Chapitre 3. Analyse typologique du mobilier
p. 81‑106
Texte intégral
3.1 Les fibules
3.1.1 Fibules serpentiformes
1Avec dix exemplaires, le tumulus de Courtesoult présente la plus importante série de fibules de ce type recueillie sur un même site dans l’est de la France. Toutes appartiennent au type S4 A de G. Mansfeld caractérisé par un seul enroulement de l’arc et un ornement de pied vasiforme lisse (Mansfeld 1973). Il est toutefois possible de distinguer ici deux variantes. La première représentée par les exemplaires des sépultures 6 et 47 (fig. 22, no 1 et fig. 86, st. 47, nos 2 et 3) se distingue par sa grande taille (80 à 90 mm), un arc à section circulaire et un disque biconique de petit diamètre. La seconde, souvent plus courte (61 à 82 mm) présente un arc aplati de section rectangulaire, quelquefois décoré de deux rainures longitudinales parallèles et un disque de grand diamètre, biconique (sépultures 18, 23, 45, 48) (fig. 46, fig. 59, st. 23, nos 1, 2, fig. 86, fig. 95, B, no 10) ou plat comme sur une des deux fibules de la sépulture 48 (fig. 95, A, no 12). L’exemplaire de la tombe 28, dont il ne subsiste que le pied et une partie de l’arc, appartient probablement à cette seconde variante. Le pied orné de rainures de la seconde fibule de la tombe 48 rappelle, discrètement quant à lui, les formes moulurées de la variante C de Mansfeld (fig. 95, B, no 10).
2Les fibules serpentiformes constituent un des fossiles directeurs de la phase ancienne du Hallstatt D (Zürn 1942). La variante à un seul enroulement est présente dans les couches les plus anciennes de la Heuneburg (IVc‑IVb) où l’on retrouve les modèles les plus longs (10 à 12 cm), alors que les disques d’arrêt plats se rencontrent sur les exemplaires typologiquement évolués (S4 B et S4 G) (Mansfeld 1973). La présence de quelques exemplaires aux périodes IIIb‑IIIa, toutefois moins nombreux qu’auparavant, rend possible leur perduration au Ha D2 de la chronologie de S. Sievers, alors que se développent les fibules serpentiformes à double enroulement (Gersbach 1981 ; Sievers 1984).
3Ces fibules apparaissent dans de nombreux ensembles funéraires où les plus anciens exemplaires figurent en Bade‑Wurtemberg dans l’horizon le plus précoce du Hallstatt final, dans la tombe VI du Hohmichele (Riek, Hundt 1962) et l’horizon I du Magdalenenberg (Parzinger 1988), la sépulture de Hugelsheim avec un bassin du type Hohmichele et un poignard à antennes daté du Ha D1 (Schiek 1981).
4Les cartes de répartition les plus récentes successivement proposées par G. Mansfeld, G. Wamser (1975), S. Schiek (1981) et H. Parzinger (1988 : Taf. 143/2), montrent une large diffusion au nord de l’arc alpin de ces modèles inspirés de l’Italie du Nord. La répartition complétée pour la France de l’Est confirme cette tendance pour le Jura et ses abords où le type S4 A prédomine parmi les exemplaires identifiables, alors que les modèles nord‑alpins de type S4 C font totalement défaut à l’ouest de la trouée de Belfort (fig. 98). Le nombre élevé des fibules serpentiformes de Courtesoult apparaît original comparé aux dix sites de la zone occidentale non rhénane où elles ne sont généralement connues qu’en un ou deux exemplaires. Une telle concentration dans cette région de l’est de la France ne rend pas impossible l’existence d’ateliers de fabrication influencés dès le Ha D1 par les modèles italiques. Par contre, les cartes de répartition (Schiek 1981 ; Parzinger 1988 : Taf. 144/1‑no 3) illustrent clairement une extension presque exclusive du modèle à double enroulement de type S5 à l’est du couloir rhénan (exception faite d’un exemplaire à double enroulement de l’habitat fortifié de Bourguignon‑lès‑Morey, Haute‑Saône, conservé au MAN).

FIG. 98 – Carte de répartition des fibules serpentiformes du type S4 (d’après Mansfeld 1973 : listes 25‑39 et Parzinger 1988 : taf. 143‑2, complétée pour l’est de la France). Fibules de type S4 A en bronze de l’est de la France : 1 Haguenau « Königsbrück » (Schaeffer 1930 : fig. 42 q), Haguenau « Kirchlach » (musée de Haguenau, n° 739), 2 Bourguignon‑les‑Morey/Camp de la Roche (MAN), 3 Courtesoult/Sainte‑Catherine, 4 Beaujeu (musée de Vesoul), 5 Mesnay/Parançot 4‑e (Piroutet 1904), 8 Mouthier‑Hautepierre/Grotte des Faux‑Monnayeurs (fouilles Nuffer, musée de Besançon), 7 Refranche, tumulus de Corne‑Guériot 13, 2 ex. (Castan 1860), 8 Saraz/Au Souillard (Castan 1860), 9 Ivory/Les Moidons 10 b (Millotte 1963), 10 Chilly/Moidons (fouilles de Morgan, MAN), 11 Salins/Camp du Château (Piroutet 1933), 12 Dompierre‑les‑Tilleuls/Les Bossus 2 (Bichet, Millotte 1991), 13 Montmorot/Camp du Château (Roulière‑Lambert, Scotto 1989), 14 Grésine (Chantre 1875‑1876). Fibules serpentiformes S4 de l’est de la France, autres types et non déterminés ⃞ : 15 Haguenau/Ohlungen 3‑11 (Schaeffer 1930 : 109 d), Maegstub 2‑2 (Schaeffer 1930 : 123 d), Königsbrück 3‑2 fer et bronze (Schaeffer 1930 : 21 f), 16 Rixheim (Naue 1905 : 478), 17 Illfurth/Britzgyberg, S4C (Schweitzer 1989), 18 La Rivière‑Drugeon/Le Grand Communal 3, fibule en fer (Bichet, Millotte 1992), 19 Beaujeu‑Qultteur/Sur la Noue (fouilles J.‑F. Piningre, inédit), 20 Tavaux/Les Saules, fibule en fer (Ganard 1994), 21 Vix/Mont‑Lassois (Joffroy 1960), 22 Créancey (Chantre 1876), 23 Saint‑Romain/Le Verger (Grappin 1985), 24 Salnt‑Marcel/Épervans (Bonnamour 1975), 25 Saint‑Alban‑Leysse, fibule en fer (Willigens 1991).
(J.‑F.P. del./Culture)
3.1.2 Fibule à timbale simple
5Une seule fibule à timbale et disque d’arrêt, amputée de son ornement de pied et du disque d’arrêt dont il ne subsiste plus que la bague, appartient au type P1 w de G. Mansfeld. Sa longueur, qui ne devait guère dépasser 30 mm, classe cette fibule parmi les variantes les plus courtes et les moins nombreuses d’un type généralement plus massif (Mansfeld 1973 : liste 132).
6La fibule à timbale et disque d’arrêt est considérée comme un fossile directeur du Ha D2 (Zürn 1942 ; 1970). À la Heuneburg, elles font leur apparition dès la période IIIb et sont sans doute antérieures, comme le remarque S. Sievers, à celles à timbale coulée (Sievers 1984). E. Gersbach qui distingue les grands modèles des exemplaires courts à ressort, mais quelquefois encore dotés du disque, pense qu’elles ont pu continuer à être portées durant la période II (Gersbach 1981), soit le début du Ha D3 de la chronologie de S. Sievers. Sous la forme à grosse timbale emboutie et pied droit terminé par un bouton, elles caractérisent l’horizon 7a de H. Parzinger dans le Nord‑Wurtemberg, à Haguenau et en Suisse (Parzinger 1988). L’exemplaire de Courtesoult pourrait être un peu plus tardif.
7Les différentes répartitions des fibules à timbale et disque d’arrêt, toutes variantes confondues (Mansfeld 1973 : listes 127 à 133), reflètent une aire de diffusion limitée vers l’est, comprise entre le lac de Constance, Haguenau, le Jura français et le Plateau suisse. L’exemplaire de Courtesoult apparaît ici comme l’un des plus occidentaux (fig. 99).

FIG. 99. – Carte de répartition des fibules à timbale simple (d’après Mansfeld 1973 : listes 127 à 133, complétées).
J.‑F.P. del./Culture
8La fibule à timbale simple et pied droit terminé par une boule (long. 25 mm) de l’inhumation 29 est apparentée au type P3 z de G. Mansfeld avec sa timbale légèrement conique (diam. 9 mm) et son ressort à 6 spires (fig. 65, no 2). Les comparaisons sont rares. On peut toutefois rapprocher l’exemplaire de Courtesoult des fibules coulées de construction analogue d’Alsace et du Wurtemberg qui possèdent une timbale beaucoup plus proéminente, souvent ornée de cannelures à la base. La stratigraphie de la Heuneburg (Mansfeld 1973 ; Gersbach 1981 ; Sievers 1984) montre leur apparition au Ha D2 et une continuité au début du Ha D3. Dans les sépultures du Nord‑Wurtemberg et à Haguenau, elles apparaissent dans l’horizon 7b correspondant à un stade évolué du Ha D2 (Parzinger 1986a ; 1988).
3.1.3 Fibules à double timbale
9Trois sépultures ont fourni cinq fibules à double timbale qui possèdent en commun un ressort non débordant à 4 ou 6 spires (type dP4y de G. Mansfeld).
10Les deux fibules de l’inhumation 38 se distinguent par leurs dimensions supérieures (long. 36 mm), une plus grande taille de la timbale de l’arc (diam. 18 mm) ainsi que par leur ressort court (fig. 77, st. 38). Les deux timbales en calotte lisse peu convexe sont réunies par un appendice plat et large. Elles sont assimilables aux exemplaires répertoriés dans la liste 219 de G. Mansfeld qui connaissent une répartition occidentale (Feugère, Guillot 1986).
11Les trois autres fibules : deux dans la tombe 37 (fig. 77, st. 37) et une dans la tombe 29 (fig. 65) sont plus courtes (long. 25 à 28 mm). Les timbales sont approximativement de même diamètre (10 à 12 mm) et les deux exemplaires de la tombe 37, décorés de filets concentriques, montrent une tendance à l’allongement du ressort. L’appendice de liaison de l’arc au pied est plus étroit sur le modèle de la tombe 29. Leur répartition (liste 221 de G. Mansfeld) est sensiblement équivalente à celle des exemplaires précédents.
12La position chronologique des fibules à double timbale est au centre du débat pour la définition du Ha D2 et D3 dans l’est de la France, en raison de leur grande fréquence et de la variété des sous‑types qui nous semblent devoir être considérés séparément. On se reportera bien sûr pour cela aux subdivisions de Mansfeld, en accordant une attention particulière aux modèles comparables à ceux de Courtesoult, caractérisés par un ressort bilatéral court, peu ou non débordant.
13Chronologiquement, M. Feugère suggère une apparition tardive de ce modèle (représenté à Bragny en un seul exemplaire) à partir des données stratigraphiques de la Heuneburg –où les fibules à double timbale et pied replié sont toutefois peu nombreuses (3 exemplaires, dont 1 hors contexte) et à ressort long– (Sievers 1984) et de la tombe 371 de la Certosa à Bologne. Une attribution au Ha D3 a été également proposée avec la sériation de 45 tombes représentatives de la nécropole de Haguenau où les modèles à disque d’arrêt sans ressort sont seuls représentés (Kilian‑Dirlmeier 1970). Cette proposition suscite toutefois quelques réserves de la part de W. Kimmig. Il juge la phase D2 ainsi définie peu consistante et pense que la succession proposée des fibules à grosse timbale simple (représentatives du Ha D2) puis à double timbale pourrait résulter de contraintes sociales sans implications chronologiques (Kimmig 1979). Des fibules à double timbale et ressort court se trouvent associées à des contextes funéraires que l’on peut considérer comme précoces ou antérieurs au Ha D3 : dans le Jura avec les sépultures du Bois de Parançot 1‑a1 (Piroutet 1904), Saraz/Combe Bernon appendice (Castan 1858), en Champagne avec les tombes 95 et 108 des Jogasses classées par J.‑P. Demoule à la fin de la phase Aisne‑Marne IA qu’il met en parallèle avec le Ha D2 (Demoule 1989), à Haguenau dans l’horizon SHa IV‑7c (Parzinger 1988). La stratigraphie du vallum occidental du camp de Château à Salins va également dans ce sens. La fibule à double timbale et ressort court accompagne des fibules à pied redressé en boule dans la couche A3, antérieurement aux fibules à tête d’oiseau, à pied décoré et ressort en arbalète, à timbale aplatie et à la céramique attique à figure noire (couche C) (Piroutet 1933). Sans doute une analyse plus fine des différentes variantes de ce modèle très répandu dans la France de l’Est et en Suisse permettrait‑elle de mieux en préciser la longévité et l’évolution.
14Un dernier exemplaire en fer provenant de la sépulture 44, appartient au type dP4y de G. Mansfeld (fig. 86). Il se distingue des modèles précédents par son long ressort en arbalète (50 mm) orné d’une fausse corde et bouclettes spiralées en bronze. Les deux timbales de même diamètre (10 mm) ont un sommet aplati (type 5b de G. Mansfeld). Différents modèles de fibules à double timbale et long ressort en arbalète apparaissent dans des ensembles funéraires de la fin du Hallstatt final (Ha D3).
3.1.4 Fibules à pied replié en timbale (type F4)
15C’est sans doute à ce type qu’appartiennent les deux fibules en fer très oxydées de l’inhumation 11 (fig. 33, st. 11). L’exemplaire le mieux conservé montre un arc en ruban, plus large que la plupart des modèles de ce type. Comme les précédentes, ces fibules se rencontrent à la fin du Hallstatt final. Leur répartition déborde peu la moitié est de la France où elles sont particulièrement bien représentées (Feugère, Guillot 1986).
3.1.5 Fibules à timbale hypertrophiée (type P4)
16Deux petites fibules de la sépulture 5 (fig. 17, st. 5) et une de la sépulture 2 (fig. 17, st. 12) sont dotées de timbales de morphologies différentes : conique, en calotte et à cupule sommitale. Toutes trois sont à ressort en arbalète débordant et ornées de deux ou trois filets concentriques à la base ou au milieu de la timbale. Ces fibules également connues sous le type de Weidach ont figuré parmi les types caractéristiques du Ha D3 (Haffner 1969 ; Zürn 1974) et sont au cœur de la problématique de la transition Ha D3‑LTA. Leur position chronologique a récemment été précisée à partir du classement des ensembles funéraires de Haguenau et de Bressey‑sur‑Tille où elles caractérisent alors les ensembles de La Tène précoce (Parzinger 1988). On retrouve dans cette dernière nécropole (sépulture 52, Ratel 1977), comme à Courtesoult et à Haguenau/Weitbruch 2‑1 (Schaeffer 1930 : fig. 90) l’association avec un bracelet filiforme ouvert à petits tampons en tonnelets. Dans la vallée de la Saône, le mobilier de la tombe 1 du cimetière de Mantoche/Champs Rouget, connu par la publication de A. Gasser, est intéressant à cet égard (Gasser 1912) (cf. infra § 7.6). Bien que ces objets connus par photos et les descriptions de Gasser ne permettent pas d’affiner les comparaisons, le mobilier de cette tombe qui associe une fibule de ce type à timbale cupulée avec un bracelet à fermoir en cuvette ou à tenon et une fibule à pied et arc décorés de corail (cf. infra § 7.6) peut être mis en parallèle avec le niveau 2 des ensembles funéraires de La Tène A de G. Kaenel (Kaenel 1990 : 224). À l’inventaire de Mansfeld, complété par M. Feugère, qui illustre le caractère occidental d’un type plus abondant dans la France de l’Est (Marne, Bourgogne, Jura) qu’en Allemagne et en Suisse (Feugère, Guillot 1986), on ajoutera les exemplaires d’Acy‑Romance/Le Terrage (Lambot, Méniel 1992), Bonnefontaine (Millotte 1969), Bourguignon‑lès‑Morcy (MAN), Dompierre‑les‑Tilleuls/ Les Bossus 1 (Bichet, Millotte 1992), Larçon (Ratel 1967), Mantoche/Champs Rouget et Zimmersheim/Knabenboden (Voegtlin, Schweitzer 1989).
3.1.6 Fibule à pied redressé décoré en boule
17Cette fibule appartenant au type F2 A1 de G. Mansfeld est caractérisée par un arc lisse à section plano‑convexe, élargi à sa partie médiane et un pied redressé, coulé avec l’arc, terminé par un ornement sphérique (fig. 46, st. 15, no 1). Le ressort non conservé était assemblé à la base de l’arc par une perforation transversale. Les fibules à pied recourbé, que S. Sievers distingue des Fusszierfiebel des groupes Fl et F3 de G. Mansfeld, apparaissent à la période III de la Heuneburg (Ha D2 de S. Sievers 1984). Dans le Jura les fibules, à pied en boule, qui présentent également le même système d’assemblage du ressort à perforation, figurent dans la couche A3 de la fouille du vallum occidental du Camp de Château à Salins avec d’autres modèles à ressort court (Piroutet 1933). Nous avons vu que cette couche constitue un ensemble intermédiaire entre la couche A2 datée du début du Ha D2 par les fibules à arc et disque d’arrêt (type S1 de Mansfeld) et la couche C où apparaissent les fibules à long ressort en arbalète, les fibules à tête d’oiseau du Ha D3. Les meilleures associations funéraires sont fournies par le cimetière des Jogasses où elles savent à caractériser, en accord avec cette proposition chronologique, la période Aisne‑Marne IA (Demoule 1989). La répartition des fibules à pied redressé en boule laisse apparaître une bonne représentation dans l’est de la France (Feugère, Guillot 1986 : fig. 39) où il ne serait pas impossible de situer l’origine de certains modèles de ce type (Sievers 1984 : 76‑77).
3.1.7 Fibules à pied décoré
18La fibule en bronze de l’inhumation 11 (fig. 33, st. 11, no 2), dotée d’un large disque à bord ourlé (diam. 17 mm) rivé sur un pied replié, d’un arc segmenté et d’un long ressort en arbalète et celle en fer de l’inhumation 26 au disque très surélevé (fig. 59, st. 26), se rangent dans la variante « F1 » du type F3 yF de G. Mansfeld. M. Feugère souligne la répartition occidentale de ce type tardif qui « ne dépasse guère à l’est le lac de Constance » (Feugère, Guillot 1986). La variante à disque développé qui comprend de nombreux exemplaires en fer se concentre en Côte‑d’Or et sur la Saône (Bourguignon‑lès‑Morey, Courtesoult, Quitteur, Bragny, Bressey‑sur‑Tille t. 77, 114 et Vix/Mont Lassois).
19Les petites fibules à long ressort, fausse corde et bouclettes de l’inhumation 44 appartiennent au type F3 yC (fig. 86, st. 44, no 2) et F3 yB1 (fig. 86, st. 44, no 1) avec leur pied replié décoré d’un élément mouluré vasiforme. Bien représenté en France de l’Est, en Bade‑Wurtemberg et en Suisse, ce type également occidental se distingue des modèles à pied mouluré conique plus orientaux (Bavière, Suisse, G. Mansfeld 1973).
20Deux autres fibules appartiennent encore à ce type. La disparition de l’ornement de la fibule de l’inhumation 8 (fig. 33, st. 8) laisse apparaître la perforation d’assemblage sur le pied replié. Celle de la tombe 12, également en bronze, était dotée d’un cabochon en fer illisible et d’un arc applati (fig. 33, st. 12).
21Les fibules à pied décoré apparaissent en nombre dans les périodes Ib et Ia les plus récentes de la Heuneburg (Sievers 1984). Les modèles à pied mouluré et long ressort sont représentatifs de la phase 8a (Ha D3) de la chronologie de H. Parzinger, où ils succèdent dans le Nord‑Wurtemberg et à Haguenau à quelques fibules analogues à ressort court apparues dès la période antérieure (Parzinger 1988).
3.1.8 Fibules à double décor (Doppelzierfibeln)
22Plusieurs fibules de ce type ne sont pas toujours lisibles lorsqu’elles intègrent le fer dans leurs composants.
23La plus originale est décorée par quatre spirales de bronze rivées sur l’arc par un cabochon à cupule (inhumation 44, fig. 87, no 5). Le pied et le ressort sont détériorés. Des traces observées à la restauration laissent penser que cet objet a pu être argenté ou étamé. Quatre autres exemplaires français nous renseignent sur la morphologie complète de ce modèle à fausse corde, bouclettes et pied orné d’une cupule, reconnu pour la première fois à Haguenau (Maegstub c. I‑IV ; Schaeffer 1930 : 147) et décrit à Vix par R. Joffroy (1960a). La fibule identique de Bouzy (Marne) (Joffroy 1960a) et celle de la tombe 1 de l’enclos 10 de Sainte‑Croix‑en‑Plaine, associées à deux ou probablement trois fibules à double décor et long ressort à fausse corde et bouclettes (Pétry 1982), illustrent la répartition d’un type centré sur l’est de la France pour lequel R. Joffroy suggérait une origine commune en raison de sa particularité.
24La fibule en bronze et fer de l’inhumation bouleversée no 32 (fig, 77, st. 32, no 4) constitue également un modèle original. Elle est également dotée d’un long ressort à fausse corde et bouclettes en spires du type 1 de Mansfeld qui constitue la forme la plus répandue de la France de l’Est à la Bavière (Mansfeld 1973). Le pied replié est décoré d’un haut cabochon cannelé en fer. Rivé à l’arc, un cabochon rectangulaire également en fer, enchasse un ornement d’ambre.
25Les fibules à double décor et long ressort à fausse corde et bouclettes vont de pair avec les habitats les plus tardifs du Hallstatt final (Vix) et entrent dans la composition de mobiliers funéraires riches, caractéristiques du premier quart du ve s. à Vix et dans l’incinération 61 de Gurgy (Yonne). Cette particularité décorative s’adresse à plusieurs types de supports (Joffroy 1955) et peut donner naissance à des modèles baroques par l’association de différentes matières (association de bronze, argent et or) et dans la forme de leur décor, comme les deux fibules à triple ressort de la même nécropole de Gurgy. La fibule de la tombe 32 peut être rapprochée des fibules à cabochon d’ambre circulaire et pied cannelé rehaussé de corail de la sépulture de Vix (Joffroy 1960a : pl. 22, 8‑9), d’une fibule à ressort en arbalète d’Albstadt‑Ebingen dont le sommet de l’arc est orné d’un coffret carré (Zürn 1987 : Taf. 448, A3), ou bien d’autres exemplaires à cabochon quadrangulaire rehaussé d’or comme la fibule du tumulus 6 de Conliège/La Croix des Monceaux (Jura) (Chevaux, Robert 1886) et de la tombe géographiquement plus éloignée no 68/2 du Dürrnberg à Hallein (Moosleitner et al. 1974 : pl. 132‑133), toutes deux dans des contextes de la première moitié du ve s.
3.1.9 Fibules laténiennes
26Deux fibules en fer recueillies dans les labours et provenant vraisemblablement de sépultures détruites, appartiennent à des types de La Tène ancienne.
27L’une d’elles est caractérisée par un arc en demi‑cercle à section circulaire et un pied recourbé décoré d’un faux ressort à une spire (fig. 96, no 6). Parmi les fibules répertoriées appartenant à ce type, recueillies en sépultures ou en habitat, la plupart des modèles sont en bronze, de forme grêle à arc plat, souvent décoré de rainures. Elles sont datées du début de La Tène ancienne, soit vers le milieu du ve s. ou la seconde moitié du ve s. av. J.‑C. (Feugère, Guillot 1986). Ainsi, dans ce contexte, l’ensemble de Harthouse 4‑I où figure une fibule à grosse timbale du Ha D2 doit être rejeté (Schaeffer 1930). L’inventaire dressé par M. Feugère, auquel on peut rajouter l’exemplaire de la couche C3 du Pègue (Hatt 1977), montre une répartition entre la Champagne où D. Bretz‑Mahler en recense dix exemplaires (Bretz‑Mahler 1971), la Haute‑Marne, la Saône et la basse vallée du Rhône, à l’écart du Jura où ces types n’apparaissent pas.
28Un second exemplaire incomplet présente un arc demi‑circulaire surélevé à section en D et un ressort cassé où deux spires sont conservées sur un côté. Le pied est lui‑même brisé au niveau du porte‑ardillon. Comme le précédent cet exemplaire est attribuable au début de La Tène ancienne.
3.2 Les épingles
3.2.1 Épingle en fer
29Un objet de fer retrouvé à la droite du crâne de l’inhumé no 7 (fig. 26, A, no 6) évoque, non sans réserve, les épingles coudées (Kropfnadel des auteurs allemands), forme proche des épingles en gradin (Stufennadel) et des épingles à col de cygne bien représentées dans le Jura. Ce premier type caractérisé par une triple pliure du tiers supérieur de la tige, se termine par une tête épaissie légèrement conique ou quadrangulaire, ou bien encore comme c’est le cas ici, en spatule biseautée. Détail original, l’épingle de Courtesoult est en outre dotée juste au‑dessus du coude d’un renflement biconique assimilable à un disque d’arrêt.
30Les différentes variantes d’épingles coudées, quelquefois en bronze, le plus souvent en fer, sont largement réparties en Allemagne depuis l’embouchure de la Weser et de l’Elbe (faciès de Jastorf) jusqu’en Souabe où elles forment une concentration particulière (Mansfeld 1971). Leur extension occidentale se cantonnait jusqu’à présent à la rive gauche du Rhin supérieur (Haguenau/Schirrheinerweg 8‑VIII, Sissach et Pratteln/Neueinschlag tombe 7 dans la région bâloise). L’exemplaire en bronze à palette échancrée du Châtelet d’Etaules (Nicolardot 1988) et celui en fer de Larina à Hières‑sur‑Amby (Isère) (Perrin 1990) représentent l’extension la plus occidentale de ce type. Les associations connues dans la zone géographique la plus proche situent à plusieurs reprises l’une ou l’autre variante au début du Hallstatt D avec une continuité possible au Ha D2. Les exemplaires à tête spatuliforme, moins nombreux, confirment cette datation à Oberstetten ou au Magdalenenberg (sép. 100), ainsi que dans le groupe de Hunsrück‑Eifel où elles appartiennent à la période HEK IA2 (Haffner 1976). On remarque aussi dans les tombes 83, 94 et 100 du Magdalenenberg la position des épingles identique à celle de l’objet de la tombe 7 de Courtesoult, du côté droit au‑dessus de l’épaule ou au niveau du bras (Spindler 1976).
31Une autre épingle en fer, à la tête malheureusement non conservée, provient de l’inhumation 6 (fig. 22, no 3).
3.2.2 Épingle à petite tête
32Un seul exemplaire provient de la tombe remaniée 32 (fig. 77, st. 32, no 1). Les épingles à petite tête sont nombreuses à la fin de la séquence de la Heuneburg dont elles caractérisent les périodes II et I les plus récentes (Sievers 1984). Les épingles à tige courte, abondamment utilisées dans la coiffure féminine en Alsace (Schaeffer 1930) et en Allemagne du Sud‑Ouest, n’apparaissent que très rarement à l’ouest de la trouée de Belfort.
3.3 Les bracelets
3.3.1 Bracelets massifs en ruban
33Deux bracelets massifs ouverts à section elliptique large (11 mm) sont décorés d’un motif central de chevrons emboîtés cannelés et aux extrémités de cannelures transversales parallèles (inhumation 46, fig. 90, nos 2, 4). Les bracelets larges, presque circulaires, sont quelquefois délicats à différencier des anneaux de chevilles dans les comptes rendus de fouilles anciennes. Ceci accroît encore la difficulté du classement de ces modèles variés et peu nombreux dans le Hallstatt final. Les bracelets larges connus entre Jura et Bourgogne sont généralement dotés d’extrémités en tampon ou épaissies et s’écartent de ces exemplaires (Henry 1933 ; Lepage 1984 ; Millotte 1963). Si on sort du cadre régional, on trouve quelques bracelets en ruban à section plano‑convexe dans la phase 1 du classement de la nécropole de Subingen (tumulus 2‑1 et 9‑3) que G. Lüscher met en parallèle avec le Ha C (Lüscher 1989) et qui nous amèneront à considérer le caractère archaïque de ces formes. On remarque aussi des décors de chevrons et de hachures transversales aux extrémités, dans une disposition analogue à ceux de Courtesoult, sur plusieurs bracelets à tampons retrouvés dans des ensembles funéraires du Plateau suisse à Cornaux (NE), Cordast (FR), Berne, Belp (BE) (Drack 1970) ainsi que sur un exemplaire de provenance inconnue signalé par l’abbé P. Mouton (1955).
3.3.2 Bracelets filiformes et armilles
34Huit tombes permettent de distinguer ici deux types de bracelets à jonc mince, portés en nombreux exemplaires à chaque avant‑bras, qui reflètent vraisemblablement la même tradition. Les bracelets filiformes ouverts à section circulaire sont dotés à chaque extrémité de perforations destinées à les maintenir ensemble, peut‑être attachés ou cousus sur une manchette (inhumation 6, fig. 22, nos 11, 12), ou de fines incisions transversales (inhumation 7, fig. 26, A, nos 7, 9). Ces anneaux sont portés à chaque bras en nombre inférieur à 10. Deux anneaux en tout point identiques à ceux de la tombe 7, dont on avait croisé les extrémités pour en réduire le diamètre, ont été utilisés pour orner les chevilles de l’enfant 47 (fig. 86, st. 47, nos 4, 5). Celui de la tombe 19 portait une parure semblable, non décorée, en guise de bracelet (fig. 59, st. 19, no 3).
35Le second type répond à la définition d’armilles, terme généralement utilisé pour des anneaux fermés, minces, à section quadrangulaire, rectangulaire plano‑convexe ou subcirculaire, décorés à l’extérieur d’incisions transversales ou obliques, régulièrement espacées ou regroupées en séries. Ces bracelets sont souvent portés en plusieurs dizaines d’exemplaires à chaque avant‑bras (inhumations 3 fig. 17, st. 3, no 5 ; 28 fig. 62, no 3 ; 48 fig. 95, A, nos 13, 16). L’anneau brisé à section rectangulaire de la tombe 2 s’écarte des modèles précédemment définis par un décor de rainures longitudinales et par le fait qu’il ait été porté seul (fig. 17, st. 2, no 2).
36L’utilisation des bracelets filiformes et armilles portés en grand nombre caractérise le Hallstatt final dans son extension la plus occidentale par opposition à l’Allemagne du Sud‑Ouest et à la haute vallée du Rhin où ces parures n’apparaissent pas sous la forme mince fermée (voir à ce propos les bracelets filiformes ouverts ou à crochet dans certaines tombes du Magdalenenberg). Leur aire de répartition englobe la Provence (Arcelin 1976) et les Causses (Pajot, Vernhet 1976), la bordure occidentale du Massif Central et le Limousin (Daugas, Malacher 1976 ; Vuaillat et al. 1989), les Alpes où ces parures sont nombreuses dans les tumulus de la moyenne Durance, l’Oisans, la Savoie (Courtois 1976 ; Bocquet 1991) et enfin l’est de la France : le Jura, la Bourgogne (Millotte 1963), la Haute‑Marne et la Champagne crayeuse (Lepage 1984). Les armilles sont concurrencées sur le Plateau suisse (Wohlen) par un modèle proche de bracelets à spirales fines également décorés d’incisions (Drack 1970). Cette énumération, sans doute incomplète, ne prétend pas tenir compte d’éventuels caractères régionaux. Cependant, l’étendue de cette mode, les différences chronologiques et de durée d’utilisation remarquées suivant les régions, ne semblent pas devoir faire de l’utilisation des armilles un phénomène unique et homogène (Feugère 1986 : 38‑39).
37Dans les régions limitrophes de la vallée de la Saône il est possible de distinguer une évolution chronologique de ces parures. Les bracelets à section circulaire portés en petites séries apparaissent les plus anciens dans le Ha D comme l’a souligné L. Lepage en Haute‑Marne à propos de la sépulture D du tumulus de la Mottote à Nijon (Lepage 1984) et comme on peut l’observer dans le Jura où ils sont associés aux agrafes de ceintures en triangle et rectangle, aux pendeloques et aux brassards de « lignite » larges : Moidons Sepoit 16 – sép. centrale, 16‑h, Bois de Parançot 1‑N, 4‑E. La présence d’armilles dans les ensembles domestiques de la vallée de la Saône récemment fouillés, considérés comme tardifs dans le Hallstatt final (Ha D3) : Bragny, Tournus‑les‑Joncs, Mancey, fixerait un terme à l’utilisation de ces parures et s’inscrit en contradiction avec leur position exclusive dans la phase ancienne du cimetière des Jogasses (Hatt, Roualet 1977 ; 1981 ; Feugère 1986 ; Demoule 1989).
3.3.3 Bracelets massifs circulaires ouverts
38Des bracelets lisses à extrémités arrondies jointives proviennent de l’inhumation remaniée 32 (fig. 77, st. 32, no 3) et de l’inhumation 13 (fig. 46, st. 13, no 2).
3.3.4 Bracelets massifs circulaires fermés
39On peut regrouper dans cette catégorie de parures annulaires fermées ou à extrémités jointives plusieurs modèles différents en fonction de leurs sections, de leurs décors et de leur utilisation. On distinguera ainsi par leur plus grand diamètre les anneaux huméraux portés au niveau du coude.
40Deux anneaux simples à section ovalaire, décorés de cannelures transversales continues très atténuées se retrouvent dans l’inhumation 11 (fig. 33, st. 11, nos 6, 7). Un anneau à section circulaire lisse et plusieurs fragments pouvant appartenir à des anneaux fermés ou ouverts ont été recueillis hors contexte (fig. 96, nos 5, 11, 12).
41Deux anneaux huméraux ont été retrouvés en position sur le squelette. Un anneau lisse d’un diamètre un peu supérieur aux précédents (83 mm) était porté au niveau du coude gauche dans l’inhumation 29 (fig. 65, no 3). Les bracelets à appendice de coulée, plus ou moins régularisés, sont représentés par deux exemplaires dont un recueilli hors contexte (fig. 96, no 4). Celui de l’inhumation 5 (fig. 17, st. 5, no 7), porté au niveau du coude du bras gauche présente un appendice encore très proéminent. L’irrégularité de ces parures, souvent portées au bras gauche lorsqu’elles sont uniques (Haguenau/Königsbrück 6‑VI, Jogasses 108, Gurgy inh. 4), pourrait se justifier par leur gainage de cuir ou de fibres végétales quelquefois conservé par les oxydes de bronze : Haguenau/Königsbrück 12‑IV, 17‑I (Schaeffer 1930), Bressey‑sur‑Tille 77 (Ratel 1977), Gurgy inhumation 4 (Pellet, Delor 1980). Les anneaux à appendice portés au poignet ou à l’avant‑bras (bien qu’il existe aussi des modèles de petit diamètre difficilement classables dans cette catégorie) sont présents dans des contextes funéraires du Hallstatt D3 et de La Tène ancienne (Heiltz‑l’Evêque 20, Bressey‑sur‑Tille 44, 77). Localement, on mentionnera l’association avec une fibule à pied replié, ressort à 4 spires et corde externe typiquement laténienne de la tombe 4 du cimetière de Mantoche (Gasser 1912),
3.3.5 Bracelets filiformes ouverts à petits tampons
42Deux bracelets ouverts à jonc filiforme lisse et petits tampons en tonnelets proviennent de la tombe 5 (fig. 17, st. 5, nos 6, 8). Trois autres exemplaires ont été recueillis hors contexte (fig. 96, nos 8, 9, 13). Le jonc de l’un d’entre eux (no 13) s’orne de nodosités délimitées par des rainures, réparties suivant une symétrie ternaire. Les bracelets ouverts à petits tampons font partie des fossiles directeurs du LTA (Haffner 1969 ; Kaenel 1990). Les modèles filiformes se trouvent ainsi associés à Dompierre‑les‑Tilleuls/Les Bossus 1‑4 avec une garniture de ceinture en coffret et un cabochon de fibule orné de corail, à Bressey‑sur‑Tille t. 52 avec les fibules à timbale hypertrophiée, t. 104 avec une fibule à deux spires et corde externe du LTA. Ces bracelets sont présents dans les ensembles funéraires et domestiques les plus évolués de la transition Hallstatt final/début de La Tène dans l’est de la France (Bretz‑Mahler 1971 ; Hatt, Roualet 1977 ; Schaeffer 1930 ; Millotte 1963), ainsi qu’en Allemagne et en Suisse (Drack 1970). En Haute‑Saône, trois bracelets de ce type proviennent des tumulus 1 et 2 de Gy/En Capsio (fouilles M. Demésy). Les associations de trois tombes du cimetière de Mantoche/Champs Rouget sont plus intéressantes (Gasser 1912). Un bracelet à triple nodosité et petits tampons est associé dans la tombe 1 à un bracelet à fermoir en cuvette, une fibule à timbale hypertrophiée et une fibule à pied et arc décorés de corail, et dans la tombe 2 à une fibule à pied décoré d’une cupule et ressort à fausse corde et bouclettes. Dans la tombe 3, un bracelet analogue accompagnait une fibule typiquement laténienne.
3.3.6 Brassards‑tonnelets
43Les deux brassards‑tonnelets identiques de la tombe 6 (fig. 22, nos 11, 12) avec leur profil galbé et élancé, leur décor finement incisé de motifs géométriques et de cercles sont caractéristiques des exemplaires présents dans le Jura et sur le Plateau suisse. Ils se différencient aisément des modèles plus étroits à décors incisés analogues que l’on trouve en Suisse orientale (Drack 1965) et jusqu’en Haute‑Savoie ou encore des modèles d’Allemagne du Sud‑Ouest et de Haguenau, quelquefois trapus, décorés de cannelures au repoussé. Leur datation du Hallstatt D1 est assurée par plusieurs associations funéraires tant dans le Jura français (Millotte 1963 ; Millotte et al. 1971) qu’en Suisse (Kaenel, Müllier 1986 ; Lüscher 1989 ; 1991). On les retrouve accompagnés des parures classiquement attribuées à cet horizon comme le disque à décor ajouré, les rouelles et les grelots‑cages, l’épingle à col de cygne, les agrafes de ceinture, les fibules arquées ou cornues. En Allemagne, les brassards‑tonnelets sont associés par H. Zürn à la phase ancienne du Hallstatt D avec les fibules serpentiformes (Zürn 1942) et, tout comme à Haguenau, les modèles à décors incisés coexistent de l’autre côté du Rhin avec les bracelets à décors à cannelures repoussées dans le tumulus du Magdalenenberg où ils apparaissent dans l’horizon I le plus précoce (Parzinger 1986b ; 1988).
44Si on considère une carte de répartition récemment actualisée, les brassards‑tonnelets de Courtesoult représentent les exemplaires les plus nord‑occidentaux recensés à ce jour (Bichet, Millotte 1992 : fig. 77). Leur décor qui intègre les zigzags emboîtés et les registres de cercles oculés est classique dans ses motifs et sa composition. Les panneaux décorés de croix de Saint‑André emboîtées, moins fréquentes que les croix à bords concaves et les losanges, apparaissent à Dompierre‑les‑Tilleuls dans le tumulus I des Bossus. Le motif en damiers est quant à lui original sous cette forme.
3.3.7 Anneaux creux
45Aucune de ces parures en tôle de bronze enroulée n’a été retrouvée en situation à Courtesoult. Leur fragmentation et leur déformation ne permet pas de les attribuer avec certitude à des anneaux de chevilles ou à des bracelets.
46Plusieurs fragments appartiennent à deux anneaux lisses ouverts, aux extrémités emboîtées perforées d’un trou de goupille (fig. 96, nos 37, 38). On les interpréterait volontiers ici comme appartenant à des anneaux de chevilles (ou des bracelets) plutôt qu’à des torques dans la mesure où une paire identique est attestée. Deux autres fragments provenant d’un ou deux anneaux semblables de 68 mm de diamètre et de section bien inférieure aux précédents (6 mm), correspondraient par contre à des fragments de bracelets ou de boucles d’oreilles de grand diamètre (fig. 96, nos 23, 24).
3.3.8 Anneaux en schiste (ou en lignite)
47Deux paires de bracelets en schiste (ou en lignite) feuilleté de couleur marron proviennent des sépultures 27 (fig. 59, st. 27, nos 7, 9) et 29 (fig. 65, nos 4, 5). Ce sont des anneaux réguliers peu épais, à section quadrangulaire plano‑convexe pour les premiers (diam. 80 mm, larg. 12 mm, ép. 9 mm) et en D aux angles arrondis pour les seconds (diam. 84 mm, ép. 16 mm). Ils se classent ainsi parmi les types de bracelets les plus bas, opposés par O. Rochna aux cinq catégories de brassards d’une hauteur comprise entre 2,4 et plus de 10 cm (Rochna 1962). Un autre fragment incomplet et délité, difficile à attribuer à un type précis, a été recueilli hors contexte. Il atteste l’existence d’une troisième sépulture dotée de tels bracelets (fig. 96, no 14).
48Les séries recueillies au Mont Lassois ou au Camp du Château à Salins montrent les différentes variantes des sections toriques, elliptiques, ou en D (Joffroy 1960a). Chronologiquement, les modèles simples connaissent dans le Jura et en Bourgogne une grande longévité. Ils apparaissent au Bronze final IIIa dans les niveaux D2 et C3 de la grotte des Planches‑près‑Arbois (Pétrequin et al. 1985), où une ébauche à section hexagonale donne déjà une bonne idée du mode de façonnage d’anneaux analogues à celui de la tombe 27. Leur utilisation se poursuit régionalement au Hallstatt C avec les exemplaires des tumulus XIV et XV de Chavéria (Vuaillat 1977), jusqu’au Ha D2/D3, sépultures 40 et 114 du tumulus de Bressey‑sur‑Tille (Ratel 1977), tombe de Vix. Les 25 exemplaires des tumulus de la Chaux d’Arlier parmi lesquels prédominent les formes de largeur moyenne, sont venus sensiblement modifier la répartition et la densité des exemplaires jurassiens. Dans la vallée de la Saône, les quelques rares bracelets provenant de contextes souvent mal établis, offrent une plus grande variété morphologique :
– Bucey‑les‑Gy/En Capsio tumulus, 2 brassards et 1 grelot‑cage (Quivogne 1876) ;
– Bourguignon‑lès‑Morey, habitat fortifié, bracelets de type étroit à section ovalaire, piano‑convexe ou en D, en contexte Ha D (inédit, fouilles J.‑F. Piningre 1992‑1994) ;
– Mantoche tumulus 1, bracelet à section circulaire (Gasser 1904) ;
– Mantoche tumulus 2, bracelet à section circulaire (Gasser 1904) ;
– Mantoche tumulus 4, bracelet à section demi‑circulaire à bords moulurés (Gasser 1904 : pl. II/1) ; d’après le dessin de Gasser, il s’agit d’un bracelet comparable à l’exemplaire tourné de la sépulture centrale de la Friche à Mauvilly (Côte‑d’Or) daté de La Tène A ;
– Purgerot/tumulus de Saint‑Jean d’Arosay, bracelet indéterminé (Millotte 1963).
49L’origine des matières premières utilisées pour la confection de ces bracelets dans le domaine jurassien n’est pas encore résolue. Leur concentration dans les tumulus de la région de Pontarlier, la présence de fragments de débitage recueillis dans l’habitat de Besançon/Saint‑Paul ont laissé penser à une provenance locale de cette matière. L’affleurement de lignite de Longemaison (Doubs) situé à 20 km au nord‑est de Pontarlier a été cité à plusieurs reprises comme source potentielle d’approvisionnement régionale (Pétrequin et al. 1979 ; 1985), sans exclure d’autres possibilités locales dans des affleurements de matériaux équivalents plus répandus (schistes du Toarcien par exemple).
50Les analyses que D. Vuaillat a fait effectuer plus récemment aboutissent à des conclusions différentes en montrant l’incompatibilité entre les échantillons provenant de bracelets originaires de nécropoles de Pontarlier et d’Amancey et ceux prélevés sur le gisement de Longemaison (Vuaillat 1992). Ces résultats laissent supposer pour certains matériaux des importations à plus longue distance ; l’Allemagne du Sud peut être envisagée. Dans l’attente d’un détail des analyses de ces échantillons, la présence d’indices de débitage et de façonnage dans différents sites d’habitats pourrait laisser penser que des blocs importés plus ou moins dégrossis ont pu être travaillés loin de leurs sources d’extraction ou que des subsituts locaux ont pu être transformés parallèlement à des importations d’objets finis ou non, d’origine plus lointaine. Dans cette hypothèse, la recherche de relations entre types de bracelets et matériaux pourrait sans doute nous éclairer sur cette question.
3.4 Les anneaux de chevilles
3.4.1 Anneaux de chevilles rubanés ouverts
51Les dix anneaux massifs de la tombe 7 sont bien représentatifs de cette catégorie de parure quelquefois confondue avec des bracelets (fig. 26B). À la différence de ces derniers ils sont de forme légèrement ovale à section en D, face plane vers l’intérieur. Les extrémités sont légèrement épaissies. Les bords équarris ou arrondis, irrégulièrement biseautés par les frottements d’usure pendant la marche, paraissent être une caractéristique de ces modèles qui sont généralement portés par 4 ou 5 à chaque cheville. Plus rares sont les exemplaires à charnières ou à perforations destinées à les relier entre eux pour éviter leur usure anarchique. Plusieurs associations funéraires situent ces parures au Ha D1. Dans le Jura ils accompagnent dans plusieurs ensembles funéraires les bracelets en « lignite » larges, les pendeloques en rouelles, en grelots et les crotales, les agrafes de ceinture ou l’épingle à col de cygne, plus rarement les brassards‑tonnelets, les agrafes de ceinture en triangle et rectangle et les disques ajourés : Chemilla (Piroutet 1913), Fertans/aux Rompues t. 2 (Piroutet 1913), Gevingey t. G (Clos, Robert 1883), Forêt des Moidons t. 1, t. 2 et t. 10 sép. a (Millotte 1963), Forêt des Moidons t. 5 (Piroutet 1900a), La Rivière‑Drugeon t. 2 sép. III (Bichet, Millotte 1992). En Bourgogne et en Haute‑Marne, on les retrouve en outre avec les bracelets à oves : Minot/Banges t. 2. (Henry 1933). On notera sans l’interpréter l’absence de fibules dans tout ces ensembles.
52La typologie et la répartition géographique des thèmes décoratifs laissent apparaître plusieurs familles parmi les 25 ensembles d’anneaux que nous avons eu l’occasion d’examiner (fig. 100 et 101).

FIG. 100 – Anneaux de chevilles ouverts en ruban du Jura et de Bourgogne : 1 Crançot, 2 La Châtelaine, 3 Gevlngey, 4 Moidons 2 sép. centrale, 5 Moidons 5 sép. centrale, 6 Clairvaux, 7 Chemilla, 8 Flavigny‑sur‑Ozerain, 9 sans origine (MAN, inv. no 17753), 10 Fertans, 11 Crançot.
V.G. del./AFAN

FIG. 101 – Anneaux de chevilles ouverts en ruban du Jura et de Bourgogne : 12 Moidons 10 sép. a, 13 Créancey/Les Murots Bleus D, 14 Minot 2‑B, 15 MAN, inv. no 71887, 16 Minot 2‑A, 17 Côte‑d’Or (MAN, inv. no 50582), 18 La Rivière‑Drugeon 2‑III (Bichet, Millotte 1992), 19 Thury (Guillaumet 1984), 20 Chaffois/La Carrière 2 (musée de Pontarlier, inédit), 21 Flagey/Au Cassard, 22 Moidons 1 sép. 2, 23 Amancey/Camp de Mines 8.
V.G. del./AFAN
53Les modèles les plus simples sont ornés de bossettes aux arêtes plus ou moins marquées. Les anneaux de Crançot (fig. 100, no 1), La Châtelaine (fig. 100, no 2), Gevingey (fig. 100, no 3) sont tellement identiques que leur provenance d’un mpeme atelier peut être envisagée. Les exemplaires des Moidons t. 2, sép. centrale (fig. 100, no 4) ainsi que ceux de Courtesoult où les bossettes alternent avec des nervures étroites, se rapportent à ce type.
54Les anneaux de Clairvaux (fig. 100, no 6) et des Moidons t. 5 (fig. 100, no 5) se distinguent en intégrant des plages lisses entre les bossettes et des hachures incisées. Les plages lisses, séparant cette fois des groupes de côtes fines, se retrouvent sur les anneaux de Flavigny‑sur‑Ozerain (fig. 100, no 8) (Joly 1950) et de Cusey/Les Combottes (Lepage 1984).
55Un troisième groupe se caractérise par l’utilisation de panneaux hachurés, barrés de diagonales ou de croix de Saint‑André incisées, alternant avec des bossettes ou des cannelures. Ils peuvent composer le seul motif (Banges/Minot 2‑A et 2‑B) (fig. 101, nos 16, 14) ou sont associés plus souvent à d’autres panneaux décorés de chevrons : La Rivière‑Drugeon /Grand‑Communal 2/III (fig. 101, no 18), Thury (fig. 101, no 19) (Guillaumet 1984), Côte‑d’Or, sans provenance MAN (fig. 101, no 17), Créanccy (fig. 101, no 13), Igé (Saône‑et‑Loire) (Chantre 1878). Ils montrent une diffusion bourguignone affirmée. D’autres motifs (losanges, triangles opposés par le sommet, hachures) se retrouvent sur les anneaux des Moidons t. 10, a (fig, 101, no 12), Chaffois/La Carrière t. 2 (fig. 101, no 20), Outriaz (Ain) (Chanel 1907) et sur un exemplaire sans provenance du MAN (fig. 101, no 15).
56Les modèles à charnières ou à perforations latérales sont quant à eux bien caractéristiques. On les trouve sur le plateau d’Amancey/Camp de Mine 8 (fig. 101, no 23), Flagey/au Cassard (fig. 101, no 21), avec les triangles hachurés et aux Moidons t. 1, sép. 2 (fig. 101, no 22) où le décor en bossettes en pointe de diamant est pour l’instant unique.
57Enfin, des variantes étroites s’éloignent aussi par leurs motifs des exemplaires précédemment décrits : Crançot (fig. 100, no 11), Fertans (fig. 100, no 10), Chemilla (fig. 100, no 7), sans origine MAN (fig. 100, no 9).
58D’autres anneaux ont également été signalés à Cogna, Rosay‑sur‑Cousanœ, Piételle (Jura) (Piroutet 1913), Genay t. 2‑F, Châteauneuf, Créancey t. 1 (Henry 1933), Mailly‑le‑Château (Wamser 1975). En Moselle les 12 anneaux de Kalhausen, beaucoup plus septentrionaux et dont les conditions de découverte restent imprécises, ont été rapprochés des anneaux de chevilles jurassiens (Millotte 1965b).
59Ici encore nous nous trouvons en présence d’une parure caractéristique du Jura français et de la Bourgogne, dont l’aire de répartition ne dépasse pas, vers l’est et le sud‑est, les limites de la trouée de Belfort et de la haute chaîne jurassienne (fig. 102).

FIG. 102 – Carte de répartition des agrafes de ceinture en triangle et rectangle et des anneaux de chevilles rubanés ouverts.
Agrafes décorées au trémolo : 2 Châtillonais (Joffroy 1954), 3 Essey‑les‑Eaux (Joffroy 1954), 4 Nijon/La Mottote (Lepage 1984), 5 Fontaine‑en‑Duesmois/La Gormotte 2 (Lepage 1985), 6 Courtesoult/Sainte‑Catherine sép. 6 et 7, 8 Chassey/Le Camp (Thevenot 1983), 9 Amancey/Resseru 3, aux Grands Poiriers tumulus 6 (Millotte 1963), Château‑Sarazin 2 (musée de Besançon no 849.13.21), 12 Arbois Grange Perrey 1 coupe 1 (Millotte 1963), 13 Forêt des Moidons 16 sép. centrale, tumulus no 2 Boilley.
Agrafes non décorées ou autres décors pointillés, estampés : 1 Chouilly/Les Jogasses (Hatt, Roualet 1976), 7 Créancey/Murots Bleus (Henry 1933), 10 Amondans/Au Décret, tumulus 2 (Millotte 1963), 11 Refranche/Corne Guerriot 13 (Castan 1860, Joffroy 1954), 13 Forêt des Moidons 16‑h, 14 Bois de Parançot tumulus 1‑m (Piroutet 1904), Vivès‑Duboz a (Millotte 1963).
Anneaux de chevilles ouverts décorés. Franche‑Comté : 6 Courtesoult/Sainte‑Catherine, sépulture 7,13 Moidons tumulus 5 (Piroutet 1900a), 14 Moidons tumulus 1, tumulus 2 (Piroutet 1900a), tumulus 10 a (Millotte 1963), 15 La Châtelaine (Millotte 1963), 16 La Rivière‑Drugeon/Le Grand Communal tumulus 2‑III (Bichet, Millotte 1992), 17 Fertans/Aux Rompues tumulus 2 (Millotte 1962), 18 Cogna (Millotte 1963), 19 Chemilla, tumulus (Millotte 1962), 20 Gevingey, tumulus C (Millotte 1962), 21 Crançot, dépôt ? (Millotte 1962), 22 Outriaz (Millotte 1963), 23 Clairvaux (Millotte 1962), 24 Flagey/Au Cassard 1 (Millotte 1963), 25 Chaffois/La Carrière, t. 2 (fouilles P. Bichet, musée de Pontarlier). Bourgogne, Haute‑Marne : 7 Créancey/Murots Bleus, tumulus D (Henry 1933), 26 Igé (Wamser 1975), 27 Thury, tumulus 3‑2 (Guillaumet 1984), 28 Châteauneuf (Henry 1933), 29 Genay, tumulus II, F (Henry 1933), 30 Mailly‑le‑Château (Wamser 1975), 31 Minot/Banges, tumulus II, B et C (Henry 1933), 32 Cusey/Les Combottes (Lepage 1984), 33 Flavigny‑sur‑Ozeraln (Joly 1950).
D.B., J.‑F.P. del./ Culture
3.4.2 Anneaux de chevilles pleins à section circulaire
60Tous les exemplaires appartenant au type circulaire fermé sont caractérisés par un diamètre nettement supérieur à celui des bracelets (130 mm env.) et une section circulaire ou ovalaire comprise entre 4 et 6 mm. Les anneaux en bronze de la tombe 11 (fig. 33, st. 11, nos 8, 9), les seuls de ce métal retrouvés en place, sont décorés d’incisions en zigzag évoquant les motifs serpentiformes connus à Haguenau sur des torques et des bracelets (Schaeffer 1930). Neuf fragments lisses recueillis hors contexte appartiennent vraisemblablement à des parures de ce type (fig. 96, nos 17 à 22). L’un d’eux, présentant une extrémité lisse, peut avoir appartenu à un modèle ouvert ou soudé à extrémités rapprochées. Deux d’entre eux, encroûtés d’oxyde de fer, laissent supposer qu’ils étaient portés par paire à chaque cheville avec un anneau en fer comme cela se rencontre parfois (Königsbrück 14‑X, Kurzgeländ 7‑IV ; Schaeffer 1930). Un autre exemple d’anneaux de chevilles doubles, tous deux en fer, est illustré par l’inhumation 28 (fig. 60, nos 1, 2), alors que des anneaux en fer, un par cheville cette fois, sont encore présents sur l’inhumation 13 (fig. 46, st. 13, nos 3, 4).
61Les anneaux de chevilles pleins, lisses ou à jet de coulée en bronze, apparaissent dès le Hallstatt D1 en Bade‑Wurtemberg et en Alsace. À partir du Hallstatt D2 ils représentent une parure particulièrement prisée et seront portés jusqu’au Hallstatt D3 sous la forme lisse ou à jet de coulée apparent (Schaeffer 1930 ; Aufdermauer 1967 ; Kilian‑Dirlmeier 1970 ; Zürn 1970 ; Planck 1981). Les anneaux en fer, beaucoup moins fréquents (Bulle/Grand‑Communal 1‑II), ne sont‑ils pas quant à eux sous‑représentés pour des raisons de conservation ?
3.5 Les ceintures
3.5.1 Agrafes de ceinture en rectangle et triangle accolés
62Les agrafes de ceinture des inhumations 6 (fig. 22, no 10) et 7 (fig. 26, A, no 5) viennent s’ajouter à la liste d’un modèle bien connu depuis l’inventaire de R. Joffroy (1954). Toutes deux sont constituées par une plaque de tôle épaisse découpée en rectangle large et triangle accolé sur un des grands côtés. La partie triangulaire se termine par un crochet, alors que le mode de fixation de l’autre extrémité est à la fois latéral au moyen de deux languettes plates recourbées et proximal avec une seule languette. Le décor de l’exemplaire de la sépulture 6 (fig. 22, no 10), réalisé au trémolo, est composé de panneaux à croisillons et d’arcs de cercles. Celui de l’agrafe de la sépulture 7 (fig. 26, A, no 5), beaucoup plus sobre, souligne simplement le bord de l’objet. Ces agrafes correspondent au dispositif d’attache de ceintures souples qui peuvent être ornées d’appliques circulaires en bronze juxtaposées, décorées de nervures concentriques embouties et de cabochons hémisphériques en nombre moins important (sépulture 6 et 7). L’exemplaire très analogue de la sépulture D du tumulus de Nijon (Haute‑Marne) nous renseigne mieux sur la disposition des appliques circulaires, fixées en quinconce sur 6 rangées, soulignées sur le bord supérieur par une ligne de cabochons hémisphériques (Lepage 1984).
63La morphologie de ces agrafes de ceinture permet de distinguer plusieurs variantes de ce modèle court à griffes de fixation ou à rivets :
– agrafes ovalaires ;
– agrafes trapézoïdales allongées : Moidons 2, sép. centrale (Piroutet 1900a), Igé, Les Jogasses 130‑droite (Hatt, Roualet 1976) ;
– agrafes triangulaires : Chamouilley (Lepage 1984 : fig. 60) ;
– agrafes en triangle et rectangle large : Courtesoult, sép. 6, 7 ;
– agrafes en triangle et rectangle étroit : Les Jogasses 116, 130‑gauche, 138 (Hatt, Roualet 1976).
64Dans le Jura, les agrafes de ceinture en triangle et rectangle font partie d’ensembles funéraires comprenant des objets caractéristiques du Ha D1 comme les brassards‑tonnelets (Mesnay t. 1, sép. m du Bois de Parançot) ou les pendeloques en rouelles (Ivory/Les Moidons t. 16, sép. centrale) (Millotte 1963). Les modèles en rectangle allongé du cimetière des Jogasses associés avec des fibules à pied décoré redressé (tombes 35, 116, 130, 138) de la période Aisne‑Marne IA leur sont postérieures (Demoulé 1989).
65À côté des agrafes ovalaires présentes dès le Ha C (Lüscher 1989 ; 1991), dont la zone de diffusion centrée sur le Plateau suisse empiète sur le Jura français (Drack 1968‑1969), ou des agrafes trapézoïdales également représentées sur le premier plateau jurassien et en Bourgogne, les modèles en rectangle large et triangle se répartissent dans un domaine géographique bien circonscrit entre les plateaux du Jura central au sud‑est et la vallée de la Marne au nord (fig. 102). Les exemplaires signalés au Camp de Chassey (Thevenot 1983), Nijon et ceux de Courtesoult, ne viennent pas sensiblement modifier la répartition équilibrée d’un type d’objet qui unit, au début du Hallstatt final, le Jura central (région de Salins‑Amancey), la Bourgogne, la Marne et la haute vallée de la Saône. Par contre, les modèles à triangle étroit et ceux à décors estampés‑repoussés qui figurent parmi les exemplaires des Jogasses (tombes 116, 138) localisés dans la partie nord‑occidentale de cette aire de répartition (Côte‑d’Or, Haute‑Marne, Champagne), semblent indiquer une adaptation plus récente de cette mode vers le nord.
3.5.2 Plaques de ceinture en tôle de bronze décorées
66Six plaques de ceinture ont été recueillies en place sur des sépultures (inhumations 13, 27, 28, 29, 48), ou sont attribuables à une tombe précise (inhumation 3). Quelques fragments de tôle de bronze décorés au repoussé de rangées de croisillons alternant avec une nervure verticale, ont été recueillis dans la terre du décapage superficiel de la zone N./N.‑O. du tumulus (aux environs des tombes 19 et 22) (fig. 96, nos 26 à 28 et 33 à 36). Ce décor, différent des précédents, laisse penser qu’une septième sépulture maintenant détruite était également dotée d’une plaque de ceinture. Ces parures appartiennent à trois des types définis par I. Kilian‑Dirlmeier (1972) dont nous reprendrons la classification.
67Les plaques des inhumations 3 (fig. 17, st. 3, no 8) et 48 (fig. 95, A, no 11) se rapportent au type peu décoré de Wangen, caractérisé par l’une ou les deux extrémités ornées de nervures verticales délimitant des motifs intermédiaires représentés le plus souvent par de simples lignes de bossettes ou d’échelles. Le premier exemplaire est incomplet ; n’est conservé de l’ornementation qu’une ligne de pointillés encadrée par deux nervures qui rappelle une autre plaque de ceinture haute‑saônoise du tumulus 1 de Gy/En Capsio (fouilles M. Démésy). La seconde plaque, plus étroite, est décorée à ses deux extrémités par deux lignes d’arcs de cercles et une ligne de cercles estampés, respectivement séparées par une nervure. Le type de Wangen, daté par trois associations du Ha D1 (Kilian‑Dirlmeier 1972), se retrouve dans la sépulture 1 du tumulus du Grand Communal à Bulle (Doubs) associé, à une petite fibule en nacelle et disque d’arrêt. Son aire de répartition couvre la Suisse septentrionale, le Jura français et s’étend jusqu’en Hesse rhénane et en Autriche.
68La plaque de l’inhumation 28 (fig. 62, no 17) est représentative des modèles sobrement décorés du type d’Amancey. Une quadruple rangée verticale de bossettes repoussées aux deux extrémités permet de classer cette parure, réparée en plusieurs endroits, dans la variante 3 de I. Kilian‑Dirlmeier. Les plaques de ceinture du type d’Amancey sont également nombreuses dans le domaine hallstattien occidental, alors que la variante 3 n’apparaît qu’en Thuringe.
69Les plaques des inhumations 27 (fig. 59, st. 27, no 8) et 29 (fig. 65, no 1) sont les plus décorées. La disposition du décor linéaire en rectangles emboîtés caractérise le type de Brumath auquel ces parures peuvent être assimilées. La plaque de l’inhumation no 27 en représente ici une variante par l’utilisation de motifs en panneaux de croisillons qui évoquent l’organisation de certains exemplaires du type de Singen (Arbois/Grange Perrey, tumulus de la Fontaine de la Corne, Ohlungen 3‑I), alors que les frises centrales de losanges pointillés paraissent originales. La ceinture de la sépulture no 29, plus étroite et plus sobre avec son décor de hachures pointillées, trouve un bon parallèle dans le Jura (tumulus 3 de La Rivière‑Drugeon/Le Grand Communal). Le décor et les dimensions de la petite plaque de cette même tombe semblent attester qu’il s’agit là d’un élément indépendant. Quoique plus inhabituel, on peut rapprocher ce dernier de l’exemplaire de Haguenau/Kurzgeländ 7‑IV où deux plaques de petites dimensions garnissaient la ceinture en alternance avec des appliques en grènetis et des anneaux mobiles (Schaeffer 1930). Des dispositifs analogues tiennent lieu de contre‑plaque qui peuvent être dotées d’anneaux mobiles pour la fermeture de la ceinture : Harthouse 10‑I et 12‑VI, Maegstub 4‑V, Singen t. 50/28, Ossingen Hüg. 13 (Kilian‑Dirlmeier 1972). Les hachures pointillées et les croisillons constituent des modes décoratives particulièrement diffusées entre le Plateau suisse et le Jura français, manifestation probable d’une zone d’atelier et de création dont l’influence se ressent vers l’ouest jusqu’en Bourgogne (Kilian‑Dirlmeier 1972 : 121).
3.6 Les pendeloques et les colliers
3.6.1 Crotales
70Les crotales constituent avec les rouelles et les grelots‑cages un type de pendeloque caractéristique du Hallstatt jurassien. Les quatre exemplaires recueillis sur la tombe 7 (fig. 26, A, nos 1 à 4) se distinguent par leur grande taille (55 mm), un anneau de suspension court et deux branches rectilignes décorées de lignes parallèles et de chevrons emboîtés incisés, partiellement usés. Les deux crotales de l’inhumation 46 (fig. 90, nos 3, 9) sont beaucoup plus courts et trapus. Les branches arrondies, également décorées d’incisions obliques et de chevrons emboîtés à leurs extrémités, sont surmontées par un anneau de suspension bien dégagé. Ces deux variantes morphologiques se retrouvent sur d’autres sites. On opposera ainsi les exemplaires allongés de Montigny‑sur‑Aube, des Moidons t. 16, sép. centrale, de Nogent‑en‑Bassigny (Lepage 1984) et du musée de Besançon à ceux plus courts de Champagnole/Mont Rivel (Leng 1990), des Moidons t. 8, Fertans, Flagey, Ornans/Bois d’Onchaud (Millotte et al. 1971), La Rivière‑Drugeon/Le Grand Communal t. 2‑III (Bichet, Millotte 1992).
71Le nombre des crotales présents dans les tombes est variable, généralement un ou plusieurs exemplaires, cinq dans la tombe unique du tumulus 2 des Rompues à Fertans (Piroutet 1928). Ils peuvent être associés dans le même ensemble aux grelots et aux rouelles avec lesquels ils entraient sans doute dans la composition de la même parure (les Moidons t. 8, 16, Montigny‑sur‑Aube, La Rivière‑Drugeon t. 2‑III du Grand Communal). M. Piroutet qui recense un certain nombre de ces associations remarque que « ces sortes de décorations se trouvaient ordinairement sur la poitrine ; lorsque, beaucoup plus rarement elles sont apparues sur le bassin, il est probable qu’elles y avaient glissé de plus haut » (Piroutet 1928).
72La position des crotales dans la tombe 7 de Courtesoult, placés côte à côte sous l’agrafe de ceinture entre les fémurs, laisse penser qu’il s’agissait plutôt ici d’une parure portée dans la région du bassin, sinon un ornement de ceinture. Une fonction semblable est également envisagée pour l’inhumation 46, bien que les deux crotales aient été retrouvés plus éloignés l’un de l’autre mais toujours dans cette partie du corps. D’autres utilisations sont également attestées comme le montre le crotale suspendu à un torque du tumulus A des Murots Bleus à Créancey (Côte‑d’Or).
73Les associations funéraires situent ces parures au Hallstatt D1. On les rencontre dans le Jura avec les brassards‑tonnelets, l’épingle à col de cygne, le disque ajouré, les bracelets larges en « lignite », les agrafes de ceinture à crochet et les pendeloques en rouelle déjà mentionnées (Millotte et al. 1971). En Bourgogne, la tombe centrale du tumulus de la Fontaine Naudot à Montigny‑sur‑Aube associait les crotales à des pendeloques discoïdes et à une paire de bracelets à oves également représentatifs de cet horizon chronologique (Wamser 1975).
74La carte de répartition proposée donne une image sans doute incomplète de la diffusion de ces parures occidentales caractéristiques du Jura central, de la vallée supérieure de la Saône et de la Bourgogne septentrionale (fig. 103). Les exemplaires de la Vienne, avec le collier à pendeloques en chaînettes terminées par des crotales de la sépulture de Mia à Saint‑Georges‑les‑Baillargeaux (Pautreau 1976), suggèrent une diffusion de cette mode vers l’ouest. Cependant, cette disposition rappelle plutôt les crotales caractéristiques des ensembles funéraires de la Maurienne et de l’Ubaye qu’il convient de distinguer de ceux du Jura par leur forme galbée « en goutte » à base étroite et leur association fréquente à des chaînettes, quelquefois nombreuses, au bout desquelles ils sont accrochés (25 à Saint‑Sorlin d’Arves, 31 à Albiez‑Montrond). Ils ont également servi de pendeloques à Aure (Ardennes) les Rouliers 89 b (Rozoy 1987), attachés à des bracelets comme à Guillestre (Hautes‑Alpes) ou à Meylan (Isère) (Bocquet, Ballet 1986). Une datation plus tardive de ce type est d’ailleurs fournie aux Rouliers et par la fibule laténienne à faux ressort du dépôt funéraire d’Albiez‑Montrond (Miliotte 1974).

FIG. 103 – Carte de répartition des crotales : 1 Mandeure (Piroutet 1903), 2 Pugey (Millotte 1963), 3 Ornans/Bois d’Onchaud (Miliotte et al. 1971), 4 Flagey/Au Cassard, tumulus 1 (Miliotte 1963), 5 La Rivière‑Drugeon/Le Grand Communal tumulus II, 3 (Bichet, Millotte 19), 6 Fertans/Aux Rompues tumulus 1 (Miliotte 1963), 7 Ivory/Les Moidons, tumulus 8‑a, tumulus 16 (Miliotte 1963), 8 Arbois/Grange Perrey, tumulus de la buvette du général (Miliotte 1963), 9 Venère/Bois de la Vaivre (fouilles M. Démésy), 10 Courtesoult/Sainte‑Catherine, sépultures 7, 46, 11 Bourguignon‑les‑Morey (Bouillerot 1874), 12 Montigny‑sur‑Aube/Fontaine Naudot (Wamser 1975), 13 Etaules/Le Chatelet (Nicolardot 1988), 14 Blaisy‑Bas, tumulus 2‑II (Nicolardot 1988), 15 Fleurey‑sur‑Ouche/Bas de Caillette 10‑A (Wamser 1975), 16 Créancey/Murots Bleus A (Henry 1933), 17 Mailly‑le‑Château/Sur le Beauvais (Wamser 1975), 18 Bourges (Willaume 1985), 19 Rossay (Pautreau 1976), 20 St‑Georges‑les‑Baillargeaux/Mia (Pautreau 1976), 21 St‑Jean‑de‑Belleville (Bocquet, Ballet 1986), 22 St‑Jean‑de‑Maurienne (Bocquet, Ballet 1986), 23 Meylan (Bocquet, Ballet 1986), 24 Albiez‑Montrond (Miliotte 1974), 25 St‑Sorlin‑d’Arves (Bocquet, Ballet 1986), 26 Guiilestre/Peyre‑Haute (Courtois 1976), 27 Jausiers/Les Mats (Courtois 1976), 28 Nogent‑en‑Bassigny (Lepage 1984), 29 Champagnole/Mont‑Rivel (Leng 1990), 30 Sion/Rue de Loèche (Gallay, Kaenel 1986).
D.B., J.‑F.P. de/./Culture
3.6.2 Colliers de corail
75Deux colliers de corail ont été retrouvés sur les inhumations 27 (fig. 59, st. 27) et 28 (fig. 62). Le premier est composé de 15 perles subsphériques polies de 5 à 8 mm de diamètre, aplaties au niveau de la perforation, d’aspect saccharoïde blanc‑jaunâtre ou rosâtre. Leurs étaient associées quatre séries de perles semblables groupées par 2 et par 3 qui sont difficiles à attribuer à une tige segmentée ou à des perles soudées par le concrétionnement. Des éléments semblables sont également présents dans la composition du second collier. Deux perles isolées, 3 paires et 4 perles attenantes étaient associées à 9 branches de corail brut perforées longitudinalement d’une longueur maximale de 27 mm. Les diamètres compris entre 4,5 et 6 mm, sont en moyenne inférieurs à ceux des perles précédentes. Dans les deux cas ces perles étaient situées très près du maxillaire inférieur et plusieurs d’entre elles, encore alignées, attestent leur appartenance à un collier simple qui, dans le cas de la tombe 28, était probablement indépendant des amulettes placées sur le côté gauche du thorax.
76Une récente mise au point sur l’emploi du corail dans la parure hallstattienne d’Alsace donne l’occasion à M.P. Koenig d’exposer la problématique sur l’origine et la diffusion d’un matériau particulièrement prisé aux premier et deuxième âge du Fer pour la confection de parures variées : ornements pectoraux, têtes d’épingles, incrustations sur des bracelets ou des fibules, pendentifs (Koenig 1987). La liste déjà un peu ancienne des colliers de corail du Bade‑Wurtemberg dressée par K. Spindler montre que la plupart d’entre eux comprennent à peine plus d’une dizaine de perles subcirculaires (Spindler 1983). Les colliers de Haguenau avec 33 et 109 perles et celui de Singen avec 32 éléments font figure de raretés. Parmi les pièces les plus remarquables, il convient de mentionner le plastron imposant (35 x 7 cm) de Kaltbrunn (Bade). La reconstitution proposée de 9 rangées de branches de corail brut, maintenues écartées par des barrettes perforées en ivoire, est très comparable au plastron d’ambre de la tombe 97 du Magdalenenberg ou de la tombe 67 du Dürrnberg à Hallein, illustrant le caractère de prestige interchangeable de ces deux matières. Dans le Jura, c’est à une parure peut‑être analogue que devaient appartenir les quelques branches de corail et les trois barrettes perforées en ivoire (en fait en os) mentionnées sur les sépultures centrales et « h » du tumulus 16 des Moidons (Millotte 1963) ainsi que la barrette multiperforée accompagnée de corail2 du tumulus des Gentianes à La Rivière‑Drugeon (Bichet, Millotte 1992).
77L’origine et le processus de diffusion du corail de Méditerranée ne sont pas pour autant résolus dans le détail. Une carte de répartition de ces parures, peu attestées dans la vallée du Rhône illustrerait plutôt une diffusion depuis l’Italie à travers les Alpes (Champion 1976). Cette hypothèse n’écarte pas la possibilité d’une origine conjointe d’un corail blanchâtre présent en Atlantique et dans la mer du Nord.
78La chronologie de l’utilisation du corail et ses implications sociales au nord de l’arc alpin sont par contre mieux connues par les travaux de S. Champion. Amorcée dès le Ha D1, prenant de l’importance à la période suivante, la parure de corail apparaît alors contrôlée et réservée à une élite (Champion 1985), même si se pose encore la question des mécanismes de redistribution de la matière première et des produits finis. La thèse développée par S. Champion trouve son illustration dans les nécropoles d’Allemagne du Sud‑Ouest, d’Alsace et du Jura. Marqueur au Hallsatt final d’un rang social intermédiaire entre les plus riches et le restant des individus privilégiés enterrés en nécropole, la diffusion plus large du corail à partir de La Tène reflète à travers un type particulier de parure l’évolution du contexte social et sans doute des échanges.
3.6.3 Collier en verre, ambre et bronze
79La parure pectorale de perles de verre, bronze et ambre de l’inhumation 46 représente une découverte particulièrement originale et intéressante. Les 789 perles décomptées se répartissent de la façon suivante :
– 130 anneaux de bronze à section carrée (diam. 4 mm) ;
– 24 spirales de bronze environ, longues de 1,8 à 2,2 mm ;
– 136 perles, en verre noir à brunâtre, mates et bulleuses, quelquefois à structure litée ou hélicoïdale, passant de la forme sphérique, à perforation cylindrique, à des annelets plus ou moins aplatis (diam. moy. 5 mm) ;
– 182 perles en verre analogues aux précédentes (diam. moy. 3 mm) ;
– 311 perles en verre en annelets (diam. moy. 2 mm) ;
– 6 perles en ambre sphériques, aplaties au niveau de la perforation (diam. entre 4,5 et 7 mm).
80Techniquement les perles de verre montrent une structure hélicoïdale, bien décelable sur les cassures, suggérant une technique de fabrication par enroulement d’un filament de verre sur une âme métallique (Hendcrson 1989).
81La disposition des perles, telle qu’elle a pu être observée au cours du démontage guidé par l’image radiographique des éléments métalliques, montre deux ensembles distincts (fig. 89 et fig. 90, no 1) :
– un chapelet périphérique atteste une continuité où alternent des séquences d’anneaux de bronze et de perles de verre de gros diamètre, ponctuées par des perles en ambre isolées (fig. 90 no 1, en bas) ;
– décentré vers le crâne, un paquet dense composé de spirales de bronze et de perles en verre de toutes tailles regroupe la presque totalité des plus petites perles de verre (fig. 90 no1, en haut) ; les spirales et des séquences de perles en verre qui semblent alterner, vraisemblablement disposées sur plusieurs rangées superposées, montrent une orientation transversale par rapport à l’axe du corps.
82La répartition de ces éléments concentrés dans une zone correspondant à la partie supérieure du thorax proche du cou, exclut l’hypothèse d’un collier continu en l’absence de perles recueillies sous et autour du crâne. Elle rend l’hypothèse d’un plastron cousu également envisageable. Cette proposition semble également devoir être retenue à propos de la sépulture 2 du tumulus 3 de Thury (Côte‑d’Or)3. L La composition propre à chacun des deux ensembles isolés et leurs dispositions différentes peuvent s’expliquer par deux ornements indépendants. On peut aussi envisager un montage complexe d’un réseau parallèle de spirales et de petites perles de verre, associé à une rangée d’anneaux de bronze et de perles de verre et d’ambre de plus gros diamètre. L’extrême dégradation des vestiges osseux de cette sépulture ne permet pas d’écarter totalement l’existence possible de barrettes multiforées ou d’autres éléments en os actuellement disparus.
83Régionalement des perles de verre uni ou orné, de différentes tailles, sont connues en contexte funéraire du Hallstatt D1 à La Tène ancienne. Signalées isolément ou en quelques exemplaires, elles peuvent être quelquefois associées à des perles en ambre (La Rivière‑Drugeon t. 2, sép. 3) mais leur nombre ne dépasse que rarement la dizaine (Vuillecin/Grange Dessus, 14 perles ; Mantoche/Champs Rouget, tombe 9, 32 perles).
84Les perles opaques noirâtres, verdâtres ou brunâtres sont largement diffusées dans le domaine hallstattien occidental où elles apparaissent dans la composition de colliers ou de bracelets dans plusieurs ensembles funéraires dès le Ha D1 en Alsace, en Suisse et en Allemagne du Sud‑Ouest (Drack 1985). On notera cependant le caractère exceptionnel des parures à perles en verre nombreuses dont la composition peut être extrêmement variable : 2 362 perles de différentes couleurs dans la tombe à char annexe no 6 du Hohmichele qui compte également 351 perles en ambre (Riek, Hundt 1962), plus de 1000 dans l’inhumation du tumulus 5 de Böblingen (Zürn 1979), 292 dans l’ensemble 8 du tumulus I de Bonstetten (Drack 1985).
85Le caractère composite du collier de la tombe 46 de Courtesoult constitue une particularité. Dans certains cas l’utilisation de perles de verre de couleurs et de formes différentes répondait au souci de recherche de variété. Ainsi, à Böblingen des perles arrondies en verre brun clair, jaune, brun‑rouge, associées à des perles spiralées allongées en verre bleu et des barrettes perforées en os entraient dans la composition d’un pendentif pectoral complexe (Zürn 1979). On peut également citer le collier de perles composées de petites spirales de bronze, de perles de verre et de jais (?) de Subingen 7‑1, d’une longueur de 82 cm (Lüscher 1983). Plus près de nous en Côte‑d’Or, la parure de l’incinération n° 3 du tumulus Bourrachot à Salives (Côte‑d’Or) se rapproche beaucoup de celle de Courtesoult par l’utilisation de composants identiques avec une centaine d’annelets de bronze, une spirale en bronze, 7 perles en ambre, 5 en verre noir (Ratel 1967). Dans la sépulture 3 du tumulus 2 du Grand‑Communal à La Rivière‑Drugeon cinquante annelets de bronze, un anneau d’ambre tourné, huit perles d’ambre et huit perles en verre décorées de filets, appartenaient sans doute aussi à un collier composite (Bichet, Millotte 1992).
86On peut souligner à la suite de P.S. Wells (1980) et de K. Spindler (1983) le caractère exceptionnel de ce genre de parures souvent retrouvées dans des contextes à caractère aristocratique ou associées à un mobilier funéraire riche. De ce fait, leurs lieux de fabrication, s’ils sont à rechercher dans le domaine occidental du monde hallstattien (Schaeffer 1930 ; Haevernick 1975), devaient être relativement peu nombreux en raison de la spécialité technique requise (Wells 1980).
3.6.4 Perles en ambre
87L’ambre apparaît sous forme de perles dans deux sépultures –en incluant la parure composite de la sépulture 46 que nous venons d’examiner– ainsi que dans la tombe 27 sous la forme d’un fragment apparemment non travaillé et d’un petit éclat, et enfin dans le mobilier de la structure 32 comme ornement d’un cabochon de fibule (cf. § 3.1.8). La sépulture 37 contenait deux perles appartenant à deux types distincts. L’une, sphérique de 6 mm de diamètre, se range dans la catégorie de celles du collier de la tombe 46. Un fragment appartenait à une perle biconique à grosse perforation, de 2 cm de diamètre restitué. La position sans doute secondaire de ces deux perles retrouvées l’une au‑dessus du talon droit, l’autre au‑dessus de la hanche gauche de cet individu de sexe masculin, ne nous renseigne pas sur la composition de la parure à laquelle elles se rattachaient.
88Les perles d’ambre apparaissent fréquemment dans le mobilier des sépultures du premier âge du Fer du Jura et du bassin supérieur de la Saône en nombre et sous des formes différentes :
– Chavéria/aux Massettes tumulus 14 : perle irrégulière facettée (diam. 12 mm), Ha C (Vuaillat 1977) ;
– Chaffois/La Censure 1‑2 : petites perles d’ambre et fragments d’une perle en or creuse, Ha D1 (Bichet, Millotte 1992) ;
– Chaffois/La Censure 4 : 1 anneau d’ambre rouge tourné à section losangique (Bichet, Millotte 1992) ;
– Chaffois/La Censure 5 : collier de 103 perles de verre et d’ambre de différentes formes et formats. Perles sphériques ou aplaties de 14 à 3,5 mm, perles ovalaires (Bichet, Millotte 1992) ;
– Chaffois/Les Longs Champs sép. 1 : 31 perles d’ambre circulaires aplaties (Bichet, Millotte 1992) ;
– Chaffois/La Carrière 1 : 13 perles en ambre sphériques ou aplaties. Le même tumulus utilisé dès le Bronze moyen, contenait encore 2 perles en verre bleu, 2 perles en feuille d’or cannelées (Bichet, Millotte 1992) ;
– Dompierre‑les‑Tilleuls/Planquecet 1, sép. 1 : 1 perle cylindrique (Bichet, Millotte 1992) ;
– La Rivière‑Drugeon/La Loge : 1 perle ovalaire, 1 fragment tronconique décoré d’incisions parallèles à 5 perforations longitudinales (Bichet, Millotte 1992) ; des pendeloques analogues, à simple perforation munie d’un anneau de suspension ont été signalées en Wurtemberg à Hirschlanden, Böblingen, au Magdalenenberg où elles sont datées de la phase 7a de H. Parzinger, et se retrouvent plus à l’est à Aislingen, Hallstatt ou encore à Vace en Slovénie (Spindler 1983) ;
– La Rivière‑Drugeon/Le Grand Communal 2‑ sép. 3 : 7 perles en ambre aplaties, 1 perle en ambre ovalaire, 1 anneau tourné en ambre à section losangique, 8 perles en verre à filets, 50 annelets de bronze, Ha D1 (Bichet, Millotte 1992) ;
– Saraz/au Souillard 3 : 10 perles en ambre (diam. 4‑5 mm), 1 perle en « lignite » ou en pâte de verre (diam. 7 mm) (Castan 1860 ; Millotte 1963) ; les 5 perles d’un diamètres de 7/8 mm que nous avons examinées au musée de Besançon sont en verre, dont 4 altérées et brunâtres ont pu être confondues avec de l’ambre ;
– Silley‑Amancey : 2 perles en ambre (musée de Besançon, sans origine précise) (Millotte 1963) ;
– Fay‑en‑Montagne, tumulus : 3 perles en ambre à section demi‑circulaire (diam. 2 à 2,2 cm), 1 perle biconique en ambre (diam. 1 cm) (Vuillemey, Roulière‑Lambert 1989) ;
– Apremont/La Motte des Fées : 4 perles tournées en ambre à grosse perforation (diam. 2 cm), Ha D2‑3 (Perron 1880a ; 1880b ; 1882) ;
– Bucey‑les‑Gy/Les Cariottes : perle en ambre discoïde à bords arrondis à petite perforation (Bronze moyen ?) (Quivogne 1876) ;
– Mantoche/Bois d’Apremont 4 : morceau d’ambre rouge perforé de forme irrégulière, 3 perles en verre bleu (diam. 7 à 8 mm), Tène (Gasser 1904 : pl. II) ;
– Savoyeux, tumulus du Tremblois : 2 perles en ambre cannelées tournées, 1 perle en verre décorée d’un filet blanc en zigzag (Perron 1882).
89Cet inventaire, volontairement limité au domaine géographique et culturel proche de Courtesoult, permet de regrouper les découvertes d’ambre de l’âge du Fer régional en quatre catégories. Les ensembles de perles nombreuses (sphériques ou plus ou moins aplaties et de faible diamètre, quelquefois ovalaires), associant fréquemment des perles de verre ou de bronze, appartiennent généralement à des colliers ou des plastrons, bien que dans quelques cas la présence de bracelets ne puisse être totalement écartée. Des perles de plus gros diamètre à grosse perforation ou en anneau, étaient portées isolément ou en quelques exemplaires. Enfin, le tumulus 4 de Mantoche montre un exemple de pendentif non façonné. Les incrustations d’ambre apparaissent plus rares, comme le pommeau en ivoire de l’épée de Mindelheim de Chaffois/La Censure 3 ou le cabochon rectangulaire de la fibule de la structure 32 de Courtesoult.
90La place privilégiée de la Chaux d’Arlier apparaît clairement dans cette répartition. Les ensembles les plus importants mettent l’accent sur le Hallstatt D1‑D2, bien que l’utilisation de l’ambre se poursuive ensuite jusqu’au début de La Tène dans des sépultures moins nombreuses et les plus riches : sépulture à char d’Apremont, Savoyeux, nécropole de Mantoche.
91Comparativement aux groupes voisins, des tendances régionales semblent se dégager dans la forme des parures pectorales dominantes incluant des perles en ambre. À Haguenau prédominent les grosses perles portées en petit nombre en collier, en pendentif ou, comme à Ohlungen 3‑II, accrochées aux anneaux d’un torque. Parallèlement, les perles en verre brunâtre, noirâtre ou verdâtre sont utilisées dans la confection de nombreux bracelets alors que les colliers à perles de verre nombreuses sûrement identifiés sont rares. Dans le groupe Aisne‑Marne on privilégie les grosses perles, isolées ou rassemblées en pendentifs par un anneau de bronze (Mont Troté 153 ; Heiltz‑l’Evèque t. 40 ; Les Jogasses 72, 188 ; Saint‑Jean‑sur‑Tourbe) ou un lien périssable (Les Rouliers 89 B, Aulnoy, Les Jogasses 179). Elles sont plutôt caractéristiques de la fin du Hallstatt et du début de La Tène (Aisne‑Marne IB‑IIA) (Demoule 1989). C’est vers le Plateau suisse et l’Allemagne du Sud‑Ouest qu’il faut nous tourner pour trouver les comparaisons de colliers à perles nombreuses de verre et d’ambre. Ces derniers apparaissant les plus nombreux au‑delà des Alpes.
92Quant à l’origine de cette matière, souvent controversée, des analyses récentes, effectuées à partir d’un échantillonnage de parures de l’est de la France parmi lesquelles figurent cinq objets du premier âge du Fer, indiquent une origine balte exclusive (Pétrequin et al. 1987).
3.6.5 Fusaïole ou grain d’enfilage en argile cuite
93La moitié d’une petite fusaïole en argile cuite de section piano‑convexe (diam. 22 mm) a été retrouvée à droite du crâne de l’inhumation 5, à proximité d’un groupe de trois petites fibules (fig. 15 et fig. 17, st. 5, no 4). Sa fragmentation et sa position ne permettent pas de connaître ici la destination exacte d’un type d’objet quelquefois associé au mobilier funéraire et porté comme élément de parure (Piroutet 1904 ; Schaeffer 1930 ; Rozoy 1987 ; Chaume, Feugère 1990).
3.6.6 Parures pectorales composites et amulettes
94Les sépultures 28 et 48 portaient deux ornements pectoraux très semblables composés pour la première (fig. 62, nos 6, 7, 8, 8b, 9) d’une canine de sanglier, un galet perforé naturellement, une amonite fossile, un anneau de bronze et une pendeloque segmentée en os ; et pour la seconde (fig. 95, B, nos 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9) d’une canine d’ours perforée à la racine, un galet perforé naturellement, un fragment d’anneau‑disque en roche verte sans doute néolithique, deux métatarsiens de bœuf et de cheval perforés et polis, une coquille de murex, un anneau en fer et une lamelle d’incisive de castor. Leur similitude apparaît en outre dans leur position sur l’épaule où les objets de l’inhumation 48 sont très groupés ; plus dispersés le long du côté gauche dans l’autre cas. Si l’utilisation de certains de ces objets en pendeloque ne fait aucun doute, l’absence de perforation de quelques‑uns d’entre eux laisserait supposer un autre dispositif de support. Peut‑être étaient‑ils contenus dans un petit sac ou une housse ? Dans le cas de la sépulture 28 ce groupe de parures semble s’individualiser par rapport à un collier de perles de corail retrouvées très près du cou.
95La plupart de ces objets naturels ou peu façonnés ne justifie pas individuellement une étude typologique. La petite pendeloque (fig. 62, no 7) réalisée à partir d’un fragment de diaphyse épaisse trouve un bon parallèle également en os, mais non daté, à la Heuneburg (Sievers 1984 : Taf. 78‑1151). Elle évoque, sans leur être tout à fait comparable, les pendeloques tronconiques rainurées en ambre du Wurtemberg précédemment citées.
96L’étude des amulettes du Dürrnberg à Hallein (Autriche) donne l’occasion à L. Pauli d’élaborer une synthèse européenne détaillée qui fait apparaître la variété de ces parures (Pauli 1975). À côté des objets dont le choix est justifié par leurs propriétés physiques et décoratives, leur aspect insolite ou encore des représentations anthropomorphes religieuses ou votives, l’utilisation de matières précieuses ou rares, d’ossements animaux particuliers, constitue un inventaire important et varié où figurent souvent à plusieurs reprises les exemplaires présents à Courtesoult : canines de Suidés et d’ours, coquilles fossiles ou importées, quartz, pierres percées, haches polies, silex, etc. La position sur le squelette, préférentiellement sur les pieds, les hanches (le plus fréquent), l’épaule et l’avant‑bras, laisse supposer dans certains cas que ces offrandes avaient été déposées sur le corps au moment de l’inhumation.
97La durée d’utilisation de ces parures couvre le Hallstatt final (Ha D1‑D3) et La Tène. Elles apparaîtront quelquefois enfilées dans un torque ou encore dans un anneau de petit diamètre comme le montrent les exemples de la fin du Hallstatt final et de La Tène de la tombe M.T. 153 de Manre/Le Mont Troté (Ardennes) (Rozoy 1987), Saint‑Jean‑sur‑Tourbe (Marne) ou de Saint‑Dizier (Haute‑Marne) (Lepage 1984) et rappellent alors la disposition groupée des pendeloques de la tombe 48.
98L. Pauli leur confère volontiers une signification sociale particulière en constatant, lorsque les données de fouille le permettent, que ces parures vont de pair avec les tombes d’enfants et de femmes, peut‑être des jeunes filles célibataires (?) alors que les hommes n’en sont pratiquement jamais dotés.
3.7 Les boucles d’oreilles
99Les boucles d’oreilles creuses en tôle de bronze enroulée en croissant de petit diamètre (entre 11 et 24 mm), constituent les seules parures de cette catégorie présentes à Courtesoult dans quatre sépultures (19, 27, 28, 48). Ce type, distinct des modèles de plus grand diamètre (80 mm env.), est largement répandu dans le domaine hallstattien occidental en France de l’Est, en Bade‑Wurtemberg et en Suisse où W. Drack le date de la fin du Hallstatt (Ha D2/D3). Dans le Jura, quelques associations suggèrent son apparition dès le Ha D1 (La Rivière‑Drugeon/Le Grand Communal 2‑II). En Bade‑Wurtemberg, elles caractérisent l’horizon 7a de Parzinger où elles apparaissent dans le mobilier de la tombe VII du Hohmichele et dans la phase II du Magdalenenberg (Parzinger 1988).
3.8 Les objets métalliques divers
3.8.1 Rasoir en fer
100Le rasoir en fer de la tombe 15 (fig. 46, st. 15, no 2) constitue la seule offrande funéraire spécifiquement masculine rencontrée à Courtesoult. Sa lame en croissant, dégagée au centre, était détériorée aux extrémités de telle sorte qu’un doute est permis sur la forme de ses appendices. Les rasoirs, le plus souvent en bronze, sont fréquents dans les mobiliers funéraires du Hallstatt ancien avec leurs formes caractéristiques échancrées, ajourées ou dotées d’un anneau. Ils font partie du costume funéraire classique de l’aristocrate avec l’épée de bronze ou de fer en Bourgogne et, dans une moindre mesure, en Lorraine et dans le Jura. Par la suite leur présence semble se raréfier, bien que ces lames de fer souvent très fragilisées par les oxydes aient pu échapper à l’attention et à la mention des fouilleurs anciens. On le retrouve isolément au Bois de Parançot 8, sép. b, accompagné d’armatures de flèches en Alsace dans la sépulture 12 du tumulus 1 de Riedwihr (Bonnet et al. 1989) ou d’une céramique à Haguenau/Kurzgeländ 94‑III, Königsbrück 14‑IX (Schaeffer 1930). Ces associations sont peu significatives, même si quelquefois la présence de la lance dénote les attributs du guerrier (Königsbrück 14‑XXI, Heiltz‑l’Evêque tombe 24). Régionalement on retiendra parmi les rares exemplaires du Hallstatt D celui de l’incinération du tumulus princier d’Apremont où l’association avec l’épée de fer ployée évoque encore une réminiscence de la tradition du Hallstatt C. Chronologiquement, les rasoirs en croissant en fer sont présents en Suisse dans la sépulture à épée de fer de Unterlunkhofen (AG) datée du Ha C (Lüscher 1991). Ils sont représentatifs des horizons 5 et 6 dans le Nord‑Wurtemberg (Parzinger 1988).
3.8.2 Armature de flèche, lame triangulaire en fer
101Une armature de flèche triangulaire en fer du type du Bourget à double perforation (long. 27 mm) appartient au mobilier retrouvé dans le remplissage remanié de la tombe 3 (fig. 17, st. 3, no 6). Il s’agit de la réplique en fer d’un modèle en bronze apparu dans le courant du Bronze final et attesté dans le Jura dès le BF IIb‑IIIa (couche D3 de la grotte des Planches : Pétrequin et al. 1985). Bien représentées au BF III‑Hallstatt ancien (Soutou 1958 ; 1962 ; Gros, Gros 1972 ; Briard, Mohen 1983), les pointes du Bourget en tôle de bronze ont été quelquefois signalées dans des contextes plus tardifs du Hallstatt final (à Kleinosthcim, Wegner 1978) et de La Tène ancienne (Dedet 1992). Les exemplaires en fer avec ou sans perforation (difficile à détecter sur des exemplaires oxydés) apparaissent conjointement à partir du BF III (Gomez, Mohen 1981). Dans le domaine jurassien ce type ne fait pas partie du mobilier funéraire ou domestique habituel du Hallstatt, à l’exception de l’exemplaire allongé de l’incinération de l’enclos carré de Doucier/Collondon (Jura) daté de La Tène ancienne (Millotte 1981, fig. 21). Si l’exemplaire de Courtesoult ne peut être considéré avec certitude comme anachronique par rapport à la chronologie du tumulus, il diffère radicalement de la plupart des armatures de flèches en fer connues en contexte funéraire du Ha D en Allemagne du Sud‑Ouest, en Alsace et dans la Marne, le plus souvent allongées, à ailerons dégagés, avec ou sans pédoncule et dépourvues de perforations (Pauli 1978 ; Bonnet et al. 1991).
102La lame de fer triangulaire retrouvée sur la poitrine du squelette de la tombe 44 est plus difficile à interpréter en raison de son état d’oxydation (fig. 86, st. 44, no 6). Cet objet long de 70 mm semble se terminer sur le petit côté par une amorce de soie. Par sa morphologie et ses dimensions il se rapprocherait de certaines pointes de flèches hallstattiennes.
3.8.3 Eléments de chaussures
103Des petits objets de fer étaient étroitement associés aux ossements des pieds de deux inhumations. Une tige aplatie recourbée en anneau ovale se trouvait à la partie distale du tibia gauche de l’inhumé 12 (fig. 33, st. 12, no 1 et fig. 34) Deux fragments de fer inidentifiables et une tige terminée par une boule, l’autre extrémité ayant vraisemblablement disparu, se trouvaient à l’extrémité distale des tibias de l’inhumé 14 (fig. 38 et fig. 46, st. 14, no 6). D’autres objets analogues ont été recueillis hors contexte : une tige de fer terminée à une extrémité par un petit anneau et à l’autre par une boule (fig. 96, no 31), un fragment de tige aplatie terminée par une boule (fig. 96, no 32).
104Ces objets à tige bouletée terminée par un petit anneau ont été remarqués à Vix par R. Joffroy qui dresse un inventaire régional de ces « aiguillettes » provenant d’habitats et de sépultures du Hallstatt final à La Tène ancienne (Joffroy 1960a). Plus récemment des tiges de fer aplaties à large boucle ovale ont été trouvées contre les pieds des inhumations 91 et 102 du tumulus de Bressey‑sur‑Tille (Ratel 1977). Cette position concordante accréditerait l’interprétation comme éléments de fixation de chaussures ou passe‑lacets quelquefois proposée. Des objets semblables, en fer ou en bronze, sont interprétés cette fois‑ci comme pendeloques à la Heuneburg (Sievers 1984 : Taf. 76‑1121, 1122 ; Taf. 78‑1146, 1147) ou sur le site fortifié de la Cité d’Affrique à Messein (Meurthe‑et‑Moselle) (Lagadec et al. 1989).
105Deux crochets en bronze identiques (long. 49 mm), également dotés d’un anneau aplati ovalaire et d’une extrémité en boule décorée de deux rainures, comme le montre le plus complet d’entre eux, présentent certains point communs avec les précédents. Leur interprétation demeure conjecturale dans la mesure où ils ont été recueillis ici hors contexte (fig. 96, nos 16 et 25). Les recherches de comparaisons nous dirigent vers des modèles en fer à boule plus ou moins volumineuse ou aplatie à la Heuneburg (Sievers 1984 : Taf. 74‑ 1097, 1101), en contexte sépulcral dans les tumulus de Champberceau à Esnoms (Lepage 1984), de la ferme de Lochères à Minot (Peyre 1981). Des exemplaires plus courts, comparables à ceux de l’incinération de l’enclos de Doucier (Jura) (Millotte 1981 : fig. 21), peuvent être interprétés comme des fermetures de chaussures dans le tumulus de Fay‑en‑Montagne (Vuillemey, Roulières‑Lambert 1989), dans la tombe C du tumulus du Champ Peupin à Ivory, où ils semblent accompagner une chaussure montante matérialisée par une rangée de petits anneaux (certains passés dans un ruban de bronze) répartis le long de chaque péroné Joffroy 1957), ou enfin sur l’inhumation de La Tène ancienne de Saint‑Martin‑du‑Tertre (Barbier, Villes 1981).
3.8.4 Anneaux en fer de petit diamètre
106Deux anneaux en fer de 40 et 35 mm de diamètre ont été retrouvés à la base de l’abdomen du côté droit de l’inhumé 14 (fig. 46, st. 14, nos 2, 3). La moitié d’un anneau semblable a été recueillie hors contexte (fig. 96, n 30). Ces objets sont présents par paire ou isolés dans huit tombes du tumulus de Bressey‑sur‑Tille (Côte‑d’Or) ; l’un d’entre eux est associé dans la tombe 68 à une fibule en arbalète du Ha D3, à pied décoré d’un disque cupulé (Ratel 1977). Leur position sous le bassin ou comme à Courtesoult sur le côté droit de la hanche, permet d’envisager leur utilisation comme dispositifs de fermeture de ceintures.
3.9 La céramique
107La céramique rencontrée provient exclusivement de la masse du tertre et du remplissage de certaines tombes à l’état de tessons peu nombreux, fragmentés et disparates qui semblent exclure tout dépôt intentionnel. Il est possible de distinguer :
– deux jattes à bord droit à pâte brunâtre, de 19 et 25 cm de diamètre respectif (fig. 97, nos 1, 2) ;
– une tasse à bord rectiligne évasé (fig. 97, no 9) ;
– des fragments de coupes à bord biseauté décorées intérieurement d’incisions profondes (fig. 97, nos 3, 4) ;
– un pied creux (fig. 97, no 8) ;
– un fragment de rebord évasé appartenant à un gobelet fermé (fig. 17, st. 3, no 4) ;
– des fragments de pots à col évasé, décorés d’impressions poinçonnées obliques au sommet de la panse (fig. 17, st. 3, nos 2‑7 ; fig. 97, no 5) ;
– un fragment d’anse à section sub‑circulaire (fig. 97, no 7).
108La composition de cet ensemble ne permet pas un classement particulier dans le cadre de la céramique du Hallstatt final auquel la plupart de ces formes appartiennent, notamment les jattes à bords droits ou rentrants qui constituent au Ha D la grande majorité des récipients de type ouvert. Les coupes à décors internes incisés sont influencées par la tradition décorative du Ha C (céramique de tradition Alb‑Hegau et ses dérivés). Leur présence à la base du tertre montreraient une continuité de ces styles jusqu’au début du Ha D. La présence exclusive de céramique fine, une dominante des récipients de type simple ouverts ou de petits modules (coupes, bols, tasses, gobelets) et l’absence de fragments de récipients à provision de grande taille, évoquent une sélection par rapport à la gamme des formes de la céramique domestique. Elle pourrait correspondre ici soit à un choix rituel ou tout simplement à l’utilisation de récipients de consommation à l’occasion des travaux d’édification du tertre.
Notes de bas de page
1 Les nécropoles de la région de Salins (Jura) réparties sur plusieurs communes seront désignées pour plus de clarté par les lieux‑dits auxquels se rattachent les principales concentrations de tertres qui correspondent mieux à la réalité topographique de leurs répartitions : Forêt des Moidons, Bois de Parançot, La Grange Perrey.
2 Renseignement oral de M. Sobritz.
3 Information orale de J.‑P. Guillaumet.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Mottes castrales en Provence
Les origines de la fortification privée au Moyen Âge
Daniel Mouton
2008
Géoarchéologie de sites préhistoriques
Le Gardon (Ain), Montou (Pyrénées-Orientales) et Saint-Alban (Isère)
Dominique Sordoillet
2009
L’enceinte des premier et second âges du Fer de La Fosse Touzé (Courseulles-sur Mer, Calvados)
Entre résidence aristocratique et place de collecte monumentale
Ivan Jahier (dir.)
2011
Lyon, Saint-Georges
Archéologie, environnement et histoire d’un espace fluvial en bord de Saône
Grégoire Ayala (dir.)
2012
Les gisements précolombiens de la Baie Orientale
Campements du Mésoindien et du Néoindien sur l’île de Saint-Martin (Petites Antilles)
Dominique Bonnissent (dir.)
2013
L’Îlot du palais de justice d’Épinal (Vosges)
Formation et développement d’un espace urbain au Moyen Âge et à l’époque moderne
Yves Henigfeld et Philippe Kuchler (dir.)
2014
Bettencourt-Saint-Ouen (Somme)
Cinq occupations paléolithiques au début de la dernière glaciation
Jean-Luc Locht (dir.)
2002
Campements mésolithiques en Bresse jurassienne
Choisey et Ruffey-sur-Seille
Frédéric Séara, Sylvain Rotillon et Christophe Cupillard (dir.)
2002
Productions agricoles, stockage et finage en Montagne Noire médiévale
Le grenier castral de Durfort (Tarn)
Marie-Pierre Ruas
2002