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L’environnement des églises et la topographie religieuse des campagnes médiévales

 | 
Michel Fixot
, 
Elisabeth Zadora-Rio

Chapitre 3. Les domaines ecclésiastiques

3.2. Le développement du domaine de l’abbaye augustinienne de Saint‑Jean‑des‑Vignes à Soissons (1076‑1140)

3.2 The development of the domain of the augustinian abbey of St.‑Jean‑des‑Vignes, Soissons (1076‑1140)

Sheila Bonde, Edward Boyden et Clark Maines

Résumé

Fondée en 1072 comme abbaye suburbaine de Soissons, l’abbaye de Saint‑Jean‑des‑Vignes fait l’objet d’un programme d’études archéologiques et historiques. L’abbaye possédait un domaine très excentré par rapport à la ville de Soissons. La méthode d’exploitation et de contrôle économique reposait sur les relais que constituaient les paroisses in castro.

Texte intégral

Nous sommes reconnaissants du soutien financier de nos universités de Brown et de Wesleyan et des fondations américaines : The National Endowment for the Humanities, The Kress Foundation et The Center for Field Research (Earthwatch Foundation). De plus, nous souhaitons remercier la ville de Soissons et nos collègues français : J.‑C. Blanchet, G. Brunel, D. Defente, P. Demolon et J. Haquet.

3.2.1 Introduction et problématique

1L’abbaye constitue l’une des institutions les plus importantes du Moyen Âge et elle se caractérise par sa permanence durant toute cette période ; en théorie éloignée du monde séculier, l’abbaye y était en réalité très impliquée. Les membres, et en particulier ceux qui constituent l’élite de l’abbaye, sont issus des échelons supérieurs de la hiérarchie sociale. Grâce aux donations qu’elle a reçues, l’abbaye affirme sa position économique, sociale et politique au sein des villes et même des régions environnantes. Ces donations, propriétés, privilèges et droits, constituent le champ de pouvoir d’une abbaye et ses moyens de le contrôler. De plus, la définition du domaine d’une abbaye ne constitue pas une constante, mais plutôt un élément changeant dans la vie de la communauté.

  • 1 Bien que les textes ne soient pas précis, les mentions de paroisse concernent probablement l’église (...)

2La situation géographique d’une abbaye n’est pas le fruit du hasard : c’est un choix délibéré fait, au moins en partie, en raison de sa proximité ou de son éloignement d’un centre urbain. En privilégiant dans leur choix l’existence d’une paroisse, certains ordres, comme les Augustiniens, veulent profiter d’une densité de population et s’installent donc près d’une ville ou dans ses environs immédiats. Par contraste, avec leur retrait du monde séculier, d’autres ordres, comme les Cisterciens, cherchent des sites désertés. La situation géographique d’un domaine abbatial dépend aussi de la disponibilité et du potentiel de terres et de propriétés. Par exemple, comme les ambitions spirituelles des Augustiniens ont privilégié une liaison active avec le monde séculier, leurs domaines se composent souvent de nombreuses paroisses1.

3Traditionnellement, un domaine abbatial est conçu géographiquement et son abbaye est située dans la partie centrale de sa région (Rowlands 1987 ; Champion 1989). Lorsque la maison est prospère, sa sphère d’influence s’agrandit ; lorsqu’elle ne l’est plus, son domaine se rétracte. D’après ce modèle, l’influence d’une abbaye sur sa région et le contrôle de son domaine sont plus forts vers le centre, où elle se trouve elle‑même ; son pouvoir diminue, de façon concentrique, vers la périphérie de sa sphère d’influence.

4Peut‑être valables pour les fondations monastiques du haut Moyen Âge, ces généralisations sont beaucoup moins évidentes pour les fondations des xie et xiie s. Ces nouveaux établissements ont été institués dans un paysage déjà contrôlé par de vénérables et puissants monastères et leurs domaines ne correspondent pas souvent au modèle simple concentrique. Dans ces derniers cas, ce modèle doit être modifié pour refléter une situation plus compliquée de centres excentrés ou de centres primaires et secondaires. L’étude de ces fondations établies plus tard soulève donc des problèmes relatifs à la distribution des propriétés aux sources de donations et aux moyens de contrôle.

5Dès le commencement des fouilles archéologiques en 1982, un aspect du programme de recherches sur l’ancienne maison de Saint‑Jean‑des‑Vignes à Soissons consista à préciser et à comprendre l’évolution du site, c’est‑à‑dire, l’étude de l’abbatiale et de son environnement immédiat (Bonde, Maines 1983‑1988 ; Bonde, Maines 1985 ; Bonde, Maines 1987 ; Bonde, Maines 1988a ; Bonde, Maines 1988b ; Bonde, Maines 1990). Un deuxième aspect du programme consista à préciser et à comprendre le développement chronologique et spatial de son domaine, c’est‑à‑dire l’étude de l’abbaye dans le terroir.

3.2.2 Le développement du domaine

  • 2 Entre les diverses règles canoniales, les chanoines réguliers de Saint‑Jean‑des‑Vignes ont choisi d (...)

6L’abbaye augustinienne de Saint‑Jean‑des‑Vignes fut établie, à partir de 1072, hors des murs de la ville médiévale de Soissons (Prou 1908 : 211‑214 ; Renaudin 1958 : 80 et 253‑254 ; Bonde, Maines 1987 : 3‑5), répondant à la grande réforme monastique du xie s.2. A son apogée, entre la fin du xiie et la fin du xiiie s., Saint‑Jean‑des‑Vignes est devenue l’une des plus importantes communautés régulières du Soissonnais. Pendant ce siècle, Saint‑Jean regroupait un vaste domaine, avec plus de quarante paroisses et prieurés (parmi lesquels une trentaine était acquise avant 1100) et presque vingt fermes et moulins. En plus des paroisses et des fermes, l’abbaye a obtenu d’autres sources de richesse et de pouvoir, c’est‑à‑dire, des revenus, de nouvelles terres, forêts et vignobles, des fours, des droits d’usage et de justice.

  • 3 Encore visible sur la carte de Soissons (nos 3‑4 au 1/25 000), le château s’est trouvé sur la pente (...)
  • 4 Une prospection des moulins sur la rivière Crise s’est effectuée en 1990. Des sondages ont été auss (...)

7L’étude matérielle de toutes ces propriétés a été commencée ; toutes les paroisses ont été visitées. Les plans et les élévations des églises existantes ont été répertoriés. Leurs phases de construction médiévales ont été d’abord déterminées approximativement. Les villages paroissiaux ont aussi été inventoriés : leurs constructions médiévales, la présence de fortifications, et l’emplacement des cimetières ont été notés. Les fermes, déjà étudiées du point de vue de leur architecture (Salmon 1971 ; Ancien 1971) et les sites présumés de plusieurs moulins médiévaux ont été également visités. Un site a été étudié sur le terrain3 (Brunel 1983) et d’autres doivent faire l’objet d’un travail systématique, avec comme complément, des sondages ponctuels4.

8L’étude architecturale et archéologique est menée en relation avec des recherches documentaires. Les sources écrites sur Saint‑Jean‑des‑Vignes sont très riches. Il reste, en effet, plus de mille chartes ou copies médiévales, depuis la date de l’établissement de l’abbaye à partir de 1072, jusqu’au milieu du xive s. Il y a également des manuscrits liturgiques et administratifs qui se trouvent, comme les chartes et cartulaires, à la Bibliothèque nationale, aux Archives nationales, aux Archives départementales de l’Aisne, et à la Bibliothèque municipale de Soissons (Béquet s.d. ; Renaudin 1958). Cette documentation reste en grande partie inédite, mais elle est actuellement en cours d’étude.

9L’étude documentaire du domaine de Saint‑Jean repose principalement sur deux cartulaires inédits (Paris, Bibliothèque nationale, ms. lat. 11004 ; Soissons, Bibliothèque municipale, ms. 5) ; (Le Braz 1965 : 107‑108 ; Renaudin 1958 : 28‑49, 50‑53), avec en complément pour certains cas, les informations des textes des historiens locaux du xvie et du xviie s. (Hist. Soissons 1582 ; Le Gris 1619 ; Louen (de) 1710 ; Dormay 1664). Parfois il a été utile de confirmer les données médiévales par des textes tardifs (Soissons, Bibliothèque municipale, ms. 6). Afin d’identifier les nombreuses possessions de l’abbaye, le nom du donateur, son lieu d’origine, l’ordre des mentions dans les chartes et la toponymie ont été employés.

  • 5 En principe, nous supposons que la première apparition d’un bien dans une confirmation indique que (...)

10Ces études archéologiques et documentaires ont mis au jour, jusqu’à présent, le développement du domaine de Saint‑Jean‑des‑Vignes à travers durant ses soixante‑quinze premières années ; ses biens sont présentés sur une liste commentée, classée chronologiquement (cf. annexe infra) à partir de cette liste, sur une série de cartes. Celles‑ci nous permettent de visualiser le développement du domaine spatialement (Hodder, Orton 1976 ; Haggett 1966 ; Chisholm 1962 ; Berry 1987) en même temps que chronologiquement. Sur ces cartes nous n’avons pas adopté une division chronologique arbitraire –tous les 25 ans, par exemple–, mais une division chronologique induite par les documents eux‑mêmes. Les cartes correspondent donc aux dates de la confirmation royale de l’établissement de l’abbaye, puis à celles des trois premières confirmations importantes5.

11Bien que les circonstances de l’établissement de Saint‑Jean‑des‑Vignes restent obscures, la charte de confirmation du roi Philippe Ier et les versions tardives de la charte de fondation de l’évêque Thibaud de Soissons (1072‑1080) nous offrent des renseignements sur son installation (Prou 1908 : 211‑214 ; Renaudin 1958 : 80 et 253‑254). Il semble que Hugues de Château‑Thierry se soit attribué des propriétés de l’évêque de Soissons, qui furent plus tard restituées à l’église par Hugues, sous l’influence de l’évêque Thibaud, afin de soutenir la nouvelle abbaye de Saint‑Jean.

12En plus de la paroisse de Saint‑Jean‑du‑Mont, sur la colline occupée par l’abbaye même, cette première donation comprend deux moulins à Soissons, une paroisse près de la ville, une deuxième plus au sud, quatre paroisses et un port dans la vallée de la Marne (fig. 1). Donc, dès son établissement, la présence régionale de Saint‑Jean‑des‑Vignes est affirmée, et son influence se développe presque exclusivement vers le sud. Les premières possessions de Saint‑Jean‑des‑Vignes sont situées en grande partie au sud de Château‑Thierry, siège de son fondateur.

FIG. 1 – Saint‑Jean‑des‑Vignes : propriétés à la fondation vers 1076

M. Henry del. / dAf

13Cette distribution des premières possessions suit les limites du diocèse de Soissons et pose immédiatement des questions d’administration et de contrôle pour la nouvelle abbaye (fig. 2). Néanmoins, comme nous allons le voir, d’autres éléments ont contribué au développement du domaine de Saint‑Jean dans une direction priviligiée vers le sud ; ces mêmes éléments ont leur répondant dans l’administration et le contrôle abbatial.

FIG. 2 – Les limites du diocèse de Soissons au Moyen Âge

M. Henry del. / dAf

  • 6 Nous sommes très reconnaissants envers notre collègue D. Defente de nous avoir permis de présenter (...)

14Dans une certaine mesure, cette organisation du domaine de l’abbaye peut être expliquée par la disponibilité des terres dans une région déjà contrôlée par de vénérables monastères bénédictins. Bien que les domaines de ces anciens monastères soissonnais ne soient pas encore étudiés de façon systématique, on sait que les proches possessions de Saint‑Médard se sont trouvées concentrées dans la vallée de l’Aisne au nord et à l’est de Soissons (fig. 3)6. De plus, aucun autre monastère important n’existait dans la région, autour et au sud de Château‑Thierry, pendant les xie et xiie s.

FIG. 3 – Soissons : le temporel de l’abbaye Saint‑Médard.

D’après G. Bracq ; M. Henry del. / dAf

15La géologie et le développement agricole du diocèse ont eu une influence sur l’agrandissement du domaine de Saint‑Jean (Atlas 1976, B2, B3, B4 ; Bur 1977 ; Brunel 1983 ; Fossier 1982 ; Pounds 1973 : 227‑312). Cette région au sud de l’abbaye, entre Soissons et Château‑Thierry, était dans une large mesure une vaste plaine crayeuse traversée par des vallées assez vertes et humides. Dès l’établissement de l’abbaye, la région semble avoir été relativement pauvre en population ainsi qu’en fondations religieuses. Cependant, durant le xie s. et le siècle suivant, la qualité de ces terres pour les céréales et la vigne (Dion 1977 : 207‑210) a attiré une population importante et a rendu l’activité économique plus dynamique. Ce n’est pas le fruit du hasard si cette abbaye s’est appelée Saint‑Jean‑des‑Vignes.

  • 7 Pour distinguer les paroisses situées à l’intérieur des châteaux forts, nous avons choisi les mots (...)
  • 8 Nous ne faisons pas ici une étude du peuplement du domaine de l’abbaye, bien qu’elle soit important (...)

16Dans les confirmations de 1100 et 1110, il y avait une profusion de propriétés et de nouvelles sortes de biens (fig. 4 et 5). Au foyer double de Soissons et de Château‑Thierry s’ajoute celui de la paroisse in Castro7 de la Ferté‑Milon. L’extension dans les régions nouvelles s’effectue assez rapidement ; la distribution excentrée vers le sud se trouve toujours préservée. On voit aussi que l’acquisition de propriétés suit, de façon générale, le cours des rivières de la région. Selon M. Bur, deux‑tiers sinon les trois‑quarts de la population sont installés dans ces vallées. « Une carte du peuplement à travers les âges montrerait la continuité de cette implantation et sa stabilité » (Bur 1977 ; Brunei 1983 : 199)8. Avec la confirmation de 1140 on constate le « remplissage » de la région entre l’Aisne et la Marne et l’addition des propriétés sur la petite rivière, la Drouilly et ses tributaires, près de la Ferté Gaucher (fig. 6). Sur cette carte, le nombre des paroisses in Castro passe au nombre de sept, avec l’addition d’Ostel, d’Oulchy‑le‑Château, de La Ferté‑Gaucher et de Montmirail.

FIG. 4 – Saint‑Jean‑des‑Vignes : propriétés vers 1100. Les sigles en silhouette et les lettres en italique correspondent aux propriétés ajoutées entre 1076 et 1100.

M. Henry del. / dAf

FIG. 5 – Saint‑Jean‑des‑Vignes : propriétés vers 1110. Les sigles en silhouette et les lettres en italique correspondent aux propriétés ajoutées entre 1100 et 1110.

M. Henry del. / dAf

FIG. 6 – Saint‑Jean‑des‑Vignes : propriétés vers 1140. Les sigles en silhouette et les lettres en italique correspondent aux propriétés ajoutées entre 1110 et 1140.

M. Henry del. / dAf

  • 9 Il y a des limites Intéressantes au soutien épiscopal à Saint‑Jean‑des‑Vignes. Bien qu’il y ait des (...)

17Bien que la possession des paroisses in castra atteste l’activité de la noblesse dans le développement du domaine de Saint‑Jean‑des‑Vignes, activité que nous allons considérer plus tard, le soutien des grands n’était pas limité aux seigneurs du monde séculier. Pendant les premiers cinquante ans de l’existence de Saint‑Jean‑des‑Vignes, l’abbaye a profité du soutien des évêques de Soissons (tabl. i)9. Deux évêques, Thibaud et Hugues de Pierrefonds ont renforcé fortement l’établissement et le développement de la nouvelle maison. Leurs épiscopats ont vu les plus nombreuses et importantes acquisitions de la nouvelle abbaye. Les chartes révèlent que ces deux évêques ont joué un rôle essentiel, comme médiateurs, entre les bienfaiteurs nobles et les chanoines réguliers de Saint‑Jean‑des‑Vignes pour faire prospérer l’abbaye.

TABL. I – Saint-Jean-des-Vignes : le patronage épiscopal entre la fondation vers 1076 et 1200

  • 10 M. Bur n’a pas publié le texte de ce document que nous n’avons pas vu. Nous retenons donc une note (...)

18M. Bur a signalé une charte qui identifie l’évêque Thibaud comme le frère de Nivelon ier, seigneur de Pierrefonds (Bur 1977 : 247)10. Selon cet auteur, l’évêque Hugues était le frère de Nivelon II de Pierrefonds et donc le neveu de Thibaud (Newman 1971 : 187‑192 ; Brunel 1983 : 482b‑489). Il est certain que ces deux évêques ont participé au mouvement de la Réforme de l’Eglise ; mais par l’importance de leur action en faveur de l’abbaye, qui dépasse celle de tous les autres évêques de Soissons, on peut estimer que leur rôle dans le développement du pouvoir de Saint‑Jean‑des‑Vignes correspond aussi à une politique familiale. Dans un cas comme celui‑ci, des distinctions entre le soutien séculier et le soutien ecclésiastique ne sont pas faciles à faire.

19Le soutien épiscopal a donc joué un rôle principal dans la première floraison de l’abbaye de Saint‑Jean‑des‑Vignes. La noblesse a aussi participé dès la fondation de l’abbaye et son soutien continuel a contribué à son développement bien après la fin du support épiscopal. Les bienfaits reçus par les nobles qui soutenaient la réforme ecclésiastique ont été très récemment soulignés par John Howe (Howe 1988 ; Brunei 1983 : 220‑224). En plus des bienfaits spirituels, Howe recense les récompenses économiques et politiques, et le prestige social gagné par ces seigneurs qui supportaient des monastères. L’étude des droits et des propriétés de Saint‑Jean‑des‑Vignes met en valeur le rôle joué par la noblesse durant les soixante‑quinze premières années de l’abbaye.

20Il est fort probable que la maison du comte de Champagne était très impliquée dans la fondation de Saint‑Jean‑des‑Vignes. D’après M. Bur, on sait que Thibaud ier et son fils, Etienne‑Henri, ont soutenu le mouvement de la réforme ecclésiastique (Bur 1977 : 222‑230). Il est donc significatif que ces hommes se trouvent parmi les témoins de la charte de confirmation du roi Philippe Ier en 1076 (Prou 1908 : 211‑214). De plus, les chartes suggèrent que l’entourage ducomte de Champagne était actif dès l’établissement de l’abbaye. Deux vassaux du comte étaient aussi parmi les témoins de la même charte royale : Hugues de Château‑Thierry, et Gui de Châtillon‑sur‑Marne (Prou 1908).

  • 11 La paroisse in castro d’Ostel ne fait pas partie de cette répartition. Evidemment offerte par le se (...)

21Les vassaux du comte de Champagne ont conservé leur rôle de bienfaiteur de l’abbaye au cours des xie et xiie s. Ce fait est visible dans le nombre des paroisses in Castro, données par ces vassaux (Bur 1977 : 231‑258)11 et qui sont devenues possessions de Saint‑Jean‑des‑Vignes (fig. 7). La liste comprend : Saint‑Vulgis de La Ferté‑Milon, Notre‑Dame d’Oulchy‑le‑Château, Saint‑Martin de la Ferté‑Gaucher, et Saint‑Etienne de Montmirail. De plus, le transfert d’une paroisse in castra à l’abbaye de Saint‑Jean‑des‑Vignes était accompagné de dons d’autres propriétés autour du même château, que ce soit immédiatement ou plus tard.

FIG. 7 – Saint‑Jean‑des‑Vignes : propriétés vers 1140 en relation avec les châteaux.

M. Henry del. / dAf

  • 12 En raison d’une incertitude sur la date du décès de Gaucher Ier, il se peut que le donateur ait été (...)

22La maison de la Ferté‑Gaucher‑Montmirail reflète bien cette situation (Bur 1977 : 249‑251 ; Brunel 1983 : 471 et 486)12. Alliés aux comtes de Champagne, les Montmirail ont étendu leur pouvoir systématiquement pendant les xie et xiie s. en acquérant de nombreuses propriétés, et plus tard le comté de Chartres. L’établissement de la paroisse de Saint‑Etienne in castra à Montmirail fut accompagné par le don d’autels dans les villages voisins de Vendières et de Marchais‑en‑Brie ; la répartition était identique autour de la paroisse in castra à la Ferté‑Gaucher. De plus, le seigneur Gaucher Ier semble avoir succédé à Hugues de Château‑Thierry par le mariage de sa fille (Renaudin 1958 : 268 ; Bur 1977 : 249). Presque en même temps, la paroisse in cas tra d’Oulchy‑le‑Château, anciennement possession de Thibaud II de Champagne, était transférée à Saint‑Jean‑des‑Vignes avec sa dépendance, l’autel d’Oulchy‑la‑Ville. Bien que les Montmirail aient soutenu d’autres ordres de la réforme monastique, ils sont restés les bienfaiteurs de Saint‑Jean‑des‑Vignes, au moins jusqu’à la fin du xiiie s.

  • 13 Il y a d’autres systèmes de modélisation, comme par exemple, les polygones « réguliers » et les pol (...)

23A titre d’hypothèse, il semble raisonnable de supposer que ces paroisses in Castro furent utilisées comme centres secondaires pour l’administration du domaine périphérique constitué des éléments du domaine abbatial répartis autour des châteaux. Vues cartographiquement, les paroisses in Castro peuvent être conçues, et semblent fonctionner, comme les moyeux de multiples roues et roues partielles (fig. 8). Les zones d’influence sont représentées sur la carte comme un ensemble de cercles13. Les propriétés et les biens se trouvent distribués, sauf rare exception, en deçà des limites de la région –indiquées par les cercles– de chaque château et de sa paroisse castrale.

FIG. 8 – Saint‑Jean‑des‑Vignes : propriétés vers 1140 en relation avec les châteaux. Les zones circulaires mettent en évidence le fonctionnement et l’organisation spatiale des centres et de leurs périphéries

M. Henry del / dAf

24Cette conception cartographique du fonctionnement des paroisses in castro n’est ni préconçue, ni rigide. Cette répartition spatiale est la conséquence de la combinaison des données géographiques et historiques. Il faut souligner que les châteaux sont tous espacés d’approximativement 25 km et qu’ils ont tous fait partie de la même entité politique, celle du comte de Champagne. Presque sans exception, les propriétés et les biens autour d’une paroisse castrale ont appartenu au domaine du seigneur du même château. Il nous a donc semblé raisonnable d’établir sur la carte, « vers 1140 », des régions délimitées par une série de cercles, chacun avec un rayon égal à la moitié de la distance qui sépare un château du prochain.

  • 14 Renaudin 1958 : 292‑296 : « [...] vicio tamen scribarum sive negligentia custodum in quibusdam loci (...)
  • 15 La suite du développement du domaine de Saint‑Jean‑des‑Vignes fera l’objet d’une prochaine étude. P (...)

25Pour une bonne compréhension, il apparaît nécessaire de signaler que cette répartition de zones circulaires n’est pas une représentation de la réalité existante vers 1140, mais plutôt la mise en valeur du fonctionnement et de l’organisation spatiale de ces centres et de leurs périphéries. Dessinée sans tenir compte de la réalité géographique ou de la conjoncture historico‑politique, il semble évident que cette carte est trop abstraite pour représenter les limites actuelles d’une région castrale. Pour cette époque, on ne peut véritablement pas définir une frontière nette entre deux zones d’influence ; de plus, il faut supposer que ces limites ont été modifiées dans l’espace et au cours du temps. Tel fut le cas des régions de Saint‑Jean‑des‑Vignes, car en 1145, par exemple, une charte de l’évêque Josselin de Vierzy révèle que l’abbaye a connu des difficultés dans l’administration de certaines propriétés14 (Renaudin 1958 : 292‑296). Il est important de noter que ces biens « problématiques » se trouvent à la périphérie des zones d’influence sur la carte de 1140. Dans ce cas, il faut imaginer que ces zones se sont, à une certaine période, contractées. Toute une série de cartes serait nécessaire pour montrer chronologiquement le fonctionnement des domaines centraux et périphériques de Saint‑Jean‑des‑Vignes15.

  • 16 Renaudin 1958 : 291‑292, d’après l’original (Paris, Arch. nat. L. 1007, no 2) : « [...] propre Firm (...)
  • 17 Le Gris 1619 : 112, cite un texte du Pape Lucius iii : « In parochialibus vero Ecclesiis vestris [. (...)
  • 18 Au moment (entre 1093 et 1100) où Hugues‑le‑Blanc, seigneur de La Ferté‑Milon et de Braine a donné (...)

26Cette répartition cartographique et l’hypothèse sur l’importance des églises in castro nous ramènent encore une fois vers les sources écrites. Les documents suggèrent que les paroisses in castra étaient distinguées de très bonne heure dans la hiérarchie organisationelle de l’abbaye et ils confirment que ces paroisses ont joué un rôle spécifique dans l’administration des biens. Il est certain qu’à partir de 1141, les églises des châteaux d’Oulchy‑le‑Château et de La Ferté‑Milon ont tenu le rang de prieurés16. Si comme le suppose l’historien Le Gris, un prieuré de Saint‑Jean se caractérise par la présence, au minimum, de trois chanoines réguliers vivant en commun17, Oulchy et La Ferté semblent avoir été des prieurés dès leur donation à l’abbaye18.

  • 19 Mention de 1141 : Paris, Arch. nat., I. 1007, no 2 (Renaudin 1958 : 291‑292) ; mention de 1145 : Pa (...)
  • 20 Sans être certain de leur identité, il est intéressant d’observer qu’il y avait dans deux cas sur c (...)

27L’importance régionale de l’église in castra est aussi soulignée par le fait que leur prieur représente l’abbaye comme témoin dans un certain nombre de chartes. Entre 1141 et 1191, il y a sept mentions certaines, concernant cinq prieurs différents, d’après lesquelles ces prieurs ont été des témoins de chartes de Saint‑Jean‑des‑Vignes19. Dans deux cas, il semblerait que le prieur ait été le seul représentant de l’abbaye. Dans cinq cas, il y avait d’autres officiers, soit l’abbé, soit le prieur de Saint‑Jean‑même. Ces sept cas ne concernent que les trois prieurés de Notre‑Dame d’Oulchy‑le‑Château (5 mentions), Saint‑Vulgis de La Ferté‑Milon et Saint‑Martin de La Ferté‑Gaucher (1 mention chacun). Bien qu’il soit difficile de supposer que le rôle des prieurs comme témoins ait pu exister avant 1140, deux cas sur sept sont connus pour 1141, et deux de plus pour 1145. Il paraît donc probable que les prieurs ont tenu un rôle significatif dans la direction des affaires de l’abbaye, au moins vers la fin de la période considérée ici20. Bien que les données architecturales appartenant aux prieurés in castro aient beaucoup changé à travers les siècles, il est un site pour lequel elles ont été conservées presque intactes pour la période entre circa 1072 et circa 1140. Le prieuré Notre‑Dame d’Oulchy‑le‑Château était, à cette époque, une basilique à trois nefs qui se terminait par une abside flanquée de deux absidioles. Sa dépendance, la paroissiale d’Oulchy‑la‑Ville, reproduit ce même plan, mais à une échelle plus petite (Lefèvre‑Pontalis 1894‑97, I : 211‑217 ; II : 76‑78). Bien que l’échantillon soit assez faible, l’importance des prieurés in castro se trouve confirmée par les données monumentales. Il semble raisonnable de conclure que les prieurés in castro ont joué le rôle de centres secondaires dans l’administration et le contrôle du domaine de Saint‑Jean‑des‑Vignes.

3.2.3 Conclusion

28Pour résumer, la distribution spatiale et chronologique tracée ici semble révéler l’organisation du temporel de l’abbaye de Saint‑Jean‑des‑Vignes. Au lieu d’un centre (l’abbaye‑même) et d’une périphérie (les propriétés), les cartes distinguent un groupe de petits centres (les églises in castra et une série correspondante de petites églises périphériques). Cette distribution montre aussi les rôles réciproques des ecclésiastiques et des nobles, pas simplement dans la formation du temporel de l’abbaye, mais également dans le contrôle de ce temporel à travers les années. Elle montre, par extension, le processus par lequel une abbaye, excentrée par rapport à son temporel, était susceptible de l’administrer.

29Comme d’autres abbayes et monastères dont la fondation a été couronnée de succès, Saint‑Jean‑des‑Vignes a acquis des terres et des biens éloignés. Cette région plus étendue continua à changer à travers les siècles alors que Saint‑Jean perdait, réduisait ou augmentait, ses propriétés, biens et paroisses. Dans ce sens, l’abbaye de Saint‑Jean‑des‑Vignes se déterminait, par sa propre sphère d’influence régionale, de manière dynamique, en relation avec la population de ses domaines.

Annexe. Les propriétés de Saint‑Jean‑ des‑Vignes entre 1076 et 1140

TYPE A : autel Ch : chapelle D : dîmes G : fermes Fo : forêt Fr : four H : hôtes J : justice Ms : maison Ml : moulin 0 : offrandes Pt : pâturage Pb : prébende Pr : pressoir R : rentes Tx : taxes T : terres U : droits d’usage V : vinages + : église *+* : église in Castro

Bibliographie

Bibliographie

Ancien 1971 : ANCIEN (B.). — La Grande campagne de reconstruction rurale monastique en Soissonnais, au xive s. Mémoires de la Fédération des sociétés d’histoire et d’archéologie de l’Aisne, XVII, 1971, p. 83‑96.

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Bequet s.d. : BEQUET (dom J.). — Abbayes et prieurés, diocèse de Soissons. Revue bénédictine, t. 17, p. 105‑109.

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Notes

1 Bien que les textes ne soient pas précis, les mentions de paroisse concernent probablement l’église et les biens qui en dépendent, et non le territoire paroissial.

2 Entre les diverses règles canoniales, les chanoines réguliers de Saint‑Jean‑des‑Vignes ont choisi de suivre celle de saint Augustin. Au lieu du terme général, canonial, nous avons utilisé le terme plus précis d’augustinien pour désigner l’abbaye. Ce mouvement de réforme fut vigoureusement soutenu par les évêques de Soissons ; il semble avoir culminé vers 1139 avec la transformation de la dernière Eigenkirche de la ville, la paroisse comtale de Saint‑Léger, en abbaye de chanoines réguliers.

3 Encore visible sur la carte de Soissons (nos 3‑4 au 1/25 000), le château s’est trouvé sur la pente au‑dessus du village d’Ostel. À l’automne 1985, une prospection fut organisée sur ce site avec la collaboration de D. Defente, alors archéologue municipal de Soissons. Le château occupait un triangle d’approximativement 75 m de côté et de 100 m à la base. Des vestiges de sa courtine ont été trouvés en place et le fossé qui fermait le site à l’est était encore visible à la surface du champ. A l’intérieur du château, la prospection a mis en évidence une habitation sous la forme de vestiges contenant des fragments de pierre taillée, des carreaux vernissés, des briques, de l’ardoise, des ossements et de la céramique vernissée verte et jaune. Le matériel datable correspondait aux types connus dès la fin du Moyen Age jusqu’à la Révolution française. La zone du champ à l’extérieur du château était vide de matériel archéologique. Sur le château et les seigneurs d’Ostel, cf. Brunei 1983 : 384‑385 ; 473‑474 ; 488b.

4 Une prospection des moulins sur la rivière Crise s’est effectuée en 1990. Des sondages ont été aussi prévus sur les sites des cinq premières paroisses en relation avec la thèse de Mlle Arabella Berkenbilt (Brown University, USA) sur ces monuments.

5 En principe, nous supposons que la première apparition d’un bien dans une confirmation indique que ce bien a été acquis depuis la précédente confirmation. Néanmoins, il faut admettre qu’il peut avoir existé une donation qui ne se trouve pas mentionnée jusqu’à la deuxième ou troisième confirmation suivante. Malheureusement, on ne peut pas toujours le savoir.

6 Nous sommes très reconnaissants envers notre collègue D. Defente de nous avoir permis de présenter une partie de la carte dressée par G. Nicolas d’après les planches du mémoire de maîtrise de A. Bracq (1972‑73). Notre version ne présente que la partie du domaine de Saint‑Médard qui s’est trouvée dans le diocèse de Soissons au xiiie s. Mlle Bracq a fondé son étude, dont la carte est un résultat, sur le cartulaire inédit du xiiie s.

7 Pour distinguer les paroisses situées à l’intérieur des châteaux forts, nous avons choisi les mots in castro d’après les chartes, par exemple : « [...] capellam Sancti Vulgisi in eodem castro sitam [...] » (Paris, BN, ms lat. 11004, fol. 32‑33 ; Renaudin 1958). Parmi les paroisses in Castro appartenant à Saint‑Jean‑des‑Vignes, seuls l’église et le château d’Oulchy‑le‑Château ont conservé leur ancienne disposition. Sur le château d’Oulchy, cf. J Mesqui 1988 : 28 et 392.

8 Nous ne faisons pas ici une étude du peuplement du domaine de l’abbaye, bien qu’elle soit importante, mais plutôt une étude du développement chronologique et spatial de son domaine et des moyens de le contrôler ; celle‑ci peut être plus tard nuancée par l’étude du peuplement. Sur cette dernière, nous attendons avec un grand intérêt, la parution de la thèse de G. Brunel (cf. n. 7 supra). D’après Brunel (1983 :199, n. 3), nous pouvons constater que Saint‑Jean‑des‑Vignes a reçu soit des propriétés anciennes (toponyme préromain : Chaudun ; toponymes gallo‑romains : Louâtre, Violaine, Soucy), soit des propriétés nouvelles (toponymes de la deuxième moitié du 1er millénaire : Ancienville, Dommiers).

9 Il y a des limites Intéressantes au soutien épiscopal à Saint‑Jean‑des‑Vignes. Bien qu’il y ait des actes qui se rapportent à l’intervention de chaque évêque entre Thibaud et Lisiard de Crépy, l’activité des évêques Hilgot, Henri, Manasses et Lisiard a été assez minime. De plus, il n’y avait aucune activité épiscopale de la part de Saint‑Jean‑des‑Vignes entre 1126 et 1200. Une future étude sera consacrée au sujet des relations entre l’épiscopat et l’abbaye.

10 M. Bur n’a pas publié le texte de ce document que nous n’avons pas vu. Nous retenons donc une note de réserve.

11 La paroisse in castro d’Ostel ne fait pas partie de cette répartition. Evidemment offerte par le seigneur Bernard (Brunel 1983 : 473), son impact sur le domaine de Saint‑Jean‑des‑Vignes n’est pas arrivé avant le xiiie s. Sur Ostel, cf. également n. 3.

12 En raison d’une incertitude sur la date du décès de Gaucher Ier, il se peut que le donateur ait été lui‑même, ou son fils Gaucher ii. Cf. également l’annexe 3 et n. 23, 24 infra.

13 Il y a d’autres systèmes de modélisation, comme par exemple, les polygones « réguliers » et les polygones « modifiés », de Thiessen. La carte à cercles nous a semblé à la fois la plus juste et la plus évidente (Hodder, Orton 1976 : 53‑97).

14 Renaudin 1958 : 292‑296 : « [...] vicio tamen scribarum sive negligentia custodum in quibusdam locis delecta, [...] » (Paris, BN, ms lat. 11004, fol. 35v, Bxl).

15 La suite du développement du domaine de Saint‑Jean‑des‑Vignes fera l’objet d’une prochaine étude. Pour la résumer ici, son premier épanouissement semble avoir pris fin autour de 1140. Les cinquante années suivantes étaient un peu troublées, particulièrement en relation avec l’implantation, vers le milieu du siècle, du monastère cistercien de Longpont établi dans la forêt de Villers‑Cotterêts au sud de Soissons. A Saint‑Jean, le xiiie s. était dominé par les personnalités des abbés Raoul (1197‑1234), Jean de Muret (1235‑1267) et Richard de Villers (1267‑1291). Fondé sur sa richesse aux xie et xiie s., le domaine de l’abbaye s’est renforcé et élargi pendant leur règne. Bien que cette expansion ait profité du soutien continuel des familles nobles comme les Montmirail, aussi bien que de l’appui nouveau des familles bourgeoises de Soissons, elle s’est faite plutôt par l’achat que par le don.

16 Renaudin 1958 : 291‑292, d’après l’original (Paris, Arch. nat. L. 1007, no 2) : « [...] propre Firmitatem‑Milonis molendinum quod dicitur de Novo Manso [...] ». Les témoins représentant Saint‑Jean‑des‑Vignes étaient l’abbé Gui, Hugues Farsit, Dreux, prieur d’Oulchy‑le‑château et Eudes, prieur de La Ferté‑Milon. La charte, issue de l’évêque Josselin de Vierzy, date de 1141.

17 Le Gris 1619 : 112, cite un texte du Pape Lucius iii : « In parochialibus vero Ecclesiis vestris [...] liceat vobis 4 aut 3 de Canonicis vestris adminus ponere: qui vobis de temporalibus et ordinis observantia. » Ce document ne se trouve pas dans les cartulaires de Saint‑Jean‑des‑Vignes. Renaudin n’a trouvé aucune autre copie authentique, fait qui pourrait rendre ce texte douteux. D’autre part, là où les transcriptions de Le Gris peuvent être vérifiées par les cartulaires ou des chartes originales, elles se sont avérées justes. Il est donc possible que Le Gris ait cité un document aujourd’hui perdu.

18 Au moment (entre 1093 et 1100) où Hugues‑le‑Blanc, seigneur de La Ferté‑Milon et de Braine a donné l’église de Saint‑Vulgis de La Ferté à l’abbaye de Saint‑Jean‑des‑Vignes, il a insisté sur la présence d’un minimum de trois chanoines réguliers pour servir l’autel. Renaudin 1958, p. 260 : « (...) sub tali tamen tenore quod tres ad minus canonici erpetuis temporibus ibi deservient et prieorum tam in domino quam in militibus et eorum familiis parrochialem curam semperobtinebit [...] » (Paris, BN, ms lat. 11004, fol 32v, B xxxv). Des circonstances similaires semblent avoir existé pour l’église de Notre‑Dame à Oulchy‑le‑Château. Au moment (entre 1108 et 1122) de sa donation à l’abbaye de Saint‑Jean, cette église était servie par cinq chanoines séculiers. A leur mort, ils ont été remplacés par des chanoines réguliers ; de plus, un chanoine régulier a pris en charge immédiatement le trésor et les ornements. Renaudin 1958 : « [...] post eos nulli alii succedant nisi regulares canonici, quibus ecclesia illa donata est statim, (et) post concessionem istam, ipso comite admonente, de ecclesia Sancti‑Johannis canonicorum regularium unus missus est ad custodiendum thesaurum et ornamenta Ulchiacensis ecclesia (...) » (Paris, BN, ms lat. 11004, fol. 25v, B xxiv). Bien qu’il n’y ait mention ni d’un nombre d’individus, ni de leur résidence à Oulchy, il est évident qu’une petite communauté permanente a été prévue.

19 Mention de 1141 : Paris, Arch. nat., I. 1007, no 2 (Renaudin 1958 : 291‑292) ; mention de 1145 : Paris, BN, ms lat. 11004, fol. 35v, B xI ; mention de 1160 : ms lat. 11004, fol. 30v, B xxxi ; mention de 1191 : ms lat. 11004, fol. 41v, C xi. Il y a quatre autres mentions qui donnent le nom et le titre « prieur », mais il n’y a aucune indication sur l’église.

20 Sans être certain de leur identité, il est intéressant d’observer qu’il y avait dans deux cas sur cinq un abbé portant le même nom qu’un prieur. Saint‑Jean‑des‑Vignes a‑t‑elle utilisé ses prieurés comme lieu de formation pour ses futurs abbés comme le fait est connu, par exemple, à Saint‑Denis à la même époque ?

Table des illustrations

Légende FIG. 1 – Saint‑Jean‑des‑Vignes : propriétés à la fondation vers 1076
Crédits M. Henry del. / dAf
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Légende FIG. 2 – Les limites du diocèse de Soissons au Moyen Âge
Crédits M. Henry del. / dAf
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Légende FIG. 3 – Soissons : le temporel de l’abbaye Saint‑Médard.
Crédits D’après G. Bracq ; M. Henry del. / dAf
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Légende FIG. 4 – Saint‑Jean‑des‑Vignes : propriétés vers 1100. Les sigles en silhouette et les lettres en italique correspondent aux propriétés ajoutées entre 1076 et 1100.
Crédits M. Henry del. / dAf
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Légende FIG. 5 – Saint‑Jean‑des‑Vignes : propriétés vers 1110. Les sigles en silhouette et les lettres en italique correspondent aux propriétés ajoutées entre 1100 et 1110.
Crédits M. Henry del. / dAf
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Légende FIG. 6 – Saint‑Jean‑des‑Vignes : propriétés vers 1140. Les sigles en silhouette et les lettres en italique correspondent aux propriétés ajoutées entre 1110 et 1140.
Crédits M. Henry del. / dAf
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Légende TABL. I – Saint-Jean-des-Vignes : le patronage épiscopal entre la fondation vers 1076 et 1200
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Légende FIG. 7 – Saint‑Jean‑des‑Vignes : propriétés vers 1140 en relation avec les châteaux.
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Légende FIG. 8 – Saint‑Jean‑des‑Vignes : propriétés vers 1140 en relation avec les châteaux. Les zones circulaires mettent en évidence le fonctionnement et l’organisation spatiale des centres et de leurs périphéries
Crédits M. Henry del / dAf
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Légende TYPE A : autel Ch : chapelle D : dîmes G : fermes Fo : forêt Fr : four H : hôtes J : justice Ms : maison Ml : moulin 0 : offrandes Pt : pâturage Pb : prébende Pr : pressoir R : rentes Tx : taxes T : terres U : droits d’usage V : vinages + : église *+* : église in Castro
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