Préalable

1Les principaux objectifs de cette étude étaient en premier lieu, la délimitation du site ; en second lieu la localisation à l’intérieur de cette zone des éventuels points forts. L’exploration se fonde sur le fait que les secteurs de forte activité métallurgique (présence de fours, etc.) ou de grande accumulation de matériaux issus de celle‑ci, peuvent se traduire par une susceptibilité magnétique et/ou un magnétisme très important, d’une part, des anomalies relativement bien circonscrites d’autre part (la maille large, dans le cas de l’électromagnétisme, ne permettant cependant pas une restitution de détail).

Types de prospection

2En prospection électromagnétique (mesure de la susceptibilité magnétique) (SH3 – type SLINGRAM, prototype du CRG de Garchy, CNRS) une surface de 6 750 m² a été couverte dans le champ, et une surface d’environ 1 ha dans le bois. Dans les deux cas, une grille quinconce large de 5 m x 10 m a été utilisée. Cette opération a permis de délimiter le site, de repérer des secteurs particulièrement sensibles (forte susceptibilité magnétique) et de guider l’implantation de la prospection magnétique.

3En prospection magnétique a été couverte dans le champ une surface de 30 x 58 m, avec une grille carrée de 2 x 2 m, implantée sur l’anomalie principale (B) mise en valeur par l’exploration SH3 ; dans le bois, une surface d’environ 1 ha en maille quinconce de 2,5 x 2,5 m calée sur les indications SH3 et dans certains cas (anomalie B sud) destinée à compléter ces indications par une extension de la surface prospectée.

Documents issus des prospections

4Une carte de la susceptibilité magnétique (SH3) (fig. B, chap. 1), calée sur l’image obtenue par Chr. Dunikowski des concentrations de matériel en surface.

Interprétation

Carte de la susceptibilité magnétique (SH3) (fig. B, chap. 1)

5● Principes de lecture et d’interprétation

6Les couleurs froides signalent les valeurs faibles et très faibles de susceptibilité magnétique ; ces niveaux témoignent de l’absence (sauf recouvrement important) de structures liées directement à l’activité métallurgique et de la disparition progressive du matériel (scories) en surface et dans le sous‑sol proche ; il est par conséquent permis de penser que toutes ces zones ne sont plus concernées par l’atelier proprement dit. Les couleurs chaudes (de jaune à rouge) montrent l’augmentation progressive ou brutale des valeurs de moyenne à très forte susceptibilité magnétique. Les principales anomalies de très forte susceptibilité magnétique ont été baptisées A, B, C et D.

7● Anomalies de susceptibilité magnétique moyenne

8L’ensemble des anomalies, qui retiendront d’abord notre attention, s’inscrit dans une plage de susceptibilité moyenne (jaune) dont les limites doivent, approximativement, être celles de l’atelier ; il est à noter que ces limites n’ont pas partout été reconnues notamment dans la partie centrale où la nappe de valeurs moyennes (jaune) se prolonge au‑delà des frontières de la carte, vers le nord et le nord‑est, mais aussi à l’extrémité orientale de la zone prospectée, vers l’est. Ces niveaux de susceptibilité magnétique moyenne résultent vraisemblablement, surtout lorsque leur progression est lente et la surface occupée vaste, de la présence en surface et dans le sous‑sol proche d’épandages de scories. Si ces zones ne sont pas à négliger, la probabilité pour qu’elles recèlent des structures importantes de l’atelier est cependant assez faible.

9Par ailleurs il est important de signaler qu’en plusieurs endroits de la carte l’augmentation de la susceptibilité magnétique se fait brutalement ; les niveaux de susceptibilité magnétique moyenne (jaune) se réduisant, alors, à un fin liseré.

10En conséquence, l’observation de la carte montre déjà clairement, à partir de l’analyse des niveaux moyens, l’existence de deux contextes bien différenciés dont l’alternance structure l’espace avec une cohérence qui ne semble pas fortuite, ce qui pourrait bien être une première information sur l’organisation et le mode de fonctionnement de l’atelier. Ces deux contextes peuvent se décrire comme suit :
– les zones de progression lente : surtout au centre de la carte autour de l’anomalie C (un peu, aussi, au nord de l’anomalie B) ; le passage d’un niveau à l’autre se fait sur une dizaine de mètres en moyenne ; cette progression par larges intervalles de moyennes et fortes valeurs, n’enfermant qu’un noyau restreint de très forte susceptibilité magnétique (C) révèle à l’évidence une réalité archéologique très particulière ;
– les zones de progression rapide : celles‑ci se caractérisent essentiellement (à l’inverse des précédentes) par de très vastes anomalies de très forte susceptibilité magnétique (B et D).

11● Anomalies de forte susceptibilité magnétique

12Les zones de forte et très forte susceptibilité magnétique sont respectivement symbolisées en orange et rouge ; chacune d’elles comporte plusieurs niveaux.

13Les niveaux de forte susceptibilité magnétique (orange) sont particulièrement intéressants lorsque, par leur forme, ils s’individualisent à l’intérieur du zonage (jaune) fournissant de ce fait une information propre qui relève déjà de la description fine de l’organisation interne de l’atelier, lorsque, par leur manière de s’articuler dans l’espace, ils confèrent à chaque zone de très forte susceptibilité magnétique une valeur spécifique, ou encore lorsqu’ils mettent en évidence des relations privilégiées entre deux d’entre elles (B et C d’une part, mais peut‑être aussi, à l’est, entre D et une hypothétique anomalie E, symétrique de C).

14A cet égard, corroborant les observations faites ci‑dessus à propos des niveaux moyens (jaune) l’analyse des niveaux oranges insiste encore sur l’originalité du secteur central de la carte :
– liaison linéaire en coude entre la très grosse anomalie B et C, notablement plus petite en surface et plus faible en valeur de susceptibilité magnétique ;
– forme (tendance quadrangulaire) et surface (importante) de la nappe de fortes valeurs (orange) dans lesquelles s’inscrit C, laquelle, comparativement, est curieusement informe.

15Ces caractéristiques semblent conférer à toute cette zone un statut particulier qu’accuse encore sa position centrale. Il était important de valider cette information par une exploration archéologique attentive.

16Les zones de très fortes valeurs A, B, C et D (rouge) constituent des sous‑ensembles dont les niveaux les plus élevés, les plus restreints aussi en surface, sont composés de valeurs saturées. B et D sont disposées de part et d’autre de C ; nous avons vu l’intérêt présenté par cet agencement. A ne fait que s’annoncer dans l’angle sud‑ouest de la zone prospectée ; le temps imparti n’a pas permis d’en compléter l’exploration. La fouille devait donc impérativement valider cette information.

17Avec ces anomalies, nous sommes à l’évidence en présence des 4 points forts de la zone prospectée de l’atelier.

18La très forte susceptibilité magnétique détectée dans les secteurs B et D et particulièrement au cœur de chacun d’eux témoigne d’abord de l’importance de la concentration de matériaux issus de l’activité métallurgique :
– la taille de ces anomalies suggère un fort étalement de l’épandage ;
– la décroissance brutale de la susceptibilité magnétique qui limite ces deux zones indique que ces concentrations et leur étalement forment néanmoins des entités bien circonscrites.

19Si l’accumulation de matériaux (scories, terres chauffées, etc.) est l’information première, la seule interprétation possible, rien bien sûr ne permet d’exclure la présence, au sein de ces ensembles, de structures du type fours, aires de grillage, etc. ; cependant il est certain que si elles existent, même en nombre, elles ne sont pas à l’origine des anomalies qui nous occupent ; leurs dimensions respectives sont en effet incompatibles avec celles des anomalies détectées ; tenter une localisation relève donc de l’hypothèse ; plusieurs éventualités se présentent :
– la susceptibilité magnétique de l’amas de matériaux peut masquer totalement celle des structures (le SH3, par ailleurs, est particulièrement sensible aux structures horizontales) ; il faut dans ce cas interroger les données magnétiques (le magnétomètre étant plus sensible aux structures verticales) ;
– la susceptibilité magnétique du ferrier proprement dit peut laisser transparaître, sous une forme ou une autre, le signal dû aux éventuelles structures ; rien ne permet de l’identifier à coup sûr.

20L’interprétation dispose cependant de deux indices (analyse de l’hétérogénéité, des irrégularités, des particularismes de chaque anomalie) à savoir :
– les zones très ponctuelles (deux ou trois mesures), de très forte susceptibilité magnétique et de valeurs de saturation (au centre de B, aux extrémités de D) ; on ne peut en aucun cas les négliger ;
– l’expérience a montré que ce n’est pas systématiquement aux plus fortes valeurs de susceptibilité magnétique que correspondent les structures recherchées (leur masse étant peu importante comparée à celle des amas de matériaux) ; il faut donc s’attacher à raisonner par rapport aux particularités de chaque anomalie (confronter ces dernières aux caractéristiques du terrain, par exemple le relief, aux exigences de l’activité métallurgique, etc.).

21Dans le cas de B (qui se trouve dans la pente) nous remarquerons que le dessin des contours montre deux excroissances au nord (l’une se prolonge même dans les niveaux oranges) et une à l’ouest ; les valeurs qui les composent restent très fortes ; les plus fortes valeurs et les mesures saturées se regroupent en contrebas. Nous verrons que malgré sa complexité la carte magnétique permet une lecture assez comparable. D (qui est sur le replat) est, et ce n’est probablement pas fortuit, d’une forme différente (allongée O.‑E.) ; l’ouest de l’anomalie est remarquable par son noyau de fortes valeurs et l’appendice qui anime l’angle N.‑O. (une anomalie magnétique lui correspond, cf. fig. C, chap. 1).

22Toutes ces suppositions se rejoignent donc pour placer les structures recherchées en périphérie des concentrations.

23Dernière possibilité : les fours se trouvent ailleurs ; B et D ne sont que des zones‑dépotoirs. Cette dernière hypothèse pourrait se trouver confortée par l’analyse de l’anomalie C : celle‑ci en effet, à l’inverse des précédentes, est de petite dimension et sa susceptibilité magnétique n’atteint pas les plus fortes valeurs de B et D ; l’étalement des matériaux est ici, plus probablement décrit par les niveaux inférieurs (d’abord oranges puis jaunes), ce qui peut signifier que la quantité (en masse) de matériaux épars dans le sol est moindre. La comparaison avec B et D est éloquente ; le raisonnement peut presque s’inverser puisque ce que l’on suppose être l’épandage1 ne fonctionne plus comme un masque mais laisse se dégager en son centre un noyau de plus fortes valeurs ; que représente donc cet épicentre (C) à partir duquel semble se distribuer l’épandage ? un point fort de l’accumulation ? une aire de travail ?

Carte de la prospection magnétique2 (fig. C, chap. 1)

24● Principes de lecture et d’interprétation

25Contrairement aux cartes de susceptibilité magnétique, la carte magnétique restitue plus un signal qu’une image (forme). La présence de matériaux magnétiques donne lieu à une hausse des mesures (en orange et rouge sur la fig. C, chap. 1) qui peut prendre l’aspect d’une nappe plus ou moins homogène, souvent très « chahutée » si les matériaux sont nombreux, de petite dimension, sans ordre en surface et dans le sous‑sol comme dans le cas d’un épandage ou d’un ferrier.

26L’existence d’une structure composée de matériaux caractérisés par la superposition des deux aimantations induite et thermorémanente (ex. : four), si elle est isolée (contraste), se traduira nettement par une anomalie double et orientée : un maximum au sud, un minimum au nord ; la taille de ces derniers dépend, bien évidemment, de l’importance de la structure ; dans le cas d’un four il faut attendre une surface d’environ 25 m2 pour chacun des composants de l’anomalie ; c’est donc ce type d’anomalie qu’il nous faut reconnaître sur le présent document.

27La difficulté réside dans le fait que, pour le cas qui nous occupe, les structures éventuelles peuvent être noyées dans les amas de déchets métallurgiques qu’elles‑mêmes ont produit ; les anomalies provoquées par les premières se trouveront donc perturbées par celles issues des seconds et de ce fait deviendront difficilement identifiables.

28Sur la fig. C (chap. 1), les fortes valeurs apparaissent en orange, les maximums en rouge, les faibles valeurs en blanc et bleu clair, les minimums en bleu foncé.

29Toutes les anomalies doubles et orientées (maximum au S. et minimum au N.), qui seraient les plus susceptibles de signaler la présence de structures concentrées (fours et annexes) ne présentent pas néanmoins le même intérêt et/ou la même fiabilité :
– certaines sont plus ou moins bien orientées ;
– les valeurs relatives, de même que les dimensions ou la forme des maximums et des minimums ne sont pas toujours satisfaisantes (minimum trop faible ou trop petit par rapport au maximum ou inversement minimum trop morcelé, etc.) ;
– maximum et minimum sont très importants et donc probablement incompatibles avec la présence d’une seule structure ; ils peuvent alors signaler un point fort de l’accumulation de matériaux.

30● Interprétation

31Pour faciliter la lecture de la carte (et l’implantation des sondages) nous ferons l’interprétation sommaire de cette prospection en nous référant systématiquement aux résultats SH3 (fig. B, chap. 1).

32Dans le champ, la carte magnétique couvre la majeure partie de l’anomalie B. Elle est complexe car très morcelée –l’effet du terrier est sans conteste dominant– aucune anomalie magnétique typique ne s’en dégage. Le sud de l’anomalie B (et au‑delà de ses limites) est occupé par de fortes valeurs magnétiques organisées en une nappe à peu près homogène, assez typique de la réponse due à un épandage de matériaux magnétiques.

33Les quelques maximums (en rouge) n’ont pas de minimums très probants, néanmoins ils se situent (3) d’une part au centre de l’anomalie B, composée de valeurs saturées, d’autre part (1 et 2) à l’endroit de l’excroissance ouest de B commentée plus haut, ce qui n’est pas sans intérêt. À l’est (centre) apparaît un maximum (4) dont le minimum correspondant peut être reconnu dans le bois (juste de l’autre côté de la clôture). À l’excroissance nord‑ouest de B correspondent 2 maximums, installés côte à côte (le plus petit [6] à l’extrémité O) ; l’un d’eux (5) est particulièrement important tant en surface qu’en valeurs ; son min. est, là encore, assez informe et morcelé ; malgré cela, la concordance de l’information entre les deux cartes confère à ce secteur un statut privilégié.

34Dans le bois, cette zone correspond aux parties E. et S.‑E. (non prospectées au SH3) de l’anomalie B. Cinq anomalies d’intérêt inégal. Elles confirment cependant l’extension de l’anomalie B vers le S.‑E. d’une part, l’importance de la liaison (orange) en coude entre B et C (7 et 8) d’autre part. La plus intéressante est l’anomalie 9 située, à l’ouest, en bordure de la fig. C, chap. 1. Le centre de la zone prospectée, correspondant à l’anomalie C de la carte SH3 (fig. B, chap. 1), montre notamment 2 anomalies (10 et 11) tout à fait typiques de celles recherchées, tant par leur orientation que par leur valeur relative maximum/minimum ; leur crédibilité est encore renforcée par la présence à cet endroit de l’anomalie C (cf. hypothèses faites à propos de cette dernière). Peu probante à priori, l’anomalie 12 ne doit cependant pas être négligée ; la proximité de 10 et 11, la concordance avec C jouent en sa faveur. L’intérêt présenté par l’anomalie 13 importante et de fortes valeurs est fortement dévalué par une assez mauvaise orientation d’une part, et d’autre part surtout par la proximité de la charbonnière. L’espace situé entre les secteurs C et D (de plus faibles valeurs sur la carte SH3) apparaît également ici démuni d’anomalies significatives. Nous noterons seulement la présence d’anomalies linéaires de fortes valeurs (oranges) dont l’interprétation demeure difficile : elles traduisent probablement certaines variations de la dispersion du matériel dans le sol.

35Les anomalies magnétiques pouvant révéler la présence de structures réapparaissent dans le secteur occupé par l’anomalie D. 15 et 16 témoignent vraisemblablement, à l’instar des valeurs de très forte susceptibilité magnétique de la partie ouest de D, de l’existence d’une masse très conséquente de matériaux magnétiques au sein de laquelle, si elle existe, une structure ne peut être individualisée ; des sondages s’avèrent donc indispensables à cet endroit. En revanche l’anomalie 14, qui correspond, avec une assez remarquable exactitude à l’excroissance ouest de D, est particulièrement typique de l’anomalie magnétique pouvant signaler la présence d’une structure concentrée (four, etc.).