Le Paléolithique supérieur de l’abri Pataud (Dordogne)
|Chapitre 5. Le Noaillien (« Périgordien Vc») de l’abri Pataud niveau 4, éboulis 3‑4 : moyen + inférieur, niveau 4a
5 The Noaillian (“Perigordian Vc”) of the abri Pataud, Level 4, Eboulis 3‑4 : middle + upper, and Level 4a
Résumé
Le matériel archéologique du niveau 4, qui consiste en de nombreuses lentilles bien délimitées, a été regroupé en unités d’analyses plus grandes, inférieur et moyen‑1 contiennent des échantillons d’industries du Noaillien inférieur, tandis que moyen‑2 et supérieur contiennent du Noaillien supérieur. À partir d’un total de 11 000 objets (sans inclure les produits de débitage non retouchés et les déchets osseux), environ 5 200 outils lithiques retouchés forment la base de l’étude typologique. D’autres petits échantillons du Noaillien supérieur viennent de sédiments recouvrant le niveau 4.
Les burins sont beaucoup plus nombreux que les grattoirs au niveau 4. Les burins de Noailles et les burins‑pointes dièdres sont très fréquents au Noaillien inférieur, alors que les burins du Raysse, les burins sur troncature et les burins‑pointes sur troncature caractérisent plutôt le Noaillien supérieur. Les outils à dos sont extrêmement rares.
La description des grattoirs, burins, etc. donnée ici résume les résultats des analyses d’attributs détaillées publiées antérieurement. L’élément le plus frappant concernant l’industrie lithique du Noaillien est la fabrication spécialisée et hautement définie de burins (de Noailles, burins‑pointes, du Raysse). Les grattoirs de forme ogivale (blunt point) sont fréquents ainsi que les grattoirs à bords abattus. La riche industrie osseuse comprend de petites sagaies de toute sorte ainsi que de grandes sagaies d’Isturitz.
Le matériel de l’éboulis 3‑4 : moyen + inférieur, bien qu’épars, représente le Noaillien supérieur. Les outils du niveau 4a (burins de Noailles visiblement associés à plus de types d’outils à dos qu’au niveau 4) indiquent peut‑être un mélange d’industries différentes, mais sans certitude.
Les industries noailliennes de Pataud : 4 diffèrent en quantité et en qualité de celles de Pataud : 5 (Périgordien moyen supérieur) et de Pataud : 3 (Périgordien VI). Les distinctions stylistiques du Noaillien contredisent l’opinion selon laquelle il s’agit d’une variante fonctionnellement spécialisée d’une tradition périgordienne plus large. Le Noaillien de Pataud est plutôt l’expression d’une tradition culturelle qui s’est formée indépendamment du Périgordien de la région.
Texte intégral
C’est avec une profonde gratitude que je reconnais l’aide que m’a apportée le Pr Hallam L. Movius. C’est sous sa direction qu’a été commencée cette recherche, il y a plus de trente ans. Je suis très reconnaissant à la Wenner‑Gren Foundation for Anthropological Research qui m’a nommé membre prédoctoral en 1964. Je voudrais, enfin, exprimer mes remerciements à Harvey Bricker, Henri Delporte, Gisela Freund, Hilke Hennig, Nancy Movius, Louis Pradel, James R. Sackett, Denise de Sonneville‑Bordes, le regretté Lothar Zotz, la famille Bouyssou de Lespinasse et la famille Henghes de Tursac qui, tous, de différentes manières, ont contribué à mon travail.
5.1 Introduction
1Les principales analyses d’attributs des séries archéologiques du niveau 4 furent réalisées au début des années 1960 (David 1966) auxquelles s’ajoutèrent, dans mon dernier rapport (David 1985), des études supplémentaires, comportant une grande partie de l’analyse menée par H. M. Bricker (Bricker 1973) de l’éboulis 3‑4 : moyen + inférieur et des séries du niveau 4a. Ma monographie a une portée beaucoup plus grande que ce chapitre, puisque j’y analyse les matériels noailliens de nombreux autres gisements français, espagnols et italiens pour tenter de reconstruire l’histoire de la culture des Noailliens dans l’Europe du Sud‑Ouest ainsi que leurs relations avec les Périgordiens du sud‑ouest de la France (voir également David, Bricker 1987).
2Les strates du niveau 4 se présentent sous la forme de nombreuses lentilles et subdivisions mineures généralement localisées, dont la formation a souvent impliqué des activités humaines comme de creuser des fosses ou des canivaux pour l’évacuation des eaux de ruissellement (Movius 1975b ; 1977). Ces strates ont été regroupées, pour la plupart de nos études, en trois subdivisions majeures : supérieure, moyenne et inférieure. On remarque cependant une nette rupture culturelle à l’intérieur de la subdivision moyenne que dénotent à la fois une amélioration dans la production des lames et de nombreux aspects de la typologie. Les matériels de moyen‑2 vont de pair avec ceux de la subdivision inférieure, ceux de moyen‑1 avec la subdivision supérieure. Le contraste entre ces deux complexes est la base de la distinction entre les deux phases noailliennes inférieure et récente. La transition entre ces deux phases semble avoir été rapide, et bien que les processus de formation naturels et culturels de l’abri Pataud tendent peut‑être à exagérer cette impression, nous n’avons pas connaissance d’industries provenant d’autres gisements qui feraient le pont entre les deux. Pour des raisons inconnues de nous, l’occupation noaillienne de l’abri Pataud se caractérise par une période de conservatisme, durant laquelle on trouve peu de changements dus au temps, suivie par une brève période d’innovation qui inaugure une deuxième phase conservatrice.
3L’éboulis 3‑4 : moyen + inférieur, qui représente les sédiments recouvrant le niveau 4, contient des restes postérieurs aux principaux horizons archéologiques ainsi que d’autres qui leur sont contemporains et ont été redéposés par ruissellement. Bien qu’il y ait quelques chevauchements, la série est cependant généralement plus ancienne que celle de l’horizon mince et discontinu que l’on appelle niveau 4a et qui représente, tout du moins en partie, la dernière expression du Noaillien à l’abri Pataud.
4Je décrirai tout d’abord les industries du niveau 4 puis je résumerai les caractéristiques principales des matériels de l’éboulis 3‑4 et du niveau 4a, en soulignant le contraste entre les séries étudiées.
5Sur un total de plus de 11 000 pièces cataloguées pour le niveau 4, les 6 868 objets dont je parle plus loin proviennent des couches sur lesquelles on dispose du contrôle stratigraphique le plus précis (tabl. xiii). Les échantillons, et surtout ceux des subdivisions moyenne et supérieure, favorisent grandement les objets abandonnés sous le surplomb de l’abri tel qu’il existait à l’époque noaillienne. En plus des outils retouchés et/ou burinés et des nucléus, la série comprend les pièces lithiques façonnées dans d’autres pierres que le silex et aussi en os et coquillages, mais elle ne comprend ni les produits non retouchés de débitage du silex ni le grand nombre de galets de rivière introduits dans l’abri pour la cuisine et le chauffage.
5.2 Graphiques cumulatifs et indices
65 218 pièces peuvent être décrites selon les termes de l’inventaire typologique standard de Sonneville‑Bordes et Perrot (Sonneville‑Bordes, Perrot 1954 ; 1955 ; 1956a ; 1956b) et des indices standards (Sonneville‑Bordes 1954 : 200‑201) (tabl. xiv et fig. 28).

FIG. 28 – Graphiques cumulatifs pour les industries du niveau 4 : inférieur (ligne à tirets ; N = 2 307), moyen (ligne continue ; N = 1193) et supérieur (ligne en pointillés ; N = 1 718).
7Les indices de grattoirs (fig. 29d‑o) varient avec les subdivisions mais sont plus faibles qu’aux niveaux 5 et 3. Les grattoirs doubles sont rares et les exemples ogivaux un peu plus fréquents. Le taux de grattoirs sur pièces‑supports retouchées augmente du Noaillien inférieur au Noaillien supérieur, reflétant une augmentation générale des retouches marginales. On ne trouve pas de formes aurignaciennes de grattoirs ni généralement de types discoïdaux. Parmi les outils composites, qui sont eux‑mêmes peu nombreux, l’association la plus fréquente est celle des burins et des grattoirs. Les perçoirs sont également rares et souvent, mais pas toujours, de mauvaise facture (fig. 29a).

FIG. 29 – Outils du niveau 4 : inférieur (c, e, h, l, o), moyen‑1 (d, k, m, n) et supérieur (a, b, f, g, i, j). a perçoir ; b, c pointes formées par retouche ; d, e grattoirs doubles ; f outil composite (grattoir sur bout de lame + burin sur troncature) ; g outil composite (grattoir sur bout de lame + burin dièdre) ; h‑o grattoirs sur bout de lame.
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8Les burins (fig. 31, 33‑37a‑e), beaucoup plus courants qu’aux niveaux 5 et 3, constituent plus de la moitié des industries inventoriées. On y trouve une grande majorité de burins sur troncature, parmi lesquels on distingue plusieurs types (burins de Noailles [inclus dans l’IBt] et burins du Raysse, une forme particulière du burin plan) (Movius, David 1970) qui sont caractéristiques du Noaillien. Les burins‑pointe (id. 1970) sont une autre de ces formes mais ils ne sont pas distingués dans la liste standard. Les burins de Noailles et les burins‑pointe façonnés selon la technique dièdre sont très courants dans le Noaillien inférieur. Pour le Noaillien supérieur, ce sont les burins du Raysse et les autres burins sur troncature, présentant des modifications tertiaires du biseau de burin, ainsi que les burins‑pointe taillés selon la technique de la troncature qui prédominent. Les burins dièdres, burins sur cassure et burins sur pans naturels (tous inclus dans l’IBd) constituent ensemble moins d’un tiers de la série de burins. Les burins doubles et multiples sont courants, respectivement 3,3 % et 10,8 % des outils représentés sur les graphiques de l’inférieur et du moyen, bien que le premier chiffre ne comprenne pas le grand nombre de burins de Noailles qui ont plus d’un biseau encore performant.
9Un autre contraste marqué entre le niveau 4 et les niveaux 5 et 3 est l’extrême rareté des outils à bords abattus quels qu’ils soient (fig. 30). Plus de la moitié de l’Indice de Groupe Caractéristique Périgordien, qui fait en moyenne 4,9 pour le niveau archéologique dans son ensemble, est composée de pièces tronquées (fig. 37f‑i) qui sont, en tant que groupe, apparentées aux burins sur troncature. On trouve des pointes de La Gravette (et des « microgravettes ») mais aucun autre exemple d’outils à dos spécialement périgordiens.

FIG. 30 - Outils à bords abattus du niveau 4 : inférieur (a, c, d, f, h, j‑n), moyen‑2 (b, o) et supérieur (e, g, i) et du niveau 4a (p‑s). a‑m, p‑s pointes de La Gravette (y compris « microgravettes ») ; n lamelle à dos ; o lamelle à bord partiellement abattu.
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10Les pièces à retouche marginale sont nombreuses (fig. 37j‑n) et augmentent en nombre de l’inférieur (8,06 %) au supérieur (19,73 %). C’est là un nouveau contraste avec les fréquences très basses des niveaux 5 et 3. Au Noaillien inférieur, la retouche marginale fine est la plus fréquente ; au Noaillien supérieur, elle est écailleuse. Sur les 30 outils assignés au type 92, 20 sont des pointes formées par retouches (fig. 29b, c).
11Il est clair, d’après les données que nous venons de passer en revue, qu’il existe des différences quantitatives majeures entre les industries noailliennes et celles des niveaux 5 et 3 du Périgordien. Dans le paragraphe suivant (cf. infra § 5.3), qui se fonde sur les analyses d’attributs des catégories d’outils les plus importantes (Movius et al. 1968 ; Bricker, David 1984 ; David 1985), nous verrons que les différences morphologiques sont également très importantes. Les outils trop endommagés sont nécessairement exclus des analyses d’attributs, et les regroupements classificateurs effectués selon le lexique standard apparaissent parfois inadéquats pour le cas du Noaillien. Les échantillons que nous allons traiter ne sont donc pas identiques à ceux que nous venons de résumer.
5.3 Description des principales catégories d’outils
5.3.1 Nucléus et variétés de silex
12On dénombre 173 nucléus (gros morceaux et fragments inclus) dans la subdivision inférieure, 127 dans la moyenne et 100 dans la supérieure. Ils sont, pour environ la moitié d’entre eux, prismatiques ou plats, et presque tous les autres sont irréguliers. A part pour l’inférieur, où il y a vraisemblablement eu contamination par le niveau 5 à cause des fosses creusées par les Noailliens, les taux des premières catégories sont nettement plus bas que ceux des niveaux 5 et 3. Les différences de forme ne consistent pas, comme on pourrait s’y attendre, en une plus grande proportion d’outils noailliens façonnés sur éclats, mais en une moins grande régularité de la forme, de la configuration des arêtes de la face dorsale et de l’épaisseur des lames noailliennes par rapport aux périgordiennes. Malheureusement, nos analyses, que nous avons fait l’erreur de limiter aux outils à l’exclusion virtuelle des nucléus et des produits non retouchés de débitage, ne peuvent nous fournir, en termes de changements dans la réduction du nucléus, des données sur l’amélioration sensible de la fabrication de lames qui caractérise le Noaillien supérieur et est apparente pour toutes les catégories d’outils.
13Les types de silex représentés sont disponibles localement et proviennent presque sans exception de formations campaniennes et coniaciennes. Une très petite partie des nucléus (1 à l’inférieur, 2 au moyen et 4 au supérieur) présentent une patine blanche lustrée. Ils semblent être de provenance locale et l’altération est peut‑être due à un traitement par le feu (Collins 1975 : 40). Les burins du Raysse présentent assez souvent une telle patine. On ne trouve que 5 nucléus en silex maestrichtien du Bergeracois ou de la vallée de la Couze, dont 4 de l’inférieur (3 d’entre eux ayant été retrouvés dans un contexte où l’on ne peut pas exclure une contamination des pièces en provenance de la couche 5). Cette proportion est très différente de celle du niveau 5 où elle varie entre 14 % et 20 %. Au niveau 3, le silex maestrichtien est moins courant mais compose tout de même 4 % de l’échantillon de nucléus.
14Non seulement les contrastes de proportions relatives de formes de nucléus suggèrent des différences culturelles dans l’utilisation du silex et la réduction des nucléus entre les Noailliens et les Périgordiens, mais les Noailliens, et surtout ceux du Noaillien supérieur, semblent avoir exploité une aire beaucoup plus réduite que les Périgordiens pour satisfaire leurs besoins en silex brut.
5.3.2 Grattoirs sur bout de lame ou d’éclat
15L’échantillon étudié comprend 568 tranchants dont 35 se trouvent sur des grattoirs doubles (fig. 29d, e) et 64 sur des outils composites (fig. 29f, g). Les grattoirs sur d’autres pièces‑supports que des lames sont rares (fig. 29j). L’amélioration de la production de lames dans le Noaillien supérieur est visible à l’augmentation de la longueur moyenne des grattoirs simples complets (de 53 mm à l’inférieur à 67 mm au supérieur), qui s’accompagne d’une légère diminution en largeur et épaisseur moyennes. On trouve de petits nombres de grattoirs en éventail et de grattoirs à épaulement (fig. 29h, o).
16La répartition des formes de tranchants apparaît dans le tableau xv. L’importance de la forme ogivale (blunt point) (fig. 29d‑distale, m) au Noaillien ainsi que la rareté des formes asymétriques régulières sont toutes deux dignes d’intérêt. Sur les grattoirs en arc de cercle (fig. 29i‑l), on note une diminution progressive mais mineure du rayon moyen de l’arc (1,25 cm à l’inférieur, contre 1,06 cm au supérieur) et une augmentation du degré de l’arc de 123 à 129°, ce qui reflète une légère modification vers des arcs plus étroits et plus arrondis (fig. 29k, n). L’angle modal de retouche du tranchant est « moyen » (entre 51 et 75°) avec un taux relativement plus élevé d’angles aigus (23,73 %) (fig. 29i) au supérieur qu’à l’inférieur (10,76 %). Les angles de retouche plus abrupts étant liés à des contours moins réguliers et aux ravivages des grattoirs (fig. 29e), cela reflète une préoccupation moins grande d’économiser le silex dans le Noaillien supérieur. Tandis que les retouches non convergentes du tranchant sont les plus courantes dans toutes les subdivisions, une incidence plus importante de retouches convergentes (fig. 29d‑distale) dans le Noaillien supérieur est associée avec des proportions plus grandes de pièces présentant des coupes transversales triangulaires, ce qui est une autre indication de l’amélioration de la production de pièces‑supports.

TABL. XV – Répartition des formes de tranchants de grattoirs sur bout de lame aux niveaux 5 (unités tardives), 4 et 3.
17Les grattoirs sur bout de lame présentent souvent des retouches marginales de plus en plus nombreuses avec le temps. Dans l’inférieur, 21,3 % de tous les grattoirs qui ne font pas partie d’outils composites ont au moins une retouche partielle sur un ou sur les deux côtés ; dans les subdivisions plus récentes, le taux monte à 28,2 % et 30,8 %. La retouche marginale est le plus souvent appliquée à un côté de la pièce. Son style modal est écailleux (fig. 29l) bien que ce style soit moins développé au Noaillien inférieur.
18Les grattoirs sur bout de lame du niveau 4 sont morphologiquement distincts de ceux des niveaux 5 et 3. L’absence virtuelle de grattoirs autres que les grattoirs sur bout de lame constitue une autre différence frappante.
5.3.3 Outils à bords abattus
19La petite série d’outils à bords abattus du niveau 4a est ici étudiée en même temps que celle du niveau 4 (fig. 30). Les 22 pièces provenant de l’éboulis 3‑4 : moyen + inférieur ont été inventoriées mais non analysées. Les 67 pièces du niveau 4 représentent une proportion minime des industries représentées sur les graphiques (2,3 % de l’inférieur, 0,6 % du moyen et 0,4 % du supérieur). Le taux calculé pour l’inférieur est probablement exagéré à cause de la contamination stratigraphiquement démontrée de l’inférieur par des pièces en provenance du niveau 5. Les 30 pièces à bords abattus du niveau 4a constituent 20,3 % de cette série, ce qui représente une proportion bien plus grande et plus proche de celles des niveaux périgordiens.
20Seules les pointes de La Gravette (« microgravettes » incluses) étaient en nombre suffisant, 60 au niveau 4 et 22 au niveau 4a, pour justifier une analyse d’attributs. Si l’on regarde le reste des séries (fig. 30n, o), on note seulement qu’aucune des deux ne comprend de ces formes spécialisées qui sont censées présenter une valeur diagnostique précise comme fossiles directeurs. Les pointes de La Gravette du niveau 4 présentent des caractéristiques hétérogènes (fig. 30a‑m). Elles sont par exemple semblables à celles des unités tardives du niveau 5 pour ce qui est des coupes transversales, de l’étendue des retouches sur le bord opposé au bord abattu et de l’incidence de bases de style Vachons. Elles ne ressemblent pas aux périgordiennes pour ce qui est de la proportion de fragments basaux contre segments ou pour d’autres caractéristiques, et ont des taux plus bas d’abattement bidirectionnel et de bases retouchées. Leurs dimensions globales, certains aspects de leur morphologie grossière et le côté préféré pour le bord abattu sont intermédiaires entre ceux du niveau 5 et ceux du niveau 3. La série du niveau 4a (fig. 30p‑s), qui présente un taux apparemment plus élevé de bases style Vachons classiques (fig. 30q), est également intermédiaire entre les niveaux 5 et 3.
21Les données indiquent que les pointes de La Gravette du niveau 4 ne sont pas dans la ligne de développement qui va du Périgordien IV au Périgordien VI, et bien qu’un apport de pièces en provenance des unités tardives du niveau 5 (dû à la fosse creusée par les Noailliens dans les dépôts du niveau 5) soit presque certain, les Noailliens fabriquaient de temps à autre des outils à bords abattus que l’on peut classifier comme pointes de La Gravette. La série du niveau 4a se situe en revanche tout à fait dans la ligne de développement et, malgré son association avec des genres de burins typiquement noailliens, il s’agit probablement là du travail de Périgordiens puisqu’il paraît impensable que les Noailliens aient emprunté en bloc tout le complexe fonctionnel et stylistique du Périgordien supérieur qui est associé à leur fabrication.
22Il est intéressant de noter que le traitement des bases de Gravettes en style Vachons, qui atteint son maximum au niveau 4a, semblerait avoir une fonction de marqueur d’horizon (horizon marker), indifféremment du contexte culturel plus large.
5.3.4 Burins
5.3.4.1 Généralités
23Les différences entre les séries de burins du Périgordien et du Noaillien (fig. 31, 33‑37a‑e) concernent à la fois l’utilisation de techniques de production différentes et la production de types spécifiquement noailliens. Les innovations qui caractérisent les séries du niveau 4 comprennent l’utilisation d’une coche d’arrêt, qui facilite la production de burins à biseaux très fins et fragiles, mais aussi la modification « tertiaire » du biseau (Movius, David 1970) par la taille de minuscules éclats dont les facettes s’étendent de l’enlèvement du coup de burin à la surface dorsale de la pièce. Les innovations typologiques comprennent le burin de Noailles (fig. 31), le burin du Raysse (ou Bassaler) (fig. 34) et le burin‑pointe (fig. 35). Les Noailliens étaient également capables, si une activité ou une pièce‑support particulières le réclamaient, de produire des burins similaires selon des techniques différentes. Bien que des fonctions semblables fussent normalement mieux servies par des burins façonnés de la même manière, on trouve, par exemple, des burins du Raysse façonnés selon la technique dièdre (fig. 34g‑distale) ou encore sur des bords et des bouts non retouchés. Les burins de Noailles étaient aussi parfois façonnés sur cassures ou même selon la technique dièdre (fig. 31 r, x).

FIG. 31 – Burins de Noailles du niveau 4 : inférieur (a‑r), moyen‑2 (s), moyen‑1 (t‑x) et supérieur (y‑dd). r façonné sur cassure ; x Noailles double avec burin distal façonné sur un plan de frappe du coup de burin dièdre et le proximal sur cassure.
P. Laurent del./CNRS ; éch. 2/3
24La série étudiée comprend 3 193 biseaux de burins encore performants, et leur répartition par types et subdivisions apparaît au tableau xvi. Le développement technologique et typologique des burins au niveau 4 est une des meilleures justifications du découpage du Noaillien en phases inférieure et supérieure.

TABL. XVI – Contrastes entre les phases inférieure et supérieure du Noaillien, démontrés par la répartition des types de burins selon les subdivisions du niveau 4. Non mod. non modifié ; mod. modifié ; TB burin sur troncature ; RB burin sur bord/bout retouché ; UB burin sur bord/bout non retouché.
5‑3.4.2 Les burins de Noailles
25On peut décrire les burins de Noailles comme des burins, généralement façonnés sur des plans de frappe du coup de burin en troncature qui, étant donné la petite taille de biseau voulue (en moyenne 1 mm et très rarement plus de 3 mm), ont été taillés ou risquaient d’être taillés selon une technique qui comprenait l’utilisation d’une coche d’arrêt (David 1985 : 41, 66‑69, 74‑75, 83 pour une étude de définition approfondie). Sur la majorité des pièces‑supports, la coche réduit matériellement la distance que doit traverser la force, qu’elle soit appliquée par coup ou par pression, pour enlever une chute de burin (fig. 31e). Toutefois, la coche a souvent été partiellement ou totalement enlevée durant la fabrication du burin ou un aiguisage ultérieur de l’outil (fig. 31p).
- 1 Quand des moyennes, des indices et des pourcentages sont cités, ils se réfèrent, sauf précisions s (...)
26Les burins de Noailles sont petits. Dans le secteur avant de l’abri, la longueur moyenne des burins de Noailles simples sur troncature provenant de la subdivision stratigraphique mineure la plus ancienne est seulement de 27,3 mm. Les dimensions tendent à augmenter avec le temps (longueur moyenne au supérieur = 32,2 mm), tout comme la largeur moyenne du biseau de burin (de 1,0 à 1,7 mm dans ces mêmes unités). Le type « burin de Noailles », qui représente la norme du burin sur troncature dans le Noaillien inférieur, perd progressivement de sa netteté avec le temps, d’une manière ou d’une autre. Dans le Noaillien inférieur, 62,6 % des burins de Noailles possèdent une coche ; dans le Noaillien supérieur, ils ne sont plus que 40,4 %. La forme des biseaux de burins est presque toujours droite, avec des angles moyens de 67°1. Les biseaux sont généralement latéraux ou obliques. L’angle moyen du plan de frappe du coup de burin (SRS) diminue légèrement avec le temps (de 72 à 67°), mais la forme du SRS reste principalement concave. Les burins de Noailles sont très fréquemment associés, bien que rarement avec d’autres types, et l’indice d’association (I = nombre de burins associés x 100 / nombre de pièces‑supports portant des burins) varie dans les diverses subdivisions mineures et majeures entre 29 et 38. L’indice de retouches marginales (I = nombre de pièces présentant des retouches marginales x 100 / nombre de pièces) est très faible (0,3 à 4,4).
5.3.4.3 Les burins sur troncature
27La modification tertiaire du biseau de burin sert à réduire la largeur du biseau, le plus souvent sur les burins sur troncature modifiée (fig. 33h, n, p) et dans la fabrication de burins du Raysse et de burins‑pointe. Sur les burins‑pointe, les enlèvements tertiaires détruisent le biseau originel afin de créer une pointe. Sur les burins du Raysse, un biseau de burin originel est également oblitéré : un procédé d’aiguisage complexe et souvent répété laisse des enlèvements de coups de burin qui sont progressivement inclinés sur la surface ventrale de la pièce. Il existe même quelques burins de la phase supérieure qui sont passés par une phase Raysse et ont été remodelés en burins sur troncature modifiés ou non modifiés. On pourrait les appeller burins « de plein cercle » (fig. 34d‑distale). La figure 32 résume les relations techniques entre les différents burins de ce regroupement spécifique du Noaillien.

FIG. 32 – Diagramme montrant les interrelations techniques entre les types de burins caractéristiquement noailliens.
V.T. del./dAf d’ap. Movius, David 1970 : 454
28Les techno‑types de burins sur troncature et sur bord ou bout retouché, tout à fait distincts aux niveaux 5 et 3, se confondent au niveau 4 et ne peuvent être clairement séparés (fig. 33). Les troncatures sont également formées par une retouche moins abrupte, ce qui induit un taux plus élevé de tranchants biseautés, particulièrement pour les burins sur troncature modifiés (fig. 33p). Plus de 70 % des burins sur troncature sont façonnés sur des lames. On ne distingue pas de tendance de variation de la taille de la pièce‑support avec le temps mais les exemples modifiés tendent à être légèrement plus grands que les non modifiés. Les longueurs moyennes des burins simples varient de 50 à 62 mm et les largeurs moyennes de 27 à 31 mm. Les burins sur troncature non modifiés ont des biseaux relativement plus larges (fig. 33k, o) que ceux qui sont modifiés, avec des moyennes respectives de 5 mm et de 4 mm. Pour les angles de biseaux de burins, avec des moyennes de 64 à 70°, les deux formes sont relativement plus aiguës qu’aux niveaux 5 et 3. En ce qui concerne l’inclinaison de l’enlèvement du coup de burin sur la face ventrale ou dorsale de la pièce‑support, la catégorie modale est généralement oblique (vers la face ventrale), suivie par la latérale (plus l’oblique dorsale). Les burins sur troncature modifiés ont des proportions plus élevées de biseaux très obliques et plans (fig. 33h). Les biseaux médians sont plus courants au niveau 4 qu’aux niveaux 5 et 3, et ils ont tendance à augmenter en proportion relative avec le temps : 33 % à l’inférieur et 44 % au supérieur‑1a (fig. 33c, e, h, 1). Les burins sur troncature non modifiés ont plus souvent le biseau sur la droite que sur la gauche, probablement à cause de la sélection de ces derniers pour être convertis en burins du Raysse. L’angle du plan de frappe du coup de burin (SRS), qui tourne en moyenne autour de 50‑55°, est plus oblique qu’aux niveaux 5 et 3. La forme du SRS est droite sur la moitié environ des burins, et la concavité simple est en général deux fois plus fréquente que la concavité prononcée. L’indice d’association est variable : de 20 à l’inférieur jusqu’à 34 dans les échantillons du Noaillien supérieur. Les formes non modifiées ont généralement des indices plus élevés que celles modifiées. L’indice de retouche marginale augmente également du Noaillien inférieur au Noaillien supérieur : 8,9 à l’inférieur et plus de deux fois plus au supérieur. Le style modal de la retouche marginale est écailleux.

FIG. 33 – Burins sur troncature du niveau 4 : inférieur (a‑e), moyen‑1 (f‑j) et supérieur (k‑p), h (deux extrémités), n, p burins sur troncature modifiés ; les autres sont des burins sur troncature non modifiés.
P. Laurent del./ CNRS ; éch. 2/3
29En résumé, on peut dire que s’il y a des différences d’attributs entre les burins sur troncature (mis à part les Noailles) des phases inférieure et supérieure et des différences caractéristiques entre les burins sur troncature modifiés et non modifiés, les échantillons de la phase supérieure ne témoignent pas de tendances typologiques régulières.
5.3.4.4 Les burins du Raysse
30Plus de 95 % des burins du Raysse (fig. 34) sont façonnés sur troncature ou sur des bouts ou des bords retouchés ; les autres sont façonnés sur des plans de frappe dièdres (fig. 34d‑proximale et 34g‑distale) mais encore sur des bouts ou des bords non retouchés ; ils sont le plus souvent taillés sur des lames, et les burins du Raysse simples sont généralement plus courts et légèrement plus étroits que les burins sur troncature simples. Les attributs du biseau de burin ne peuvent être mesurés avec précision car on ne peut pas toujours distinguer l’usure de la retouche modificatrice. L’inclinaison sur la face ventrale de l’enlèvement du coup de burin le plus à l’oblique distingue les burins du Raysse des autres types. Entre 50 et 60 % sont très à l’oblique, et 15 à 20 % sont plans. On ne trouve pas d’exemples latéraux. Mis à part quelques rares exceptions, la SRS est sur la droite et le biseau est donc soit à gauche soit au milieu ; sur quelques pièces, cependant, l’aiguisage à plusieurs reprises a fait reculer le biseau jusqu’au bord droit (fig. 34a, g). Plus des deux tiers ont été remodelés au moins une fois après la première taille en burin du Raysse. L’angle moyen de la SRS, entre 45 et 51°, est généralement plus oblique que pour les burins sur troncature, mais la forme de la SRS, droite dans la plupart des cas, est semblable. Le seul changement clair qui intervienne dans les échantillons de burins du Raysse est une diminution de l’indice d’association avec le temps, de 52 au moyen‑1 à 36 au supérieur‑1a. L’indice de retouche marginale, du style généralement écailleux, varie entre 19 et 34.

FIG. 34 – Burins du Raysse du niveau 4 : inférieur (a), moyen‑1 (b‑f) et supérieur (g‑l). c burin mixte av burin sur troncature modifié à l’extrémité proximale ; d (distal) burin sur troncature de « plein cercle » qui est passé par une étape Raysse ; le burin du Raysse (proximal) est façonné sur un plan de frappe dièdre avec modification en troncature ; g burin du Raysse façonné sur un plan de frappe dièdre, également associé à un burin de Noailles à son extrémité proximale ; i combiné avec un grattoir sur bout de lame.
P. Laurent del./CNRS ; éch. 2/3
31Il n’y a apparemment pas de bonne raison technologique qui explique la préférence marquée pour les biseaux de burins du Raysse à gauche. Les biseaux eux‑mêmes, autant que nous pouvons le voir, ne semblent pas très différents de ceux des autres burins sur troncature. Les burins du Raysse paraissent donc être les produits d’une technique de remodelage de burins spécifiquement et caractéristiquement noaillienne.
5.3.4.5 Les burins‑pointe
32Les burins‑pointe sont surtout façonnés grâce à la technique dièdre au Noaillien inférieur (fig. 35a, c, d) et plutôt sur troncature ou sur bouts ou bords retouchés au Noaillien supérieur (fig. 35e, g, h, j, 1) (tabl. xvi). 13 exemples qui ne sont pas compris dans le tableau montrent une morphologie typique créée par la retroncature d’un burin (fig. 35f), la retouche formant une pointe aiguë à son intersection avec la facette de l’enlèvement de la chute de burin. Plus de 90 % des burins‑pointe sont façonnes sur lames. Les exemples simples sont nettement plus longs (moyenne = 63,9 mm) dans la phase supérieure où ils représentent les plus gros burins que dans la phase inférieure (moyenne = 56,2 mm). La principale facette d’enlèvement de la chute de burin est généralement latérale avec plus de variations par rapport à cette norme dans la phase supérieure. Près de la moitié sont médianes et un tiers s’orientent à droite. L’angle moyen de la SRS est bas, et plus bas (29°) dans la phase inférieure que dans la supérieure (36°) où ils sont presque tous façonnés sur troncature ; la forme de la SRS est principalement droite, et même dans la phase supérieure, les burins‑pointe conservent une morphologie d’ensemble ressemblant aux dièdres (fig. 35k). L’indice d’association est relativement faible (inférieur = 8 ; supérieur = 22). Près d’un quart de ces burins portent de la retouche marginale et le style modal est semi‑abrupt (fig. 35c).

FIG. 35 – Burins‑pointe du niveau 4 : inférieur (a‑d), moyen‑1 (e‑h) et supérieur (i‑l). a, c, d, i, k façonnés sur des plans de frappe dièdres ou sur bout non retouché ; les autres, sauf f façonné selon la technique de retroncature sur un plan de frappe dièdre, sont façonnés sur troncature ou sur des bords ou des bouts retouchés ; b montre la modification dièdre du plan de frappe ; e combiné avec un grattoir sur bout de lame ; g mixte avec burin sur troncature non modifié à l’extrémité proximale.
P. Laurent del./CNRS ; éch. 2/3
33L’oblitération du biseau de burin par retouche tertiaire dans la formation de la pointe et des traces fréquentes d’émoussé dû à l’usure de la pointe démontrent les différences fonctionnelles du type burin‑pointe.
5.3.4.6 Les burins dièdres
34Les burins dièdres du niveau 4 (fig. 36) forment un groupe relativement hétérogène, très affecté par la retaille. Une petite proportion de ces burins présentent des modifications tertiaires du biseau (fig. 37a) (tabl. xvi). Dans chaque échantillon on trouve un petit nombre de pièces présentant des biseaux de 13 mm ou plus qui se distinguent de la plus grande partie de l’échantillon (fig. 36e, f). Ces pièces, souvent façonnées sur des supports nucléiformes ou des éclats, ne sont pas regroupées entre elles. Plus de 85 % des burins dièdres sont façonnés sur des lames, ce qui constitue un taux plus élevé qu’aux niveaux 5 et 3. Les longueurs moyennes des spécimens simples varient, apparemment au hasard, entre 49 et 60 mm. Les dimensions sont plus petites qu’au Périgordien. On note beaucoup de déviations du modèle d’un biseau droit ; près d’un quart des pièces présentent diverses formes de biseaux anguleux (fig. 36a, g). On ne note pas de ligne continue de changement dans le temps, ni en ce qui concerne la forme du biseau ni en ce qui concerne sa largeur, même si les moyennes des échantillons varient entre 4,7 et 7,1 mm. L’angle moyen du biseau varie entre 66 et 70°. La grande proportion de burins présentant des biseaux autres que droits explique le taux élevé, généralement supérieur à 30 % d’obliquité complexe (fig. 36h), qui domine parfois sur les pièces latérales dans certains échantillons. L’orientation la plus courante est l’orientation médiane, avec une certaine préférence pour la déviation vers la droite. L’angle moyen du SRS varie entre 37 et 45°, l’indice d’association entre 18 et 37, celui de la retouche marginale entre 12 et 39, mais, pour aucun de ces facteurs on ne note de ligne de changement continue avec le temps. Le style de la retouche marginale est généralement semi‑abrupt au Noaillien inférieur et écailleux au Noaillien supérieur.

FIG. 36 – Burins dièdres du niveau 4 : inférieur (a‑d), moyen‑2 (e), moyen‑1 (f‑h) et supérieur (i‑k), b combiné avec un grattoir sur bout de lame ; d mixte avec un burin sur troncature.
P. Laurent del./CNRS ; éch. 2/3
35Les burins dièdres du niveau 4 forment une catégorie nettement moins structurée que les burins sur troncature. Mis à part les attributs qui dépendent de la technique de fabrication, ils diffèrent presque en tous points de ceux du Périgordien.
5.3.4.7 Les burins sur cassure
36La proportion de burins sur cassure (fig. 37b‑e) qui sont façonnés sur lames est proche de 90 %. Les longueurs et largeurs moyennes des spécimens simples sont respectivement de 43,7 mm et 22,7 mm ; leur taille augmente au Noaillien supérieur, les valeurs correspondantes pour le supérieur étant de 47,9 mm et 26,0 mm. Plus de 80 % des biseaux sont droits et petits, avec une largeur moyenne d’environ 3 mm au Noaillien inférieur et 3,5 mm au Noaillien supérieur. Entre 75 et 81 % des biseaux sont latéraux ou obliques. L’orientation médiane est rare, comme l’on pouvait s’y attendre ; on note une légère préférence pour les biseaux à droite. L’angle moyen du SRS approche des 80° ; 78 % des SRS sont droits. L’indice d’association varie de façon désordonnée d’un minimum de 29 au supérieur à un maximum de 42 au moyen‑1, et celui de la retouche marginale de 14 à l’inférieur à 30 au moyen‑1.
37S’ils diffèrent des séries périgordiennes, les burins sur cassure du niveau 4 gardent la même relation par rapport aux burins sur troncature (mis à part les burins de Noailles) et aux burins dièdres. Comme ces derniers, et en contraste marqué avec les burins sur troncature, ce sont des indicateurs peu significatifs du développement typologique au sein de la tradition noaillienne.
5.3.4.8 Schémas d’association et interrelations fonctionnelles
38Les études de schémas d’association des burins du niveau 4 révèlent une tendance significative pour les burins de Noailles de la phase inférieure à être doubles (mais non mixtes), tandis que les burins sur troncature et les burins‑pointe sont souvent plus simples que ne le voudrait le hasard et que les burins dièdres tendent à faire partie d’outils composites. Dans les séries supérieures, les burins du Raysse sont plus couramment doubles ou mixtes que ne le voudrait le hasard ; les burins‑pointe et les burins dièdres un peu moins. Une tendance générale pour tous les types de burins à s’associer en double avec eux‑mêmes plutôt qu’à être mixtes laisserait à penser que beaucoup d’associations individuelles sont dictées par des tâches précises. Si, durant un travail, un burin devenait inutilisable, le tailleur avait tendance à utiliser un outil semblable façonné, si possible, sur la même pièce‑support. Il n’y a d’autre part pas de raisons de considérer les outils composites comme autre chose que des associations de hasard sur des pièces‑supports qui conviennent aux deux types d’outils. La retouche marginale, plus fréquente dans la phase supérieure, semble aussi avoir été appliquée au hasard sur des pièces convenables d’une certaine taille.
39Les interrelations fonctionnelles des burins du niveau 4 ne sont pas les mêmes que celles des niveaux 5 et 3. Les burins dièdres ne sont pas les plus aigus et, à l’exception des burins sur cassure, il y a peu de différences entre les diverses classes. Pour ce qui est de la dimension du biseau, les burins de Noailles se trouvent en majorité écrasante dans les petites dimensions. Les ressemblances qui existent entre les séries de burins du Périgordien et du Noaillien, en ce qui concerne le schéma général d’interrelations entre les différentes classes de burins, sont dues, en grande partie, à l’influence de la technique de fabrication sur la morphologie. L’utilisation de coches d’arrêt, et d’autres techniques, pour obtenir de petits biseaux différencie indubitablement les séries noailliennes de celles des niveaux 5 et 3 et exprime une tradition culturelle radicalement différente de celle du Périgordien. Le remplacement brusque des burins de Noailles par d’autres formes de burins sur troncature et des burins dièdres par les burins‑pointe sur troncature sont les principaux critères de distinction entre le Noaillien inférieur et le Noaillien supérieur. Une fois franchi ce pas technologique et culturel, il s’ensuivit une période de conservatisme relatif avec peu de traces de changements dus au temps.
5.3.5 Pièces tronquées
- 2 Le mot anglais est spokeshave, qui est un outil utilisé par un charpentier ou un menuisier (NDT).
40La grande majorité des pièces tronquées (fig. 37f‑i) sont reliées aux burins. Plusieurs sont des retroncatures où la retouche a enlevé la portion proximale d’un enlèvement de coup de burin antérieur. J’ai déjà mentionné la fabrication de burins‑pointe selon cette méthode. Les ressemblances entre les échantillons de pièces tronquées et ceux des burins sur troncature qui proviennent des mêmes subdivisions suggèrent que l’on peut considérer la plupart de ces pièces comme des burins sur troncature potentiels qui, pour une raison ou une autre, n’ont jamais été burinés. Ni la morphologie ni l’étude de l’usure macroscopique sur les troncatures ne dénotent la présence de types formels et indépendants dans cette catégorie. 22 troncatures concaves provenant de toutes les subdivisions présentent quelques traces d’usure sur la marge ventrale de la troncature, comme si elles avaient servi de vastringues2. On note parfois le même type d’usure sur les burins de Noailles.
5.3.6 Pièces à retouche marginale
41La retouche marginale, le plus souvent appliquée aux pièces‑supports d’autres outils, est considérablement plus courante qu’aux niveaux périgordiens, et sa fréquence augmente du Noaillien inférieur au Noaillien supérieur. Le nombre de pièces complètes et de fragments distaux qui présentent au moins un côté retouché de manière continue reste petit, et rien ne permet de dire si ces pièces, qui ne sont pas associées à d’autres outils, sont ou non des types indépendants de lames ou d’éclats retouchés (fig. 37j‑n). L’unité significative est plutôt le bord retouché. La retouche marginale est très rare sur les lames inférieures à 50 mm de long et il semble que sa fonction primordiale soit de renforcer et de régulariser un bord préexistant.

FIG. 37 – Outils du niveau 4 : inférieur (b, e), moyen‑1 (c, h‑j) et supérieur (a, d, f, g, k‑n). a burin dièdre avec modification tertiaire du biseau ; b‑d burins sur cassure ; e burin triple (cassure cassure + troncature non modifiée) ; f‑i pièces tronquées ; j‑n lames à retouche marginale.
P. Laurent del./CNRS ; éch. 2/3.)
42Les proportions des divers styles de retouche changent progressivement avec le temps et passent d’une prédominance de la retouche fine (fig. 35e) (49,4 % à l’inférieur ; 19,9 % au supérieur) à la retouche écailleuse (fig. 37j‑l) (21,4 % ; 54,1 %). La retouche semi‑abrupte (fig. 37n) tombe de 28,1 % à 19,9 %. La retouche, quel que soit son style, tend à être moins abrupte qu’aux niveaux 5 et 3. La retouche écailleuse est pratiquement limitée aux lames et dans la plupart des cas ne concerne qu’un côté. Au Noaillien supérieur on note une nette préférence pour la retouche sur le bord gauche des pièces.
43Les pièces tronquées et les pièces à retouche marginale des industries du niveau 4 n’étant pas des « types » au même sens que les grattoirs sur bout de lame ou les burins de Noailles, leurs fréquences relatives n’ont pas le même sens. L’incidence de la retouche marginale sur d’autres types d’outils est plus significative. La retouche est généralement appliquée à des pièces plus grandes que celles que l’on emploie pour la fabrication de burins de Noailles, mais, même si l’on prend en compte la taille, elle est plus courante sur les grattoirs sur bout de lame que sur les burins.
5.3.7 Objets lithiques autres que les silex
44Les collections du niveau 4 comprennent 5 retouchoirs faits sur des petits galets, 11 percuteurs (tous en quartz sauf un) et 2 enclumes. On trouve aussi une série de petits (jusqu’à 25 mm pour la plus grande dimension) cailloux (23 à l’inférieur, 84 au moyen et 75 au supérieur) qui, surtout au Noaillien supérieur, sont souvent polis artificiellement. Ces cailloux sont spécifiques du Noaillien. Les matières colorantes ne sont pas très abondantes bien que l’on ait retrouvé, parmi les chutes de plafond qui recouvrent le sommet du niveau 4, des blocs qui portent des traces de peinture rouge et noire. Le manganèse est relativement plus important et l’hématite relativement moins qu’aux niveaux 5 et 3. Parmi d’autres éléments apportés sur le gisement, on trouve 3 dents de Requins fossiles, 7 Ammonites et 1 fragment de galène.
5.3.8 Coquillages
45Les coquillages marins sont bien plus nombreux et variés au Noaillien supérieur que dans les séries périgordiennes (Dance 1975 : 154‑159). On en trouve également quelques exemples, encore courants aujourd’hui sur la côte Atlantique, au Noaillien inférieur, tandis que 3 individus du supérieur proviennent de la Méditerranée. Sur les 48 exemplaires, pour la plupart des Littorina littoralis, pour lesquels ont peut établir l’existence d’une perforation, un seul provient des dépôts du Noaillien inférieur. La technique de perforation est généralement indéterminée, mais sur les coquillages plus épais (Callista chione et Phalium saburon) une courte mais profonde rainure a été sciée ou incisée de l’extérieur. Au moyen‑1, on a trouvé 20 L. littoralis, qui n’étaient pas tous perforés, associés à 5 Ammonites fossiles.
5‑3.9 Dents façonnées
46On ne trouve que 6 dents perforées (fig. 39f) au niveau 4 et 1 rainurée pour la suspension (fig. 39g). 2 sont des incisives d’Ours, les autres sont des canines de Renard ou de Blaireau. La technique de perforation –qui implique une facette aplatie et une rainure de guidage sur un ou deux des côtés suivie, dans au moins un des cas, par un perçage biconique– ressemble à celle qui est employée pour la plus grande série du niveau 5. Le niveau 4 diffère cependant du niveau 5 par sa concentration sur les canines et le biseautage délibéré de certaines couronnes de dents. À la différence du niveau 3, on ne trouve aucun exemple d’os de crâche.
5.3.10 Vestiges osseux, objets de bois de Renne et d’ivoire
47L’industrie osseuse du niveau 4 est bien plus riche que celle du niveau 5 et diffère typologiquement de celle du niveau 3. La répartition des sagaies entre les subdivisions apparaît au tableau xvii. Le type le plus caractéristique est la sagaie d’Isturitz (fig. 38) (Saint‑Perrier 1965). Ces armes en bois de Renne sont généralement grandes, elles présentent une section plano‑convexe ou subovale et on les distingue surtout à leurs bases pointues et striées de formes assez variables. Ce type est un fossile‑directeur du Noaillien. Les autres sagaies, de bois de Renne et d’os, sont morphologiquement diverses et ne forment pas de séries très cohérentes (fig. 39a‑c).

FIG. 38 – Sagaies d’Isturitz du niveau 4 : inférieur (f, g), moyen‑2 (b), moyen‑1 (c, e, h) et supérieur (a, d).
P. Laurent del./CNRS ; éch. 1/2
48On trouve 4 poinçons ou alènes d’os dans les dépôts du Noaillien inférieur et 20 dans ceux du Noaillien supérieur. A la différence des niveaux 5 et 3, l’accent est mis sur les outils petits et délicats (fig. 39h) et sur les pièces faites dans les os creux de Lièvre (fig. 39i), de Renard rouge et d’oiseaux, deux des poinçons sont faits de bois de Renne ; l’un est fruste, l’autre est très travaillé (fig. 39j).

FIG. 39 – Objets en os, bois de Renne et dent du niveau 4 : inférieur (b, i), moyen‑2 (I), moyen 1 (a, c, m) et supérieur (d‑h, j, k, n). a sagaie en os ; b, c sagaies en bois de Renne ; d gorge en os ; e épingle d’os ; f canine de Renard perforée ; g incisive d’Ours rainurée ; h, i poinçons d’os ; j poinçon de bois de Renne ; k os d’oiseau décoré ; I pointe d’os décorée ; m lissoir d’os ; n polissoir d’os.
P. Laurent del./CNRS ; éch.2/3
5.4 Les séries de l’éboulis 3‑4 : moyen + inférieur et du niveau 4a
49Les séries du niveau 4 comportent aussi un petit nombre de lissoirs (fig. 39m) et de polissoirs (fig. 39n) d’os et de bois de Renne, 3 épingles en os (fig. 39e) et 4 « gorges », petits outils bipointus destinés à la pêche (fig. 39d). On trouve aussi un exemple convaincant de compresseur et 1 ou 2 chasse‑lames. On a retrouvé environ une douzaine de perles d’os tubulaires, pour la plupart très fragmentées, au supérieur et cequi pourrait être un sifflet en phalange de Renne à l’inférieur. 4 fragments d’os présentent des incisions assez régulières pour être qualifiées de décorations (fig. 39k, l). Un objet subsphérique provenant du supérieur est le seul objet en ivoire.
50En résumé, l’industrie osseuse du niveau 4 se caractérise par plusieurs formes distinctives mais n’offre, comme ensemble, aucune preuve d’une dérivation du Périgordien IV ou de source du Périgordien VI.
51Le contrôle stratigraphique sur ces unités n’a pas été parfait. Les séries du niveau 4a peuvent ne représenter qu’une ou plusieurs visites brèves à l’abri. Les objets provenant de l’éboulis sont pour la plupart antérieurs ; ils contiennent des pièces, y compris des burins de Noailles, qui furent mécaniquement déplacées de l’avant de l’abri où les dépôts de l’inférieur demeuraient exposés. En général, cependant, la série de l’éboulis est quantitativement et morphologiquement semblable à celle du niveau 4 : supérieur et peut être assignée au Noaillien supérieur (tabl. xviii). Son pourcentage d’outils à bords abattus (5,8 %) est plus élevé que celui du niveau 4 mais reste très inférieur à celui du niveau 4a. L’industrie autre que le silex comprend quelques sagaies, presque toutes fragmentaires, de formes semblables à celles du Noaillien supérieur. On trouve également 10 fragments de lissoirs d’os très bien faits, qui sont rares au niveau 4.

TABL. XVIII – Inventaire typologique et indices des industries du niveau 4a et de l’éboulis 3-4 : moyen + inférieur
52La typologie des outils en silex du niveau 4a présente très clairement des affinités avec le Noaillien supérieur, mais il subsiste des différences notables de fréquences d’outils (tabl. xviii). IB domine toujours, mais les valeurs de IG s’en rapprochent beaucoup plus qu’au niveau 4 : supérieur. On trouve des grattoirs sur bout de lame caractéristiques du Noaillien (fig. 40a) et la retouche marginale est pour la plupart écailleuse (fig. 40b). Les perçoirs sont relativement courants et comprennent de longs exemples bien dégagés (fig. 40c). IBt est anormalement bas pour une série noaillienne mais reste deux fois supérieur à IBd. Des burins‑pointe (fig. 40h) (n = 4), des burins de Noailles (fig. 40d, e) (n = 4) et du Raysse (fig. 40f, g) (n = 17) typiques sont présents. Ils sont associés avec un pourcentage élevé d’outils à bords abattus : 20,3 % de la série inventoriée. Comme nous l’avons mentionné précédemment, les pointes de La Gravette présentent des caractéristiques intermédiaires entre celles du niveau 5 et celles du niveau 3 (fig. 30p‑s).

FIG. 40 – Objets du niveau 4a. a, b grattoirs sur bout de lame ; c perçoir ; d, e burins de Noailles ; f, g burins du Raysse ; h burin‑pointe selon la technique de la retroncature.
P. Laurent del./CNRS ; éch. 2/3
53L’industrie autre que le silex, au niveau 4a, comprend 1 coquillage marin perforé, 7 canines et 2 incisives perforées comme celles du niveau 4, 6 objets d’os comprenant 1 pièce fusiforme et 2 petits morceaux de bois de Rennes travaillés. Le paragraphe suivant traite des affiliations culturelles de cette déroutante série 4a.
5.5 Indépendance de la tradition noaillienne
54Les analyses rapportées dans les paragraphes précédents ont montré que les industries du niveau 4 (et de l’éboulis 3‑4 : moyen + inférieur) étaient quantitativement et qualitativement différentes à la fois du Périgordien IV des industries tardives du niveau 5 et du Périgordien VI du niveau 3. Résumons rapidement les preuves que fournissent les fréquences relatives. Les grattoirs sur bout de lame sont beaucoup moins courants au Noaillien et les burins dièdres généralement plus fréquents. Malgré cela, alors qu’au Périgordien IV les burins dièdres sont plus courants que les burins sur troncature, au Noaillien les burins sur troncature, qui comprennent des types très caractéristiques, sont de loin les plus nombreux. Au Périgordien VI, les burins sur troncature continuent à dominer, mais moins fortement. Les pièces tronquées sont relativement rares dans toutes les séries, les pièces à retouche marginale sont bien plus courantes au Noaillien, surtout dans sa phase supérieure, qu’au Périgordien. Mais le contraste le plus marqué est celui des fréquences relatives des pointes de La Gravette (sensu lato), qui sont si caractéristiques du Périgordien que cette tradition a parfois été appelée du même nom ; elles représentent 1,1 % des séries inventoriées du niveau 4 dans son ensemble contre 20,3 % au niveau 3 et 25,0 % au niveau 5. Il est possible, mais très peu probable, que ces différences quantitatives marquées reflètent seulement des activités différentes, exercées à des moments différents par les membres d’une même culture ; par ailleurs, les différences qualitatives constituent une preuve du statut indépendant de la civilisation noaillienne.
55Exception faite, peut‑être, des outils à bords abattus, les types qui se retrouvent dans les trois industries sont stylistiquement distincts au Noaillien par rapport au Périgordien. Cette distinction est évidente à travers toutes les industries, même pour les grattoirs sur bout de lame qui sont les outils les plus courants et semble‑t‑il les plus banals de tout le Paléolithique supérieur ; elle est frappante parmi les burins sur troncature pour lesquels les Noailliens se montrèrent particulièrement ingénieux. Les différences stylistiques du Noaillien se manifestent encore dans d’autres domaines, comme celui de leurs armes en bois de Renne, de leurs ornements et même celui de leur choix des petits cailloux qu’ils aimaient à polir dans un but inconnu.
56Il est intéressant de noter que, malgré les différences entre les industries noailliennes des phases inférieure et supérieure (amélioration de la qualité des pièces‑supports, développements technologiques qui révolutionnent les burins, raffinement dans la qualité de la retouche marginale et son emploi plus fréquent, etc.), ces deux industries sont également distinctes des industries périgordiennes. Nous en concluons donc que les industries noailliennes du niveau 4 sont les expressions d’une tradition culturelle qui s’est formée indépendamment de la tradition périgordienne régionale. Si l’on considère en même temps : son économie –qui ne se distingue pas de celle du Périgordien d’après les restes fauniques (Bouchud 1975 ; Spiess 1979)–, la durée millénaire des occupations du niveau 4 de l’abri Pataud et les continuités stylistiques évidentes –qui, sur une période bien plus longue, associent le Périgordien IV et le Périgordien VI–, la différenciation stylistique du Noaillien n’est pas en accord avec l’autre hypothèse qui fait du Noaillien une simple variante fonctionnellement spécialisée d’une tradition périgordienne plus large (Laville, Rigaud 1973). Il n’est pas exagéré de dire que, pour accepter une telle hypothèse qui réduit le Noaillien à un outillage étroitement lié à des activités censées être à la fois spécifiques et particulières, il faudrait repenser le concept de style dans l’archéologie de l’Homo sapiens sapiens et rejeter les opinions courantes sur le sujet, y compris celles de l’un des principaux théoriciens du style, James Sackett (Sackett 1982), qui, comble de l’ironie, est le coauteur d’une synthèse importante qui perpétue cette mauvaise lecture des données (Laville et al. 1980 : 217‑288).
57Sans tenter ici de résumer les conclusions de ma monographie (David 1985), je dirai quand même que les données de l’abri Pataud ne sont pas du tout aberrantes, mais que si elles sont considérées, ainsi que d’autres manifestations noailliennes, dans une série de cadres progressivement plus grands (les alentours des Eyzies, le Périgord, l’Aquitaine, la France et le sud‑ouest de l’Europe) les preuves viennent toujours étayer de façon cohérente et conséquente l’indépendance de la civilisation noaillienne, tout en révélant ses variantes régionales et leurs développements historiques propres.
58Ma principale conclusion ne peut toutefois s’étendre sans restrictions à la série du niveau 4a. Cette série est caractérisée par des fréquences de catégories d’outils qui, malgré un échantillon réduit, sont plus ou moins intermédiaires entre celles des industries noaillienne et périgordienne. La typologie détaillée des outils ne révèle cependant aucune trace d’un développement du Noaillien en Périgordien VI. Les burins de Noailles, burins du Raysse et burins‑pointe sont typiquement noailliens ; si les pointes de La Gravette sont effectivement intermédiaires, elles ne le sont pas entre le Noaillien et le Périgordien VI mais entre le Périgordien VI et le Périgordien IV, bien antérieur. Pour ces raisons, et en tenant compte d’une fouille de ces dépôts bien moins fastidieuse que dans les niveaux principaux, je considère la série du niveau 4a comme un mélange d’outils éparpillés du Noaillien supérieur (ou terminal) et d’un Périgordien supérieur, presque contemporains, plutôt que comme une preuve d’acculturation ou de diffusion entre les deux traditions. Une telle acculturation aurait néanmoins été facilitée par la proximité spatiale des Noailliens et des Périgordiens à l’époque qui correspond au niveau 4a, et il y a de fortes présomptions dans ce sens, alimentées par des données provenant d’autres sites (David 1985 ; David, Bricker 1987), selon lesquelles l’abondance des burins sur troncature et de l’industrie osseuse au Périgordien VI, ainsi que peut‑être une plus grande importance accordée à l’art refléteraient l’héritage de la civilisation noaillienne qui, à l’époque de l’occupation du niveau 3 de l’abri Pataud, avait disparu depuis bien des siècles.
Notes
1 Quand des moyennes, des indices et des pourcentages sont cités, ils se réfèrent, sauf précisions supplémentaires, aux séries des unités stratigraphiques soit majeures (par exemple, inférieur), soit mineures (par exemple, supérieur‑1a). Le grand nombre de burins permet souvent d’appliquer l’analyse des attributs à des échantillons d’unités stratigraphiques plus précises, ce qui n’est pas le cas pour les autres outils.
2 Le mot anglais est spokeshave, qui est un outil utilisé par un charpentier ou un menuisier (NDT).
Table des illustrations
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Légende | TABL. XIII – Matériels archéologiques recensés dans les subdivisions majeures du niveau 4. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/41053/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 78k |
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Légende | TABL. XIV – Inventaire typologique et indices des industries du niveau 4. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/41053/img-2.jpg |
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Légende | FIG. 28 – Graphiques cumulatifs pour les industries du niveau 4 : inférieur (ligne à tirets ; N = 2 307), moyen (ligne continue ; N = 1193) et supérieur (ligne en pointillés ; N = 1 718). |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/41053/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 19k |
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Légende | FIG. 29 – Outils du niveau 4 : inférieur (c, e, h, l, o), moyen‑1 (d, k, m, n) et supérieur (a, b, f, g, i, j). a perçoir ; b, c pointes formées par retouche ; d, e grattoirs doubles ; f outil composite (grattoir sur bout de lame + burin sur troncature) ; g outil composite (grattoir sur bout de lame + burin dièdre) ; h‑o grattoirs sur bout de lame. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/41053/img-4.jpg |
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Légende | FIG. 30 - Outils à bords abattus du niveau 4 : inférieur (a, c, d, f, h, j‑n), moyen‑2 (b, o) et supérieur (e, g, i) et du niveau 4a (p‑s). a‑m, p‑s pointes de La Gravette (y compris « microgravettes ») ; n lamelle à dos ; o lamelle à bord partiellement abattu. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/41053/img-5.jpg |
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Légende | TABL. XV – Répartition des formes de tranchants de grattoirs sur bout de lame aux niveaux 5 (unités tardives), 4 et 3. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/41053/img-6.jpg |
Fichier | image/jpeg, 29k |
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Légende | FIG. 31 – Burins de Noailles du niveau 4 : inférieur (a‑r), moyen‑2 (s), moyen‑1 (t‑x) et supérieur (y‑dd). r façonné sur cassure ; x Noailles double avec burin distal façonné sur un plan de frappe du coup de burin dièdre et le proximal sur cassure. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/41053/img-7.jpg |
Fichier | image/jpeg, 219k |
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Légende | TABL. XVI – Contrastes entre les phases inférieure et supérieure du Noaillien, démontrés par la répartition des types de burins selon les subdivisions du niveau 4. Non mod. non modifié ; mod. modifié ; TB burin sur troncature ; RB burin sur bord/bout retouché ; UB burin sur bord/bout non retouché. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/41053/img-8.jpg |
Fichier | image/jpeg, 40k |
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Légende | FIG. 32 – Diagramme montrant les interrelations techniques entre les types de burins caractéristiquement noailliens. |
Crédits | V.T. del./dAf d’ap. Movius, David 1970 : 454 |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/41053/img-9.jpg |
Fichier | image/jpeg, 25k |
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Légende | FIG. 33 – Burins sur troncature du niveau 4 : inférieur (a‑e), moyen‑1 (f‑j) et supérieur (k‑p), h (deux extrémités), n, p burins sur troncature modifiés ; les autres sont des burins sur troncature non modifiés. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/41053/img-10.jpg |
Fichier | image/jpeg, 219k |
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Légende | FIG. 34 – Burins du Raysse du niveau 4 : inférieur (a), moyen‑1 (b‑f) et supérieur (g‑l). c burin mixte av burin sur troncature modifié à l’extrémité proximale ; d (distal) burin sur troncature de « plein cercle » qui est passé par une étape Raysse ; le burin du Raysse (proximal) est façonné sur un plan de frappe dièdre avec modification en troncature ; g burin du Raysse façonné sur un plan de frappe dièdre, également associé à un burin de Noailles à son extrémité proximale ; i combiné avec un grattoir sur bout de lame. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/41053/img-11.jpg |
Fichier | image/jpeg, 236k |
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Légende | FIG. 35 – Burins‑pointe du niveau 4 : inférieur (a‑d), moyen‑1 (e‑h) et supérieur (i‑l). a, c, d, i, k façonnés sur des plans de frappe dièdres ou sur bout non retouché ; les autres, sauf f façonné selon la technique de retroncature sur un plan de frappe dièdre, sont façonnés sur troncature ou sur des bords ou des bouts retouchés ; b montre la modification dièdre du plan de frappe ; e combiné avec un grattoir sur bout de lame ; g mixte avec burin sur troncature non modifié à l’extrémité proximale. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/41053/img-12.jpg |
Fichier | image/jpeg, 209k |
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Légende | FIG. 36 – Burins dièdres du niveau 4 : inférieur (a‑d), moyen‑2 (e), moyen‑1 (f‑h) et supérieur (i‑k), b combiné avec un grattoir sur bout de lame ; d mixte avec un burin sur troncature. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/41053/img-13.jpg |
Fichier | image/jpeg, 214k |
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Légende | FIG. 37 – Outils du niveau 4 : inférieur (b, e), moyen‑1 (c, h‑j) et supérieur (a, d, f, g, k‑n). a burin dièdre avec modification tertiaire du biseau ; b‑d burins sur cassure ; e burin triple (cassure cassure + troncature non modifiée) ; f‑i pièces tronquées ; j‑n lames à retouche marginale. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/41053/img-14.jpg |
Fichier | image/jpeg, 187k |
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Légende | TABL. XVII – Répartition des sagaies et fragments de sagaies dans les subdivisions du niveau 4. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/41053/img-15.jpg |
Fichier | image/jpeg, 285k |
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Légende | FIG. 38 – Sagaies d’Isturitz du niveau 4 : inférieur (f, g), moyen‑2 (b), moyen‑1 (c, e, h) et supérieur (a, d). |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/41053/img-16.jpg |
Fichier | image/jpeg, 214k |
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Légende | FIG. 39 – Objets en os, bois de Renne et dent du niveau 4 : inférieur (b, i), moyen‑2 (I), moyen 1 (a, c, m) et supérieur (d‑h, j, k, n). a sagaie en os ; b, c sagaies en bois de Renne ; d gorge en os ; e épingle d’os ; f canine de Renard perforée ; g incisive d’Ours rainurée ; h, i poinçons d’os ; j poinçon de bois de Renne ; k os d’oiseau décoré ; I pointe d’os décorée ; m lissoir d’os ; n polissoir d’os. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/41053/img-17.jpg |
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Légende | TABL. XVIII – Inventaire typologique et indices des industries du niveau 4a et de l’éboulis 3-4 : moyen + inférieur |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/41053/img-18.jpg |
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Légende | FIG. 40 – Objets du niveau 4a. a, b grattoirs sur bout de lame ; c perçoir ; d, e burins de Noailles ; f, g burins du Raysse ; h burin‑pointe selon la technique de la retroncature. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/41053/img-19.jpg |
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