7.1 Introduction

1Le tumulus de Courtesoult constitue l’une des quatorze nécropoles tumulaires recensées à ce jour dans le bassin supérieur de la Saône (Millotte 1983). Elles représentent une documentation importante pour notre connaissance du premier âge du Fer de cette région (fig. 124). La répartition clairsemée de ces nécropoles qui contraste avec la densité des tertres dans certaines parties du premier plateau jurassien, pose à priori ici le problème de la destruction ancienne de certaines d’entre elles dans une région vouée depuis longtemps à une agriculture intensive. Une partie de ces tumulus a fait l’objet de fouilles qui remontent pour la plupart à la fin du xix^e s. et au début du xx^e. Il s’agit principalement des tertres à sépultures de type aristocratique ou princier d’Apremont, Mantoche, Mercey et Savoyeux. Leurs résultats et leurs implications chronologiques et sociales, maintes fois commentés, ne feront pas l’objet de nouveaux développements dans le cadre de cette étude et seront cités ici pour mémoire (Brun 1992 ; Pare 1989 ; Piningre à paraître). Des fouilles et des prospections plus récentes, en partie inédites (Gy, Montarlot-lès‑Champlitte, Savoyeux, Venère) et quelques enclos repérés en photographie aérienne, viennent étoffer une répartition jusque‑là cantonnée aux abords immédiats de la Saône. Dans le cadre d’une approche chronologique et culturelle du contexte régional du tumulus de Courtesoult, ces nécropoles justifieront ici une présentation plus détaillée à laquelle nous incluerons le cimetière de Mantoche/Champs Rouget, souvent incomplètement cité. On peut ainsi distinguer :
– des tumulus isolés protégeant des sépultures à char de caractère princier : Apremont (Perron 1880a ; 1880b ; Millotte 1983 ; Mohen et al, 1987), Savoyeux (Perron 1882)
– des nécropoles composées de quelques tumulus de gros diamètre contenant des sépultures de caractère aristocratique ou princier, à mobilier importé : Mercey‑sur‑Saône (Perron 1882 ; Mohen et al. 1987), Mantoche (Gasser 1904) ;
– des tumulus isolés : Courtesoult, Montarlot‑lès‑Champlitte, vraisemblablement Purgerot (Millotte 1963) et Beaujeu/Les Huquevilles ;
– de petites nécropoles de deux à six tumulus : Bucey‑les‑Gy/Plateau de Fresse, Gy/En Capsio, Les Trois Fontaines, Venère ; le mobilier appartenant aux tertres de Gy/Le Mont Chèvrefeu (Castan 1864) conservé au musée de Besançon n’est pas daté du Hallstatt à l’exception peut‑être d’un fragment de lame d’épée en fer ;
– des enclos circulaires peuvent signaler des tertres arasés : Cornot, Noidans‑le‑FerrouxVesoul.

D.B., J.‑F.P. del./Culture

7.2 Le groupe de Gy

7.2.1 Situation et historique

2Quatre nécropoles tumulaires ont été détectées et partiellement fouillées sur les communes de Gy et de Bucey‑les‑Gy (Castan 1864 ; Quivogne 1876 ; Millotte 1963 ; fouilles M. Demésy 1964‑1966 inédit). Elles sont implantées à la bordure septentrionale du plateau calcaire faille des Monts de Gy qui sépare les bassins de la Saône et de l’Ognon. Les nombreuses vallées sèches qui dissèquent ce massif, ponctuées de pertes et de sources, reflètent en surface un réseau karstique souterrain actif (fig. 124, n^o 17 et fig. 125).

3Si les localisations exactes des nécropoles de Gy/Les Trois Fontaines, En Capsio, Gy/Les Cariottes, Le Mont Chèvrefeu et de Bucey‑les‑Gy/Plateau de Fresse sont connues, celle de Gy/Brûle Cul ne peut être précisée dans un secteur où abondent les tas d’épierrements en partie consécutifs à l’aménagement d’anciens vignobles. Un doute subsiste, enfin quant à l’attribution précise à l’un des deux tertres des Trois Fontaines du mobilier découvert par F. Quivogne dans deux tumulus de Capsio.

7.2.2 Le tumulus 1 de Gy/ Les Trois Fontaines

4Les deux tertres fouillés sous la direction de M. Demésy entre 1964 et 1966 sont situés dans le bois de Plumont, dorsale marno‑calcaire de l’Argovien d’orientation N.‑E./S.‑O. qui culmine à 379 m, à 1 km au sud‑ouest de la grotte de Capsio (Millotte 1962 ; 1965b ; 1966). Le choix de leur emplacement est particulièrement remarquable. Ils ont été édifiés dans un petit col, à la rupture de pente d’un talus abrupt au pied duquel jaillissent les sources des Trois Fontaines, rapidement absorbées par un gouffre.

5Le tumulus 1, le plus occidental, d’un diamètre de 15 m pour une hauteur de 1,5 m, avait été fouillé à plusieurs reprises. La tranchée de fouilles clandestines, qui avait motivé la reprise des recherches, rejoignait au centre une excavation plus ancienne (fig. 126).

6La structure du tumulus argileux, telle qu’elle a pu être observée en coupe dans la partie sud‑ouest, révèle des apports de matériaux successifs d’origines différentes. Sous l’humus on rencontre :
–légèrement décentrée vers le sud‑ouest (30 cm) ;
– une couche d’argile orangée avec de nombreux silex taillés, tessons de poterie et charbons de bois (40‑50 cm) ;
– une couche d’argile ocre stérile, séparée à sa base du substrat argileux beige clair naturel par des traces de charbon de bois (40 cm).

7.2.2.1 Les sépultures

7● La sépulture centrale (fig. 126, sép. 1) avait été détruite par les fouilles anciennes. Elle avait été installée dans une fosse entaillée dans le sol et recouverte par un amas de pierres calcaires corrodées dont il subsistait encore la limite septentrionale. La présence d’une esquille d’os atteste une inhumation, mais aucun mobilier conservé ne peut lui être attribué avec certitude. Toutefois, le doute est permis pour une pendeloque ou une tête d’épingle en or, recueillie dans les déblais correspondant à ce secteur. Il s’agit d’une petite sphère creuse de 11 mm de diamètre formée de deux coques serties, décorées de bossettes au repoussé. Une lamelle de bronze recourbée à une extrémité traversant la perforation axiale doit être plutôt interprétée comme un dispositif de suspension (fig. 127).

8Analyse de la perle en or de Gy (C. Eluère) : la perle en or de Gy (11 mm x 7 mm) est faite de deux coques de feuille d’or battue, décorées de points repoussés. Ces deux coques sont assemblées par pliage du bord de la coque supérieure. L’objet est rempli d’un noyau à base de cire d’abeille qui lui assure une certaine solidité.

9L’or comporte 20 % d’argent et 1 % de cuivre, ce qui explique sa couleur pâle. Ce type d’or est utilisé au premier âge du Fer et le procédé d’assemblage rappelle celui utilisé sur les têtes d’épingle en or de cette époque.

10● Inhumation d’adolescent en décubitus dorsal, protégée par un amas de blocs de calcaire corrodés (fig. 126, sép. 2). Deux bracelets filiformes à petits tampons en tonnelets décorés de trois rainures étaient portés à chaque avant bras (fig. 128, n^os 3, 4).

11● Inhumation mal conservée à côté de la précédente (fig. 126, sép. 3). Un anneau de bronze de 33 mm de diamètre, décoré d’une nervure périphérique pourrait appartenir à cette sépulture (fig. 126, n^o 3).

12● Inhumation anciennement perturbée par la fouille de la zone centrale (fig. 126, sép. 4). Ne subsistait plus qu’un fragment de calotte crânienne.

13● Inhumation orientée O.‑E., installée entre deux alignements latéraux de pierres, partiellement perturbée par les animaux fouisseurs (fig. 126, sép. 5). Un anneau en bronze plein à jet de coulée de 47 mm de diamètre externe peut lui être attribué (fig. 128, n^o 6).

14● Inhumation perturbée dont les vestiges ont été retrouvés de part et d’autre de la tranchée de fouille clandestine (fig. 126, sép. 6). Des diaphyses d’os longs les plus denses au sud de la tranchée indiquent une orientation E.‑O. Le mobilier est composé par des fragments d’une plaque de ceinture en tôle de bronze lisse (fig. 128, n^o 1). L’extrémité subsistante, décorée de doubles nervures transversales alternant avec 3 alignements de bossettes au repoussé, est dotée de rivets de fixation. Six fragments d’armilles décorées d’incisions transversales et une boucle d’oreille creuse en tôle de bronze enroulée (fig. 128, n^o 2) appartiennent également à cet ensemble.

15● Des fragments de diaphyses, d’orientation N.‑O./S.‑E., pourraient indiquer l’existence d’une autre inhumation proche de la zone centrale sous le témoin nord (fig. 126, sép. 7).

16La masse du tertre a fourni une petite pendeloque trapézoïdale perforée en roche dure (fig. 128, n^o 7) ainsi qu’une abondante céramique fragmentée et dispersée appartenant à de nombreux récipients différents qu’il est possible de classer de la façon suivante (fig. 129) :
– récipients ouverts à bords droit ou rentrant, jattes et bols (fig. 129, n^os 3, 5, 8), dont un exemplaire est décoré de cannelures horizontales (fig. 129, n^o 11) ;
– vases à pâte orangée à cols rentrants, ornés d’impressions digitales ou d’incisions obliques (fig. 129, n^os 2, 4, 9, 10) ;
– vase à cordon décoré d’impressions torsadées (fig. 129, n^o7) ;
– tesson décoré de chevrons emboîtés incisés (fig. 129, n^o 12) ;
– céramique fine à rebords évasés amincis (fig. 129, n^o 1).

7.2.2.2 Chronologie et organisation des sépultures

17La rareté du mobilier et le petit nombre des ensembles funéraires ne permet pas un état détaillé de la chronologie des tombes. La sépulture 6 avec la ceinture du type de Wangen (Kilian‑Dirlmeier 1972), les armilles et la boucle d’oreille, se rapproche du mobilier des sépultures 28 et 48 de Courtesoult, attribuables à un stade évolué du Ha D1‑début Ha D2. Elle permet de situer ici un terminus ad quem du début de l’utilisation du tumulus. La perle en or est comparable par sa technique d’assemblage et de décor à des têtes d’épingles également en or : Schöckingen, Ins, Urteren, Nordhouse (Eluère 1987), ainsi que la pendeloque en bronze du tumulus de Homberg III‑3 (Drack 1980) datée du Ha D2 (7a de Parzinger). Les bracelets à petits tampons de la tombe 2, comparables à ceux de l’inhumation 5 de Courtesoult, attestent une utilisation plus tardive de La Tène A. La question d’une tombe centrale, datable du début du Hallstatt D1, reste posée par le squelette découvert par F. Quivogne, accompagné d’un grelot‑cage, de deux brassards en lignite larges et de fragments de fer, dans un tumulus de Capsio « qui renfermait une grande quantité de débris de poterie ordinaire », ce qui caractérise ce premier tertre par rapport au second.

18La céramique recueillie dans la masse du tertre, bien que peu caractéristique pour une datation fine, peut être située globalement au Hallstatt final avec les jattes à bords dressés, le vase à col évasé court, les cordons à impressions torsadées et les vases à bords rentrants impressionnés. Le décor de chevrons emboîtés, profondément incisés sur un fragment d’urne, entre fréquemment dans la composition des motifs dérivés de la tradition Alb‑Hegau : Bonstetten I‑1 (Drack 1985), Haguenau‑Macgstub 1‑2 (Schaeffer 1930 : fig. 119). Seul un col d’urne galbé, à bord oblique cannelé (fig. 126, n^o 6), donnerait à cet ensemble une tonalité plus ancienne de la transition BF IIIb/Ha ancien.

19La disposition des sépultures ne peut être qu’esquissée en raison des bouleversements successifs qui ont affecté le tumulus et du mauvais état de conservation des ossements, dû au contexte argileux acide du sédiment. Les sépultures 2, 3, 6 et 7 suggèrent une organisation concentrique dans un rayon de 3,50 m autour de la tombe centrale. La tombe 5, creusée dans le tertre, se distingue des précédentes par son orientation semble‑t’il rayonnante et son emplacement périphérique. Les blocs de calcaire corrodés de l’Argovien local, facilement accessibles dans les environs immédiats, notamment à proximité des sources et dans le talus qui les domine, ont été utilisés pour l’aménagement de certaines tombes (entourage et protection), Il est plus difficile de préciser le rôle de la chape superficielle qui ne semble pas concorder avec l’emplacement de tombes observées. En conclusion, le tumulus 1 de Capsio montre les caractères des tertres communautaires dans le nombre et l’organisation des sépultures, ainsi que par sa durée d’utilisation. Comme à Courtesoult, mais à travers des données moins nombreuses et moins complètes dues aux mauvaises conditions de conservation, on décèle des tendances analogues dans l’évolution des parures qui témoignent pour les plus anciennes d’une certaine aisance des inhumés par la présence notamment d’un petit ornement en or.

7.2.3 Le tumulus 2

20Le second tumulus, situé à 10 m environ au nord‑est du premier, a également un diamètre de 15 m pour une hauteur de 1,20 m. Sa structure, telle qu’elle est connue par les documents de fouilles, montre dans la partie centrale une accumulation superficielle de pierres calcaires corrodées épaisse de 0,50 m. La masse du tertre composée par de l’argile locale de couleur ocre contraste avec le tumulus 1 par son homogénéité et la rareté des fragments de céramique et des charbons de bois rencontrés. A sa périphérie on a décelé une couronne de blocs corrodés mais aussi de dallettes calcaires observée dans les quadrants sud‑ouest et nord‑est.

7.2.3.1 Les sépultures

21● Une incinération déposée dans une fosse centrale recouverte d’un amas de pierre de 1,50 mx 1 m contenait des charbons de bois et des esquilles d’os.

22● Une inhumation en décubitus dorsal, partiellement détruite par les terriers, avait été installée sur la couronne de pierres. Un bracelet à petits tampons en tonnelets, semblable à ceux de la tombe 2 du tumulus 1, constitue la seule parure attribuable à cet ensemble (fig. 128, n^o 8).

23● Des esquilles d’os, dans le quadrant sud‑est, laissent penser à la présence d’une autre sépulture à cet endroit.

7.2.3.2 Chronologie

24Le bracelet filiforme à petits tampons, qui constitue le seul élément datable de ce tertre, semblerait attester que les deux tumulus ont pu fonctionner simultanément au stade le plus tardif de leur utilisation. L’incinération centrale pourrait laisser supposer une datation ancienne antérieure au Ha D que nous nous garderons bien de tenir comme certaine en l’absence de tout mobilier.

7.2.4 Les tumulus du Plateau de Presse

25Trois tumulus de pierre espacés d’une trentaine de mètres, de diamètres respectifs de 20 m, 19 m, et 14 m pour une hauteur comprise entre 0,70 et 1 m, correspondent à la description des tertres fouillés en 1875 et 1876 par F. Quivogne (1876). Ils sont situés sur la commune de Bucey‑les‑Gy, à la rupture de pente du versant ouest d’un promontoire calcaire dominant le cours supérieur du ruisseau de la Morte (fig. 125 et 130).

26Le tumulus 1 recouvrait une inhumation centrale orientée N.‑S. A droite du corps avait été déposée, pointe en direction des pieds, une épée en fer à languette tripartite et lame pistiliforme (long. 1 m). Des vestiges d’une poignée en os ou en ivoire étaient encore maintenus par les rivets. Des traces de tissus étaient visibles à la partie inférieure de la lame. Un bracelet en fer à tampons sphériques était porté au poignet gauche, à coté duquel se trouvait un vase décoré en terre noire lustrée.

27Le second tumulus recouvrait une inhumation analogue à la précédente. L’épée en fer du même type, brisée en plusieurs morceaux, et plus longue que la précédente avait été placée du coté droit, la poignée tournée vers les pieds. À gauche un grand vase écrasé était accompagné de fragments de céramique noire et fine appartenant à de petits vases ou à une coupe.

28Le troisième tertre avait déjà été perturbé en différents points. Aucun vestige n’ayant été découvert lors des premiers sondages, sa fouille fut alors abandonnée.

29Le matériel funéraire recueilli dans les deux premiers tumulus est caractéristique des tombes à armement du Ha C (Gerdsen 1986). Ces tertres représentent les ensembles funéraires les plus anciens connus pour le premier âge du Fer de cette partie de la Saône.

7.2.5 Les tumulus du Mont Chèvrefeu, Les Cariottes à Gy

30Plusieurs tumulus ont été fouillés successivement par A. Castan (1864) et par F. Quivogne (1876). Ils sont encore visibles au sud‑ouest de la ferme de Bellevue, sur le plateau calcaire rauracien et séquanien dominant la dépression de Gy, à 5 km au sud‑ouest des précédents (fig. 124, n^o 17, fig. 125). Les relations de Castan font état de 9 tertres qui contenaient des inhumations placées en couronne, des paquets d’ossements incinérés, mais un mobilier peu abondant.

31Un tumulus de 18 m de diamètre contenait une inhumation centrale entourée de cinq autres (Quivogne 1876). Seule la tombe centrale recouverte par une couche de pierres était dotée de mobilier : une perle d’ambre discoïde aux bords arrondis de 5 mm d’épaisseur, munie d’une fine perforation centrale, l’extrémité d’une lame de bronze à nervure médiane (de poignard ?), une céramique fine noire. Ce mobilier ne peut être daté avec certitude mais la perle en ambre, telle qu’elle est illustrée et décrite, évoque plus volontiers les exemplaires du Bronze moyen que les pendeloques à large perforation biconique du premier âge du Fer. Le fragment de lame losangique en bronze ne contredirait pas une datation du milieu de l’âge du Bronze, qu’avait d’ailleurs suggéré M. Piroutet (1913).

7.2.6 Le tumulus de Brûle Cul à Gy

32Situé à mi‑chemin entre la Fresse et les Cariottes, dans un contexte géographique analogue, le plateau de Brûle Cul a fait anciennement l’objet de fouilles. Un tumulus de 16 m de diamètre contenait quatre inhumations en coffres, disposées parallèlement. L’une d’entre elles, qui possédait un bracelet de lignite analogue à ceux de l’inhumation de Capsio, date l’utilisation de ce tumulus du premier âge du Fer (Quivogne 1876).

7.3 Le tumulus du Tremblois à Savoyeux

7.3.1 Situation et historique

33Le tumulus du Tremblois est situé sur le flanc d’un coteau, à 500 m environ de la rive droite de la Saône, au sommet de la moyenne terrasse sableuse (fig. 124, n^o 12). Son aspect actuel très arasé, d’un diamètre de 33 m pour une hauteur maximale de 0,50 m, est imputable à l’action des labours sur le sable meuble avec lequel il a été construit.

34La fouille, exécutée au siècle dernier, avait mis au jour une sépulture à char accompagnée d’un très riche mobilier ; il n’existe aucun compte rendu de cette fouille et la position respective des objets n’a pas été mentionnée. D’après E. Perron (1882) qui effectua une exploration complémentaire, la tombe à char se trouvait à la base du monument (c’est‑à‑dire à 0,80 m de profondeur), au centre d’un cercle formé par de menues pierrailles. Les dimensions de ce cercle n’ont pas été précisées.

35Le mobilier de type aristocratique exhumé par les premiers explorateurs se compose comme suit : un torque creux en or non décoré, un bracelet creux également en or non décoré avec crochets aux extrémités, un bassin en bronze (diam. 50 cm, haut. 15 cm) à flancs rebondis, bord vertical doté de six trous d’anse en vis‑à‑vis et fond plat, un grain de collier en pâte de verre, deux perles en ambre, une serpe en fer à douille, une bouterolle en fer (même objet ?) et des bandages de roues en fer qui occupaient les quatre angles de la sépulture. E. Perron recueillit également un fragment de gros fil de bronze torsadé.

36Au printemps 1989, nous avons recueilli sur ce tertre actuellement labouré, des fragments de poteries appartenant à deux vases et les débris d’un bracelet en bronze portant des traces de cassures fraîches. Les objets groupés sur un seul point, à quelques mètres du centre de l’édifice, semblaient provenir d’une sépulture récemment bouleversée. Cette découverte nous incita à effectuer rapidement une vérification.

7.3.2 La tombe à incinération

37La tombe se trouvait à 4 ou 5 m au sud‑est du centre approximatif du tertre et à 0,40 m de profondeur. Elle semble n’avoir été que très superficiellement endommagée par la charrue. Aucune trace de fosse n’a été décelée. Au niveau du sol naturel de sable jaune, deux récipients étaient placés l’un sur l’autre : une petite coupe pratiquement intacte reposait obliquement sur les fragments d’une urne dont les deux tiers de la panse et du col avaient totalement disparu. L’état de conservation de cette céramique s’explique difficilement : globalement, la sépulture ne semblait pas véritablement perturbée ; il est probable que cette portion d’urne manquait déjà depuis longtemps, ou n’avait peut‑être jamais été déposée là.

38L’incinération était représentée par une faible quantité d’ossements placés en pleine terre à proximité immédiate de la coupe (ossements renversés ou dépôt intentionnel à côté des vases ?). Aucun vestige osseux n’a été rencontré à l’intérieur des récipients. Le mobilier en bronze a été retrouvé un peu plus haut dans le labour avec des tessons correspondant à la coupe et au fragment d’urne encore en place. Il n’a pas été incinéré.

7.3.3 Le mobilier

39La coupe d’un diamètre de 20 cm est tronconique à profil galbé et marli oblique peu marqué ; la pâte est marron, lissée sur les deux faces (fig. 131, n^o 1).

40L’urne a une panse arrondie (diam. max. : 29 cm), décorée au sommet de deux ou trois cannelures horizontales ; la pâte est noire et lissée sur l’extérieur seulement (fig. 131, n^o 2). Deux perforations avaient été pratiquées, l’une à la base, l’autre au milieu de la panse, probablement en vue d’une réparation ou d’une consolidation. Cette particularité pourrait également expliquer l’état de fragmentation de cette céramique.

41Le mobilier métallique se compose de trois morceaux d’un bracelet en ruban ouvert, à section piano‑convexe, décoré sur la face externe par des groupes de fines cannelures transversales (fig. 131, n^o 3) et d’une petite agrafe ovale sans décor avec crochet à une extrémité (fig. 131, n^o 4) ; l’objet est incomplet.

7.3.4 Chronologie

42L’agrafe, non décorée, se distingue des exemplaires de Courtesoult. Des modèles comparables, le plus souvent décorés d’incisions géométriques ou de cercles oculés, dans la tradition du Ha C, (Drack 1968‑1969), existent dans le Jura jusqu’au Ha D1 : La Rivière‑Drugeon/Le Grand Communal 2‑II, Moidons 10‑a, 18‑d, Moidons Papillard A (Morgan 1883). Le bracelet en ruban décoré de cannelures transversales représente un type peu répandu qui ne trouve à ce jour que quelques comparaisons en Suisse : Subingen (SO) t. 9‑3 où l’ensemble est daté du Ha C (Lüscher 1983), Unterlukhofen‑AG (Drack 1970) et dans la tombe 46 de Courtesoult avec un modèle approchant. Quant aux céramiques, les séries bien datées de cette période sont rares en Franche‑Comté. On peut signaler l’urne très semblable qui accompagnait le pommeau d’épée de Mindelheim du tumulus 3 de Chaffois/La Censure (Bichet, Millotte 1992). La coupe à profil sinueux évoque également une tradition du Ha C/D1 et trouve des comparaisons avec une coupe non ornée d’Obergösgen (SO) t. 4‑1, associée avec des brassards‑tonnelets (Lüscher 1983) et, une coupe décorée, dans l’incinération 4 du tumulus 1 de Homberg‑Kloten (ZH), associée à un vase incisé (Drack 1980).

43L’analyse de ce mobilier appelle deux commentaires. Nous constatons d’une part que les comparaisons nous renvoient vers des ensembles anciens, du Ha C voire du Ha D1. Le rite funéraire, d’autre part, paraît original puisque nous constatons tant à travers l’exemple de Courtesoult que dans les nécropoles jurassiennes les mieux connues que l’inhumation qui se développe au Ha C devient la règle au Ha D1, à l’exception des tombes birituelles. Le rite de l’incinération avec céramique cadrerait mieux avec la tradition du Ha C. Si nous retenons une datation précoce de cette sépulture, pourrait alors se poser la question d’une réutilisation d’un tertre plus ancien pour le dépôt de la sépulture à char du Ha D.

7.4 La nécropole du Bois de la Vaivre à Venère

44La nécropole du Bois de la Vaivre à Venère présente un autre type d’implantation. Située dans la dépression argileuse de la plaine de Gray, elle marque néanmoins une zone de contact entre la retombée septentrionale des plateaux de Vesoul, à quelques kilomètres au sud, et l’amont de la Tenise, affluent de rive gauche se jetant dans la Saône au niveau d’Apremont (fig. 124, n^o 18).

45Les 6 tertres d’argile qui la composent (fig. 132) sont alignés suivant un axe N.‑E./S.‑O., à l’exception du dernier décalé vers le nord. L’examen de leurs diamètres, respectivement de 27, 29, 47, 23, 20 et 20 m permet de distinguer le tumulus 3, le plus important, implanté en position médiane.

46Seul le tumulus 2 a fait l’objet d’une fouille partielle dans la partie centrale (fouilles M. Demésy 1970). Le mobilier recueilli qui n’a pu être rattaché à aucune sépulture visible comprend :
– un bracelet, sans doute huméral, en bronze massif à jonc cylindrique et appendice de coulée (diam. 87 mm.) (fig. 133, n^o 1) ;
– un crotale très endommagé, dont il ne subsiste que le départ de l’anneau de suspension (fig. 133, n^o 4) ;
– des éclats de silex (fig. 133, n^os 2, 3, 5, 8) ;
– deux fragments de jattes à bords rentrants (fig. 133, n^os 9, 10) ;
– des fragments d’urnes indéterminées (fig. 133, n^os 6, 7). Le seul élément de datation du Ha D1 est fourni par le crotale, alors qu’à Courtesoult les bracelets huméraux apparaissent dans le courant du Ha D2/D3.

7.5 Le tumulus du Bois de la Chavanne à Montarlot‑lès‑Champlitte

47Le tumulus de Montarlot‑lès‑Champlitte est situé dans la vallée du Salon à 10 km en amont du tumulus de Courtesoult. Il est implanté en rive gauche, en bordure d’un éperon calcaire délimité par deux talwegs qui autorisent une communication entre le plateau et la vallée à 70 m en contrebas (fîg. 124, n^o 9).

48Ce tumulus isolé, fouillé par V. Ganard en août 1991 à la suite de fouilles clandestines, fera l’objet d’une publication exhaustive ultérieure. Nous nous contenterons ici de présenter ses principaux caractères.

7.5.1 Le tumulus

49Le tumulus se présentait sous la forme d’un monticule pierreux de 20 m de diamètre et de 1,30 m de hauteur. La fouille a permis de mettre en évidence une architecture originale composée de 5 murettes concentriques en pierres sèches entourant une zone d’inhumations centrales. L’appareil grossier des murs édifiés depuis le sol naturel est constitué de pierres hétéromorphes (dallettes, blocs anguleux) disposées sur plusieurs assises. L’espace ménagé entre les parements est comblé par un bourrage de biocailles.

50Cette architecture se distingue de la plupart des tertres de pierre jurassiens où généralement une ou deux murettes concentriques ont été signalées.

7.5.2 Les sépultures

51L’absence de sédiment intersticiel n’a pas toujours favorisé la conservation en connexion des sépultures (inhumations et incinérations) dont le nombre s’élève à une dizaine. Les tombes périphériques aménagées entre ou dans les murettes s’organisaient autour de plusieurs sépultures centrales superposées.

52Les parures recueillies permettent de situer l’utilisation de ce monument entre le Ha D1 et La Tène A. Deux anneaux d’or et une boucle d’oreille creuse en croissant également en or, provenant de sépultures différentes, soulignent le prestige de certains individus inhumés dans ce monument.

7.6 Le tumulus du Champ Dolent à Morey

53Il convient de citer pour mémoire une découverte de 1875, dans une vigne au lieu‑dit Champ Dolent, à environ 2 km au sud de l’habitat fortifié de Bourguignon‑lès‑Morey (Bouillerot 1907) (fig. 124, n^o 8). Selon l’auteur, quatre squelettes ont été découverts alignés sur un espace de 5,7 m, occupé précédemment par un amoncellement de pierres utilisé pour l’aménagement d’un chemin. Trois petits anneaux en bronze sur la poitrine de l’un d’entre eux constituent le seul mobilier recueilli et ne permettent pas une attribution chronologique précise. Le contexte de cette découverte à proximité d’un important habitat fortifié pourrait laisser penser à l’existence d’un tumulus arasé.

7.7 Le cimetière de Champs Rouget à Mantoche

7.7.1 Situation et historique

54Le cimetière de Mantoche/Champs Rouget est situé, d’après la localisation de A. Gasser, à 250 m au nord du canal de dérivation du méandre d’Apremont (Gasser 1912 ; 1925) (fig. 124, n^o 21). Il se signale encore actuellement par l’emplacement de l’ancienne sablière dont l’exploitation fut à l’origine des fouilles réalisées entre 1909 et 1914. Celles‑ci font suite à la mention de découvertes plus anciennes, faites lors du creusement du canal, laissant penser que d’autres sépultures avaient alors été bouleversées (Perron 1880a).

55Le nombre des tombes successivement découvertes et publiées par A. Gasser peut être estimé à 10 ou 11, chiffre nettement supérieur à celui généralement signalé (Millotte 1983 ; Staniaszek 1984). Bien que le matériel ne soit partiellement connu que par des planches photographiques, avec toutes les imprécisions que cela comporte, il nous a semblé intéressant de décrire rapidement cette nécropole en raison de son contexte à proximité des tumulus d’Apremont et de Mantoche et des recoupements chronologiques qui peuvent être faits avec les tombes les plus récentes du tumulus de Courtesoult. Les dénominations données par Gasser comprenant le nom des inventeurs et les années de découvertes ont été respectées, les objets ont été décrits d’après les commentaires de Gasser et les photos de la publication.

7.7.2 Description des sépultures

56● Tombe 1 (Fourain 1909)
Inhumation avec blocs de pierres.
Mobilier
– bracelet en bronze à fermoir en cuvette ;
– 2 bracelets filiformes ;
– 1 bracelet filiforme à petits tampons et trois renflements ;
– 1 fibule à ressort en arbalète, ornée de corail sur l’arc et sur le pied recourbé ;
– 1 fibule à timbale hypertrophiée.

57● Tombe 2 (Fourain)
Inhumation avec amas de pierres.
Mobilier
– 2 bracelets en bronze à petits tampons et trois renflements ;
– 1 fibule en bronze à ressort à fausse corde et bouclettes et timbale sur le pied ;
– 1 fibule en fer à ressort en spirale.

58● Tombe 3 (Viaux)
Inhumation avec blocs de pierres.
Mobilier
– 1 bracelet ouvert filiforme en bronze, à petits tampons ;
– 1 fibule laténienne à pied replié en disque décoré de cercles concentriques.

59●Tombe 4 (Gasser 24 mars 1911)
Inhumation avec entourage de pierres plates dressées, recouverte d’un amas de pierres de 3 m x 1 m, orientation E.‑O.
Mobilier
– bracelet huméral en bronze à appendice ;
– bracelet Filiforme ouvert à petits tampons et deux renflements ;
– bracelet ouvert à section ovalaire en bronze ;
– 2 fibules laténiennes en bronze à arc orné de grènetis et pied terminé par un bouton ;
– 1 fragment de fer vers la tête.

60● Tombes 5/6 (Gasser 24 mars 1911)
Inhumation parallèle, à 1 m au sud de la précédente, recouverte par un entassement de pierres sans aménagement particulier. Au‑dessus de cette tombe des fragments d’un vase noir de grande dimension et des ossements humains mêlés aux pierres attestent l’existence d’une autre sépulture perturbée.
Mobilier
– bracelet huméral filiforme en bronze ouvert ;
– bracelet en bronze à nodosités et petits tampons ;
– bracelet ouvert en bronze à renflements ovales peu marqués ;
– fibule laténienne en fer sur l’épaule gauche.

61● Tombes 7/7 bis ? (Gasser)
Amas de pierres dispersées avec ossements humains déconnectés sans mobilier. Un amas de cendres, de charbons et d’ossements calcinés contre les pierres, au nord‑ouest, pourrait correspondre à une incinération.

62● Tombe 8 (Gasser et Fourney 11 mars 1912)
Inhumation d’enfant sous un amas de pierres de 50 cm de longueur, orientée E.‑O.
Mobilier
– 1 bracelet huméral en bronze à appendice ;
– 2 bracelets à nodosités et petits tampons ;
– plaque en fer (2,8 cm x 3,5 cm) munie d’un rivet sur un bord au niveau de la ceinture.

63● Tombe 9 (Gasser et Viaux 26 décembre 1914)
Inhumation sous un amas de pierres long de 2 m.
Mobilier
– 2 bracelets de bronze à nodosités ;
– 2 petites fibules laténiennes en bronze (comparables à celle de la tombe 3), l’une près du cou, l’autre au côté droit ;
– collier de 32 perles : 4 de verre bleu à côtes, 4 de verre bleu avec ocelles blanches, 2 en terre cuite, 1 en bronze, 21 en verre bleu uni ;
– 1 anneau en feuille d’or enroulée (1 g).

64● Tombe 10 (Gasser et Viaux 29 décembre 1914)
Inhumation avec entourage de pierres plates dressées recouverte par un amas de pierres long de 3 m.
Mobilier
– débris de fibule en fer vers la taille.

7.7.3 Chronologie

65Les tombes 1 et 2 contenant le mobilier typologiquement le plus ancien peuvent être situées au tout début du deuxième âge du Fer (horizon 9 de H. Parzinger). La tombe 1, où apparaît déjà le bracelet à fermoir en cuvette ou en tenon, associe la fibule à timbale hypertrophiée, le bracelet à renflements et petits tampons, à une fibule à ressort en arbalète court dont l’arc épaissi et le pied sont ornés de corail. Dans la tombe 2, le bracelet à renflements et petits tampons était associé à une fibule à timbale sur le pied et ressort à fausse corde et bouclettes dans la tradition hallstattienne et à une fibule en fer non figurée, décrite à ressort à spirales, terme employé par Gasser pour les fibules à ressort de type laténien.

66Les tombes 3, 4, 5, et sans doute la tombe 9, qui associent les bracelets à renflement et à petits tampons (tombes 4, 5 et 9) à des fibules de type laténien, se situent à un stade plus évolué de La Tène A (horizon 10 de H. Parzinger).