les lèvres arrondies, les lèvres avec face externe aplatie et les lèvres en bandeau ; le diamètre moyen de l’extérieur des lèvres est de 14‑15 cm, celui des fonds, de 10‑11 cm ; la hauteur moyenne de ces pots est de 20 cm ;
– quelques pichets de même forme possédant d’une part, un bec verseur ponté, obtenu par percement du haut de la panse et ajout d’un bandeau d’argile, d’autre part, une anse plate attachée à la lèvre ;
– quelques vases tronconiques, avec deux types de lèvres, les unes évasées, les autres verticales à bourrelets.
15Tous les fonds ont été enlevés à la ficelle, sans reprise ultérieure au tour. Certains pots ou pichets globulaires étaient décorés de bandes digitées verticales.
3.3 Similitudes et différences
16Les trois ateliers précités ont en commun de n’avoir pas poursuivi leurs activités tout au long de l’époque médiévale, d’être implantés en des zones éloignées de centres urbains contemporains et d’avoir exploité des matériaux d’altération de roches granitiques acides (Giot, Morzadec, cf. part. 2, chap. 5 infra).
17Les ateliers de Trans et Guipel, ayant cessé leurs activités en des temps très proches, respectivement 920‑980 et 920‑960 apr. J.‑C., ont pu être contemporains. En ce qui concerne celui de Planguenoual, faute d’avoir pu appliquer jusqu’à présent une méthode objective de datation, la seule possibilité de le dater réside dans l’analyse typologique des productions. Or d’une part, la similitude des formes produites (pots globulaires majoritaires, pichets, jattes plus ou moins tronconiques et chandeliers) et des décors digités avec ceux des ateliers de Trans et Guipel, d’autre part, les faibles proportions des lèvres en bandeau (Boüard 1976) militent pour une même période de fonctionnement. Si l’atelier de Planguenoual n’a pas été, en réalité, contemporain des deux autres, il est presque certain qu’il a dû être opérationnel au cours du xe s. On retrouve d’ailleurs une similitude des formes des vases globulaires dans des ateliers d’autres régions françaises, à Pincevent et à Ravanne (Seine‑et‑Marne) en particulier (Galbois et al. 1988) où les datations obtenues se situent dans la seconde moitié du xe s. et au début du xie s. On a pu noter une assez forte proportion de lèvres en bandeau et la présence de chandeliers de formes similaires à celles de Trans et Planguenoual. L’atelier de Satan (Loiret) (Chapelot 1970), daté du ixe s., a fourni des vases globulaires similaires à ceux de ces deux ateliers bretons. Les découvertes typologiquement similaires de Doue‑la‑Fontaine (Boüard 1976) ont été datées des xe‑xie s. Il semble que les similitudes de formes et de productions en des zones géographiques différentes témoignent d’une réponse commune des potiers à une demande utilitaire de l’époque. Sur différents plans, les ateliers d’époque carolingienne, étudiés en haute Bretagne, présentent cependant entre eux des différences remarquables.
18Les deux fours fouillés, à Trans et Guipel, de dimensions presque identiques, sont de types différents : l’un est à sole suspendue et chambre de chauffe sous‑jacente, l’autre à sole inclinée et chambre de chauffe située en amont au même niveau. Cette différence technologique montre une autonomie des artisans et une absence d’uniformité. Les pâtes sont de couleurs parfois très différenciées d’un atelier à l’autre, grise à Guipel, majoritairement beige et orange à Planguenoual et Trans ; mais ce n’est que le fruit de modes différents de cuisson, appliqués à des argiles distinctes et à des pâtes de composition différente.
19Dans les trois cas, le matériel céramique collecté et étudié correspond à des rejets de fabrication, principalement des rejets de cuisson. Autant le catalogue des formes est possible à établir, autant des exploitations numériques pour quantifier les productions ne peuvent qu’être indicatives, les accidents de fabrication dépendant beaucoup des formes. Une distinction peut aussi se faire à partir de caractères typologiques des céramiques produites. Même si des similitudes existent dans le catalogue des formes, ce qui se conçoit par une demande de formes utilitaires, soit fermées (pots globulaires), soit ouvertes (jattes), les caractéristiques typologiques moyennes sont distinctes d’un atelier à l’autre. Par exemple, les rapports entre les diamètres moyens des cols et des fonds des pots globulaires ne sont pas identiques pour les trois ateliers : 1,15 à Trans, 1,28 à Planguenoual et 1,38 à Guipel ; il en est de même pour les hauteurs moyennes : 25 cm à Trans, 22 cm à Planguenoual et 20 cm à Guipel. Pour ces mêmes pots, les formes de l’atelier de Guipel sont plus élancées que celles des deux autres ateliers. Par ailleurs, les formes générales des jattes, plus tronconiques à Guipel qu’à Planguenoual, les modes d’application de leurs décors digités et les profils des lèvres sont caractéristiques de chaque atelier. Enfin, les pichets ont des becs verseurs variés : à Trans, ils résultent d’une simple déformation de la lèvre (fig. 2) ; à Planguenoual, outre le type précédent, on retrouve surtout des becs tubulaires ajoutés en haut de panse (fig. 3) ; à Guipel, ce sont des becs pontés avec une bande d’argile rapportée en haut de panse (fig. 5).
20S’il fallait aller plus loin dans la recherche des affinités typologiques, on pourrait noter que l’atelier de Guipel est celui qui se différencie le plus nettement dans le lot : les pâtes sont de couleur grise et plus fines sur le plan granulométrique, les parois sont moins épaisses et les lèvres ne possèdent jamais de décrochement intérieur.
21En conclusion on sent que ces trois ateliers répondaient à une même demande, soulignée par une convergence des formes produites, mais que chaque atelier avait ses propres caractéristiques techniques. Si certains traits typologiques, limités d’ailleurs aux formes et aux décors digités, se retrouvent dans la production des trois ateliers, il faut probablement davantage les attribuer aux nécessités des utilisateurs qu’à une uniformité technologique. Toutes les différences notées dans les proportions des vases, les manières de réaliser les becs verseurs, les caractéristiques dimensionnelles et typologiques des pots globulaires, les types de fours, etc. militent pour des initiatives locales, voire individuelles.
3.4 La diffusion des productions
22Les prospections systématiques menées par des chercheurs du CeRAA ont permis de découvrir aussi des sites d’habitats carolingiens. Les céramiques qui ont été récupérées permettent d’ébaucher une reconstitution de la diffusion des différents ateliers. Les productions des ateliers de Trans ont été retrouvées sur les sites du Camp des Haies (Hamel‑Simon et al. 1979 ; Giot, Querré 1986 : 168) et de La Besnardais, en Trans, (Langouët et al. 1978 : 126). Des céramiques de Launay‑Margat en Guipel ont été retrouvées, d’une part, en différents endroits de la même commune, à La Cacalière, à Maille Chat et La Hidonnais (Lanos et al. 1986 : 70), d’autre part probablement à Tinténiac, en un lieu distant d’environ 10 km de l’atelier. Quant aux productions de Planguenoual, on les a identifiées sur différents sites des communes de Planguenoual, Pléneuf‑Val‑André, St‑Alban et Morieux, soit dans un rayon d’environ 8 km.
23Ainsi, au hasard des découvertes de surface, les prospections ont permis de mettre en évidence que ces trois ateliers avaient une diffusion de leurs productions dans des rayons de l’ordre d’une dizaine de kilomètres tout au plus, l’atelier de Planguenoual semblant avoir eu la plus grande diffusion territoriale. C’est aussi ce dernier atelier qui, par sa situation relativement proche de la côte, aurait eu le plus de chances d’avoir vu ses productions diffusées en Grande‑Bretagne. Pour les trois ateliers identifiés dans le nord de la haute Bretagne, il serait donc illusoire de rechercher des éléments de comparaison à des distances trop grandes de ces ateliers pour établir des liens.
3.5 Les ateliers supposés
24À l’époque carolingienne, il devait exister bien d’autres ateliers de potier dans cette région du nord de la haute Bretagne. On peut parfois en déceler l’existence à travers des trouvailles effectuées sur des lieux d’utilisation. Ce fut le cas lors de la fouille du bastion de Solidor à St‑Malo (Langouët 1983 : 53‑54). Dans une couche et des structures associées à une occupation médiévale caractérisée par des bâtiments à poteaux de bois et de nombreuses fosses‑dépotoirs, une grande quantité de tessons de céramiques homogènes a été retrouvée. Il s’agissait essentiellement de pots globulaires, souvent enfumés sur les faces externes, aux panses parfois décorées de boudins digités. Les formes de ces pots globulaires sont comparables à celles des productions des trois ateliers cités plus haut. Tous ces pots avaient la même pâte, très riche en dégraissant de quartz et allant du jaune clair, parfois orangé, au beige clair. On a noté aussi une très faible proportion de lèvres en bandeau. Avec ce lot caractéristique de poteries, on est en présence d’une autre production d’époque carolingienne. Lors de la fouille du château de Solidor, aucun élément chronologique autre que ces céramiques n’a permis une datation précise. Seul un texte ancien, une chanson de geste du xiie s., évoquant l’occupation de ce site fortifié par les Normands dans la première moitié du xe s., permet d’apporter un élément chronologique (Langouët 1983 : 59).
25En 1976, lors d’une fouille de sauvetage menée au Chenac, en Langon (sud de l’Ille‑et‑Vilaine), J.‑P. Bardel avait récupéré des céramiques datables des xe‑xie s., dans une fosse‑dépotoir coupée lors de l’aménagement d’une route. La présence d’éléments de structures de cuisson laisse supposer l’existence d’un atelier. Dernièrement, une fouille de sauvetage réalisée à Tinténiac (Ille‑et‑Vilaine), sur le tracé d’une prochaine route à quatre voies a permis de découvrir un site rural carolingien. L’analyse du mobilier retrouvé permettra sans doute d’identifier d’autres productions de céramiques ; déjà, il semble que certaines pièces viennent de l’atelier de Guipel. Si l’on n’avait pas localisé l’atelier de Planguenoual, la seule carte de répartition des découvertes du type de céramique correspondante, reposant sur des prospections de surface et définissant indirectement un épicentre, aurait cependant permis de situer approximativement la zone probable de production.
3.6 Conclusion
26Il faut souhaiter que la poursuite des prospections et des fouilles amène d’autres découvertes permettant de densifier le réseau des ateliers carolingiens dans le nord de la haute Bretagne et des sites où ces productions ont été utilisées. Il faut aussi souhaiter que l’on puisse fouiller un jour un tel atelier en ne se limitant pas aux structures de chauffe ; ce n’est qu’à ce prix que l’on pourra mieux cerner les modes technologiques des potiers de cette époque. Toutefois, on peut déjà se féliciter de disposer d’autant de données typologiques, relativement bien calées dans le temps, ce qui n’est pas courant dans beaucoup de régions pour le xe s. (Hodges 1981 : 92).
Bibliographie
Bibliographie
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Ateliers de potiers médiévaux en Bretagne
Ce livre est cité par
- Reed, Stephen. Bidwell, Paul. Allan, John. (2011) Excavation at Bantham, South Devon, and Post-Roman Trade in South-West England. Medieval Archaeology, 55. DOI: 10.1179/174581711X13103897378447
- Pope, Peter E.. Batt, Michael. Hughes, Michael J.. Taylor, Roger T.. (2008) Post-medieval Breton earthenwares in Newfoundland. Post-Medieval Archaeology, 42. DOI: 10.1179/174581308X354065
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