1.1 Historique de la recherche

1La vallée de l’Yonne dispose d’un potentiel archéologique très important qui en fait l’une des régions les plus riches du Bassin parisien. Elle a bénéficié, d’une part, de la présence et du dynamisme de chercheurs locaux, et, d’autre part, de la découverte de nombreux sites par une exploitation intensive des granulats, dès le début des années quarante. La construction du TGV Paris‑Lyon en 1978 et celle de l’autoroute A5 ont contribué à étoffer le corpus des sites de la région. Située à l’extrémité nord‑ouest de la Bourgogne, en limite du complexe techno‑économique nord‑alpin au Bronze final ou de la Celtique occidentale aux âges du Fer, cette région se prête tout particulièrement à une étude de l’implantation humaine. Actuellement plus de deux cents sites, essentiellement des nécropoles, allant du Bronze final à La Tène finale ont été inventoriés. La grande majorité des découvertes remonte à la fin du xix^e s. Si le mobilier de la plupart des sites fouillés nous est parvenu dans un état de conservation acceptable, les renseignements concernant les contextes archéologiques sont rares et souvent imprécis. Cette situation se poursuivra jusque dans la première moitié du xx^e s. où des fouilleurs éventrent les tumulus de La Postolle/Vallée Forgeat ou de Courgenay/Vente d’Issé à la recherche du bel objet. C’est à la même époque qu’Augusta Hure (1931) publie ses trois tomes sur la Préhistoire du Sénonais. L’auteur entreprend une synthèse régionale et dresse l’inventaire des trouvailles qu’elle classe par grande période chronologique : l’âge du Bronze et l’âge du Fer forment le troisième tome de l’étude. L’auteur recense neuf sites du Bronze et trente‑huit sites du Fer. Il s’agit le plus souvent de nécropoles, la fouille des habitats étant déjà délaissée. Notons également que la plupart des sites des deux périodes confondues sont localisés entre Montereau‑Fault‑Yonne et Sens, avec cependant une forte concentration autour de cette dernière ville. Concentration que l’on doit essentiellement à l’activité des membres de la première société archéologique de Bourgogne, la Société archéologique de Sens, fondée en 1854. Il s’agit bien souvent de découvertes fortuites n’entraînant que rarement des fouilles suivies. Dès la fin des années quarante et l’ouverture des premières gravières, les fouilles reprennent timidement, notamment à Cheny/Les Groseillers, sous l’impulsion de P. Parruzot, conservateur du musée municipal de Sens. Elles se poursuivront sur ce site jusqu’en 1959, date de la première campagne de fouille effectuée à Serbonnes/La Créole. A la même époque, un certain nombre de fouilles ont été menées dans la région, toujours sous l’implusion de P. Parruzot mais également de chercheurs comme H. Carré, J.‑Y. Prampart ou J. Coudray. La plupart de ces interventions ont été publiées grâce au dynamisme dont on toujours fait preuve l’ensemble de ces chercheurs. La recherche archéologique dans le sud du Sénonais et dans l’Auxerrois‑Avallonnais a bénéficié du travail, dans la première moitié du xx^e s., de chercheurs comme G. Bolnat ou l’abbé Parat sur la Préhistoire de la vallée de la Cure, puis de A. Leroi‑Gourhan et de son équipe. Les fouilles récentes, notamment celles de la nécropole hallstatienne de Gurgy, sont dues à C. Pellet et à J.‑P. Delon Toutefois dans l’Yonne, comme dans bien d’autres régions de France, l’absence de programme de recherche concerté fut à l’origine de la stagnation des connaissances. Le développement de l’archéologie de sauvetage dans les années soixante, due à la seule initiative individuelle n’a pas, en retour, donné lieu à la mise en place d’une problématique de recherche régionale1 (notes en fin de chapitre). Soulignons pour finir tout ce que la région, et plus particulièrement la recherche sur la Protohistoire, doit à P. Parruzot et A. Heurtaux qui ont œuvré chacun à leur manière au développement de l’archéologie icaunaise.

1.2 Cadre géographique

2fig. 1

3Le Sénonais est limité au nord, par la vallée de la Seine et par la cuesta de l’Ile‑de‑France, à l’ouest, par la partie orientale du plateau du Gâtinais et au sud, par le Pays d’Othe et la vallée de l’Armançon. Cette région constitue l’extrémité occidentale de la Champagne ou Champagne sénonaise. Peu vallonnée, elle est composée de plateaux de formation secondaire, entaillés profondément selon un axe sud‑nord, par le cours de l’Yonne. La vallée de l’Yonne présente une configuration dissymétrique : tandis que le versant oriental est marqué par une succession de pentes crayeuses plus ou moins abruptes (entre 250 et 280 m d’altitude), le versant occidental est doté de pentes plus douces (autour de 200 m d’altitude), localisées le long des contreforts du plateau du Gâtinais et creusées par des cuvettes d’effondrement.

4Une même unité géologique régit le fond de la vallée. Le sous‑sol, constitué au Crétacé supérieur par des craies et marnes crayeuses, est recouvert de sédiments détritiques d’origine tertiaire : dépôts argileux, sables et cailloutis à silex. De part et d’autre du cours de la Vanne, deux types de sols sont installés sur les formations crayeuses et marneuses du plateau du Sénonais. Au nord, les limons riches, propres à la grande culture, dominent largement tandis qu’au sud ce sont des sols limoneux et limoneux‑caillouteux hydromorphes, favorables aux cultures et à l’élevage, qui couvrent l’ensemble de la zone. Ces dernières formations recouvrant par ailleurs le plateau du Gâtinais. Dans ces deux zones, les secteurs très humides ou très caillouteux sont occupés par des forêts. La plaine alluviale est formée de sables et graviers du Quaternaire que recouvre une couche plus ou moins importante d’alluvions fluviatiles récentes.

5Actuellement on distingue deux types de végétation : des futaies de chênes et des taillis de charmes, implantés sur les formations d’argiles à silex ; des pins sylvestres, des bouleaux et des genévriers, localisés dans les zones périphériques, sur la craie.

6Trois grandes zones ayant des impacts différents sur l’implantation humaine, la faune et la flore déterminent le paysage icaunais : le fond de vallée avec ses basses et moyennes terrasses ponctuées de micro‑reliefs formés de buttes de graviers ; les versants ; les plateaux.

7Les vallées de l’Yonne et de ses principaux affluents constituent d’excellents couloirs de communication : nord‑sud (Yonne, Cure, Serein, Armançon) : entre l’Ile‑de‑France et le Morvan ; est‑ouest (Vanne) : entre la plaine de Troyes et le Sénonais.