Chapitre 6 Conclusion
p. 187‑194
Résumés
Pour les quatre enceintes, l’étude met en relief des différences tranchées dans le choix de l’implantation, la surface enfermée, le mode de construction, la datation que l’on peut proposer. En réalité, chacune peut être située dans un réseau défensif élaboré à des époques variables. Au nord de la Garonne, si Bordeaux s’oppose à Périgueux par l’étendue et la topographie, le détail de la construction rapproche les deux forteresses et telle particularité, par exemple l’ornementation de la porte de Mars à Périgueux, les situe dans les traditions édilitaires du Haut‑Empire ; leur édification a dû prendre place dans un vaste programme de défense du territoire entre la Garonne et le Rhin élaboré à l’époque de l’empire gallo‑romain et poursuivi jusque dans la première moitié du ive s. Bazas offre un autre type de rempart spécifique de la Novempopulanie où l’enceinte, en situation dominante, paraît s’ajouter à la ville antérieure et non la remplacer : ce système pourrait être reporté aux dernières décennies de la domination romaine dans la région. C’est entre les deux époques qu’il faut sans doute placer la construction du rempart de Dax, qui n’a comme point de comparaison que celui de Bayonne.
The study highlights for these four defensive Systems the different phases in the choice of position, the area enclosed, the construction technique and the dating that can be proposed. In reality, each one could be placed in a defence System elaborated at different periods. To the north of the Garonne, if Bordeaux contrasts with Périgueux by size and topography, the construction details bring closer together the two forteresses and each particularity, for example the ornamentation of the Mars gate at Périgueux, situates them as the result of municipal tradition of the early roman period; their construction having taken place within a vast programme of defence between the Garonne and the Rhine elaborated during the gallic empire and continuing up until the first half of the 4th century. Bazas offers another type of defence specific to Novempopulania where the rampart, in a dominant position, appears to Join the earlier town and not replace it; this System could be situated during the last decades of the roman occupation in the region. It is between these two periods that one must place the construction of the defences at Dax, which are not at all comparable with those of Bayonne.
Texte intégral
1Un récent colloque a mis en lumière le nombre et l’importance des incertitudes qui demeurent concernant des fortifications que l’on pouvait pourtant croire bien connues, les enceintes augustéennes (Enceintes augustéennes 1987). Sans aucun doute, il en est de même pour les enceintes de l’Antiquité tardive : leur étude cherche aujourd’hui à échapper aux idées reçues, aux tranquilles assurances et aux conceptions traditionnelles admises et répétées sans discussion.
2Il n’est pas inutile de rappeler que l’érection de remparts urbains apparaît, dans nos régions, comme une nouveauté radicale. Point d’enceintes du Haut‑Empire dans les Trois Gaules. Or la culture urbaine romaine propose depuis ses origines une assimilation de la ville à son mur, qui la définissait comme telle et distinguait, hors de Rome, les fondations coloniales. On ne doit donc pas s’attendre à rencontrer de remparts de haute époque romaine dans ces provinces qui ne connurent à vrai dire qu’une fondation coloniale, à Lyon ; jusqu’à une date avancée du iie s., si l’on met à part les régions rhénanes, le pouvoir impérial n’octroya l’honneur du rempart qu’à la seule ville d’Autun, que des liens privilégiés et anciens unissaient à Rome.
3Villes sans rempart pendant trois siècles au moins, les villes de l’Aquitaine sont pourtant clairement romaines par le développement de leurs centres civiques et monumentaux qui, toute proportion gardée, peuvent sembler démesurés et qui ont été érigés très tôt dans les villes de Saintes ou de Périgueux par exemple1. À l’instar de nombreuses villes des autres provinces gauloises, certains chefs‑lieux de l’Aquitaine s’entourent ensuite de remparts qui, pour n’être pas semblables, ont cependant un air de famille marqué et imposent une nouvelle image de la ville (par ex. Février in Duby et al. 1980 : 109). C’est cependant sur les dissemblances et les différences que le bilan de notre enquête va mettre en premier lieu l’accent.
6.1 Bilan de l’enquête
6.1.1 Les données de la littérature érudite
4La recherche sur les quatre villes de la région Aquitaine a été conduite avant tout suivant les moyens les plus classiques : nouvel examen des maigres sources textuelles, passage au crible de toutes les informations bibliographiques.
5Le résultat a été variable suivant les cas : à Bordeaux, où l’enceinte n’avait jamais fait en elle‑même l’objet d’une étude minutieuse, on a pu retrouver le plan cadastral de 1828, dont la trace était perdue depuis vingt ans, apporter des documents nouveaux et d’assez nombreuses précisions sur le tracé et les vestiges connus du rempart le long des faces méridionale et orientale, critiquer des hypothèses traditionnelles, notamment sur les portes et le rythme des tours, envisager l’existence d’un large remblai interne, au moins le long des côtés méridional et occidental.
6Le cas de Dax était, en principe, sans difficulté ; le rempart antique avait subsisté en grande partie, et sans modifications notables, jusqu’à une date avancée du xixe s. Pourtant, la littérature qui lui a été consacrée s’est avérée assez décevante ; on a revu avec soin les données transmises principalement par Dompnier de Sauviac, puis par Raimond Pottier, qui avaient pu observer directement l’enceinte et suivre sa démolition, mais dont les publications étaient remplies d’a priori ou d’approximations. Pour cette ville, le meilleur document sur le tracé du rempart antique est un plan de 1840, un peu oublié au profit du premier plan cadastral qui est peu fiable ; à l’aide de photographies contemporaines de la démolition du mur, ce plan de 1840 a permis de restituer une image exacte du côté méridional de l’enceinte, et par suite de remettre en cause l’organisation des portes de la ville remparée.
7À Périgueux au contraire, la recherche était guidée de manière sûre par les observations pertinentes et les remarquables relevés de Charles Durand ; l’enquête a apporté des précisions sur certains détails, des corrections mineures sur les abords du rempart (fossés, chemin de ronde) ; elle a attiré l’attention sur la question cruciale de l’intégration de l’amphithéâtre à l’enceinte romaine, sans pouvoir apporter de solution.
8À Bazas enfin, il n’y avait que bien peu de chose à ajouter dans le domaine de la littérature érudite au bilan dressé naguère par Jean‑Bernard Marquette.
9Naturellement, la recherche a tiré profit de la publication du POSHA de Dax, qui renferme un important bilan documentaire. Inversement, elle a stimulé la rédaction de celui de Périgueux pour l’espace couvert par la Cité et posé les premiers jalons pour celui de Bordeaux. La publication prochaine de celui de Bazas permettra sans doute d’apporter à notre exposé quelques retouches de détail, mais elle ne devrait guère le modifier sur le fond, puisqu’il a pu bénéficier des données des recherches archéologiques les plus récentes.
6.1.2 Les remparts et les recherches archéologiques récentes
10C’est à Bazas seulement que ces recherches ont apporté des matériaux nouveaux sur les remparts eux‑mêmes ; ici, les fouilles conduites à l’occasion de travaux édilitaires par Jean‑François Pichonneau de 1985 à 1988, puis en 1991, ont renouvelé la question d’abord par leurs résultats négatifs : le rempart ne se trouve pas où l’on croyait être assuré de son passage, sur la place de la cathédrale ; mais aussi par leur apport positif puisque l’on est maintenant (fouilles de 1991) assuré de la fortification de l’éperon rocheux dans l’Antiquité tardive ; au total elles révèlent une enceinte plus réduite encore que celle que l’on supposait jusqu’ici. Il appartiendra à J.‑F. Pichonneau de donner le résultat de ses dernières explorations dans ce domaine.
11À Périgueux, l’examen plus attentif qui a été fait de la porte de Mars contribue à éclairer le rôle et la fonction de la fortification. À Dax, un projet de sondage a échoué, qui devait découvrir les fondations de l’enceinte au fond de l’impasse J.‑B.‑Grateloup pour compléter les données très insuffisantes jusqu’ici. À Bordeaux, les connaissances ont progressé grâce à des fouilles extérieures à l’enceinte : ce sont d’abord celles qui ont été dirigées en 1974, puis en 1982 et 1983 par Pierre Debord et Marc Gauthier dans l’îlot Saint‑Christoly. Elles ont mis en évidence l’importance et l’évolution du lit de la Devèze, axe naturel majeur de la ville murée, et conduit Pierre Debord et Jacques Doreau à un nouvel exposé sur le débouché de cette rivière dans la Garonne et le port intérieur de Bordeaux ; malheureusement, l’obscurité des témoignages recueillis jusqu’ici, avant tout celui de Camille de Mensignac, ne permet pas d’apporter de solution raisonnable sur cette question cruciale. Plus récemment, les fouilles menées par Dany Barraud en 1984 et 1985 rue des Frères‑Bonie ont éclairé de façon décisive les abords de la muraille à l’angle sud‑ouest, et montré à cet endroit l’aménagement d’un large glacis extérieur, et l’absence de fossé.
12L’étude des cadastres et l’interprétation de photographies aériennes verticales sont venues donner quelque consistance à l’agglomération de Cossio sous le Haut‑Empire, en permettant d’esquisser la configuration de la ville basse qui a dû naître et se développer à cette époque. A Dax, elles suggèrent que l’extension réelle de la ville du Haut‑Empire, donnée par les découvertes archéologiques, a été loin de remplir le cadre ambitieux qui avait été dévolu à l’origine à la capitale des Tarbelles. À Bordeaux, en ce qui concerne l’organisation de la ville impériale, conservée au Bas‑Empire, elles recouvrent tout à fait les résultats des recherches archéologiques, mais elles se heurtent aux mêmes obstacles pour la configuration de la façade orientale de la forteresse.
6.1.3 Les remparts et la recherche historique
13L’intérêt des recherches historiques récentes a été souligné dans chaque cas. Le dynamisme de Bordeaux sous le Haut‑Empire n’a aucunement été interrompu par la crise du iiie s., comme paraît l’indiquer, entre autres témoignages, l’épisode de l’avènement de Tétricus. Il est confirmé au ive s., où le rôle nouveau dévolu à la ville depuis la fin du règne de Constantin, ou un peu plus tard, peut être mis d’une part en relation avec l’importance des vestiges du Bas‑Empire dans cette ville, mais aussi avec l’érection des remparts de Dax, dont le caractère singulier trouverait ainsi une explication. De même, l’inconsistance, qui paraît jusqu’à présent irrémédiable, des restes archéologiques de Bazas antique, est moins étonnante si l’on considère que son importance au Bas‑Empire n’est venue que de sa situation au carrefour de deux voies qui connurent alors une activité nouvelle, peut‑être passagère ; cette situation devait être à l’origine de sa promotion dans le concert des cités régionales et de la construction de ses remparts, mais elle n’a pas sauvé la place de la médiocrité monumentale. Pour Bordeaux, Dax et Périgueux, la situation de la ville dans le réseau régional des communications joue un rôle important dans la distribution des portes de l’enceinte.
14Comme nous l’avons dit en introduction, le choix de nos quatre enceintes était dû en bonne partie aux hasards de la géographie administrative contemporaine qui a réuni sous le nom d’Aquitaine des territoires disparates, en procédant aussi arbitrairement que l’autorité romaine. Il se trouve –est‑ce encore un hasard ?– que les résultats les plus évidents de notre enquête aboutissent à différencier sensiblement entre elles les quatre villes fortes concernées. Mettons donc en évidence ces différences.
6.2 Une collection de cas particuliers
6.2.1 La superficie de la ville murée
15Bordeaux : 32,5 ha
Dax : 12,5 ha
Périgueux : 5,5 ha
Bazas : 1,8 ha environ
16La superficie varie considérablement d’une ville à l’autre, mais cette différence n’a pas, en principe, une importance essentielle, car elle tient d’abord au rôle de la ville et à son développement à travers les siècles de l’Empire romain.
6.2.2 La forme de l’enceinte
17L’enceinte de Bordeaux a la forme d’un quadrilatère d’une grande régularité qui paraît dictée par le quadrillage orthogonal de la voirie du Haut‑Empire. Sa face orientale semble dessiner une courbure qui suivait le tracé de la berge de la Garonne. Seule la courte section oblique dans le secteur du palais de l’Ombrière ne trouve pas actuellement d’explication : elle devait être, comme l’ensemble du rempart, liée à la topographie des lieux au moment de la construction du mur. Celle de Dax a la forme d’un quadrilatère très irrégulier : on peut croire que le tracé suivait ici approximativement les limites atteintes par la ville du Haut‑Empire, ce qui expliquerait ces irrégularités. Au contraire, le tracé des remparts de Périgueux est totalement indifférent à l’organisation de la ville antérieure ; il semble que l’on ait cherché à le fonder sur l’assise stable que représentait le plateau calcaire, et cependant la partie sud‑est ne prend pas appui sur lui. L’intégration de l’amphithéâtre ajoute à l’étrangeté du tracé, comme si la muraille était formée par l’emboîtement de deux formes elliptiques. La recherche d’une telle figure architecturale étant exclue, le caractère informe de l’enceinte de Périgueux rejoint celui de villes fort dispersées à travers la Gaule : il devait tenir, dans chaque cas, à des conditions locales qui nous échappent généralement ; à Périgueux, les raisons pourraient être les mêmes qu’à Dax, et nous y reviendrons. Quant à Bazas, les fouilles récentes ont confirmé l’hypothèse que la forme de l’enceinte devait être dictée par la topographie de l’éperon rocheux ; c’est pourquoi elle dessine vraisemblablement un haut trapèze régulier.
6.2.3 La construction de l’enceinte
18On retrouve les mêmes principes et les mêmes pratiques pour la construction de l’enceinte à Bordeaux et Périgueux, la caractéristique la plus évidente restant aujourd’hui la superposition de l’opus quadratum formé de remplois et du blocage parementé en petit appareil rythmé par des arases de briques ; le soubassement en grand appareil est particulièrement massif à Périgueux, où il atteint 5,50 à 6 m de largeur et plus de 7 m de hauteur. Par contre, à Dax, un tel soubassement est absent, le remploi de matériaux antérieurs, d’ailleurs informes, étant tout à fait exceptionnel ; or, la découverte du grand temple de l’Îlot central a bien montré que l’on avait à Dax les mêmes monuments que dans les autres villes, comme on pouvait s’y attendre ; l’élévation parementée en petit appareil repose sur un lit de gros blocs sortant de carrière, et probablement non équarris. Il est assuré qu’à Bazas le grand appareil n’a pas plus été utilisé qu’à Dax.
19Dans tous les cas, on a relevé le soin extrême apporté à la construction, sur le plan technique comme sur le plan esthétique. Au vu des éléments que l’on peut apprécier, la construction de l’enceinte de Périgueux a représenté des moyens considérables, qui contrastent singulièrement avec la faible surface de la ville murée ; à la perfection technique s’ajoutent ici les recherches ornementales dont témoigne la porte de Mars.
6.2.4 Le choix de l’implantation
20Pour Bordeaux, l’implantation de l’enceinte a été subordonnée avant tout à la volonté d’enfermer dans les murs le cours inférieur de la Devèze et le port que constituait l’estuaire de cette rivière, ouvert sur la Garonne ; au nord, on a pu vouloir suivre le sommet de la hauteur du Puy Paulin à la place Gambetta pour dominer largement le pays environnant, mais cette préoccupation était absente sur la face méridionale. À Dax, le franchissement de l’Adour a dû jouer un rôle décisif ; il avait probablement présidé à la naissance de l’agglomération, si bien que la superposition de la ville du Bas‑Empire et de celle du Haut‑Empire s’explique parfaitement. À Périgueux, c’est la recherche d’une situation dominante qui semble avoir primé, et qui explique l’intégration de l’amphithéâtre, incommode puisqu’elle exigeait en principe non seulement l’obturation de toutes les ouvertures de la partie nord, quarante ou quarante et une pour le premier niveau, outre le grand vomitoire, mais aussi l’arasement de toutes les aspérités que le décor d’architecture créait sur le pourtour de l’édifice. Aucune trace de ces travaux n’a été observée. À Bazas, notre maigre documentation suggère que, sous le Haut‑Empire, l’oppidum protohistorique de l’est a été délaissé, sinon totalement abandonné, au profit de la ville basse au quadrillage orthogonal ; les autorités du Bas‑Empire ont, au contraire, choisi l’éperon calcaire pour l’implantation de la ville forte. Dans les trois autres villes, on devait s’attendre à ce que l’implantation de la ville murée, plaquée sur l’agglomération antérieure, dépendît au moins partiellement de l’évolution de celle‑ci.
6.2.5 Les remparts et la ville antérieure
6.2.5.1 La connaissance de la ville ouverte
21Comment la ville murée se superpose‑t‑elle à la ville ouverte ? La question était donc d’importance, mais d’abord délicat, puisque la topographie des villes ouvertes en cause était fort mal connue, à l’exception de Périgueux, où les travaux de C. Durand ont été complétés principalement par ceux de J.‑P. Bost, J.‑L. et A. Tobie et surtout, à date récente, par ceux de C. Girardy‑Caillat. À Bordeaux, jusque dans les années soixante‑dix, l’exposé sur la topographie de l’agglomération du Haut‑Empire reposait très souvent sur des hypothèses dont la plupart avaient été rassemblées il y a près d’un siècle par Camille Jullian. Les travaux de R. Etienne, puis ceux de P. Debord, J. Doreau, M. Gauthier, ont fait progresser nos connaissances sur des sites ponctuels, ou posé de nouvelles questions, mais ce sont ceux de D. Barraud, suivis principalement par les recherches de M.‑A. Gaidon, qui ont durant ces dernières années profondément renouvelé la question de la topographie de Bordeaux antique. Les fouilles et les travaux de B. Watier, complétés par ceux de M. Gauthier et X. Dupuis, ont enfin permis de proposer une trame, encore fragile et incomplète, sur le développement de Dax. On l’a dit plus haut, quelques lueurs apparaissent à l’heure présente dans l’obscurité du passé antique de Bazas, mais, fondées avant tout sur l’interprétation du cadastre du xixe s., les propositions que l’on peut faire demeurent bien hypothétiques.
6.2.5.2 Bordeaux
22A Bordeaux, il semble que l’on ait en quelque sorte taillé dans le vif de la vaste agglomération du Haut‑Empire : la conservation du parcellaire antérieur à la périphérie du rempart pourrait être prise en considération, mais on doit tenir compte ici des nécessités de la protection de la ville remparée, qui exigeaient un glacis d’une centaine de mètres au moins (à notre avis). Plus démonstrative est la découverte de sites extérieurs à la muraille, dont l’activité est encore évidente au ive s. (le mithraeum et son environnement), enfin et surtout la conservation, à 100 m environ de la face nord de l’enceinte, du grand monument des Piliers de Tutelle, sans doute un sanctuaire ; les recherches archéologiques de Dany Barraud rejoignent les conclusions de Camille de Mensignac et de Camille Jullian pour proposer qu’ils faisaient partie de l’environnement du forum de la ville antique. Il se pourrait donc que l’on ait :
– démoli et rasé les habitations qui se trouvaient sur le parcours du rempart, en construisant celui‑ci le long d’axes urbains ;
– évité d’englober dans l’enceinte les grands ensembles (ou de grands ensembles) monumentaux : constructions publiques environnant le forum, mais aussi thermes, comme ceux de la rue des Frères‑Bonie ou du mont Judaïque (place Gambetta), l’amphithéâtre et d’autres monuments dont on a conservé des restes de l’ornementation architecturale. Sans que nous puissions préjuger de l’état où ils se trouvaient, la plupart d’entre eux furent démolis, à notre avis de façon systématique, pour constituer le soubassement du rempart avec leurs matériaux en grand appareil, et ceux que l’on tira des cimetières. Mais la conservation des Piliers de Tutelle prouve que l’on opéra un choix parmi les édifices. Selon quels critères ? Tenaient‑ils au rôle ou à la fonction du monument ? Aux symboles qu’il représentait ? Questions auxquelles, en l’absence d’inscriptions, l’architecture et son décor ne permettent pas de répondre avec certitude, le monument étant unique dans le monde romain. Ou bien n’est‑il pas plus vraisemblable, en raison de l’indifférence aux édifices publics de l’ancienne ville, dont témoignent tant de destructions, de penser que l’architecture même des Piliers de Tutelle leur épargna la démolition ? D’abord, elle rendait ce monument inutilisable comme bastion rapproché pour un assiégeant éventuel ; d’autre part, seul le podium pouvait fournir des matériaux prêts au remploi, mais il fallait, avant de l’entamer, jeter bas la grande colonnade, peu exploitable. On peut ajouter que la défense de la place n’était pas véritablement entravée par cet encombrant volume, puisque le monument était éloigné du rempart de la portée minimum ou moyenne d’une baliste.
6.2.5.3 Dax, Périgueux, Bazas
23La cité remparée de Dax n’apparaît pas comme une ville réduite : on vient de dire que la forme de l’enceinte a dû épouser approximativement les limites atteintes par l’agglomération du Haut‑Empire ; au milieu de celle‑ci, on a pu raser sans regrets les derniers vestiges de l’encombrant sanctuaire de l’Îlot central.
24À Périgueux au contraire, on laisse hors de l’enceinte les neuf dixièmes de la ville antérieure, les grands ensembles monumentaux publics reconnus, à l’exception de l’amphithéâtre : le forum, la tour de Vésone et son environnement architectural, les thermes. La cité nouvelle est construite en lisière de l’ancien secteur public, carrière toute proche de matériaux abondants pour l’édification du rempart. On laisse aussi hors de l’enceinte les grandes demeures qui ont été reconnues dans la ville, à commencer par la domus des Bouquets.
25Autre cas de figure encore avec Bazas, où la réoccupation de l’oppidum protohistorique a provoqué une réduction sensible de la surface agglomérée ; cette solution ne représente certainement en rien un retour aux sources, mais la recherche d’une position conforme aux habitudes ou aux nécessités du temps, suivant un processus que l’on rencontre dans d’autres villes de Novempopulanic.
6.3 Les remparts et la ville au Bas‑Empire
26On a insisté, dans les pages qui précèdent, sur les spécificités de chaque rempart : les contraintes topographiques, orographiques, géologiques, les tracés, les matériaux et leurs mises en œuvre, l’histoire antérieure de chacune des cités ont produit des ouvrages dont on a essayé de montrer la personnalité et la singularité. Or ces différences, bien réelles, ne changent sans doute rien à la perception qu’au terme du Bas‑Empire, au début du ve s., on pouvait avoir du sol à l’approche des enceintes. Elles ont toutes chances d’avoir été ressenties à cette époque comme des objets très proches sinon identiques les uns aux autres. En d’autres termes, le produit fini avait très probablement toujours et partout la même valeur sémantique et recognitive (Jullian 1901 : 217, à propos de Dax). Les vestiges qui nous sont parvenus le montrent d’ailleurs bien et seule une analyse de détail permet d’isoler chacun des monuments qu’instinctivement on rangerait dans une seule et même catégorie. Nous sommes donc amenés par suite à rechercher les caractères communs de nos enceintes : ils découlent du modèle architectural et des fonctions de ces agglomérations d’un type nouveau qui naissent à l’issue du iiie s.
6.3.1 Des villes fortes
27Il n’est certes pas douteux que les enceintes tardives, construites sous la houlette d’architectes probablement militaires, et suivant des modèles d’ouvrages de défense depuis longtemps connus et expérimentés dans le monde romain, ont un but défensif. Il serait absurde de le nier, ne serait‑ce qu’en fonction des récits qui nous sont parvenus de sièges tenus sur les remparts des villes : ils attestent sans ambiguité le rôle défensif des fortifications urbaines. Cette évidence clairement posée, on se gardera cependant de tout ramener à cela et de réduire le sens de l’enceinte à sa seule signification militaire. Sur un plan méthodologique, on évitera d’expliquer toutes les spécifications techniques ou architecturales observées par des critères de même nature. Reconnaître et affirmer la qualité militaire des fortifications n’aboutit pas, ou ne devrait pas aboutir, à escamoter ce que Pierre Gros a appelé en d’autres lieux la « dialectique défense/symbole ».
6.3.2 Le rempart, élément majeur de la parure monumentale des villes
28Bien plus qu’un ouvrage militaire, l’enceinte est aussi et peut‑être surtout un monument public rassurant pour les habitants de la ville, mais aussi pour les voisins, pour les voyageurs, et impressionnant pour les ennemis potentiels. Le rôle psychologique et moral, le prestige que les remparts conféraient à une ville, ont été souvent soulignés pour les remparts des colonies de fondation du début de l’Empire, ou pour maintes enceintes édifiées sous le Haut‑Empire, de Trèves aux provinces africaines ; mais ils ont été jusqu’ici assez rarement mis en relief pour les fortifications urbaines du Bas‑Empire. Cependant on a de tout temps souligné l’effet décoratif recherché dans la disposition du parement de briques ou de petit appareil des remparts du Bas‑Empire, et les raffinements de ce décor dans certaines enceintes, en particulier au Mans (Robineau, Guilleux 1989). En raison de leur objet et (ou) de leur signification symbolique, les fortifications obéissent aux modèles de l’architecture militaire, mais elles participent de façon essentielle, à toutes les époques, à la parure monumentale des villes (Maurin 1992b : 187‑188).
29Il n’est pas inutile de s’arrêter quelques instants sur l’aspect extérieur des murs à Bordeaux, à Dax et à Périgueux ; la construction est savante et soignée. À Bordeaux et à Périgueux, le soubassement en grand appareil n’est pas un amoncellement informe de blocs récupérés à la hâte sur les monuments jetés bas et dépouillés. Il s’agit au contraire d’une mise en œuvre parfaitement maîtrisée et qui fait appel à toute la science dont on était capable alors. D’abord, du simple point de vue de la quantité de matériaux utilisés, au minimum 40 000 m3 de grand appareil à Périgueux, peut‑être 64 000 m3 à Bordeaux, la construction des remparts a nécessité une main‑d’œuvre abondante et compétente et un travail sans doute gigantesque de récolte des matériaux, même s’il s’agit de remplois, de taille et de mise en œuvre. Si les anciens parements sont « tournés en dedans » (Drouyn 1859 : 425), c’est peut‑être pour éviter une escalade trop facile à d’éventuels assaillants, mais c’est également dans un souci esthétique qui ne paraît absent à aucun moment de la conception ni de l’édification des murs. Les blocs taillés anciennement sont simplement réutilisés comme matière première et à ce seul titre et il est donc naturel, comme on l’aurait fait de blocs de carrière, de les agencer avec un maximum de soins en dissimulant leurs « défauts ».
30Même type de remarques sur le petit appareil ou sur la présence de rangs de briques et de tuiles dont on a vu, à Dax, qu’ils pouvaient être agencés en tenant compte des fuites de perspectives et de leur hauteur dans la construction.
31Que dire aussi de la porte de Mars à Périgueux, dont on proposera de faire une lecture très voisine de celle que l’on peut faire par exemple de la porte Auguste à Nîmes ? Elles ne sont pas, par nature, différentes l’une de l’autre et participent toutes deux de ce que Pierre Gros a défini comme « la solennisation des accès et la revalorisation des limites » (Gros 1987 : 162). Pourquoi serait‑il admissible (et on l’admet communément) de reconnaître dans la porte monumentale de Nîmes un arc triomphal, quand bien même elle est équipée d’une herse et de divers autres dispositifs propres aux ouvrages militaires (Grenier 1931 : 316), alors que cette dimension essentielle est le plus souvent évacuée des pages consacrées à la porte périgourdine ? Ici, comme ailleurs, la grandeur monumentale de la ville ancienne a été transférée dans la muraille de la ville nouvelle : l’enceinte de Périgueux en est un exemple particulièrement éloquent par la solidité de ses murs, qui paraît comme exagérée, la majesté et le nombre de ses tours, l’ornementation de ses portes.
32Enfin nous avons noté que, dans sa brève évocation de Bordeaux, à l’exception de la fontaine monumentale qui pourvoyait à l’alimentation en eau de la population, Ausone ne cite aucun autre monument que le rempart lui‑même et ses portes ; ses vers à la gloire de Bordeaux répondent aux restes évocateurs de la muraille de Périgueux.
6.3.3 Fonction de la ville remparée : rassembler la population urbaine
6.3.3.1 Périgueux, Dax, Bazas
33À Dax et Périgueux, l’espace abandonné autour de l’enceinte a été progressivement gagné par des nécropoles groupées autour de sanctuaires funéraires. La surface enfermée par le rempart, et sans doute, pour une part, l’implantation de celui‑ci, nous paraissent avoir été déterminées par la volonté d’y rassembler la population urbaine.
34Ce que nous savons de Périgueux sous le Haut‑Empire montre qu’à l’image de beaucoup de villes romaines, la plus grande partie de l’espace était occupée par les développements architecturaux souvent considérables des monuments publics et des demeures des riches particuliers. Ces deux séries d’édifices sont sacrifiées pour la construction de la ville murée. Il est possible, vraisemblable même, qu’à Périgueux la surface exiguë de la Cité traduise une certaine diminution de la population, mais il ne faudrait probablement pas l’imaginer de grande ampleur. Ce qui compte, c’est la mutation dans la vie politique, sociale, culturelle, qui est la conséquence de l’abandon du forum, du grand sanctuaire de la tour de Vésone, des thermes (les aqueducs ne fonctionnent plus), de l’amphithéâtre mutilé et –avec des modalités que nous ignorons– converti en bastion fortifié, et la mutation dans la vie privée des notables. Ce qui reste, ce sont les habitants qui, dans des conditions inconnues, ont accepté ou subi ces mutations, et que l’on rassemble –peut‑être la plus grande partie y vivaient‑ils déjà– dans la ville réduite. Cette mutation peut résulter d’abord d’une dégradation progressive de la vie municipale traditionnelle, et probablement d’une certaine désaffection à son égard, à la fin du iie s. et au cours du iiie ; ensuite, de la même dégradation progressive du patrimoine architectural dans les difficultés que connurent au cours du iiie s. toutes les cités de l’empire. Mais cette mutation ne doit en aucun cas être prise, on vient de le voir, pour on ne sait quel déclin culturel, quel dépérissement des techniques. Il n’en a sans doute pas été autrement à Dax, où cependant la superficie enfermée par l’enceinte doit traduire plutôt un accroissement de la population, qu’il ait été effectif ou prévisible. L’emplacement arasé du temple de l’Ilot central est désormais traversé par une rue qui doit indiquer l’occupation de cet espace par de nouveaux quartiers d’habitations.
35A Bazas, le transfert de la ville dans une enceinte très exiguë visait‑il, lui aussi, à rassembler une population urbaine dont le chiffre avait sans doute toujours été faible ? Le rapprochement que l’on doit établir désormais entre Bazas et la plupart des autres villes de Novempopulanie conduit à en douter et à croire, comme à Auch, Lectoure, Saint‑Bertrand‑de‑Comminges, Saint‑Lizier (Maurin 1992a : 374, 387), à une certaine continuité de l’occupation de la « ville basse », en notant bien qu’il convient de donner à celle‑ci quelque consistance.
6.3.3.2 Bordeaux
36Le cas de Bordeaux est particulier, puisqu’ici le témoignage d’Ausone, enrichi par le résultat de fouilles récentes, assure l’existence de faubourgs habités à la périphérie du rempart. Encore la plupart ne sont‑ils vraiment assurés qu’à partir de la fin du ive s., mais on peut présumer la continuité d’une partie au moins des occupations. Mais elles ne se trouvent pas au pied même de la muraille, et il ne fait guère de doute cependant que la ville forte rassemblait l’essentiel de la population ; que sa superficie étendue s’expliquait non seulement par le chiffre de celle‑ci, mais par l’importance des équipements que requéraient les fonctions régionales de la ville : équipements publics, qu’on avait dû y installer en raison de son rôle administratif et universitaire, même s’ils n’avaient certainement pas l’ampleur des édifices anciens, rejetés hors des remparts, abandonnés et détruits ; équipements privés, nécessaires au train de vie des notables nombreux (curiales, universitaires, fonctionnaires) qui devaient y posséder leur hôtel. Aucun d’entre eux, cependant, n’est évoqué par Ausone2.
6.3.4 La cité remparée, type de l’agglomération urbaine du Bas‑Empire
37Il reste à poser la question essentielle, celle de l’objet de ces remparts, divers dans leur réalisation : certes, ils étaient un élément de prestige indéniable pour les villes, mais on ne peut croire que c’était le seul mobile de leur édification. Leur architecture en fait avant tout le bouclier de la cité, en prévision de dangers à venir, Mais contre quels adversaires ? Et à quelle époque ?
6.3.4.1 Les remparts et l’évolution des villes de la Gaule romaine
38Les remarques qui précèdent mettent en lumière la différence qui a dû exister entre les prétentions urbaines du début de la période romaine et la réalité des faits trois siècles plus tard : image d’un espace urbain et d’une parure monumentale de départ qui nous paraissent aujourd’hui et qui peuvent avoir été dans la réalité quelque peu démesurés par rapport à l’importance numérique et aux besoins réels de la population, qui n’arrive pas à occuper et à faire vivre durablement une ville trop vaste pour elle. Le rôle que l’on peut imaginer avoir été assigné aux centres urbains dans le processus de romanisation des régions concernées au début de l’Empire n’a‑t‑il pas conduit à produire des modèles qui n’étaient pas viables en l’état et qui ont donc, petit à petit, évolué jusqu’à leur réelle dimension, bientôt entérinée par la construction de leur enceinte ?
39Traduire et circonscrire matériellement l’espace urbain vivant après décantation du temps, favoriser l’émergence du rôle nouveau de la cité en lui donnant un cadre comme à Dax, ou assimiler celui qui s’est forgé au fil des siècles comme à Bordeaux autour de son port, remettre en ordre la vie urbaine en tenant compte du déplacement des centres de pouvoir, telles semblent donc être les principales missions politiques et économiques qui ont été données aux enceintes sur le plan local.
40Tout indique qu’un véritable projet d’architecture et un schéma d’urbanisme ont présidé à la conception et à l’exécution des murs. La ville close assimile le tissu urbain antérieur et n’en génère pas de nouveau, du moins dans les cas étudiés ici, mais il semble que l’observation soit généralisable. L’image de ces villes du Bas‑Empire est aujourd’hui trop souvent celle du réduit fortifié, refermé sur lui‑même, aux rues étroites et insalubres : « La ville se recroquevilla, s’isola davantage. Un poing fermé » (Duby et al. 1980 : 19) ; mais il en allait tout autrement pour les contemporains, pour Ausone qui évoque un paysage urbain aéré et confortable, quand il vante l’ordonnance du réseau orthogonal des rues, la largeur des places publiques, l’abondance de la fontaine Divona (Ausone, XIX, 142‑144, 160). On nourrira ce portrait archétypique des apports de la recherche archéologique récente, dans le quartier Saint‑Christoly ou rue Arnaud‑Miqueu par exemple ; il atteste parfaitement de la vitalité et même d’un essor urbain jusqu’à une période très avancée de l’Antiquité. À cette vitalité urbaine, répond l’extraordinaire santé de la vie des campagnes dont témoigne, à la même époque, le foisonnement des grandes villas d’Aquitaine.
6.3.4.2 La datation des enceintes
41Au cours de notre enquête, nous n’avons recueilli aucun élément direct, irréfutable, pour proposer une datation précise pour la construction des remparts de nos quatre cités. Cette question ne nous paraît plus pouvoir être envisagée selon le schéma simplificateur qui réduisait la construction de toutes les enceintes urbaines de la Gaule à un fait –les invasions barbares– et à une date –celle de 276.
42Dès le iie s., en dehors des colonies de vétérans, des villes proches de la frontière rhénane ont été dotées de remparts, comme Tongres et Trèves. Il est possible que le pouvoir ait décidé d’en pourvoir de nombreuses cités au cours du iiie s., particulièrement à l’époque de l’Empire gallo‑romain, où les menaces se sont multipliées : les empereurs ont pu envisager de semer le territoire de foyers de résistance pour juguler soit des raids de populations barbares ayant percé le limes, soit même, éventuellement, des troubles internes à l’Empire, si fréquents alors. Il est probable à notre avis que fut alors arrêté un mode de rénovation radicale des villes en expansion, comme Bordeaux, ou de celles qui avaient été appauvries ou dégradées par la crise (Périgueux ?), en liaison avec les mutations qui se produisaient au sein des provinces européennes dans la civilisation urbaine traditionnelle. C’est alors (dans le dernier tiers du iiie s.) qu’auraient été édifiées de nombreuses villes fortes, dont Bordeaux et Périgueux sont les témoins les plus méridionaux ; il faut sans doute fixer vers le milieu du ive s. la construction des remparts de Dax, pour des raisons peut‑être autant historiques que stratégiques, et retarder plus encore celle des remparts d’autres villes de Novempopulanie, comme Bazas (sur cette question, en général, voir Maurin 1992a et, ici, fig. 124).

FIG. 124 – Les enceintes urbaines dans les provinces du Sud‑Ouest de la Gaule au Bas‑Empire.
1 Enceinte de la première génération.
2 Enceinte de la seconde génération.
3 Enceinte singulière.
4 Enceinte insuffisamment documentée.
5 Enceinte non attestée.
6 Principales voies romaines.
7 Limite des provinces mentionnées dans la liste de Vérone, dans celle de Polemius Silvius et dans la Notice des Gaules.
VT del. d’ap. LM/dAf.
43Les cités de Bordeaux, Dax, Périgueux et Bazas appartiennent bien à un type de ville né –et multiplié en Gaule dès les dernières décennies du iiie s.– celui de la ville remparée que tout opposait à la ville ouverte traditionnelle. Elles ont été créées par l’autorité impériale à des époques certainement assez variables, pour des raisons qui pouvaient tenir à des problèmes militaires intéressant l’ensemble de la défense de la Gaule, entre l’époque de Postumus et celle des invasions du ve s., mais qui étaient liées aussi à leur rôle régional, à des circonstances locales qui nous échappent, éventuellement même à l’état de leur patrimoine immobilier édifié au cours du Haut‑Empire.
Bibliographie
Bibliographie
Drouyn 1859 : DROUYN (L.). — Archives hist. du département de la Gironde, I, 1859, p. 425.
Duby et al. 1980 : DUBY (G.) dir., FEVRIER (P.‑A.), FIXOT (M.), GOUDINEAU (C.), KRUTA (W.). — La Ville antique. Histoire de la France urbaine, t. 1. Paris : Seuil, 1980.
Enceintes augustéennes 1987 : Les Enceintes augustéennes dans l’Occident romain : actes du colloque international de Nîmes : IIIe congrès archéologique de Gaule méridionale, 9‑12 octobre 1985. 1987 (n° spécial 18 du Bulletin de l’Ecole antique de Nîmes).
Grenier 1931 : GRENIER (A.). — Manuel d’archéologie gallo‑romaine, t. I. Paris, 1931, p. 316.
Gros 1987 : GROS (P.). — Rapport de synthèse. In : Enceintes augustéennes 1987, p. 159‑164.
Jullian 1901 : JULLIAN (C.). — Note sur la topographie de Dax gallo‑romain. Revue des études anciennes, III, 1901, p. 217.
Maurin 1992a : MAURIN (L.). — Remparts et cités dans les trois provinces du Sud‑Ouest de la Gaule au Bas‑Empire. In : Villes et agglomérations urbaines antiques du Sud‑Ouest de la Gaule : actes du IIe colloque Aquitania, Bordeaux, 1990. Bordeaux : Féd. Aquitania, 1992, p. 365‑389. (6e suppl. à Aquitania.)
Maurin 1992b : MAURIN (L.). — La Ville. In : MAURIN (L.), BOST (J.‑P.), RODDAZ (J.– M.) dir. — Les Racines de l’Aquitaine. Bordeaux, 1992, p. 181‑197.
Robineau, Guilleux 1989 : ROBINEAU (E.), GUILLEUX (J.). — L’Enceinte gallo‑romaine de la ville du Mans. Le Mans, s.l.n.d. (1989).
Notes de bas de page
1 On ne laisse pas d’être surpris par l’ampleur apparente des constructions publiques dès la période augusto-tibérienne. Deux études récentes mettent en valeur ce phénomène à Périgueux et à Saintes ; DOREAU (J.), GIRARDY (C.). PICHONNEAU (J.-F). — Contribution à l’étude du forum de Vésonne. Aquitania, 3, 1985, p. 91-104 et TARDY (D.). — Le Décor architectonique de Saintes antique : les chapiteaux et les bases. Bordeaux, 1989. (5e suppl. à Aquitania).
2 Les monuments du Haut-Empire qui étaient encore debout au moment de l’érection des enceintes et épargnés par la construction de celles-ci (en totalité ou en partie) ne sont jamais mentionnés dans les textes contemporains ; or le fait qu’ils aient été conservés longtemps encore après (Piliers de Tutelle, amphithéâtres de Bordeaux et de Périgueux…) pourrait indiquer qu’ils ont éventuellement retrouvé un rôle, peut-être très différent de celui qu’ils avaient à l’origine.
Auteurs
Pierre GARMY Conservateur régional de l’archéologie de Languedoc‑Roussillon, directeur des antiquités d’Aquitaine de 1984 à 1991.
Louis MAURIN Professeur à l’université Michel‑de‑Montaigne/Bordeaux III.
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