Version classiqueVersion mobile

L’environnement des églises et la topographie religieuse des campagnes médiévales

 | 
Michel Fixot
, 
Elisabeth Zadora-Rio

Chapitre 2. Lieux de culte et peuplement rural

2.3. Les sagreres catalanes : la concentration de l’habitat dans le « cercle de paix » des églises (xie s.)

2.3 Catalonian sagreres: settlement concentration in the “Circle Peace” of churches (XIth c.)

Pierre Bonnassie

Résumé

Après 1030, la sacraria devient l’un des mots‑clefs des documents catalans. La sacraria (en catalan, sagrera) ou parfois cellera, se rapporte à un espace sûr, généralement circulaire, d’un rayon de 13 pas autour de l’église paroissiale et qui bénéficie de la protection de la Paix de Dieu. Cet espace est occupé de façon dense, par des bâtiments appelés sacrarios (en catalan, sagrers) que l’on utilise aussi comme entrepôts (farine, vin) ; assez rapidement cependant, ils servent d’habitations. Naturellement la sacraria comprend un cimetière où les constructions se multiplient aussi. Le phénomène d’ensagrerament en Catalogne a donné naissance aux villages ecclésiaux, qui étaient aussi nombreux que les villages castraux. Dans le sud de la France, il est plus difficile de décrire ce phénomène, bien qu’il y ait quelques témoignages.

Texte intégral

1NB

2Au moment d’envoyer ce texte à l’impression, je me dois de signaler que le travail, plusieurs fois cité, de Victor Farías sur la sagrera va être publié en 1995 sous la forme de deux articles l’un dans les Acta Historica et Archaeologica Medievalia (université de Barcelone), l’autre dans les Studia Historica (université de Salamanque). D’autre part, le problème des celleres roussillonnaises est en cours d’étude, par Aymat Catafau, dans le cadre de sa thèse de doctorat sur la Genèse des villages roussillonnais (université de Toulouse‑le‑Mirail).

Abréviations

3ACA : Arxiu de la Corona d’Arago ; ACB : Arxiu Capitular de Barcelona ; ACG : Arxiu Capitular de Gerona ; ACU : Arxiu Capitular d’Urgell.

4Lib. Ant. : Liber Antiquitatum.

5Lib. Dot. : Liber Dotationum.

6Lib. Feud. : Liber Feudorum Major.

7Lib. Mirac. : Liber Miraculorum sancte Fidis.

2.3.1 Introduction

  • 1 Documentation encore en grande partie inédite, bien que, depuis quelques années, les publications s (...)

8Il n’est guère de région qui se prête mieux que la Catalogne à l’étude du regroupement de l’habitat autour des édifices cultuels, ceci en raison de la fréquence avec laquelle ce phénomène peut être observé, du fait aussi de l’abondance exceptionnelle de la documentation qui l’éclaire. Chartes de donation, de vente, testaments, actes de consécration d’églises, notices de plaids : c’est par dizaines, voire par centaines, que se comptent, particulièrement au xie s., les écrits qui, directement ou indirectement, en font état1. Dans ces documents, il est un mot‑clé qui revient à de multiples reprises et qu’il importe donc de définir d’emblée : celui de sacraria.

  • 2 Sing. sacrarium = pl. sacrarios (le latin écrit en Catalogne au xiie s. a ses règles propres : le p (...)

9La sacraria (en catalan sagrera) est l’espace sacré, protégé, presque toujours de trente pas de rayon, qui entoure l’église et bénéficie de la même sauvegarde qu’elle. Cet espace est densément bâti d’édifices appelés eux‑mêmes sacrarios2 (en catalan sagrers), qui ont une fonction soit de celliers, soit d’habitations. Il inclut naturellement le cimetière, d’où l’emploi fréquent du mot cimiterium comme équivalent de sacraria. La synonymie cimiterium/ sacraria n’est cependant pas parfaite : le premier terme, s’il peut désigner l’espace sacré tout entier, peut aussi être réservé à la seule zone des sépultures qui n’occupe qu’une partie de la sagrera. Mais ceci ne change rien au mode d’occupation de l’espace, les constructions sont aussi nombreuses dans le cimetière que dans le reste du cercle ecclésial.

  • 3 « La sagrera va esdevenir un element cabdal en l’evolució paisagística i habitacional de la comarca (...)

10Le rôle de la sagrera dans la formation de l’habitat groupé catalan semble avoir été déterminant. Bien qu’aucune statistique n’ait encore été établie et qu’il convienne donc de ne se prononcer qu’avec prudence, il paraît bien qu’une grande partie (peut‑être la majorité dans certaines régions) des villages catalans se soit constituée autour de sagreres. Un des jeunes historiens qui se sont, très récemment, intéressés au sujet, écrit par exemple : « La sagrera devient [au xie s.] un élément essentiel dans l’évolution du paysage et de l’habitat dans la région [région du Vallès, au nord‑est de Barcelone]. L’agglomération autour de l’église crée l’image du village concentré qui a persisté jusqu’à aujourd’hui, en face de l’habitat dispersé jusqu’alors traditionnel »3 (Vilaginès 1988 : 132).

  • 4 Exemples dans Vilaginès 1988 : 133 (Montornès, Lliçà d’Amunt, Palau de Plegamans, Santa Eulalia de (...)
  • 5 Prov. Barcelona, part. jud. Arenys de Mar, ajunt. Vilalba Sasserra.
  • 6  Croquis dans Vilaginès 1988 :131 (Montornès, Palau de Plegamans) et Marti 1987, I : 269‑271 (Sant‑ (...)

11Cette omniprésence de la sagrera a laissé bien des traces dans la toponymie : nombreux sont les villages catalans actuels qui ont un quartier de la Sagrera (près de l’église) ou une rue de la Sagrera (parfois de tracé curviligne)4 ; l’un deux s’appelle même Trentepasses5 ! Bien qu’aucun relevé systématique n’ait encore été effectué, il est facile également de retrouver l’emplacement d’anciennes sagreres dans le plan de ces villages6.

  • 7 Seule exception : J. Balari Jovany (1899 [1964], 1 : 662‑664) qui, à vrai dire, n’était pas histori (...)

12A vrai dire, le phénomène est tellement commun, tellement banal qu’il a fort peu attiré, jusqu’à une date très récente, l’attention des historiens catalans qui le considéraient en quelque sorte comme allant de soi7. La bibliographie relative aux sacrarias ne comporte jusqu’en 1987 que des travaux de chercheurs étrangers à la Catalogne et elle est fort brève : trois études au total ! Il est vrai que, depuis deux ou trois ans, la jeune école catalane est en train de rattraper brillamment le temps perdu.

2.3.2 Historiographie de l’ensagrerament

13En 1968 paraît l’article pionnier de Jean‑Pierre Cuvillier sur Les communautés rurales de la plaine de Vich aux xiiie et xive s. Pour la première fois, la sagrera y est citée comme une institution spécifique et essentielle de l’histoire des campagnes catalanes. Certes, l’auteur ne nous dit rien de ses origines –tel n’est pas son propos–, mais il a le mérite de la définir clairement, telle qu’elle survit (ou plutôt telle qu’elle prospère) trois cents ans environ après sa création. Aux xiiiexive s., nous dit‑il, la sagrera apparaît comme la « clé de voûte des communautés villageoises ». Parfois appelée clos ou pagesia, elle se compose des maisons contiguës à l’église ou très proches d’elle, dans le fameux cercle des trente pas. Elle regroupe « une population qui accumule privilèges et franchises », « une sorte d’aristocratie villageoise » qui représente, à Taradell par exemple, « un peu moins du quart des feux de la paroisse ». Ses habitants sont, dans l’ensemble, riches (des « bourgeois‑paysans ») : ils prêtent à intérêt, assez souvent, aux autres paysans du terroir. Ils s’administrent de façon totalement autonome et possèdent, par exemple, leur propre juridiction en matière d’irrigation. Alors que les manants des écarts, des mas isolés sont soumis aux mals usos et à la remensa, c’est‑à‑dire à une quasi‑servitude, les hommes de la sagrera, solidaires et soutenus par le pouvoir épiscopal, continuent à échapper au ban du seigneur châtelain. « De comportement anti‑seigneurial [...], ce sont elles (les sagreres) qui, dans l’ensemble, inspirèrent jusqu’au milieu du xive s. l’attitude de résistance au féodalisme laïque qui caractérise la mentalité paysanne de cette partie de la Catalogne » (Cuvillier 1968 : 80‑82 ; 99‑100).

  • 8  « [...] et que personne n’ait l’audace de violer ou d’assaillir une église ni les maisons situées (...)
  • 9 « [...] qu’aucun homme n’enfreigne (la sauvegarde d’) une église ni les cimetières ou sagreres situ (...)
  • 10  Sagreres de Sant‑Andreu de Palomar, Santa‑Eulalia de Vilapiscina, Sant‑Marti de Provençals, Santa‑ (...)
  • 11 ACB, Lib. Ant. Il, nos 229 et 154 (Kennelly 1968 : 110 et 112).
  • 12 ACB, Lib. Ant. II, n° 106 : « sacrarios duos cum curte et ipso abelar cum ipsas apes et parietes et (...)
  • 13 D’après R. de Ponsich, Vida, martyrio y grandeza de Santa Eulalia, app., doc. 22 (Kennelly 1968 : 1 (...)
  • 14 ACB, Lib. Ant. IV, no 461 (Kennelly 1968 : 131) : ce document est un censier (capbreu). Sur le prob (...)

14De 1968 date aussi l’étude, capitale, de l’historienne américaine Karen Kennelly sur les origines de la sagrera dans le comté de Barcelone (Kennelly 1968). L’auteur y a le grand mérite de lier le phénomène au mouvement de la Paix de Dieu, auquel d’ailleurs sa thèse, restée malheureusement inédite, avait été consacrée (Kennelly 1962). Son article débute par la citation de l’une des clauses du Concile de Toulouges de 1027 : «[...] neque aliquis auderet ecclesiam vel domos in circuitu positos a triginta passibus violare aut assalire »8. A partir de là, elle examine les décisions des assemblées de Paix ultérieures en ce qui se rapporte au cercle ecclésial. On y voit le concept de sacraria se préciser, de même que sont plus strictement définies les modalités de sauvegarde. Ainsi au deuxième Concile de Toulouges (1065) : « ut ullus homo ecclesiam non infringat neque coemeo teria vel sacraria triginta passuum ecclesiasticorum in circuitu uniusquisque ecclesiae [...] nisi episcopus [...] propter suum ceno sum »9. Sur la base de ces stipulations conciliaires, K. Kennelly analyse –et c’est là le point fort de son étude– le statut de dix sagreres du diocèse de Barcelone, dont elle retrace l’histoire depuis leur fondation jusqu’au milieu du xiie s.10. Ceci nous vaut dix très riches monographies, dont je me borne ici à dégager les idées principales. L’apparition des sa greres peut être précisément datée : les deux plus anciennes mentions –relatives à Santa Eulalia de Vilapiscina et Sant Andreu de Palomar– se placent dans les années 1034 et 103511. Comme elles concernent des ventes ou des legs de sacrarios –déjà construits, par conséquent–, on peut penser que l’occupation du cercle de paix est légèrement antérieure à ces dates. Celle‑ci, par ailleurs, a pris des formes successives que les textes permettent de déterminer : à l’origine, les sacrarios ne sont que des édicules sommaires, simples abris à provisions où s’entassent sacs de blé, tonneaux de vin et jambons (bacones) ; puis, à mesure que les mentions se multiplient, on les voit, en nombre de plus en plus grand, prendre le caractère de vraies maisons d’habitation : ainsi en 1056, à Sant Genis d’Agudells, où est évoquée la construction de « deux sacrarios, avec basse‑cour et ruchers, avec murs et toitures, avec portes et seuils, avec fosses et puisards »12 ; de plus, pour désigner de tels édifices le terme de domos est de plus en plus utilisé. Combien de maisons par sacraria ? Il est difficile de le dire, car sur ce point, les renseignements sont rares et tardifs : en 1101, à Provençana, sont signalées les domos où logent les prêtres de la paroisse ainsi que quatre groupes de domos appartenant à quatre familles13 ; en 1136, à Mollet, les sacrarios abritent quinze familles14. Quant à l’initiative de la création des sagreres, elle revient, pour K. Kennelly, à l’évêque et au chapitre de Barcelone, qui ont aussi joué un rôle essentiel dans la diffusion de l’institution. C’est l’évêque qui assure la protection des habitants et de leurs biens, toute violation de l’asile ecclésiastique entraînant excommunication ; en contrepartie l’évêque perçoit un cens, au demeurant fort léger : généralement deux paires de poules ou une livre de cire. En tout cas, il ne fait aucun doute pour l’auteur que le mouvement de fondation des sagreres résulte d’une application directe, par les autorités ecclésiastiques, des décrets des conciles de Paix.

15A l’époque où paraissait cet article, je travaillais moi‑même dans les archives barcelonaises et la documentation que je consultais m’incitait bien entendu à m’intéresser au phénomène. Les recherches que j’ai pu faire sur le sujet (Bonnassie 1975‑76, II : 653‑662) confirment pour l’essentiel les données fournies par K. Kennelly. D’abord sur la période de création des sagreres : dans le comté de Barcelone, celles‑ci apparaissent (et se multiplient) indiscutablement dans les années 1030‑1060. Mais aussi sur les deux phases –d’ailleurs très rapprochées dans le temps– de construction des sacrarios : ceux‑ci se présentent d’abord comme de simples celliers (cabanes de bois ou de pisé, sans doute), puis prennent forme d’habitations en dur. Les nuances que j’ai pu apporter concernent surtout l’origine du mouvement. Alors que K. Kennelly le faisait naître d’une initiative purement ecclésiastique –et plus précisément conciliaire–, j’aurais plutôt tendance à penser que les assemblées de Paix et les créations de sagreres ne sont que deux aspects –indissociables– d’un même mouvement, à la fois ecclésiastique et populaire, de défense face à la montée des violences qui marquent la crise féodale : violences qui menacent à la fois l’Église (dans ses biens) et les paysans (dans leurs biens et dans leurs personnes). Il est significatif en effet que, tout au moins dans le comté de Barcelone, les apparitions de sacrarias dans la documentation se placent au moment le plus aigu de la crise. Celle‑ci, qui débute dans les années 1020‑1040, atteint son paroxysme entre 1040 et 1060 : c’est l’époque où les bandes de milites, que chaque châtelain a depuis peu recrutées –ou est en train de constituer– mettent véritablement le pays à feu et à sang, multipliant les rapines, voire les tueries de paysans, et imposent à un monde de ruraux, jusque‑là libres, les contraintes de la seigneurie castrale. Ce sont aussi les années (1041‑1059) où se déchaîne une violente rébellion aristocratique contre l’autorité comtale (Bonnassie 1975‑1976, II : 539‑646). Il n’est pas surprenant que dans cette tourmente, les paysans aient cherché refuge dans les lieux sacrés, réputés inviolables, avant de s’y installer à demeure : « le danger détermine une étonnante contraction de l’habitat villageois qui vient se blottir contre l’église » (Bonnassie 1975‑76, II : 654). Autrement dit, la sacraria naît dans la peur du château qui n’est pour l’heure perçu que comme un foyer de violence et qui ne représente encore qu’un pôle répulsif pour l’habitat.

  • 15  Rappelons que les tesinas (tesis de licenciatura) sont l’équivalent des maîtrises françaises.

16Un peu en sommeil depuis 1975, les recherches sur les sagreres ont repris, avec un dynamisme très prometteur, depuis deux ans environ. À l’initiative des enseignants des deux universités barcelonaises, de jeunes chercheurs viennent de nous offrir sur le sujet une fort belle gerbe de travaux. Dans sa thèse sur le patrimoine de l’église de Gérone, Ramon Marti Castellbó consacre aux sagreres une vingtaine de pages, les unes fort bien venues, d’autres plus contestables : c’est à lui, en tout cas, que revient la paternité du terme ensagrerament, calqué bien sûr sur celui d’incastellamento (Marti 1987, I : 148‑173). Autre thèse, spécialement réussie : celle de Lluis To Figueras sur les structures familiales de la Catalogne du nord‑est : bien que le sujet ne soit ici qu’effleuré, les informations fournies sont loin de manquer d’intérêt (To Figueras 1989, I : 128‑129). Deux tesinas15 enfin : celle de Jaume Vilaginès, déjà citée, qui a donné lieu à deux publications récentes (Vilaginès 1986, 1988) et surtout celle de Victor Farías qui, fondée sur le dépouillement exhaustif des statuts conciliaires et des actes de consécration d’églises, constitue la première contribution d’envergure entièrement consacrée au thème de la sacraria. (Farías 1989). Cette recension ne serait pas complète si à ces travaux barcelonais n’était ajouté un mémoire de maîtrise toulousain, en l’occurrence la solide étude de Jean‑Pascal Illy sur les églises et paroisses du diocèse d’Urgell (Illy 1988). Les résultats de ces diverses recherches mériteraient tous d’être présentés séparément. Pour faire court, je vais tenter d’en faire la synthèse, en ajoutant peut‑être un certain nombre d’observations tirées de ma propre lecture des documents.

2.3.3 Topographie et statut des sagreres

2.3.3.1 Topographie

17L’espace dévolu à la sacraria est très généralement de forme circulaire (ou ovale) l’expression in circuitu ecclesie –parfois in girum– se rencontre en effet dans la quasi‑totalité des documents. Il a pu cependant y avoir des exceptions, mais elles sont rares : dans l’ensemble des études signalées ci‑dessus sont mentionnés seulement deux cas de sagreres rectangulaires, à Palau de Plegamans (Vilaginès 1988 : 131) et à Sant Joan Sescloses (Marti 1987, I : 151). Le rectangle de la sagrera résulte alors de la projection à trente pas du rectangle de l’église (église de plan basilical, à nef unique et chevet plat).

18La dimension du cercle sacré est assez uniforme, la règle générale étant celle des trente pas de rayon. Sur ce point toutefois, on relève encore des exceptions : certains textes mentionnent des sagreres dont le rayon n’excède pas vingt‑cinq pas (Polinyà), voire douze (Coustouges) et même dix (Santa‑Maria del Vilar). Cette exiguïté peut s’expliquer soit par la nature du terrain, lorsque celui‑ci est limité par un obstacle naturel (falaise, rocher), soit par la faible importance du lieu de culte concerné (ecclesiola, cella) (Farías 1989 : 86). À l’inverse, il est des sagreres de quarante pas de rayon et même de soixante : ainsi autour de l’ecclesia maior de Castellò d’Empùries (Farías 1988 : 88) et de Sant Pere de la Vall d’Osor (Cuvillier 1968 : 80).

  • 16 « Ut deforis totum in circuitu symiterium de ipsa ecclesia fuisset, id est ad mensuram de homine qu (...)
  • 17 Pour la France, nombreuses mesures d’enclos ecclésiaux dans Fixot et Zadora‑Rio 1989, avec une synt (...)
  • 18 « [...] et ego dictus Berengarius episcopus dono hanc scripturam prefate ecclesie Sancte Eulalie et (...)
  • 19  Les exemples de fortification que donne R. Marti résultent d’une observation sur le terrain : vest (...)

19Le mode de mesure du cercle a fait l’objet d’une réglementation précise qui apparaît avec une particulière netteté dans les plus anciens des actes relatifs à l’institution (par la suite, la coutume étant fixée, les normes ne sont plus rappelées). Très caractéristiques sont à cet égard les directives données lors de la consécration, en 1029, de l’église de Sant Silvestre de Vallmala et de sa sagrera (qualifiée d’ailleurs de symiterium) : « qu’au dehors de ladite église et tout autour soit établi un cimetière, à savoir à la mesure d’un homme qui fasse un très bon pas : que tenant un pied à terre, il étende les deux jambes et pose son autre pied aussi loin qu’il le pourra, et qu’il fasse ainsi jusqu’à plus ou moins trente pas »16. Texte qu’on dirait destiné à régler les travaux pratiques des archéologues qui seuls, par des mesures sur le terrain, pourront nous donner les dimensions exactes des différentes sagreres17. On souhaiterait avoir des informations aussi détaillées quant à la matérialisation des limites de l’enclos sacré. Sur ce point, il faut déchanter. Les actes de consécration n’indiquent jamais les confronts des sagreres. Quant aux contrats de vente ou de donation de sacrarios, ils ne peuvent nous renseigner sur l’environnement des enclos que lorsque les biens vendus ou donnés jouxtent les limites de ceux‑ci : ainsi apprend‑on par hasard que la sagrera de Vallvidrera est bordée par un ruisseau (Cart. St. Cugat, no 593). Dans deux cas seulement sont signalées des croix : à Santa Maria de Torredenego et à Sant‑Joan Sescloses (encore dans ce dernier exemple le nombre de celles‑ci n’excède‑t‑il pas quatre) (Farías 1989 : 84‑85). Enfin un seul document mentionne la présence d’un mur : encore ce texte, qui concerne la consécration, en 1062, de Santa Eulalia de Cruïlles, est‑il de rédaction si peu claire qu’on ne sait à vrai dire si le mur évoqué est celui qui entoure le cimiterium ou plus simplement celui de l’église18. Rien n’indique, en tout cas, –contrairement à l’opinion de R. Marti Castello– qu’à l’origine les sagreres aient été fortifiées19 : l’argument a silentio, qui est ici relativement fort en raison du grand nombre de textes conservés, milite plutôt en faveur de l’opinion inverse. Les conciles de Paix excluaient d’ailleurs formellement les églises fortifiées du bénéfice de la sauvegarde divine. En fait, la construction d’enceintes n’a pu découler que de l’échec ou du dévoiement de l’idéal de la sacraria, lequel s’identifiait par nature à la confiance que mettaient les populations en l’efficacité des protections surnaturelles.

20La topographie interne du cercle de paix est beaucoup mieux connue que son pourtour. Dès avant la délimitation de la sagrera peuvent exister des constructions iuxta ecclesiam ou prope ecclesiam ce sont généralement les maisons des prêtres desservants. De tels presbytères (qualifiés souvent du seul mot de casas, parfois appelés cellas ou hospitia) apparaissent dès le ixe s. dans des consécrations d’églises au diocèse d’Urgell (Baraut 1986 : 5 sq. ; Illy 1988 : 43). Le cimetière préexiste aussi généralement à la sacraria : lors de la définition de celle‑ci, il en devient l’élément premier au point de lui donner parfois son nom (cimiterium vel sacraria).

  • 20 « [...] ipsa ecclesia sancti Andree, in loco que vocant Sagasse, cum sua parrochia et decimas et pr (...)
  • 21 A Vilapiscina : n. 11.
  • 22 Cette fonction est si fréquente que J. Balari Jovany (1899 [1964] : 663) définissait les sacrarios (...)
  • 23 Dans la sagrera de Polinyà, par exemple (Kennelly 1968 :129). De cigeas dérive le toponyme Sitges.
  • 24 Ex. Marti 1987, I : 57 (à St. Marti de Presa) : « [...] ipsum sacrarium quod est ad ecclesiam sanct (...)
  • 25 Exemples en Roussillon, s’échelonnant entre 1072 et 1165, dans Lib. Feud., nos 741, 742, 743, 744, (...)
  • 26 Ex. en Gironès : La Cellera (aj. Serinyà), La Cellera (aj. Anglès). Le terme Cellers apparaît aussi (...)

21Mais la construction spécifique de l’espace sacré est bien entendu le sacrarium. Le mot apparaît très tôt dans la Catalogne pyrénéenne –en 988, à Sagàs, en Cerdagne20–, mais ne se diffuse vraiment qu’à partir des années 1030‑1040. Sa première apparition dans la région barcelonaise est de 103421, mais à partir de ce moment les mentions en sont très fréquentes et tendent à s’effectuer sous la forme populaire de sagrer. Le terme cellarium ou celler est dès lors souvent employé comme synonyme et nous informe sur la fonction de l’édifice : celle de cellier, d’abri à provisions. Le produit qui y est le plus fréquemment entreposé est le vin : meo vino qui est in ipso meo sacrario (ACB, Lib. Ant. II, no 106) est une expression assez habituelle dans les testaments. Les sacrarios sont donc d’abord des abris pour la vaisselle vinaire (vascula maiora vel minora)22. Mais s’y entassent aussi les sacs de céréales (bladum, annona) et, plus rarement, les quartiers de porc salés (bacones, pernas). A cette fonction correspond le creusement de fosses (foveas) (ACB, Lib. Ant. II, no 106), de silos (cigeas)23 dans le sol des sagrers. Enfin les paysans n’omettent pas d’y ranger certains de leurs outils : les plus précieux d’entre eux, ceux qui sont pourvus de pièces de fer (ferramenta)24. La sacraria apparaît donc d’abord comme un vaste cellier collectif, d’où le nom de cellera qui lui a parfois été donné, vers la fin du xie ou le début du xiie s., surtout, semble‑t‑il, dans les régions du nord‑est catalan (Gironès, Empordà, Roussillon)25 ; ce mot d’ailleurs, à l’égal de celui de sagrera, a pu passer dans la toponymie26.

  • 27 « Et ipsos meos sacrarios que ego fecl in ipsa sacraria Sancti Vincenti vel que emi de Lopardi cond (...)

22Le sacrarium cependant n’abrite pas que des ustensiles et des victuailles : il peut devenir habitation. En 1070, un habitant de Sarrià stipule, par exemple, dans son testament : « que les sacrarios que j’ai fabriqués dans la sagrera de Sant‑Vicenç, ou que j’ai achetés au défunt Lopard, restent à mes enfants ; mais si ma mère, Guisla, veut habiter dans ces sacrarios et si elle s’entend bien avec ma femme et mes enfants, que cela lui soit permis »27. De même sont évoqués, à des dates voisines, à Parets, les « sacrarios [...] ubi habito » (ACA, Perg Ramon Ber. I : 259), ou à San Joan de Monte Malue, le « sacrarium [...] ubi Belida femina abitat » (Marti 1987, II, no 412 : 543). De telles constructions, à l’origine sûrement très sommaires, s’adaptent à leur fonction d’habitation, parfois s’agrandissent : on connaît même des « sacrarios cum porticos » (ACA, Perg. Ramon. Ber. I 259). Pourtant, le plus souvent, de tels édifices, vraisemblablement à pièce unique, sont soigneusement distingués des maisons proprement dites : « ipsa sua mansione meliore cum duos sacrarios qui se tenent cum ipsa mansione » (ACB, Lib. Ant. III, no 172 ; Kennelly 1968 : 132). Et ce sont ces maisons (domos, mansiones, casas) de plus en plus souvent citées dans les textes relatifs aux sagreres, qui tendent à constituer la trame architecturale de celles‑ci.

23La sagrera prend alors l’aspect d’une petite agglomération organisée. Ainsi une charte de 1099, se rapportant à la sao grera de Lliçà d’Avall, cite‑t‑elle un certain nombre de sacraorios (au sens de celliers), des maisons (casas), une forge (fabrica) et surtout deux rues tracées à l’intérieur de l’enclos sacré : « ipsa via in avalle qui transit super iamdictam ecclesia et afrontat in porticum ecclesie predicte, sive [...] ipsa strata qui transit per ipsa sacraria » (ACB, Lib. Ant. I, no 558 ; Vilaginès 1988 : 133). C’est loin d’être un exemple isolé : on rencontre de telles rues (vias, calles) à Sant Genis d’Agudells (1056), à Polinyà (1057), à Provençana (1098) (Kennelly 1968 : 124 [St.‑Genis] ; 130 [Polinyà] ; 118 [Provençana]), etc. La sagrera est alors devenue village ecclésial.

24Cette identification de la sagrera au village se dénote clairement dans l’évolution du vocabulaire. En 1099, à Provençana, se rencontre pour la première fois l’expression villa sive sacraria (ACB, Lib. Ant. IV, no 80 ; Kennelly 1968 : 111). Au xiie s., cette assimilation devient habituelle : la sagrera est vraiment devenue la villa iuxta ecclesiam (Farías 1989 : 112 ; Vilaginès 1988 : 133 ; Bonnassie, Guichard 1984 : 87). Est‑ce à dire que l’on puisse établir une identité absolue enclos sacré = village ? D’une part il est bien clair que les constructions ont débordé du dit enclos, trop exigu : la sagrera est donc plutôt destinée à devenir le centre villageois, élément moteur d’une agglomération qui se développera autour d’elle. D’autre part, le terme sacraria a pu prendre une signification extensive, incluant des éléments extérieurs au « cercle de paix » primitif : c’est ce que montre l’évolution du toponyme La Sagrera. À Santa Eulalia de Ronçana, il s’applique à un quartier beaucoup plus vaste que la sacraria initiale : à Palau de Plegamans, il finit par désigner tout le territoire de l’ancienne paroisse de Palausolità (Palacium Sao lathani) après que celle‑ci eût été absorbée par celle de Plegamans (Vilaginès 1988 : 133). On peut supposer que dans ces deux cas, le statut de la sagrera a été étendu à des zones extérieures à celle‑ci.

2.3.3.2 Statut

  • 28 Son montant figure dans les actes des conciles de Paix de Barcelone de 1064 et 1131. C’est la même (...)
  • 29 Sur le bannum dominicum de 60 sous, Perroy 1974 : 223‑224.
  • 30 Sur l’application de ces deux sanctions, Farías 1989 :137‑140.

25Celui‑ci comporte trois caractéristiques fort bien définies par Victor Farías (1989 : 133‑194). L’espace de la sagrera est, par définition, sacralisé ; il accède au statut de lieu saint, au même titre que l’église elle‑même. Sa violation entraîne donc pour le coupable les sanctions prévues pour le sacrilège (ut sacrilegus, ut reum sacrilegii). La première est d’ordre matériel : c’est la compositio sacrilegii, très lourde amende de six cents sous28 (soit dix fois le montant de celle, déjà sévère, qui châtie traditionnellement les infractions à l’ordre public)29. La seconde est l’excommunication, laquelle peut même être assortie, pour les coupables endurcis, de l’anathème30.

  • 31 Sur l’identification sacraria‑sauveté, Bonnassie‑Guichard 1984 : 87. Mais l’idée avait déjà était f (...)

26Cet espace sanctifié est, par voie de conséquence, un espace sauf. Pour le désigner, les termes de salvatio, salvitas, immuo nitas, securitas sont sans cesse répétés. Aller habiter une sao grera, c’est salvare suum corpus et suum avere (ACG, Perg. 134 ; To Figueras 1989, II : 13) ; y installer des habitants, c’est salvare homines (ACB, Lib. Ant. IV, no 202 ; Kennelly 1968 : 131). Sauvegardée par la vertu des saints et placée sous la protection effective de l’Eglise (sub defensione eccleo siastica), la sacraria est une sauveté ; c’est même l’archétype de la sauveté31.

27De l’immunitas dont bénéficie le cercle de paix découle enfin une juridiction particulière. La sagrera relève du droit (ius, directum) de l’Église. C’est l’évêque qui a seul pouvoir de juger des méfaits qui y sont commis, de même qu’il juge seul des crimes ou délits perpétrés à l’intérieur de l’édifice ecclésial. De la tutelle (tuitio) qu’il exerce ainsi il est remercié par le versement d’un cens. Celui‑ci est faible, de caractère essentiellement récognitif : une ou deux livres de cire, un ou deux cierges, une ou deux poules, à fournir annuellement pour chacun des sacrarios ou chacune des casas construits dans l’espace sacré (Farías 1989 : 175‑177 ; Kennelly 1968 : passim ; Bonnassie 1975‑76, II : 655‑656 ; nombreux exemples).

  • 32 « Sic damus tibi ad condirigendum ibi domum planam sine solario [...] ut habeas et teneas et recoll (...)

28Situation d’exception donc que celle de la sagrera. Dans un monde voué au seul pouvoir des milites, elle est un territoire démilitarisé. Les hommes d’armes y sont –en droit sinon en fait– interdits de résidence. Un texte très révélateur du milieu du xiie s. nous montre comment, à cette époque encore, l’évêque Guillem de Barcelone tente, non sans difficultés, de faire respecter ce principe. Pressé par un seigneur du Vallès, Pere de Sant Minat, de l’autoriser à construire une maison dans la sagrera de Sant Andreu de Palomar, il finit par accéder à cette requête, mais il pose des conditions : le bâtiment n’aura pas d’étage (pas de tour par conséquent !) et ne pourra servir qu’à entreposer des céréales et du vin. Et surtout il ajoute : « et qu’en aucune façon tu n’habites ou demeures ici, et qu’ici tu ne loges aucun cavalier quel qu’il soit, ni aucun animal quel qu’il soit, et que ni toi ni quiconque pour toi n’y exerce, ou n’exerce à partir de là, aucune violence (vim) ni aucune action de force (forciam), ni aucun pouvoir de contrainte (districtum) sur les hommes relevant de nous »32.

29« Vim vel forciam vel districtum » si l’on se réfère au sens précis qu’ont ces mots dans la Catalogne de l’époque, la fonction des sagreras apparaît clairement : elle est de mettre leurs habitants à l’abri des prélèvements forcés (forcias synonymes de toltas : tailles à merci) opérés par les seigneurs banaux et de les préserver aussi de leur pouvoir de juger et de châtier (districtum). Autrement dit, à l’heure où la société catalane s’est trouvée enserrée dans un réseau compact de seigneuries castrales, à l’heure où s’est abattue sur la paysannerie la malédiction des « mauvais usages » annonciateurs de la servitude, l’ensagrerament a eu pour effet, au moins en principe, de préserver autour de chaque église paroissiale trente pas de liberté, espace apparemment dérisoire, espace en fait essentiel, centre de tous les enjeux.

2.4.3 Chronologie de l’ensagrerament33

2.3.4.1 La « préhistoire" des sagreres

  • 34 Deux actes antérieurs, parfois cités comme contenant les plus anciennes mentions de sagreres (Cuvil (...)

30Il y a une préhistoire des sagreres, qui couvre toute la période antérieure à l’an 1000 et qui même, dans la plupart des cas, se prolonge jusqu’à la décennie 1020‑1030. De cette période on ne conserve que quelques rares actes où figure soit le terme sacraria (ou sacrarium), soit la référence aux trente pas : quatre au total, qui s’échelonnent entre 984 et 993 et qui, tous quatre, concernent la Catalogne pyrénéenne ou pré‑pyrénéenne34. En raison de leur précocité, il convient de les citer :
– 984 (Sant Cristofor de Vallfogona) : « similiter statuerunt ei sacrariu et cimiteria in circuitu ecclesie, videlicet XXX paso sum sicut mos est omni ecclesie » (Baraut 1986, no 42 ; Illy 1988 : 44) ;
– 988 (Sant Andreu de Sagàs) : « ipsa ecclesia suncti Andree [...] cum sua parrochia et [...] sacrariis vel cimiteriis » (Baraut 1980, no 138 ; Illy 1988 : 44 et 49) ;
– 988 (Sainte‑Marie de Coustouges) : « ecclesia sancte Marie (...) cum suo cimiterio et cum ipsas domos que sunt circa ipsam ecclesiam » (Marca Hisp., no 138 ; To Figueras 1989, I : 128 et 150) ;
– 993 (Saint‑Estève de Riuferrer) : « donamus in circuitu ecclesiarum cimiteria secundum canonicam auctoritatem in circuitu ecclesie Sancti Stephani cimiterium triginta paso sum » (Marca Hisp., no 142 ; To Figueras 1989, I : 151).

31Au‑delà de cette dernière date, les mentions disparaissent. Lorsqu’elles réapparaîtront, autour de 1030, mais cette fois très nombreuses, ce sera dans les diocèses de Gérone (avec, en 1029, le cercle de paix de Sant Sylvestre de Vallmala) (cf. supra § 2.3.3.1) et de Barcelone (avec, en 1034, les sacrarios de Santa Eulalia de Vilapiscina) (cf. supra § 2.3.2).

  • 35 Poly 1976 : 200 et n. 165 : « Aussi bien la protection des églises et des “trente pas ecclésiastiqu (...)
  • 36 En voici le texte complet : « Ut nullus audeat confugientes ad ecciesiam vel residentes Inde abstra (...)

32Les références antérieures à l’an 1000, pour être très rares (et de cette rareté on ne peut accuser les défaillances de la documentation, déjà fort abondante en Catalogne), n’en sont pas moins significatives. Elles témoignent de la persistance –ou plutôt de la résurgence dans les années 980‑990– d’une tradition relative à l’inviolabilité de l’espace de trente pas entourant l’église. Tradition ancienne (sicut mos est 984) et s’appuyant sur des textes canoniques (secuno dum canonicam auctoritatem : 993). Lesquels ? Lorsqu’on sait à quel point la Catalogne pyrénéenne s’est comportée aux ixxe s. en conservatoire de la législation wisigothique, on ne peut manquer de songer aux conciles de Tolède. J.‑P. Poly les invoquait déjà à ce propos dans sa thèse de 1976 (Poly 1976)35. Travaillant sur la piste ainsi ouverte, R. Marti (1987, I : 151) et V. Farías (1989 : 96, n. 3) ont su exhumer le canon 10 du xiie concile de Tolède de 681 : on y voit les évêques borner, avec l’approbation du roi Ervige, l’asile ecclésiastique au cercle des trente pas entourant les églises « in triginta passibus unuscuiusque ecclesie in toto circuitu »36.

33Aux alentours de l’an 1000, la tradition du cercle des trente pas existe donc depuis plus de trois siècles. Mais, et c’est là une restriction d’importance, cet espace n’est pas encore bâti. Le xiie concile de Tolède n’évoquait de maisons qu’à l’extérieur du cercle et d’ailleurs pour les exclure du bénéfice de l’asile. Des quatre actes pyrénéens des années 984‑993, un seul cite des domos circa ecclesiam (à Coustouges), mais ce sont celles du prêtre desservant. On peut donc, semble‑t‑il, conclure qu’en Catalogne, jusqu’aux années 1020‑1030, le cercle sacré, lorsqu’il existe –et sauf exceptions indiscernables dans la documentation– n’inclut que le presbytère et le cimetière, l’un et l’autre attenant à l’édifice ecclésial. Le reste de l’espace est inoccupé, il peut même être mis en culture.

  • 37 ACB, Lib. Ant. IV, no 148 : « Et testati sunt et dixerunt [...] quia ipsi viderunt vineas circa par (...)

34De cette image originelle des sagreres un magnifique exemple est donné par la déposition des paroissiens de Sant Boï de Llobregat lors d’une enquête effectuée en 1054. À cette date, l’espace sacré est très densément construit et habité ; or, disent‑ils, il n’en a pas toujours été ainsi : « Ils déclarèrent avoir vu des vignes tout autour de l’église de Sant Boï et ces vignes et le cimetière s’étendaient jusqu’aux murs de l’église »37. Donc jusque vers 1020‑1030, pas d’ensagre rament, pas de concentration de l’habitat autour des églises, alors même que le cercle des trente pas existe, en principe, depuis longtemps, en tant que lieu d’asile virtuel.

2.3.4.2 La première phase : l’âge de la sacraria ‑ refuge

  • 38 Sur la dispersion de l’habitat dans la Catalogne des ixexe s., cf. P. Bonnassie 1990. Cf. égalemen (...)
  • 39 « Sacraria cum cortili » à Santa Maria de Palautordera, « sacrarias et curtilios » à Sant Julià de (...)

35La première phase de l’ensagrerament correspond à ce qu’on peut appeler l’âge de la sacraria o refuge. Elle est contemporaine des débuts de la grande crise féodale qui secoue la Catalogne dans les années 1020‑1060 et qui se traduit par un déchaînement généralisé de violences. Aux moments de grand danger, les habitants du terroir dont les demeures sont généralement dispersées dans la campagne (ou tout au plus regroupées en hameaux –villares– très vulnérables)38 viennent entreposer leurs provisions et ranger leurs outils ferrés dans l’espace sacré entourant les églises. Pour les abriter des intempéries, ils creusent des silos (les cio geas) et construisent des édicules sommaires (les premiers sao crarios). Auprès de ceux‑ci, ils peuvent aussi parquer quelques bêtes, comme tendraient à le prouver certaines mentions de curtiles39, Mais il faut surveiller ce bétail et ces denrées, il faut aussi se protéger soi‑même ; on prend donc l’habitude de dormir dans les sacrarios qui deviennent de ce fait (mais ne l’ont‑ils pas été dès l’origine ?) des habitations temporaires.

  • 40 A Sant Andreu de Palomar et Santa Eulalia de Vilapiscina, supra. § 2.3.2.

36Il est très difficile de dater cette phase d’ensagrerament sauvage. Il est évident en effet que la construction de quelques appentis de planches n’est pas un fait digne de l’attention des scribes. D’autre part, le phénomène a pu ne pas se produire au même moment partout. Nous possédons néanmoins un terminus ad quem : c’est la date à laquelle des sacrarios deviennent l’objet d’actes de vente ou de legs testamentaires. Ce ne sont plus alors des cabanes branlantes : au terme d’aménagements que nous ignorons, ils ont acquis une valeur marchande. Les premiers actes témoignant de cette mutation se placent dans la décennie 1030‑1040, et même plus précisément, dans le comté de Barcelone, dans les années 1034‑103540.

  • 41 Les décisions de Toulouges (Mansi 1902, t. XIX : 483‑484) ne constituent en effet qu’une confirmati (...)
  • 42 La datation de cette assemblée de Vic a fait l’objet de controverses. E. Junyent proposait 1030, R. (...)

37Je serais donc tenté de dater le « premier âge de la sacraria » des années 1020‑1035 ; coïncidence qui n’est pas fortuite et qui renforce cette hypothèse ; cette période est aussi celle qui voit se réunir en Catalogne les premières assemblées de la Paix de Dieu. Le concile de Toulouges est de 1027 ; il fait suite lui‑même à une première réunion dont les actes se sont perdus, mais dont on peut penser qu’elle s’est tenue en 102241 ; il est suivi par ailleurs d’une autre assemblée à Vic, en 103342.

38En fait, les années 1020‑1035 sont marquées en Catalogne par deux mouvements dont les causes sont les mêmes et qui se rejoignent dans leurs effets. D’une part, recherche d’abris par des paysans apeurés, entassement, encore le plus souvent temporaire, d’hommes et de femmes, avec leurs victuailles, pelles, pioches, chèvres et brebis, dans les menus espaces protégés par les saints. D’autre part, formation de vastes rassemblements populaires, souvent en rase campagne (« dans le pré de Toulouges ») pour réclamer la paix, au moins la trêve, assemblées que rejoignent certains des responsables de l’Église (pas tous !) scandalisés par les exactions des milites. Le résultat est la prise en considération par les assemblées de Paix, que la présence d’évêques transforme en conciles, du mouvement spontané de recherche d’asile, d’où la promulgation de canons relatifs au cercle sacré et la reconnaissance officielle des sacrarios auxquelles est promise la consécration épiscopale. Dès 1029, l’évêque Pere de Gérone bénit celle de Sant Silvestre de Vallmala et c’est à cette occasion qu’est défini le mode de mesure des trente pas « ecclésiastiques », qu’est aussi pour la première fois imposé un cens épiscopal aux habitants du cimiterium (cf. supra § 2.3.3.1).

2.3.4.3 La deuxième phase l’institutionnalisation des sagreres

39La deuxième phase est celle de l’institutionnalisation des sagreres : elle est celle aussi de la sédentarisation et de la densification de l’habitat dans le cercle de paix. Elle est de loin la mieux connue : des dizaines de documents nous en parlent, cette profusion d’écrits divers traduisant d’ailleurs l’intensification du mouvement. Elle se situe pour l’essentiel dans le deuxième tiers du xie s., des années 30 aux années 60. L’institutionnalisation s’effectue par le biais des actes de consécration qui se multiplient dans tous les diocèses. Cette consécration intervient le plus souvent a posteriori, alors que la sagrera existe déjà depuis plusieurs années ; elle peut se produire à l’occasion de la construction d’une église nouvelle, mais elle peut aussi, comme l’a remarqué R. Marti (1987, I : 154), être célébrée dans le cas d’églises déjà consacrées, la cérémonie n’ayant alors pour but que de sanctifier le cercle des trente pas et lui conférer son statut particulier.

40La sédentarisation s’observe dans le phénomène, déjà évoqué, d’aménagement des sacrarios en demeures permanentes, avec portes, huisseries, toitures, canalisations, et, plus encore, dans la construction de véritables maisons (domos, mansiones), auprès desquelles beaucoup de sacrarios ne font plus figure que d’annexes ; autrement dit, le danger ne cessant pas, on s’installe.

  • 43 ACB, Lib. Ant. IV, no 148 : « Manante tantum modo antiqua consuetudine ut mortui in prefato ciminte (...)
  • 44 Marca Hisp., app. 304 : « ecclesia Sancti Martini cum sacraniis XLIII qui erant in ipso cimiterio »

41La densification enfin est le fait le plus spectaculaire ; elle se dénote aisément dans les nombreuses mentions de confronts de sacrarios ou de domos vendus ou légués à l’intérieur des sagreres et qui presque toujours jouxtent d’autres sacrarios ou domos (Kennelly 1968 : passim ; nombreux exemples). Mais le meilleur témoignage est encore celui fourni par le procès de 1054 concernant la sagrera de Sant Boï de Llobregat : là où, une génération auparavant, les vignes arrivaient jusqu’au mur de l’église, les constructions ont tout envahi. Les maisons se pressent en ordre si serré dans le cimetière que l’évêque est obligé de lancer une injonction solennelle : « que selon l’ancienne coutume, les morts continuent à être enterrés dans ledit cimetière, non sous les seuils ou les portes des maisons, mais dans des lieux décents [...]. Et qu’il ne soit pas permis de construire en ce lieu tant de maisons ou de sacrarios que les cimetières en soient presque abolis [...] »43. Combien y avait‑il d’édifices dans le cimetière de Sant Boï ? On ne sait, mais dans celui de Saint‑Martin de Corsavy, en 1090, les sacrarios étaient au nombre de quarante‑trois44.

  • 45 « Ego. in Del nomine, Bernardus Beleli, clericus, iacens ab egretudine detentus aput domum meam qua (...)
  • 46 Testaments de ces deux évêques publiés par Marti (1979, II, nos 323 et 371).

42De telles situations montrent bien que les autorités ecclésiastiques ont été dépassées par le mouvement : certes, elles ont tenté de l’encadrer, y sont parvenues le plus souvent, mais le succès a certainement été au‑delà de leurs prévisions. L’une des conséquences graves de celui‑ci a été le renchérissement des terrains auprès des églises. Cette hausse des prix peut être observée lors des ventes de sacrarios ou de maisons construites à l’intérieur des sagreres. Après 1050, bien de ces édifices se vendent pour plusieurs mancusos, voire plusieurs onces d’or. De plus les transactions sont nombreuses et ces fréquents changements de mains modifient le recrutement social des habitants des sagreres. Passé le milieu du siècle, ceux‑ci ne sont plus de pauvres diables en quête de refuge, mais, de plus en plus, des paysans aisés, des notables, seuls en mesure de payer les sommes demandées. Parmi les possesseurs de sacrarios, on trouve, comme il est naturel, de nombreux clercs qui se les transmettent d’oncle à neveu, parfois de père en fils : c’est le cas à Santa Eulalia de Vilapiscina en 1077 ou à Sant Salvador de Polinyà en 1067 (Kennelly 1968 : 116, 128). Dans la région géronaise, le prêtre Bernard Bellel, homme fort riche, dicte son testament, en 1065, « dans (sa) maison qui se trouve dans le cimetière de Sant Joan de Foixà »45. Parmi les propriétaires laïcs, on rencontre des membres de familles très entreprenantes, en voie d’ascension sociale, tels les Vivas de Provençals (Bonnassie 1965 : 261 sq. ; Kennelly 1968 : 119‑121). L’aristocratie moyenne, elle aussi, investit dans les sagreres en Vallès, Lobaton de Vilalba (Kennelly 1968 : 132) ; dans la région géronaise, Ermengol de Forners, la noble Riquilda, Guisla de Foixà (Marti 1979 : 156). Au niveau le plus élevé de la hiérarchie, on voit le vicomte de Barcelone, Udalard, acheter en 1054, pour cinq mancusos, des sacrarios à Sant Genis d’Agudells : il les revendra d’ailleurs trois ans plus tard (Kennelly 1968 : 124). L’évêque de Carcassonne, Bernard Bernard, possède en 1075 des maisons dans plusieurs sa greres géronaises ; celui de Gérone, Berenguer Guifred, en 1088, lègue globalement les sacrarios de Sant Feliu de Celrà, mais, fait inquiétant, on constate qu’à cette date, ils sont inféodés à des milites46.

2.3.4.4 La dernière phase : la dénaturation des sagreres

43Comme le prouve un tel exemple, la dernière phase de l’histoire des sagreres (en gros, à partir du dernier tiers du xie s.) est, du moins pour beaucoup d’entre elles, celle de leur dénaturation. Bien des seigneurs, en effet, canalisent à leur profit l’attraction qu’elles exercent et leur imposent leur domination. Chose facile lorsqu’ils possèdent déjà l’église : en 1121, par exemple, un noble du nom de Ramon Erimball cède à la collégiale de Vilabertran son église de Sant Feliu, avec ses dîmes, prémices et oblations, avec ses alleux et surtout avec la sacraria de trente pas qui entoure l’édifice (To Figueras 1989, II : 12). Certains aristocrates, et non des moindres, établissent même leur résidence dans le cercle sacré : avant 1136, Bernard Berenguer, vicomte de Tatzo, en Vallespir, habite habituellement dans un bâtiment construit « à la pointe de l’église », dans la sagrera de Llupia (To Figueras 1989, II : 12). Mais il en allait déjà vraisemblablement ainsi, une cinquantaine d’années plus tôt, de Ramon Arnal de Vilademuls et de Gausfred Guilabert de Cruïlles qui eux aussi semblent bien résider dans leurs sagreres respectives de Vilademuls et de Cruïlles (Marti 1987, I : 166‑167). De la résidence à la seigneurie il n’y a qu’un pas : dans le cas de Llupia déjà cité, le vicomte Bernard Berenguer apparaît comme le co‑seigneur de la sagrera, avec le monastère de Sant Pere de Roda et celui de Santa Maria del Camp.

  • 47 ACB, Lib. Ant. IV, no 202 : « Et concedo ad sancta Maria de Malannarges circa ecclesia passos trigi (...)

44Dans ces conditions, il n’est pas surprenant de constater que certains seigneurs se mettent à fonder des sagreres. L’exemple le plus ancien est celui de Malannergues, en 1080, évoqué dans le testament d’un châtelain du Vallès, Ramon Seniofred de Rubi : « Je concède à Santa Maria de Malannergues, autour de l’église, trente pas pour y faire un cimetière : à l’est trente pas et de même au sud, à l’ouest et au nord. Je donne ledit cimetière à ladite église sous telle condition que mes fils et ma descendance y habitent et y donnent un sauvement à ceux qu’ils voudront y rassembler »47. Il s’agit là d’un cas typique de fondation d’un cimetière habité, tout à fait similaire à ceux qui ont été décrits en d’autres lieux, en Anjou essentiellement (Zadora‑Rio 1980 : 319‑329). Il convient néanmoins de remarquer qu’en Catalogne ces occurrences sont peu nombreuses, pour la bonne raison qu’à l’époque où ces créations interviennent (fin xie ou xiie s.) la plupart des églises sont depuis longtemps entourées de sagreres.

  • 48 ACB, Lib. Ant. II, no 233 : « Ego Petrus Arnalli, presbiter, reus et peccator, culpabilem me recogn (...)
  • 49 ACB, Lib. Ant. II, no 327 : « Dono tibi alodium meum proprium ... in loco vocitato Villa Piscina, c (...)

45En tout cas, de quelque manière qu’elle s’opère, la mainmise de l’aristocratie sur un nombre non négligeable de sagreres peut avoir pour conséquence l’inféodation de celles‑ci, en tout ou en partie. Il s’agit là d’une violation flagrante de leur statut, dont pourtant l’évêque de Gérone a donné l’exemple à Celrà en 1088 (ou peu avant) (cf. supra § 2.3.4.3). La région barcelonaise n’échappe pas au phénomène : les sacrao rios y sont même parfois inféodés à l’unité, comme en témoigne un curieux acte de déguerpissement, souscrit peu après 1087 par un prêtre nommé Pere Arnal et concernant un sacrarium de Sante‑Eulalia de Vilapiscina : « Moi Pere Arnal prêtre, accusé et pêcheur, me reconnais coupable envers Dieu, envers ses saints et envers tous. J’ai fait ce que je ne devais pas faire : j’ai donné mon accord à mon neveu Roland Isarn pour qu’il tienne de moi en fief un sacrarium en vertu de la foi qu’il m’avait prêtée et de la convenientia qu’il avait souscrite avec moi [...] »48. Autre conséquence, directement liée à la précédente : l’extension (ou au moins la tentative d’extension) de certaines formes de servage aux paysans (ou au moins à certains d’entre eux) vivant dans les sagreres. À Vilapiscina, le même Roland Isarn qui tient un sacrarium en fief de son oncle en reçoit un autre de sa mère, avec le couple qui y habite : c’est là un des plus anciens exemples de donations d’hommes dans la région de Barcelone : « Je te donne mon alleu propre [...] au lieu‑dit Vilapiscina, avec le manse et le sacrarium et avec l’homme appelé Pons Guillem et sa femme Ermessend et tous leurs biens »49.

46Mais l’immunité des enclos sacrés n’est pas seulement minée de l’intérieur par la dégradation de leur statut ; elle est aussi et plus encore mise à mal par les agressions venant de l’extérieur. À Vilapiscina toujours, la sagrera est, un jour de 1098, envahie par un groupe d’assaillants venus de Badalona qui dévastent plusieurs maisons et « en emportent tout ce qu’ils veulent » (ACB, Lib. Ant. II, no 219). Rien là de très grave. Beaucoup plus dramatiques sont les razzias dont sont l’objet les sagreres du Pallars dans les années 1060‑1080. Là, pendant les guerres fratricides qui opposent les deux comtes Artal ier et Raymond IV, les enclos sacrés deviennent les objectifs privilégiés des bandes de milites pillards qui multiplient tueries et rapines et qui d’ailleurs, pour bénéficier de l’effet de surprise, attaquent de préférence pendant les jours consacrés à la trêve de Dieu. Voici, par exemple, comment une notice judiciaire (querimonia) rapporte quelques‑uns des exploits d’Artal ier et de ses cavaliers :

47« Il rompit la trêve de Dieu à Mala, à Enseu [...], à Corroncui, à Adonz [...] ; il rompit la trêve de Dieu à Puigmanyons où il tua des hommes de ses propres mains ; à Torella, pendant la trêve de Dieu, il détruisit (fregit brisa) les sacrarios ; à Agramunt, pendant la trêve de Dieu, il brisa les sacrarios ; il rompit la trêve de Dieu à Claverol ; il rompit la trêve de Dieu et brisa les sacrarios à Segur ; il rompit la trêve de Dieu et brisa des sacrarios à la serra de Claverols ; il rompit la trêve de Dieu et tua des hommes à La Pera ; il rompit la trêve de Dieu, à de multiples reprises, à Espills, à Claret, à Anui ; il rompit la trêve de Dieu et brisa les sacrarios à Midià ; à Olp, il captura des hommes et enleva du butin ; il chevaucha vers Siarp et y brisa les sacrarios ; à Sort, il brisa les sacrarios ; à Badanui, il tua des hommes et brisa les sacrao rios ; à Sas, il prit du butin à de multiples reprises ; [...] à Gramanet il tua des hommes de ses propres mains ; à Santa Maria de Mur, ses hommes prirent un homme et tous ses biens et le firent se racheter ; [...] à Castellàs ses hommes tuèrent un homme pendant la trêve de Dieu ; ils capturèrent des hommes et firent du butin à Llimiana pendant la trêve de Dieu ; [...] à Santa‑Coloma, ils emmenèrent les hommes ainsi que l’autel [...] (ACA, Perg. Ramon Ber. I : 34, texte latin dans Bonnassie ; Guichard 1984 : 87‑88 ; cf. également Bonnassie 1975‑76, II : 612‑6).

48De tels textes, outre qu’ils nous montrent l’omniprésence des sagreres, prouvent à l’évidence la faillite, au moins dans certaines régions, du système de protection qu’elles assuraient. À l’âge du féodalisme triomphant, le châtiment des saints ne fait plus peur ; l’excommunication est tenue pour enfantillage par des milites qui ne croient qu’au pouvoir des armes. Les « cercles de paix » deviennent même la proie désignée des violences en raison des richesses qui s’y accumulent ; il ne reste plus qu’à substituer aux garanties surnaturelles des défenses plus matérielles.

  • 50 Bisson 1989 : 184 (c’est l’article 2 des statuts). Sur les clauses relatives aux fortifications d’é (...)

49A l’origine, fortifier une sagrera était un non‑sens, et d’ailleurs les documents, qu’il s’agisse des actes de consécration ou des chartes de transaction, n’évoquent jamais la moindre trace d’enceinte parmi les confronts cités : le cercle protecteur, de quelque manière qu’il soit figuré sur le terrain, reste symbolique. Pourtant l’immunité a des effets pervers : elle attire toutes sortes de malfaiteurs (raptores, fures), trop heureux d’abriter leur butin dans l’espace sacré. Ils sont dénoncés, par exemple, par le concile de Vic de 1063, qui de plus condamne leur audace à se servir des saints enclos comme bases d’agression. Et la même assemblée se scandalise des fortitudines et des castella qui y sont élevés (Villanueva 1803‑1852, vol. VI, no 36). Déjà, en 1054, le concile de Narbonne avait donné l’alarme et excepté de la protection divine les munitiones construites à l’intérieur du cercle des trente pas : fortifications destinées, dit le texte, « à susciter des guerres et des conflits » (Mansi 1902, t. XIX, col. 827 sq.). En 1065 enfin, le deuxième concile de Toulouges établit un lien direct entre l’érection d’ouvrages de défense dans les cercles de paix et l’entassement du butin qu’y pratiquent les « hommes rapaces et voleurs » (Mansi 1902, t. XIX, col. 1041‑1044). Comment ne pas voir dans ces derniers, sous la phraséologie ecclésiastique, des bandes de milites analogues à celles qui à la même époque ravagent le Pallars ? Ceci signifie simplement que, dans beaucoup de cas, la démilitarisation des sagreres a été un fiasco. Mais ces milites honnis sont aussi des vassaux, ils obéissent à un seigneur qui tend à imposer son ordre : les sagreres –certaines d’entre elles– s’intègrent donc tout naturellement à « l’ordre seigneurial ». Dans cette perspective, il n’y a rien d’anormal à ce qu’elles soient fortifiées : de là les vestiges de murailles enfermant l’espace ecclésial, de tours construites à l’intérieur de celui‑ci, que les archéologues ont pu repérer –à Vilademuls, à Cruïlles, par exemple (Marti 1987, I : 166‑167)– et qui datent vraisemblablement du dernier âge des sagreres. Cette pratique en viendra à être officiellement reconnue, y compris dans les décrets de Paix et Trêve ; dans ceux qu’il promulgue à Perpignan en 1173, le comte‑roi Alphonse ier déclare : « ecclesias quoque incastellatas sub eadem pacis et tregue deffensione constituo »50.

  • 51 À commencer, dans le diocèse d’Elne, par la prospère cellaria de Saint‑Jean de Perpignan, dont on s (...)
  • 52 Perpresio est synonyme d’aprisio, ce qui montre au passage la rémanence de coutumes très anciennes (...)
  • 53 ACG, Perg. Ramon Ber. : 134. Je remercie Lluis To Figueras qui m’a communiqué la transcription de c (...)

50En fait, la destinée des sagreres n’a certainement pas été uniforme. Certaines d’entre elles ont pu être tout simplement anéanties dans la tourmente des guerres féodales, « brisées » à l’exemple des sacrarios du Pallars que pillent et incendient les milites d’Artal ier. D’autres ont été en quelque sorte normalisées, placées sous l’autorité d’un seigneur, fortifiées : ce sont les ecclesias incastellatas. Dans ce cas, l’ensagrerament finit par se muer en une variété d’incastellamento. Il reste cependant un troisième cas, le plus typique de la Catalogne : celui de la survie des sagreres sous la forme de villages ecclésiaux immunistes regroupant, à l’intérieur d’un cercle de trente pas pérennisé dans la topographie, une paysannerie aisée et dynamique, protégée par le pouvoir épiscopal. Ce sont les pagesias que Cuvillier découvre dans la plaine de Vic aux xiiiexive s. (Cuvillier 1968 : 80‑82 et supra...), mais on pourrait sans doute en trouver tout autant –et aussi vivantes– tout autour des autres villes épiscopales : Barcelone, Gérone, Elne51. La meilleure preuve de cette survie de la tradition de la sacraria, passée la crise féodale, est qu’il s’en crée encore au début du xiie s. Et à l’initiative des paysans eux‑mêmes ! Écoutons ceux de Sant Julià de Corts en 1102 : le texte qu’ils ont fait rédiger est si beau qu’il mériterait d’être cité en entier : « Qu’il soit connu de tous [...] qu’en l’honneur de Dieu et de l’Eglise de Gérone, avec le consentement de l’évêque, [...] nous, paroissiens de Sant Julià de Corts, avons construit une église neuve en l’honneur du dit saint Julien, dans le cimetière. Dans ce cimetière, chacun des paroissiens a procédé à une appropriation [unam perpresionem]52 pour faire son sacrarium Pour sauver ici notre corps [ad salvandum ibi nostrum corpus] et notre avoir, et ceux de nos successeurs, nous plaçons ces sao crarios sous la baylie du seigneur Dieu, de sainte Marie, de l’évêque et des chanoines : nous y plaçons ces sacrarios ainsi que tout ce que nous possédons, ainsi que nos âmes et nos corps [...] »53. Bel exemple d’une de ces sauvetés ecclésiales qui sont à l’origine de tant de villages catalans. Mais le plus remarquable dans ce document est qu’il permet d’établir un lien entre l’histoire des sagreres et celle de l’architecture romane en Catalogne. Les sagreres ont précédé les églises romanes. C’est dans les enclos sacrés que celles‑ci ont été construites, remplaçant les vieux édifices d’origine. Construites par qui ? Il n’est pas impossible que, comme à Sant‑Julià de Corts, la population, active et privilégiée, des « cercles de paix » ait largement contribué au développement de l’art roman catalan.

Annexe

De la sacraria catalane aux claustra de la France du Midi

  • 54 Je renvoie, bien entendu, dans ce même volume, à la communication de Dominique Baudreu et Jean‑Paul (...)

51Les Corbières n’ont jamais constitué une frontière. Il est donc loisible de rechercher si un phénomène similaire à l’ensagrerament catalan n’a pas affecté la France du Midi et tout particulièrement la Septimanie. Les résultats remarquables obtenus ces dernières années par les archéologues dans leurs recherches sur les habitats associés aux anciens lieux de culte, leurs découvertes d’espaces ecclésiaux tant enclos qu’ouverts54 incitent à une relecture des textes. Ceux‑ci sont plus rares qu’en Catalogne, mais les informations qu’ils livrent sont parfois passionnantes ; ainsi en est‑il, par exemple, des récits hagiographiques qui, absents de la documentation au sud des Pyrénées, éclairent ici, dans certains cas, d’une lumière vive la genèse même de l’« espace de paix » et de son habitat.

  • 55 Il l’est déjà fort peu en Roussillon, où le mot d’usage courant est cellaria ; mais, même en Langue (...)

52Un point de vocabulaire tout d’abord. Sans être inconnu, le mot sacraria semble ici peu usité55. Mais on trouve bien des termes de sens identique ou voisin : celui d’atrium, déjà vieux d’une longue histoire, ceux de claustrum et, plus encore de claustra (sous la forme plurielle), celui d’ambitus ecclesie (moins vague qu’il n’y paraît car il désigne littéralement l’espace situé dans le pourtour de l’église), celui enfin, comme partout, de cimiterium.

  • 56 Nos 121, 331, 336, 376, 410, 425, 477, 478, etc. Le mot atrium ne figurant pas à l’index, il suffi (...)
  • 57 La meilleure leçon des actes de ce concile est celle que fournit le Cartulaire de Sauxillanges (Car (...)

53Caractéristique du xe s. –donc de la phase que j’ai pu qualifier de « préhistoire de l’ensagrerament »– est le mot d’atrium. On le rencontre plus spécialement dans deux types de documents : les notices de plaid ou d’arbitrage et les canons des conciles de Paix. Dans le premier cas, il désigne le lieu de concorde où, non loin des reliques sacrées, se réunissent les cours de justice, se rencontrent les boni homines, sont entendus les serments de pacification : en ce sens sont fréquentes, par exemple, ses occurrences dans le Cartulaire de Lézat56. Aux approches de l’an mille, ce lieu de paix devient lieu de refuge ; très tôt donc, car ici la montée des violences est plus précoce qu’en Catalogne en raison d’une plus grande fragilité des institutions publiques. Dès 993‑994, le concile de Saint‑Paulien (dit du Puy) se voit amené à interdire toute rapine –tout vol de bétail en particulier– dans l’atrium iuxta ecclesias57.

54Mais, pour être apparue si vite, la crise perdure. Vers 1020‑1030, au moment où elle débute en Catalogne, elle atteint ici sa phase la plus aiguë. Les églises en souffrent : clercs et moines en appellent au châtiment des méchants par les saints et ils popularisent les récits des punitions infligées par ceux‑ci, dans l’espoir de terroriser les persécuteurs potentiels. Ces relations de miracles nous éclairent donc sur le climat d’exactions qui marque le début du xie s., mais, chemin faisant, elles nous décrivent aussi l’attitude des populations apeurées en quête d’un asile. De tels textes ont l’intérêt d’éclairer le premier âge des enclos ecclésiaux, celui de la « sacraria‑refuge », pour lequel justement, en Catalogne, les données sont les plus minces.

  • 58 Lib. Mirac. III, 21 :163‑164. La rédaction de ce Livre III suit de très près celle du Livre II par (...)

55Je voudrais spécialement attirer l’attention sur l’un de ces récits, très riche en informations, me semble‑t‑il, sur le problème qui nous occupe ici. On le trouve dans le Livre III du Liber Miraculorum sancte Fidis, rédigé vers 1030 par un moine anonyme de Conques58 ; il concerne l’enclos de l’église de Palais, en Septimanie, près de l’étang de Thau, possession de Conques. Le début du texte vaut d’être cité intégralement : « Le lieu de Palais est dominé par un château (castrum) du nom de Loupian. Or un homme de guerre (miles), nommé Bernard et surnommé le Poilu, vint à la tête de mille cavaliers et de presque autant de fantassins, mettre le siège devant celui‑ci. Il détruisit par le fer, le feu et les rapines tout ce qui se trouvait alentour. Néanmoins, ceux (des habitants) qui avaient été avertis de ce fléau, entassèrent tout ce qu’ils possédaient dans l’espace (au pourtour) des murs de ladite église (intra murorum predicte ecclesie ambitum) et ne laissèrent rien d’autre derrière eux que leurs seules chaumières (tuguria). Les milites, frustrés donc de leur espoir de rapine, se répandirent dans les lieux voisins et emplirent leurs camps de tout ce qu’ils purent trouver ».

56En peu de mots, bien des choses sont dites : la dispersion de l’habitat paysan en chaumières très exposées, l’atrocité des guerres lignagères, la présence d’un espace d’asile au pourtour de l’église. Celui‑ci est‑il pourvu d’une enceinte ? L’expression murorum ecclesie ambitum est susceptible d’interprétations différentes : les murs peuvent être aussi bien ceux de l’église proprement dite que ceux de l’espace ecclésial. Mais la suite du texte apporte quelques éclaircissements. L’ecclesie ambitus est en effet victime de deux agressions (châtiées, comme il se doit, par sainte Foy). Un premier miles y pénètre –littéralement : s’y rue (irruet)– pour commettre un vol aux dépens d’un paysan ; un second, flanqué de deux compagnons « envahit l’enclos de l’église » (ecclesie claustra invasit), y dérobe une partie du blé et du vin appartenant aux moines de Conques et menace d’emmener tout le bétail et tous les ustensiles que les paysans ont rassemblés là (omnia armenta atque suppellectilem rusticorum ibi congestam). L’espace‑refuge est donc bien clos (le terme claustra ne laisse aucun doute), mais il n’est pas fortifié. Comment expliquer, dans l’hypothèse inverse, l’extrême facilité avec laquelle les agresseurs y pénètrent ? Le galop du premier miles n’est interrompu par aucun obstacle. La clôture, même s’il s’agit d’un mur, est principalement symbolique.

  • 59 Lib. Mirac. III, 10 :145‑147.

57Autre récit59, tiré du même recueil, confirmant et complétant les données du précédent ; il concerne l’Auvergne et plus précisément le lieu de Molompise sur la planèze de Saint‑Flour. Le monastère de Conques y possède une église et, autour, un petit village (viculus) ; il y est représenté par un moine qualifié de viculi custos. Une nuit, ce viculus subit une agression de la part du châtelain voisin (Robert d’Aurouze) et de ses milites. Robert « fit clandestinement irruption dans l’enclos » (claustra inrumpit clandestinus), mais « il fut vaincu par une contre‑attaque des paysans (oppugnatione rusticorum) et des serviteurs des moines », puissamment aidés, il est vrai, par un miracle de sainte Foy. Le scénario est donc le même qu’à Palais, à une différence près, cependant, qui est d’importance : l’enclos semble habité de manière permanente par des paysans (rustici), il regroupe un certain nombre de demeures formant un petit village (viculus). Comment est‑il protégé ? La clôture, de quelque nature qu’elle soit, semble ici aussi un bien piètre obstacle.

58Seules comptent, encore vers 1030, la confiance que les ruraux placent dans la puissance des saints et la solidarité qui les unit face aux agressions dont ils sont victimes. Confiance et solidarité dont la condition réside dans leur regroupement –temporaire, puis définitif– autour des lieux saints.

59Sur les phases ultérieures de cette forme de concentration de l’habitat dans la France du Midi, les données sont jusqu’ici bien rares ; toute l’enquête reste à faire ; travail de fourmi que de reprendre toute la documentation méridionale pour en extraire quelques informations relatives à l’évolution des enclos sacrés. Les perspectives ne sont pourtant pas désespérées ; à titre d’exemples, voici deux ou trois glanures. Dans les années 1060‑1070, un cimiterium est créé près de l’église de Canens, en Comminges, et les « habitants » se voient interdire d’y procéder à de quelconques donations ou ventes (Cart. Lézat, I : 883). A la même époque et dans la même région, lors de la consécration de l’église de Saint‑Pierre de Mont est évoqué le clausum de celle‑ci, ainsi que sa concisa (clôture) ; dans le même texte, des donations sont faites ad opera ciminterium, des cens de 1, 2, 3 et 4 deniers sont levés sur celui‑ci et y apparaissent des celers (Cart. Lézat, I : 500). Un siècle plus tard, en 1162, à Saint‑Martin de Londres, en Bas‑Languedoc, les gens qui habitent dans le cimetière du monastère sont exemptés de banalités par le seigneur du lieu (Cart. Maguelone, I : 114 bis).

60On ne peut pourtant qu’être frappé par le caractère très épars de telles mentions qui contraste avec la pléthore catalane. Est‑ce à dire qu’au nord des Pyrénées le modèle du village ecclésial ait mal survécu, étouffé par un mouvement d’incastellamento beaucoup plus puissant qu’en Catalogne ? Peut‑être, et pourtant les archéologues en découvrent et en décrivent chaque jour de magnifiques exemples... Affaire à suivre...

Bibliographie

Bibliographie

Abadal 1962 : ABADAL (R. d’). — L’Abat Oliba i la seve época. 3e éd., Barcelone, 1962.

Balari Jovany 1899 [1964] : BALARI JOVANY (J.). — Origenes históricos de Cataluña. 1899. Nouv. éd., Sant‑Cugat, 3 vol.

Baraut 1980 : BARAUT (C.). — Els documents dels segles ix i x conservats a l’arxiu capitular de la Seu d’Urgell. Urgellia, II, 1980, 7‑145.

Baraut 1986 : BARAUT (C.). — Les Actes de consagracions d’esglèsies del bisbat d’Urgell. La Seu d’Urgell, 1986.

Bisson 1988 : BISSON (T.). — Medieval France and ber Pyrenean Neighbours: studies in Early Institutionnal History. Londres, 1988.

Bolos 1990 : BOLOS i MASCLANS. — L’Habitat dispers a la Catalunya medieval. In : France méridionale, Catalogne, Aragon et Navarre autour de l’An Mil. Barcelone, 1990 (Coll. Hugues Capet 1987).

Bonnassie 1975‑76 : BONNASSIE (P.). — La Catalogne du milieu du xe à la fin du xie s. Toulouse, 1975‑76, 2 vol.

Bonnassie 1964 : BONNASSIE (P.). — Une Famille de la campagne barcelonaise et ses activités économiques aux alentours de l’An Mil. Annales du Midi, LXXVI, 1964, p. 261‑301.

Bonnassie 1990a : BONNASSIE (P.). — La Croissance agricole du Haut Moyen Age dans la Gaule du Midi et le nord‑est de la Péninsule ibérique : chronologie, modalités, limites. In : Flaran X : la croissance agricole du haut Moyen Âge : xe journées internationales de Flaran, 1988. Auch, 1990.

Bonnassie 1990b : BONNASSIE (P.). — La Catalogne au tournant de l’an mille. Paris : A. Michel, 1990.

Bonnassie, Guichard 1984 : BONNASSIE (P.), GUICHARD (P.). — Les Communautés rurales en Catalogne et dans le pays valencien (ixe ‑ milieu xive s.). In : Flaran IV : les communautés villageoises en Europe occidentale du Moyen Age aux Temps Modernes : ive journées internationales de Flaran, 1982. Auch, 1984, p. 79‑115.

Cart. Lézat : OURLIAC (P.), MAGNOU (A.‑M.) éd. — Cartulaire de l’abbaye de Lézat, 2 vol. Paris : CTHS, 1984‑1987.

Cari. Maguelone : ROUQUETTE (J.), VILLEMAGNE (A) éd. — Cartulaire de Maguelone. Montpellier, 1912‑1927.

Cart. Sauxillanges : DONIOL (H.) éd. — Cartulaire de Sauxillanges. Clermont‑Ferrand, 1864.

Cart. St.‑Cugat : RIUS‑SERRA (J.) éd. — Cartulario de Sant Cugat del Vallès, 3 vol. Barcelone, 1945.

Cuvillier 1968 : CUVILLIER (J.‑P.). — Les Communautés rurales de la plaine de Vich (Catalogne) aux xiiie et xive s. Mélanges de la Casa de Velazquez, IV, 1968, p. 73‑103.

Cuvillier 1984 : CUVILLIER (J.‑P.). — L’Irrigation dans la Catalogne médiévale et moderne. Mélanges de la Casa de Velazquez, XX, 1984, p. 145‑186.

Duby 1953 : DUBY (G.). — La Société aux xie et xiie s. dans la région mâconnaise. Paris, 1953.

Farias 1989 : FARIAS (V.). — La Sacraria catalana (950‑1200), aspectos y modelo de un espacio social : tesis de licenciatura, Universitat de Barcelona, 1989).

Fixot, Zadora‑Rio 1989 : FIXOT (M.) dir., ZADORA‑RIO (E.) dir. — L’Église, le terroir. Paris : CNRS, 1989 (Monographie du CRA ; 1).

IIIy 1988 : ILLY (J.‑P.). — Les Églises et paroisses rurales de l’évêché d’Urgel du début du ixe aux alentours de 1040 : mémoire de maîtrise, université de Toulouse‑Le Mirail, 1988.

Junyent 1980 : JUNYENT (E.). — Diplomatari de la Catedral de Vic, segles ix‑x. Vic, 1980.

Junyent 1980 : JUNYENT (E.). — Diplomatari i escrits literaris de l’abat i bisbe Oliba : a cura d’Anscari M. Mundó. Barcelona, 1992.

Kennelly 1962 : KENNELLY (K.). — The Peace of God: Fact or Fiction ? : Ph.D. dissert, University of California, Berkeley, 1962.

Kennelly 1968 : KENNELLY (K.). — Sobre la paz de Dios y la sagrera en el condado de Barcelona (1030‑1130). Anuario de Estudios Medievales, 5, 1968, p. 107‑136.

Lauranson‑Rosaz 1987 : LAURANSON‑ROSAZ (C.). — L’Auvergne et ses marges du viiie au xie s. : la fin du monde antique ? Le Puy‑en‑Velay, 1987.

Lib. Feud. : MIQUEL‑ROSELL (F.) éd. — Liber Feudorum Major. Barcelone, 1945, 2 vol.

Lib. Mirac. : BOUILLET (A.) éd. — Liber Miraculorum sancte Fidis. Paris, 1897.

Mansi 1902 : MANSI. — Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, t. XIX, Leipzig, 1902.

Marca Hisp. ST. BALUZIO (P. de) éd. — Marca Hispanica, seu limes hispanicus... Paris, 1688.

Marti 1987 : MARTI CASTELLO (R.). — Els Inicis de l’organització feudal de la produccioóal bisbat de Girona. Collecció diplomática de la Seu, anys 817‑1100 : tesi doctoral, universitat autònoma de Barcelona, 1987.

Monsalvatje 1908 : MONSALVATJE Y FOSSAS (F.). — Noticias históricas del condado de Besalù, 26 vol., Olot, 1908.

Ordeig 1988 : ORDEIG (R.). — Les Dotalíes de les esglesies de Catalunya, segles ix‑xii : tesi doctoral, universitat de Barcelona, 1988.

Perroy 1974 : PERROY (E.). — Le Monde carolingien. Paris, 1974.

Poly 1976 : POLY (J.‑P.). — La Provence et la société féodale (879‑1166). Paris, 1976.

Poly, Bournazel 1980 : POLY (J.‑P.), BOURNAZEL (E.). — La Mutation féodale. Paris : PUF, 1980 (Collection nouvelle CLIO).

Timbal 1939 : TIMBAL (P.). — Le Droit d’asile. Paris, 1939.

To Figueras 1989 : TO FIGUERAS (Ll.). — L’Evolució de les estructures familiars en els comtats de Girona, Besalù, Empùries‑Peralada, Rosselló, segle x‑principis del xiii : tesi doctoral, universitat de Barcelona, 1989.

Vilaginès 1987 : VILAGINES (J.). — La Transició al feudalisme. Un cas original : el Vallès Oriental (c. 930‑c. 1090). Estudis de Granollers i del Vallès Oriental (Granollers), 2, 1987, 5‑140.

Vilaginès 1988 : VILAGINES (J.). — El Fenomen parroquial en la societat del Vallès Oriental a l’alta Edat Mitjana (s. xi i xii). Acta historica et archaeologica mediaevalia (Barcelone), IX, 1988, 127‑ 142.

Villanueva 1803‑1852 : VILLANUEVA (J.). — Viage literario a las iglesias de España. Madrid, Valence. 22 vol., p. 1803‑1852.

Zadora‑Rio 1980 : ZADORA‑RIO (E.). — Les Cimetières habités en Anjou aux xie et xiie s. In : 105e congrès des Sociétés savantes, section archéologie. Caen, 1980, p. 319‑329.

Zadora‑Rio 1989 : ZADORA‑RIO (E.). — La Topographie des lieux d’asile dans les campagnes médiévales. In : FIXOT (M.) dir., ZADORA‑RIO (E.) dir. — L’Église, le terroir. Paris : CNRS, 1989, p. 11‑16 (Monographie du CRA ; 1).

Notes

1 Documentation encore en grande partie inédite, bien que, depuis quelques années, les publications se fassent nombreuses : sur les éditions récentes de documents catalans, voir Bonnassie 1990 : 485‑486.

2 Sing. sacrarium = pl. sacrarios (le latin écrit en Catalogne au xiie s. a ses règles propres : le pluriel neutre sacraria –qui introduirait un risque de confusion avec la sacraria– est presque inusité),

3 « La sagrera va esdevenir un element cabdal en l’evolució paisagística i habitacional de la comarca. L’aglomeració entorn de les esglésies va crear la imatge del poble concentrat, que ha persistit fins a l’actualitat, entront de l’habitat dispers, tradicional fins a aleshores. »

4 Exemples dans Vilaginès 1988 : 133 (Montornès, Lliçà d’Amunt, Palau de Plegamans, Santa Eulalia de Ronçana).

5 Prov. Barcelona, part. jud. Arenys de Mar, ajunt. Vilalba Sasserra.

6  Croquis dans Vilaginès 1988 :131 (Montornès, Palau de Plegamans) et Marti 1987, I : 269‑271 (Sant‑Jullà dels Corts, Santa‑Eulalia de Cruïlles, Sant‑Joan de Vilademuls).

7 Seule exception : J. Balari Jovany (1899 [1964], 1 : 662‑664) qui, à vrai dire, n’était pas historien mais linguiste. L’édition originale de ses Origenes date de 1899 et on y trouve trois pages assez remarquables sur les sagreres.

8  « [...] et que personne n’ait l’audace de violer ou d’assaillir une église ni les maisons situées dans un cercle de trente pas [autour de celle‑ci] » (Mansi 1902, XIX : 483 ; Kennelly 1968 :107).

9 « [...] qu’aucun homme n’enfreigne (la sauvegarde d’) une église ni les cimetières ou sagreres situés dans un cercle de trente pas ecclésiastiques autour de chaque église [...] si ce n’est l’évêque pour son cens » (Mansi 1902, XIX : 1041 ; Kennelly 1968 :109).

10  Sagreres de Sant‑Andreu de Palomar, Santa‑Eulalia de Vilapiscina, Sant‑Marti de Provençals, Santa‑Eulalia de Provençana, Sant‑Genis d’Agudells, Sant‑Vicenç de Sarrià, Santa‑Maria de Vallvidrera, Sant‑Vicenç de Mollet, Sant‑Vicenç de Vilalba, Sant‑Boï de Llobregat.

11 ACB, Lib. Ant. Il, nos 229 et 154 (Kennelly 1968 : 110 et 112).

12 ACB, Lib. Ant. II, n° 106 : « sacrarios duos cum curte et ipso abelar cum ipsas apes et parietes et superpositos, hostios et ianuas, cum limites et foveas et cloacas » (Kennelly 1968 : 124).

13 D’après R. de Ponsich, Vida, martyrio y grandeza de Santa Eulalia, app., doc. 22 (Kennelly 1968 : 123).

14 ACB, Lib. Ant. IV, no 461 (Kennelly 1968 : 131) : ce document est un censier (capbreu). Sur le problème de la densité des constructions dans les sagreres, voir infra.

15  Rappelons que les tesinas (tesis de licenciatura) sont l’équivalent des maîtrises françaises.

16 « Ut deforis totum in circuitu symiterium de ipsa ecclesia fuisset, id est ad mensuram de homine qui opt(im)um passum faciet, tenente uno pede in terra extendat ambas cambas cum alio pede quantum passus potuerit et sic ad plus minimum triginta passus » (BN, Paris, coll. Baluze, vol. 234, f° 217) Ce texte est cité à la fois par R. Marti (1987, I : 154) et par V. Farías (1989 : 82).

17 Pour la France, nombreuses mesures d’enclos ecclésiaux dans Fixot et Zadora‑Rio 1989, avec une synthèse d’E. Zadora‑Rio (p. 13‑16) qui classe ceux‑ci en trois grandes catégories d’après leur superficie : moins de 30 a, environ un 1/2 ha, 1 à 6 ha (cette dernière catégorie correspondant aux grands cimetières habités, de fondation souvent tardive). Pour la Catalogne, V. Farías (1989 : 93‑94) calcule, sur la base d’un rayon de 30 m pour les sagreres de 30 pas, une superficie d’environ 28 a. Ce chiffre semble trop bas : d’une part, eu égard aux normes édictées (cf. note 16), le pas fait plus d’un mètre ; d’autre part, la mesure partait du mur de l’église et non du centre de celle‑ci.

18 « [...] et ego dictus Berengarius episcopus dono hanc scripturam prefate ecclesie Sancte Eulalie et cum parietibus qui in circuitu sunt iam dictum cimiterium ad mortuorum corpore sepelienda et ad sacraria triginta legitimos passus » (ACA, Monacals d’Hisenda, 1.1034, f° 27 ; Ordeig 1988, no 201 ; Farías 1989 : 85).

19  Les exemples de fortification que donne R. Marti résultent d’une observation sur le terrain : vestiges d’enceinte à Sant Joan de Vilademuls, d’une tour cylindrique à Santa Eulalia de Cruïlles (Marti 1987, I : 166‑167). Mais ces constructions sont de datation difficile : pour Vilademuls, l’auteur parle lui‑même d’« obra romana dubtosa ». Rien ne prouve, loin de là, qu’elles soient contemporaines de la fondation de la sacraria.

20 « [...] ipsa ecclesia sancti Andree, in loco que vocant Sagasse, cum sua parrochia et decimas et primiciis et cum omnes alodes ipsius ecclesie pertinentes et cellulis et sacrariis vel cimiteriis » (Baraut 1980, no 214 : 47 ; cité par Illy 1988 : 44).

21 A Vilapiscina : n. 11.

22 Cette fonction est si fréquente que J. Balari Jovany (1899 [1964] : 663) définissait les sacrarios comme des « lugares destinados para encerrar y guardar el vino de la cosecha » et les identifiait à des caves (bodegas).

23 Dans la sagrera de Polinyà, par exemple (Kennelly 1968 :129). De cigeas dérive le toponyme Sitges.

24 Ex. Marti 1987, I : 57 (à St. Marti de Presa) : « [...] ipsum sacrarium quod est ad ecclesiam sancti Martini cum ipsa vexella vel cum ipsa ferramenta vel cum omnibus que ibi habemus » (1070).

25 Exemples en Roussillon, s’échelonnant entre 1072 et 1165, dans Lib. Feud., nos 741, 742, 743, 744, 745, 746. À Perpignan, la cellaria de Sant‑Joan est ainsi dénommée dès sa première mention, en 1116, dans l’acte de fondation de l’Hôpital Saint‑Jean (Marca Hispanica, no 356). A Sant‑Feliu de Celrà, en Gironès, les deux mots cellaria et sacraria sont clairement donnés pour synonymes (Balari 1899 [1964] : 633).

26 Ex. en Gironès : La Cellera (aj. Serinyà), La Cellera (aj. Anglès). Le terme Cellers apparaît aussi comme toponyme, dès le milieu du xie s. dans la région d’Urgell : « villa que nuncupant Cellers (1045), alaudis que dicunt Celers (1053) » (ACU, Lib. Dot. I, nos 576 et 578), mais, dans ce cas, hors de toute référence à un enclos sacré.

27 « Et ipsos meos sacrarios que ego fecl in ipsa sacraria Sancti Vincenti vel que emi de Lopardi condam, remaneat ad meos infantes iam dicta : et si mater mea Guisla voluerit habitare in ipsos sacrarios, et illa si bene contingerit apud uxori mea, Belliardis, et ipsos meos infantes, licentlam habeat « (ACB, Lib. Ant. IV, no 214 ; Kennelly 1968 :125).

28 Son montant figure dans les actes des conciles de Paix de Barcelone de 1064 et 1131. C’est la même somme que l’on rencontre en Provence, dans des documents similaires, dès 1044 et à nouveau en 1055 et 1091 (Poly 1976 : 201 et n. 176). C’est à Jean‑Pierre Poly que revient le mérite d’avoir reconstitué l’histoire de cette amende de 600 sous, qui trouve ses origines dans le concile de Troyes de 878, lequel se réfère lui‑même à un capitulaire de 803 (Poly 1976 :199‑202).

29 Sur le bannum dominicum de 60 sous, Perroy 1974 : 223‑224.

30 Sur l’application de ces deux sanctions, Farías 1989 :137‑140.

31 Sur l’identification sacraria‑sauveté, Bonnassie‑Guichard 1984 : 87. Mais l’idée avait déjà était formulée, avec une totale clarté, par Georges Duby dans sa thèse sur le Mâconnais. Il convient de citer ces lignes qui datent de 1953 : « Il est indéniable que les serments de paix limitèrent les violences. En tout cas, ils eurent un résultat durable en instituant des lieux d’asile, les sauvetés (salvamenta). Dans ces territoires privilégiés qui entouraient les bâtiments ecclésiastiques (atria, cimiteria), les pauvres gens vinrent se réfugier et, construisant des maisons, s’y installèrent définitivement ; ce fut l’origine d’une concentration de l’habitat paysan dans celui des hameaux de la paroisse où se trouvait l’église » (Duby 1953 : 200).

32 « Sic damus tibi ad condirigendum ibi domum planam sine solario [...] ut habeas et teneas et recolligas et mittas ibi tuum panem et vinum et vexellos. Et nullo modo ibi stes nec habites, nec hospitetur inibi aliquis cavallarius neque quoddam quodlibet animal iaceat, neque tu vel aliquis per te exinde vel ibi vel in nostra iam dicta villa aliqua vim vel fortiam aliquo quolibet modo vel districtum nostris hominibus facias, nec facere presumas » (ACB, Lib. Ant., II, no 130 ; Kennelly 1968 : 114‑115).

33 Ce problème n’a pratiquement jamais été abordé : il n’apparaît pas en tout cas dans les différentes études, même les plus récentes, recensées ici. En raison des difficultés qu’il présente, on doit souligner d’emblée la part importante d’hypothèse qui entre dans la définition des différentes phases qui seront distinguées ci‑après.

34 Deux actes antérieurs, parfois cités comme contenant les plus anciennes mentions de sagreres (Cuvillier 1968 : 80 et 1984 : 171), sont des documents faux ou interpolés : il s’agit de l’acte de consécration, en 858, de Santa Maria de Ridaura (Monsalvatje 1908, IV : 173) et de celui, en 909, de Santa Maria d’Olost (Junyent 1980, n° 49). De même doit‑on écarter, comme le fait d’ailleurs Lluis To Figueras (1989 II : 151, n. 40), un acte de 975 relatif à Sant Joan de Brullà.

35 Poly 1976 : 200 et n. 165 : « Aussi bien la protection des églises et des “trente pas ecclésiastiques alentour” était‑elle inscrite dans les codices ou les abrégés de la Lex Gothica ». Et par‑delà celle‑ci, l’auteur évoque « un concile de Tolède du règne d’Ervigius ».

36 En voici le texte complet : « Ut nullus audeat confugientes ad ecciesiam vel residentes Inde abstrahere, aut quodcumque nocibilitatis vel damni seu spolii residentibus in loco sancto inferre, sed esse potius his ipsis qui ecclesiam petunt per omnia licitum in triginta passibus ab ecclesiae ianuis progredi, in quibus triginta passibus uniuscuiusque ecclesiae in toto circuitu reverentia defendetur. Sic tamen ut hii qui ad eam confugiunt in extraneis vel longe separatis ab ecclesia dominus nullo modo obcelentur, sed in hoc XXX passuum numero absque domorum extranearum receptaculis progrediendi aditum obtinebunt ». Ce document est le premier qui fixe la distance des 30 pas. Il s’agit là, semble‑t‑il, d’une mesure visant –parmi d’autres– à restreindre le droit d’asile. Celui‑ci était conçu jusque‑là d’une manière plus extensive : une loi romaine de 419 en accordait le bénéfice dans un circuit de 50 pas autour de l’église. On peut remarquer d’ailleurs qu’à cette époque le problème était surtout celui de la protection des esclaves fugitifs poursuivis par leurs maîtres. Bonne mise au point sur l’histoire originelle de l’asile ecclésiastique par E. Zadora‑Rio (1989) et Timbal (1939).

37 ACB, Lib. Ant. IV, no 148 : « Et testati sunt et dixerunt [...] quia ipsi viderunt vineas circa parietes Sancti Baudilii et ipsas vineas et omnem cimiterium usque in parietes ipsius ecclesie » (Kennelly 1968 : 135).

38 Sur la dispersion de l’habitat dans la Catalogne des ixexe s., cf. P. Bonnassie 1990. Cf. également J. Bolos 1990.

39 « Sacraria cum cortili » à Santa Maria de Palautordera, « sacrarias et curtilios » à Sant Julià de Rama (Marti 1987, I, n° 157 et II, nos 253 et 368).

40 A Sant Andreu de Palomar et Santa Eulalia de Vilapiscina, supra. § 2.3.2.

41 Les décisions de Toulouges (Mansi 1902, t. XIX : 483‑484) ne constituent en effet qu’une confirmation de la trêve, Celle‑ci avait été promulguée dans un synode antérieur présidé par l’évêque Bérenger d’Elne (Bonnassie 1975‑1976, II : 657). La date de 1022 a été proposée par R. d’Abadal : L’abat Oliba I la seve época, 3e éd., Barcelone, 1962, p. 230‑235.

42 La datation de cette assemblée de Vic a fait l’objet de controverses. E. Junyent proposait 1030, R. d’Abadal 1033, dates qui sont apparues trop précoces à J.‑P. Poly (Poly, Bournazel 1980 : 244). La question est réglée depuis la publication du Diplomatari de l’abat Oliba où on trouvera les actes de ce concile (Junyent 1992 : 183‑187).

43 ACB, Lib. Ant. IV, no 148 : « Manante tantum modo antiqua consuetudine ut mortui in prefato ciminterio absque ulla contrarietate et redemptione sepeliantur non infra ianuas aut hostia domorum sed congruis tantum in locis [...] Neque enim sit licitum tantas ibidem construere domos aut sacraria ut penitus ipsa aboleantur cimiteria » (Kennelly 1968 :135 ; Bonnassie 1975‑76, II : 655).

44 Marca Hisp., app. 304 : « ecclesia Sancti Martini cum sacraniis XLIII qui erant in ipso cimiterio ».

45 « Ego. in Del nomine, Bernardus Beleli, clericus, iacens ab egretudine detentus aput domum meam quae est in cimiterio sancti lohannis de Fuxano [...] » (document publié par Marti 1987, I, no 289).

46 Testaments de ces deux évêques publiés par Marti (1979, II, nos 323 et 371).

47 ACB, Lib. Ant. IV, no 202 : « Et concedo ad sancta Maria de Malannarges circa ecclesia passos triginta per cimiterio. Ad oriente passos triginta et de mendie et de occiduo et de circi similiter. Iam dictum cimiterium in tali conventu dono ad predicta ecclesia ut filiis meis et progenies mea [...] ibi habitent et salvent ipsis qui illi colligere voluerint» (Kennelly 1968 : 131).

48 ACB, Lib. Ant. II, no 233 : « Ego Petrus Arnalli, presbiter, reus et peccator, culpabilem me recognosco coram Deo et sanctis suis et universis omnibus. Feci quod non debui quod assensum prebui Reimundus Isarni de unum sacrarium quod ego dedi ecclesiam Sancte Eulalie Villepiscina. In hec multum peccavi quia assensum prebui iam dictus Reimundus Isarni ut tenuisset per fevum propter suam fidem factam et convenienciam quem mihi dixit et fecit » (Kennelly 1968 : 117).

49 ACB, Lib. Ant. II, no 327 : « Dono tibi alodium meum proprium ... in loco vocitato Villa Piscina, cum ipso manso et ipso sacrario, sive cum ipso homo Poncius Guillelmo et uxor sue Ermesindis, femina, cum omne illorum avere « (Kennelly 1968 : 118).

50 Bisson 1989 : 184 (c’est l’article 2 des statuts). Sur les clauses relatives aux fortifications d’églises dans les documents sur la Paix de Dieu, cf Farías 1989 : 164‑167.

51 À commencer, dans le diocèse d’Elne, par la prospère cellaria de Saint‑Jean de Perpignan, dont on sait qu’en 1116 elle était entourée d’un mur : « muro cellarie ubi est sita ecclesiam Sancti lohannis » (Monsalvatje 1908, XXIV, no 3).

52 Perpresio est synonyme d’aprisio, ce qui montre au passage la rémanence de coutumes très anciennes dans l’appropriation du sol.

53 ACG, Perg. Ramon Ber. : 134. Je remercie Lluis To Figueras qui m’a communiqué la transcription de ce texte.

54 Je renvoie, bien entendu, dans ce même volume, à la communication de Dominique Baudreu et Jean‑Paul Cazes.

55 Il l’est déjà fort peu en Roussillon, où le mot d’usage courant est cellaria ; mais, même en Languedoc, il n’est pas totalement inconnu, comme me l’a signalé Monique Bourin.

56 Nos 121, 331, 336, 376, 410, 425, 477, 478, etc. Le mot atrium ne figurant pas à l’index, il suffi –et ceci est très significatif– de prendre les références du mot homo bonus.

57 La meilleure leçon des actes de ce concile est celle que fournit le Cartulaire de Sauxillanges (Cart. Sauxillanges, no 15). Sur sa localisation et les circonstances de sa réunion, Lauranson‑Rosaz 1987 : 416‑420.

58 Lib. Mirac. III, 21 :163‑164. La rédaction de ce Livre III suit de très près celle du Livre II par Bernard d’Angers, laquelle est datée de 1020.

59 Lib. Mirac. III, 10 :145‑147.

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par reconnaissance optique de caractères.

Lire

Open access

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search