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Le Paléolithique moyen dans le nord du Sénonais (Yonne)

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Valérie Deloze
, 
Pascal Depaepe
, 
Jean-Marc Gouédo

Chapitre 1. Cadre d’étude

1 Umfang der Untersuchungen

1 The study framework

Valérie Deloze, Pascal Depaepe, Jean‑Marc Gouedo, Vincent Krier et Jean‑Luc Locht

Résumé

Le Sénonais, plateau crétacé, est situé en limite sud‑est des apports lœssiques du Bassin parisien. La couverture superficielle est donc peu épaisse favorisant la formation de dolines (contexte du gisement de Vinneuf). Les quatre gisements voisins, Lailly/Le Fond de la Tournerie, Lailly/Le Domaine de Beauregard, Molinons et Villeneuve‑l’Archevêque se placent sur le glacis d’érosion plateau/vallons ou sur leurs versants doux s’ouvrant sur la vallée de la Vanne. La région, qui n’était paradoxalement connue que par des ramassages de surface, apparaît désormais plus riche en industries. Seules les fouilles de Champlost (Farizy 1985) et de Chailley (Boëda 1982) peuvent servir de références.

Texte intégral

1.1 Contexte géographique et géologique régional

1.1.1 Situation géographique

1Les niveaux archéologiques du Paléolithique moyen des cinq sites de Vinneuf, Lailly, Molinons, Villeneuve‑l’Archevêque et des stratigraphies du Quaternaire présentés dans ce volume se situent sur les plateaux crayeux du sud‑est du Bassin parisien. Le tracé de l’autoroute passe sur près de 80 km du nord‑ouest au sud‑est en surface du Plateau sénonais, le long de la vallée de l’Yonne, sur le bassin‑versant de la Vanne, puis dans la vallée de la Vanne elle‑même, sur le plateau du Pays‑d’Othe pour déboucher enfin sur la plaine de Troyes.

2Les plateaux du Sénonais et du Pays‑d’Othe (fig. 1) correspondent à un vaste quadrilatère d’une soixantaine de kilomètres de côté bordé au nord et à l’est par le cours de la Seine, l’Yonne à l’ouest, l’Armançon et l’Armance au sud. La surface de ces plateaux s’élève régulièrement du niveau d’écoulement de la Seine à 75 m NGF au nord‑ouest jusqu’à une ligne de crête de cuesta culminant à 300 m NGF, surplombant la Champagne humide au sud et la plaine de Troyes à l’est. Ce pendage des plateaux n’est pas de nature structurale. En effet cette surface recoupe successivement tous les niveaux de craie du Crétacé supérieur. Les accidents tectoniques ont induit un important réseau karstique en profondeur à l’origine de la plupart des écoulements permanents des rivières qui segmentent le plateau. Ce réseau karstique s’exprime en surface par de vastes dolines plus ou moins comblées de formations sablo‑graveleuses. Les accidents tectoniques influencent directement l’orientation du réseau hydrographique.

FIG. 1 – Localisation des sites du Paléolithique moyen sur le tracé de l’autoroute A5 : 1 Vinneuf/ Les Hauts Massous, Lailly/Le Fond de la Tournerie, 3 Lailly/Le Domaine de Beauregard, 4 Molinons/Le Grand Chanteloup, 5 Villeneuve‑l’Archevêque/La Prieurés

P.P. del. / AFAN

3La Vanne sépare le plateau du Sénonais au nord et le Pays‑d’Othe au sud. Elle prend sa source au sommet de la cuesta surmontant la plaine de Troyes et s’écoule selon une direction globalement est‑ouest rejoignant, après une cinquantaine de kilomètres de cours, l’Yonne à Sens. Le réseau hydrographique de son bassin‑versant est constitué par des vallons secs ou des rivières d’axes nord‑sud dont la plupart se trouvent sur la rive sud, accompagnant en cela le pendage général des couches de craie vers le nord. Par contre les deux principaux affluents à écoulement permanent, l’Alain et le Bétrot, se trouvent sur la rive nord. Une série de vallons secs ou de petites vallées à écoulement permanent d’orientation est‑ouest rejoignent le cours de l’Yonne sur la bordure ouest du Plateau sénonais. Une autre série d’orientation sud‑nord rejoignent au nord la vallée de la Seine.

4Le premier site fouillé et présenté infra, Vinneuf/Les Hauts Massons, se trouve sur le Plateau sénonais, enfoui dans des sédiments de comblement du karst de surface de la craie. Les quatre autres sites, distants les uns des autres de quelques kilomètres, Lailly/Le Fond de la Tournerie, Lailly/Le Domaine de Beauregard, Molinons/Le Grand Chanteloup et Villeneuve‑l’Archevêque/La Prieurée se placent sur la rive nord du bassin‑versant de la Vanne, soit sur les versants doux des vallons secs, soit sur le glacis d’érosion du Plateau sénonais.

1.1.2 Formations géologiques

1.1.2.1 Le substratum géologique

5Les craies de la séquence terminale du Crétacé supérieur, du Campanien au Coniacien, constituent les surfaces des plateaux du Sénonais et du Pays‑d’Othe surmontées de quelques lambeaux de formations tertiaires de l’Eocène inférieur (argiles, sables, grès et conglomérats). Les craies plus anciennes du Turonien et du Cénomanien apparaissent dans les fonds de vallée au sud‑est du Pays‑d’Othe et constituent le rebord de la cuesta du Pays‑d’Othe. Le pendage général des formations de craie du Secondaire est de 7 à 12 pour mille vers le nord‑ouest. Le plateau du Sénonais est au croisement de deux directions d’accidents tectoniques (Megnien, Labourguigne 1983) : l’une, méridienne (nord‑sud) prolonge les réseaux de failles qui bordent le Morvan et l’autre, ouest‑est, comporte une succession d’anticlinaux et de synclinaux.

6La craie présente de nombreux bancs à inclusions de silex. La fréquence de ces bancs et leur épaisseur varient beaucoup d’un étage à l’autre (Meignien, Labourguigne 1983 ; Krier à paraître). Le Campanien supérieur présente une craie assez pauvre en silex, Par contre, le Campanien inférieur est l’assise la plus riche en bancs de silex épais de 20 à 30 cm et espacés de 1 m. Du Santonien au Turonien supérieur, la craie présente régulièrement des bancs de silex, alors que le Turonien inférieur et le Cénomanien en sont presque totalement dépourvus.

1.1.2.2 Les formations superficielles

7Les formations quaternaires les plus étendues sont les nappes alluviales, les limons et les épandages cryoclastiques de la craie.

Les nappes alluviales

8Les nappes alluviales de graviers, sables et limons, tapissent l’ensemble des fonds actuels des vallées de la Seine, de l’Yonne, de la Vanne, de l’Armançon et de l’Armance (Krier 1985). Les dépôts alluviaux de la Seine et surtout ceux le long de l’Yonne s’organisent en terrasses successives séparées par des paliers importants (Krier 1985). On compte jusqu’à huit nappes alluviales pour la vallée de l’Yonne de Ft à Fz. Toutes ces rivières présentent des formations tourbeuses holocène plus ou moins importantes (Krier et al. à paraître). Les affluents principaux de la Vanne, l’Alain et le Bétrot, possèdent aussi des nappes alluviales anciennes étagées le long de leur vallée : Fv‑Fw, Fx‑Fy et Fz.

Les limons lœssiques

9Cette région correspond à l’extrême limite sud‑est des apports lœssiques du Bassin parisien (Lautridou 1984 ; Krier 1985). Deux types de couverture limoneuse peuvent être distingués : la première couvre les surfaces des plateaux, comblant en partie les dolines du réseau karstique ; cette couverture limono‑sableuse est décarbonatée, elle a une origine complexe associant apport éolien, remaniement par colluvion des formations sableuses du Tertiaire, et pédogenèses quaternaires anciennes successives. La seconde couvre les versants doux, nord ou nord‑ouest, des vallons secs ou les glacis de certaines vallées. Cette couverture correspond aussi bien à des limons décarbonatés que carbonatés, selon leur âge et leur matériel d’origine. Leur origine est complexe : remaniement de colluvion de sable tertiaire, sables et poussière issus de la cryoclastie des assises crayeuses, remaniement de limons alluviaux.

Les dépôts cryoclastiques

10Le long de la cuesta du Turonien apparaissent des formations d’épandage de gélifracts, soit localisées comme les grèzes (Krier 1985) soit généralisées à tous les pieds de versant comme sur la plaine de Troyes. Les autres formations quaternaires correspondent à des remaniements plus ou moins localisés des dépôts précédents.

11Le site de Vinneuf est installé dans la zone du Campanien supérieur, et les quatre sites du bassin de la Vanne sont sur‑la zone du Santonien. Tous les niveaux archéologiques de ces sites et des autres gisements présentés sont interstratifiés dans des dépôts limoneux, soit de plateau comme à Vinneuf, soit de versant crayeux.

1.2 Contexte archéologique régional

1.2.1 Les plateaux du Sénonais et du Pays‑d’Othe

12Le substrat des plateaux est constitué par les derniers étages du Crétacé, pourvus en nombreux points d’eau et en silex que l’érosion rend facilement accessibles. Il n’est donc pas étonnant que cette région soit très riche en gisements paléolithiques de plein air comme l’ont montré les synthèses anciennes d’H. Parat (1908) puis celles d’A. Hure (1912 ; 1978) puis celle plus récentes de C. Girard (1976), complétée en 1982 (Girard, Schmider 1982) puis en 1984 (Girard‑Farizy 1984) et en 1989 (Farizy, Schmider 1989). D’après C. Girard‑Farizy, industries acheuléennes, Moustérien typique et surtout Moustérien de tradition acheuléenne sont très fréquents. C. Farizy note également la présence d’un type de biface « à base très épaisse, souvent dissymétrique et une extrémité arrondie, communes à de nombreux bifaces, [qui] pourraient correspondre à une caractéristique régionale (bifaces de type Acheuléen supérieur tendant vers le Micoquien) » (Girard‑Farizy 1984 : 98). Le tri manifeste de ces séries lithiques les rend difficilement exploitables pour une étude détaillée. Le Paléolithique ancien et moyen des plateaux est donc principalement connu par ces innombrables séries triées provenant de ramassages car très peu de fouilles ont été entreprises. Sans doute la forte érosion des versants a‑t’elle découragé bon nombre de préhistoriens pensant ne plus trouver de gisements en place. Les dernières recherches de terrain avec observations stratigraphiques étaient celles de A. Hure et datent du début du siècle. Dès 1926, ce chercheur mentionne des ramassages de pièces acheuléennes et moustériennes dans une sablière sur le plateau de Vinneuf à une altitude de 110 m NGF. Nous avons retrouvé une partie de cette collection à Vinneuf ; seuls quelques bifaces attribuables à l’« Acheuléen supérieur » sont conservés. Ce gisement n’est distant que de quelques centaines de mètres au sud‑ouest de celui des Hauts Massous. Peu nombreux sont les sites qui ont fait l’objet de fouille au sens moderne du terme. Jusque là seuls deux gisements ont fait l’objet de fouille sur le versant sud du Pays‑d’Othe, aux confins avec l’Auxerrois. C. Farizy a fouillé de 1981 à 1992 le gisement moustérien de plein air de Champlost mettant en évidence un important campement de chasse principalement lié aux Bovinés et aux Rennes, porteur d’une industrie de tradition charentienne de type Ferrassie liée avec d’autres industries localisées dans le couloir rhodanien (Ferrassie de faciès rhodanien), (Decroix‑Bourhin et al. 1990) et en Allemagne (Micoquien de type Schambach) (Girard, Krier 1982 ; Farizy et al. 1986 ; Girard‑Farizy 1984 ; Farizy 1985 ; Gouédo 1986). E. Boëda a fouillé un gisement sur le territoire de la commune de Chailley présentant une industrie où les pointes Levallois sont nombreuses (Boëda 1982). Le Paléolithique ancien et moyen du Sénonais et du Pays‑d’Othe est donc largement méconnu, en regard des exigences contemporaines de la recherche.

1.2.2 La vallée de la Vanne

13Le Paléolithique moyen de la vallée de la Vanne à l’ouest du département de l’Aube et au nord de celui de l’Yonne, est surtout connu par d’abondants ramassages de surface (fig. 2). De nombreuses stations sont mentionnées dans l’Yonne, sur les communes de Molinons, Lailly, Pont‑sur‑Vanne, Foissy‑sur‑Vanne, Les Clérimois, Villeneuve‑l’Archevêque, Bagneaux... (Hure 1926a ; Lajon 1926 ; 1927 ; 1928 ; 1932). Il y a peu fut publiée une carte des gisements du Paléolithique ancien et moyen dans le Pays‑d’Othe aubois, illustrant leur abondance (Boëda, Mazière 1989). Les auteurs y signalaient quelques traits généraux du Paléolithique moyen : présence marquée du Moustérien de tradition acheuléenne, présence du Micoquien (Bosinski 1967), variabilité du débitage Levallois. Ces caractéristiques semblent se retrouver dans la partie icaunaise de la vallée de la Vanne, confirment et viennent compléter les données des synthèses pour les plateaux du Sénonais et du Pays‑d’Othe.

FIG. 2 – Localisation des sites du Paléolithique moyen mentionnés dans le volume

J.‑M.G., J.‑L.L, P.D. / AFAN

14Cependant, il est évident que les ramassages de surface sont à considérer avec circonspection, car non interprétables, sous toute certitude, en termes culturels et chronostratigraphiques. Ainsi, si le Moustérien de tradition acheuléenne est le faciès le plus souvent signalé, peut‑être est‑ce dû au fait que « [...] le biface attire l’œil, comme le Moustérien à denticulés est le moins fréquent parce que le moins spectaculaire » (Gruet 1976).

Table des illustrations

Légende FIG. 1 – Localisation des sites du Paléolithique moyen sur le tracé de l’autoroute A5 : 1 Vinneuf/ Les Hauts Massous, Lailly/Le Fond de la Tournerie, 3 Lailly/Le Domaine de Beauregard, 4 Molinons/Le Grand Chanteloup, 5 Villeneuve‑l’Archevêque/La Prieurés
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/40383/img-1.jpg
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Légende FIG. 2 – Localisation des sites du Paléolithique moyen mentionnés dans le volume
Crédits J.‑M.G., J.‑L.L, P.D. / AFAN
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Auteurs

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