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Environnements et habitats magdaléniens dans le centre du Bassin parisien

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Yvette Taborin

Partie 2. L’implantation humaine

Synthèse régionale

Yvette Taborin

Résumé

A l’issue des études présentées dans ce volume, la question de l’unité culturelle et territoriale des groupes évoqués s’impose. Il apparaît clairement que les installations montrent des aspects communs évidents et des différences dont il faut rechercher les causes. Les dates s’échelonnent sur une courte période, les zones d’origine des matières premières se concentrent dans les limites du Bassin parisien, les techniques de débitage du silex sont apparentées, la composition de l’outillage est assez répétitive et originale, l’art et la parure sont habituellement peu développés. Ces aspects unissent culturellement des groupes vivant dans un territoire peu ouvert aux influences extérieures, avant alleröd. La répétition d’installations simultanées et successives de plusieurs familles aux mêmes emplacements suggère l’idée de circuits périodiques sans qu’on ait encore les moyens de tracer les cheminements, ni d’apprécier le rythme des occupations.

Texte intégral

La question de l’unité territoriale

1y. taborin

2Les études thématiques sur l’environnement aboutissent à tracer les grandes lignes du milieu naturel tel qu’il était disponible à l’Homme à la fin du Tardiglaciaire, dans le Bassin parisien. Dans chacun des sites concernés, les auteurs ont mis en évidence une certaine qualité des rapports que chaque groupe a établis avec son environnement immédiat ou plus lointain.

3Dans le choix du lieu de séjour, comme dans celui du type d’installation, dans les rapports avec la faune, dans la collecte, le débitage et l’usage du silex, dans la composition de la parure et même dans l’extrême rareté de l’art, les comportements de chaque groupe sont, à la fois, semblables et différents.

4Semblables, au‑delà de ce que pourrait provoquer la quasi‑identité du milieu naturel, par le type d’implantation en vallée et la concentration des unités d’habitation au même endroit. Différents par l’organisation de l’habitation, par l’intensité de certaines activités et par le développement techno‑économique qu’elles entraînent.

5Il serait facile d’interpréter cette mixité par les répercussions que provoquent l’exercice d’activités différentes selon les séjours au sein de groupes étroitement unis par une même culture. La question qui se pose au terme de cette recherche est celle de l’existence d’une unité culturelle magdalénienne installée dans un territoire défini, celui qui correspond au centre du Bassin parisien.

6La notion de territoire de peuplement comprend deux aspects : le territoire au sens économique de mise à disposition des ressources nécessaires et suffisantes, et le territoire au sens démographique des populations qui s’y fixent. Le centre du Bassin parisien peut‑il constituer un territoire de peuplement magdalénien ?

7Trois points doivent successivement être évoqués afin d’approcher de la réponse : la réalité de l’ensemble géographique couvrant la totalité des besoins, la présence d’un peuplement suffisamment stable et les modes d’exploitation du milieu pratiqués par cette population.

Le territoire géographique et ses ressources

8Le cadre géographique est essentiellement fondé sur une partie du réseau hydrographique de la Seine haute et moyenne. Depuis la basse vallée de l’Yonne jusqu’à la moyenne vallée de l’Oise, s’échelonnent les gisements dont il a été question dans cet ouvrage. Les zones d’origine des apports exogènes retrouvés dans ces mêmes gisements élargissent à peine cet étroit secteur :
– silex de la région de l’Eure, du Loing, de la basse Marne, de l’Oise ;
– coquillages lutétiens ou auversiens de la basse Marne, du Grand Morin, de l’Oise ou mêmes espèces stampiennes de la région d’Etampes ;
– ocre du Crétacé de la région de l’Yonne.

9Ainsi, dans l’état actuel de nos travaux, le territoire concerné est assez bien délimité. Il est articulé sur le tracé des vallées ainsi qu’il apparaît souvent dans les études de ce type à propos d’autres régions (bassins de l’Ariège, de la Vézère, du haut Danube, de la Meuse...), Il faut remarquer que les formations géologiques font coïncider, au centre de ce secteur, les dépôts tertiaires à très bon silex et la confluence naturelle des rivières.

10Dans cette région du Bassin parisien, aucune donnée dans l’analyse de l’environnement ne permet de penser que les ressources souhaitées par les Magdaléniens aient, été plus rares qu’ailleurs. Le climat variable, souvent frais et humide (P. Rodriguez, M. Orliac) entretenait une flore (C. Leroyer, St. Thiébault) souvent plus abondante en vallée que sur les plateaux. La faune (F. Poplin, F. David, J.G. Enloe) est à la fois abondante (Rennes de Pincevent et de Verberie) et variée (à Étiolles, Marsangy et Ville‑Saint‑Jacques). On peut, sans grand risque, prétendre que les ressources alimentaires étaient suffisantes dans ce territoire pour nourrir la population qui y vivait.

11Les ressources en matériaux lithiques (M. Mauger) sont particulièrement fournies dans cette zone centrale où affleurent les dépôts ludiens à silex et où convergent les rivières qui drainent des apports remaniés. Le silex de la craie entoure cette région et constitue le petit outillage de poche lors des déplacements vers le centre.

12Les coquillages, qui auraient pu connaître un plus large engouement, existent à l’état de magnifiques fossiles dans toute la région centre, nord et est du Bassin parisien.

13Sans rappeler les détails de chaque étude, la réalité s’impose que l’ensemble des ressources nécessaires, et d’autres peu ou pas exploitées, étaient disponibles dans le territoire considéré, lequel formait donc une unité économique.

Les populations magdaléniennes

14Si l’existence d’une population est plus que largement attestée par la concentration dense des habitations à Étiolles et à Pincevent, sa stabilité dans le territoire ne peut apparaître qu’en prouvant la réalité d’une unité culturelle unissant les groupes pendant une durée suffisamment longue. Les groupes Magdaléniens sont, outre ceux cités dans cette étude, bien connus dans les vallées du Loing, de l’Essonne, de la Juine. Pour B. Schmider, après une période ancienne mal connue correspondant au Badegoulien de la région de Nemours, l’installation des Magdaléniens dans le sud‑est du Bassin parisien se développe à partir de l’oscillation de Bölling. Pour l’instant, les dates les plus anciennes concernent Étiolles (13 000 BP). Les gisements d’Étiolles et de Pincevent témoignent chacun d’une longue occupation. La phase la plus récente paraît bien être celle de Marsangy qui s’achèverait avec l’oscillation d’Alleröd (11 900 BP). Pendant une durée relativement longue (1 500 ou 2 000 ans), ce secteur du Bassin parisien a été fréquenté par des groupes dont il reste à savoir s’ils appartenaient au même ensemble culturel.

15L’un des éléments traditionnels de l’appréciation culturelle réside dans le style de l’outillage, auquel s’ajoutent avec précaution les variations des techniques de débitage. D’après B. Schmider qui a consacré un long travail à ce sujet (1987), l’outillage offre de nombreux points communs. Sa diversité apparaît dans la composition des assemblages qui pourrait être fonction d’activités différentes. Les facteurs chronologiques interviennent tardivement sous forme de l’introduction d’outils d’origine nordique (pointe à cran, à dos anguleux...) L’ensemble magdalénien de ce secteur du Bassin parisien paraît coupé de longue date de ses racines du sud‑ouest et l’évolution de son outillage est indépendant. Il faut rappeler ici, qu’en effet, seule la parure de U5‑P15 d’Étiolles offre des comparaisons possibles avec celle des Magdaléniens du sud‑ouest. Par la suite, la parure devient différente.

16Ainsi, par l’étude du matériel lithique, essentiellement les outils façonnés, B. Schmider conclut à la parenté culturelle des groupes magdaléniens de ce secteur du Bassin parisien et à leur autonomie.

17La recherche d’une parenté technologique par le débitage du silex est une démarche difficile depuis que la démonstration a été faite que la plus grande partie des différences constatées sont fonction de l’intelligence et du savoir‑faire du tailleur et de la qualité du rognon. Au‑delà, les chaînes opératoires sont, communes à tous les groupes.

18Les témoins esthétiques manquent gravement dans cette recherche de l’unité culturelle, leur absence quasi générale est un élément qui sépare les groupes du Bassin parisien de ceux du sud‑ouest, de la vallée de la Meuse et surtout ceux de l’ouest allemand.

19Sans en avoir une preuve incontestable, il paraît probable que ce secteur du Bassin parisien ait bien servi de lieu d’implantation à une société magdalénienne autonome.

Le mode d’exploitation des ressources

20Le contraste entre la chasse à Pincevent et le débitage du silex à Étiolles a incité à parler spontanément de lieux de chasse spécialisée et d’ateliers de taille en opposant cette définition à celle de l’habitation dans le plein sens du terme. C’était introduire une idée de programmation des activités et d’organisation spécifique des travaux qui commande l’installation et la réserve toute entière à l’accomplissement du projet. C’était dénier à une installation aussi structurée que U5 le rôle complexe d’une habitation ordinaire. On a vu, à propos d’Étiolles, combien il fallait réduire cet aspect de haute spécialisation en considérant les autres activités qui ont laissé de larges témoignages dans la même unité U5.

21Le problème du mode d’exploitation des ressources du milieu demande a être clarifié par la simple considération des points essentiels de l’argumentation :
– il paraît acquis que les groupes magdaléniens de ce secteur exécutaient des déplacements ; la plupart des habitations étaient installées en zone inondable chaque année ; les apports exogènes sont relativement nombreux et utilisés en grande partie au début du séjour ; le mode de vie habituel aux prédateurs connus est la pratique de déplacements réguliers, qui favorisent l’acquisition des ressources et permettent d’organiser les relations sociales ;
– les sites, au moins Pincevent et Étiolles, étaient connus et les lieux exacts des implantations conservés dans la mémoire collective (cf. Vigne, partie 1, article 2.5) ; la succession des installations, la durée globale de la fréquentation, la simultanéité de plusieurs habitations et les échanges qui s’y effectuent vont dans le sens d’un emplacement parfaitement intégré dans le réseau des déplacements ;
– les circuits eux‑mêmes ne peuvent être tracés avec un nombre de sites aussi restreint ; l’avenir des recherches peut apporter beaucoup en ce domaine ; pour l’instant, grâce aux travaux de M. Mauger, on sait qu’une partie des silex exogènes provient de la périphérie du secteur vers les gisements concernés et le reste du centre du secteur vers certaines unités ; les coquillages s’ajoutent à ce mouvement et tracent leurs liens entre le centre du secteur et Pincevent, Étiolles et Marsangy ; il semble que les déplacements tournoyaient dans le centre et que nous en avons quelques témoins dans chacun des gisements ; par ailleurs, les liaisons avec la périphérie (région de Chartres, vallée du Loing, vallée de l’Oise) sont ponctuelles et différentes par unité.

22Ainsi les groupes connaissaient les sites et donc appréciaient leur intérêt particulier. Ils ont pu y aller pour s’approvisionner abondamment selon un programme préalable, ou bien ils pérégrinaient habituellement dans le centre du Bassin parisien et trouvaient là, dans ces sites particuliers, à la fois des ressources faciles et des rencontres inter‑groupes. Ce qui peut expliquer les installations concentrées, nombreuses, en partie contemporaines et le fait que certaines habitations ne semblent pas assujetties à devoir exécuter des travaux spécialisés.

23On ne peut prendre partie de façon scientifique. Il ne faut pas, ainsi que l’enseignait A. Leroi‑Gourhan, verser dans la fiction, mais il paraît intéressant de sérier les hypothèses et de laisser l’avenir apporter les documents nécessaires à la réponse.

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