L’oppidum de Saint-Blaise du Ve au VIIe s. (Bouches-du-Rhône)
|Partie 2. Monnaies et Céramiques
Chapitre 1. Les monnaies
chap. 1 The coins
Résumé
Les 87 monnaies étudiées forment un lot étendu dans le temps — les 3 dernières pièces (obole melgorienne, demi‑gros de Charles VIII, monnaie de 1808) s’isolant de l’ensemble. Celui‑ci se répartit en trois groupes : 9 monnaies de Marseille des iie‑ier s., 72 pièces de type romain, 3 monnaies du vie s. en argent (Justin ou Justinien, Childebert, Gontran). Outre la présence de monnaies du ive s., l’abondance des pièces coulées avec ou sans type visible est notable. Elle conduit à s’interroger sur la survivance d’un monnayage officiel face au développement d’un monnayage de nécessité qui se poursuit jusqu’au milieu du vie s., où apparaissent les pièces en argent déjà signalées.
Texte intégral
1.1 Introduction
1Émises de la fin du iie s. av. n.è. aux premières années du xixe s., les monnaies livrées par les derniers sondages effectués sur le site de Saint‑Blaise peuvent, à première vue, constituer un ensemble trop disparate pour présenter un réel intérêt. De plus, leur état de conservation généralement mauvais, conjugué à leur fabrication initialement médiocre, rend leur étude ingrate. Mais cet obstacle franchi, ce lot de pauvres piécettes mérite que l’on y porte quelque attention.
2Ecartons d’emblée les trois derniers numéros du catalogue, trop dispersés dans le temps pour témoigner d’autre chose que d’une fréquentation accidentelle du site : l’habitat devait être en effet bien réduit lorsque l’obole melgorienne (no 85) fut perdue et il avait complètement disparu lorsque vint le tour du demi‑gros de Charles VITI (no 86) et plus tard encore celui de la pièce de 1808 (no 87).
3Le reste des monnaies (84 exemplaires) se répartit en quatre groupes :
41 – monnaies de Marseille (1 obole d’argent, 8 hémioboles de bronze) ;
52 – monnaie gauloise (1 pièce d’argent) (fig. 35, no 10) ;
63 – (8 pièces frappées en billon ou en cuivre des iiie et ive s. et 62 pièces coulées avec ou sans types visibles) ;
74 – monnaies du vie s. en argent (1 monnaie des rois ostrogoths et 2 des rois francs).
8Laissons momentanément de côté les monnaies de Marseille pour réfléchir d’abord sur le groupe le plus important numériquement, celui réunissant les pièces romaines ou descendant de modèles romains.
1.2 Monnaies romaines ou de type romain
9FIG. 35, Nos 11, 13, 14, 16, 18, 24, 29, 32, 40, 41
10Ce groupe comprend tout d’abord des monnaies relevant à coup sûr du monnayage officiel : en premier lieu, une unique monnaie d’argent, demi‑silique de Valentinien III (fig. 35, no 82), 3 antoniniani du iiie s., 1 nummus de Constant frappé entre 337 et 341, 1 Ae 4 au type Spes reipublice frappé entre 355 et 361, 2 Ae 3 coupés en deux apparemment d’époque Valentinienne et 1 Ae 2 de Gratien au type Reparatio reipub, frappé entre 378 et 383.
11Cette dernière pièce appartient à une série d’émissions de grand module dont la frappe, en Occident, ne se prolonge pas au‑delà de 387. En effet si Maxime poursuit sa fabrication dans les ateliers de Trêves, Lyon et Arles après 383, fin 387 prenant Rome, où ce type n’était plus émis depuis la mort de Gratien, il se contente de mettre en circulation de petits Ae 4 avec au revers la légende Spes mmanorum entourant une porte de camp. Sa fabrication cessant, il ne semble pas que cette monnaie de grande taille ait survécu longtemps dans la circulation. Elle apparaît encore lourdement majoritaire dans les trésors enfouis vers 395 mais elle se raréfie rapidement dans les années qui suivent. Deux dépôts notamment découverts à Aguntum sont à cet égard éloquents : l’un, enfoui après 383, en contient 29 exemplaires sur un total de 30 ; l’autre, enfoui entre 395 et 402, en contient 6 sur un total de 74 monnaies (Callu 1978 : 113).

FIG. 35 – Les monnaies de St‑Blaise. Les numéros de la planche correspondent à ceux du catalogue
cl. Bibliothèque Nationale
12L’usage des petites monnaies antérieures, constantiniennes et Valentiniennes, représentées par les nos 14 à 17, fig. 35, s’est en revanche maintenu bien davantage. Si ces monnaies n’ont pas survécu en Gaule méridionale aussi longtemps qu’en Afrique du Nord où elles coexistent encore, dans des trésors de la seconde moitié du ve s., avec de mauvais antoniniani officiels ou barbares semblables aux nos 11, 12 et 13, fig. 35, elles paraissent du moins être encore utilisées au début de ce même siècle. C’est aussi, semble‑t‑il, vers ce même moment que l’on commença à les couper en deux et même en quatre, à les surmouler et finalement à les refondre comme les pièces d’un module supérieur, pour fabriquer de petites divisions de bronze dont la plupart sont coulées, petites divisions qui, représentées par 63 exemplaires, forment précisément le groupe le plus important des trouvailles étudiées ici.
13Les monnaies qui constituent ce groupe peuvent être réparties en trois sous‑ensembles distincts qui comprennent :
– les pièces portant un type d’époque Valentinienne (Gloria. novi saeCuli de Gratien frappé à Arles entre 367 et 375, no 19 ; Securitas reipublicae et Gloria romanorum frappés entre 364 et 378, nos 20, 21 et 22) mais visiblement coulées en raison de la mollesse de leur aspect et de la réduction de leur diamètre ;
– les pièces de mauvaise facture, apparemment coulées, portant un type du ve s. (Victoire à gauche avec ou sans captif, frappé à partir de 388, nos 23 à 28 ; Gloria romanorum frappé entre 413 et 423 à Lyon et Arles, entre 408 et 423 à Siscia, nos 29, fig. 35, et 30 ; une croix dans une couronne frappé à Rome seulement entre 425 et 455, no 31) ;
– les petites pièces de 6 à 10 mm de diamètre et de 1,5 à 2 mm d’épaisseur sur lesquelles n’apparaît plus aucune trace de type ; cette absence de relief est l’aboutissement d’une succession de surmoulages à la suite desquels s’est progressivement évanouie l’image initiale (nos 32, fig. 35, à 77).
14Ces trois ensembles correspondent à des étapes de fabrication à travers lesquelles affleurent les éléments d’une succession chronologique mais celle‑ci reste floue, sans articulations nettes, la circulation ayant absorbé sans distinction des éléments disparates venus la renouveler insensiblement. Le processus même de cette fabrication artisanale, qui démultiplie la production des ateliers officiels, implique que les empreintes de pièces constantiniennes ou Valentiniennes entières aient en majorité précédé celles d’exemplaires coupés qui ont eux‑mêmes dû circuler comme divisions avant de circuler peut‑être aussi comme unités. Ces éléments hétérogènes sont d’abord venus renforcer le monnayage officiel qui, dès le début du ve s., se raréfie considérablement en Gaule. A part une rare émission, située en 423, connue par quelques exemplaires, Trêves cesse pratiquement d’émettre du bronze à partir de 395 (Grierson 1992 : 131, 151, 239) ; il en va de même pour Lyon et Arles. En Italie du Nord, Aquilée émet par intermittence de petits Ae 4 jusqu’en 423. Par conséquent, dès le deuxième quart du ve s. la masse des monnaies de bronze a dû se renouveler par fractionnement avec tardivement l’apport extérieur de plomb, directement utilisé pour fabriquer de nouveaux flans monétaires qui, eux, ne portent jamais de type.
15Echappant complètement, bien évidemment, à tout contrôle de l’administration impériale, ce monnayage ne peut être cependant regardé comme un monnayage de faussaires mais bien plutôt comme un monnayage de nécessité, un peu comme l’avaient été les imitations des empereurs gaulois du iiie s.
16Il est bien difficile de définir à quel moment cesse cette fabrication. On peut cependant noter que si les Burgondes à Lyon et les Francs à Marseille, après 537, ont éprouvé le besoin de mettre en circulation des pièces de cuivre aux noms de leurs rois, c’est que ce numéraire était toujours utilisé, mais il faut en même temps noter que ces émissions sont restées rares et sans lendemain. On peut inférer de cette double observation que l’usage de cette menue monnaie en métal vil a dû se raréfier progressivement et disparaître de l’usage courant vers le milieu du vie s. Du reste ces mêmes souverains, suivant en cela les rois ostrogoths, ont émis parallèlement au cuivre de minuscules pièces d’argent.
1.3 Monnaies du vie s. en argent
17FIG. 35, Nos 82 à 84
18Ce monnayage d’argent est précisément représenté lui aussi sur le site. Le premier exemplaire est au nom de Childebert ; il porte au droit le nom du prince, inscrit en trois lignes et, au revers, un chrisme, selon une disposition exactement identique à celle des pièces de cuivre. Le deuxième, un peu plus tardif, est au nom de Gontran et le troisième est, semble‑t‑il, une fraction de silique des rois ostrogoths (Arslan 1978).
19Ces monnaies appartiennent à un monnayage signalé pour la première fois par Roger de Lagoy sur le site de Glanum, vers 1840. Depuis, de nouvelles trouvailles dans les fouilles de Saint‑Victor à Marseille, dans la nécropole d’Hérouvillette (Calvados), à Gye‑sur‑Seine, à Lyon, à Narbonne... ont donné à J. Lafaurie l’occasion d’en reprendre l’étude. Il remarque que leur poids semble avoir été ajusté sur celui de la silique romaine de 0,18 g. Tout en se situant à la suite de celles des Burgondes et des Ostrogoths, ces frappes restent dans le sillage des argentei d’environ 2 siliques, imitant les monnaies de Valentinien III, émis entre Rhin et Seine après que les rois francs eurent reconquis ces territoires sur les Alamans (Lafaurie 1983 : 411‑412).
20Ce petit monnayage d’argent dut avoir un rôle non négligeable, si l’on en juge par l’étendue de sa diffusion. Il est en effet présent jusqu’en Normandie dans le trésor d’Hérouvillette.
1.4 Monnaies de Marseille
21Revenons, après nous être arrêtés sur les monnayages de bronze et d’argent de l’Antiquité tardive, aux neuf monnaies marseillaises de la fin du iie et du ier s. av. n.è. Le premier réflexe sera de n’y voir qu’une résurgence fortuite et sans aucune signification archéologique de niveaux protohistoriques dans des niveaux supérieurs paléochrétiens. Pourtant, à y regarder de plus près, leur présence dans ces niveaux tardifs n’est peut‑être pas entièrement accidentelle. En effet, qu’il s’agisse des hémioboles de bronze ou de l’obole d’argent, toutes ces pièces ont des caractéristiques métrologiques qui, d’une certaine façon, les apparentent aux frappes du ve et du vie s. On peut par conséquent se demander si ces pièces ne sont pas réellement en place là où elles ont été découvertes, attestant une fois de plus d’une réutilisation tardive, sous le couvert d’une similitude d’aspect, de vieilles monnaies. On pourrait invoquer sur ce point bon nombre d’exemples similaires, depuis la présence d’un petit bronze hellénistique parmi des Ae 4 de Léon et Zénon dans un trésor syrien jusqu’à celle, au début du siècle sur des marchés de campagne en France, de sesterces circulant en même temps que des pièces du xixe s. de même module. L’absence totale de tout autre monnayage entre celui de Marseille et celui de basse époque ne peut, il est vrai, renforcer ici l’hypothèse de la réutilisation du petit numéraire marseillais tardif puisque le site de Saint‑Blaise avait été déserté, on le sait, depuis le début de la romanisation de la Provence.
1.5 Poids en bronze
22FIG. 35
23Poids de forme rectangulaire en alliage cuivreux de couleur jaune (laiton ou bronze au plomb et à l’étain ?). Taillé dans une barre plate, deux de ses tranches parallèles sont légèrement convexes, les deux autres présentent une section nette. L’une de ses faces présente des traces de lime qui correspondent peut‑être à l’ajustage de la mise au poids (?). Sur l’autre face, soigneusement polie, les lettres I B sont indiquées par un double filet gravé et incrustées d’argent. Sa masse, 13,32 g, correspond à une demi‑once, ce que l’inscription I B, soit 12, exprime en siliques (l’once étant égale à 24 siliques). Ce type de poids peut être daté entre le IVe et le début du VIe s. (Pink 1938 : 37, 9D.
24Zone I B, niveau 5e, no inv. 261.
25Dürr, coll. Naville nos 136‑138 (sur trois autres demi‑onces, nos 133‑135, une petite croix + sépare les lettres I et B).
Annexes
Annexe 1 Distribution stratigraphique et trouvailles hors stratigraphie
Table des illustrations
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Légende | FIG. 35 – Les monnaies de St‑Blaise. Les numéros de la planche correspondent à ceux du catalogue |
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Légende | TABL. IV bis – Catalogue des monnaies. Les monnaies signalées par un astérisque sont reproduites fig. 35. |
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