Chapitre 5. Les pratiques funéraires
p. 117‑134
Texte intégral
5.1 Le fossé
1Une approche de la disposition des tombes ne se satisfait que partiellement d’une explication chronologique qui illustre ici une continuité dans l’utilisation du monument. Leur disposition irrégulière, leurs orientations suivant deux directions opposées (fig. 109, A), la symétrie rencontrée dans certaines parures féminines (sép. 28 et 48, 27 et 29), la présence ou l’absence d’aménagements empierrés, la pratique conjointe de l’inhumation et de l’incinération, enfin la répartition des sépultures en fonction des parures, des âges et des sexes, etc. sont autant de caractères que nous examinerons maintenant dans la recherche de marqueurs d’une organisation sociale.

FIG. 109 – A orientation des sépultures, B répartition des sépultures biritueiles, C répartition des différents types d’aménagements. La ligne pointillés figure la limite du premier tertre.
J.‑F.P. del./Culture
2Comme dans l’est de la France et l’Allemagne du Sud‑Ouest, pour ne retenir que les régions du domaine hallstattien les plus proches de notre zone d’étude, les enclos fossoyés circulaires sont des découvertes récentes et la documentation franc‑comtoise ne permet pas pour l’instant d’en proposer ni une typologie ni une évolution chronologique.
3Depuis 1980, quelques fouilles ont permis d’entrevoir la multiplicité des formes et des attributions chronologiques possibles à partir d’un échantillonnage daté restreint :
– fossés circulaires simples ou multiples : Saint‑Vit/Les Champs Traversants (Urlacher et al. 1988), Doucier/Collondon (Millotte 1981) ;
– fossés circulaires palissadés : Soyria/sous Mithiou (Chaix et al. 1980), Doucier/Collondon (Millotte 1981) ;
– fossés quadrangulaires ouverts : Doucier/Collondon (Millotte 1981), Saint‑Vit/Les Champs Traversains (Urlacher et al. 1988) ;
– fossés carrés : Doucier/Collondon (Millotte 1981). Les chronologies proposées s’échelonnent entre la fin du Bronze final et La Tène et tout au plus remarque‑t’on l’antériorité de certains enclos quadrangulaires ouverts, recoupés par des fossés circulaires à Doucier et Saint‑Vit.
4Parallèlement à ces fouilles, les prospections aériennes ont permis de détecter, le plus souvent dans les zones alluviales, plus d’une cinquantaine de nécropoles tumulaires arasées à enclos circulaires simples ou concentriques, non fouillés à ce jour, qui viennent compléter et sensiblement modifier la répartition des sites funéraires tumulaires en Franche‑Comté (Urlacher et al. 1988). Dans la Combe d’Ain, au substrat majoritairement fluvio‑glaciaire, des tertres fouillés anciennement ont également révélé des enclos circulaires périphériques fossoyés (Chaix et al. 1980).
5À l’occasion des ces différentes études, on a pu établir un parallèle entre les enclos circulaires et les murettes de dallettes se substituant aux fossés dans les constructions des tertres en substrat calcaire (Ornans/Bois d’Onchaud, Moidons, Chavéria, Montarlot‑lès‑Champlitte) et dans certains cas avec les palissades de bois refendus, dont on connaît un exemple particulièrement bien conservé en Alsace dans un tumulus de Mussig (Bas‑Rhin) (Plouin et al. 1986).
6Le fossé‑enclos circulaire de Courtesoult conforte la systématique de ces structures périphériques qui sont mises en évidence par les fouilles les plus récentes dans de nombreuses régions (Bonnet et al. 1991). Il montre que le choix d’un enclos fossoyé a pu être fait en contexte calcaire, lorsque la mobilité du substrat le permettait. Contrairement à d’autres exemples, bien illustrés par le tumulus de Bressey‑sur‑Tille, l’agrandissement du tertre, qui est à l’origine du comblement rapide et uniforme du fossé, n’est pas accompagné à Courtesoult du creusement d’un second enclos externe.
7La fonction éphémère de cette limite peut être rapprochée d’autres exemples concordants, quelle que soit la nature de la structure. Ainsi la conservation de la palissade de Mussig ne peut se concevoir que rapidement protégée par le tertre définitif qui englobe largement son périmètre, alors que le nombre des sépultures ne semble pas justifier une extension du tumulus primitif (Plouin et al. 1986 : 17). Dans les tumulus en pierres des Moidons, un ou plusieurs aménagements concentriques, le plus souvent des murettes englobées dans la masse de pierres du tumulus et perturbées par les inhumations secondaires, jalonnent ces étapes d’agrandissement du monument : Parançot 1,4, 19, Moidons Sepoit 16 (Piroutet 1904 ; 1928 ; Ganard et al, 1992)
5.2 Les aménagements
8Au cours de la description des différentes inhumations, nous avons eu l’occasion de constater la variété des dispositifs d’aménagements des sépultures, surtout matérialisés par des agencements de pierres et par la mise en évidence de traces de bois (fig. 109, C). La disposition de ces vestiges et la taphonomie nous permettront d’en affiner la typologie (fig. 110, 111).

FIG. 110 – Les différents types d’aménagements des inhumations.
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FIG. 111 – Aménagements de tombes : A coffre de dalles (sép. 47), B alignement de pierres de calage (sép. 46), C blocage de pierres recouvrant la sépulture 7, D entourage de pierres (sép. 5).
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5.2.1 Les caissons de dalles
9Parmi les deux ou trois tombes de ce type, la sépulture centrale no 6 a fait l’objet d’un soin particulier. Elle était protégée par un caisson rectangulaire allongé de 2,80 m x 1 m, haut de 0,60 m environ, composé de dalles dressées sur chant, quelquefois chevauchantes, afin d’assurer l’étanchéité de la paroi (fig. 18). La couverture était composée de dallettes et de blocs calcaires qui se sont effondrés vers l’intérieur comme l’ont montré les pendages centripètes observés lors du démontage (fig. 19). Ce caisson avait servi de caveau où l’on avait déposé le défunt dans un cercueil. L’existence de ce dernier est bien attestée par des traces noires ligneuses visibles sous et sur le squelette, ainsi que par les déplacements d’ossements hors du volume initial du corps. Ces traces ne laissent qu’une idée imprécise de la structure et de la forme de ce cercueil, mais une limite très nette des parois de part et d’autre des avant‑bras indique une largeur particulièrement exiguë de 0,45 m (fig. 20).
10La tombe d’enfant n° 47 se range également dans cette catégorie. Elle était protégée par un coffre de 1,40 x 0,60 m composé de 10 dalles dressées (fig. 111, A), Ici, la couverture de pierre était absente ou avait été détruite par les travaux agricoles. Quant à la tombe violée no 3, seules les plaquettes dressées conservées au niveau des pieds pourraient suggérer un dispositif en coffre.
5.2.2 Les entourages de pierres continus
11Trois tombes étaient délimitées par des aménagements rectangulaires de 2,20 x 1,30 m en moyenne, composés de pierres ou de plaquettes calcaires juxtaposées et alignées. Parmi ceux‑ci, celui de la sépulture 7 se distingue par son plan allongé (2,70 x 0,90 m) qui évoque celui de l’inhumation centrale, par l’utilisation de plaquettes quelquefois dressées ou empilées et par la volumineuse chape de pierres qui recouvrait la tombe (fig. 111, C). Les deux autres aménagements (sép. 5 et 12) sont à la fois plus larges et plus courts, composés de blocs de petites dimensions et sans couverture conservée (fig. 111, D).
5.2.3 Les entourages discontinus
12Ici, le périmètre de la tombe est matérialisé par des pierres irrégulièrement disposées qui peuvent regrouper dans la même structure des dallettes sur chant ou des blocs posés à plat (sép. 4, 8, 11). L’exemple de la tombe 46 est un peu différent dans la mesure où il s’agit ici d’un simple alignement unilatéral de petits blocs (fig. 111, B).
5.2.4 Les blocs isolés
13Des blocs isolés se rencontrent à plusieurs reprises et leurs emplacements aux pieds (inhumations 14, 26, 28, 38, 48), plus rarement contre le bassin ou la taille (inhumations 22, 30) ne semblent pas fortuits.
5.2.5 Les couvertures
14Des couvertures de pierre ne vont pas systématiquement de pair avec ces dispositifs. On distingue en premier lieu les chapes de blocailles accumulées en grand nombre : inhumations 6, 7, 22 et probablement aussi la sépulture 3 si on considère la quantité de pierrailles qui a servi à combler la fosse après sa violation. Des dalles horizontales juxtaposées ont également été utilisées pour recouvrir la sépulture 11, délimitée par des dallettes verticales, ainsi que la tombe 37 dépourvue quant à elle de tout entourage de pierres.
5.2.6 L’origine des dalles calcaires des sépultures du tumulus de Courtesoult
15Plusieurs dalles de calcaire pluridéci métriques ont été mises au jour lors de la fouille du tumulus de Courtesoult. Dressées intentionnellement lors de l’inhumation autour des sépultures du premier âge du Fer, elles constituaient ainsi un coffre rudimentaire. Très hétérométriques et de médiocre qualité, leurs faciès pétrographiques sont de deux types distincts : d’une part un calcaire homogène à oncoïdes et oolithes cimentées par une pâte micritique, d’aspect très compact, et d’autre part un calcaire également riche en oncoïdes et oolithes mais cette fois‑ci beaucoup plus bioclastique. Les faunes sont essentiellement des Lamellibranches (Huîtres), des Gastéropodes (Nérinées) et des Cnidaires (Polypieds). Certaines dalles présentent une surface corrodée sur laquelle sont encore fixés des tests de Lamellibranches en position normale.
16Ces faciès sont classiques du Jurassique supérieur et plus spécifiquement de l’Oxfordien moyen (Oxfordien s.l., ex Rauracien récifal). Définis par D. Contini (1986), ce sont des faciès de mer épicontinentale, chaude et agitée. On peut supposer que le lieu d’extraction de ces dalles n’est pas très éloigné du tumulus puisque le Rauracien supérieur affleure à l’endroit même du tertre, sous la couverture peu épaisse de formations superficielles (fig. 112). Si les dalles de calcaire bioclastique ont été tirées du substrat quasiment in situ, les calcaires compacts oolithiques proviennent très probablement de quelques mètres ou dizaines de mètres tout au plus à l’aval du site. Cette origine très locale des matériaux explique la médiocre qualité des dalles.

FIG. 112 – Origine des dalles de calcaire du tumulus.
V. Bichet del
5.2.7 Les aménagements périssables et les cercueils
17La mise en évidence de cercueils de bois a été favorisée dans certaines tombes par la conservation de traces charbonneuses qui matérialisent dans les meilleurs cas les contours d’un coffre. Plus généralement, la position du squelette, la mise en évidence d’effets de parois, d’indices taphonomiques d’une décomposition à l’air libre, permettent d’assurer la présence d’un cercueil ou d’un coffrage périssable en dépit de tout témoignage direct.
18Deux types d’aménagements au moins peuvent être distingués.
19Des cercueils étroits et allongés ont été clairement mis en évidence dans les tombes 45 et 48 (fig. 113), ainsi que probablement dans la tombe 18. Les traces de bois charbonneuses, dont les fibres sont orientées dans l’axe du corps, dessinent un plan allongé (longueur un peu supérieure à 2 m) et étroit (largeur : 0,45 m environ) débordant d’une cinquantaine de centimètres en arrière du crâne. Les indices de décomposition sur un fond concave (inhumations 11, 18, 27, 28, 45, 48) vont souvent de pair avec ces observations. Cette morphologie évoque fortement celle de cercueils monoxyles dont les traces ont été observées dans certaines inhumations de la nécropole tumulaire du premier âge du Fer de Nordhouse (Bas‑Rhin) (Plouin et al. 1989) ou à Bressey‑sur‑Tille (Ratel 1977). Il est vraisemblable que les cercueils des tombes 6 et 46, qui présentent également certaines de ces caractéristiques, aient appartenu à ce modèle. La présence de couvercle est également attestée dans tous les cas par un horizon charbonneux superposé au squelette qu’il a été quelquefois permis de relever en plan (inhumations 6, 45, 46, 48). La position du squelette reflète elle‑même l’effet des contraintes latérales de ces parois étroites : bras plaqués le long du corps, avant‑bras posés sur les cuisses, thorax et bassin comprimés latéralement, clavicules redressées, pieds en extension forcée dans le prolongement de la jambe. Ces dispositions observables sur certains squelettes alors que toute trace de bois a disparu, suggèrent l’existence de cercueils analogues ou d’une forte contrainte exercée par deux planches latérales (inhumations 22 et 23).

FIG. 113 – Inhumation 45 : les traces d’un cercueil étroit se remarquent par les traces noires des parois latérales, l’accumulation de granules calcaires lessivés au contact des parois disparues et par la position contractée du squelette.
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20Dans le second cas, des traces de bois sous le squelette et en couverture sont toujours présentes, mais la disposition des ossements montre une décomposition des parties molles dans un espace vide plus spacieux (inhumations 5, 11, 38). Comme précédemment, des remarques analogues peuvent être faites en l’absence de traces organiques, attestant la possibilité d’un coffrage périssable. Toutefois, les témoins directs permettant de trancher entre un cercueil ou un simple coffrage de bois maintenu par un dispositif de calage font le plus souvent défaut. Dans la tombe 7 on a pu remarquer cependant les traces de madriers formant la paroi droite et peut‑être y aurait‑il lieu de distinguer parmi ces tombes celles dotées de pierres de calage, maintenant les éléments d’un coffre assemblé sur place ?
21Enfin des indices de décomposition libre ou d’effets de parois attestent l’existence d’un espace vide, sans qu’il soit possible de déterminer la forme et la nature du contenant : inhumations 4, 9,14, 26, 30, 35, 37, 44.
5.2.8 Conclusion
22En conclusion, cet examen montre la variété des dispositifs utilisés durant la fréquentation de la nécropole. Bien que le choix de chacun d’entre eux ne concorde pas systématiquement ni avec l’évolution chronologique, ni avec la richesse respective des tombes, ni avec les classes d’âge ou le sexe, il est possible d’isoler certaines préférences (fig. 110).
23Les aménagements les plus élaborés caractérisent les tombes les plus anciennes et les plus proches du centre suggérant les liens qui ont pu exister entre les individus 6, 7 et 47. Durant les phases 1 et 2, les plus anciennes, le cercueil allongé apparaît utilisé préférentiellement, après quoi il sera abandonné. Il apparaît systématique pour les sépultures masculines, alors que certaines sépultures féminines sont dotées de cercueils larges. À la phase 4 se rapportent les entourages continus et discontinus et les couvertures de dalles horizontales. Ces aménagements semblent alors s’adresser plus volontiers aux tombes féminines les mieux parées. La présence de cercueils de bois au premier âge du Fer est maintenant bien attestée à travers plusieurs exemples de fouilles récentes soit sous la formes de coffrages en planches plus ou moins larges : Magdalenenberg (Spindler 1971‑1980), Nordhouse, Riedwihr (Bonnet et al. 1991), soit de type monoxyles à Bressey‑sur‑Tille, à Nordhouse et à Riedwihr où des dimensions analogues à celles des cercueils de Courtesoult ont été notées (Bonnet et al. 1991).
5.3 Les incinérations et les sépultures birituelles
5.3.1 Les sépultures à incinération : matériel et méthode
24Le tumulus de Courtesoult a livré six ensembles d’ossements incinérés (fig. 109, B). Aucun n’était contenu dans une urne. Il semble donc que les dépôts aient été effectués en pleine terre, à moins qu’il n’y ait eu un contenant périssable dont la trace n’a pu être détectée à la fouille.
25Les vestiges les plus volumineux ont été prélevés sur le terrain ; le sédiment a été tamisé à l’eau, de sorte que nous sommes certains d’avoir pu examiner la totalité des restes humains présents sur le site au moment de leur découverte. Il est cependant établi que certaines tombes ont été amputées par les labours (tombes 1, 31 et 33) ; seules sont intactes les tombes 24, 43 et très probablement la tombe 20.
26Le protocole que nous avons suivi pour leur étude est le suivant :
– tri systématique de tous les refus de tamis : les restes osseux ainsi récupérés ont été joints à ceux qui avaient été isolés lors de la fouille ; lors de cette opération, quelques petits éléments du mobilier funéraire ont pu être retrouvés ;
– recherche minutieuse d’éventuels vestiges de faune dans l’échantillon incinéré : cette recherche a été négative pour chacun des ensembles étudiés ;
– identification des fragments osseux et classement par grande région anatomique ; c’est à partir de ces données qu’a été établi le dénombrement des sujets par tombe ; les observations ostéologiques ont alors permis de déterminer l’âge au décès de chaque sujet ; en revanche, nous avons dû nous borner à enregistrer quelques données concernant la plus ou moins grande robustesse des défunts, sans qu’il soit possible de proposer une réelle diagnose sexuelle ; quelques observations relatives à la paléopathologie ont pu être notées à l’occasion de cet examen ;
– analyse quantitative globale et par région anatomique : nous avons montré (Duday 1987) que le poids constitue le meilleur paramètre pour rendre compte de la part que représente chaque partie du squelette dans l’échantillon exhumé, le nombre de fragments dépendant trop du degré de fragmentation des ossements ; les résultats des pesées permettent ainsi de discuter la destruction différentielle ou les modalités de ramassage sur le bûcher (tabl. i et ii).

TABL. I. – Poids des ossements recueillis dans les incinérations du tumulus (en g).

TABL. II – Poids relatif des ossements des différentes parties du corps recueillis dans les incinérations du tumulus (en g).
5.3.2 Considérations générales relatives à l’ensemble des tombes à incinération
27Sur les six sépultures analysées, quatre se rapportent à des adultes (tombes 20, 24, 31 et 43), une à un adulte ou un adolescent (tombe 1) et une à un jeune enfant (tombe 33). Deux des adultes sont morts à un âge supérieur à trente ans (tombes 24 et 43).
28Le poids total des os brûlés varie considérablement d’une sépulture à l’autre. Les tombes endommagées par les labours ont naturellement livré une quantité relativement faible de vestiges humains : 23,4 g pour la tombe 31, 29,8 g pour la tombe 33 et 76,2 g pour la tombe 1. Pour les tombes complètes ou presque complètes, les variations demeurent très importantes, alors même qu’elles se rapportent toutes à des sujets adultes : 246,2 g pour la tombe 20, 715,1 g pour la tombe 43 et 1 380,7 g pour la tombe 24. La crémation a été poussée à des degrés divers. Elle est rarement homogène (tombe 43) ; dans la plupart des cas, la teinte des os varie du gris‑noir ou du gris bleuté au blanc crayeux, certains os de la tombe 20 ayant même une coloration brun foncé.
29Il ne semble pas possible de conclure à un tri sélectif des os sur le bûcher en fonction de leur origine anatomique, du moins en ce qui concerne le crâne : l’indice pondéral de la tête est voisin de la valeur théorique déduite des données publiées par Krogman (1978) pour les tombes 20, 31 et 43 ; il est anormalement faible pour la tombe 1, qui est très incomplète, légèrement trop faible pour la tombe 24, pour laquelle on doit évoquer une crémation plus poussée de l’extrémité céphalique ; il est en revanche très élevé pour la tombe 33, mais il s’agit là d’une sépulture d’enfant qui a en outre été très endommagée par les travaux agricoles.
30L’indice pondéral du tronc est toujours extrêmement bas, puisqu’il fluctue entre 1,6 (tombe 1) et 6,1 (tombe 20), alors que sa valeur théorique est d’environ 17 (Krogman 1978). Il paraît peu probable qu’une forte proportion de fragments de côtes et de vertèbres soit demeurée dans le lot des vestiges indéterminés : les premières se caractérisent en effet par une texture très particulière de l’os spongieux, disposé en travées étirées selon l’axe longitudinal, les secondes par des reliefs ou un aspect spécifiques de la corticale compacte (arc neural, face circonférentielle du corps et plateaux) ; de fait, seuls quelques nodules spongieux issus des corps vertébraux sont susceptibles de n’avoir pas été dissociés des fragments d’os courts ou d’épiphyses. La rareté générale des éléments du tronc, que l’on retrouve très souvent dans les tombes à incinération protohistoriques, traduit très probablement une moins bonne résistance de cette région à la crémation ; rien ne permet à ce jour d’y voir la conséquence d’un choix délibéré des opérateurs sur l’ustrinum.
5.3.3 Les sépultures birituelles
31Dans tous les cas il s’agit de sépultures birituelles, associant une incinération à une inhumation (25‑33, 24‑27, 29‑31, 8‑1, 14‑20, 43‑44) (fig. 109, B). Elles sont caractérisées par :
– un dépôt d’esquilles calcinées groupées en pleine terre, peut‑être dans un contenant périssable ;
– l’absence de charbons de bois et de tout résidu organique de combustion qui suggère un tri soigneux des restes lors de leur récupération sur le bûcher ;
– l’absence de mobilier et de parures ;
– leur disposition à la tête, aux pieds ou dans un cas seulement contre le bras de l’inhumé qu’elles accompagnent.
32Le dépôt de l’incinération accompagnant l’inhumation ne s’est pas toujours fait au même moment. Si l’hypothèse de dépôts proches dans le temps, sinon contemporains, peut être envisagée (25, 43‑44), un exemple au moins montre sans équivoque la postériorité de l’incinération. C’est le cas des tombes 24‑27 où le dépôt de l’incinération a détruit le crâne de l’inhumé, alors que l’arcade dentaire est demeurée en place. Une longue période s’est donc vraisemblablement écoulée entre les deux funérailles pour que l’inhumé ait déjà été décharné et les os fragilisés.
33Chronologiquement ce rite apparaît à la phase 3 et perdure à la phase 4.
34Les sépultures birituelles ne constituent qu’un faible pourcentage des sépultures hallstattiennes. Cette rareté apparente mérite sans doute d’être nuancée si on prend en compte l’imprécision de la documentation ancienne qui, dans le domaine des incinérations, a trop souvent péché par défaut ou inversement par excès en attribuant à ce rite la moindre tache charbonneuse ou la moindre esquille calcinée. Dans les meilleurs cas, lorsqu’une mention nous est parvenue, l’absence d’identification anthropologique laisse subsister un doute sur la nature des vestiges non conservés. Pour ne citer que quelques exemples géographiquement proches, retenons celui de l’inhumation centrale multiple du tumulus des Moidons no 1 (Piroutet 1900a) associée à « des os brûlés dans un coin » ou celui de l’inhumation bouleversée « no 7 » du cimetière de Mantoche/Champs Rouget, accompagnée d’un amas d’ossements calcinés que l’on aurait aimé voir identifiés plus précisément (Gasser 1925). Ainsi cette pratique minoritaire, mieux connue à travers des ensembles récemment fouillés en Allemagne du Sud‑Ouest (Stroh 1970 ; Spindler 1977), en Sarre (Reinhard 1984), en Suisse orientale (Drack 1980 ; 1985) ou en Alsace (Plouin 1989), semble constituer un aspect particulier du Hallstatt occidental (Oeftiger 1984). L’étalement de ces différents témoins durant tout le Hallstatt incite à une interprétation sociale plutôt que strictement chronologique, à moins qu’une diffusion géographique de cette pratique ne puisse être ultérieurement discernée. Les propositions faites dans ce sens (Reinhard 1984) soulignent les marques de dépendance entre incinéré et inhumé par l’absence de mobilier presque systématique de l’incinération, quelquefois placée dans une céramique, un coffret ou un contenant en matière périssable (Spindler 1977 : 133), son statut d’accompagnateur et le dépôt fréquent des ossements incinérés aux pieds de l’inhumé. On peut évoquer à la suite de C. Oeftiger (1984) les exemples fournis par quelques textes anciens décrivant des rites funéraires multiples où apparaissent plus fréquemment l’épouse ou la concubine, les serviteurs et dans une moindre mesure les frères de sang ou nourriciers, des prisonniers... Dans les textes chronologiquement les plus proches (Homère : XXIII, 161‑163 ; Hérodote : IV, 71/72 ; César : VI‑19) il s’agit d’exécutions rituelles de personnes mises à mort à l’occasion de la cérémonie funéraire. Une interprétation critique de ces différentes hypothèses demeure plus délicate sur la base des quelques données anthropologiques disponibles, contemporaines de Courtesoult (tabl. iii).

TABL. III – Sexe et âge des incinérés et des inhumés des sépultures birituelles de Courtesoult et du Magdalenberg.
35On constate la variété de sexe et d’âge des inhumés qui peuvent être des hommes, des femmes adultes ou des enfants. Il en est de même des incinérations qui s’adressent à des adultes ou à des enfants parfois jeunes. La proportion enfants‑adolescents, par rapport au total des individus représentés des deux rites, est comparable à celle de la totalité des tombes déterminables du tumulus, bien qu’ici les enfants soient un peu plus nombreux. Ces remarques montrent qu’aucune sélection n’a été opérée en fonction de ces critères. Elles excluent entre inhumé et incinéré des liens de mariage ou de dépendance établis à l’âge adulte (mariage, concubinage, serviteurs), mais laissent possibles des liens de parenté réels ou fictifs ou de compagnonnage établis dès l’enfance, dans la mesure où la date de l’enfouissement de l’incinéré ne coïncide pas nécessairement avec celle de sa mort et de sa crémation ; l’incinération étant le meilleur moyen de conservation d’un corps en vue d’une inhumation ajournée. On remarquera enfin que bien d’autres raisons qui distinguent un individu des autres membres du groupe, compatibles avec l’éventail ici présent, peuvent justifier d’un traitement particulier du défunt : mort accidentelle, etc.
5.4 Les réductions, les violations
36Malgré la densité des inhumations, la rareté des superpositions de tombes (sép. 36 et 37), des chevauchements ou des déplacements (sép. 8 et 11, 15 et 28, 30 et 35, 38 et 45‑48) pourrait indiquer une bonne connaissance des emplacements des sépultures anciennes, voire leur signalisation à la surface du tertre. Quelques exemples de bouleversements (sép. 3, 21, 32, 41) nous invitent à examiner maintenant dans le détail la nature et la signification possible de ces perturbations de caractères différents.
37Parmi celles‑ci, l’ensemble 21 correspond sans doute à une réduction. Les ossements appartenant à un seul individu avaient été repoussés au niveau de l’entourage de pierres de la tombe 12 (fig. 34). La disposition d’un membre inférieur droit en position fléchie à proximité de vestiges de la main droite accrédite cette opération destinée selon toute vraisemblance à ménager un nouvel espace pour l’une des deux tombes voisines 9 ou 12. Un tel aménagement ne semble pas fortuit. Il était destiné à libérer un emplacement dans une concentration de tombes du groupe 4 et marque la volonté d’associer plusieurs sépultures dans un espace localisé et restreint alors que subsistent des zones vides.
38Le cas du crâne d’enfant no 41, isolé au pied de l’inhumation 38, est plus délicat à interpréter (fig. 75). La différence d’altitude n’implique pas de relation certaine entre ces deux dépôts et on hésite entre une sépulture remaniée, réduite ou une sépulture secondaire partielle.
39Il n’en est pas de même de l’ensemble 32 qui regroupe sur un petit espace les ossements appartenant à au moins trois ou quatre individus d’âges différents : 2 adultes, 1 enfant de moins de 10 ans et peut‑être 1 adulte ou adolescent (fig. 68). Les ossements déposés en deux groupes peuvent correspondre à deux opérations différentes. Certains os longs, regroupés en fagot, étaient associés à un amoncellement de blocs provenant vraisemblablement de la perturbation d’une tombe à entourage de pierres. La présence de mobilier attribuable à la phase 4, notamment la fibule à cabochon d’ambre, permettrait d’écarter une fouille clandestine. Mais d’autres objets ont été prélevés, comme semble l’indiquer un tibia avec traces d’oxyde de bronze correspondant à un anneau de cheville non retrouvé. Ces traces montrent aussi que l’une des perturbations au moins s’est effectuée bien après la décomposition du cadavre. La concentration de ces vestiges n’est pas liée à cet endroit à l’aménagement de tombes postérieures et nous reviendrons plus bas sur une particularité de cet ensemble.
40Les indices de violations sont nets en ce qui concerne la tombe 3 (fig. 11). Un surcreusement affecte la totalité de la tombe et de son aménagement, de pierres, à l’exception des pieds. La fosse a été ensuite rebouchée avec les matériaux, les ossements et des parures fragmentées. Les traces d’oxydes de bronze sur un ulna sont à mettre en relation avec les fragments d’armilles recueillis. Ici encore, la présence d’objets métalliques pourrait infirmer l’hypothèse du pillage à moins qu’il ne fût que partiel ou le fait d’individus peu informés.
41La seule perturbation pour laquelle une date récente est assurée par la présence de fragments de tuiles et d’un fragment de marmite en fonte est la fosse qui a partiellement amputé l’inhumation 13 (fig. 36).
5.5 Le costume et les dépôts funéraires
42L’étude anthropologique a permis de déterminer avec certitude cinq hommes : 4, 22, 23, 37 et 45, auxquels on ajoutera les inhumations 9, 12, 15, 16, 18, 26, 36, 38 témoignant d’une certaine robustesse du squelette, et deux femmes : 5 et 28, auxquelles on peut ajouter les inhumations 6, 13 et 48 présentant des caractères vraisemblablement féminins. Ces résultats confrontés aux associations de mobilier funéraire permettent d’établir sur des bases objectives les différentes composantes du costume masculin et féminin (fig. 114). La documentation récente recueillie sur des sépultures en Allemagne du Sud‑Ouest, en Suisse ou dans l’est de la France et quelques études consacrées en totalité ou en partie à la parure (Kilian‑Dirlmeier 1974 ; Pauli 1975 ; Spindler 1983 ; Schmid‑Sikimic 1985 ; Lenerz‑De Wilde 1989) contribuent également à compléter nos connaissances dans ce domaine. Les formes vestimentaires, quant à elles, sont difficilement reconstituables dans le détail à l’aide des seuls indices fournis par l’emplacement des éléments de fixation et des parures. Les traces de tissus détectées sont peu nombreuses, très localisées et altérées (annexe 2). Sous les avant‑bras de l’inhumation 48, elles avaient été fossilisées par l’oxydation des armilles de bronze. Les fibules de fer de l’inhumation 11 portaient quelques traces attribuables à un tissu croisé 2/2. Le positionnement des fibules indique que la plupart des individus ont été inhumés avec un habillement. Toutefois, l’éventualité d’une tenue d’hiver ou d’été ou d’un costume spécifiquement réservé aux funérailles doit aussi être prise en compte.

FIG. 114 – Les différents types de parures funéraires en fonction des sexes et des âges.
(J.‑F.P. del./Culture).
5.5.1 Le costume masculin
43Les individus de sexe masculin sont dépourvus d’attributs décoratifs spécifiques et d’armement. L’équipement métallique, absent (inhumation 4) ou constitué dans chacun des groupes par un ou deux types d’accessoires fonctionnels, évoque la simplicité apparente de la tenue. Les fibules positionnées par paires ou uniques sur le devant du cou apparaissent comme une caractéristique du costume masculin de Courtesoult. Toutefois les différences de sexe ne se signalent pas à travers l’emploi de types distincts de fibules, comme on le constate au début du Ha D au Magdalenenberg (Parzinger 1986b). La plupart des sujets devaient porter un vêtement fermé sous le cou fixé par une ou deux fibules du même type : modèle serpentiforme, à double timbale des tombes 45, 23, 19, 37. Quelques fibules positionnées sur le thorax (inhumation 38) ou à proximité du bassin (inhumations 8, 30) ont pu servir à agrafer un manteau ou à maintenir un drapé ou un vêtement croisé sur le côté. Le rasoir déposé en offrande dans sa housse sous le pieds gauche de l’inhumé 15 est le seul accessoire typiquement masculin. Il présente en effet la particularité, comme un autre exemplaire régional du tumulus 8 de Parançot (M. Piroutet, archives manuscrites), d’être recouvert de cuir très souple sur une des faces et sur l’autre de fibres de bois, résidus probable d’un étui. Parmi les tombes périphériques apparaissent d’autres éléments de fixations. Les deux petits anneaux en fer positionnés sur le bassin de l’inhumé 14 peuvent être interprétés comme des éléments d’une ceinture et se retrouvent en Bourgogne (Bressey‑sur‑Tille), en Haute‑Marne et dans le Jura (Parançot tumulus 5, Moidons tumulus 4 sép. 7 : Piroutet 1900b) dans des contextes chronologiques tardifs du Ha D3/La Tène A. Chaussures et bottines sont parfois matérialisées par de petits éléments de fer : boucle, tiges à crochet. Des modèles de fermeture plus ou moins semblables existent nous l’avons vu à Bressey‑sur‑Tille, à Fay‑en‑Montagne et à Ivory/Champ Peupin (sép, c). Appartiennent probablement à cette catégorie d’objets les petites tiges à œillets présentes à Saraz (tumulus du Fourré), Chilly‑sur‑Salins (tombe à char du Champ Peupin), recueillies quelquefois au niveau des pieds comme dans la tombe masculine de Saint‑Martin‑du‑Tertre (Yonne) où elles accompagnent des crochets à boucles recourbées et extrémité bitronconique (Barbier, Villes 1981).
5.5.2 Le costume féminin
44Le costume féminin est mieux défini mais son évolution est plus complexe, ponctuée par différents changements de modes. Aux accessoires fonctionnels (épingles, fibules, ceintures...) s’ajoutent des parures composites associant des pendeloques, des colliers, des anneaux de jambes et des bracelets différemment portés suivant les us et coutumes du moment ou du groupe.
45Dans les tombes du 1er groupe, les plus anciennes, un ou plusieurs bracelets ornent chaque poignet (fig. 115). Les brassards‑tonnelet, recouvrant les bracelets filiformes de la tombe 6, étaient sans doute portés occasionnellement. L’association de ces deux types de parures se retrouve à plusieurs reprises dans les tombes du Jura (Moidons tumulus 1 et tumulus 5, Parançot tumulus 4) en Wurtemberg au Magdalenenberg (sép. 79, 95, 122), en Suisse (Bonstetten – Kt. Zürich, tumulus II‑1 ; Drack 1985). D’autres bijoux, plus usagés semble‑t’il, auraient été portés régulièrement comme les anneaux empilés généralement par groupes de 4 ou 5 sur chaque cheville ou les crotales dont le décor est très souvent effacé par le frottement contre les vêtements et leur entrechoquement, destiné peut‑être à produire un effet musical. La taille est soulignée par une ceinture vraisemblablement de cuir, fermée du côté droit par une agrafe. Les deux exemplaires des tombes 6 et 7 sont flanqués sur leur gauche d’une bande d’appliques décoratives, prolongeant l’agrafe. La partie médiane est constituée par plusieurs rangées d’appliques circulaires à nervures concentriques disposées en quinconce (5 rangées sur la ceinture n° 6, 3 sur la n° 7). Elles sont respectivement bordées en haut et en bas par un alignement de cabochons hémisphériques (fïg. 116). La fixation des appliques est réalisée par deux petites languettes à bout rond repliées vers l’intérieur. L’intervalle laissé entre applique et languettes permet d’estimer l’épaisseur du support de cuir disparu à environ 1,8 mm, tandis que les largeurs respectives de ces ceintures (ou au moins des parties décorées) seraient de 6,5 et 4,5 cm. De tels dispositifs observés en fouille sont rares. On peut citer la ceinture de la sépulture D du tumulus de la Mottote à Nijon (Haute‑Marne) où un décor équivalent couvrait toute la longueur du support périssable (Lepage 1984 : fig. 18). Les innombrables appliques des deux types, quelquefois plus volumineuses que celles de Courtesoult, signalées dans le domaine jurassien en association avec des agrafes de ceintures, indiquent la fréquence de ce modèle. Parfois même, l’agrafe est absente et quelques appliques réparties « longitudinalement sur la ligne médiane du tronc » suggéreraient d’autres types d’ornements qui restent à confirmer (Piroutet 1928).

FIG. 115 - Parure féminine du début du Ha D1.
V.G. del./AFAN

FIG. 116 – Appliques de ceintures : A organisation des appliques de ceinture de l’inhumation 6, B organisation des appliques de ceinture de l’inhumation 7, C reconstitution des ceintures 6 et 7 d’après les observations de terrain, D appliques en petits cabochons des ceintures des inhumations 28 (no 1), 29 (no 2), 3 (no 3), 48 (no 4).
V.G. del./AFAN
46L’apparition des ceintures à plaque unie ou estampée enveloppant une bonne partie de l’abdomen coïncide avec l’abandon des pendeloques en bronze (crotales, rouelles, grelots) qui ornaient auparavant la poitrine ou le bassin (fig. 117). Aux anneaux de chevilles multiples et massifs se substitue l’anneau à section circulaire souvent unique qui semble avoir été porté ici à mi‑mollet (inhumations 28, 13). Les bracelets souvent volumineux du premier groupe sont remplacés désormais par une multitude d’armilles, puis dans le groupe 3 par les paires d’anneaux de lignite et le bracelet huméral au bras gauche. La fibule, facultative, peut être portée par une ou deux unités. Dans ce dernier cas l’une est fixée sur l’épaule droite ou la poitrine, l’autre sur le côté gauche du bassin (fig. 118). Si deux sépultures n’en possèdent pas, trois autres en revanche associent une ceinture et une fibule à l’emplacement du bassin. Cette combinaison laisse penser que les deux types d’accessoires étaient portés séparément, soit sur des vêtements superposés ou sur deux costumes distincts. La ceinture peut d’ailleurs avoir été déposée en offrande au moment de l’inhumation. Dans la tombe 48 elle masquait en diagonale une fibule et les deux avant‑bras de la défunte. Cette pratique a été observée sur certaines tombes du Magdalcnenberg (nos 122, 110, 117). Ces ceintures au nombre de 6 sont constituées de deux parties, comme les modèles les plus anciens. Une plaque de bronze rectangulaire est fixée sur le support de cuir par quelques rivets disposés à chaque extrémité. Sur les modèles des inhumations 13, 28, 29 un petit crochet en fer assure la fermeture sur le côté gauche du bassin (à l’inverse des modèles du 1er groupe) ; les deux crochets superposés de la ceinture 27 venaient sans doute se fixer à deux petits anneaux de bronze en vis‑à‑vis (fig. 57, nos 3, 4). Cinq exemplaires (inhumations 3, 27, 28, 29, 48) possèdent une garniture de minuscules appliques ou grènetis agrafés sur la partie souple de la ceinture. Ces cabochons hémisphériques, nettement plus petits que les précédents, sont disposés en lignes plus ou moins espacées et maintenus chacun par deux griffes repliées du même côté (fig. 116, D). Leur diamètre est de 2 mm sur les exemplaires des sépultures 3, 28, 48 et de 1,5 mm sur les ceintures 27 et 29 les plus récentes, tandis que l’épaisseur du support varie de 3 à 1,5 mm. Plusieurs réparations ou consolidations sur les modèles des sépultures 13, 28, 29, montrent le port fréquent de ces accessoires et la valeur qu’ils devaient représenter pour leur propriétaire.

FIG. 117 – Parure féminine de la fin du Ha D1, début D2.
L.S. del./AFAN

FIG. 118 – Parure féminine du Ha D2‑début D3.
V.G. del./AFAN
47La parure féminine des tombes du groupe 4 s’allège et se réduit. Une paire de bracelets garnit les poignets ou les avant‑bras. Le bracelet huméral apparaît fréquemment (Bressey‑sur‑Tille, Mantoche/Champs Rouget). Comme à Bressey‑sur‑Tille il est porté par unité au‑dessus du coude gauche (sép. 5) (fig. 119). Les anneaux de cheville en bronze de grand diamètre paraissent peu compatibles avec la marche à moins d’avoir été maintenus fixes sur un support comme une chaussure montante ou une étoffe épaisse. Les traces de faisceaux de fils conservées par l’oxydation des anneaux de Haguenau/ Donauberg 6‑III pourraient confirmer cette hypothèse (Schaeffer 1930 : 22, fig. 17 M). Deux ou trois fibules de tailles et de formes différentes sont portées sur le thorax, les épaules, le bassin ou parfois même regroupées sur un point ou une zone du vêtement en guise d’ornement (inhumation 11). Les petits modèles seraient réservés aux étoffes légères et plutôt destinés à agrémenter le costume. Cette tendance à la multiplicité des fibules qui se retrouve dans d’autres groupes hallstattiens contemporains –on citera par exemple les 14 fibules disposées sur le thorax de la tombe 18 de Hegnach (Bade‑Wurtemberg) (Planck 1981)– pourrait indiquer une sensible modification du vêtement féminin à cette époque, voire un agencement plus complexe de celui‑ci. Comme l’ont déjà souligné différents auteurs (Viollier 1916 ; Schaeffer 1930 ; Bretz‑Mahler, Brisson 1958 ; Ratel 1977) les fibules placées au sommet du crâne matérialiseraient l’existence d’un voile ou d’une coiffe. Mais des exemples peuvent être contradictoires et correspondre à des dépôts indépendants. Ainsi dans l’inhumation 5 trois petites fibules sont déposées à droite de la tête, alors que dans la tombe 44 on retrouve un petit dépôt analogue à proximité des pieds.

FIG. 119 – Parure féminine du Ha D3.
V.G. del./AFAN
5.5.3 Les enfants
48Neuf sépultures d’enfants d’âge compris entre 1 an et 12 ans (± 30 mois) (sép. 8, 10, 15, 19, 25, 35, 39, 41, 47) sont réparties dans les quatre groupes chronologiques. Seules quatre d’entre elles sont parées. La répartition du mobilier montre que les tombes les plus anciennes (47 et 19) sont les mieux dotées. En fonction de son statut social l’enfant peut très tôt bénéficier de parures comme le montre l’inhumé no 47 âgé d’environ 1 an. À Courtesoult, l’enfant qui ne possède pas de parures spécifiques, est équipé d’accessoires d’adultes comme les fibules ou les boucles d’oreilles en croissant qui semblent avoir été portées dès le plus jeune âge (inhumation 19, 7 ans env.), auxquelles on peut ajouter un annelet en bronze ouvert qu’il est possible d’interpréter comme élément de coiffure plutôt que comme boucle d’oreilles (inhumations 35, 47). Dans la tombe 47, deux bracelets filiformes tout à fait comparables à ceux de l’inhumée no 7, détournés de leur fonction initiale, avaient été réajustés sur les chevilles de l’enfant. Cette pratique n’est toutefois pas systématique et d’autres exemples d’Allemagne du Sud ou de Franche‑Comté montrent inversement que certains types de parures comme les anneaux de cheville (Magdalenenberg) ou les armilles (La Rivière‑Drugeon/Le Grand‑Communal, tumulus 3, Bichet, Millotte 1992 : fig. 39‑5) peuvent avoir été conçus pour un sujet de petite taille. À partir d’associations répétées d’objets de parure dans les tombes d’enfants du Magdalenenberg, M. Lenerz‑de Wilde (1989) a tenté de différencier le costume des fillettes et des garçonnets en appliquant les critères établis à partir du costume adulte : bracelets, pendants d’oreilles, anneaux de chevilles distingueraient le costume des fillettes ; les garçons quant à eux, porteraient une ou deux fibules appariées. À Courtesoult cette différenciation sexuelle n’apparaît pas aussi clairement à partir de ces critères. Si la parure de la tombe 19 s’identifie au costume féminin, en revanche le petit enfant de la tombe 47 associait à une parure de type féminin (1 anneau de coiffure, deux anneaux de chevilles) une paire de grandes fibules serpentiformes identiques qui ont pu avoir été déposées à titre d’offrandes. À travers ces exemples peu nombreux, le costume apparaît comme le marqueur de classes d’âge. Globalement les enfants sont moins parés que les adultes, même si les premières parures existent déjà sur l’enfant le plus jeune (inhumation 47). Une évolution semble se distinguer dans la parure féminine au‑delà de 13‑14 ans avec une augmentation du nombre des objets et l’apparition des ceintures. On a également évoqué précédemment la signification possible des parures pectorales composites comme marqueurs de classes d’âge (fig. 120).

FIG. 120 – Pendentif composite de l’inhumation 28 (galet perforé naturellement, anneau de bronze, amonite fossile, canine de sanglier, pendeloque cannelée en os). Au cou, du côté gauche de la mâchoire, éléments de collier en corail.
cl. J, ‑F.P./Culture
49L’évolution du costume perçue à travers les quatre groupes de tombes reflète une stabilité économique et sociale de la communauté enterrée à Courtesoult. Parmi les 32 sépultures retrouvées en place, 29 étaient dotées de mobilier. Si l’équipement masculin reste quantitativement le même durant toute la durée d’utilisation de la nécropole, celui de la femme et de l’enfant tend par contre progressivement vers l’abandon des parures les plus volumineuses et vers une diminution sensible du nombre des types d’objets (fig. 105). A la phase récente, cette évolution n’exclut cependant pas certains bijoux que l’on pourrait qualifier de précieux par la technique mise en œuvre pour les réaliser. Ainsi la fibule à cabochon incrusté d’ambre de la tombe 32 se rapproche de modèles présents dans les tombes les plus riches du premier quart du ve s. av. J.‑C. Statistiquement, les fibules mises à part, les bracelets fins, les armilles, les ceintures sont les parures les plus fréquemment portées. En revanche, certaines catégories d’objets communs à plusieurs groupes hallstattiens limitrophes font ici défaut comme le torque, les bracelets larges en lignite, alors que les anneaux de jambe creux en tôle de bronze ne semblent s’être trouvés qu’en nombre restreint parmi le mobilier de tombe(s) détruite(s).
5.5.4 Les dépôts funéraires
50A quelques exceptions près, le mobilier funéraire appartient à la parure portée par le défunt et les offrandes funéraires sont rares. La céramique a été recueillie sans exception dans les terres de construction ou à la base du tertre. La question peut se poser à propos de quelques vestiges faunistiques recueillis dans le périmètre immédiat de trois inhumations. Il s’agit d’un calcaneum de cerf (inhumation 23), de la partie distale d’un métapode de bœuf (inhumation 29) et d’un fragment de mandibule de Suidé (inhumation 40). On peut attribuer un rôle symbolique plus qu’alimentaire à ces vestiges dont la position répétitive à proximité de la tête du mort ne semble pas aléatoire.
Auteurs
Géologue, étudiant, université de Dijon
CNRS URA 376, GDR 742, laboratoire d’Anthropologie, université de Bordeaux I
AFAN
Ministère de la Culture, CNRS UMR 9934 Dijon
AFAN
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