Avant‑propos

1La collection nationale des “Documents d’archéologie française” (DAF) accueille dans sa série “Archéologie préventive”1 le premier volume consacré aux recherches qui ont précédé la construction de l’autoroute A5 reliant Melun à Troyes ; deux autres volumes2 en cours de fabrication suivront en 1994, d’autres encore en 1995 et 1996. Tous témoignent de la qualité scientifique de cette opération qui, à bien des égards, a été exemplaire et novatrice.

2Elle n’est certes pas la première qui ait précédé des programmes d’aménagement du territoire : il y a plus de vingt ans, le service régional de l’Archéologie de Bourgogne –alors direction des Antiquités– et, déjà, la Société des autoroutes Paris‑Rhin‑Rhône (SAPRR) inauguraient le genre avec la construction de l’autoroute A6 ; de cette fructueuse collaboration sont issus des travaux scientifiques mais aussi l’Archéodrome de Bourgogne destiné au grand public et dont on vient d’inaugurer la nouvelle présentation.

3C’est à cette époque qu’est apparue la volonté commune des aménageurs et des archéologues d’intégrer l’archéologie dans les travaux d’aménagement du territoire, les premiers prenant en compte le patrimoine national au même titre que les données écologiques, les seconds se comportant comme des partenaires à part entière de ce type d’opération, en intégrant dans leur travail scientifique les contraintes de coût et de délai. C’est ainsi que purent être explorés pour la première fois de vastes espaces : on sait les progrès considérables de la recherche qui en sont issus. Les DAF ont déjà eu l’occasion d’en rendre compte, notamment en commençant dans cette même série la publication du résultat des travaux archéologiques précédant la construction du TGV Nord Europe.

4En vingt ans, bien du chemin a été parcouru et il n’est pas exagéré de dire qu’avec la construction de l’autoroute A5, une nouvelle génération d’opérations préventives a vu le jour. Ceci est dû à plusieurs facteurs ;
– la volonté d’une approche scientifique globale et non sectorisée de l’ensemble du tracé ;
– la définition d’objectifs scientifiques bien identifiés, le plus novateur étant la prise en compte systématique du paléo‑environnement ayant permis notamment la mise en évidence de sites du Paléolithique moyen et supérieur trop souvent sous‑représentés dans le cas de tracés linéaires ;
– la mise en place d’une cellule de coordination scientifique et administrative gérée par l’Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN) et placée sous la responsabilité d’un seul service régional de l’Archéologie, celui de Bourgogne, pilote de l’opération pour l’ensemble des régions traversées, associant bien sûr étroitement les autres services régionaux concernés (Ile‑de‑France et Champagne‑Ardenne) ; – enfin le soutien permanent et attentif de la sous‑direction de l’Archéologie et du Conseil supérieur de la recherche archéologique.

5La présence et l’efficacité de la cellule de coordination ont permis de respecter les délais fixés d’un commun accord par la SAPRR et le ministère de la Culture et de la Francophonie, et de gérer de façon satisfaisante, tant pour l’aménageur que pour les archéologues, un budget, pris en charge par la SAPRR, de plus de 40 millions de francs. Il n’est pas inutile de rappeler ici l’ampleur de cette opération préventive qui, avec ses 153 km de tracé linéaire, ses 1 850 ha d’emprise, ses 318 sites repérés dont 150 évalués et 43 fouillés, a mobilisé de juin 1988 à juin 1992 plus de 170 personnes.

6Les résultats scientifiques sont là, à la hauteur des moyens investis et de l’effort méthodologique accompli : habitats du Paléolithique, mines de silex du Néolithique, tombe à char de l’âge du Fer à Estissac, ferme et trésor monétaire gaulois de Saint‑Denis‑les‑Sens, ateliers métallurgiques celtiques et gallo‑romains des Clérimois. Il faut également mentionner des sites qui, pour être moins spectaculaires, n’en sont pas moins tout aussi intéressants pour la connaissance de notre passé : les établissements gallo‑romains du plateau briard, les habitats médiévaux de l’Aube et ces Nécropoles protohistoriques du Sénonais qui font l’objet de ce premier volume et où sont intervenus conjointement archéologues, palynologues et anthropologues, témoignant ainsi du caractère pluridisciplinaire de cette recherche.

7Il faut souligner l’effort de valorisation qui a été accompli et doit se poursuivre : la communauté scientifique dispose dans des délais très satisfaisants d’une documentation de grande qualité qu’elle devra exploiter et intégrer dans de plus vastes synthèses ; quant au grand public, il découvrira dès l’été 1994 la richesse du passé des régions traversées par l’autoroute A5 grâce à des expositions présentées aux musées de Sens et de Troyes.

8Il nous reste à saluer tous ceux qui, tant du côté de la SAPRR que du ministère de la Culture et de la Francophonie et de l’AFAN, ont mené à bien ce travail dans des conditions souvent difficiles. Il nous semble juste de citer tout particulièrement les trois conservateurs régionaux de l’Archéologie successifs de Bourgogne, responsables de l’opération au plan interrégional, MM. Thévenot, Gaillard de Sémainville et Mordant, les deux coordinateurs, MM. Delpuech et Martin, qui ont contribué à donner à cette opération son caractère exemplaire, ainsi que MM. Roussel et Peyronnet, directeurs de la construction successifs de la SAPRR, leurs maîtres d’œuvres, MM. Maurice et Bessan, chefs d’antenne de SCETAU‑ROUTE, et le directeur départemental de l’Equipement de Seine‑et‑Marne.

9Nous souhaitons que se poursuive la collaboration fructueuse entre l’État et la SAPRR, auxquels ont été associés l’AFAN, des collectivités territoriales, des chercheurs du CNRS et de l’Université. Seules l’association et la volonté commune de tous ces partenaires peuvent permettre de mieux connaître et préserver le patrimoine archéologique de notre pays tout en dotant celui‑ci des infrastructures nécessaires à son présent et à son avenir.