15.1 Introduction

1Couvrant 440 km², cette région située au sud‑ouest du Var comporte 1.3 communes réparties dans 4 cantons et possède trois zones agricoles principales : les bassins de Signes et du Beausset et la plaine littorale. Géographiquement, elle est limitée au nord par le massif de la Sainte‑Baume (altitude maximale 1166 m), le bassin de Signes‑Chibron et le couloir du Gapeau de Signes à Méounes. Au centre s’élargit un amphithéâtre de 10 km de long sur 7 de large s’abaissant vers la mer, entouré de collines et de plateaux qui le séparent de La Ciotat à l’ouest, de Cuges au nord‑ouest, de Signes au nord et du bord de mer au sud‑ouest et au sud. Quelques collines parsèment ce bassin : la Cadière, le Castellet, le Vieux Beausset. Au sud, les massifs calcaires du Gros‑Cerveau et du Croupatier forment une barrière que traversent deux rivières (Reppes) au moyen de gorges (gorges d’Ollioules) ou de vallées encaissées (grand Vallat à Bandol). Enfin, une plaine drainée par la Reppe d’Ollioules et s’ouvrant sur la rade de Toulon et la baie de Sanary‑Six‑Fours s’étend sur la plus grande partie du littoral, sauf à l’extrême sud où plonge dans la mer le cap Sicié, haut de près de 300 m. C’est donc une microrégion s’étendant de Toulon à la limite départementale des Bouches‑du‑Rhône, parfaitement délimitée par la mer dans sa partie méridionale et par le massif de la Sainte‑Baume au nord (fig. 1). A l’est comme à l’ouest les limites sont quelque peu arbitraires : fictives avec celles des Bouches‑du‑Rhône à l’ouest, où il est difficile d’assigner une frontière précise à nos recherches, elles sont plus aisées à reconnaître à l’est, où elles suivent grosso modo la vallée d’axe nord‑sud du Gapeau sans toutefois l’intégrer en totalité (fig. 2) ; ainsi les communes de Solliès‑Toucas, Solliès‑ville, La Farlède, La Valette, le Revest et Toulon n’ont‑elles pas été incluses dans notre étude.

2Le climat favorise l’implantation d’une agriculture de type industriel liée à un fort développement immobilier : en 15 ans, Le Beausset a triplé sa population sédentaire tandis que l’agriculture traditionnelle fondée sur la vigne tend aujourd’hui à disparaître. Conséquence de cet état de fait, des gisements archéologiques sont menacés, parfois détruits, à la suite de défoncements agricoles profonds ou de l’implantation de lotissements. L’ancienne carte archéologique présentait des lacunes nombreuses dues plus à la dispersion de la recherche qu’ à un manque réel de sites archéologiques. Ces contraintes initiales, liées à une absence de contacts suivis entre chercheurs, conduisit dès 1982 à la mise au point du programme de recherche sur l’Ouest varois. Chaque année, la carte archéologique est complétée par de nouveaux sites repérés grâce à une étude minutieuse des communes. Des mouvements de population se décèlent : occupation puis abandon de sites, disparités de l’occupation du sol. Ainsi l’abandon du mont Garou au début du iv^e s. av. n.è. peut‑il s’expliquer par une très forte reprise de l’habitat sur l’oppidum de la Courtine d’Ollioules à quelques kilomètres plus à l’est. En revanche, des constantes peuvent apparaître, comme le démontre l’étude du secteur des Paluns entre La Cadière et Le Castellet, où l’implantation protohistorique ancienne expliquerait l’apparition d’un vicus romain de haute époque. La navigation massaliète et son mouillage côtier (les îles des Embiez d’abord, Le Brusc ensuite) modifient le comportement des peuplades indigènes, qui installent des points forts sur les hauteurs dominant la mer et les voies d’accès vers l’intérieur des terres. Avec la paix romaine et l’apport de nouvelles techniques agricoles, la dispersion de la population rurale en plaine atteint son maximum d’ampleur, au point que l’on suppose en plusieurs endroits l’existence de parcellaires antiques. Ces domaines romains, parfois successeurs d’établissements antérieurs, sont à l’origine de la plupart des terroirs viticoles actuels, mas et bastides étant fréquemment implantés sur des structures agricoles romaines.

15.2 Réalisation du programme de recherche

15.2.1 Objectifs

3Par une étude site par site puis par une série de synthèses, il s’agit de mettre en évidence : l’occupation du sol à une époque donnée ; l’apparition de constantes ; l’existence de sites potentiels, c’est‑à‑dire non découverts mais définis par la conjonction d’un faisceau de critères convaincants.

4En fin d’opération, vers 1992, le but est d’abord de mettre un outil de référence entre les mains des futures équipes de recherche puis de fournir aux collectivités locales une aide appréciable lors de l’établissement des Plans d’occupation des sols.

15.2.2 Dimensions

5Ce programme rassemble 20 collaborateurs1 travaillant sur les communes de l’Ouest varois. Son ancrage dans le terroir est réalisé par le biais d’associations et de relations nouées avec les municipalités, les propriétaires et le public. Des conférences et des expositions sont organisées régulièrement, qui présentent les dernières découvertes ou travaux en cours. Partie intégrante du Centre de documentation archéologique du Var possédant un local à Sanary‑sur‑Mer, travaillant de façon permanente avec des entreprises locales, l’équipe de recherche se réunit chaque semaine pour faire le point des travaux en cours. En 15 années elle a conduit 28 sondages ou fouilles dans l’ouest varois.

15.2.3 Fonctionnement

6Chaque année sont définis les objectifs à moyen terme (en général une intervention systématique sur une ou plusieurs communes). Les objectifs à court terme sont dégagés au cours des réunions hebdomadaires. Le développement des actions de terrain est directement lié aux autorisations accordées par le Conseil supérieur de la recherche archéologique.

15.2.4 Réseau relationnel

7L’équipe de recherche, fortement soudée et pluridisciplinaire, travaille en étroite collaboration avec le Centre de documentation archéologique du Var2, les communes, le Conseil général du Var, la Préfecture, la Direction des antiquités de PACA, le Centre de recherches archéologiques de Sophia Antipolis, les programmes H13 et H18, les associations archéologiques et historiques locales ou départementales et l’Education nationale, avec laquelle ont été mis au point des séjours de classes du patrimoine et des stages d’enseignants. Chaque année un rapport scientifique est remis à la sous‑direction de l’archéologie, et des articles sont publiés dans diverses revues.

15.2.5 Autonomie

8Composée d’un personnel bénévole ou mis à disposition, l’équipe fonctionne en autonomie avec l’aide de crédits en provenance du Centre de documentation archéologique du Var de la sous‑direction de l’archéologie, de certaines associations et de fonds privés. Le matériel est en majeure partie, prêté par le Centre de documentation archéologique et les chercheurs. Les locaux sont ceux du Centre archéologique de Toulon complétés d’une salle mise gracieusement à la disposition de l’équipe par la municipalité de Sanary et le foyer Pierre Singal.

15.2.6 Activités

9Une recherche systématique des textes mentionnant l’ouest varois a été réalisée. Les archives de plusieurs communes ont été reclassées, parfois même sauvées de la destruction et rendues à l’usage public. Pour ce qui est de la bibliographie, il s’est agi de passer au crible de la critique toutes les histoires locales parues à ce jour où il est fait mention de découvertes fortuites. Les communications des sociétés savantes permettent de préciser quelquefois des emplacements disparus ou bien de compléter notre information concernant des sites qui se sont fort modifiés en une centaine d’années. Bien entendu, le regroupement des publications va de pair avec celui des articles et rapports d’archéologues contemporains.

10La prospection systématique fait suite à l’étude des documents préalablement recueillis, à l’observation des différentes cartes IGN et des jeux de photographies aériennes provenant soit de nos missions de 1987 et 1988, soit de l’IGN (missions 1982 et 1984). Il va sans dire qu’une bonne connaissance du terrain passe par le recueil d’informations fournies par les habitants : certains vignerons ou pépiniéristes nous signalent des trouvailles lorsqu’ils retournent la terre, des chasseurs font état de découvertes en pleine garrigue, des spéléologues nous informent de la mise au jour d’ossements dans des cavités en cours d’exploration.

11L’onomastique et la toponymie ne sont pas oubliées ; les noms de lieux sont retranscrits suivant les orthographes qu’ils connurent autrefois et celles d’aujourd’hui, les variations touchant par moments le nom du site lui‑même.

12Commencé en 1982, le recensement comprenait en 1985, 289 sites, en 1986, 341 sites, en 1987, 504 sites. En 1988, une vingtaine de nouveaux sites s’ajoutaient aux précédents, mais l’enregistrement ne put être fait à temps, les crédits n’étant parvenus qu’en janvier 1989‑ Afin d’être à même d’assurer un enregistrement correct des données, un fichier informatisé3 et une méthode de travail adaptés aux objectifs étaient rendus opérationnels dès 1982. Elargissant le champ de notre prospection, la photographie aérienne est venue compléter notre information dès 1987. Grâce à l’utilisation de clichés infrarouges, nous avons pu mettre en évidence l’existence de murs enfouis sur des sites aussi divers que l’oppidum de La Courtine et le château féodal d’Ollioules. Mais cette étude est longue et délicate, et ce ne sera que dans le courant de l’année 1989 que nous pourrons avoir quelques éléments nouveaux concernant les quelque cinquante sites que nous avons fait photographier en 1988.

13L’inventaire (fig. 3) a été étendu à l’époque moderne, car nombre de constructions en terre ou pierre sèche sont menacées non seulement par les hommes mais aussi par la nature. C’est le cas des fours à chaux de type romain qui ont perduré sous une forme quasi inchangée jusqu’à l’orée du xx^e s., des fours à poix4 liés à la marine à voile et à l’arsenal de Toulon, des fours à cade5, des bories, des mines de lignite entre autres – et des carrières de gypse. Notons au passage que le répertoire des moulins nous a surpris par son étendue et sa variété, qu’il s’agisse de moulins à vent ou à eau, à roue, à axe horizontal ou à turbine en bois.

15.3 Essais de synthèse

14En 1986 pour Evenos, puis en 1988 pour Le Beausset, nous avons mis au point une synthèse se rapportant à une commune. Le moment n’étant pas alors venu de réaliser l’étude générale du fichier de l’ouest varois, nous nous en sommes tenus, pour les communes considérées, aux seules périodes protohistorique et gallo‑romaine. Nous livrons aujourd’hui les quelques observations que nous avions alors faites.

15.3.1 Fichiers

15L’idée initiale qui sous‑tend notre recherche est, nous le rappelons, la création d’un fichier le plus exhaustif possible permettant de tirer des profils types de sites à des époques données et pour des régions définies (tabl. i), d’où la nécessité :
– de repérer les sites ;
– d’établir leur chronologie ;
– de fixer leurs limites ;
– de les insérer dans leur contexte géographique, géologique, pédologique, hydrologique, tout en prenant en compte l’orientation et le couvert végétal actuel.

16D’un fichier à l’autre, nous avons parfois retranché l’un ou l’autre des critères qui ne nous semblaient pas pertinents, du moins pour cette démonstration.

15.3.2 Géographie des sites

17tabl. ii, iii

18Les deux communes s’étendent de part et d’autre d’une arête basaltique issue d’une coulée tertiaire atteignant son maximum d’altitude au Rocher de l’Aigle (Barre des Aiguiers) avec 602 m et son minimum au château d’Evenos, 362 m. Cette arête sert d’ailleurs en grande partie de limite communale et cantonale. A l’est de la coulée, le torrent du Destel a dégagé deux hautes plaines de petites dimensions (Orvès et le Broussan), puis creusé des gorges, encaissées avant de rejoindre le cours d’eau principal, la Reppe. A l’ouest de la coulée, la Reppe a formé un vallon, la haute Reppe, écornant la plaine du Beausset, celle‑ci appartenant à un autre système hydrogéologique. Ensuite, la Reppe et le Destel réunis s’ouvrent un passage dans la barrière calcaire du Gros‑Cerveau/le Croupatier (443 m et 573 m), les gorges d’Ollioules et irriguent la plaine côtière de Bandol à Six‑Fours. La partie septentrionale des communes du Beausset et d’Evenos (tabl. ii et iii), composée d’un plateau calcaire (le Camp), s’élève en moyenne à plus de 400 m.

19Dans le détail, la commune d’Evenos (tabl. iv), essentiellement formée de plateaux et de vallées encaissées, comporte donc deux petits bassins (Orvès et le Broussan), un important site de plateau (Evenos/Saint‑Martin), des hauteurs dominant la plaine du Beausset, une vallée encaissée (le Destel) et la plaine de Sainte‑Anne, prolongeant vers le sud‑est celle du Beausset. La commune du Beausset (tabl. v) semble se présenter en complément de celle d’Evenos : beaucoup de plaines et de fonds de vallées (plaine du Beausset, vallée de la Reppe et vallon de la Haute Reppe), quelques hauteurs, mais cultivables et comparables au site d’Evenos/Saint‑Martin (la klippe du vieux Beausset), enfin deux sites de forte pente.

20La répartition des terres privilégie au Beausset les zones comprises entre 0 et 200 m, qui représentent plus du quart de la superficie de la commune, alors qu’à Evenos elles n’en représentent que le dixième. Si, entre 200 et 400 m, les deux communes présentent de fortes ressemblances (38 % pour l’une, 43 % pour l’autre), la différence provient surtout de l’importance des massifs élevés (entre 400 et 600 m et plus) à Evenos, où ils occupent plus de 50 % des terres contre 30 % au Beausset. De fait, la répartition des sites par rapport à cette distribution inégale des terres est fort significative :
– seule la commune d’Evenos (tabl. vi) livre des vestiges protohistoriques qui se ventilent comme suit : un site pour 90 ha entre 0 et 200 m, un site pour 868 à 910 ha au‑delà de 200 m ;
– pour l’époque romaine, un site pour 50 ha entre 0 et 200 m, un site entre 102 et 227 ha au‑delà de 200 m ;
– au Beausset (tabl. vii), seules les zones comprises entre 0 et 400 m livrent des vestiges d’occupation à raison d’un site pour 66 hectares entre 0 et 200 m et d’un site pour 61 à 108 ha au‑delà de 200 m.

21Afin de mieux saisir le contraste existant entre les deux territoires, il convient de tenir compte du fait que nous n’avons exploité dans les données du Beausset que les terres utilisables, ce qui nous fournit pour l’époque romaine une moyenne de 72 ha par site. Corroborant ces observations, d’autres données provenant du Beausset confirment les choix des occupants antiques, puisque les sites de sommet ou de pente assez forte n’y représentent qu’un quart de l’ensemble, tandis que ceux de plaine ajoutés à ceux de piémont donnent un total de près de 52 %, ce qui est remarquable étant donné les variations rapides du relief de la région (tabl. viii). Seul le site du Vieux Beausset occupe une position particulière : entouré de pentes de 40 à 56 %, installé sur une arête rocheuse aux accès dépassant 13 % de pente, c’est un véritable piton qui recevra au Moyen Âge un castrum, mais dont la destination à l’époque romaine nous échappe (fig. 4). La carte montre à l’évidence que c’est dans la zone limitrophe des deux communes que sont groupés les sites les plus importants6.

22En Protohistoire, 10 sites ont été repérés, tous sur Evenos, aucun sur Le Beausset. Sur ces 10 sites, 5 sont établis sur les hauteurs dominant la plaine, 3 autres sont en grotte dans la vallée du Destel, suivant en cela les habitats plus anciens remontant au Bronze ; les 2 derniers, en bordure de Reppe, pouvaient mettre en relation les précédents avec d’autres stations repérées sur des communes voisines, le mont Garou à Sanary notamment.

23Aux i^er et ii^e s. de n.è., c’est apparemment l’explosion de l’habitat, puisque 45 sites sont répertoriés (27 sur Evenos, 18 sur le Beausset). 11 sont établis sur la crête ou à proximité immédiate, 6 dans les petites plaines d’Orvès et du Broussan (Evenos), 11 en bord de Reppe (Evenos), 11 dans la plaine du Beausset, 4 sur la klippe du Vieux Beausset, 3 dans le vallon de la haute Reppe. Peut‑être convient‑il d’ajouter à cette liste 7 sites de datation incertaine de la commune du Beausset, 3 d’entre eux correspondant à des points d’eau importants.

24Aux iii^e‑v^e s. de n.è., il n’y a plus que 8 sites certains : 3 sur la crête à Evenos, une occupation encore imprécise dans la plaine du Broussan et 4 sites au Beausset, parmi lesquels probablement un four de potier.

25La topographie joue donc un rôle indéniable lors de l’implantation d’un site (tabl. ix, x, xi) :
– concentration en vallée et plaine, à toute époque à Evenos, à l’époque romaine au Beausset (55,55 % des sites protohistoriques d’Evenos, 26 et 63 % respectivement des sites romains d’Evenos et du Beausset) ;
– dispersion moyenne des sites romains entre 200 et 400 m ; forte dispersion des sites protohistoriques (22 % des sites protohistoriques d’Evenos, 50 à 37 % des sites romains d’Evenos et du Beausset) ;
– dispersion assez forte des sites romains entre 400 et 600 m ; très forte pour les sites protohistoriques (22 % des sites protohistoriques et 23 % des sites romains d’Evenos).

15‑3.3 Sol et sous‑sol

26Les observations d’ordre topographique sont confirmées par l’étude des sous‑sols et des sols. A l’époque romaine, nous relevons un choix nettement marqué pour les sous‑sols marneux et alluvionnaires (58 % des sites d’Evenos, 81 % de ceux du Beausset [tabl. xii et xiii]) et les sols limono‑argilo‑sableux bruns ou non, caillouteux ou non, souvent d’origine colluviale (plus de 63 % des sites d’Evenos, 64 % de ceux du Beausset [tabl. xiv, xv et xvi). Au cours de la Protohistoire, l’image de l’occupation du sol est quelque peu différente : entre 0 et 200 m, les grottes sont temporairement occupées tandis qu’émergent les sites de plein air de Saint‑Estève et des Tassys ce dernier très ponctuellement au v^e s. av. n.è. La majorité des habitats se trouvent en altitude, entre 200 et 600 m. Ceux‑ci connaîtront une réoccupation à l’époque romaine, à l’inverse des autres, qui seront alors désertés, avec deux exceptions : Saint‑Estève, réoccupé aux iv^e‑vii^e s. de n.è. (Brun 1984), et le seul site protohistorique qui semble dès l’origine (vi^e s. av. J.‑C au moins) appelé à durer, Evenos/plateau de Saint‑Martin, qui possède un sous‑sol capable de fournir des pierres de taille (carrières), des éléments de moulins puis des pressoirs (basalte) et de l’eau (avec trois sources relativement abondantes à proximité immédiate), ainsi que quatre types de sols permettant une agriculture diversifiée et l’élevage. Les autres habitats protohistoriques sont rarement sur de bonnes terres ou même à proximité. Leurs caractéristiques (forte pente, calcaires compacts sans lithosols) les privent fréquemment de toute possibilité agricole durable. Font exception le puits du Val d’Aren, installé sur un axe de passage obligé, et Les Tassy déjà mentionnés.

15.3.4 Eau

27Quel que soit le lieu, le problème de l’approvisionnement en eau est posé dès la Protohistoire à Evenos (tabl. xvii), où l’on relève pour cette période que 78 % des sites protohistoriques sont à moins de 200 m d’un point d’eau ; à Evenos 60 % comportent un puits, une source ou une rivière à moins de 200 m des bâtiments, la quasi‑totalité ayant l’un ou l’autre de ces éléments à moins d’ 1 km (tabl. xviii). Au Beausset (tabl. xix), les trois quarts des sites sont à moins de 100 m d’un point d’eau, les autres n’en étant éloignés que de 700 m au plus.

15.3.5 Couvert végétal

28L’observation de la couverture végétale actuelle (tabl. xx et xxi) laisse apparaître, sur l’ensemble des terres situées entre 200 et 800 m d’altitude, un reliquat de forêt essentiellement composée d’yeuses, avec, par places, d’anciennes clairières aux traces toujours visibles et des terres aujourd’hui cultivées. Les pentes couvertes de terrasses anthropiques sont aujourd’hui replantées, voire loties lorsqu’elles sont bien exposées, ou abandonnées dans le cas contraire. Quant aux fonds de vallées, dont les terres lourdes nécessitent un drainage constant, leur mise en valeur ne semble débuter qu’à l’époque romaine ; ils connurent un fort développement au cours du xix^e s. Les lotissements y devinrent fort nombreux par suite de la déprise agricole qui suivit le début du xx^e s.

15.3.6 Orientation

29Si le critère d’orientation des terrains en pente est dominant pour l’agriculture, il devient primordial dès lors qu’il s’agit de l’installation d’un habitat : 52 % des sites protohistoriques et gallo‑romains d’Evenos sont sur les versants sud (54 % pour l’époque romaine, 30 % pour la Protohistoire (tabl. xxii), 20 % des stations se trouvant en sommet au cours de cette période) ; au Beausset (tabl. xxiii), le pourcentage paraît moindre (près de 41 % de sites sont situés au sud) mais il doit être repris à la hausse du fait que de nombreux sites sont en fond de vallée et plaine (26 %), donc très bien exposés au midi.

15.3.7 Distance entre sites

30Au Beausset, la présence d’une très grande quantité de sites en plaine nous a conduits à calculer les distances qui les séparaient (fig. 5). Le report de ces distances a été ensuite effectué sur carte ; nous avons ajouté volontairement les sites d’Evenos, qui se trouvent en limite de territoire ou bien dont l’implantation est plus liée à la plaine du Beausset qu’au relief escarpé d’Evenos (cas des vallée, plaine et vallon de la Reppe). Ce report indique qu’il existe un quadrillage plus régulier dans la plaine du Beausset que sur la klippe du Vieux Beausset ou les hauteurs d’Evenos : le relief est donc un obstacle à l’établissement d’un tel quadrillage. La moyenne générale s’établit autour d’une distance entre sites de l’ordre de 1 019 m.

15.3.8 Poids des sites

31De tous les sites romains d’Evenos et du Beausset (tabl. xxiv et xxv), 13 seulement peuvent être considérés comme étant de grandes dimensions : 7 sur Evenos, 6 sur le Beausset. 27 ont livré des fragments de meules ou de pressoirs (17 sur Evenos, 6 sur le Beausset), tous sur des pentes ou en pied de pente ; aucun élément de meule n’a été repérédans la plaine du Beausset. Il est possible que cette absence de matériel à moudre ou à presser soit mise en relation avec des pratiques agricoles différentes dans l’Antiquité.

32Si, pour la même époque, nous comparons les sites en mettant en évidence leurs caractéristiques les plus notables –richesse, étendue, périodes d’occupation–, nous relevons pour Evenos que :
– chaque terroir (Orvès, le Broussan, hauteurs à l’ouest d’Orvès, plateau d’Evenos/Saint‑Martin, vallée de Sainte‑Anne) comprend au moins un habitat occupé dès le i^er s. de n.è., et qu’en général, cet habitat deviendra au cours des deux siècles suivants une grande exploitation agricole possédant pars urbana et pars rustica ;
– les grands sites d’époque romaine occupent un terroir relativement bien défini dans lequel, à partir du i^er s. de n.è., se multiplient de petites exploitations pouvant atteindre la taille d’un simple cabanon de vigne ;
– les terres les plus éloignées ne connaissent que la petite exploitation, voire, dans les cas de l’Hauberte et de la Ville, une exploitation de moyenne importance, dont l’ancienneté ne doit pas cependant cacher l’absence de matériel fin ;
– la permanence des terroirs est une réalité : au Moyen Âge, chaque site deviendra le siège d’un ensemble de petites ou grandes exploitations réparties entre diverses seigneuries dont l’une, Orvès, déclinera très tôt et l’autre, Evenos, perdurera.

33Pour ce qui est du Beausset, tout se passe comme si la colonisation de ce territoire agricole, commencée au début de notre ère, était partie d’Evenos au sud‑est, en privilégiant les bords de Reppe plutôt que ceux du Gourganon, autre rivière qui met en relation Le Beausset avec la commune voisine du Castellet. Tous les sites jugés importants peuvent être considérés comme suffisamment dispersés pour avoir comporté eux aussi pars urbana et pars rustica distinctes, ce qui n’est pas le cas des petits sites de la plaine, dont le plus important pourrait correspondre à la pars rustica d’une exploitation, l’autre partie restant à trouver, peut‑être sous une ferme actuellement en piedmont à 150 m à l’est.

15.3.9 Permanence ou rupture ?

34Le hiatus entre l’Antiquité et le Moyen Age correspond à un vide réel de l’habitat, sinon des exploitations, en partie comblé au Rocher de l’Aigle (carrière), à Orvès (aven‑tombe de la Baïse) et surtout à Saint‑Estève, dans les gorges d’Ollioules, au confluent de la Reppe et du Destel. En fait, le terroir agricole reconnu sur le plateau d’Evenos/Saint‑Martin pourrait être considéré comme le cœur des mouvements de population, et ce depuis la Protohistoire au moins. Dans ce terroir aux limites plus ou moins lâches selon les périodes, l’habitat se concentre ou se disperse sur des lieux plus ou moins éloignés des bonnes terres d’origine. Les regroupements massifs en certains lieux privilégiés s’effectuent dans un cadre relativement étroit dont les limites seraient : au nord, le Pré avec Saint‑Martin et l’Estrèche, à l’ouest la Cimaille, au sud la Haute‑Venette et, à l’est, le ravin du Destel et Saint‑Estève. Ces regroupements n’excluent pas la possible existence d’un double habitat à certains moments, comme le suggèrent les occupations protohistoriques d’Evenos et de Saint‑Estève. Tout se passe comme si les occupants anciens de ces terroirs, d’abord installés sur les hauteurs ou les petites plaines à terres légères de l’intérieur à l’époque protohistorique, s’étaient peu à peu établis sur les pentes et au pied des collines au cours du i^er s. de n.è., pour se répandre dans la plaine du Beausset et sur la klippe du Vieux Beausset aux i^er et ii^e s. de n.è. La mise en culture des terres lourdes et souvent marécageuses des fonds de vallée et de la plaine du Beausset n’a pu se faire qu’avec un drainage relativement important du sous‑sol, avec une possible spécialisation des terroirs. A partir du iii^e s. de n.è., le nombre de sites se réduit, la récession de ce type d’habitat est nette.

15.4 En guise de conclusion

35Bien qu’incomplètes –il manque encore toute l’approche des sites préhistoriques et médiévaux–, les observations que nous venons de faire à partir du fichier des sites des communes d’Hvenos et du Beausset sont le point de départ d’une étude plus vaste qui formera le corps de la publication de la carte générale de l’Ouest varois telle que nous l’avons définie en 1981. Pour chaque commune, puis pour l’ensemble des communes, nous tenterons de réaliser des analyses portant sur un maximum de sites, sur les qualités de ceux‑ci, les choix ayant présidé à leurs implantations et, par une série de synthèses effectuées par périodes (ou selon tout autre critère), nous offrirons la matière nécessaire aux futures recherches qui seront conduites dans l’Ouest varois.

36D’autres critères, que nous avons à peine effleurés, seront à prendre en compte dans le cas des sites historiques, comme l’existence ou non de parcellaires antiques ou médiévaux dans l’Ouest varois et les relations qui pourraient s’être établies entre les sites reconnus et ces parcellaires, ou bien l’éventuelle spécialisation des terroirs déjà mentionnée, ou encore les relations privilégiées que certains groupes humains nouèrent soit avec Marseille, soit avec l’Italie, l’influence de Toulon (Telo Martius) ne pouvant être suffisamment appréciée à l’heure qu’il est.

37Enfin, l’un des derniers points de notre recherche consistera à établir la permanence des terroirs à travers le temps. Pour cela, nous avons déjà commencé, et reporté sur carte, l’inventaire des exploitations agricoles antérieures au xix^e s. Cet essai, réalisé dès 1986 et repris en 1988, a montré que 26 exploitations agricoles romaines d’Evenos sur 33 et 17 du Beausset sur 22 coïncident avec autant d’exploitations modernes.

38Grâce à la richesse de cette région (près d’une centaine de sites pour la seule commune d’Evenos, plus de 500 pour les treize communes composant l’Ouest varois) et à l’équipe de recherche, qui s’est dotée d’un instrument performant, nous nous sentons plus aptes à apporter un éclairage peut‑être différent sur l’occupation du sol aux époques anciennes.

15.5 Gestion de fichier

15.5.1 Fichier informatisé

39Le système de gestion de fichiers utilisé permet d’établir au préalable l’en‑tête et le descripteur du fichier qu’il est possible de modifier, mais de manière non dynamique. Un processus particulier permet ensuite d’établir et de gérer des fichiers annexes (grilles, fichier index, fichier des mots clés, protection, etc.).

40Pour le choix du type de fiches, nous avons cherché à nous documenter. Dans le département du Vaucluse, nous avons eu connaissance d’une banque de données des sites archéologiques ; les fiches de sites y sont découpées chacune en trois grilles. La banque de données étant départementale, elle est accessible par Minitel. Il suffit pour cela d’avoir le code d’accès. Bien entendu, des barrières sont établies ; la première grille ne donne que les coordonnées et la nature du site ; un second code permet d’atteindre la deuxième grille, qui présente la topographie générale du site. Un troisième code d’accès, réservé au service archéologique, fournit un descriptif beaucoup plus complet. C’est une conception très intéressante au niveau départemental. Dans les Alpes‑Maritimes, George Rogers a lui aussi réalisé une fiche informatique des sites, plus proche de celle que nous avions déjà établie pour notre fichier manuel et mieux adaptée à l’utilisation que nous envisagions dans un premier temps pour notre fichier informatique, des modifications dans la conception des fiches et dans leur utilisation pouvant être intégrées si besoin est.

15.5.2 Description de la fiche

41Chaque fiche est un bloc de 249 caractères. Le numéro de la fiche est la partie non modifiable, celle qui se réfère à un fichier index. Nous lui avons réservé un champ de 4 caractères numériques.

42Suivent des informations administratives : département, commune, nom du site, type de zone Lambert (bleu ou noir), abscisse ou longitude, ordonnée ou latitude, altitude, diamètre du site, date de dernière révision de la carte, numéro de parcelle cadastrale.

43Viennent ensuite : date de la dernière visite, source des informations (documentation, collection, nouveau), vérification du site, initiales du vérificateur, valeur archéologique, état de conservation, type de propriété (état, collectivité, privé), type de protection, lieu de conservation du mobilier.

44Puis quelques informations archéologiques : type de structures (aven, grotte, plein air,...), utilisation (habitat, tombe,...) et les références (FOR, Atlas préhistorique, autres références).

45Enfin, les périodes d’occupation du Paléolithique à nos jours et les types de mobilier présents : silex, pierre polie, meule, architecture, os travaillé, monnaie, métal, verre, ossements humains, ossements animaux, poterie non tournée, poterie tournée, tuile, inscription/sculpture ou autres.

46Cinquante caractères sont réservés en fin de fiche pour les observations : dates de fouille et fouilleur, précision particulière, détail de la rubrique autre, etc.

47Il est également possible d’indiquer si d’autres fichiers sont concernés par le site. Pour plus de clarté, nous avons prévu des interlignes dans la visualisation de la fiche sur l’écran, mais comme celui‑ci ne permet de lire que 23 lignes à la fois chaque fiche est divisée en deux pages que nous pouvons tasser au moment de l’impression (fig. 6).

48Tous les éléments de texte sont inscrits dans un fichier spécial (grille) que le logiciel permet d’appeler, de visualiser et d’imprimer pour plus de clarté et de facilité de compréhension. Cette grille comporte 64 rubriques différentes, dont 54 peuvent être utilisées pour des opérations sur le fichier. Il est aisé de constater que nos fiches peuvent encore être découpées en secteurs d’accès autorisés sur code.

15.5.3 Possibilités d’exploitation de ce fichier

49Le logiciel permet d’effectuer les opérations suivantes sur le fichier (fig. 7) :
– saisie, pour remplir chaque page ;
– consultation, pour visualiser chaque fiche sur écran ;
– édition, pour éditer sur imprimante ;
– sélection, afin de choisir parmi les fiches celles qui comportent telle ou telle rubrique avec un maximum de quatre rubriques à la fois (exemple : on peut faire la sélection de toutes les fiches de la commune d’Evenos pour la période gallo‑romaine où l’on a trouvé des meules avec des monnaies) ;
– tri, pour classer les fiches dans un ordre choisi ; le plus simple est bien entendu le classement numérique, mais on peut aussi bien choisir le classement alphabétique à partir d’une rubrique déterminée. La sélection permettant de constituer des fichiers annexes de travail, toutes ces opérations sont aussi réalisables sur fichiers annexes, ce qui autorise un nombre important de possibilités d’exploitation des données.