1.1 Le milieu physique

1a. roblin-jouve

2Les habitats magdaléniens étudiés dans le présent ouvrage forment un ensemble cohérent par leur contenu archéologique, leur position chronostiatigraphique ainsi que par les méthodes d’investigation qui leur ont été appliquées. Ils appartiennent également à un même ensemble géographique : le réseau hydrographique de la Seine au cœur du Bassin parisien et dont ils occupent d’une part les rebords de plateau et les versants lœssiques (gisements du Tilloy à Ville‑St‑Jacques et des Tarterets à Corbeil‑Essonnes) et, d’autre part, les fonds de vallées (gisements des Coudrays à Étiolles, du Pré des Forges à Marsangy, de Pincevent à La Grande‑Paroisse et du Buisson Campin à Verberie)1.

1.1.1 Un espace homogène

3Le centre du Bassin parisien est une région de bas plateaux entaillés par de larges vallées. Le climat tempéré conserve des traits océaniques, de sorte que les cours d’eau ont un débit modeste et régulier.

1.1.1.1 Le cadre géographique

4fig. 1

5Au centre du Bassin parisien, les couches sédimentaires des ères secondaire et tertiaire s’abaissent vers le confluent de la Seine et de l’Oise et affleurent en auréoles. Les calcaires et la craie y dominent et donnent un relief de plateaux entaillés par des vallées appartenant toutes au réseau hydrographique de la Seine et confluant vers Paris. Ces vallées encaissées, généralement d’une cinquantaine de mètres, présentent une succession de biefs et défilés. En effet, elles sont étroites et souvent à méandres dans les affleurements calcaires tandis que dans la craie et les sables, elles sont larges et rectilignes. Les cours d’eau dessinent alors des méandres libres au milieu de la plaine inondable.

6Cette région connaît actuellement un climat tempéré de transition entre le littoral océanique et l’intérieur continental ; l’amplitude thermique reste moyenne et les précipitations totales modérées tombent surtout en saison froide, Toutefois, la vallée de l’Yonne et le gisement du Pré des Forges à Marsangy au sud‑est connaissent une continentalité plus marquée.

7Ces cours d’eau dits de plaine sont peu profonds et ont un débit modeste. Avant leur aménagement pour la navigation, ils avaient souvent moins d’un mètre d’eau pendant plus de la moitié de l’année et leur lit était encombré de bancs de sables et graviers affleurants. Leur régime est simple et régulier. Les hautes eaux surviennent en hiver et au début du printemps, alimentées par les précipitations. L’Yonne échappe à ce modèle car elle naît en moyenne montagne et elle apporte à la Seine à partir de leur confluent, un débit supérieur et plus irrégulier avec de hautes eaux de printemps à l’issue de la fonte des neiges. Les conditions climatiques plus continentales qui ont été celles du dernier Glaciaire ont donc accentué l’irrégularité de l’écoulement avec un étiage estival marqué et des crues de printemps tardives et brutales. De vastes lits se sont formés chaque fois que la roche encaissante s’y prêtait. L’Yonne a apporté à la Seine des alluvions résistantes et plus grossières comme du granit du Morvan et du silex de la craie du Sénonais.

1.1.1.2 Le cadre stratigraphique

8Du Quaternaire date le modelé actuel de la région. Il a été façonné progressivement sous l’effet du froid et des variations climatiques majeures. Il en résulte en particulier l’enfoncement des réseaux hydrographiques, des dépôts de lœss, la couverture des versants par des éboulis ou des colluvions, enfin la formation de sols. C’est sur les lœss et les nappes alluviales que s’appuie la chronostratigraphie du Pléistocène supérieur et de l’Holocène de cette région.

La couverture lœssique

9La couverture lœssique (limon des plateaux et des versants) couvre de vastes surfaces le plus souvent discontinues. En effet, elle n’atteint ni le développement ni l’épaisseur observés dans le Nord et en Normandie. Epaisse de 1 à 2 m sur les plateaux et de 6 à 10 m sur les versants, elle ne constitue plus à l’est, qu’un fuseau le long des cours d’eau (Lautridou 1985).

10Elle n’a pas jusqu’à présent donné matière à une étude de synthèse sur le modèle des travaux sur les lœss du Nord et de la Normandie. Ce moindre intérêt s’explique peut‑être par la discontinuité croissante de la couverture lœssique en amont du confluent de la Seine et du Loing. Les études sont donc restées fragmentaires, centrées surtout d’abord sur Paris et ses environs. L’historique de ces études sur les lœss régionaux a été effectué par J.‑P. Michel (1969) puis par J.‑P. Lautridou (1985). Pour cette étude, nous nous sommes appuyés sur les travaux de J.‑P. Michel (1972) sur Les Tarterets à Corbeil‑Essonnes (Essonne), de J.‑P. Lautridou, J.‑J. Puisségur et P.‑L. Vincent sur Tilloy à Ville‑St‑Jacques, La Maladrerie à Varennes‑sur‑Seine (Seine‑et‑Marne) et Sergines (Yonne) (Turland, Vincent 1973, Lautridou 1985).

11Les lœss anciens sont rares et la plus grande partie de la couverture date du Weichselien (Dernier Glaciaire) ; elle se serait mise en place durant les périodes les plus froides, en particulier le Pléniglaciaire supérieur. Le dépôt aurait continué jusqu’au Tardiglaciaire ; en effet, au Tilloy à Ville‑St‑Jacques, le gisement magdalénien se situe au sommet du lœss sous le sol actuel. Ces formations auraient été alimentées par les affleurements locaux de sables et surtout de calcaire et de craie. A leur tour, elles ont approvisionné les alluvions, en particulier les dépôts d’inondation par ruissellement sur les versants, et transport par les cours d’eau. Ces derniers ont pu rendre une partie du stock, le vent balayant les grèves et les bancs de chenaux émergeant durant les étiages.

Les alluvions

12Les alluvions, plus développées, ont donné matière à des études nombreuses. Aux premiers travaux de E. Belgrand (1886) et C. Chaput (1922) se sont ajoutés ceux de A. Hure (1927), de J. Tricart (1950), de F. Bourdier (1969), de J.‑P. Michel (1972) enfin de A. Roblin‑Jouve (1980‑1984).

13Dans sa synthèse sur les alluvions du centre du Bassin parisien, F. Bourdier a proposé une chronologie des nappes alluviales (1969), montrant un étagement des nappes les plus hautes et un emboîtement partiel des plus basses. J.‑P. Michel a précisé (1972) cette stratigraphie.

14Les nappes alluviales les plus élevées sont aussi les plus anciennes. Elles sont largement résiduelles, formées des éléments les plus résistants : silex, sables et, dans la vallée de l’Yonne et celle de la Seine près du confluent, de granit. Le plus souvent dépourvues de couverture limoneuse, elles sont altérées par le sol superficiel ou érodées.

15Ces nappes sont modelées en terrasses et étagées sur les hauts des versants. Elles sont la plupart du temps indatables par manque de fossiles directeurs. Discontinues, dénivelées par des accidents tectoniques, elles sont aussi difficiles à suivre. Elles manquent dans la vallée de l’Oise près de Verberie.

16Les nappes alluviales plus récentes du Pleistocène moyen jusqu’à l’Holocène occupent le fond de la vallée et sont plus difficiles à séparer topographiquement. En effet, elles sont emboîtées ou empilées, selon l’importance de l’incision fluviatile locale et elles sont également riches en galets et graviers calcaires.

17Très développée, la nappe alluviale weichselienne passe sous le lit actuel des cours d’eau. Elle peut atteindre 10 m d’épaisseur comme à Pincevent à la Grande‑Paroisse. Elle est recouverte par des limons de débordement tardiglaciaires qui contiennent les habitats magdaléniens. Leur épaisseur peut atteindre 5 m comme aux Coudrays à Étiolles.

18Les alluvions holocènes ont été accumulées au cours de la transgression flandrienne. Très différentes des précédentes, elles sont formées surtout de cailloutis usés et aplatis, de sables fins argilo‑limoneux, de tourbes et de tufs calcaires. Elles sont emboîtées dans les alluvions antérieures ce qui témoigne d’un enfoncement du lit de la Seine à la limite Tardi‑Postglaciaire.

19Ainsi, lorsque les Magdaléniens sont passés dans ces vallées et s’y sont arrêtés, celles‑ci avaient déjà leur aspect actuel, profondément entaillées dans les plateaux. La couverture de lœss achevait de se mettre en place, reprise à la surface des plateaux par le vent et ruisselant sur les versants. Un climat tempéré continental devait régner sur ces régions apportant du froid, du gel hivernal. Une sécheresse plus marquée, un écoulement irrégulier avec de fortes crues et des basses eaux laissant voir le fond du lit et ses chenaux d’étiages, tel devait être le paysage de ces fonds de vallées.

1.1.1.3 Intérêt et conditions de cette étude

20L’étude géomorphologique de ces gisements a été favorisée par la vocation ethnologique des fouilles archéologiques. Les vastes décapages méthodiques ont permis d’ajouter à l’interprétation chronostratigraphique, une reconstitution du paléo‑paysage.

21Ces sédiments récents sont souvent très lisibles sur le terrain. Certaines structures bien reconnaissables permettent une interprétation rapide des conditions de dépôt et de l’évolution en particulier des alluvions (litage, figures de surcharges ou de dessiccation, ripple marks, paléosols, etc.). Il en a été ainsi des limons magdaléniens des Coudrays/Étiolles et de Pincevent/La Grande‑Paroisse. Ils permettent donc une interprétation assez précise du milieu, évoquant la topographie de l’espace habité, le relief environnant et la relation entre les hommes et le cours d’eau.

22Mais en contrepartie, ces sédiments présentent de nombreux hiatus. Ils sont le résultat d’une érosion discontinue mais efficace où le transport l’emporte le plus souvent. Ainsi, à Pincevent, seul le lambeau de sables alluviaux recouvrant les vestiges magdaléniens témoigne d’un haut niveau de la Seine à la fin du Tardiglaciaire. Il a été partout ailleurs déblayé lors du creusement postérieur. Cette discontinuité des dépôts dans le temps et l’espace rend pratiquement impossible la construction d’une chronostratigraphie sur une longue période, et pour des périodes antérieures au Tardiglaciaire, dans la région étudiée.

23Plusieurs chercheurs ont travaillé sur les différents gisements ; leurs efforts ont porté surtout sur les analyses granulométriques des limons contenant les vestiges magdaléniens :
– pour Pincevent à La Grande‑Paroisse, nous disposons d’analyses de granulométrie, calcimétrie et minéraux lourds (Leroi‑Gourhan, Brézillon 1964 ; Ters 1969) et micromorphologie (Paepe inédit) ;
– pour Les Coudrays à Étiolles, des analyses de granulométrie, minéralogie des argiles et minéraux lourds (Meloy 1982, 1983 ; Durand 1983) ;
– pour Les Tarterets à Corbeil‑Essonnes, des travaux de J.‑P. Michel (1969) ;
– enfin, pour Le Tilloy à Ville‑St‑Jacques, des analyses effectuées par le BRGM (1973) et J.‑P. Lautridou (1985).

24J’ai effectué les analyses granulométriques au laboratoire de Géographie physique de l’université de Paris 7 sur les sédiments des quatre gisements. L’interprétation a été effectuée avec l’aide de H. Kadiri (Roblin‑Jouve 1980, 1984). Ces analyses ont été réalisées selon le protocole granulométrique de l’ORSTOM, d’abord par tamisage avec une série de tamis AFNOR, la colonne s’échelonnant de 2 mm à 0,05 mm. Après tamisage à 0,05 mm sous l’eau, il a été pratiqué une analyse fine à l’aide de la pipette Robinson. Les courbes cumulatives ont été dressées sur papier semi‑logarithmique et la médiane, le sorting index de Trask ou coefficient de mauvais triage ont été calculés. Les courbes cumulatives sur papier à ordonnées de probabilité ont permis d’étudier la dispersion des grains selon la méthode de Visher. L’interprétation de ces courbes a été faite en fonction des caractéristiques des différents milieux données par Reineck et Singh (1975). En effet, la fraîcheur des dépôts a souvent permis de les interpréter comme des dépôts actuels. En contrepartie, la finesse des lits a limité certaines interprétations. Ainsi à Pincevent/La Grande‑Paroisse, dans les limons magdaléniens, il n’a pas été possible de prélever les échantillons sans traverser plusieurs lits et les courbes de fréquence sont bimodales, traduisant ces deux stocks successifs sableux et limoneux.

1.1.2 Étude des différents gisements

25Chacun des gisements magdaléniens présente une originalité en relation avec le contexte géologique et la chronologie. Les deux gisements magdaléniens du Tilloy et des Tarterets sont dans des limons de versant et présentent les stratigraphies les plus longues et les plus anciennes. Ils seront donc étudiés en premier. Les gisements de fond de vallée ont été classés et datés (Audouze 1985 ; Schmider 1982, 1987 et cf. Valladas partie 1, article 1.5 ; Rodriguez 1983, 1984 et cf. partie 1, article 1.3). Les alluvions et les limons de débordements magdaléniens d’Étiolles et de Pincevent correspondent à une phase d’accumulation alluviale effectuée sous conditions climatiques tempérées, tandis que les limons de débordement magdaléniens de Verberie et Marsangy correspondent à un creusement des lits respectifs de l’Oise et de l’Yonne sous conditions climatiques froides. Nous traiterons donc dans l’ordre : Étiolles, Verberie, Marsangy et Pincevent.

1.1.2.1 Les sites de versant

Le Tilloy à Ville‑St‑Jacques (Seine‑et‑ Marne)

26fig. 2

27Sur le rebord du plateau du Gâtinais au droit de Pincevent, sur la rive gauche de la Seine, se trouve le gisement magdalénien du Tilloy (feuille de Montereau au 1/50 000 : x = 641, y = 1 073 et z = 105). Ce gisement a fait l’objet de deux sondages archéologiques, l’un en 1970 sous la direction de M. Brézillon, et l’autre en 1988 sous la direction de M. Orliac. A cette occasion, nous avons pu observer des vestiges magdaléniens au sommet du limon des plateaux au‑dessous du sol actuel. Un premier sondage entre le talus et le château d’eau a montré (fig. 3) :
– de 0 à 35 cm : un limon brun argileux homogène ;
– de 35 à 45 cm : un limon sableux beige à tubulures brunes et calcaire ; il contient à 40 cm un fragment de grès brûlé ;
– de 45 à 80 cm : un limon beige clair et plus sableux ; il se poursuit sur plus de 3 m de profondeur (Orliac).

28Un second sondage à la rupture de pente, sur le chemin en relief, montrait un sol épais de 90 cm et, juste à la base, de nombreux vestiges. Le relèvement du chemin étant de 30 cm, le gisement se situe à 60 cm de profondeur.

29Le gisement magdalénien repose sur la partie superficielle d’une couverture lœssique sous le sol actuel. Ce lœss est érodé sur le plateau et conservé sur le versant. Il a été étudié par J.‑P. Lautridou et J.‑J. Puisségur (Turland, Vincent 1973 ; Lautridou 1985). Déposé sous conditions climatiques froides, ce lœss à la courbe granulométrique cumulative caractéristique semble avoir été alimenté par la gélifraction des formations locales.

30Cette couverture lœssique est connue également par le gisement du Bas Bréau ou Maladrerie qui se trouve à environ 1 km à l’est au pied du même talus (feuille de Montereau au 1/50 000 : x = 645, y = 1 073 et z = 55) sur la commune de Varennes‑sur‑Seine (Seine‑et‑Marne). Ce gisement présente un beau complexe lœssique reposant sur des alluvions de la basse terrasse. Il a montré des alluvions avec à leur sommet un complexe de sols semblable à celui de Warneton qui ferait donc rapporter le sommet des alluvions à l’Eemien (dernier interglaciaire) et le paléosol aux trois interstades tempérés du Weichselien ancien. Le creusement de la vallée au début Weichselien serait contemporain des premiers dépôts de lœss. Le complexe lœssique épais de 4 m appartiendrait essentiellement au Weichselien récent d’après l’étude malacologique de J.‑J. Puisségur. J.‑P. Lautridou a reconnu le niveau de Kesselt, niveau de cailloutis cryo‑turbé et marqué par un niveau de fentes de gel, vers le sommet.

31La couverture lœssique du versant gâtinais daterait du Weichselien, en particulier du Pléniglaciaire supérieur. Sa mise en place, par reprise, se serait prolongée jusqu’au Tardiglaciaire comme le suggère le gisement magdalénien du Tilloy. On peut donc par analogie rapporter les lœss du Tilloy au Weichselien récent. Le gisement magdalénien montre que la couverture loessique a continué à se mettre en place jusqu’au Tardiglaciaire, le sol serait ainsi postérieur (Puisségur in Turland, Vincent 1973 ; Lautridou 1973 ; 1985 ; Roblin‑Jouve 1980, 1984).

32Ainsi les plateaux ont continué a être balayés par le vent jusqu’au Tardiglaciaire, sans doute en raison d’une certaine sécheresse liée à un climat qui demeurait à nuance continentale limitant la végétation à des formations basses.

33Par ailleurs, cette même continentalité devait accentuer l’irrégularité de l’écoulement et les étiages, laissant de vastes surfaces à découvert et favorisant l’érosion éolienne. En effet, les cortèges de minéraux lourds des limons de plateau et de fonds de vallées sont identiques.

Les Tarterets à Corbeil‑Essonnes (Essonne)

34fig. 4

35Le gisement est situé à 1 km au nord‑ouest de Corbeil, sur la rive gauche de la Seine (feuille de Corbeil au 1/50 000 : x = 102, y = 609, z = 50 m), en contrebas du plateau de Brie (fig. 4). Se superposent des dépôts de pente essentiellement limoneux. Au sommet, deux sols successifs. La stratigraphie présente beaucoup de hiatus. L’ensemble a livré des vestiges lithiques allant du Moustérien type Levallois au Magdalénien (Leroi‑Gourhan et al. 1976 ; Schmider 1985). Deux fouilles ont été effectuées dans les vestiges magdaléniens, celle de F. Champagne et B. Schmider aux Tarterets I et celle de M. Brézillon aux Tarterets II.

36J.‑P. Michel a réalisé l’étude géologique (Michel 1969, 1972 et 1973). La coupe a été décrite également par d’autres chercheurs (Champagne, Schmider 1970 et cf. Rodriguez partie 1, article 1.3).

37Du haut vers le bas on distingue les couches suivantes (fig. 5 et 6) :

381 – 0 – 25 cm : sol brun foncé sablo‑argileux, riche en cailloutis et plaquettes calcaires ; il a livré des tessons de poterie et des pièces d’argent du Moyen Age (Champagne, Schmider 1971) ;

392 – 25 – 155 cm : limon sableux brun rouge à structure polyédrique, limite inférieure irrégulière en langues ; il correspond à l’horizon d’accumulation d’un paléosol de type brun ; dans sa partie basse se situent les vestiges archéologiques du Magdalénien dont un foyer (Schmider 1970) ; sa limite inférieure est nette avec quelques fines langues dues aux racines et aux vers de terre ;

403 – 155 – 185 cm : limon gris‑beige à lentilles sableuses et taches blanchâtres de calcite ;

414 – 185 – 260 cm : limon argileux lité, lits argileux alternant avec des colluvions limoneuses et affectées d’hydromorphie ; les lits minces présentent des ondulations surtout à la base ;

425 – 260 – 280 cm : sable limoneux jaune‑beige raviné par le limon supérieur ;

436 – 280 – 310 cm : galets et graviers soliflués d’épaisseur variable et constitués de gros blocs de calcaire de Brie et de galets de silex ; le dépôt très fortement incliné présente une disposition en loupe ; il a livré des vestiges lithiques ; à la partie supérieure, ils appartiennent au Paléolithique supérieur et à la base au Paléolithique moyen (Champagne, Schmider 1970 ; Schmider 1971) ;

447 – 310 – 360 cm : limon sableux jaune ;

458 – 360 cm : limon ; les deux dernières couches n’ont été observées que par F. Champagne et J.‑P. Michel.

46Tous ces sédiments présentent un fort pendage du talus vers la vallée car ils comblent un ancien vallon (Michel 1969, 1972, 1973).

47On distingue trois séquences de limons homogènes :
– les couches 7 et 8 ;
– la couche 5, séparée des précédentes par une coulée de solifluxion (couche 6) ;
– la couche 3, séparée des précédentes par des limons colluvionnés (couche 4).

48Dans cette région, le dépôt de limon homogène est rapporté à des conditions climatiques froides et sèches, tandis que les coulées de solifluxion se seraient effectuées sous des conditions froides et humides. La stratigraphie des Tarterets témoigne donc d’oscillations climatiques. Au sommet, deux sols successifs se sont développés sur ces limons. Ils témoignent d’un retour à des conditions climatiques tempérées. Le paléosol brun rouge (couche 2) est l’horizon B d’un sol brun lessivé (structure polyédrique, argile) plus développé que le sol actuel et témoigne de conditions plus océaniques.

49Les coquilles de mollusques et vestiges archéologiques du Paléolithique supérieur, contenus dans le cailloutis soliflué de la couche 6, placent celui‑ci dans le Weichselien après l’interstade d’Hengelo, que les vestiges aient glissé avec la coulée ou qu’ils appartiennent à une occupation sur celle‑ci. Les limons supérieurs se seraient mis en place à partir du Weichselien récent peut‑être jusqu’au Tardiglaciaire. En effet, les vestiges magdaléniens se trouvent à la partie inférieure de l’horizon d’accumulation d’un sol. Cela pose le problème de la relation d’un sol et des vestiges archéologiques contenus. En effet, un sol imprègne le sédiment sous‑jacent d’autant plus profondément que celui‑ci est meuble, ce qui est le cas du lœss. Les vestiges magdaléniens peuvent appartenir au lœss inférieur, donc à un climat froid. Ils peuvent aussi appartenir au sol qui les imprègne. Mais jusqu’à présent, il n’a été rencontré que deux sols tardi glaciaires dans le centre du Bassin parisien : le sol d’Usselo, d’âge Alleröd (Vermeersch et al. 1975), et le sol du Buisson Campin à Verberie (cf. Audouze, partie 2, article 1.4) que sa position stratigraphique placerait dans Bölling.

50Ces deux gisements montrent donc qu’une épaisse couverture loessique s’est formée, alimentée par les formations des plateaux : sables, craie et calcaire gélifs. Ces loess se sont mis en place surtout durant le Pléniglaciaiie supérieur, période la plus froide, mais ces dépôts malfixés par la végétation auraient bougé jusqu’au Tardiglaciaire. Comme les loess, des colluvions loessiques ont contribué à régulariser et empâter les versants, en particulier au début du Weichselien récent, juste avant le Pléniglaciaire supérieur remaniant des loess antérieurs.

1.1.2.2 Les sites de fond de vallée

Les Coudrays à Étiolles (Essonne)

51Le gisement fouillé par Y. Taborin et son équipe s’étend le long de la Seine juste en aval de Corbeil‑Essonnes (feuille de Corbeil au 1/50 000 : x = 610, y = 104, z = 36), dans un tronçon de vallée étroit et rectiligne. La Seine est encaissée de plus de 50 m dans un plateau où dominent des calcaires résistants.

52Le gisement magdalénien est situé au milieu de la plaine alluviale, à 150 m du lit actuel de la Seine, le long d’un petit affluent : le ru des Hauldres. Au droit du gisement, le lit de la Seine est encombré d’îles peut‑être en relation avec l’apport du ruisseau. La Seine érode la rive opposée, sapant ses alluvions. La plaine alluviale est divisée en deux marches par un talus peu élevé, mais bien marqué, près du gisement archéologique. Il reflète l’emboîtement des nappes d’alluvions à l’issue d’une phase récente et modérée de creusement (fig. 4).

53Le gisement se trouve au sommet d’une séquence constituée d’alluvions fines et de limons interstratifiés, reconnue sur une épaisseur de 5 m, la présence de la nappe phréatique ne permettant pas d’observer le soubassement.

Stratigraphie du gisement

54fig. 7

55L’étude des sédiments du gisement a fait l’objet de deux mémoires de maîtrise. Celui de B. Meloy (1982) portait sur l’espace fouillé et situé près du versant et du ruisseau. Celui de P. Durand (1983) a porté sur un espace à mi‑chemin entre la Seine et le versant, moins riche en vestiges.

56Ces deux chercheurs ont effectué les analyses au laboratoire de Géologie de la faculté des sciences d’Orsay : analyses granulométriques, détermination des minéraux lourds, minéralogie des argiles.

57La coupe de référence a été choisie dans l’espace en cours de fouille, dans la partie nord‑est du gisement. Cette partie présente une unité stratigraphique malgré la grande variété des structures sédimentaires. Elle se situe dans les mètres carrés M30 et M35 et correspond aux habitations S27‑Q31. De haut en bas, on distingue :

581 – limon brun à structure prismatique correspondant au sol actuel ; il contient quelques granules calcaires ; la limite inférieure est nette, sans doute à cause des labours profonds qui ont homogénéisé le sol ; 60 cm d’épaisseur (7,5 Y R 4/4 sur le code Munsell) ;

592 – limon beige, homogène, à structure polyédrique contenant quelques concrétions calcaires et des traces du sol supérieur dans d’anciens terriers ou racines ; 56 cm d’épaisseur (10 Y R 8/4) ;

603– limon beige lité, fines lamines de sable et d’argile ; nombreuses concrétions flottantes ou en lits, en particulier à la base ; litage subhorizontal avec un pendage plus oblique à la base, en particulier en direction de la Seine et du ruisseau ; quelques troncatures : 44 cm d’épaisseur (10 Y R 5/6) ;

614 – sables et graviers calcaires en grandes lentilles ; à la base, sables à structure oblique de ride sous‑aquatique ; graviers au sommet qui est érodé ; 11 cm d’épaisseur ;

625 – limon brun lité, hétérogène ; sable à la base, argile dominante au sommet avec des lamines ondulées et déformées ; légère hydromorphie ; 30 cm d’épaisseur (10 Y R 8/4) ;

636 – lentille de graviers calcaires à structure oblique et dont le sommet est tronqué ; concrétionnement noir de manganèse ; 30 cm d’épaisseur maximum ;

647 – argile beige à trace d’hydromorphie ; 20 cm maximum ;

658 – galets et graviers ; grandes dalles de meulière, graviers de calcaire roulés, de silex brunis concassés, de gélifracts emballés dans une matrice de sable grossier contenant des boulettes d’argile verte durcie et des éléments issus de la désagrégation du granit ; concrétionnement noir à la partie médiane ; épaisseur reconnue ; 0,50 m ; la nappe s’épaissit en direction de la Seine ;

669 – limon beige sablo‑limoneux contenant un niveau magdalénien.

67Cette coupe montre donc une succession d’épisodes fluviatiles partiellement emboîtés. D’abord le creusement d’un chenal, puis le dépôt d’alluvions à l’intérieur, enfin le comblement par des argiles et des limons. La taille des alluvions décroît de la base vers le sommet et un limon de débordement termine cette séquence. Il est altéré en surface par le sol actuel.

68L’ensemble des dépôts, mais surtout la base, présente un fort pendage en direction de la Seine et du ruisseau. Tous les limons ont livré des niveaux magdaléniens, les plus élevés se trouvant à la base du sol, près du versant, et les plus profonds conformément au pendage, vers le sud‑est, c’est à dire près du ruisseau (Olive 1983).

Les analyses en laboratoire

69Une première analyse granulométrique a été effectuée par B. Meloy (1983). Il a analysé les niveaux 3 (limon lité), 4 (sables et graviers) et 5 (limon brun hétérogène) en E‑G21. Une seconde analyse a été effectuée sur les sédiments du mètre carré M30, et plus particulièrement sur les limons supérieurs des niveaux 2 et 3. Toutes ces analyses montrent l’hétérogénéité des dépôt et de nombreux hiatus (fig. 8 et 9).

70La base du limon brun, lité, hétérogène (5), est constituée d’un sable moyen déposé dans un chenal et ensuite remanié. En effet, sa médiane de 0,3 mm est élevée, l’indice Skwenes est inférieur à 1 et le So. Trask supérieur à 4, enfin la courbe cumulative rétrograde est irrégulière dans les fines. Au dessus, il s’agit d’un limon très fin (médiane entre 0,0005 et 0,0017 mm), moyennement classé (So. Trask entre 2 et 3,5) et déposé dans un milieu à haute énergie car l’indice Skwenes est inférieur à 1. C’est un limon de débordement très peu remanié comme le suggère le litage intact.

71La couche de sables et graviers du niveau 4 est constituée d’éléments plus grossiers ; son bon triage (So. Trask = 1,54) indique des dépôts de fond de chenal dans un cours d’eau irrégulier ce que confirme la courbe cumulative rétrograde régulière et l’indice Skwenes inférieur à 1.

72Le limon beige supérieur (3 et 2) est lui aussi un limon de débordement mal classé (So. Trask supérieur à 5) et déposé dans un milieu à basse énergie (indice Skwenes supérieur à 1). Les courbes cumulatives rétrogrades, irrégulières, indiquent un remaniement. Le dépôt s’est donc effectué dans un bras mort ou sur la plaine inondable, et les particules ont été reprises. Quelques enrichissements dans les fines, sur les courbes cumulatives et de fréquence, pourraient suggérer un apport d’argile par pédogenèse. Les lits riches en nodules de calcite sont particulièrement mal classés et leur courbe cumulative est presque droite. Ils correspondraient donc à des horizons particulièrement remaniés.

73Tous ces limons sont fluviatiles, ce sont des dépôts de crue dans un lit souvent à sec, car ils ont été tronqués, repris et enrichis en argile, sans doute par la pédogenèse.

74L’analyse pétrographique montre que ces sédiments sont surtout d’origine locale. Les dalles de meulière de Brie et de silex éocène qui constituent l’essentiel du matériel grossier sont directement issues du plateau dominant le gisement archéologique. L’apport latéral est donc important. La Seine a aussi déposé des galets et graviers de calcaire et silex patinés et roulés, qui pourraient provenir de la reprise d’alluvions anciennes ainsi que des sables quartzeux issus du granit du Morvan et des affleurements stampiens.

75La détermination des minéraux lourds par B. Meloy, dans les dépôts étudiés précédemment, montre qu’ils (tabl. i) sont rares, mais plus variés que dans les alluvions actuelles de la Seine où il n’existe pratiquement que du zircon. Le cortège reflète les apports environnants : lœss, sables yprésiens ou stampiens et tout particulièrement des alluvions de l’Essonne. Cette variété, plus grande que dans les alluvions du lit et de la basse terrasse de la Seine entre Fontainebleau et Créteil (Tourenq et al. 1978), constitue l’originalité de ces limons d’Étiolles. L’Essonne et le ruisseau des Hauldres ont donc joué un rôle important.

76L’étude diffractométrique des minéraux argileux montre un cortège de minéraux argileux interstratifiés, smectite, illite kaolinite et chlorite. Il est semblable à celui des limons et des sols environnants. Pour J.‑P. Michel, l’absence de montmorillonite dans les paléosols de basse terrasse serait due à la pédogenèse (Michel 1973). Les limons d’Étiolles peuvent provenir d’anciens sols démantelés ou d’une amorce de pédogenèse entre les inondations. La coloration brune de certains lits, le remaniement du limon observé sur les courbes cumulatives plaident en faveur d’une pédogenèse postérieure au dépôt.

Structure et évolution des sédiments

77Ces dépôts présentent une structure ou des figures sédimentaires faciles à lire. Les sols d’habitats magdaléniens mis en évidence par les archéologues, tantôt soulignent ces structures, tantôt les tronquent, témoignant ainsi de séquences d’érosion.

78Tout d’abord, l’observation du litage permet d’évoquer l’évolution de l’écoulement. Dans le limon du niveau 5, en LD22, un litage horizontal régulier témoigne d’un dépôt d’inondation peu remanié ensuite, ce que confirme l’analyse granulométrique. Des lits bruns indiquent des amorces de pédogenèse et seules quelques bioturbations affectent ces lits.

79Dans les sables et graviers des niveaux 4 et 6, le litage des sables est oblique ; il dessine de grandes rides sous‑aquatiques édifiées au fond du lit d’un cours d’eau entre les chenaux d’étiage. Ces lits sont redressés vers l’aval c’est à dire vers l’ouest dans notre exemple. Généralement, ces rides asymétriques s’édifient dans un fort courant unidirectionnel ce qui exclut dans ce cas précis la rencontre de la Seine et du ruisseau des Hauldres.

80Au sommet, le changement de milieu et de régime se traduit par un écrêtement des rides et le comblement des cuvettes par des lentilles d’argile réalisé par décantation dans des flaques.

81Les limons supérieurs sont formés au moins à la base de lits le plus souvent parallèles entre eux et correspondent à l’origine à un dépôt d’inondation qui tend à niveler la topographie. Mais ils montrent des épisodes internes d’érosion (tabl. i). Ils présentent un double pendage vers le ruisseau des Hauldres à l’est et vers la Seine au sud. Leur topographie est étroitement dépendante de celle des sables et graviers sous‑jacents.

82Les profils établis à partir des coupes et sondages montrent une topographie accidentée dans l’espace fouillé (Olive 1983) (fig. 10).

83Le profil A, nord‑ouest/sud‑est, allant du versant vers la Seine montre une double pente vers Les Hauldres au débouché du versant et vers la Seine. Il montre aussi l’épaississement du limon lité (niveau 3) dans les cuvettes entre les rides de graviers (fig. 11A). Le profil B, d’orientation est‑ouest montre bien l’existence d’une ride (K12, D10) avec ses variations d’épaisseur. Il montre également l’abaissement du niveau de l’ouest vers l’est, c’est‑à‑dire vers le ruisseau des Hauldres et la Seine en deux paliers successifs. Il montre aussi les variations d’épaisseur du limon lité. Ce profil met en évidence le pendage des couches en direction du ruisseau d’origine ou postérieur et il fait apparaître également des nappes de galets dans les limons.

84Les courbes isopaques du sommet des sables et graviers (tabl. i) complètent l’image du gisement donnée par les profils. Elles montrent une accumulation de graviers et galets en grosses nappes ou lentilles, grossièrement parallèles à la Seine et dont la limite près du ruisseau est abrupte, témoignage d’un sapement ou d’un effondrement. L’éloignement du versant indiquerait un apport latéral par le ruisseau ou par colluvionnement. Nous avons vu précédemment que ces rides étaient riches en matériaux divers qui ne pouvaient venir que de la Seine, alors que le limon devait beaucoup au limon des plateaux environnants. Le ravin des Hauldres a‑t‑il alors fonctionné comme vallée drainée ou comme vallon de solifluxion et de ruissellement ? Les nappes de galets et les lits de nodules de calcite flottant dans le limon permettent de préciser l’évolution de cette formation.

85Des nappes de galets et graviers accidentent les dépôts de limon comme nous venons de le démontrer. La nappe du mètre carré D10 montre des galets calcaires sub‑émoussés dont les plus gros, orientés dans la même direction sont sur tranche. Il s’agit typiquement d’une nappe de fond de lit de ruisseau, le redressement indiquant le sens du courant, ici vers le sud‑ouest, c’est‑à‑dire l’aval de la Seine et non du ruisseau, sauf si ce dernier coulait plus à l’ouest en formant un coude au débouché du vallon. Il faut donc envisager un plongement de la nappe vers l’amont, par suite d’une faille ou d’un soutirage. Ce basculement semble s’être fait tardivement puisqu’aucun galet n’a bougé, déjà scellé dans le limon. Toutefois ce mouvement serait contemporain du dépôt des limons car les lits rattrapent l’horizontale (fig. 12).

86L’altération chimique postérieure se lit grâce aux nodules de calcite. De gros nodules de 5 à 10 cm d’épaisseur affectent l’ensemble du profil des limons supérieurs. Ils se présentent soit en bancs plus ou moins continus accompagnant un lit, soit isolés et flottants à travers tout le niveau. Ils sont dus à la présence de calcaire actif et sont particulièrement abondants au dessus des lits sombres, Généralement, ce concrétionnement résulte d’une dessiccation de surface liée à un assèchement saisonnier entre les inondations où à un battement de nappes. Comme les croûtes calcaires typiques des régions méditerranéennes et sub‑désertiques, elles se forment au dessous de la surface. Leur absence dans les limons inférieurs pourrait être expliquée par une humidité constante, les limons ayant été également moins remaniés (fig. 7).

87Cette séquence magdalénienne semble d’extension réduite. Près de la Seine, les dépôts limoneux plus argileux n’ont livré aucun vestige archéologique et près du ruisseau, des sédiments plus récents en particulier des tourbes témoignent du creusement postérieur (fig. 10 et 11).

88Les alluvions de la partie centrale de la plaine alluviale ont été étudiées par P. Durand dans le cadre d’une maîtrise. Dans cet espace aussi éloigné des cours actuels de la Seine et du ruisseau et pauvre en vestiges archéologiques, P. Durand a effectué plusieurs sondages d’une profondeur moyenne de 2 m.

89Ces sondages présentent une séquence constituée de limons alternant avec des sables et graviers ; la topographie a une pente générale vers le sud‑ouest mais c’est un limon argileux qui affleure (fig. 12 et 13). Le profil nord‑ouest/sud‑est montre l’interstratification de sables et graviers et de limon argileux. Les sondages 3 et 4 ont des graviers de disposition grossièrement identique à celle observée par ailleurs. La pente générale est vers la Seine, mais un chenal est recoupé par les sondages 4 et 5. De plus un limon plus récent tronque le limon argileux dans lequel il est emboîté. Les analyses granulométriques confirment la finesse des sédiments dont la médiane est comprise le plus souvent entre 0,018 et 0,020 mm. Ils sont mal classés, l’indice So. Trask étant rarement inférieur à 4,5 ; ceci est dû à la finesse de ces sédiments. Les courbes cumulatives montrent toutefois un meilleur classement pour les échantillons du sondage 1, le plus proche du ruisseau. Ils traduisent dans chaque séquence une diminution du régime du cours d’eau. L’étude pétrographique des galets et graviers de ces sondages a donné les mêmes résultats que l’analyse effectuée dans la zone fouillée. Il semble que ce soit toujours le même stock qui ait été sans cesse déposé et repris, peut‑être par manque de matériel frais. La meulière qui n’a été rencontrée qu’en dalles dans les bancs de chenaux constitue ici aussi le seul dépôt local et frais.

90Dans le versant en arrière du gisement magdalénien se dessine une vallée à fond plat. Elle n’est que partiellement occupée par le ruisseau dont le cours a été rectifié. Des sondages effectués dans le parc de l’Ecole normale de l’Essonne ont montré des colluvions abondantes sur le versant et des sédiments argileux hydromorphes dans le talweg (fig. 14). Tous présentent de forts pendages. Par ailleurs, des dalles de silex ont été trouvées en place en profondeur (sondages de M. Mauger, B. Meloy et P. Rodriguez).

91Les sondages le long du versant occidental montrent la roche en place (argile à silex de l’étage de Barthonien) à faible profondeur avec une couverture de 3 m de dépôts au maximum, en particulier des coulées de solifluxion mises en place sous des conditions froides et humides : argile brun rouge et fragments de meulière provenant de sols sur limons démantelés. Des dépôts argileux noirs ou gris témoignent d’un engorgement en eau du fond de la vallée et de la persistance de marécages.

92Ce mouvement de sédiments sur le versant, important et tardif, a été alimenté par une dénudation des hauts versants ; l’hydromorphie a été accentuée par l’existence de la couche d’argile imperméable en profondeur mais aussi par un obstacle gênant l’écoulement : la butte de sédiments limoneux du gisement archéologique.

Conclusion

93Le gisement magdalénien d’Étiolles se situe au sommet de la très basse terrasse, dans des alluvions fines correspondant à une fin de séquence fluviatile. En effet, les alluvions grossières sont recouvertes par des limons contenant des nappes de sables et graviers. C’est dans ces limons que se trouvent les vestiges d’habitat. Ces dépôts et le sommet de la très basse terrasse sont donc rapportés au début du Tardiglaciaire, plus précisément à un interstade (cf. supra).

94Dans cette portion de vallée, le fond rocheux serait entre 6 et 12 m de profondeur (Goguel 1967) mais le creusement n’a pu être daté. Le remblaiement s’est achevé au début du Tardiglaciaire. Ces alluvions fines marquent l’amorce d’un emboîtement du chenal principal de la Seine dans ses alluvions.

95Cette très basse terrasse et son talus ont été modelés lors de cet encaissement Fini ou Post‑Tardiglaciaire ; à cette occasion le ru des Hauldres s’est emboîté dans les alluvions de la Seine, y déposant ses propres alluvions.

96Ces alluvions sont complexes. Elles proviennent surtout d’apports latéraux mais des éléments longuement roulés par la Seine constituent un stock secondaire non négligeable.

97Les alluvions fines qui contiennent les vestiges magdaléniens ont été déposées dans le lit d’un cours d’eau irrégulier. Vers le sommet, le lit n’aurait fonctionné que pendant les crues et c’est sur le limon que les Magdaléniens s’arrêtaient durant les basses eaux. La topographie a été sans cesse mouvante. Elle était accidentée par des chenaux et des bancs de sables et graviers. Au sommet, les limons accumulés tendent à aplanir la topographie tandis que le ru des Hauldres façonne et approfondit son lit.

Le Buisson Campin à Verberie (Oise)

98Ce gisement magdalénien fouillé par F. Audouze est. situé le long de l’Oise entre Compiègne et Senlis (feuille au I/50 000 de Compiègne : x = 2 483, y = 630 et z = 32). Il se situe donc en aval du confluent avec l’Aisne qui sépare ici le plateau crayeux de Picardie au nord et le plateau tertiaire du Valois au sud dont le talus domine la vallée de plus de 100 m (Blondeau 1971). Dans cette partie, la vallée est large et rectiligne car elle a été facilement affouillée dans les sables de l’Éocène. Le tracé de l’Oise a été rectifié pour permettre la navigation, mais le cours dessine encore quelques méandres libres (fig. 15).

Stratigraphie du gisement

99Le gisement magdalénien du Buisson Campin est lui aussi contenu dans des limons de débordement reposant sur des alluvions de fond de lit mineur. La coupe de référence a été choisie en I17 dans une surface fouillée, riche en vestiges (Audouze 1981, 1985). On distingue de haut en bas (fig. 16) :

1001 – 0 35 cm : limon argileux homogène à granules calcaires, limite inférieure nette avec des effets de sillons ; il s’agit du sol actuel homogénéisé par des labours profonds ;

1012 – 35 – 85 cm : limon sableux beige, très fin, grumeleux et poreux, riche en granules calcaires, fragments de coquilles fossiles de nummulites et en pseudo‑mycellium diffus ; il conserve quelques traces de litage vers ‑40 et ‑60 cm avec des passées plus limoneuses ; le niveau magdalénien est à ‑58 cm ; à ce niveau, des traces d’activité biologiques sont mises en évidence par la dispersion des cendres d’un foyer (10 YR 7/6) (fig. 18) ;

1023 – 85 – 96 cm : graviers calcaires emballés dans le limon avec quelques coquilles fossiles, des silex noirs et rouges concassés et émoussés ; la surface est ravinée et le litage oblique n’est pas partout effacé ;

1034 – 96 – 140 cm : sables, argiles et graviers lités, parfois en lentilles, matériel de très petite taille et toujours essentiellement calcaire, matériel sec, lavé, riche en coquilles fossiles.

Interprétation de la stratigraphie

104Nous sommes en présence d’une fin de séquence fluviatile. Les couches 3 et 4 correspondent à des dépôts de fond de lit mineur, les sables et graviers de la couche 4 montrant une disposition en grandes rides sous‑aquatiques orientées vers le sud‑ouest, c’est à dire montrant un cours légèrement plus oblique que maintenant. Ces rides ont été écrêtées et les chenaux qui les séparent ont été colmatés par des lentilles de sables fins qui matérialisent ainsi les chenaux tressés de fond de lit. La grève calcaire très emballée de la couche 3 supérieure apparaît comme un nouveau dépôt de fond de chenal, mais démantelé et érodé par les limons supérieurs à la suite d’une érosion postérieure. Ce gravier emballé pèse sur le sable sous‑jacent dessinant des figures de surcharges du type ball and pillow structure (Reineck, Singh 1975). Il présente une pente générale vers l’Oise.

105D’après l’analyse granulométrique, le limon de la couche 2 est un limon fin, sableux, formé de deux stocks granulométriques et médiocrement trié car l’indice de mauvais classement est élevé. L’indice Skwenes indique un dépôt clans un milieu à forte énergie (fig. 17). Les deux échantillons montrent peu de différences et n’ont donc pas enregistré les nuances observées. Il s’agit donc d’un limon de débordement lité, déposé assez près du courant majeur dans une large dépression, voire dans un bras secondaire. Ce limon a été érodé par le ruissellement ou le vent mais plus sûrement altéré et homogénéisé par la bioturbation et la pédogenèse. Il reste toutefois largement calcaire (Co3 Ca : 40 %).

106Les dépôts ont une origine essentiellement locale. Les fragments de nummulites conduisent aux affleurements de calcaire des sommets des buttes et des plateaux les plus proches en particulier sur la rive actuelle du gisement. L’aspect très émoussé des éléments calcaires réduits à des disques montre que le stock de graviers n’est pas frais et qu’il a subi un façonnement fluviatile.

107Les matériaux fins étaient plus abondants, ils proviennent des affleurements sableux tertiaires et de la couverture limoneuse. Celle‑ci se rattache au nord à la grande nappe de l’Europe du Nord‑Ouest, de la Normandie à la Belgique. Le limon magdalénien est d’ailleurs fort proche dans sa composition des limons sableux des plateaux tertiaires (Pomerol 1974).

108Ainsi, l’apport latéral du versant tertiaire est donc capital, favorisé par la présence de l’Aisne et de nombreux affluents.

Chronostratigraphie du gisement

109Les niveaux magdaléniens ont été rapportés au stade final du Dryas II par la datation au carbone 14 (Audouze 1985) et l’analyse des mollusques (cf. Rodriguez, partie 1, article 1.3). L’absence de terrasse dans cette portion de vallée rend difficile toute reconstitution chronostratigraphique antérieure au Tardiglaciaire. A partir de cette période et pour tout l’Holocène, de nombreux gisements archéologiques dispersés à travers le fond de vallée permettent d’esquisser l’évolution de ce dernier.

110Il n’a pas été observé de terrasses alluviales sur les versants de cette portion de vallée. Par ailleurs, les alluvions de fond de vallée ont une épaisseur allant jusqu’à 10 m et contiennent des vestiges du Moustérien (Blondeau 1971). Le bilan morphosédimentaire antérieur au Tardiglaciaire a donc enregistré un creusement maximum, et pour terminer une accumulation fluviatile importante qui semble se terminer juste avant ou au début du Tardiglaciaire.

111Le gisement magdalénien du Buisson Campin montre l’arrêt de cette sédimentation fluviatile. A l’initiative de F. Audouze, un sondage de 25 m de long a été effectué à travers le gisement, perpendiculairement au cours actuel de l’Oise. Il a montré, près de la rive, l’existence d’un paléosol entre la grève calcaire (couche 3) et le limon magdalénien (couche 2).

112Ce paléosol brun‑gris, très caillouteux, était développé sur la grève calcaire. Epais au maximum de 30 cm vers la rive, il disparaissait tronqué par l’érosion au‑delà. A la base, il contenait un fragment de grès chauffé et des éclats (Audouze et al. 1981). Il y a donc un hiatus entre les alluvions et le limon. Ce sol traduit un abaissement du niveau de l’Oise et un déplacement du cours d’eau, il traduit également des conditions climatiques tempérées. Matérialise‑t‑il l’interstade de Bölling ? Ensuite, une phase d’érosion en relation avec une dégradation climatique a raviné le sol, enfin un limon s’est déposé à l’occasion de crues plus fortes, le niveau général des cours d’eau ne s’élevant pas forcément. Il y a donc là seulement une nuance climatique plus continentale, avec des étiages et des crues plus marqués et une charge en suspension plus importante.

113Les dépôts alluviaux les plus récents sont très fins, constitués essentiellement de lits horizontaux ou en lentilles de sables fins et d’argile. Dans ces sédiments, le site de Choisy‑au‑Bac au confluent de l’Oise et de l’Aisne fouillé par J.‑C. Blanchet a livré des vestiges allant de l’âge du Bronze au Gallo‑romain (Blanchet, Decormeille 1980). Au Coq Galleux, le long de l’Oise en aval de Compiègne, C. Toupet a mis au jour des enclos néolithiques dans ces mêmes alluvions (Toupet 1980). Enfin, à Chevrières, le long de l’Oise en face de Verberie, ont été mis au jour des installations allant du Néolithique jusqu’au Moyen Âge (fig. 16). Ces dépôts emboîtés dans les précédents témoignent donc d’un léger et tardif abaissement du niveau de l’Oise.

114Ainsi, lorsque les Magdaléniens s’installèrent sur la berge de l’Oise, sur le site du Buisson Campin, ils étaient au milieu de cette vaste plaine alluviale dégagée depuis peu par l’enfoncement de l’Oise dans ses alluvions, ainsi qu’en témoigne le paléosol. Ils ont continué à l’occuper en dehors des crues, alors que s’accumulaient des limons de débordement aplanissant la topographie. Cette accumulation peut être le fruit d’une légère remontée du niveau de l’Oise mais également d’une plus grande charge en particules fines. Cette même couverture a sans doute contribué à accroître les divagations de l’Oise. En effet, celle‑ci, d’abord repoussée vers le nord par les apports latéraux, a glissé ensuite vers le sud, sapant actuellement les alluvions antérieures au Tardiglaciaire, en particulier une partie du Buisson Campin.

Le Pré des Forges à Marsangy (Yonne)

115Ce gisement est fouillé par B. Schmider (Schmider 1979). Il est situé sur la rive droite de l’Yonne (carte topographique de Sens au 1/50 000 : x = 665, y = 45 et z = 69 m). La vallée de l’Yonne est encaissée d’environ 100 m clans le plateau du Sénonais. La plaine alluviale est bien développée et atteint en moyenne 3 km de large.

116Des replats et cinq nappes alluviales étagées sur les versants témoignent des étapes de l’incision du lit de l’Yonne au cours du Quaternaire (Scolari, Vincent 1971 ; Turland, Vincent 1973). Ces nappes sont le plus souvent masquées par des dépôts de pente et matérialisent un train de méandre maintenant disparu. La nappe alluviale moyenne est bien représentée de Joigny jusqu’à Montereau au confluent, elle a livré des vestiges du Paléolithique moyen et pourrait s’être constituée durant le Saalien (l’avant‑dernier Glaciaire et l’Eemien ou dernier interglaciaire) (Roblin‑Jouve, Girard 1982) (fig. 19).

117Les nappes de fond de vallée plus récentes ont une puissance en général de 4 à 5 m et un recouvrement limoneux de 1 à 3 m. Elles sont riches en éléments calcaires fournis pas la craie très gélive. La nappe weichselienne est masquée par d’épais limons de débordement tardiglaciaires qui ont livré des vestiges magdaléniens (B. Schmider 1979). Les alluvions holocènes sont emboîtées clans les précédentes, elles occupent les anciens chenaux proches du lit actuel, ce sont des argiles sableuses ou des tourbes. L’Yonne décrit au fond de sa vallée des méandres libres qui se recoupent ou recoupent les nappes plus anciennes.

118Les sédiments du gisement ont été étudiés d’après un levé effectué par J.‑J. Puisségur (Puisségur 1979). De haut en bas on distingue (fig. 20) :

1191 – 0–15 cm : limon argileux à coquilles fragmentées ;

1202 – 15–30 cm : limon argileux brun foncé, riche en cailloutis et en coquilles ; il contient des vestiges hallstattiens (7,5 YR5/6 au code Munsell) ;

1213– 30–50 cm : limon brun ;

1224 – 50–70 cm : limon brun‑clair très argileux, riche en fragments calcaires et coquilles (L91) ;

1235 – 70–90 cm : limon argileux beige légèrement sableux avec quelques vestiges magdaléniens colluviés ;

1246 – 90–110 cm : limon argileux beige à marbrures brunes ; niveau des habitats magdaléniens ;

1257 – 110–130 cm : idem ;

1268 – 130–150 cm : même sédiment enrichi de concrétions calcaires de plus en plus nombreuses à plaquettes ;

1279 – 170 cm : graviers à plaquettes.

128Donc sur des alluvions grossières qui ne se trouvent qu’à moins de 2 m sous le sol actuel et grossièrement au niveau d’étiage actuel de l’Yonne soit 67 m, s’est déposée une couverture limoneuse constituée de limon de débordement argileux, épais ici de moins de 2 m. Ce limon ne présente guère de litage.

129Les analyses granulométriques confirment le caractère argileux de ce limon dont la médiane est comprise entre 0,015 et 0,020 mm. L’échantillon 6, proche du niveau d’habitat, est donc le plus représentatif. Le So. Trask supérieur à 3 confirme que le sédiment est mal classé. Mais l’indice Skwenes inférieur à 1 indique un milieu à haute énergie. Il s’agit d’un dépôt d’inondation sur une berge et qui contribue à l’édification d’un bourrelet alluvial (fig. 21). Le limon calcaire argileux tire ses caractères majeurs des formations environnantes : la craie et les limons des plateaux (Scolari, Vincent 1971). L’hydromorphie de la base est due au battement de la nappe phréatique de l’Yonne ; les concrétions calcaires ou poupées peuvent s’être for‑ mées sur place par pédogenèse ou avoir été apportées avec des matériaux provenant de sols détruits.

130Commencé avant l’occupation magdalénienne leur dépôt s’est prolongé encore un peu après ; cette occupation permet de le dater du Tardiglaciaire mais ne permet pas de dater la nappe alluviale sous‑jacente. D’après les études de mollusques, le limon se serait déposé sous des conditions climatiques tempérées froides et sèches (cf. Rodriguez, partie 1, article 1.3) qui selon les datations ¹⁴C seraient celles du Dryas II (Schmider 1987). Au sommet il est altéré par le sol actuel qui contient des vestiges de Hallstatt. Ceux‑ci marquent l’arrêt de la sédimentation et une phase d’érosion qui commencerait au Subboréal.

131Le gisement du Pré des Forges montre donc que les Magdaléniens étaient installés au milieu de la plaine alluviale, sur une berge exhaussée à chaque crue par un dépôt limoneux. L’abaissement du niveau de l’Yonne, son enfoncement dans ses alluvions avait alors dégagé une vaste plaine noyée seulement par les crues.

Pincevent près de Montereau (Seine‑et‑Marne)

132La plaine de Pincevent a livré des vestiges allant du Magdalénien au Moyen Âge. Ce sont les fouilles magdaléniennes effectuées par le professeur Leroi‑Gourhan et son équipe qui ont donné à ce site sa notoriété. Il est aussi le site de référence pour cette étude géomorphologique et sédimentaire. En effet, il a été l’objet de ma thèse et j’ai pu, à l’occasion des campagnes de fouille, multiplier les observations sur des dépôts exceptionnellement frais, riches en structures ou figures sédimentaires. L’ouverture de sablières dans toute la plaine environnante a permis d’observer les alluvions de fond de vallée et de placer Pincevent dans un contexte chronostratigraphique. Plusieurs chercheurs avaient travaillé avant moi sur ce gisement. A. Leroi‑Gourhan et M. Brézillon avaient dès 1964 élaboré une première stratigraphie et une paléotopographie du site (Leroi‑Gourhan, Brézillon 1966). L’étude fut ensuite confiée à R. Paepe qui publia la première synthèse sur les dépôts (Paepe 1969) et l’analyse granulométrique fut assurée par M. Ters et H. Terrien (Leroi‑Gourhan, Brézillon 1966 ; Ters 1969).

133Le gisement est situé dans la vallée de la Seine, un peu en aval du confluent avec l’Yonne, entre Montereau et Moret‑sur‑Loing. Cette vallée qui sépare les plateaux de Brie et du Gâtinais est large en amont, dans les affleurements de craie, et la Seine y dessine des méandres divaguants. Elle se resserre en aval, clans la traversée des calcaires de Champigny et devient alors une vallée à méandres.

134Le gisement se trouve au milieu de la plaine alluviale rive gauche sur une légère éminence dominant la plaine de près de 240 m (feuille de Montereau Fault‑Yonne 1/50 000 : x = 641, y = 53, z = 55) (fig. 2).

135Sur l’ensemble du gisement, il a été observé trois unités de dépôts d’origine uniquement fluviatile. L’unité inférieure est sans fossile directeur. La seconde unité contient les vestiges magdaléniens et épipaléolithiques, la dernière des vestiges à partir du Néolithique.

La stratigraphie du gisement

136La stratigraphie de référence est celle des sections 37, 36 et 45, où les dépôts sont épais, bien lités et peu érodés. Du haut en bas, on distingue (fig. 22‑23) :

1371 – complexe de sol brun‑calcaire qui peut atteindre 1 m d’épaisseur ; détruit en partie lors de l’ouverture d’une sablière ; l’horizon B, à structure polyédrique (10Y R 5/3) contient des vestiges gallo‑romains ; le paléosol brun‑rouge, épais de 50 cm à 1 m, conservé en cuvette et développé surtout sur les limons, il se confond avec la base du sol brun (10 Y R 6/4) ; il contient des vestiges de la Protohistoire ;

1382 – sables grossiers non stratifiés, d’une épaisseur moyenne de 60 cm et de couleur jaune, beige clair (10 Y R 8/4) ; dénommés sables homogènes par R. Paepe ; constitués de granules calcaires mais aussi de cristaux de quartz, paillettes de mica, pisolithes de fer, orthose, fragments de coquilles et de pseudo‑mycelium diffus ; à l’intérieur, deux horizons humifères :
– 2a : horizon humifère gris supérieur, épais de 30 cm maximum, conservé en cuvette et tronqué par le sol actuel (10 Y R 6/5) ; il est diffus, bioturbé par des digitations subverticales ouvertes vers le haut ; il est légèrement plus argileux que le sable ;
– 2b : horizon humifère gris inférieur, épais de 20 cm en moyenne, même coloration, même disposition et même aspect bioturbé que le précédent ; importance des concrétions, du pseudo‑mycélium diffus et de l’argile ; il contient une industrie épipaléolithique ;

1393 – sables lités beiges à stratification régulière entrecroisée, alternance de lits de sables grossiers secs et de sables limoneux ; épais au maximum de 42 cm, constitués de granules calcaires, de graviers sub‑émoussés et fracturés et de galets roulés enduits de manganèse ; à la base, structure horizontale avec souvent des structures de surcharge et de transition avec le limon inférieur (10 Y R 6/4) ;

1404 – limon lité, de 1 à 3 m d’épaisseur, limon sableux brun‑jaune contenant les vestiges magdaléniens ; il est riche en poupées et rhyzoconcrétions ; il est parfois discordant à la base et tronqué au sommet ; il est constitué de 4 niveaux successifs observables dont l’empreinte au latex facilite la lecture (Orliac 1975) ; de haut en bas, on distingue :
– 4a : limon sablo‑argileux bioturbé avec une passée sableuse médiane (10 Y R 5/8) ; au sommet, Magdalénien final appelé IV1 sur le gisement et à la base de la passée sableuse le Magdalénien IV2 du gisement ;
– 4b : limon sableux brun‑jaunâtre (10 Y R 5/6) litage net, affecté au sommet d’ondulations et de fentes courtes et larges ; Magdaléniens IV3 du gisement vers la base du niveau ;
– 4c : limon argileux, épais surtout au sud (10 Y R 5/6) ; litage partiellement effacé ; concrétions et taches d’hydromorphie à la base ; Magdalénien IV 4 à la partie supérieure du niveau ;
– 4d : sables et argiles finement lités existant seulement en cuvette et affectés à la base de structures de surcharge et de micro‑faille de tassement ;
– des lentilles de sables et graviers, des nappes de galets boursouflent les lits de niveaux 4a et 4b ; plusieurs séries de microfailles affectent la couche 4 et le sommet de la couche 5 et un réseau de longues fissures de retrait calcitisées dessinant un réseau polygonal touche l’ensemble du limon (Leroi‑Gourhan, Brézillon 1966, 1972 : Paepe 1969 ; Orliac 1975 ; Roblin‑Jouve 1980).

1415 – sables et graviers ; épaisse série dite de Pincevent (10 Y R 5/6 pour les sables). Structure entrecroisée en lentilles, dessinant des bancs aux flancs ravinés et fracturés, graviers de calcaires et de silex.

1426 – on distingue du sommet des lits de sables, limons et graviers sur 1,30 m environ, puis une couche d’argile plastique, bien jaune foncé contenant des restes de cervidé ; enfin, à la base, des sables et graviers entrecroisés qui n’ont pu être observés que sur une épaisseur de 1,20 m et dont la surface est ravinée par l’argile.

143Sur des alluvions grossières (couche 5) se sont donc déposés des limons lités (couche 4) constituant ensemble une fin de série sédimentaire, l’unité médiane du site. Par dessus et la tronquant en partie, s’est déposée une dernière série sédimentaire plus sableuse (couche 3 et 2).

Interprétation de la stratigraphie

144Les alluvions grossières de la couche 5 sont à 70 % constituées de calcaire très émoussé. Ces fragments calcaires ont été mobilisés lors des périodes les plus froides du Würm, le stock est donc ici résiduel. Ces sables et graviers sont très bien classés. Ils ont donc été déposés dans le lit mineur et ont peu évolué après leur mise en place.

145Les structures sédimentaires montraient à la partie supérieure du moins, 2 types successifs d’écoulement. A la base, les sables et graviers étaient modelés en grandes buttes dissymétriques, caractéristiques de rides sous‑aquatiques, clans un cours d’eau irrégulier saisonnièrement à chenaux à tressés. Un banc d’argile épais de 50 cm la sépare d’un empilement de sables au litage oblique indirectionnel, tronqués par des minces lits argileux légèrement obliques et de sens inverse. Cette disposition est caractéristique d’un dépôt de point bar, c’est‑à‑dire d’une accumulation alluviale dans la partie convexe d’un méandre.

146Ainsi, à Pincevent, les sables et graviers sous les limons magdaléniens appartiennent à deux unités d’écoulement qui traduisent une régularisation du débit et du cours de la Seine. C’est sur une berge, dans la boucle du méandre, que se sont installés les premiers Magdaléniens. La Seine ou l’un de ses bras devait contourner le site par le sud, alors qu’elle coule maintenant plus loin au nord.

147Le limon magdalénien de la couche 4 est un limon fluviatile à granulométrie variable aussi bien dans le temps que dans l’espace. En effet, les analyses granulométriques successives qui ont été effectuées sur plusieurs points du site (fig. 24) ont montré que ce limon était plus homogène et plus fin tout le long de son profil en section 5 où se trouve l’habitation n^o 1, que dans la section 27 plus au nord et qui a livré un grand nombre de niveaux magdaléniens superposés.

148En effet, en section 5, le limon est argileux et calcaire avec une médiane entre 0,008 et 0,020 mm. La fraction limoneuse entre 0,002 et 0,050 mm dépasse toujours 60 % de l’ensemble. Le So. Trask est toujours compris entre 2 et 4, les sédiments sont donc moyennement classés, l’indice Skewness est inférieur à 1 le plus souvent. Les courbes cumulatives sont régulières, caractéristiques d’un limon, les courbes de fréquence font apparaître 2 stocks de population. Nous sommes donc en présence d’un limon d’inondation peu remanié après son dépôt. L’échantillon prélevé près de l’habitation n^o 1, donc dans le niveau 4c, fait apparaître un plus grand pourcentage d’argile, un plus mauvais classement et une valeur d’indice Skewness plus élevée. Il correspond à un dépôt lent dans un bras mort (Ters 1969). De même, les autres niveaux observés sur le terrain s’individualisent dans les analyses granulométriques, mais plus faiblement que clans celles effectuées en section 17‑26 et 27 (fig. 25 et 26).

FIG. 25 – Pincevent : granulométrie de la section 5 (habitation n^o 1).

149En section 27, le limon est plus sableux et sa médiane grandit de la base (0,020 mm dans le niveau 4c) vers le sommet (0,80 mm dans le niveau 4a). Le So. Trask est généralement compris entre 2 et 3 et l’indice Skwennes est supérieur à 1. Selon le schéma de Visher, il s’agit de bourrelets alluviaux. Les deux passées sableuses de 4b sous le niveau archéologique IV3 et de 4a présentent un So. Trask inférieur à 2 et un indice Skwenes inférieur à 1. Il s’agit donc d’un dépôt dans un lit mineur qui préfigure le retour de l’écoulement matérialisé par les sables de la couche 3 supérieure (fig. 27 et 28).

150Les sables supérieurs des couches 2 et 3 sont beaucoup moins calcaires (20 à 30 % du CO3 Ca) excepté les deux horizons humifères 2a et 2b ; ils ont été déposés dans le lit mineur. Les sables lités entrecroisés (couche 3) appartiennent à une grande ride sous‑aquatique. Les sables de couche 2 sont issus d’une même formation mais démantelée et étalée par le vent. Avec les deux horizons humifères, l’on retrouve les bords du cours d’eau : l’horizon 2b serait une plage mouillée, et l’horizon 2a une levée alluviale démantelée par le vent et colonisée par la végétation.

151Les analyses pétrographiques ont montré l’abondance du calcaire surtout dans les sables et graviers inférieurs et le limon magdalénien. Dans les sables supérieurs, le pourcentage diminue. Les silex constituent le second stock de graviers et galets dans les couches 4 et 5. Ce sont essentiellement des galets fluviatiles arrachés aux affleurements crétacés par l’Yonne à partir de Joigny, et par la Seine sur tout son parcours mais sa compétence est beaucoup moins grande. Les silex encroûtés et les fragments de pouddingues de l’Yprésien sont très rares avant l’horizon 1c. Ils correspondent alors à des apports latéraux en relation avec la dénudation des versants, sans doute par défrichement. De même, les blocs de granit sont exceptionnellement conservés car très altérés. Mais, les éléments constitutifs, quartz et orthose en particulier, constituent une part importante des sables, mélangés aux sables stampiens et aux granulés calcaires.

152L’étude des minéraux lourds a été effectuée par M. Ters (Ters 1969). Ses résultats sont proches de ceux obtenus par le laboratoire du BRGM pour les formations yprésiennes qui affleurent sur le rebord des plateaux de la rive gauche à partir de Sens. Il s’agit de dépôts corrélatifs d’une surface d’aplanissement tertiaire.

153Ainsi, les dépôts de Pincevent ont une composition hétérogène : au vieux stock de matières résistantes comme le silex et le granit, sans cesse repris, s’est ajouté à partir des périodes les plus froides du Weichselien un stock calcaire frais qui a diminué progressivement : évacué, érodé ou dissous.

Géomorphologie du limon magdalénien

154Le limon magdalénien de Pincevent a été déposé par un cours d’eau qui alluvionnait et exhaussait son lit comme en témoignent les sables de la couche supérieure. Ce limon est hétérogène, en raison de la topographie accidentée du sommet des graviers sous‑jacents et également des divagations et de l’approvisionnement du cours d’eau. Il n’a subi qu’une évolution réduite mais les marques en sont nettes.

155A la base, le limon a nappé les creux et les bosses des alluvions grossières ennoyant les dépressions et nivelant progressivement la topographie (fig. 29).

156Le sommet des sables et graviers de la couche 5 dessine une butte traversant tout le gisement du sud‑est vers le nord‑ouest. Au nord, les sables de la couche 3 ont érodé les dépôts sous‑jacents, entaillant les flancs de la butte. Une argile limoneuse a d’abord comblé le fond du bras mort évoqué par M. Ters. Toute la butte a été ensuite recouverte et fossilisée. La topographie n’a été que partiellement aplanie, comme le montrent les pendages des lits, parce que les dépôts n’étaient pas granulométriquement identiques. Un triage est effectué lors du débordement, les particules sableuses se sont déposées les premières contribuant à former un bourrelet de berge étendu sur lequel ont été retrouvés la plupart des vestiges magdaléniens. Ultérieurement, la partie sud‑est de ce bourrelet a été profondément ravinée par un chenal de crue. En section 16, l’érosion a atteint la base du niveau 4b juste au‑dessus du niveau magdalénien IV3. Ce chenal a été comblé par un limon de débordement beige, grumeleux (3d) (fig. 30).

157Dans la partie sud‑ouest du gisement, la base du limon argileux colmatant le bras mort (section 5‑10‑16) est affectée de micro‑failles et de figures de surcharge du type ball and pillow structure et convoluie bedding. Ces déformations mécaniques sont dues au poids du limon argileux sur des sables sous‑jacents sans cloute gorgés d’eau. Ces accidents sont contemporains du dépôt. Il en est de même des ripple marks qui affectent les lits surtout à la base du niveau 4b. Ils ont été édifiés sous une mince pellicule d’eau agitée. Des lentilles ou nappes de graviers ont été également rencontrées dans le limon.

158On distingue les lentilles de graviers typiquement fluviatiles au litage oblique. En dessous, le limon dessine des figures d’obstacles ou crescent cast. Tous sont de bons marqueurs du flot d’inondation, en particulier en section 36, ils sont orientés nord‑est/sud‑ouest conformément au courant majeur. En sections 16, 25 et 26, le flot devient sud‑est/nord‑est. Le chenal en voie de colmatage aurait donc fonctionné comme chenal d’inondation au moins jusqu’au Magdalénien IV3.

159Il existe aussi des grandes nappes de galets qui peuvent être soit fluviatiles et en voie de démantèlement, soit un apport anthropique. Les éléments sans organisation particulière sont surtout constitués de galets de silex roulés, et accessoirement de granit, de graviers calcaires, de sables.

160Il s’agit essentiellement du vieux stock des terrasses anciennes démantelé lors du sapement des berges. Une exceptionnelle nappe de rognons de silex bleus encore branchus, gélifractés sur place et dont la gangue crayeuse se délitait en petits cubes dessinant des ripple marks, évoquait l’échouage sur une grève d’un morceau de banc crayeux fraîchement arraché, et son démantèlement par le gel (fig. 27).

161Le limon magdalénien a peu évolué après son dépôt bien que des rigoles de ruissellement l’ait affecté ainsi qu’en atteste la topographie des niveaux magdaléniens IV2 de la section 36 (Leroi‑Gourhan, Brézillon 1972).

162Le limon argileux des niveaux inférieurs 4d et 4c est affecté par de l’hydromorphie et présente des marbrures. Il est par ailleurs riche en concrétions du type poupées de lœss. Apparaissant partout à la même altitude, elle est sans doute à mettre en relation avec le battement de la nappe phréatique. Un grand réseau polygonal affecte plus particulièrement les niveaux supérieurs. Les fentes se présentent sous la forme de rhyzoconcrétions fines et longues qui traversent toute l’épaisseur du limon, s’ouvrant à la base des sables supérieurs. Elles ne déforment pas les lits, présentent un remplissage de calcite, et des nodules sur les bords. Ces figures s’apparentent aux mud‑craks et seraient le résultat d’une dessiccation superficielle rapide du limon argileux initialement saturé en eau.

163Ces figures sont connues dans tous les bas‑fonds soumis au dessèchement épisodique. Elles ne ressemblent en rien aux anciennes fentes de gel mises en évidence par J.‑P. Lautridou dans des limons de débordement de cette même plaine alluviale.

164Nous n’excluons donc pas pour l’élaboration de ce réseau polygonal du limon magdalénien de Pincevent des conditions périglaciaires, mais elles ne sont pas évidentes. Car les vestiges magdaléniens nombreux à ce niveau n’ont subi aucun déplacement. De plus le réseau demeure fonctionnel.

165De longues failles affectent toute la stratigraphie. Leur origine n’est pas toujours déterminable. Au nord du site, les flancs de la butte de graviers se sont effondrés par paquet, sous l’effet du soutirage exercé par le retour de l’écoulement.

166Des microfailles mises en évidence par les empreintes au latex de M. Orliac disloquent les niveaux magdaléniens. Le tassement de dépôts à l’origine gorgés d’eau a pu en être la cause. On ne peut exclure le phénomène karstique. En effet, à proximité du gisement un sondage sablier n’a rencontré, sur 9 m de profondeur, que de la glaise.

Chronostratigrapbie du site

167Le limon magdalénien de Pincevent et les sables qui le recouvrent permettent donc de reconstituer l’histoire de la vallée de la Seine à partir du Tardiglaciaire. L’évolution antérieure est mal connue par manque de fossile directeur. Seul le paléosol à gley du sommet de la nappe alluviale du Bas‑Bréau, à 52 m, et rapporté au début du Weichselien (Paepe 1969 ; Lautridou 1973, 1985) montre que la Seine a d’abord creusé son lit au début du Weichselien. Elle l’a ensuite exhaussé en accumulant des alluvions jusqu’au début du Tardiglaciaire. En effet, l’interprétation la plus récente des datations ¹⁴C, place les occupations magdaléniennes à la fin du Dryas II et au début de l’Alleröd. A cette époque, la plaine alluviale était donc déjà dégagée, la Seine s’encaissant dans ses alluvions.

168Durant l’Alleröd, le niveau de la Seine s’est à nouveau élevé et la reprise de l’alluvionnement a chassé les Magdaléniens. Cette reprise de l’alluvionnement a été cependant limitée, les chasseurs épipaléotithiques de Pincevent campant toujours sur une plage mais à 1 m au‑dessus des niveaux magdaléniens.

169Le niveau de la Seine se serait ensuite fortement abaissé puisque près du Centre archéologique, des tourbes et des glaises contenant des vestiges de l’âge du Bronze sont à une altitude inférieure de 3 m à celle des niveaux magdaléniens. La très basse terrasse aurait donc été modelée lors de cet abaissement (Roblin‑Jouve 1984).

170Lorsque les Magdaléniens se sont arrêtés à Pincevent, la vallée avait déjà atteint son développement actuel. Ils se sont arrêtés tout près de l’eau. Les premiers, ceux de l’habitation n^o 1, occupaient les rives d’un bras mort situé au sud ; les suivants, plutôt le sommet d’une berge d’un nouveau bras situé au nord.

1.1.3 Synthèse

171Tous ces gisements magdaléniens sont d’un intérêt majeur pour la connaissance de l’évolution du modelé des vallées à partir du dernier interglaciaire et surtout, durant le Tardiglaciaire et le Postglaciaire, périodes qui sont restées longtemps mal connues en milieu fluviatile et qui font l’objet de nombreuses recherches actuellement.

172Durant le Weichselien, un épais manteau détritique a couvert les versants. Il est essentiellement composé de séquences loessiques entrecoupées de coulées de solifluxion et de niveaux d’érosion (lits de cailloutis du Bas‑Bréau, coulée postérieure à l’interstade d’Henguelo des Tarterets). Un loess calcaire homogène caractérise le Pléniglaciaire supérieur (Bas‑Bréau). Son dépôt ou son remaniement se serait prolongé jusqu’au Tardiglaciaire (Le Tilloy).

173La vallée de la Seine a connu un haut niveau de la fin du Saalien jusqu’au Weichselien ancien. Durant les premiers interstades weichseliens, un sol s’est développé sur ces alluvions (Bas‑Bréau). Au cours des premiers froids, la Seine s’est enfoncée dans ses alluvions, creusant son lit. L’accumulation alluviale qui a suivi a porté le niveau de la Seine au‑dessus de l’actuel. Ce sont les oscillations du Tardiglaciaire et du début de l’Holocène qui ont façonné la plus basse terrasse. Un premier creusement au Bölling a dégagé la plaine (Étiolles) et le second après l’Alleröd l’a disséquée (Pincevent).

174L’abondance du limon sur les versants et dans les alluvions constitue l’originalité du Tardiglaciaire régional (fig. 31). Ce limon est essentiellement d’origine locale, alimenté par les affleurements de calcaire, de craie et surtout de sable. C’est le gel qui a réduit les éléments calcaires et crayeux et c’est sans doute la faiblesse de la couverture végétale qui a entraîné l’érosion des sables. Cette mobilisation s’est donc effectuée dans des conditions climatiques froides.

175Si le manteau lœssique a contribué a modifier l’aspect des plateaux et versants en comblant les vallons et adoucissant les pentes, les alluvions limoneuses ont elles aussi contribué au remblaiement des fonds de vallées, au déplacement des lits et à l’évolution de la topographie.

176Les occupations magdaléniennes les plus anciennes ont été retrouvées au fond de chenaux, sur des replats de berges pentues (niveaux inférieurs d’Étiolles et de Pincevent). Les suivantes occupaient des espaces aplanis (niveaux supérieurs d’Étiolles, niveaux intermédiaires de Pincevent et niveau de Verberie). Des berges se sont ensuite édifiées (Marsangy et niveau supérieur de Pincevent).

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199Michel 1973 : MICHEL (J.‑P.). — Le Quaternaire de la région parisienne. Bulletin de l’AFEQ, n° 1, 1973, p. 31‑45, 4 fig.

200Olive 1983 : OLIVE (M.). — Chronologie des niveaux d’occupation du site d’Étiolles. Cahiers du Centre de recherche préhistorique, 9, p. 45‑54, 5 fig. Paris : université de Paris I, 1983.

201Orliac 1975 : ORLIAC ( M.). — Empreintes au latex des coupes du gisement magdalénien de Pincevent, technique et premiers résultats. BSPF, t. 72, CRSM. N^o 9, 1975, p. 274‑276.

202Paepe 1969 : PAEPE (R.). — Notice préliminaire sur la géologie quaternaire du site de Pincevert et ses environs. In : Livret‑guide de l’excursion A2 : 8^e congrès de l’INQUA. Paris, 1969, p. 61‑66, 6 fig.

203Pomerol 1974 : POMEROL (C.). — Carte géologique de la France au 1/50 000, feuille d’Attichy. Orléans : BRMG, 1974.

204Puisségur 1979 : PUISSEGUR (J.‑J.). — Marsangy 1978, analyse malacologique. Société archéologique de Sens, fasc. 23, 1979, p. 22‑24.

205Relneck, Singh 1975 : REINECK (H.‑E.), SINGH (I.‑B.). — Depositional sedimentary environments, Berlin : Springer, 1975. 434 p., 579 fig.

206Roblin‑Jouve 1980 : ROBLIN‑JOUVE (A.). — Le Paysage paléolithique de la vallée de la Seine de Corbeil à Bray‑sur‑Seine. (Thèse de 3^e cycle, université Paris VII, 1980. 205 p., 58 fig.).

207Roblin‑Jouve 1984 : ROBLIN‑JOUVE (A.). — La Très basse nappe alluviale de la Seine dans la région du site archéologique de Pincevent (Montereau, Seine‑et‑Marne). Bulletin de l’AFEQ, n^os 17‑18‑19, 1984, 1‑2‑3, p. 45‑51.

208Roblin‑Jouve, Girard 1982 : ROBLIN‑JOUVE (A.), GIRARD (C.). — Le Gisement paléolithique d’Armeau (Yonne) et son environnement. Bulletin de l’AFEQ. n^os 10‑11, 1982, 2‑3, p. 125‑128.

209Rodriguez 1983 : RODRIGUEZ (P.). — La Malacologie appliquée à la préhistoire : analyse du site paléolithique d’Étiolles. (Mémoire de maîtrise, CRP, université de Paris I, 1983. 90 p.).

210Rodriguez 1984 : RODRIGUEZ (P.). — Evolutions climatiques comparées des sites paléolithiques d’Étiolles et des Tarterets en Essonne par l’analyse des mollusques fossiles. (Mémoire de DEA, université de Paris I, 1984).

211Schmider 1971 : SCHMIDER (B.). — Les Industries lithiques du Paléolithique supérieur en Ile‑de‑France. Paris : CNRS, 1971. 218 p., 109 fig. (Suppl. à Gallia Préhistoire ; 6)

212Schmider 1979 : SCHMIDER (B.). — Un Nouveau faciès du Magdalénien final du Bassin parisien. L’industrie du gisement du pré des Forges à Marsangy (Yonne). In : La Fin des temps glaciaires en Europe. Colloque international du CNRS, n^o 271, Talence 1977. Bordeaux : CNRS, 1979, p. 763‑771.

213Schmider 1982 : SCHMIDER (B.). — The Magdalenian culture of the Paris riverbasin and its relationchip with the Nordic cultures of the late Old Stone Age. World Archeology, v. 14, n^o 2. Londres : Routledge et Kegan Paul, 1982, p. 258‑279.

214Schmider 1985 : SCHMIDER (B.). — Le Gisement Paléolithique supérieur des Tarterêts à Corbeil‑Essonnes (Essonne). Gallia Préhistoire, t. 18, 1985, fasc. 2, p. 315‑340.

215Schmider 1987 : SCHMIDER (B.). — Environment and culture in the Seine Basin during the late glacial period. Prace Komisje Archeologiegrej, n^o 5, 1987, Wroclaw, Osslineum.

216Scolari, Vincent 1971 : SCOLARI (G.), VINCENT (P.‑L.). — Carte géologique de la France au 1/50 000, feuille de Sens. Orléans : BRGM, 1971.

217Ters 1969 : TERS ( M.). — Etude sédimentologique des dépôts quaternaires du site de Pincevent. In : Livret‑guide de l’excursion A2 : 8^e congrès de l’INQUA. Paris, 1969, p. 67‑68.

218Toupet 1980 : TOUPET (C.). — L’Enceinte néolithique de Compiègne (Oise) : note préliminaire. In : Préhistoire et Protohistoire en Champagne‑Ardenne : colloque international sur le Néolithique de l’Est de la France. Association d’Études Préhistoriques et Protohistoriques de Champagne‑Ardennes (n^o spécial).

219Tourenq et al. 1978 : TOURENQ (J.). — Étude des minéraux lourds des alluvions actuelles et anciennes des bassins de l’Yonne, du Loing et de la Seine en amont de Paris. Bull. inf. des géol. du Bassin de Paris, vol. 15, n^o 4., p. 23‑33.

220Tricart 1950 : TRICART (J.). — La Partie orientale du Bassin parisien, (thèse impr. SEDES, université de Paris, 1950. 2 vol.).

221Turland, Vincent 1973 : TURLAND (M.), VINCENT (P.‑L.). — Carte géologique de la France au 1/50 000, feuille de Montereau‑Fault‑Yonne. Orléans : BRGM, 1973.

222Vermeersch et al. : VERMEERSCH (P.‑M.), MUNAUT (A.‑V.), HINOUT (J.). — Un Sol d’Usselo d’âge Alleröd à Saponay (Tardenois). Bulletin de l’AFEQ, 1973,1, p. 47‑5I.

223Vincent 1973 : VINCENT (P.‑L.). — Carte géologique de la France au 1/50 000, feuille de Sergines. Orléans : BRGM, 1973.

1.2 Le climat de Pincevent : données issues de l’observation des sédiments

224m. orliac

1.2.1 L’enregistrement des observations

225Les 3 800 m² de limons explorés à Pincevent sont connus par des centaines de mètres de tranchées de prospection, 75 sondages à la tarière à main menés jusqu’à leur substrat et 260 empreintes de coupes au latex, qui conservent l’image la plus fidèle de la stratigraphie.

226Cet enregistrement très complet de la succession des dépôts a permis une restitution très précise de l’évolution de la topographie du gisement : il a également permis de suivre les variations latérales de faciès et d’observer les modifications qui ont affecté les sédiments postérieurement à leur dépôt.

227Nous réservons l’analyse détaillée des données de la stratigraphie pour une autre publication ; il apparaît, ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le souligner, que les caractères des dépôts permettent d’avancer les hypothèses suivantes.

1.2.2 De puissantes débâcles

228La présence fréquente de lentilles de graviers grossiers, au sein des limons magdaléniens, est l’indice d’un gel profond des rivières et de leurs berges ; en effet, le faible courant qui déposait des limons sur les berges de la Seine aurait été incapable de déplacer des graviers ; par ailleurs, la dimension et la structure de leurs amas lenticulaires, qui ont parfois conservé une stratification, exclut leur éventuel transport entre des racines d’arbres : ces graviers se sont échoués sur le gisement lors de la fonte des radeaux de glace qui les transportaient.

229Les rivières charriaient de grandes quantités de ces plaques de glace. Ce signe évident de grandes débâcles conduit à l’hypothèse formulée il y a quelques années par J.‑P. Huot (communication personnelle) d’un engorgement probable de la vallée, un peu en aval, peut‑être à la confluence avec le Loing.

1.2.3 Des crues hautes d’une dizaine de mètres

230A chaque débâcle, un barrage de glace aurait alors fermé un lac, où les eaux de l’Yonne et de la Seine, très chargées de limons, s’accumulaient jusqu’à recouvrir les points les plus hauts du gisement de Pincevent ; la différence extrême d’altitude entre les points les plus hauts et les points les plus bas était, au commencement du dépôt des limons magdaléniens, d’environ 4 m ; les points les plus bas étant situés au minimum entre 4 et 6 m au‑dessus de l’étiage (voir plus bas), les crues atteignaient donc au moins 8 ou 10 m au‑dessus de l’étiage.

231La circulation des eaux, leur montée et leur descente étaient très douces, comme le montre la continuité des dépôts, qui nappent les reliefs sur toute l’étendue du gisement ; les ravinements y sont très rares ; leur amplitude horizontale, souvent de l’ordre du décimètre, peut atteindre localement quelques mètres ; verticalement, les érosions sont d’ampleur centimétrique. En général, les mêmes lits de sédiments se retrouvent sur les points hauts et au fond des dépressions ; dans cette dernière position, ils sont alors plus épais que sur les éminences.

1.2.4 Les arrêts de sédimentation

232La sédimentation s’interrompait au moment du retrait des eaux, comme le prouvent les occupations humaines magdaléniennes. Il n’a pas été possible d’observer, dans le litage, de traces d’arrêt des dépôts autres que celles marquées par l’installation des hommes : quinze sols d’habitat ont ainsi été individualisés ; il y a donc eu au moins autant d’interruptions de sédimentation. Le rythme de découverte de nouveaux sols d’occupation étant directement lié à celui de l’exploration de nouveaux secteurs du gisement, ce nombre est un nombre minimum. Par ailleurs, il est très vraisemblable de supposer que le site a pu être exondé sans recevoir la visite des Magdaléniens.

1.2.5 La régularité des dépôts

233Sur une grande partie du gisement, les couches dont la surface constitue un sol d’occupation, c’est‑à‑dire celles qui marquent avec certitude un arrêt de sédimentation, n’ont pas subi de bioturbation. Ceci signifie que l’interruption de sédimentation n’a pas été assez longue pour que s’installent une flore et une faune susceptibles de perturber les fins litages du limon : c’est particulièrement évident pour les foyers pierreux ou à bordure, à l’abri desquels s’installe toute une faune terricole ; celle‑ci efface très rapidement et profondément le litage aux environs des pierres et sous celles‑ci, comme l’ont montré les observations effectuées sur des foyers expérimentaux installés sur les limons lités. L’absence de bioturbation traduit un recouvrement rapide par de nouveaux dépôts. Ceci est confirmé par l’état de conservation des structures d’habitat et l’absence de traces de mâchonnement de carnivores sur les très nombreux ossements abandonnés à la surface du sol.

234L’ensemble de ces observations conduit à attribuer un rythme assez régulier aux inondations, sans longue interruption de sédimentation, ce qui confère à l’ensemble des dépôts une durée relativement brève, de l’ordre de quelques décennies à un siècle et située à l’intérieur du même cycle climato‑sédimentaire, que les datations désignent comme étant le Dryas II.

1.2.6 Les précipitations

235Le dernier point concerne la nature et l’abondance des précipitations. Il est possible d’en juger grâce à la topographie très mouvementée des limons, propice au travail de l’érosion ; ses effets peuvent être examinés avant, pendant et après le séjour des chasseurs de Renne.

236Sur les pentes les plus fortes, les pluies violentes ouvrent de petites rigoles ; les sédiments mobilisés s’accumulent ensuite dans les dépressions ; ces phénomènes, qui auraient pu se produire entre le retrait des eaux de crue et le séjour des Magdaléniens, sont très rarement observés ; aussi doit‑on en déduire que le climat n’était pas caractérisé par des pluies violentes,

237Comme il sera dit plus bas, les unités d’occupation prennent place en des positions topographiques variées ; certaines d’entre elles sont établies sur de fortes pentes et leurs foyers souvent situés au fond de profondes dépressions ; s’il y avait eu de fortes précipitations, cette situation aurait été incompatible aussi bien avec le fonctionnement des foyers qu’avec la circulation des humains, sur un limon dénudé rendu très glissant.

238Par ailleurs, sur un sol intensivement fréquenté, la répartition verticale des vestiges, en général pelliculaire, ne s’explique que par l’existence d’une assise ferme, bien sèche ; il en serait autrement sur un limon détrempé où le pied s’enfonce jusqu’à la cheville. C’est le cas d’un unique sol d’occupation, en section 26, qui présente des traces de piétinement sur une couche imbibée ; ces traces ont pu être suivies grâce aux déformations d’un lit de granules de craie ; il s’agit d’un bref passage au cours duquel les Magdaléniens ont testé les rognons de silex d’une lentille de graviers abandonnée par un bloc de glace flotté ; il est impossible de dire si ce passage a suivi de peu le retrait des eaux, ou bien une forte averse, ou la fonte des neiges ; mais c’est le seul exemple observé à Pincevent. Partout ailleurs, les Magdaléniens se sont installés sur un sol bien sec, qui l’est resté pendant toute la durée de leur séjour et même après celui‑ci.

239En effet, il n’y a apparemment pas de trace de remaniement postérieur au dépôt des vestiges sur le sol, comme il s’en serait produit à la suite de précipitations sous forme d’averses ; sur les pentes parfois fortes, d’éventuels ravinements auraient provoqué l’accumulation des vestiges les plus ténus (esquilles de silex et petits fragments divers) clans les dépressions, ce qui n’a encore jamais été observé.

1.2.7 Les basses eaux de la Seine

240Un autre indice de la sécheresse qui régnait au moment du passage des Magdaléniens réside dans l’origine de la majorité des matières premières lithiques apportées dans leur campement : plaques et blocs de pierre des foyers, rognons de silex destinés au débitage, boules et cornes de silex, pyrites... tous ces matériaux grossiers proviennent des graviers de fond, au contact de la craie ; ces graviers situés à environ 4 ou 6 m sous la base des limons, ne sont atteints actuellement que par dragage. Leur accessibilité dans les berges lors du séjour des Magdaléniens implique un régime de très basses eaux, correspondant à l’étiage d’un fleuve frayant alors son cours dans des dépôts aujourd’hui profondément enfouis.

1.2.8 Le temps qu’il faisait à Pincevent, au Magdalénien

241Ces observations conduisent à des hypothèses sur les caractéristiques ponctuelles du climat, sur la saison d’installation des chasseurs et la durée de leur séjour.

242Le Renne à lui seul est un indicateur de froid suffisant pour que la présence de blocs de glace sur la Seine ne paraisse pas trop étrange, d’autant plus qu’il ne semble pas nécessaire de remonter même jusqu’au tout récent Petit Âge Glaciaire pour voir notre fleuve entièrement gelé. Toutefois, en dehors des traces manifestes de transport d’amas de graviers par des radeaux de glace, les sédiments ne portent pas la marque de froids très intenses, qui s’y serait imprimée sous forme de fentes de gel et autres cryoturbations.

243La sécheresse qui a prévalu lors de la fréquentation du site correspond plus à une variable saisonnière qu’à une caractéristique du climat ; la puissance des crues qui ont déposé les limons indique plutôt d’abondantes précipitations, probablement sous forme de neige, libérant d’énormes quantités d’eau lors de la fonte. Il est évident que le séjour des chasseurs de Rennes se place avant les chutes de neige ; les traces de leur campement ont sans doute été rapidement enfouies sous la neige jusqu’à la fonte, la débâcle et la crue du printemps.

244L’image qui naît des hypothèses formulées ci‑dessus montre les Magdaléniens s’installant à Pincevent pour un bref séjour à la fin de l’automne ou au début de l’hiver, sur un sol dénudé et bien sec ; le climat était alors frais mais pas très froid, accompagné de précipitations abondantes de neige plus que de pluie.

1.1 La malacologie : contribution à la palécologie et la chronologie des habitats magdaléniens

245p. rodriguez

246Des mollusques continentaux fossiles sont conservés dans les sédiments des gisements magdaléniens du centre du Bassin parisien : Étiolles, Les Tarterets I, Pincevent, Verberie et Marsangy (cf. Roblin‑Jouve, partie 1, article 1.1, fig. 1). Une étude de ces faunes tente de retracer l’évolution climatique et environnementale sur ces différents sites, et de replacer les niveaux archéologiques dans leur contexte écologique. Hormis Les Tarterets, site de versant, ces gisements se placent tous en fond de vallée (Seine, Oise et Yonne). Comme l’a souligné l’étude précédente (cf. Roblin‑Jouve, partie 1, article 1.1), ils forment un ensemble cohérent qui facilite une approche comparative des malacofaunes. Sur la base du cadre chronostratigraphique utilisé par les archéologues pour le Tardiglaciaire (cf. Leroyer, partie 1, article 1.4), cette étude, encore en cours actuellement (Rodriguez 1991), permet déjà de proposer des datations relatives pour les différents sites.

1.3.1 Remarque préliminaire

247L’analyse des mollusques fossiles d’alluvions est toujours délicate.

248D’un côté, un mélange d’individus d’époques différentes, comme ce fut le cas des pollens, est possible en contexte fluvial. Arrachés aux berges fossiles, des mollusques anciens viennent se mêler à des faunes plus récentes. Si une telle pollution a pu avoir lieu lors du dépôt des limons étudiés, elle ne semble pas pourtant avoir profondément marqué la composition des faunes recueillies, les associations rencontrées étant généralement cohérentes.

249De l’autre, la dynamique fluviatile se prête plus ou moins bien à la conservation in situ des malacofaunes. La montée des eaux, en collectant des coquilles sur les rives, constitue un échantillon représentatif non pas d’un biotope ou d’un habitat, mais de l’environnement au sens large. La dérive peut effectuer un tri entraînant une perte sélective de certaines espèces en fonction de leur forme, de leur taille ou de leur résistance face aux chocs (Briggs et al. 1985). Enfin, une fois sédimentée, l’association peut être le jeu d’altérations physiques ou chimiques. Ces différents événements amènent à considérer avec prudence la taphocénose finalement recueillie au tamisage. La prise en compte de tous les restes fossiles, individus entiers ou débris de coquilles (5 fragments sont comptés comme 1 individu), la répétition des prélèvements ainsi que la confrontation des données malacologiques et sédimentologiques permettent une plus grande fiabilité des résultats.

250L’espèce Caecilioïdes acicula Müller a la particularité de s’enfoncer profondément dans la terre et de polluer ainsi les niveaux inférieurs. De plus, il semble qu’elle n’apparaisse que tardivement dans le centre du Bassin parisien, probablement comme en Bourgogne (Puisségur 1979), aux alentours de la conquête romaine. Par précaution, cette espèce n’a donc pas été prise en compte dans l’interprétation des faunes rencontrées.

251La méthode d’analyse est celle proposée par J.‑J. Puisségur (Puisségur 1976a) et nous utiliserons le même mode de représentation graphique des associations, par des spectres figurant la répartition des groupes écologiques au sein de la population (fig. 32).

1.3.2 Les malacofaunes d’Étiolles/Les Coudrays

252L’étude malacologique d’Étiolles/Les Coudrays (cf. Roblin‑Jouve, partie 1, article 1.1 et Coudret et al., partie 2, article 1.1) a porté sur une dizaine de coupes (Rodriguez 1983, 1984) et permet d’entrevoir l’évolution du site sous une succession de périodes climatiques contrastées, attribuables au Tardiglaciaire et au Postglaciaire. Des faunes provenant de sédiments superficiels ont été analysées et apportent des éléments de référence actuelle. En ce qui concerne les limons supérieurs, postérieurs aux niveaux archéologiques, une série (coupe 1) a été retenue pour son caractère représentatif des phénomènes d’alluvionnement et d’érosion en cet endroit de la vallée de la Seine. Enfin, une étude des malacofaunes associées aux niveaux archéologiques (limons magdaléniens) définit plus particulièrement le cadre environnemental des campements magdaléniens et nous amène à nous interroger sur leur impact écologique et la durée de leur occupation.

1.3.2.1 Faunes de référence

253Les malacofaunes observées de part et d’autre du gisement d’Étiolles au sein des horizons superficiels, terre arable ou sol bran, traduisent en de très nombreux points une lisière de forêt soumise à des inondations exceptionnelles et correspondent au paysage actuel en cet endroit de la vallée de la Seine (tabl. ii, fig. 33).

1.3.2.2 Les limons supérieurs

La coupe I‑83

254Cette coupe se situait dans la zone la plus riche en vestiges, en bordure sud‑ouest de la fouille du niveau archéologique S27‑Q31 (1983). Elle permettait d’observer une longue stratification litée présentant un double pendage à la fois vers la Seine et le ruisseau affluent, les Hauldres. Le niveau S27‑Q31 étant le plus récent jusqu’ici mis au jour, cette séquence aurait été mise en place après l’abandon du site par les derniers tailleurs de silex.

255L’échantillonnage a constitué en une colonne de 7 prélèvements de 15 litres chacun. Ils ont livré une succession de faune pauvre en individus mais qui semble d’autant plus significative, que des résultats analogues ont été obtenus en d’autres points du site (Rodriguez 1983).

Description du profil

256De haut en bas, on distingue :

2571 – 0 à 20 cm : limon brun (cf. faunes de références) ;

2582 – 20 à 72 cm : limon beige présentant quelques nodules de calcite en bandes discontinues (prél. 1 et 2) ;

2593 – 72 à 90 cm : limon sableux beige grisâtre à nombreux nodules de calcite ; limite inférieure nette qui présente le pendage sud‑ouest vers le ruisseau et que l’on observe chez les horizons sous‑jacents (prél. 3) ;

2604 – 90 à 92 cm : niveau beige grisâtre argilo‑sableux ;

2615 – 92 à 94 cm : fine lentille sableuse ;

2626 – 94 à 102 cm : limon argileux beige rougeâtre (prél. 4) ;

2637 – 102 à 110 cm : niveau argilo‑sableux gris verdâtre avec nodules de calcite (prél. 5) ;

2648 – 110 à 115 cm : limon beige‑rouge (prél. 6) ;

2659 – 115 à 117 cm : lit sableux verdâtre avec nodules de calcite ;

26610 – 117 à 135 cm : limon beige‑rouge compact (prél. 7) ;

26711 – 135 à 160 cm ; limon beige rougeâtre (prél. 8).

Interprétation chronoclimatique et environnementale

268Le maintien d’une fraction aquatique toujours forte à travers toute la série, s’explique naturellement par la position du site en fond de vallée et l’origine fluviatile des sédiments (tabl, iii. fig. 33). On observe une variation de cette composante mais aussi de la composante terrestre. En accord avec les datations ¹⁴C qui situent les occupations magdaléniennes d’Étiolles autour de 12 500 BP (cf. Valladas, partie 1, 1.5), on peut proposer (ci‑dessous et de bas en haut) une interprétation selon le cadre chrono‑climatique du Würm supérieur utilisé par les archéologues.

269Le prélèvement 8 renferme une faune tempérée (Cepaea sp., Pomalias elegans Müller) où dominent largement mollusques fluviatiles et hygrophiles (liés au milieu aquatique). Elle traduit une prairie humide partiellement buissonneuse et fréquemment inondée. Cette association indique un climat tempéré frais. Contenue dans le limon de débordement qui est venu recouvrir une des plus récentes occupations mises au jour à Étiolles, elle correspondrait à la fin de Bölling.

270Les faunes des prélèvements 7 et 6 sont très appauvries mais, outre l’absence d’éléments forestiers ou semi‑forestiers, comportent une large part de Pupilla muscorum Linné, Trichia hispida Linné et Succinea oblonga Draparnaud qui évoquent l’association à Pupilla muscorum, définie par J.‑J. Puisségur comme caractéristique de la steppe pléniglaciaire (Puisségur 1976a, Lozek 1969). Elles indiqueraient une péjoration climatique et une baisse du régime hydrologique qui correspondrait au Dryas II.

271L’association du prélèvement 5 se marque par une augmentation des mollusques fluviatiles. Avec la reprise des espèces aquatiques, traduisant le retour à des inondations importantes, on pourrait s’attendre à une augmentation de la température se manifestant par l’apparition d’espèces sylvatiques ou semi‑forestières. Ce qui n’est pas le cas, puisque l’on compte peu d’espèces terrestres qui sont encore principalement représentées par Trichia hispida Linné et Pupilla muscorum Linné, témoignant au contraire d’un milieu hostile, entièrement découvert. L’observation du sédiment permet de formuler une hypothèse sur ce phénomène. Il s’agit en effet d’un horizon hydromorphe gris verdâtre, riche en nodules de calcite (niveau 7). Très peu étendu sur le site, il apparaît uniquement en bordure du ruisseau sur une dizaine de mètres, mais des lits de galets roulés ou des coulées de solifluxion marneuse en provenance du plateau lui correspondraient stratigraphiquement plus en retrait. Ces éléments évoquent des conditions climatiques humides qui, en entraînant des crues violentes ou de fortes précipitations, ont pu s’opposer localement à une implantation durable de la végétation. Ces conditions pourraient être relatives au réchauffement de l’Alleröd, épisode fortement humide dont les formations sont très peu représentées dans le centre du Bassin parisien.

272Les faunes pauvres des prélèvements 4 et 3 traduisent une baisse des inondations. La réapparition de Succinea oblonga Draparnaud accompagné de Trichia hispida Linné et Vallonia pulchella Müller indiquerait un climat frais qui peut être attribué à la fin du Tardiglaciaire (Dryas III).

273Les malacofaunes des prélèvements 2 et 1, marquées par l’apparition d’individus forestiers, traduisent le retour à des conditions climatiques plus clémentes, tempérées et humides, qui doivent être rapportées au Postglaciaire.

1.3.2.3 Les limons magdaléniens

274La présence de l’Homme favorise le développement de certaines espèces et nuit à d’autres (piétinement, aménagement de l’espace d’habitat : défrichement, abri, foyer, déchets alimentaires...). Il est donc toujours délicat de prélever directement au sein d’une zone d’intense activité humaine. Cependant, il est apparu intéressant d’observer l’évolution des associations d’un niveau archéologique à l’autre. Une étude des limons magdaléniens a donc été menée de 1984 à 1987, au fil des campagnes qui se sont succédé sur la zone d’exploitation principale et qui ont permis de dégager quatre niveaux d’occupation superposés plus ou moins étroitement. Par ailleurs, les limons magdaléniens déjà analysés en coupe en d’autres points du gisement, moins riches en vestiges et par conséquent, a priori, moins perturbés, offraient des associations de référence. Une douzaine de prélèvements (15 litres) ont été ainsi recueillis lors de ces décapages de sols.

Localisation des échantillons

275Les 12 prélèvements se positionnent de la façon suivante (fig. 3), de bas en haut :
– prél. 12 : entre le niveau inférieur à dalles et le niveau « Cheval » ;
– prél. 10 et 11 : immédiatement au‑dessus du niveau P27 ;
– prél. 9 et 8 : entre le niveau P27 et le niveau « Cheval » sus‑jacent ;
– prél. 7 : constituant probablement le sol naturel du niveau « Cheval » ;
– prél. 6 et 5 : immédiatement sur l’amas « Cheval » ;
– prél. 4 à 1 : entre le niveau « Cheval » et le niveau Q31‑ S27.

Interprétation climatique et environnementale

276Les sédiments associés aux niveaux archéologiques renferment des malacofaunes comparables à celles obtenues à partir des sédiments géologiques contemporains ou à celle du prélèvement 8 de la coupe 183 précédemment décrite (tabl. iv, fig. 33). On peut attribuer toutes ces faunes à une seule phase climatique que les datations¹⁴C permettraient de replacer au Bölling. Il s’agit d’une malacofaune de période tempérée fraîche. Les taxons terrestres se retrouvent pour la plupart de nos jours sur le site, mais les espèces de buissons et surtout les mollusques forestiers sont encore très peu développés. Les espèces aquatiques indiquent une activité fluviale importante.

277Bien que peu abondantes dans l’ensemble, les faunes constituent une série cohérente au sein desquels des faits marquants apparaissent.

278L’abondance des malacofaunes fluviatiles est très variable et traduit l’irrégularité des inondations sur le site. Des fluctuations climatiques mineures (Macaire 1985) ont pu entraîner une modification de l’importance des crues. La grande variation latérale des faciès stratigraphiques, révélant la présence de nombreux pendages inorganisés, a permis d’évoquer un système de chenaux anastomosés (cf. Roblin‑Jouve, partie 1, article 1.1) conditionnant une évolution permanente de la topographie du lit majeur de la Seine, On peut donc formuler l’hypothèse que certains de ces chenaux demeuraient parfois en eau en dehors des crues, en fonction du comblement ou du déblaiement des lits. En accord avec cette hypothèse, il est intéressant de souligner le fait que les faunes les plus riches en composante aquatique coïncident avec une absence d’occupation. La présence régulière d’espèces palustres traduit le maintien d’une certaine humidité en dehors des crues. Bien que possédant une respiration aérienne, ces espèces sont obligatoirement liées au domaine aquatique et se sont développées sur la frange marécageuse du fleuve en période sèche, mais ont pu également coloniser les plans d’eau qui se seraient maintenus.

279Les espèces forestières, absentes jusqu’ici des sédiments tardiglaciaires, font une petite apparition au sein des prélèvements 7 à 4 qui se rapportent au niveau « Cheval », et aux strates sus‑jacentes. La présence de ces mollusques s’accompagne, au moins dans les échantillons 5 à 7, d’une bonne augmentation de la population. On peut évoquer une meilleure conservation des coquilles. Mais on ne peut rejeter l’hypothèse d’un milieu riverain différent, favorisant l’apparition d’une faune plus riche et diversifiée. Le recul des inondations, visible dès l’apparition des mollusques forestiers, en épargnant le site, en stabilisant le terrain, a pu permettre le développement d’une flore plus abondante. Particulièrement riche (417 individus), l’association du prélèvement 5 pourrait traduire le biotope le plus favorable de la série. L’abaissement de l’activité fluviale peut être la conséquence d’un réchauffement du climat : la faune pauvre en espèces fluviatiles du prélèvement 6 marque l’épisode de plus basses eaux et pourrait correspondre à l’optimum climatique de la séquence.

280Les prélèvements 10 et 11 correspondent à un fin placage de limon sur l’amas de silex du niveau P27. Ils sont pratiquement stériles. Cette carence serait liée à des phénomènes physiques ou chimiques postérieurs à leur dépôt : le lessivage de l’amas de silex ayant entraîné la dissolution des tests calcaires ou le ravinement du sol, comme semble l’indiquer le fait que ce limon soit remplacé localement par un épandage de petits galets.

281Ces résultats suggèrent des oscillations climatiques de faible amplitude et de courte durée au sein de Bölling. Rien ne permet de dire s’il s’agissait de phénomènes locaux, régionaux, ou plus généraux.

Impact écologique de l’habitat et durée d’occupation

282Aucun indice de perturbation anthropique n’apparaît dans la succession des malacofaunes associées aux habitats magdaléniens.

283Le prélèvement 6 provient de la fouille fine de l’amas d’ossements de chevaux en P26‑27. La faune malacologique est relativement bien conservée. Elle s’intègre bien dans la série et ne présente aucune singularité que l’on pourrait lier à la concentration des restes animaux. On n’observe pas de prolifération de mollusques nécrophages, par exemple, qui aurait pu signifier un ensevelissement tardif des ossements et il est permis de penser que l’atelier de boucherie a été enfoui peu de temps après le départ des Magdaléniens.

284Le séjour des hommes préhistoriques sur les berges de la Seine n’a pas eu d’influence notable sur la composition de la malacofaune. Les associations de mollusques étudiées restent les mêmes au sein de l’ensemble des limons dits » magdaléniens », qu’elles soient ou non directement associés à des niveaux d’occupation, même étroitement superposés. On aurait pu s’attendre à des modifications liées au piétinement, aux activités au sein de l’aire d’habitat, etc. Or l’impact écologique des Magdaléniens sur leur environnement reste imperceptible. Est‑ce l’indication qu’il fut réellement minime ?

285Cela suggère des campements de courte durée, mais cette appréciation du temps reste relative. Combien de temps est nécessaire à de telles installations pour altérer une faune de façon irréversible et significative ? Si certains horizons correspondent à une seule crue, d’autres représentent un cycle alluvionnaire plus long, impossible à évaluer, recouvrant une période bien plus longue que celle de l’occupation d’un campement.

286La durée de fréquentation du site dans son ensemble dut être suffisamment longue pour voir se modifier le milieu environnant (développement puis disparition d’un espace boisé) sous l’effet probable d’une succession de petites variations de température et d’humidité.

287A l’heure actuelle, nous ne connaissons pas encore les malacofaunes contemporaines des toutes premières occupations d’Étiolles, voire celles antérieures à l’arrivée des premiers tailleurs de silex sur les berges de la Seine. Il faudra attendre la poursuite des fouilles pour en savoir davantage sur l’évolution du milieu au cours de la fréquentation du site et pour pouvoir apporter des éléments sur les premières installations des Magdaléniens.

288L’arrêt de la fréquentation du site par les Magdaléniens, tout du moins en ce qui concerne les zones archéologiques connues, semble coïncider avec la fin du Bölling. A la série des limons « magdaléniens » associés à des faunes tempérées, succèdent brutalement des formations renfermant des associations « froides » de type à Pupilla muscorum. Cette transition soudaine peut sous‑entendre une lacune sédimentaire, et on ne saurait exclure l’hypothèse de phénomènes d’érosion au cours du passage Bölling/Dryas II. Les niveaux d’habitat les plus tardifs, relatifs au Bölling (et au Dryas II ?) ont donc pu être affectés par ces arrachements.

1.3.2.4 Le paysage des Magdaléniens d’Étiolles

289Les malacofaunes rencontrées à travers l’ensemble des échantillons présentent des espèces fluviatiles et des espèces terrestres qui constituent des assemblages caractéristiques des limons de débordement.

290La composante aquatique traduit le rôle très actif de la Seine dans le paysage d’Étiolles qui, par ses crues répétées et généralement abondantes, a non seulement amené des modifications topographiques entraînant probablement l’inaccessibilité momentanée de certaines zones trop humides, mais aussi probablement a conditionné le développement de la végétation de l’ensemble de la plaine alluviale.

291Si on considère que la proportion des mollusques d’eau douce au sein des limons « magdaléniens » s’accroît au fur et à mesure que l’on se rapproche du ruisseau (depuis les sondages effectués à la périphérie du gisement jusqu’à la zone principale présentée dans cet article), il semblerait que celui‑ci n’ait joué qu’un rôle local à l’échelle du site, mais un rôle important. Il apparaît certain qu’il a contribué au déblaiement régulier des alluvions de la Seine, mais aussi qu’il a mis en place ses propres apports, participant à la formation d’un milieu instable, en perpétuelle évolution, peu favorable à une forte végétation.

292La présence des mollusques terrestres est en partie accidentelle. Certains ont colonisé les terres épargnées par les eaux, puis ont été emprisonnés in situ par les alluvions. Mais la plupart ont été probablement récoltés sur les rives avoisinantes lors de la montée des eaux de la Seine, ou flottés depuis l’amont du ruisseau. Les coquilles résistant mal au transport, elles proviennent de biotopes variés mais toujours très proches. Elles reflètent l’environnement au sens large : une prairie humide, buissonneuse ; si des espaces boisés peuvent exister en retrait de la plaine d’inondation, il semble qu’ils ne se développent sur le site que de façon momentanée.

293L’étude des limons d’Étiolles, dont les données qui précèdent constituent une partie, permet de proposer une courbe de l’évolution climatique depuis l’occupation magdalénienne des niveaux d’habitat récemment mis au jour en 1987 jusqu’à l’époque actuelle (fig. 35).

1.3.3 Les malacofaunes d’Étiolles/Le Monastère

294A quelques centaines de mètres en aval de la Seine (cf. Roblin‑Jouve, partie 1, article 1.1, fig. 1), quelques silex taillés ont été recueillis lors d’une tranchée réalisée sur un chantier de travaux publics. Ces pièces, visiblement en place, relèvent d’une industrie proche de celle pratiquée à Étiolles‑les‑Coudrays, mais sont trop peu nombreuses pour permettre une attribution culturelle catégorique. En considérant la position des artefacts dans une formation limoneuse et la situation face à la vallée, il était tentant d’effectuer un rapprochement entre les deux sites et de poser comme hypothèse une attribution de ces vestiges au Magdalénien. Cependant, ces quelques pièces se trouvaient à un niveau topographique surélevé de 3 m par rapport à l’altitude moyenne des niveaux archéologiques d’Étiolles.

295La séquence stratigraphique était constituée par une succession régulière de limons jaunes, lités à la base, et surmontés d’un horizon brun puis d’un horizon humifère au sommet. Elle accusait un léger pendage vers la Seine. L’ensemble est très comparable aux séquences observées sur le site principal d’Étiolles. Les quelques silex taillés sont apparus au sein des limons lités.

296Une analyse malacologique a tenté de replacer les éléments lithiques dans la chronologie d’occupation de la vallée. Deux coupes ont été échantillonnées. Les 11 prélèvements (10 litres chacun) ont livré une faune suffisante pour permettre une interprétation pertinente.

Stratigraphie

297Coupe I (NE‑SW) présentant le pendage vers la Seine :
– 0–20 cm : terre arable (prél, 6) ;
– 20–50 cm : limon brun , limites inférieures irrégulières (prél. 5) ;
– 50–140 cm : limons jaunes homogènes (prél. 4 et 3) ;
– 140–190 cm : limons jaunes lités (prél. 2) ;
– 190–191 cm : petit lit de galets fluviatiles de très faible calibre ;
– 191–215 cm : limons jaunes lités rappelant les précédents (prél. 1).

298Coupe II (NW‑SE) :
– 0–25 cm : terre arable (prél. 11) ;
– 25–70 cm : limon brun ; limites inférieures irrégulières (prél. 10) ;
– 70–100 cm : limons jaunes homogènes (prél. 9) ;
– 100–185 cm : limons jaunes lités ; à ‑ 160 des éléments d’industrie (prél. 8 et 7).

Interprétation climatique et environnementale

299tabl. v, fig. 36

300La faune des limons jaunes lités (prél. 1, 2, 7, 8) traduit des conditions écologiques difficiles. Les mollusques sont peu nombreux, et correspondent à un nombre restreint d’espèces. Ils composent une association à Pupilla muscorum (Puisségur 1976b) où cette espèce est très largement dominante. Elle est accompagnée principalement de Trichia hispida Linné puis de Succinea oblonga Draparnaud qui indiquent le maintien d’une certaine humidité. Les inondations sont peu importantes. Le paysage correspond à une prairie humide sous un climat relativement froid. C’est dans cet environnement que se seraient trouvés les Magdaléniens.

301La faune des limons jaunes est encore peu nombreuse. Alors que le sédiment est homogène, on note une nette évolution depuis la base jusqu’au sommet. En effet, et clans un premier temps, la faunule du prélèvement 3 semble indiquer un assèchement du climat avec l’apparition de mollusques steppiques (Candidula unifasciata Poiret) et le recul de Trichia hispida Linné et de Succinea oblonga Draparnaud. Puis, la faune des prélèvements 4 et 9 marque un réchauffement avec l’apparition d’espèces forestières et le développement des semi‑forestières. Corrélativement, on observe alors une diminution de Pupilla muscorum Linné. Le développement de Trichia hispida Linné, au caractère mésophile, indiquerait la bonne humidité du terrain et le déséquilibre du milieu. Les limons jaunes correspondraient donc à une période de transition climatique.

302Le limon brun a livré une faune abondante et variée présentant un grand nombre de Pomatias elegans Linné, d’Helicellidés et de Vallonia pulchella Müller (prél. 5 et 10). Il s’agit d’une association de prairie buissonneuse en lisière de forêt, sous un climat tempéré. La présence de quelques mollusques d’eau douce traduit des crues très exceptionnelles.

303La terre arable a fourni des faunes relativement riches. Celle du prélèvement 6 est très proche des précédentes mais on note un léger retrait des espèces semi‑forestières qui pourrait traduire l’anthropisation moderne du site. Le fort développement de Trichia hispida Linné dans celle du prélèvement 11 indiquerait également une perturbation du milieu. Ces faunes correspondent bien au paysage actuel en lisière de forêt

Interprétation chronologique

304L’étude diachronique des mollusques d’Étiolles/Le Monastère donne peu d’éléments sur la datation des limons lités renfermant les pièces d’industrie. Ils contiennent une faune froide et humide (association à Pupilla muscorum) que l’on peut replacer au Tardiglaciaire mais dont la position chronologique n’est pas évidente.

305Les faunes des limons bruns doivent être rapportées au Postglaciaire. Doit‑on alors considérer la séquence limons bruns/limons jaunes/limons lités comme un ensemble sédimentaire complet correspondant au passage Tardi‑Postglaciaire, l’association à Pupilla muscorum pouvant être replacée au Dryas III (Diyas récent) ? Ou faut‑il envisager des lacunes sédimentaires, notamment entre les limons jaunes et les limons lités ?

306La comparaison entre les deux sites d’Étiolles apporte des éléments de réflexion. On peut rapprocher la nature des limons lités du Monastère de celle de la base des limons supérieurs d’Étiolles/Les Coudrays, bien que le toit de ces derniers se place à un niveau topographique inférieur de près de 2 m. On y retrouve par ailleurs, de part et d’autre, la même faune à Pupilla muscorum.

307Si on retient une attribution au Dryas II pour les faunes « froides » conservées à proximité du ru des Hauldres sur le site magdalénien, dans des horizons immédiatement postérieurs aux niveaux d’habitat relatifs au Bölling, il est tentant de replacer les faunes des limons lités du Monastère au cours de la même période. C’est‑à‑dire que les vestiges recueillis au Monastère correspondraient à un moment où le site magdalénien était déjà abandonné, quelques centaines de mètres plus loin. On ne peut s’empêcher d’imaginer que les deux sites ont vu le passage des mêmes Magdaléniens contraints à se déplacer par une modification du milieu lors de la mise en place d’un climat plus rigoureux,

1.3.4 Les malacofaunes du Buisson Campin à Verberie

308La séquence stratigraphique en place sur le gisement magdalénien de Verberie est extrêmement restreinte puisque les niveaux archéologiques reposent sous une faible épaisseur de limon immédiatement surmontée par la couche de terre arable (cf. Roblin‑Jouve, partie 1, article 1.1). Lors d’une première approche, trois échantillons furent recueillis mais ont livré des faunes très pauvres. L’interprétation est donc très limitée (tabl. vi).

309Il faut noter que la faunule associée aux vestiges magdaléniens (prél. 1) présente essentiellement des espèces de terrain découvert, parmi lesquelles Pupilla muscorum Linné et Trichia hispida Linné, qui évoquent des conditions de vie difficiles en accord avec la datation retenue (cf. Valladas, partie 1, article 1.5) plaçant l’occupation magdalénienne au Dryas II. La faune postérieure aux niveaux archéologiques indiquerait une légère amélioration climatique avec l’apparition de mollusques forestiers et la présence d’espèces xérophiles liées à une période sèche. Les éléments aquatiques traduisent des inondations peu importantes (prél. 2). Le prélèvement 3 correspond à l’environnement actuel et subactuel avec une population de lisière de forêt soumise à des crues exceptionnelles.

1.3.5 Les malacofaunes de Pincevent

310La séquence de Pincevent qui renferme les niveaux d’habitat magdaléniens (cf. Roblin‑Jouve, partie 1, article 1.1) a fait l’objet à plusieurs reprises d’échantillonnages malacologiques (Puisségur 1966 ; Puisségur, André non publié ; Limondin 1983 ; Rodriguez 1991). Si la majorité des prélèvements est restée stérile, certaines séries ont néanmoins fourni des faunes intéressantes.

Coupe 1

311Section 17‑061, une succession de limons lités (limons « magdaléniens » IV), surmontant des sables grossiers attribués au niveau V, a fait l’objet de huit prélèvements (fig. 37). Seuls trois d’entre eux (prél. 6 à 8), correspondant aux limons associés aux niveaux IV30 et IV40 de Pincevent, ont permis de recueillir des coquilles. Peu nombreuses, leur interprétation est délicate (tabl. vii). Cependant on note la prépondérance de Succinea oblonga Draparnaud. Ce petit mollusque hygrophile niche communément à proximité de plans d’eau, sur les rives inondables des rivières. Avec les espèces qui l’accompagnent (Trichia hispida Linné, Vallonia costata Müller, Pupilla muscorum Linné, Limax sp.), ils traduiraient ici un épisode froid humide (froid non sévère).

Coupe 2

312Section 18‑G74 : une succession de limons lités, associés aux niveaux IV21, IV30 et IV40, a fait l’objet de 3 prélèvements (fig. 37) (Limondin 1983). Ils ont fourni des malacofaunes plus riches que celles de la coupe précédente (tabl. vii, fig. 38). Les faunes peuvent être interprétées comme suit (de bas en haut) :
– prél. 3 : l’association est pauvre, composée essentiellement de Succinea oblonga Draparnaud (99 %) ; la prépondérance de cette espèce indique un climat humide et froid, mais non très froid : le paysage est découvert ;
– prél. 2 : la faune rappelle la précédente mais Succinea oblonga Draparnaud ne représente plus que 90 % des individus, indiquant une légère amélioration climatique soulignée par la présence de Vallonia costata Müller et Pomatias elegans Müller :
– prél. 1 : Succinea oblonga Draparnaud est beaucoup moins présent ; ce recul, face au développement de Vallonia costata Müller et à l’apparition de Candidula unifasciata Poiret, espèce xérophile, traduit un épisode plus sec ; Discus rotundatus Müller et Pomatias elegans Müller confirme l’évolution du climat vers un radoucissement.

313Ces faunes froides sont assez proches de celles recueillies dans les limons III associées à des éléments mésolithiques, où l’on retrouve surtout Trichia hispida Linné, Pupilla muscorum Linné et Vallonia costata Müller) (André, Puisségur non publié ; Puisségur 1966). Cette faune pourrait être attribuée au Dryas III.

314Les limons II et I, néolithiques et protohistoriques, ont fourni des faunes (tabl. vii, fig. 38) holocènes, de terrains très largement découverts, qui montrent l’anthropisation du site (Puisségur 1966).

1.3.5.1 Le paysage des Magdaléniens de Pincevent

315La présence de mollusques dans les limons IV associés aux niveaux d’habitat magdaléniens est très aléatoire, plusieurs échantillons étant pratiquement stériles. L’ensemble des malacofaunes recueillies est faible compte tenu de la quantité de sédiment prélevée relativement importante (492 individus pour plus de 250 litres).

316Ce phénomène peut résulter de variations de la dynamique alluvionnaire, mais être aussi la conséquence d’un milieu instable et inhospitalier présentant néanmoins quelques stations favorables. Le terrain aurait été très largement dénudé par les crues et les mollusques auraient trouvé refuge dans une végétation très peu développée, une herbe rare et quelques buissons isolés. Particulièrement adaptée à ces conditions, seule Succinea oblonga Draparnaud se serait développée aisément. Cette interprétation rejoint en partie les conclusions de l’analyse micro‑stratigraphique (Baffier et al. 1988).

317Le très faible nombre de mollusques d’eau douce peu surprendre au sein d’alluvions (Valvata piscinalis Müller et Pisidlum sp.). Il indiquerait des crues de courte durée. En un seul niveau, J.‑J. Puisségur (1966) signale d’abondants spécimens de Radix peregra Draparnaud particulièrement bien conservés ; ceci suppose une dynamique douce de sédimentation, la coquille de cet animal étant fragile.

318L’analyse du niveau IV associe donc les occupations magdaléniennes de Pincevent à une association largement composée de Succinea oblonga Draparnaud accompagné de Pupilla muscorum Linné, Trichia hispida Linné, Vallonia costata Müller et Limax sp. Il s’agit d’une faune relativement froide, hygrophile, l’humidité étant due en grande partie à la position du site en fond de vallée sur des rives inondables. Cette association peut être considérée comme équivalente à l’association à Pupilla muscorum Linné décrite précédemment et dont elle serait une variante liée localement à des conditions d’exceptionnelle humidité. J.‑J. Puisségur remarque par ailleurs que la proportion de cette espèce Succinea oblonga Draparnaud clans les faunes würmiennes de la région parisienne tendrait à s’accroître pendant la fin du Tardiglaciaire (communication orale). La présence aléatoire de cette faune à travers les limons IV serait la conséquence d’un milieu rendu instable par l’action répétée des crues. Le climat est froid mais non très froid, et accuse en sommet de série un réchauffement (prél. 1 coupe II).

319Ces données correspondent aux datations ¹⁴C (cf. Valladas, partie 1, article 1.5) qui placent l’occupation magdalénienne de Pincevent pendant le Dryas II, selon la chronostratigraphie du Tardiglaciaire que nous avons adoptée. L’évolution de la faune des limons IV indique un adoucissement du climat qui peut être l’indice annonciateur d’Alleröd.

1.3.6 Les malacofaunes du Pré des Forges à Marsangy

320En 1978, J.‑J. Puisségur effectua une analyse malacologique du gisement magdalénien du Pré des Forges (Puisségur 1979) à Marsangy, au nord de Sens (cf. Schmider, partie 2, article 1.2). En contrebas du plateau du Sénonais, le gisement est placé en bordure de l’Yonne à proximité de la confluence de deux ruisseaux. Les vestiges de l’occupation paléolithique sont conservés au sein d’une séquence de limons qui permit de recueillir 9 échantillons.

321Grâce à la comparaison des résultats obtenus alors avec les données que nous avons recueillies lors de l’étude des autres gisements magdaléniens du centre du Bassin parisien, une datation relative du niveau d’habitat préhistorique peut alors être proposée.

Stratigraphie

322Selon les observations faites par J.‑J. Puisségur (1978), on pouvait observer sous la couche de terre végétale la succession suivante :

323– 0–15 cm : horizon B (prél. 1) ;

324– 15–30 cm : horizon brun foncé, argileux ; vestiges Hallstattiens (prél. 2) ;

325– 30–50 cm : horizon brun (prél. 3) ;

326– 50–70 cm : horizon brun clair (prél. 4) ;

327– 70–90 cm : lœss argileux ; quelques éléments lithiques magdaléniens (prél. 5) ;

328– 90–110 cm : lœss argileux avec marbrures brunâtres ; correspond au sol d’habitat préhistorique (prél. 6) ;

329– 110–130 cm : lœss argileux avec marbrures brunâtres présentant de rares vestiges archéologiques (prél. 7) ;

330– 130–150 cm : lœss argileux avec marbrures brunâtres ; présence de nodules de calcite (prél. 8) ;

331– 150–170 cm : lœss argileux avec marbrures brunâtres ; nodules de calcite plus nombreux ; présence de quelques graviers fluviatiles (prél. 9).

332Les prélèvements ont permis de recueillir une faune relativement abondante pour permettre une interprétation pertinente.

Interprétation climatique et environnementale

333L’évolution des faunes semble indiquer qu’il n’y a pas eu de changement brusque clans les conditions de vie (tabl. viii, fig. 39). Toutefois, la prépondérance des espèces de terrain découvert, principalement Vallonia pulchella Müller (54,81 %), et le recul des espèces forestières et semi‑forestières dans l’horizon B (prél. 1), peuvent résulter d’une mise en culture généralisée du site.

334L’humidité est décroissante depuis les niveaux inférieurs 9 à 6, puis se maintient de 6 à 1 ; la présence continue de Trichia hispida Linné est liée à la position basse du gisement dans la plaine alluviale qui lui confère cette grande humidité.

335Prél. 6 à 9 : on observe à la fois peu d’individus et d’espèces. Il s’agit d’une association largement composée de Pupilla muscorum Linné accompagnée principalement de Vallonia pulchella Müller, Vallonia costata Mülller et Trichia hispida Linné. Il s’agit du type d’association dite à « Pupilla muscorum » qui suppose une température moyenne annuelle très faible avec de grands écarts saisonniers et caractérise la steppe lœssique glaciaire. Il faut remarquer la présence de Columella columella Martens, espèce jugée très « froide », dans les prélèvements 6 et 7. Ces niveaux qui renferment le sol d’habitat préhistoriques se placeraient donc au maximum de froid de la série. Le climat est froid, mais un froid peu prononcé car Vallonia ne résiste pas aux températures très basses. Au fur et à mesure que décroît l’humidité, l’importance de Succinea oblonga Draparnaud diminue tandis que se développe Pupilla muscorum Linné marquant un froid sec. Le paysage est celui d’une prairie humide soumise à des inondations exceptionnelles.

336Prél. 5 à 1 : les crues sont très exceptionnelles. L’apparition de mollusques forestiers et semi‑forestiers traduit la proximité d’une forêt ou la présence de buissons et de bosquets d’arbres isolés. Le climat est tempéré. Le prélèvement 1 semble correspondre à une anthropisation du site.

Interprétation chronologique

337Les niveaux archéologiques correspondent donc à une période de froid peu intense (présence de Vallonia).

338Aucune lacune n’apparaît dans la stratigraphie entre les niveaux 9 à 6 attribuables au Tardiglaciaire et les niveaux 5 à 1 holocènes, de même que les faunes restent cohérentes sur toute la série. Peut‑on alors replacer l’occupation magdalénienne de Marsangy au Dryas III, en considérant la présence de la faune froide à Pupilla muscorum ?

339Doit‑on au contraire rapporter les habitations préhistoriques au Dryas II et supposer que le sol d’Alleröd a été entièrement démantelé ? J.‑J. Puisségur a émis l’hypothèse que la présence de nombreux nodules de calcite au sein des horizons 8 et 9 pouvait traduire le lessivage de ce sol (Puisségur 1979).

340Si les dates ¹⁴C les plus jeunes (11 600 BP, 9 970 BP) et la présence du Cerf dans les restes osseux peuvent suggérer une occupation magdalénienne de Marsangy pendant l’interstade d’Alleröd (Schmider 1988), cette malacofaune froide de type à « Pupilla muscorum » semble un argument en faveur des dates ¹⁴C les plus anciennes (12 200 BP) plaçant cette occupation au Dryas II (cf. Valladas, partie 1, article 1.5).

1.3.7 Les malacofaunes des Tarterets I à Corbeil‑Essonnes

341Le gisement paléolithique des Tarterets I se situe à 1 km au nord de Corbeil. A l’altitude de 47 m environ sur la rive gauche de la vallée de la Seine, il se place en contrebas du rebord escarpé du plateau de Hurepoix. Il fait pratiquement face au site d’Étiolles placé sur la rive droite de la Seine.

342Lors de la fouille menée en 1969 puis en 1970 (Schmider, Karlin 1975), une stratigraphie complexe fut observée. Il s’agissait d’un ensemble incliné du nord au sud, composé d’un imposant placage de limons reposant sur des éboulis de plateau qui comblèrent un petit vallon transversal au versant. Il fit l’objet d’une analyse sédimentologique effectuée par J.‑P. Michel (1972). Trois niveaux archéologiques sont apparus au sein de cet ensemble : à la base, dans un cailloutis profond, une couche à industrie du Paléolithique moyen et une couche à industrie du Paléolithique supérieur. Au sommet, dans un paléosol brun, le sol d’habitat magdalénien fouillé sous la direction de B. Schmider (cf. partie 2, article 2.1).

343Le site a miraculeusement échappé à l’urbanisation. Il est aujourd’hui en partie recouvert par le remblai d’une voie rapide. En 1984, trois sondages profonds ont été effectués tous les 10 m, le long d’un axe ouest‑est. Nous avons pu reconnaître la stratigraphie observée lors de la fouille et repérer le niveau archéologique supérieur. Trois séries de prélèvements malacologiques (15 litres chacun) ont été analysés (Rodriguez 1984). Seule la première coupe est présentée ici.

Coupe I‑84 (EW)

Description du profil

344De haut en bas :
– 0–25 cm : sol brun ; limite inférieure diffuse (prél. 7) ;
– 25–155 cm : paléosol brun‑rouge, sablo‑argileux, qui correspond au Lehm décrit par J.‑P. Michel (1972) ; limites inférieurs irrégulières ; niveau à industrie (prél. 6 et 5) ;
– 155–185 cm : limon beige sableux (prél. 4) ;
– 185–260 cm : colluvions limoneuses litées, beiges (prél. 3 et 2) ;
– 260–280 cm : sable limoneux beige (prél. 1) ;
– 280 cm : cailloutis calcaire associé à des vestiges du Paléolithique moyen et supérieur.

Interprétation climatique et environnementale

345tabl. ix, fig. 40

346De bas en haut :

347– prél. 1 : les mollusques sont mal conservés ; la présence d’espèces aquatiques et palustres traduit une situation de berge ; le ruisseau affluent inondait le site de temps à autre ; on remarque quelques rares espèces de buissons, mais très mal représentées, indiquant un milieu peu favorable ; par contre, les espèces mésophiles, peu exigeantes et qui s’adaptent aux variations du milieu, représentent une part importante de la population ; il s’agit principalement de Trichia hispida Linné qui est très prolifique surtout en contexte humide qu’il affectionne ; cette faune indiquerait des conditions de vie instable : une prairie humide, sous un climat frais ;

348– prél. 2 : l’association est très proche de la précédente et suggère une continuité sédimentaire ; il faut noter la présence d’un individu forestier (Aegopiriella nilidula Draparnaud) ;

349– prél. 3 : la faune est mieux conservée ; on observe un grand changement avec la présence de l’association à Pupilla muscorum, qui se trouve souvent associée à des formations fines en période froide ; accompagné principalement de Trichia hispida Linné (11 %) et Succinea oblonga Draparnaud (8,5 %), la prédominance de Pupilla muscorum Linné (72 %) indique un froid assez marqué ; le paysage steppique est soumis à de rares inondations : les faunes des prélèvements 2 et 3 sont différentes mais proviennent du même ensemble de colluvions ;

350– prél. 4 : on observe de nouveau un grand changement avec la prédominance de Succinea oblonga Draparnaud qui représente 84 % de la population ; cette espèce hygrophile, affectionnant les terrains découverts inondables, supporte des températures relativement basses mais non extrêmes ; elle traduirait ici des conditions de vie difficiles mais un froid peu intense ;

351– prél. 5 : cette association marque une rupture assez brutale et laisse supposer une lacune sédimentaire ; on observe une chute démographique importante et une variation radicale de l’association ; il faut remarquer la présence d’espèces forestières, semi‑forestières et xérophiles indiquant un climat tempéré ; cette faunule correspond à la base du niveau archéologique ;

352– prél. 6 : la faune est bien conservée ; l’abondance des espèces semi‑forestières (52 %) traduit des conditions climatiques tempérées et un paysage de lisière de forêt ou un espace très buissonneux ; Pomatias elegans Linné qui affectionne les versants est abondamment représenté ; des mollusques xérophiles apparaissent (Cochlicopa lubricella Porro, Monacha cartusiana Müller) ;

353– prél. 7 : cette faune traduit des conditions écologiques très proches des conditions actuelles hormis la présence d’un cours d’eau aujourd’hui disparu. La. végétation de buissons marque un léger recul.

354L’analyse d’une seconde coupe (coupe 3) aux Tarterets I (Rodriguez 1984), à quelques mètres de la précédente, a permis d’observer des faunes nouvelles ou différentes, hormis pour la partie supérieure de la séquence sédimentaire (paléosol et sol brun).

355L’étude du cailloutis de base a livré une faune relativement abondante, riche en Helicella ericetorum Müller (prélèvement Ibis, tabl. ix, fig. 40). Il s’agit d’une association interglaciaire traduisant un milieu découvert. Quelques éléments forestiers et semi‑forestiers indiqueraient la présence d’une faible végétation. La valeur indicatrice est douteuse compte tenu qu’elle apparaît dans une loupe de solifluxion.

356Sur cette seconde coupe, contrairement à ce que nous avons observé plus haut (prél. 2), les colluvions ont fourni une faune tout à fait comparable à cette association riche en Helicella ericetorum Müller.

357Enfin, le limon sableux a fourni des faunes pauvres où Tricbia bispida Linné dominant est accompagné par ordre d’importance de Succinea oblonga Draparnaud et de Pupilla muscorum Linné. Il s’agit d’une association froide à Pupilla muscorum, mais sous une forme peu marquée traduisant des conditions de froid peu rigoureuses.

358La succession des associations rencontrées aux Tarterets souligne la complexité de la séquence sédimentaire et indique le rôle important des phénomènes de ravinements et de reprises, événements évoqués par J.‑P. Michel (1972).

Interprétation chronologique

359La séquence des Tarterets I constitue un complexe sédimentaire rare dans le centre du Bassin parisien. La présence au sein du cailloutis profond d’éléments d’industrie du Paléolithique supérieur, non datés, offre un indice chronologique : ils permettent de caler la base de la séquence comme postérieure à l’interstade d’Engelo, selon A. Roblin‑Jouve (cf. partie 1, article 1.1), vers 39 000 BP. Par la suite, les limons supérieurs se seraient mis en place durant la seconde moitié du Würm. La discontinuité sédimentaire ne permet pas de proposer une chronostratigraphie pour l’ensemble de ces dépôts de limons à partir des faunes malacologiques. A la base, la présence de l’association pléniglaciaire à Pupilla muscorum (prél. 3), bien caractérisée, n’est pas un marqueur chronologique.

360Le dépôt de ces limons a pu s’effectuer jusqu’au Tardiglaciaire. Au sommet, l’association à Pupilla muscorum ou la présence d’une faune essentiellement constituée par Succinea oblonga Draparnaud sont compatibles avec les données que l’on possède actuellement sur cette période dans le centre du Bassin parisien.

361Le niveau d’habitat magdalénien cale quant à lui le dépôt des limons pédogénéïsés au Tardiglaciaire (paléosol brun‑rouge), au moins dans sa partie inférieure. Il est associé à des éléments malacologiques tempérés et correspondrait donc à un interstade.

362Le sommet du paléosol renferme une faune tempérée, riche en Pomatias elegans Linné et présentant des éléments xérophiles, qui évoque des conditions postglaciaires. En l’absence d’éléments de datation, le manque de référence régionale sur la biostratigraphie des mollusques ne permet pas de rejeter définitivement l’hypothèse d’un dépôt lors d’un interstade tardiglaciaire.

363Aucun élément ne permet de dater la pédogenèse elle‑même. Est‑elle tardiglaciaire ou postglaciaire ?

364En accord avec les données de la malacologie, la connaissance actuelle du peuplement magdalénien final du centre du Bassin parisien semble favoriser l’hypothèse d’une occupation des Tarterets I au cours du Bölling, c’est‑à‑dire au cours de la même phase climatique qui voit l’installation, de l’autre côté de la Seine, des Préhistoriques d’Étiolles.

1.3.8 Paysage et chronologie des habitats de plein air du centre du Bassin parisien

365Tandis que la palynologie fait défaut, plus du fait de la dynamique fluviatile responsable d’un mélange de pollens tertiaires et quaternaires que de problèmes de conservation (cf. Leroyer, partie 1, article 1.4), la malacologie revêt une importance particulière dans l’étude des sites magdaléniens de fond de vallée du Bassin parisien en apportant des informations nouvelles sur le contexte écologique des habitats, et fournissant des éléments de datation relative.

366D’une part, on observe les habitats liés à des malacofaunes tempérées (fig. 41), indiquant cependant un environnement peu boisé. Il s’agit des niveaux magdaléniens d’Étiolles. La confluence de la Seine et du ruisseau des Hauldres sur laquelle s’installèrent régulièrement les Préhistoriques est largement soumise à des inondations répétées, probablement parfois de longue durée, qui se seraient opposées au développement de la végétation. L’évolution de la topographie, le maintien de plans d’eau en période de basses eaux, ont amené les Magdaléniens a déplacer leur campement d’un passage à l’autre, mais cet espace dégagé en bordure de rivière présentait toujours un terrain favorable. En accord avec les datations ¹⁴C, on peut replacer les habitats d’Étiolles au cours du Bölling.

367Sur le versant opposé, les Magdaléniens des Tarterets se sont installés dans un petit vallon encore en activité mais aujourd’hui comblé, dans un paysage qui paraît avoir été plus buissonneux qu’à Étiolles. Il semble que l’on puisse replacer cette installation au cours de la même phase climatique, le Bölling.

368D’autre part, on retrouve les sites d’habitat magdaléniens auxquels furent associés des faunes froides (fig. 41) qui traduisent des environnements découverts : Pincevent/La Grande‑Paroisse, Le Pré des Forges/Marsangy. Il s’agit d’une association où domine Succinea oblonga Draparnaud, liée à des terrains fréquemment inondés ou de l’association steppique à Pupilla muscorum (Puisségur 1976a et b ; Lozek 1969).

369L’examen de formations lœssiques, à Michery, à Sergines ou à La Maladrerie (Seine‑et‑Marne), a permis à J.‑J. Puisségur (in Turland, Vincent 1973 ; in Lautridou 1985) d’observer le même type d’association à Pupilla muscorum. Il n’existe pas d’éléments de datation absolue, mais, selon les auteurs, il est possible que certaines de ces formations puissent être rapportées au Tardiglaciaire.

370Les données archéologiques permettent de replacer ces faunes froides au cours du Dryas II au Pré des Forges/Marsangy et à Pincevent/La Grande‑Paroisse. L’étude de ce dernier site laisse penser que l’on retrouverait également ce type de faune à la fin du Tardiglaciaire (Dryas III). A Verberie, en revanche, les rares mollusques sont peu significatifs. Enfin, à Étiolles, ces faunes froides marquent l’arrêt des nappes de vestiges mais nous ne possédons pas d’information indiquant si l’abandon du site a eu lieu au Bölling ou par la suite, alors que le refroidissement climatique du Dryas II était déjà engagé. Des vestiges paléolithiques ont bien été retrouvés dans ce contexte de faune froide tardiglaciaire, mais en dehors du gisement, à quelques centaines de mètres, et la relation entre les deux sites n’est pas établie.

371Cette étude a permis de caractériser sur chaque site les différentes étapes sédimentaires et de proposer un bilan chrono‑climatique en accord avec les données de la sédimentologie (cf. Roblin‑Jouve, partie 1, article 1.1) et les éléments de datation, industries et données isotopiques (cf. Valladas, partie 1, article 1.5). Malheureusement, les séquences stratigraphiques sont très inégales d’un site à l’autre, et jusqu’ici, aucun ensemble complet n’a été rencontré pour le Tardiglaciaire. Les phénomènes de remaniements ou les lacunes sédimentaires sont très nombreux en contexte alluvial et il faut poursuivre les observations pour dresser la biostratigraphie des mollusques tardiglaciaires dans le centre du Bassin parisien.

Bibliographie

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377Lozek 1969 : LOZEK (V.). — Les Loess et les formations assimilées : corrélation entre l’Europe centrale et la France par la faune des mollusques. In : Etudes sur le Quaternaire dans le monde : VIII^e congrès de l’INQUA, t. 2. Paris, 1969, p. 597‑606.

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381Puisségur 1976a : PUISSÉGUR (J.‑J.). — Mollusques continentaux quaternaires de Bourgogne. (Doctorat d’État, université de Dijon, Institut des Sciences de la Terre, 1976. 241 p.).

382Puisségur 1976b : PUISSÉGUR (J.‑J.). — Les Mollusques terrestres du domaine paléarctique. In : La Préhistoire française, t. 1. Paris : CNRS, 1976, p. 444‑446.

383Puisségur 1979 : PUISSÉGUR (J.‑J.). — Marsangy 1978, analyse malacologique. Société archéologique de Sens, fasc. 23, 1979, p. 22‑24.

384Rodriguez 1983 : RODRIGUEZ (P.). — La Malacologie appliquée à la préhistoire : analyse du site paléolithique d’Étiolles. (Mémoire de maîtrise, CRP, université de Paris I, 1983. 90 p.).

385Rodriguez 1984 : RODRIGUEZ (P.). — Evolutions climatiques comparées des sites paléolithiques d’Étiolles et des Tarterets en Essonne par l’analyse des mollusques fossiles. (Mémoire de DEA, université de Paris I, 1984).

386Rodriguez 1991 : RODRIGUEZ (P.). — Mollusques de fond de vallée : chronologie et paysages du Tardiglaciaire et du Postglaciaire dans le centre du Bassin parisien. Étude de sites archéologiques du centre du Bassin parisien. (Thèse de l’université de Paris I, 1991. 450 p.).

387Rodriguez et al. 1991 : RODRIGUEZ (P.), ROBLIN‑JOUVE (A.), SCHMIDER (A.). — Nouveaux éléments chronostratigraphiques aux Tarterets I. BSPF, t. 88, 3, 1991, p. 86‑90.

388Schmider, Karlin 1975 : SCHMIDER (B.), KARLIN (C.). — Le Gisement Paléolithique supérieur des Tarterets à Corbeil‑Essonnes (Essonne). Gallia Préhistoire, t. 18, fasc. 2, 1975, p. 315‑357.

389Schmider 1988 : SCHMIDER (B.). — Les Industries lithiques du Centre du Bassin parisien au Paléolithique récent : essai de chronologie. In : OTTE (M.) ed. — De la Loire à l’Oder. Les civilisations du Paléolithique final dans le nord‑ouest européen. Actes du Colloque UISPP, commission 8, Liège 1985, vol. I, p. 1‑11. Oxford : 1988 (BAR, International series ; 444).

390Turland, Vincent 1973 : TURLAND ( M.), VINCENT (P.‑L.). — Carte géologique de la France au 1/50 000, feuille de Montereau‑Fault‑Yonne. Orléans : BRGM, 1973.

1.1 Le paysage végétal au tardiglaciaire : apport de la palynologie

391c. leroyer

392La démarche ethno‑préhistorique appliquée à l’étude des campements magdaléniens du centre du Bassin parisien nécessite la connaissance du paléo‑environnement végétal. Cette information apportée notamment par les études palynologiques permet, en effet, de cerner par les associations polliniques mises en évidence, les conditions paléo‑écologiques propres à chaque habitat. Ainsi peut‑on appréhender d’éventuels critères de choix d’installation dans un milieu particulier.

393Les données polliniques peuvent également participer à une étude pluridisciplinaire de la dynamique fluviatile durant une période importante de variation de régime hydrique de la Seine. Enfin, toute analyse palynologique contribue à la reconstitution de l’histoire de la végétation ; les différents gisements se trouvent, de ce fait, intégrés dans le système chronostratigraphique du Tardiglaciaire.

1.4.1 L’étude palynologique des habitats magdaléniens

394Des travaux palynologiques ont été réalisés sur chacun des sites. Ainsi Arl. Leroi‑Gourhan, M. Girard, A. Barbier, R. Vanhoorne et Ch Leroyer ont‑ils analysé les sédiments de Pincevent, Étiolles, Marsangy ou Verberie. Malheureusement, ces études se sont toutes révélées négatives mais ce, pour diverses raisons.

395Les sédiments du Pré des Forges à Marsangy se sont avérés stériles, vraisemblablement du fait de la consistance aérée de la matrice sédimentaire qui favorise une oxydation à laquelle résiste mal l’exine des pollens (Reille 1978). De surcroît, les niveaux archéologiques ont un faible enfouissement et ont pu, postérieurement à leur dépôt, être affectés par différentes actions (gel/dégel, fortes précipitations, dessiccations), autant de phénomènes néfastes à la conservation des stocks polliniques.

396Ces processus favorisent aussi des lessivages qui entraînent des mélanges avec des pollens issus de sédiments postérieurs aux couches magdaléniennes. Tel est le cas à Verberie, où l’on constate une pollution avec des pollens subactuels. De plus, une bioturbation, fréquente dans ce type de formation, a pu mener à une homogénéisation des différents cortèges polliniques, bien que la structure originelle des dépôts ait été conservée (Leroyer 1989).

397Enfin, à Étiolles et Pincevent, les stocks polliniques sont conservés mais témoignent de mélanges avec des flores plus anciennes. La dynamique des dépôts, limons de crues de la Seine issus de la reprise de sédiments plus anciens, est responsable de cette juxtaposition d’essences tertiaires (Sequoia, Pterocarya...) et quaternaires. Parmi ces dernières figurent probablement des cortèges polliniques contemporains des occupations magdaléniennes qu’il est impossible d’individualiser. Toute interprétation de ces spectres est donc vaine.

398En dépit de tout l’intérêt présenté, aucune donnée palynologique fiable n’a donc été obtenue pour les gisements magdaléniens du Bassin parisien.

1.4.2 Les données polliniques concernant le Tardiglaciaire dans le Bassin parisien

399Cette non fiabilité des résultats polliniques issus des gisements paléolithiques induit une méconnaissance du paysage végétal fréquenté par les Magdaléniens du Bassin parisien.

400Toutefois des informations sur la composition et l’évolution des flores peuvent être tirées des quelques études palynologiques de sites naturels régionaux couvrant le Tardiglaciaire (fig. 42). Dans la région de Rambouillet, l’analyse de la tourbière de l’Archet (Jalut 1967) témoigne, à la base de la séquence, de trois zones majeures attribuées au Dryas ancien (zone I), à l’Alleröd (zone II) et au Dryas récent (zone III). A relative proximité, l’étang d’Angennes a permis la réalisation d’un diagramme dont la base est rapportée au Tardiglaciaire (Barthélémy 1983) ; la seule coupure reconnue permet d’individualiser le Dryas récent. Au nord du Bassin parisien, les travaux effectués sur le marais de Chivres (Aisne), à 15 km au nord‑est de Laon, la tourbière de Bresles (Oise) et le marais de Saint‑Gond à Coizard‑Joches (Marne), au sud d’Epernay, ont donné lieu à une synthèse ; le Tardiglaciaire y est subdivisé en 4 zones locales (Van Zeist et Van der Spoel Walvius 1980). Dans la Somme, à Famechon (Emontspohl, Vemieersch 1991), à une trentaine de kilomètres d’Amiens, 8 zones polliniques ont été individualisées pour cette même période.

401Enfin, le Tardiglaciaire a été enregistré dans trois séquences plus lointaines : dans le Loir‑et‑Cher, l’étude de la tourbière de Rouzerelles à Mur de Sologne (Planchais 1970) met en évidence, à la base du profil, trois zones rapportées au Dryas ancien, à l’Alleröd et au Dryas récent. Les séquences obtenues dans les Ardennes à la tourbière de la Bar (Mullenders 1960) et en Normandie à Bellengreville (Elhai 1959) débutent avec l’Alleröd et couvrent le Dryas récent.

402Cependant ces différentes études ne sont source que d’informations générales.

403Ceci tient tout d’abord à la nature des sites étudiés et à la différence d’enregistrement pollinique qui en résulte. Ces analyses palynologiques sont réalisées sur des séquences de milieux humides : tourbières, marais, étangs, qui favorisent le développement d’une flore hygrophile. Cette végétation locale, sans relation directe avec l’environnement de nos Magdaléniens, se juxtapose au flux pollinique du paysage régional.

404De plus, les séquences couvrant le début du Tardiglaciaire sont peu nombreuses et ne sont pas situées à proximité immédiate des stations paléolithiques. La tourbière de l’Archet et l’étang d’Angennes sont néanmoins assez proches des sites de Pincevent et Étiolles. Le marais de Saint‑Gond offre une localisation médiane entre les quatre gisements. Au nord de l’agglomération parisienne, le marais de Chivres, la tourbière de Bresles et la séquence de Famechon entourent le site de Verberie. Enfin, les trois autres profils ne peuvent être pris en compte qu’à titre indicatif du fait de leur éloignement certain. Si ces séquences peuvent nous servir de référentiel, aucune précision ne peut être apportée sur le choix d’un endroit privilégié pour l’installation d’un campement.

405Enfin, les restrictions quant à l’utilisation de ces travaux résident aussi dans l’utilisation de différentes nomenclatures. La chronologie du Tardiglaciaire repose à l’origine sur les transformations successives de la couverture végétale perçues par les études palynologiques ; des zones correspondant à des associations polliniques caractéristiques ont ainsi été décrites et numérotées. Les premières zonations ont été établies au Danemark (Jessen 1935, 1938), en Suède (Nilsson 1935) et en Norvège (Faegri 1935). Le système de Jessen fut ensuite modifié et adapté à l’Europe moyenne (Firbas 1949). La multiplication des analyses a peu à peu mené à l’élaboration de classifications régionales. En France, on utilise le plus souvent la zonation tripartite du Tardiglaciaire d’Iversen (Iversen 1954) ou celle de Godwin (Godwin 1956) établie pour la Grande‑Bretagne. Celles‑ci proposent un système hiérarchique à deux niveaux (tabl. x). Le Tardiglaciaire est tout d’abord subdivisé en trois zones majeures : la zone I ou Dryas ancien, la zone II ou Alleröd, la zone III ou Dryas récent. Ensuite la zone I est elle‑même subdivisée en trois sous‑zones : la zone Ia ou Dryas I, la zone Ib ou Bölling, la zone Ic ou Dryas II. Ces systèmes ne furent bientôt plus appliqués en terme uniquement biostratigraphique, mais également avec une connotation climatique et chronologique, et mènent à l’établissement de chronozones (Mangenid 1974). Il en ressort une confusion certaine puisqu’une même classification n’est pas toujours employée dans un sens identique. Ainsi les préhistoriens, soucieux de datations relatives serrées, emploient presque toujours un système qui subdivise le Tardiglaciaire en cinq zones et lui attribuent surtout une signification chronologique. Nombre de palynologues, en revanche, tiennent compte de la zonation tripartite pour appréhender l’évolution des végétations, privilégiant surtout l’aspect bio‑stratigraphique, tandis que d’autres mettent en cause l’existence du Dryas II (Beaulieu 1984). Pour le Bassin parisien, nous nous trouvons, de ce fait, confrontés à un manque de précisions ; le plus souvent, les données polliniques issues des sites naturels considèrent globalement le Dryas ancien (zone I), alors que d’un point de vue archéologique, les informations sur l’évolution de la végétation au sein de cette zone I sont nécessaires. Les occupations magdaléniennes du centre du Bassin parisien se déroulent, en effet, lors du Bölling et du Dryas II, au sens chronologique de ces termes.

1.4.3 Le paysage végétal du Bassin parisien durant le Tardiglaciaire

1.4.3.1 La fin du Pléniglaciaire

406tabl. xi

407A la base du diagramme de Chivres a été individualisée une zone, caractérisée par des taux de pollens d’herbacées supérieurs à 60 % et la présence de quelques genévriers, saules, bouleaux et pins. Elle est rapportée par les auteurs à la phase finale du Pléniglaciaire ou au tout début du Dryas I. Le Bassin parisien semble alors connaître une végétation ouverte, de type steppique. Les fréquences d’armoises et d’hélianthèmes sont assez élevées. Les conditions climatiques apparaissent encore rigoureuses.

1.4.3.2 Le Dryas ancien

408A Chivres, Coizard‑Joches I et II a été reconnue une zone attribuée à la majeure partie du Dryas I. Elle se caractérise par le développement des pollens d’arbres (> 50 %) ; le Bouleau est largement prédominant, accompagné du Genévrier qui se développe considérablement dans la deuxième partie de cet épisode, suivi par le Pin à Coizard‑Joches. L’Armoise joue un rôle important au sein des herbacées.

409La séquence de Famechon a permis la reconnaissance, selon l’auteur, de la succession Dryas I, Bölling, Dryas II. Le Dryas I se caractérise par une prédominance des Cypéracées et des Herbacées steppiques. Parmi les rares pollens d’arbres (8,1 %), le pin est majoritaire devant le Bouleau et le Saule. Le Bölling s’individualise par une nette hausse des pollens arboréens (38 à 47 %), liée au développement du Bouleau et du Saule. Le Dryas II se marque par un recul des pollens d’arbres (8,5 %) parallèlement à une extension des Cypéracées et des Steppiques.

410A l’Archet, le Diyas ancien, pour lequel n’est proposé aucune subdivision, est caractérisé par des taux de pollens arboréens supérieurs à 50 %, au sein desquels le Bouleau joue un rôle majeur ; il représente 95 % des pollens d’arbres. Quelques pollens de Saules et de très rares Pins sylvestres l’accompagnent. La flore herbacée est diversifiée, dominée par des Poacées, Cypéracées et Armoises.

411A Mur de Sologne, selon l’auteur, le Dryas ancien (zone I) est caractérisé par l’abondance des Herbacées, dont l’Armoise et l’Hélianthème. Le Bouleau est majoritaire parmi les pollens d’arbres, accompagné de quelques Saules et Pins. Une révision de cette interprétation a été proposée (Van Zeist, Van der Spoel‑Walvius 1980) ; elle consiste en une corrélation avec la première zone de Chivres, soit une attribution à la fin du Pléniglaciaire.

412Durant le Dryas ancien, le milieu reste encore ouvert, mais des forêts claires de Bouleau semblent se mettre en place. Cependant leur développement n’apparaît pas synchrone ; il est attribué au Dryas I à Chivres et Coizard‑Joches, au Bölling à Famechon et non précisé à L’Archet et Mur de Sologne. Le Genévrier l’accompagne à Chivres et Coizard‑Joches, rôle joué par le Saule à L’Archet, Famechon et Mur de Sologne. Le Pin ne semble pas très développé dans la région ; les faibles fréquences enregistrées dans les diagrammes peuvent indiquer qu’il est assez éloigné. Seule la séquence de Famechon traduit une légère prédominance du Pin sur le Bouleau et le Saule durant le Dryas I, ce qui le différencie nettement des enregistrements de Chivres et Coizard‑Joches. La strate herbacée encore bien développée, est dominée par les Poacées et localement les Cypéracées. L’abondance des armoises lui donne un caractère steppique.

1.4.3.3 L’Alleröd

413A Coizard‑Joches I et II, la troisième zone pollinique locale se caractérise par le développement du Pin aux dépens du Bouleau. Si au début (3a) ce dernier est encore prédominant, toujours accompagné du Genévrier, le Pin les remplace progressivement (3b). L’ensemble est attribué sur la base des datations ¹⁴C aux sous‑zones Ib et Ic (Bölling et Dryas II) et à la zone II (Alleröd).

414Sur le profil de Famechon, 3 zones locales ont été attribuées à l’Alleröd. La première témoigne d’une prédominance du Bouleau (41 %) devant le Saule et le Pin. La seconde traduit un recul des ligneux au profit des Cypéracées. La troisième se marque par le développement du Pin qui devient majoritaire devant le Bouleau et le Saule.

415A L’Archet, l’Alleröd (zone II) est subdivisé en deux sous‑ensembles. On observe dans le premier (IIa) une régression de la courbe du Bouleau, encore majoritaire, et de celle de l’Armoise, au profit d’une hausse des pollens de Pin et de l’apparition des essences mésothennophiles. La seconde phase (IIb) traduit une dominance du Pin devant le Bouleau.

416A l’étang d’Angennes, tous les spectres polliniques sous‑jacents au Dryas récent témoignent d’une prédominance du Pin sur le Bouleau. Des épisodes, sans doute plus cléments, semblent se manifester ; ils se caractérisent par une hausse des pollens arboréens et des apparitions sporadiques des mésotermophiles tels l’Orme, le Chêne... Le Noisetier est alors en courbe continue.

417A Mur de Sologne, l’Alleröd (zone II) se marque, selon l’auteur, par le développement du Genévrier, une légère hausse des mésothermophiles et la quasi‑disparition du Pin. Mais une attribution de ces niveaux au Dryas I est proposée par W. Van Zeist et M.‑R. Van der Spoel‑Walvius.

418Dans les Ardennes, l’Alleröd se caractérise par la prédominance du Pin, qui est secondé par le Bouleau puis le Genévrier. Les essences mésothermophiles sont présentes, mais en faible taux. L’armoise joue un rôle certain au sein de la strate herbacée.

419Dans la séquence de Bellengreville, l’Alleröd se marque par la quasi‑exclusivité du Pin au sein des pollens arboréens ; le Bouleau joue un rôle secondaire. Quelques essences méso‑thermopliles sont présentes.

420L’Alleröd semble donc caractérisé par la prédominance des boisements de Pin. Toutes les séquences, même celles plus éloignées des Ardennes ou de Normandie, témoignent d’un paysage similaire, exception faite du profil de Mur de Sologne, si l’on ne tient pas compte de sa réinterprétation. Quatre séquences (Archet, Famechon, Coizard‑Joches I et II) traduisent une évolution identique, avec d’abord prédominance du Bouleau puis du Pin, avec de surcroît à Famechon, un épisode intermédiaire correspondant à une extension des Cypéracées. A Coizard‑Joches, l’ensemble de la zone pollinique est attribué à l’Alleröd mais aussi au Bölling et au Dryas II, sur la base d’une datation radiocarbone. Si la corrélation entre L’Archet et Coizard‑Joches apparaît claire, leur rattachement aux sous‑zones Ib et Ic pose problème par rapport à la séquence de Famechon où le Bölling et le Dryas II ont été individualisés dans des niveaux sous‑jacents.

1.4.3.4 Le Dryas récent

421Le Dryas récent est reconnu dans les quatre diagrammes de Coizard‑Joches I et II, Bresles et Chivres. Le Pin reste l’essence arboréenne majoritaire, mais ses fréquences baissent. Il est secondé par le Bouleau. Le Genévrier est présent en taux assez élevés, bien que sa courbe soit décroissante au sommet de la zone. La strate herbacée est bien diversifiée ; l’armoise y joue un rôle certain.

422Il se marque sur la séquence de Famechon par un recul des pollens arboréens, lié à une chute du Pin parallèlement à une légère hausse du Bouleau. Les Cypéracées et Poacées sont abondantes, tandis que quelques steppiques sont présentes.

423A L’Archet, deux sous‑zones ont été individualisées dans le Dryas récent. La première témoigne d’une courbe ascendante du Bouleau tandis que décroît le Pin. Durant la seconde, le Bouleau reste prédominant bien qu’en régression. La courbe du Pin est en hausse. Parmi les Herbacées, l’Armoise est bien représentée.

424A Angennes, il se caractérise par des taux de pollens arboréens d’environ 50 % et la prédominance du Pin sur le Bouleau.

425En Sologne, la zone III correspond à une prédominance du Bouleau parmi les pollens d’arbres et à une chute des fréquences du Genévrier, mais la révision de la séquence propose une attribution possible au Dryas ancien.

426Dans les Ardennes, on constate alors une chute des taux de pollens arboréens. Mais le Pin reste majoritaire, toujours secondé par le Bouleau et le Genévrier. Au sein des herbacées, les Poacées dominent mais les armoises sont en augmentation.

427En Normandie, les taux de pollens arboréens dépassent souvent 50 % ; le Pin reste l’essence largement prédominante.

428Lors du Dryas récent, des forêts assez ouvertes de Bouleau ou de Pin ou même mixtes ont dû prédominer. On constate, dans toutes les séquences polliniques, une baisse des taux de pollens arboréens qui peut être significative d’un recul des boisements. Dans l’essentiel des sites, les fréquences du Pin diminuent, mais il reste majoritaire. Il est secondé par le Bouleau puis par le Genévrier qui se développe de nouveau. En revanche, à L’Archet, les boisements de bouleaux sont prédominants et la dégradation des conditions climatiques se marque plus nettement puisque réapparaissent même les bouleaux nains, alors que des essences thermophiles sont enregistrées sporadiquement dans les Ardennes. La strate herbacée reprend un caractère nettement steppique avec un développement général des armoises.

Conclusion

429De la non‑fiabilité des études polliniques des sites magdaléniens du centre du Bassin parisien découlent une méconnaissance de l’environnement végétal propre à chacun de ces habitats et une incapacité à les situer dans le cadre de la zonation du Tardiglaciaire.

430Cependant, le recours aux données issues de séquences naturelles suggère que les Magdaléniens ont fréquenté des milieux assez ouverts avec des forêts claires de bouleaux, saules, genévriers et pins.

431Mais si ces études de dépôts humides nous apportent des informations sur la composition floristique du paysage, elles traduisent aussi certaines divergences. Celles‑ci peuvent résulter de variations locales de l’environnement végétal, mais aussi de l’interprétation des palynologues, privilégiant plutôt l’aspect chrono‑stratigraphique ou l’aspect bio‑stratigraphique et utilisant des systèmes de zonation variables.

Bibliographie

432Barthélémy1983 : BARTHELEMY(L.). — First researches in the « Étang d’Angennes « (forest of Rambouillet, Yvelines, France). Quaternary studies in Poland, 4, p. 217‑222.

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449Van Zeist, Van Der Spoel‑Walvius 1980 : VAN ZEIST (W.), VAN DER SPOEL‑WALVIUS (M.‑R.). — A Palynological study of the late glacial and the post‑glacial in the Paris basin. Paleohistoria, XXII, 1980, p. 67‑109.

1.1 Chronologie des sites du Magdalénien final du Bassin parisien

450h. valladas

451De nombreuses datations absolues ont été réalisées, au fil des découvertes, sur les gisements du Magdalénien final du Bassin parisien (Audouze 1987). La première méthode utilisée, dès les années 60, a été celle du carbone 14 (Delibrias 1985). Elle permet de déterminer le temps écoulé depuis la mort de l’organisme vivant dont est issu l’échantillon. Toute matière vivante contient du carbone qui provient directement ou indirectement du gaz carbonique de l’atmosphère. Or celui‑ci contient une petite quantité de carbone 14 qui lui confère une faible radioactivité. A la mort de l’organisme, il n’y a plus d’échanges avec le carbone du milieu extérieur et la radioactivité du carbone de l’échantillon diminue donc lentement, de moitié tous les 5 730 ans, période du carbone 14. Ainsi, si l’on mesure aujourd’hui l’activité ¹⁴C d’un charbon de bois fossile, on peut en la comparant à l’activité du carbone moderne en déduire le temps écoulé depuis sa mort, c’est à dire son âge.

452La méthode classique du ¹⁴C, fondée sur la mesure de sa radioactivité bêta avec un compteur proportionnel ou un scintillateur liquide, nécessite près d’un gramme de carbone ; elle a permis de dater des fragments de charbon de bois et des échantillons de terre charbonneuse récoltés dans les foyers de Pincevent (Leroi‑Gourhan, Brézillon 1966‑1972 ; Gilot 1969 ; Delibrias et al. 1970 ; Delibrias, Guillier 1988 ; Vogel, Waterbolk 1972 ; Julien et al. 1987) et un fragment d’os de Mammouth de l’unité QR5 d’Étiolles (Taborin 1983, 1984 ; Evin 1979).

453Récemment, des datations carbone 14 ont été réalisées sur des ossements récoltés à Étiolles, Pincevent et Marsangy (Schmider 1984) avec une nouvelle technique de mesure, utilisant la spectrométrie de masse par accélérateur (Gowlett et al. 1986a, 1986b). Cette technique permet de reconnaître les atomes de carbone 14 par leur masse et de les compter individuellement dans une chambre d’ionisation. Elle présente l’avantage de réduire de façon importante la masse d’échantillon nécessaire à l’analyse ; actuellement, la datation est effectuée avec seulement un milligramme de carbone, soit environ mille fois moins qu’avec la méthode classique. Les âges sont évidemment calculés de la même façon quelle que soit la technique de mesure du carbone 14 utilisée, et il y a bon accord entre les résultats obtenus respectivement sur les mêmes échantillons par ces deux techniques (Duplessy, Arnold 1985 ; Valladas et al. 1989).

454Les âges carbone 14 sont exprimés en années avant 1950. La période radioactive retenue pour le calcul de l’âge est 5 570 ans (Libby 1952). Une nouvelle détermination de cette période effectuée récemment a montré qu’elle était en fait 5 730 ans (Godwin 1962). Pour ne pas avoir à modifier les résultats obtenus jusqu’alors, les laboratoires de ¹⁴C ont décidé de conserver l’ancienne valeur de 5 570 ans. Pour obtenir l’âge réel, il suffit de multiplier le résultat par 1,03.

455La datation par la thermoluminescence a été appliquée à plusieurs pierres chauffées dans les foyers d’Étiolles, Marsangy, Pincevent et Verberie (Valladas 1981). Cette méthode est fondée sur la mesure de la lumière émise par certains minéraux lors d’une chauffe à haute température et elle permet de déterminer le temps écoulé depuis la dernière chauffe à haute température de l’échantillon étudié, qui équivaut à une remise à zéro du chronomètre thermoluminescent (Valladas, Valladas 1989). La thermolumiscence des minéraux a pour origine les rayonnements alpha, bêta et gamma des radioéléments naturels, contenus à l’état de trace dans pratique ment toutes les roches. Ces rayonnements déplacent les électrons qui sont alors piégés par des impuretés des minéraux concernés jusqu’à ce qu’une chauffe à 500° C les en libère. Le nombre d’électrons piégés et, par suite, l’intensité de la lumière émise lors de la chauffe, sont proportionnels à la dose de rayonnement reçue et donc au temps, si le flux de rayonnement est resté constant dans le passé.

456L’ensemble des âges obtenus respectivement à Étiolles, Marsangy, Pincevent, Le Tilloy (Brézillon 1971) et Verberie par :
– le carbone 14 classique (¹⁴C, CLA) ou en spectrométrie de masse par accélérateur (¹⁴C, SMA) ;
– la thermoluminescence (TL) ;
sont portés dans les tableaux xii, xiii, xiv, xv et xvi.

457Nous n’avons pas fait figurer dans ces tableaux les dates ¹⁴C trop récentes obtenues sur des échantillons qui, selon les laboratoires, n’avaient pu être nettoyés de façon satisfaisante ou étaient dans un état de conservation insuffisant (à Pincevent : Lv 291, Lv 292, Lv 293, Gif 349a et b, GrN 4383 ; à Marsangy : OxA 505 ; à Étiolles : OxA 174) ; le rajeunissement apparent de l’âge carbone 14 s’explique alors par une contamination de l’échantillon en carbone récent, par des acides humiques par exemple. De même, nous avons éliminé les résultats aberrants obtenus sur des échantillons sans doute intrusifs ou très contaminés (à Pincevent : Gif 3480, OxA 414, OxA 490, OxA 491).

458A Étiolles et Pincevent (tabl. xii et xiv), les résultats de la thermoluminescence sont environ 10 % supérieurs à ceux du carbone 14. Cette différence est due, en partie, à l’utilisation de la période de5 570 ans ; elle s’explique surtout par l’existence d’une petite erreur systématique par défaut du carbone 14, encore mal établie pour cette période ; cette erreur, bien connue grâce à la dendrochronologie jusqu’à 7 000 ans BP où elle voisine 800 ans (Klein et al. 1982), atteindrait 1 500 à 2 500 ans pour les âges ¹⁴C compris entre 10 000 et 14 000 ans, selon les résultats obtenus sur coraux à la fois par le radiocarbone et la méthode des déséquilibres dans la famille de l’uranium (Bard et al. 1990). Jusqu’à présent, la chronologie préhistorique est surtout établie grâce aux datations par le carbone 14. Dans ce qui suit, nous discuterons donc surtout les âges¹⁴C qui sont, par ailleurs, plus nombreux que ceux de la thermoluminescence.

459A Étiolles et Pincevent (tabl. xii et xiv), les âges, compte tenu des erreurs, sont stationnaires d’une couche à l’autre, ce qui implique que ces gisements ont été occupés pendant un temps relativement court.

460A Étiolles, tous les âges ¹⁴C sont compris entre 12 800 ± 220 (OxA 173) et 13 000 ± 300 (OxA 139) ans, à l’exception de la date 12 000 ± 220 ans BP (Ly 1351), qui est d’ailleurs compatible avec les autres résultats.

461A Pincevent, la plupart des âges ¹⁴C se situent entre 12 000 ± 200 (OxA 176) et 12 600 ± 200 ans (OxA 148) ; ils sont voisins des deux dates obtenues par SMA pour le site du Tilloy situé sur le plateau voisin (tabl. xv).

462A Marsangy (tabl. xiii), les deux âges ¹⁴C obtenus pour le même niveau sont 11 600 ± 200 (OxA 178) et 12 120 ± 200 ans (OxA 740). Le gisement de Verberie n’a été daté que par la thermoluminescence (tabl. xvi).

463Selon le radiocarbone et la thermoluminescence, Étiolles est le plus ancien des cinq gisements magdaléniens ; ensuite viennent Pincevent, Le Tilloy et Verberie dont les âges ¹⁴C ou TL sont voisins, puis Marsangy. Compte tenu de l’erreur systématique du ¹⁴C (Bard et al. 1990), il y a bon accord entre les résultats respectifs de ces deux méthodes qui placent les gisements dans le même ordre chronologique.