4.1 Les vestiges antérieurs au premier âge du Fer

1Bien que sans rapport direct avec notre propos, il convient de signaler en préambule la présence d’un objet qui indique une fréquentation du site antérieurement à l’utilisation de la nécropole telle qu’elle nous est connue par les tombes en place.

2Une hache du type de Langquaid a été recueillie par l’exploitant au cours d’un labour à la surface du tumulus (fig. 104). Cette hache de la fin du Bronze ancien (long. 197 mm, larg. 75 mm) présente un double intérêt. Typologiquement, le premier objet de ce type recensé en Franche‑Comté illustre l’influence des productions d’Allemagne du Sud‑Ouest à la fin du Bronze ancien au nord d’un domaine culturel rhodano‑jurassien (Jura, Basse‑Alsace, Plateau suisse, Valais) (Abels 1972 : Taf. 49 A). La présence, plusieurs fois attestée à la transition Bronze ancien/Bronze moyen de haches accompagnant dans l’uniforme funéraire le poignard et l’épingle en bronze (Broc, La Chapelle‑sur‑Furieuse, Charnier), soulève la question d’un tertre préexistant remanié par les Hallstattiens.

4.2 Chronologie des sépultures

3Une matrice de classement du mobilier de 23 sépultures a permis de distinguer plusieurs groupes de tombes correspondant à l’évolution chronologique de la nécropole (fig. 105). Destinée à une visualisation commode, cette présentation ne prétend pas résoudre dans le détail la succession des sépultures de chaque groupe ; en particulier ceux du 4^e groupe aux ensembles de mobilier peu étoffés.

4.2.1 Définition des groupes chronologiques

Groupe 1

4La tombe 6 peut être considérée, d’après la stratigraphie, comme la sépulture la plus ancienne du tumulus. L’association des brassards‑tonnelets, de la fibule serpentiforme à disque d’arrêt, de la ceinture à agrafe en triangle et rectangle décorée d’appliques circulaires cannelées en bronze et peut‑être aussi d’une épingle en fer, en fait un ensemble particulièrement représentatif du Hallstatt D1 du Jura. La tombe 7 offre des parures complémentaires des précédentes, bien typiques de cette même phase, avec une ceinture identique, les anneaux de chevilles massifs ouverts en rubans décorés, la parure de crotales et ce que nous interprétons comme une épingle coudée en fer. Les bracelets filiformes sont représentés dans ces deux sépultures avec des modèles ouverts décorés ou perforés aux extrémités, portés en petit nombre (5 à 6 par poignet). La tombe 46 avec une agrafe de ceinture moins typée que les précédentes et les crotales, ainsi que la sépulture d’enfant n^o 47 dont les deux fibules sont en tout point comparables à celle de l’inhumation 6, peuvent être rattachées à ce groupe.

Groupe 2

5Un second groupe de tombes se distingue du précédent. La fibule serpentiforme permet de faire le lien, mais il s’agit ici d’un modèle un peu plus court, à arc plat et disque de grand diamètre qui peut apparaître seul ou par paire dans les tombes masculines (sépultures 18, 23, 45), ou associée à une riche parure dans les tombes féminines (sépultures 28 et 48). Les fines armilles filiformes décorées de hachures sur le bord externe, portées en grand nombre à chaque avant‑bras, s’inscrivent dans la continuité des bracelets ouverts précédents. L’apparition des plaques de ceinture rectangulaires sous des formes peu décorées rompt avec la tradition des agrafes de ceinture en triangle et rectangle. Sont également présents, les anneaux de chevilles fermés en fer, portés à chaque jambe en 1 ou 2 exemplaires (sépultures 13 et 28), les parures pectorales composites, un collier de corail et les boucles d’oreilles en croissant. Ces dernières permettant de rapprocher l’inhumation 19 de ce groupe. La sépulture 13 qui comporte des parures du groupe 2 et des bracelets fermés peut faire le lien avec le groupe suivant.

Groupe 3

6Les inhumations 27 et 29, de composition très semblable avec leurs ceintures à décors estampés couvrants et les bracelets de lignite étroits à chaque avant‑bras, marquent un troisième type d’association très proche des tombes féminines du groupe précédent. L’anneau huméral fait ici son apparition. Les fibules de l’inhumation 29 à timbale et pied droit et à double timbale à ressort étroit, permettent de rapprocher ces deux mobiliers funéraires des inhumations 37 et 38, dotées toutes deux d’une paire de fibules à double timbale et ressorts courts à spires peu nombreuses.

Groupe 4

7Un dernier groupe de tombes comprend des types beaucoup plus diversifiés appartenant à des ensembles moins étoffés, difficiles à sérier sur la base du seul mobilier de Courtesoult. On y place des sépultures dotées de un ou deux types d’objets parmi lesquels figurent les fibules à long ressort en arbalète à pied décoré (sépultures 8, 11, 12, 26, 44, et 30, 35). Les inhumations 11, 44 et 5 regroupant trois à cinq types d’objets différents, reflètent de nets changements dans la composition de la parure. Les fibules plus nombreuses sont de modèles et de tailles variées : grosses fibules en bronze ou en fer placées sur la poitrine, mais aussi petites fibules à timbale hypertrophiée ou à pied décoré, retrouvées sur le côté de la tête et aux pieds. Les armilles sont absentes, alors qu’apparaissent les bracelets filiformes à petits tampons en tonnelets, et que perdurent les anneaux de chevilles circulaires pleins, ici décorés. Seules les comparaisons typologiques avec d’autres ensembles permettront ci‑dessous de subdiviser chronologiquement les sépultures de ce groupe.

8L’analyse typologique du mobilier caractéristique recueilli hors contexte reflète l’appartenance de la plupart des tombes détruites aux deux derniers groupes. Enfin, les deux fibules en fer de type laténien permettent de situer les dernières sépultures du tertre à La Tène ancienne.

4.2.2 Comparaisons

9En dépit de l’abondance des nécropoles du premier âge du Fer fouillées depuis le xix^e s. dans le domaine jurassien et ses abords immédiats, la chronologie du mobilier métallique du Hallstatt final souffre encore dans ces régions du petit nombre d’ensembles clos bien attestés (Millotte 1963 ; Wamser 1975 ; Parzinger 1988). Postérieurement aux premières tentatives d’ordonnancement du Hallstatt jurassien (Piroutet 1913 ; 1928), une chronologie tripartite est proposée par J.‑P. Millotte en 1963. Elle reprend la terminologie de Hatt (1962) et constitue un compromis entre la chronologie de Déchelette (1927) et les chronologies allemandes de Reinecke et de Zürn (1942 ; 1952). Le Hallstatt ancien peut être ainsi mis en parallèle avec le Ha C, le Hallstatt moyen avec le Ha D1‑D2 et le Hallstatt final (où l’on retrouve une partie des objets qui serviront ensuite à Haffner à caractériser son horizon de Vix : Haffner 1969) avec le Ha D3. Une tentative de subdivision du Hallstatt moyen (Ha IIa et IIb) puis du Hallstatt final (Ha IIc) ne résout pas la difficulté de périodisation de certaines parures qui semblent perdurer selon Millotte durant cette séquence.

10Alors que le mobilier attribué à la sépulture centrale supérieure du tumulus du Bois d’Onchaud à Ornans permet de préciser les caractères typologiques du Hallstatt moyen jurassien (Millotte et al. 1971), une nouvelle présentation de la chronologie du premier âge du Fer (Millotte 1976) montre toujours un certain embarras dans la subdivision du Hallstatt moyen et final. À cet égard, les distinctions des deux dernières phases du Hallstatt de la chronologie allemande (Ha C et Ha D) sont à même de mieux illustrer les deux grandes étapes du premier âge du Fer. C’est pourquoi nous suivrons les équivalences Ha C = Hallstatt ancien et Ha D = Hallstatt final ou récent.

11À la même époque, la tentative de sériation et d’application de la chronologie allemande aux ensembles funéraires du Jura et de Bourgogne par G. Wamser, illustre l’impossibilité méthodologique d’exploiter la majorité des sources anciennes, peu fiables et d’homogénéité inégale, sans une sélection drastique de ces ensembles qui n’a pas été réalisée (Wamser 1975). C’est pourquoi H. Parzinger se voit dans l’impossibilité de valider sa subdivision du Hallstatt final d’Europe de l’Ouest (Ha D) en 5 phases à partir du mobilier de Suisse, du Jura et de Bourgogne (Parzinger 1988). La prise en compte d’éléments typologiques lui permet cependant de souligner d’une part l’absence de son horizon 5 dans le Jura, et d’autre part de corréler son horizon 6 (début du Ha D1) avec les ensembles comprenant les pendeloques en rouelle, les brassards‑tonnelets en bronze et en lignite, les disques ajourés, les agrafes de ceinture ovalaires, ainsi que les fibules S4 et arciformes. Le tumulus de Bressey‑sur‑Tille fournit quant à lui matière à élaborer une évolution entre la fin du Hallstatt (horizons 7, 8a) et le début de La Tène (horizons 8b‑10) en montrant notamment la succession de la phase initiale de La Tène au Hallstatt final. La question longuement débattue d’un synchronisme partiel du Ha D3 et de La Tène A, a fait l’objet d’une mise au point récente de la part de G. Kaenel à laquelle on pourra se reporter (Kaenel 1990).

12Ainsi, la fouille du tumulus de Courtesoult, avec 18 ensembles funéraires de deux objets ou plus, utilisables chronologiquement, se révèle particulièrement déterminante pour l’élaboration d’une chronologie adaptée aux particularismes du groupe jurassien.

13Les sépultures du groupe 1 viennent s’insérer aisément parmi 23 ensembles funéraires sélectionnés dans le Jura français, représentatifs du Hallstatt D1 et généralement bien documentés (fig. 106). Les objets et parures régionaux, caractéristiques de cette phase, ont été décrits à plusieurs reprises (Millotte 1963 ; Millotte et al. 1971). Certains d’entre eux permettent de faire le lien avec la Suisse, l’Alsace et le Wurtemberg (horizon 6 de Parzinger, Parzinger 1988) : brassards‑tonnelets, bracelets de lignite larges, ceintures à agrafes ovalaires, épingles à col de cygne, fibule serpentiforme à arc circulaire et petit disque de type S4 (Mansfeld 1973). D’autres parures associent plus étroitement les deux côtés du Jura : disques ajourés à renflement médian, grelots‑cages, boucles d’oreilles à annelets mobiles. Enfin un dernier ensemble d’objets caractérise fréquemment le Jura occidental, le bassin de la Saône et la Bourgogne orientale, comme les rouelles, les crotales qui entrent parfois dans la composition des grandes parures pectorales à plaque rectangulaire ajourée, tubes et chaînettes du plateau jurassien (Clucy, Cademène, Chaffois/La Censure 1 – II, Les Moidons tumulus 1‑I et tumulus 5‑sép. centrale), les bracelets en bronze pleins fermés à décor perlé, les agrafes de ceinture à crochets, trapézoïdales ou en triangle et rectangle, souvent associées à des appliques circulaires à cannelures concentriques, les anneaux de chevilles rubanés ouverts, décorés de bossettes, de cannelures ou d’incisions. Les colliers ou plastrons de compositions variées se retrouvent fréquemment dans ces associations : colliers de corail avec écarteurs en os (Moidons 16‑sép. centrale et sép. h, La Rivière-Drugeon/Les Gentianes) ; colliers de perles de verre, ambre, bronze, plus rarement d’or (Vuillecin/Granges‑Dessus 1, La Rivière‑Drugeon/Le Grand Communal 2‑II et 2‑III, Chaffois/La Censure I‑II, Moidons 8‑a, Thuiy). D’autres parures apparaissent plus sporadiquement comme les boucles d’oreilles creuses en croissant qui se développeront surtout à la phase suivante. Il en est de même pour la fibule serpentiforme du type S4 qui figure souvent isolément ou dans des associations peu nombreuses comme dans le tumulus 13 de Refranche/Corne Guerriot en compagnie d’une épingle et d’une agrafe de ceinture en triangle et rectangle (Castan 1860).

14Le tableau récapitulatif des tombes du Jura nous permet les remarques suivantes :
– on constate la rareté des associations avec fibules ; l’exemple de la sépulture 6 de Courtesoult étant particulièrement intéressant à cet égard ;
– quelques types, considérés comme synchrones, sont rarement associés ; c’est le cas des anneaux de chevilles rubanés qui n’existent qu’une seule fois en compagnie des brassards‑tonnelets (Moidons 5‑sép. centrale) et du disque ajouré ;
– ce mobilier se démarque nettement des parures à plaque de ceinture rectangulaire et fibules S4 à arc plat ;
– enfin, certains objets considérés comme représentatifs de cette phase entrent dans les types caractéristiques de la phase 2 du Ha C des sépultures féminines de Suisse occidentale : bracelet de lignite large, grelot, agrafe ovalaire (Lüscher 1989 ; 1991) ; nous reviendrons ultérieurement sur cette question.

15Le second groupe indique une évolution sensible de la parure féminine. Les plaques de ceintures rectangulaires décorées, les armilles filiformes nombreuses, les anneaux de chevilles circulaires en fer et les boucles d’oreilles creuses en croissant, sont associés avec des fibules serpentiformes plus courtes à arc plat rainuré et disque d’arrêt de grand diamètre du type S4 de Mansfeld. Ce type d’association où figure la fibule serpentiforme est toutefois peu fréquent dans le Jura. Une fibule serpentiforme courte à disque de grand diamètre et arc plat rainuré se retrouve à Parançot 4‑e (Piroutet 1904 : fig. 13, 14), avec une plaque de ceinture à décor couvrant, les bracelets filiformes à extrémités incisées et des armilles fines. Le doute subsiste quant au type de la fibule à gros pied vasiforme associée au mobilier de la sépulture 2 du tumulus du Grand Communal de Bulle (Bichet, Millotte 1992 : fig. 71‑9). Ces sépultures sc démarquent par rapport à celles du groupe 1 par la présence de plusieurs parures nouvellement apparues (plaques de ceintures rectangulaires à décors estampés, bracelets, anneaux de chevilles, boucles d’oreilles en croissant) que l’on retrouvera ensuite associées à des fibules du Ha D2‑début D3 (horizon 7 de Parzinger). Nous situons les tombes du groupe 2 au début de l’horizon 7a de H. Parzinger. Cette proposition est en accord avec la sériation du mobilier de Haguenau qui place le seul ensemble à fibule S4 de Maegstub 2‑II au début de la phase SHa II (horizon 7a) (Parzinger 1988 : Taf. 162‑163), ainsi qu’avec celle du Magdaleneberg où les même fibules se retrouvent à quatre reprises dans les tombes féminines du groupe 3 qui caractérisent une phase évoluée de cette séquence (Magdalenenberg II, horizon 7a, Ha D1/D2) (Parzinger 1986b). Ainsi, les tombes du groupe 2 de Courtesoult permettent de mieux appréhender l’évolution des parures féminines de la fin du Ha D1 dans lesquelles entre la fibule courte à arc plat et disque développé du type S4 et dont les ensembles sont encore peu nombreux dans le domaine hallstattien le plus occidental. Les associations plaques‑armilles‑boucles d’oreilles creuses en croissant se retrouvent par ailleurs en compagnie de fibules dont la position à la transition Ha D1‑début D2 (horizon 7a du Rhin et du Nord‑Wurtemberg de H. Parzinger) est bien assurée. Ces ensembles peu nombreux dans le Jura sont caractérisés par les fibules à grosse timbale et disque d’arrêt, les fibules arciformes et à navicelle à disque d’arrêt ou ressort latéral. Sont également présents des bracelets filiformes ouverts incisés, les grandes boucles d’oreilles creuses à extrémité pointue et bouton : Bulle/Grand‑Communal 1, La Rivière‑Drugeon t. 2‑sép. 1 (avec une épingle à col de cygne qui, si elle appartient bien à cet ensemble, constituerait ici un caractère archaïque) (Bichet, Millotte 1992). On peut aussi attribuer à cette phase d’autres sépultures, généralement datées par une fibule isolée : Parançot 4‑c, 4‑f, 17‑b, La Rivière‑Drugeon/Les Gentianes II (Bichet, Millotte 1992 : fig. 44).

16Dans le Jura, quelques associations funéraires où figurent des fibules à double timbale et ressort court ou disque d’arrêt, peuvent être comparées au groupe 3 de Courtesoult : Parançot tumulus 1‑a, Alaise/Saraz Combe‑Bernon sép. annexe (Castan 1858). Elles se caractérisent par des plaques de ceinture à décors couvrants, des armilles ou des anneaux de lignite étroits, des anneaux de jambe creux décorés et des anneaux huméraux. Un parallèle peut être établi avec l’horizon 7c/SHa IV à Haguenau et en Nord‑Wurtemberg (Parzinger 1988). La fibule à timbale allongée à pied droit terminé par une boule qui entre dans la composition du mobilier de la tombe 29 de Courtesoult, évoque un type un peu plus ancien, figurant dans l’horizon 7b/SHa III de Haguenau (Ohlungen 3‑XIV, Schaeffer 1930 : fig. 108). On rattacherait volontiers à cet ensemble la fibule à pied dressé en boule qui permet de faire, avec les armilles et les fibules à double timbale et ressort court, un lien avec la phase Aisne-Marne IA (Demoule 1989).

17Les tombes du groupe 4 s’inscrivent dans le cadre de la fin du Hallstatt final et du début de La Tène. Régionalement les possibilités de comparaisons avec d’autres ensembles funéraires de cette tranche chronologique demeurent limitées. Le mobilier est abondant mais l’absence fréquente de contexte résulte à la fois d’une diminution du nombre des parures dans les sépultures et des mauvaises conditions de conservation de ces tombes souvent superficielles. Les sépultures caractérisées par les fibules à long ressort en arbalète, pourvu ou non de fausse corde et bouclettes, ornées de double timbale ou à cabochons rapportés (sépultures 11, 32, 44), peuvent être associées aux inhumations 64, 68, 114 de Bressey‑sur‑Tille et à la sépulture du Camp du Château à Salins (Piroutet 1931). Sont également présents dans ces tombes des anneaux de chevilles creux, lisses ou décorés d’incisions transversales et de cercles oculés, les anneaux de chevilles en bronze pleins, les bracelets en anneaux pleins à cannelures transversales et les anneaux pleins à appendice ; on notera l’apparition des anneaux de ceinture en fer présents à Courtesoult dans l’inhumation 14. Ces ensembles peuvent être mis en parallèle avec le Ha D3 en Suisse occidentale (Kaenel, Müllier 1986), et l’horizon 8 de H. Parzinger en Suisse, à Haguenau et dans le Nord‑Wurtemberg (Parzinger 1988). On constate à partir de cette phase, comme en Bourgogne d’ailleurs, une augmentation des fibules en fer.

18Avec les fibules à timbale hypertrophiée (sépultures 2 et 5) apparaissent les bracelets filiformes ouverts à petits tampons en tonnelet (Bressey‑sur‑Tille 52). Dans la tombe 1 de Mantoche/Champs‑Rouget Gasser signale un bracelet analogue aux précédents, à trois renflements, un bracelet à fermoir en cuvette et tenon « avec une sorte de fermoir constitué par une pointe conique à l’une des extrémités entrant dans un évidement de l’autre extrémité » et une fibule à pied recourbé et arc épaissi décorée par des incrustations de corail. Ces parures servent à caractériser le stade le plus précoce de La Tène A, horizon 8 b (FLt la‑früh) à Haguenau et dans le Nord‑Wurtemberg, horizon 9 (FLt Ia) à Bressey‑sur‑Tille où H. Parzinger regroupe des sépultures à fibule en arbalète en fer. Les sépultures de cet horizon montrent, dans la culture matérielle, le passage progressif de la tradition hallstattienne (fibules, anneaux de chevilles, amincissement des bracelets amorcé à la phase précédente) à La Tène (bracelets à renflements qui sont ensuite associés à des fibules de La Tène A dans les tombes 3 et 4 de Mantoche).

4.2.3 Chronologie absolue

19La chronologie absolue du Hallstatt D a fait l’objet ces dernières années de propositions successives où la stratigraphie de la Heuneburg et le mobilier d’importation des sépultures princières tiennent lieu de pivot (Mansfeld 1973 ; Dammer 1978 ; Gersbach 1981 ; Sievers 1984).

20L’identité des fibules serpentiformes des tombes 6 et 47 avec celles des tombes de la phase I du Magdalenenberg permet de situer le début de l’utilisation du tumulus de Courtesoult au tout début du vi^e s. av. J.‑C. Compte tenu du vieillissement de 71 ans apporté aux dates dendrochronologiques hallstattiennes, la datation de la tombe centrale du Magdalenenberg des environs de 620 av. J.‑C. (Haffner 1986) se rapproche de celle de 640‑630 av. J.‑C. retenue par S. Sievers pour le début de la séquence de la Heuneburg (Sievers 1984). Elle rallonge considérablement le Ha D1 dont la fin est généralement située au milieu du vi^e s. (Parzinger 1988, horizon 6).

21Les tombes plus récentes ne bénéficient pas de datations aussi précises, dans la mesure où les parures présentes à Courtesoult antérieurement à l’horizon de Vix ne se trouvent associées à de la céramique d’importation dans aucune sépulture. La céramique attique de la stratigraphie du vallum occidental du Camp du Château fournit par contre quelques indications (Villard 1988). La couche A3 où apparaissent seuls les premiers témoins de céramique méridionale à décor ondé, se situerait donc postérieurement à 580‑ 570, date des premières productions marseillaises (Arcelin‑Pradelle 1984). La couche C, individualisée de la précédente par une couche d’argile battue, fournit six fragments de coupe attique à figures noires s’échelonnant entre les environs de 520 et le début du v^e s. La couche D qui marque le terminus de cette séquence voit l’apparition de la céramique attique à figures rouges dont les trois fragments présents, toujours selon F. Villard, indiquent une fourchette de temps assez longue entre la fin du vi^e s. et postérieurement à 430. Cette dernière couche n’offre guère d’intérêt pour nous dans la mesure où aucune parure métallique significative ne lui est directement associée. En conclusion, les fibules à ressort court de la couche A3 peuvent être situées antérieurement à 520‑500 et postérieurement à 580‑570, ce qui rejoint tout à fait la fourchette de dates proposée par H. Parzinger pour son horizon 7. Il en est de même de la couche C qui peut être mise en parallèle avec l’horizon 8 (a) de Parzinger (entre 510‑500 et 480‑470). Les comparaisons évoquées à propos des fibules décorées à fausse corde et bouclettes caractéristiques de cette phase nous placent dans le premier quart du v^e s. suivant la fourchette chronologique admise pour la tombe de Vix et celles généralement évoquées pour des ensembles équivalents.

22Les fibules laténiennes, recueillies hors contexte, fournissent un terminus ad quem de l’utilisation du monument, à partir du second quart du v^e s. suivant les propositions de J.‑J. Hatt et P. Roualet pour la Champagne (Hatt, Roualet 1977), vers le milieu du v^e ou un peu après comme le suggère M. Feugère à propos de la période la plus récente de Bragny (horizon 10 de H. Parzinger – 2^e moitié de v^e s.).

23L’utilisation du tumulus de Courtesoult s’échelonne donc durant environ un peu moins de deux siècles, soit pendant six générations.

4.3 L’organisation chronologique des tombes dans le tumulus

24Sur la base de la chronologie proposée, nous tenterons de suivre l’évolution spatiale de l’implantation des tombes et de la corréler aux deux étapes de construction du tertre (fig. 107 et 108).

25Dès la première phase une organisation circulaire des tombes les plus anciennes s’ébauche autour de la tombe 6 à une époque où seul existe le tertre I.

26Les tombes féminines et masculines à fibules serpentiformes à arc plat, un peu plus tardives, viennent compléter cette distribution suivant un alignement légèrement extérieur aux inhumations précédentes qui coïncide sensiblement aux limites externes du tumulus primitif (fig. 108, A). On peut placer la construction du second tumulus durant cette phase, entre le dépôt des inhumations 45 (et peut‑être 23) et les sépultures à remplissage caillouteux (3, 18, 38), les sépultures n’entamant pas le tertre primitif (13) ou celles qui lui sont nettement externes (28, 48). Cette rénovation du tertre ne modifie apparemment pas l’organisation des tombes immédiatement postérieures, déposées suivant un agencement conforme aux précédentes. Si nous faisons abstraction de l’érosion plus forte dans la partie ouest (soumise à un effet de pente plus accentué) qui a pu s’exercer postérieurement sur le tumulus, les tombes des phases 1 et 2 sont en règle générale les plus profondément enfouies sous le niveau du sol actuel (> 0,60 m).

27Les tombes de la troisième phase viennent s’organiser à la périphérie immédiate des précédentes. Cette évolution dans la disposition des sépultures est respectée à la phase 4 où les tombes datables, beaucoup plus nombreuses, empiètent maintenant sur le fossé et semblent se regrouper toutefois par paquets. Les profondeurs d’enfouissement par rapport au sol actuel sont plus faibles, généralement comprises entre 0,35 et 0,50 m.

28On assiste donc à une progression chronologique régulière des inhumations, du centre vers l’extérieur du tertre. Suivant cette logique qui se vérifie globalement bien parmi les tombes datées, la chronologie des tombes sans mobilier ou dépourvues de mobilier sûrement attribuable à l’une des quatre phases peut être extrapolée. Ainsi, les tombes 19 et 22 ne devraient pas être postérieures aux phases 2 ou 3, alors que les tombes les plus périphériques, souvent pauvres, appartiendraient toutes à la phase 4 (sépultures 4, 16, 25‑33, 40).