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Les campagnes de la France méditerranéenne dans l’Antiquité et le haut Moyen Âge

 | 
François Favory
, 
Jean-Luc Fiches

4 Habitats, sols et cadastres dans le Tricastin

4 Settlements, soils and land‑registers in Tricastin

Thierry Odiot

Résumé

Le Tricastin constitue une microrégion, bénéficiant d’un concours remarquable de documentations d’origines variées, qui autorise la reconstitution partielle du paysage antique tentée dans cette contribution. En effet, les documents cadastraux retrouvés à Orange (Vaucluse) offrent un dossier épigraphique d’une exceptionnelle richesse et d’une précision géographique suffisamment assurée pour cartographier les terres assignées aux colons romains et les terres laissées au peuple indigène des Tricastins ; il est en outre possible d’identifier les terroirs où sont localisées les terres louées par la colonie. La confrontation des informations fournies par la forma gravée sur le marbre avec les données archéologiques, recueillies en prospection ou révélées par la fouille, et les données pédologiques, livre des résultats éclairant le processus de colonisation agraire appuyé sur des agglomérations indigènes et gallo‑romaines, ainsi que le mode d’exploitation des terres louées par les personnages mentionnés sur la forma du cadastre B d’Orange.

Texte intégral

  • 1 La mise en œuvre d’un programme de prospections systématiques, lié à des sondages et des sauvetages (...)

1La présente contribution est le fruit d’un travail d’équipe réalisé dans le cadre du programme de recherches : occupation des sols à l’époque romaine en Tricastin1. Notre objectif est de présenter les premiers résultats obtenus après cinq années de prospections systématiques dans la moyenne vallée du Rhône. Nous tentons de replacer cet essai de cartographie archéologique dans le cadre des expériences déjà réalisées dans le Beaucairois (Bessac 1987) et surtout d’exploiter les données fournies par le cadastre B d’Orange. Il semble, en effet, que les loyers payés par les locataires à la colonie aient été établis sur une évaluation du potentiel agricole des sols. Il paraît alors possible de restituer une image de la nature et de l’orientation économique des différents domaines décrits par le cadastre. La cartographie des implantations, localisées lors des prospections, permet de raisonner en termes de choix de terroirs, de dynamique du peuplement et surtout d’aborder le problème de la politique de la colonie d’Orange en ce qui concerne la mise en valeur des sols. En outre, l’impact de la remise en ordre de Vespasien (Piganiol 1962 : 85‑87) est perçu à travers le nombre des sites implantés à cette époque, le choix des sols et terroirs mis en valeur. Cette contribution se veut l’amorce d’une étude qui devra s’étendre sur des périodes chronologiques plus larges, dans le but de percevoir le paysage dans sa mobilité.

4.1 Le milieu naturel

4.1.1 Le relief

2La région étudiée est composée de quatre unités géographiques bien distinctes (fig. 1).

3● La vallée du Rhône est la structure la plus marquante du paysage ; elle a modelé toutes les autres unités orographiques. Vaste plaine alluviale, d’une largeur maximale de 8 km, elle est profondément marquée par les évolutions successives du fleuve. De nombreux cours fossiles sont lisibles sur les photographies aériennes (fig. 2) et les apports en limons et cailloutis forment autant d’anomalies pédologiques. Dans certains cas, quelques points bas conservent des toponymes indiquant les zones humides (Les Paluds, les Marais).

4● Les plateaux, dont l’altitude avoisine 120 m, sont formés de calcaires durs (secondaire) ou de molasses gréseuses (tertiaire) ; parfois ils sont recouverts par les terrasses anciennes du fleuve.

5● Les collines appartiennent aux mêmes formations géologiques que les plateaux ; leurs sommets culminent vers 380 m.

FIG. 1 – Relief et hydrographie. 1 Viviers ; 2 Châteauneuf‑du‑Rhône ; 3 Donzère ; 4 Roussas ; Les Granges Gontardes ; 6 Bourg‑Saint‑Andéol ; 7 Pierrelatte ; 8 Lagarde‑Adhémar ; 9 Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux ; A cours du Rhône d’après le cadastre B d’Orange ; B cours de la Berre d’après le cadastre B d’Orange.

FIG. 2 – Photo‑interprétation des cours fossiles du Rhône et de la Berre. A cours du Rhône d’après le cadastre B d’Orange ; B cours de la Berre d’après le cadastre B d’Orange.

6Ces plateaux et collines portent tous sur leurs flancs les traces de petits cours d’eau asséchés qui offrent des voies d’accès vers les points culminants. Ces cours convergent vers la vallée du Rhône ou, comme à Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux, vers des dépressions marécageuses.

7● Les vallées affluentes sont toutes orientées de l’est vers l’ouest. La plus marquée, celle de la Berre, offre une voie de pénétration vers les contreforts du massif de la Lance dans les préalpes calcaires.

4.1.2 Les sols

8Pour la partie de la vallée du Rhône étudiée ici, nous possédons une série de relevés et de cartes pédologiques. Ces cartes de la nature des sols actuels ont été effectuées conjointement aux restructurations agraires liées aux aménagements du cours du Rhône (Duclos 1974 ; Duclos 1981). Elles permettent de répartir le territoire étudié en cinq grandes classes de sols distinctes. Les critères choisis sont les capacités de réserve en eau et le pouvoir de drainage naturel des terrains ; ils nous renseignent sur la lourdeur relative des terres. Ces données sont précisées par des indices complémentaires concernant l’importance des cailloutis dans le sol (caillouteux, mixte, non caillouteux) et la teneur en argile (argileux, très argileux).

  • 2 Ces vérifications ont été effectuées avec l’aide de P. Poupet et permettent d’affirmer que les sols (...)

9Bien évidemment ces données ne sont qu’indicatives car l’état de ces sols, à l’époque romaine, reste à étudier plus précisément par voie de sondages et d’analyses pédologiques. Pour ne donner qu’un exemple, les gleys et pseudo‑gleys, (sols de type V) sont le fruit de l’évolution de terres riches et lourdes, mal drainées, transformation qui pourrait être postérieure à l’Antiquité. Après une série de vérifications sur l’ancienneté de la pédogenèse des sols de types I, II et III2, nous avons jugé possible de mettre en rapport les cartes des sols actuels avec les indications foncières fournies par le cadastre B d’Orange. Cette démarche avait pour but de vérifier, et éventuellement d’affiner, les analyses et les conclusions de A. Piganiol quant à l’interprétation proposée pour les différents tarifs de location des terres à l’intérieur du cadastre.

10Afin de faciliter l’utilisation de la terminologie décrite ici, des qualificatififs ont été attribués aux différents sols :
– type I : sols bons et légers,
– type II : sols très bons et lourds,
– type III : sols médiocres et lourds,
– type IV : sols pauvres légers et variables,
– type V : sols riches lourds et variables.

4.1.2.1 Sols de type I

11Ces sols, caractérisés par une faible réserve en eau et un bon drainage interne, se développent sur les terrasses anciennes du Rhône. Ils se subdivisent en trois sous‑groupes, par exemple :
– la : au nord‑est sur les plateaux de la Vialle (à l’est de Donzère) et sur celui des Echirouses (au nord du Logis‑de‑Berre sur la commune des Granges Gontardes), les sols sont très caillouteux ;
– Ib : au sud‑ouest de la commune de Donzère, sur la terrasse d’alluvions anciennes où s’installe le site du Molard (site n° 15), les sols sont plus irréguliers et des poches plus argileuses voisinent avec des zones très caillouteuses ;
– Ic : au sud de la commune de Pierrelatte, ils sont très caillouteux et acides, landes (Blaches).

4.1.2.2 Sols de type II

12Une texture légère à moyenne et une bonne perméabilité caractérisent ces terrains formés sur les alluvions récentes du Rhône. Ils sont relativement homogènes (bonne réserve en eau et bon drainage interne) mais peuvent, par secteur, être de profondeur limitée et/ou fortement chargés en graviers et en galets du Rhône.

4.1.2.3 Sols de type III

13Ces sols ont une texture très lourde et de faible perméabilité (bonne réserve en eau et drainage interne moyen). Il s’agit d’apports fluviatiles et de colluvions.

14Ici encore, trois sous‑groupes peuvent être dégagés.
– IIIa : dans la zone du terrain d’aviation de Pierrelatte, les sols sont de texture très lourde et de perméabilité moyenne ;
– IIIb : dans le secteur de la centrale atomique de Pierrelatte, la texture lourde est dotée d’une perméabilité faible ;
– IIIc : par poches isolées, où la perméabilité est réduite.

4.1.2.4 Sols de type IV

15Ces sols sont très hétérogènes et généralement bien représentés dans les terrains accidentés (pentes, talus) et sur les plateaux calcaires.

16Deux sous‑types de sols se dégagent en fonction de la nature de la roche mère (calcaires durs ou tendres et colluvions) :
– IVa : sur les pentes et les plateaux miocènes (marnes du plateau de Saint‑Restitut, par exemple) ;
– IVb : sur les pentes et plateaux de calcaires urgoniens du défilé de Donzère.

4.1.2.5 Sols de type V

17Il s’agit des gleys et pseudos‑gleys déjà mentionnés. Actuellement, ils sont hétérogènes et peuvent présenter une réserve en eau, faible à bonne, ou un engorgement souvent généralisé ; leur structure est lourde.

4.1.3 Les matières premières

18L’étude de la carte géologique a permis de faire l’inventaire des matières premières affleurantes dans le secteur étudié. Les gisements les plus faciles d’accès ont été localisés et chaque site a été ainsi repositionné dans son environnement géologique (fig. 3).

FIG. 3 – Géologie générale (d’après Bethemon).

Les calcaires du secondaire

19L’Urgonien : il s’agit d’un calcaire blanc très dur, qui forme le défilé de Donzère, le massif du Moulon à Roussas et le rocher de Pierrelatte ; il donne une excellente chaux et peut être taillé sous la forme de moellons pour les constructions. Scié et poli, il a un aspect marmoréen.

Les calcaires tertiaires

20Les calcaires miocènes : le plus connu est le calcaire molassique de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux, mieux connu sous le nom de pierre du Midi. Les exploitations antiques de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux sont les plus nordiques actuellement connues. Il peut former une bonne chaux, mais il est surtout apprécié pour sa facilité de travail ; il se sculpte facilement. L’utilisation de ce type de matériaux est attestée à Lyon et à Vienne depuis la période augustéenne (Philippe 1989).

Les galets

21Ils proviennent de la terrasse villefranchienne du Rhône. Ils sont utilisés comme radiers ou comme sols (calades), comme remplissage de drains ou encore comme moellons.

Les graviers

22La plupart peuvent être extraits de la moyenne terrasse du Rhône (Riss). Leur utilisation est attestée dans la constitution de sols et de mortiers, bétons, etc.

Les sables

23On peut les extraire dans les terrasses récentes du Rhône ou dans les niveaux burdigaliens de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux.

Les argiles

24Ce sont les argiles pliocènes (marnes plaisanciennes) qui sont le mieux adaptées à la production des céramiques ; elles ont été exploitées à Bollène, au Logis‑de‑Berre, à Roussas et à Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux.

La calcite

25Elle est exploitable en filons dans le kartz du défilé de Donzère. Elle est utilisée dans la fabrication des tuiles, des briques et des dolia.

Le minerai de fer

26Il est présent à Roussas où il a été exploité durant l’Antiquité (site no 57). Il se trouve au contact du crétacé et de l’éocène sous la forme de nodules ferrugineux. De nombreux sites prospectés ou fouillés ont livré des traces de minerais à l’état brut, alors qu’ils étaient en dehors de la zone d’affleurement géologique.

Les roches volcaniques

27Ces matériaux sont absents sur cette rive du Rhône. Les plus proches gisements se trouvent en Ardèche, dans le massif du Coiron. Le basalte est traditionnellement utilisé pour la fabrication des meules. Mis à part les meules et quelques galets du Rhône, utilisés comme tels dans des constructions, un seul cas d’utilisation de matériaux volcaniques est attesté dans le secteur étudié. Sur le site du Molard à Donzère (site no 15), de la pouzzolane est mêlée à de la chaux pour la constitution d’un terrazzo.

4.1.4 L’eau

28Le territoire étudié est riche en eau car le Rhône et ses affluents drainent les apports des massifs avoisinants. L’approvisionnement en eau dans les nappes phréatiques et les différentes résurgences n’a jamais réellement posé de problème à leurs utilisateurs pour autant que les textes médiévaux et modernes y fassent allusion. Tout au plus quelques sources se sont taries lors de longues périodes de sécheresse ou lors de tremblements de terre, comme en 1782, ou encore lors de grands travaux (nouvelle route nationale, par exemple).

4.1.4.1 Le Rhône

29De nombreuses allusions aux crues du fleuve sont notées dans les terriers du haut Moyen Âge, dans de nombreux commentaires médiévaux et modernes, tout comme dans les récits des riverains ayant connu la vallée avant le percement du canal de Donzère à Mondragon (Salavert 1988).

30Au regard de l’abondance des sites de la période gallo‑romaine, dispersés sur la plaine (bien souvent situés à proximité immédiate du fleuve), on peut penser que le Rhône pouvait avoir un niveau d’étiage moins élevé. Le site no 79 (commune de Pierrelatte), datable du deuxième âge du Fer, est recouvert par près de 2 m d’alluvions il est de plus constamment immergé dans la nappe phréatique actuelle. A l’inverse, le site no 64, qui se développe à proximité immédiate dès la période augustéenne, n’est recouvert que par 0,6 m de sédiments. Partout où des vestiges ont été découverts à proximité du fleuve, il semble que le niveau du Rhône antique ait été plus bas que le niveau du siècle dernier, c’est‑à‑dire avant les travaux d’endiguement et les percements des dérivations du fleuve. Ce niveau sensiblement moins élevé n’empêche en rien les crues du fleuve, et en l’absence de fouilles, rien ne permet pour l’instant de connaître leurs incidences sur l’habitat, la logique de son implantation, voire les éventuels aménagements architecturaux nécessaires à leur protection. En revanche, nous savons par le cadastre B d’Orange que de nombreuses terres ont été gagnées sur le fleuve (nova jugera en bordure du fleuve), tandis que d’autres furent abandonnées (remissa in aquam), ce qui implique la construction de digues et des apports de matériaux importants. Le Rhône n’a donc pas eu le pouvoir de répulsion qu’on lui prêtait encore récemment.

4.1.4.2 Les nappes phréatiques

Les nappes de bordure du Rhône

31Les nappes bordant le Rhône sont maintenant bien connues. La construction du canal de Donzère à Mondragon a eu un impact important sur leur niveau. Les racines des arbres furent mises à sec, vergers et luzernes de la plaine devinrent plus sensibles à la sécheresse, et les terrains limoneux de bordure du fleuve subirent des tassements, rendus encore plus importants par la mécanisation de l’agriculture. Dans l’ensemble, une bonne partie des terrains durent être irrigués alors que cette opération ne s’imposait pas précédemment (Garraud 1965 ; Henri 1958).

Les nappes perchées

  • 3 Le phénomène est surtout sensible pour les sols de types III etV.

32Ces nappes sont superficielles et surtout alimentées par les eaux pluviales. Leur présence altère les sols (hydromorphie)3, ceci est surtout sensible dans les secteurs surbaissés, comme la plaine de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux et certains secteurs de la plaine de Pierrelatte. L’engorgement de ces terrains rend nécessaire le drainage si l’on désire les rendre apte à la culture.

33Ces nappes sont parfois suffisamment importantes pour former de petits cours d’eau comme la petite Berre ou le ruisseau des Echaravelles (fig. 1). Ils ont un cours très irrégulier, mais peuvent jouer un rôle important dans le drainage naturel des sols lourds (type III).

Les nappes de versant

34Elles sont matérialisées par les résurgences apparaissant dans les colluvions de bas de pente, le long des lignes de coteau et de collines. Certaines de ces sources sont citées dans les terriers du bas Moyen Age, ce qui tend à montrer leur relative stabilité.

4.1.5 Le climat

  • 4 Résultats Archéolab, en cours de publication.

35Nous avons peu de données sur le climat et l’environnement végétal durant la période antique dans le secteur. Les résultats des rares analyses palynologiques ne sont pas encore exploités et il en est de même pour les données anthracologiques. Les pollens de la période augustéenne, retrouvés lors de la fouille de l’hôtel de l’Esplan à Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux, montrent la présence d’une végétation arbustive proche de celle existant de nos jours (olivier, pin et chêne)4.

4.2 Les données historiques

4.2.1 La Protohistoire

36Les Tricastins étaient implantés dans la moyenne vallée du Rhône, antérieurement à Bellovèse, premier cette dont le passage est attesté dans le sud de la France par les auteurs antiques (Tite‑Live 5, 34, 5). Pourtant cet ethnonyme est considéré comme étant d’origine celtique, ce qui laisse penser que les Tricastins appartiennent à une vague antérieure à l’expansion citée par les historiens.

  • 5 L’ensemble de ces textes est repris et commenté par Barruol 1969 : 3‑25, 247‑ 268.

37Plusieurs auteurs antiques ont évoqué les Tricastins5 : Tite‑Live (5, 34, 5 et 21, 31, 9), Silius Italiens (Punica – 3, v. 466 sq.), Pline (3, 36), Ptolémée (2, 10, 7), Ammien Marcellin (15, 10, 11).

38Malgré la relative abondance des sources, il est difficile de cerner les limites politiques de ce peuple. C. Boisse (Boisse 1968) et G. Barruol (Barruol 1969) ont abordé ce problème sans parvenir aux mêmes conclusions ; l’un et l’autre attribuent la ligne des coteaux de la Garde‑Adhémar aux Tricastins. En revanche, leurs avis divergent sur les occupants de la plaine de Pierrelatte : C. Boisse considère ce secteur comme Tricastin ; G. Barruol le restitue aux Cavares qui posséderaient ainsi une bande continue de terrains le long du fleuve, du sud d’Orange à Montélimar. L’étude du problème général des frontières du Tricastin a été repris par G. Chouquer. A la lecture des fragments du cadastre B d’Orange, où la mention « rendue aux Tricastins » n’apparaît qu’à l’est du kardo maximus et au nord du decumanus maximus, G. Chouquer propose une nouvelle interprétation. Pour lui, la région à l’ouest du kardo maximus appartenait anciennement aux Tricastins, mais le territoire leur fut enlevé pour mettre en place de nouvelles assignations pour les colons d’Orange.

  • 6 Le nom de Salnt‑Paul‑Trois‑Châteaux est une altération de Tricastinorum ou Tricastin, qui semble an (...)

39Dans un rayon de 8 km autour de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux6, huit oppida sont recensés avec certitude (fig. 4). Mais en l’absence de fouille et surtout de matériel suffisant, seuls quelques‑uns sont datés (Odiot 1987). Pour les sites de plaine, une seule tombe du vie s. av. n.è. est connue à Saint Restitut, au pied de l’oppidum de Barry. De même, un seul site d’habitat de plaine est répertorié, au Logis‑de‑Berre (Novem Craris, les Granges Gontarcles, cf. infra). La fouille menée par C. Boisse, terminée depuis plus de dix ans, est toujours en attente d’une publication synthétique. Seule la découverte, en 1987, du site de L’Esplan dans le centre de la ville de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux, qui montre une occupation dans le courant du vie av. n.è. pourrait renouveler la problématique. Ici encore l’étude du matériel reste à effectuer. Au  total onze sites attribuables avec certitude aux Tricastins sont recensés sur une superficie de 200 km2. Cette absence de données suffisantes rend hasardeux tout essai de synthèse pour cette période.

FIG. 4Oppida du Tricastin. 1 Barry (Bollène, 84) ; 2 Le Moulon (Roussas, 26) ; 3 Saint‑Saturnin (Donzère, 26) ; 4 Curnier (26) ; 5 Suze‑la‑Rousse (Montségur‑sur‑Lauzon, 2B) ; 6 Le Château (Grignan, 26) ; 7 Beau regard (Grignan, 26).

4.2.2 Le transfert des capitales

4.2.2.1 La capitale primitive

40Les auteurs s’accordent pour identifier l’oppidum de Barry (sur la fig. 6 Bollène‑Vaucluse) comme la capitale primitive des Tricastins. Sa grande superficie (44 ha), le plan de ses remparts ‑ rappelant l’organisation des sites de la Gaule du Nord ‑ et la richesse du mobilier découvert, sont autant d’éléments montrant l’importance politique, économique et stratégique de ce site.

41La découverte d’un secteur d’habitations du vie s. av. n.è. sur le site de l’Esplan à Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux ne semble pas remettre en cause le statut de capitale de Barry (occupé à la même époque). Le site de l’Esplan semble avoir une courte durée de vie, contrairement aux indices de continuité relevés en prospection à Barry.

4.2.2.2 La capitale gallo‑romaine

42Au début de la période augustéenne, le centre politique des Tricastins se déplace. La nouvelle cité (Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux – Augusta Tricastinorum), qui ne semble pas être une création ex nihilo (des indices attestent une occupation antérieure), se dote à la période augustéenne d’un rempart délimitant une superficie de 20 ha (fig. 5). Les diverses inscriptions découvertes sur la commune de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux et les nécropoles l’entourant montrent l’importance de la vie économique de la cité des Tricastins durant le Haut‑Empire. Ainsi pendant cette période, les campagnes avoisinantes révèlent aussi une plus grande densité d’occupation.

FIG. 5 Rempart augustéen d’Augusta Tricastinorum. 5, 16 points de découvertes ; 4 site de l’Esplan ; 14 cathédrale ; 132 nécropole du Valladas.

4.2.3 Les voies de communication

4.2.3.1 Les voies terrestres

43La voirie antique reste mal connue dans le Tricastin. Seule la voie d’Agrippa (dans la vallée du Rhône) et la voie protohistorique (passant par l’intérieur des terres) de Vienne à Marseille (Chapotat 1978) ont fait l’objet d’études particulières.

La voie d’Agrippa

44Fig. 6, A, a

Les données historiques

  • 7 Un milliaire y a été retrouvé : CIL 5555.

45Cet axe est le plus étudié de la région (Florian Valentin 1880, Salviat 1985 : fig. 8‑10). La route est matérialisée actuellement, entre Bollène et le Logis‑de‑Berre, par une ligne droite de 13 km (départementale 158 A). Au nord du Logis‑de‑Berre, la voie se continue sous la forme d’un chemin rural servant de limite de communes7. Le Logis‑de‑Berre, (site no 111) apparaît sous le nom de Novem Craris sur l’itinéraire de Bordeaux à Jérusalem ; il est par contre absent de la table de Peutinger.

FIG. 6 – Carte générale du territoire étudié. – Localités : V Viviers ; CDR Châteauneuf‑du‑Rhône ; BSA Bourg‑Saint‑Andéol ; SPTC Saint‑Paul‑Trois‑Chateaux ; LGG Les Granges Gontardes ; P Pierrelatte ; D Donzère ; R Roussas ; LGA La Garde‑Adhemar ; SR Saint‑Restitut ; – Informations du cadastre B d’Orange : a voie d’Agrippa sur le cadastre B d’Orange ; a’ proposition de tracé ; A cours du Rhône d’après le cadastre ; B cours de la Berre d’après le cadastre ; KM kardo maximus ; DX 10e decumanus. – Voirie : a Voie d’Agrippa au nord du Logis de Berre ; b Route de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux à Grignan c Route de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux à Bollène ; d Route de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux à la vallée de la Berre ; e Route de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux à Novem Craris par la voie d’Agrippa ; f Route de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux à Bollène par la voie d’Agrippa ; g Route du Logis‑de‑Berre à Donzère par le site du Molard (site no 15) ; h chemin de Donzère à Châteauneuf‑du‑Rhône ; i Route de Pierrelatte au Logis‑de‑Berre ; j Route de Bourg‑Saint‑Andéol à Donzère ; m Route de Roussas à la voie d’Agrippa. – Oppida : 1 oppida de Château‑Porcher et de Saint‑Saturnin ; 52 oppidum du Moulon ; k oppidum de Barry ; 5 sites majeurs ; 10/11/12 Donzère‑le‑Bourg ; 111 Le Logis‑de‑Berre (Novem Craris) ; 143 (SPTC) Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux (Augusta Tricastinorum) : 15 Site du Molard à Donzère.

La représentation de la voie sur le cadastre d’Orange

46Fig. 7

47La voie se développe de façon autonome par rapport au cadastre B d’Orange, ceci pouvant être un indice de son antériorité. Elle est représentée sur les marbres dans les centuries DD XI CK II et DD XXI CK II. A cet endroit, elle semble correspondre au tracé de l’actuelle route départementale (Piganiol 1962). Plus au sud, la voie est représentée sur les marbres dans le massif d’Uchaux, au nord‑ouest d’Orange, près de la pointe des Roches, au nord de Bollène. Récemment, F. Salviat (Salviat 1985) a replacé un nouveau fragment de la voie à 9 km au nord du Logis de Berre. Sur les centuries DD XVI CK II, DD XVII CK II, DD XVIII CK I, la route traverse la Berre et s’interrompt en DD XIX CK I (à proximité s’est développé le site de Novem Craris 111 fig. 6). L’absence de représentation de la voie, après la traversée de la Berre, est considérée par Piganiol comme un oubli du graveur. C. Boisse y voit plutôt le signe d’un carrefour complexe de voies nord‑sud et est‑ouest. La présence de nombreuses voies aurait alors contraint le graveur à abandonner le dessin de la voirie pour ne pas rendre plus difficile la lecture des textes. Quoiqu’il en soit, si l’on admet que la représentation de la voie sur les marbres correspond réellement à une réalité géométrique, le tracé est divergent par rapport à la route départementale actuelle (fig. 8, 10).

FIG. 7 – La voie d’Agrippa sur le cadastre B d’Orange.

FIG. 8 – Le site de Novem Crans (d’après C. Boisse).

FIG. 9 – La voie d’Agrippa au nord de Novem Crans (d’après Salviat).

Les évidences archéologiques

48Lors des fouilles de Novem Craris, un tronçon de voie orienté nord‑sud, a été interprété par C. Boisse comme étant la voie d’Agrippa. Cette voie, qui est orientée comme l’actuelle route départementale, ne présente aucune solution de continuité avec le tracé proposé par les marbres trouvés à Orange (fig. 7, 8).

49Le problème est devenu encore plus complexe depuis la découverte, par photographie aérienne, d’un tronçon de voie qui diverge totalement des données précédentes. Sur les clichés, la voie passe à l’est de la voirie actuelle, sous la forme d’une route large bordée de deux fossés (fig. 10).

FIG. 10 – La voie d’Agrippa au sud du Logis‑de‑Berre. A route départementale 158 ; B voie d’Agrippa d’après le cadastre B ; C proposition de tracé ; D route de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux ; E la voie d’après les photographies aériennes. ● le Logis‑de‑Berre.

50Dans l’état actuel de nos connaissances, et devant la multiplicité des possibilités, il semble difficile de proposer une restitution définitive du tracé de la voie.

La voie du Logis‑de‑Berre au défilé de Donzère

  • 8 Archives de la Drôme 2 E 15 850 f° 77.

51Cet axe apparaît comme un important corollaire de la voie d’Agrippa (fig. 6, G), il permet de la relier à la façade rhodanienne. Cette route dessert ensuite les habitats groupés de Donzère (site no 011) et Châteauneuf‑du‑Rhône, puis se prolonge vers Montélimar (Acunurn). Dans sa partie reliant Donzère au Logis‑de‑Berre, la voie emprunte le chemin de Donzère au Pas‑de‑Berre, cité en 1562 (large de 14 passes, soit environ 9,80 m)8. Arrivée à la hauteur du carrefour du Gresse, elle se dédouble en englobant le site du Molard (015), un tronçon passe au sud l’autre au nord. On notera que la partie nord de la route entre dans la villa (fig. 11, 12).

FIG. 11 – Les chemins d’accès au site du Molard. 111 Le Logis‑de‑Berre ; 11 Donzère ; 14 nécropole de Coupe Oreille ; 15 site du Molard. H = 100 m

FIG. 12 – Le site du Molard à Donzère. A habitat ; B ailes sud ; C caves ; D fouloirs ; E pressoirs ; F cellier ; G galerie longeant le cellier ; H cour ; O partie sud des pressoirs ; R bassins ; P cour ; T chemin d’accès nord ; K contrôle des entrées sud ; ▼ portes.

52Il faut peut‑être considérer le diverticulum passant au sud de la villa comme le plus ancien : il suit une limite topographique, la bretelle nord n’étant créée que pour répondre aux besoins économiques du site.

53Les deux diverticules se rejoignent ensuite au carrefour de Coupe‑Aureille. Ce carrefour est situé au milieu de la limite est de la centurie DD XXIII VK III, sur le troisième kardo du cadastre B d’Orange. A proximité de ce carrefour s’est développé, au ive s., la nécropole de Coupe‑Aureille (site no 014).

54La voie se dirige alors vers Donzère (habitat groupé), puis continue vers le plateau dominant le défilé (fig. 6, FI). Elle se confond avec le troisième kardo, à droite du decumanus du cadastre B d’Orange. Cette route a été utilisée durant tout le Moyen Âge et à l’époque moderne (Route Royale jusqu’en 1754). Elle correspond en partie à l’actuelle route départementale 144.

Les autres axes possibles

55Les deux points forts du paysage de Donzère sont les carrefours de Coupe Aureille et de Gresse. Ils structurent l’ensemble des communications nord‑sud de la plaine du Rhône. A partir de ces deux pôles partent les chemins cités dans les terriers donzérois du début de la période moderne. Ces routes relient Donzère à Viviers, Montélimar (en empruntant le 3e kardo), Pierrelatte, Grignan et Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux. Ces localités sont des points importants de l’économie locale et régionale.

56Chacune de ces agglomérations a livré des traces d’une occupation antique. Les servitudes économiques qu’induisent ces routes pour les périodes médiévale et moderne (relations avec le siège de l’évêché à Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux ; relations avec la résidence de l’évêque à Viviers ou Bourg‑Saint‑Andéol [X fig. 6] à partir du xvie s. ; nécessité de liaisons nord‑sud) ont autant d’implications que durant l’Antiquité. Ainsi le passage facile du Rhône à la hauteur de Bourg‑Saint‑Andéol, la nécessité d’une relation rapide avec la civitas d’Augusta Tricastinorum et la liaison qu’offre la vallée de Combe‑Longe pour rejoindre la voie d’Agrippa sont des indications qui semblent pérennisées par la voirie. Le chemin de Donzère à Pierrelatte est à envisager dans le cadre des relations nord‑sud, parallèles à la voie d’Agrippa.

Les liaisons est‑ouest

57Fig. 6

58Les liaisons est‑ouest sont induites par la topographie. La voie de pénétration la plus évidente est sur la vallée de la Berne, qui depuis Novem Craris (site no 111) permet un accès facile vers Grignan, le bassin de Valréas, le Pègue (Altonum) et Vaison‑La‑Romaine. Le chemin (fig. 6M) reliant la voie d’Agrippa à la hauteur du site des Brugières (site no 112, commune des Granges Gontardes), à Roussas puis Valaurie et la vallée de la Berre, serait un diverticulum permettant une liaison rapide entre Montélimar (Acusto, Acununi), Grignan et le Pègue (Altonum) en évitant Novem Craris. Il est à noter que ce chemin dessert le site du Fayn (site no 53) et passe au pied de l’oppidum du Moulon sur la commune de Roussas.

Le réseau désenclavant la capitale

59Fig. 6, E et F

60Augusta Tricastinorum est situé à l’écart des grands réseaux routiers, à 2 km de la voie d’Agrippa. Cette position, qui peut s’expliquer par des raisons d’ordre historique (antériorité de l’occupation), a du être un lourd handicap pour le développement économique de la civitas.

61Le tronçon de voie découvert par photographie aérienne à la hauteur du site de Novem Craris (fig. 10) est divergent par rapport à la voie d’Agrippa, mais il offre une solution de continuité si l’on prolonge son axe vers le sud, où il est conservé sous la forme de limites de parcellaires. La voie (E fig. 6) se poursuit ensuite par la route départementale 158 qui aboutit à Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux.

62La capitale était desservie par d’autres voies, comme le 8edecumanus mis en évidence lors de la fouille de la nécropole du Valladas à Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux (Bel 1986) ; il permettait une desserte est‑ouest vers la voie d’Agrippa.

63D’autres voies devaient exister permettant de rejoindre la Beaume‑de‑Transit (déformation de Balmae Tricastrinenses), Vaison‑La‑Romaine et Grignan, mais elles n’ont jamais été étudiées. L’ancienne route de Bollène à Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux (F fig. 6) permettait de désenclaver la civitas vers le sud.

Le rôle du cadastre B

64Bien évidemment, il faut dans le cadre du problème de la voirie antique, réévaluer le rôle du cadastre B d’Orange qui fonctionne comme un agent dynamisant des échanges économiques locaux. Toutes les limites de centuries n’étaient pas forcément matérialisées sous forme de chemins, mais bon nombre de clichés aériens le montrent fréquemment. La bonne conservation du 3ekardo pour Donzère, tout comme celle des 11e et 10e decumani, conservés respectivement sur 1 600 m et 4 600 m, sont à interpréter comme autant de traces fossiles du pouvoir de structuration économique du cadastre.

65Dans bien des cas, les économies médiévale et moderne ont joué un rôle dans l’oblitération (ou simplement la déformation) du réseau des communications antiques, au profit d’impératifs nouveaux, mais les nécessités géographiques ont permis la survie de nombreux axes importants.

4.2.3.2 Les voies fluviales

La Berre

66Cet affluent du Rhône a un débit très irrégulier et n’a jamais été considéré comme navigable, d’après les sources que nous possédons pour le Moyen Âge et la période moderne ; toutefois son confluent avec le Rhône a pu offrir une halte intéressante pour la navigation (fig. 1).

Le Rhône

67La navigation sur le Rhône est fortement marquée par les difficultés rencontrées lors du passage du défilé de Donzère. Décrit à l’époque moderne comme particulièrement dangereux, il a nécessité très tôt la création d’un port en aval et d’un autre en amont. L’abbaye de Donzère possède au viie s. un port sur le Rhône, Châteauneuf‑du‑Rhône en possède un au ixe s.

  • 9 Le site du Molard à Donzère a une superficie de 10 000 m2. Un premier bâtiment, de superficie restr (...)

68Nous n’avons pas d’élément tangible pour restituer un port à Donzère durant l’Antiquité, mais la présence au bord du fleuve d’un habitat groupé, la situation du site du Molard9 avec son importante production destinée à l’exportation et les difficultés de la navigation sont autant d’indices en faveur d’une installation portuaire en bordure du fleuve.

  • 10 Sur ce sujet, voir légende du martyr de Saint‑Andéol (Lauxerois 1983 : 67‑83).
  • 11 On pensera aux carrières romaines de pierres du Midi du plateau de Saint‑Restitut.

69De même un port a pu exister à Pierrelatte, au regard de Bourg‑Saint‑Andéol10. Les besoins d’Augusta Tricastinorum en importation et en exportation11 font sentir la nécessité d’un débouché portuaire pour la capitale des Tricastins. Ici encore aucun élément probant n’est connu, seule la bonne conservation du 10edecumanus entre Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux et le Rhône, et la grande densité des habitats près du fleuve peuvent étayer cette hypothèse.

70Il est toutefois impossible, à la lumière des prospections effectuées, de proposer un emplacement plausible pour l’agglomération légendaire de Bergoiata, ville s’étendant de part et d’autre du fleuve à la hauteur de Bourg‑Saint‑Andéol. R. Lauxerois établit l’état de la question et aboutit aux mêmes conclusions. La légende de Saint‑Andéol matérialiserait le souvenir d’une importante et logique circulation entre les deux rives du fleuve.

71Dans tous les cas, les hypothétiques ports de Donzère et de Pierrelatte seraient à restituer comme de petites installations ne nécessitant pas de gros aménagements, donc difficilement détectables.

4.2.4 Le cadastre B d’Orange

72Afin de replacer les sites de la carte archéologique dans un contexte plus global, le cadastre B d’Orange a été intégré dans le raisonnement. Si l’ensemble des marbres conseivés est très lacunaire, le secteur de Pierrelatte est par contre celui où les marbres sont le mieux préservés, Les formes et l’orientation du cadastre ont été décrites et analysées par G. Chouquer (Chouquer 1983a) et c’est sur les bases de son travail et en collaboration avec lui que nous avons intégré le cadastre B d’Orange dans cette étude.

4.3 La carte archéologique

4.3.1 Les buts

  • 12 Le site du Molard à Donzère (no 015) semble toutefois sortir de ces normes, nous proposons une supe (...)

73La carte archéologique présentée ici a été conçue comme un instrument permettant d’aborder le problème de l’organisation du milieu rural durant le Haut‑Empire. En effet, le domaine rural dans le cadre du cadastre B d’Orange n’a été étudié que par A. Pelletier (Pelletier 1976). L’auteur propose, après l’étude des marbres du cadastre, une superficie moyenne de l’ordre de 100 ha12, pour chacune des exploitations de la moyenne vallée du Rhône. Le site du Molard à Donzère apparaît donc comme exceptionnel. Une telle exploitation était‑elle une anomalie ou entrait‑elle dans une catégorie de sites qui nous avait échappé jusqu’à présent ? Il fallait donc replacer ce site dans un contexte plus large, celui de six communes limitrophes appartenant à une même entité géographique et historique formant un ensemble cohérent à l’intérieur du Tricastin.

74Les prospections systématiques, aériennes ou au sol, deviennent alors des outils permettant de raisonner, entre autres, en termes de superficie, de type de plans, de densité et de durée de l’occupation.

75L’ensemble des données a été mis en relation avec les informations fournies par le cadastre B d’Orange et celles de la carte pédologique, afin de proposer une restitution du paysage gallo‑romain dans la région.

4.3.2 Les étapes de la recherche

4.3.2.1 Les cartographies antérieures

76L’ensemble du secteur étudié est couvert par deux cartes archéologiques de type classique.

La forma de la Drôme du chanoine Sautel

77Elle fournit des indications provenant le plus souvent d’un dépouillement de sources bibliographiques anciennes, ce qui rend difficile la localisation des sites (Sautel 1957).

La carte archéologique de Claude Boisse

78Elle est le fruit du travail de deux générations d’archéologues : l’abbé Boisse et Claude Boisse. Ils se sont livrés à une véritable enquête auprès des agriculteurs, vérifiant les données sur le terrain, proposant des identifications et des datations. Il faut toutefois noter que dans bien des cas les localisations sont erronées, les superficies mal estimées, et le plus souvent, l’interprétation paraît trop hâtive (Boisse 1968). Nous avons donc repris le travail cartographique, à partir de ces deux sources, en vérifiant, chacune des données sur le terrain et en élargissant le champ de la recherche.

4.3.2.2 La prospection systématique

79Avant même de procéder aux premières prospections systématiques, il a été nécessaire de collecter l’ensemble des données disponibles pour chacune des communes étudiées.

Les données historiques

80Une compilation et un classement des sources historiques a été effectué par A. Lacroix, archiviste de la Drôme. Cet ouvrage, paru pour la première fois en 1877, fait référence dans le département et sert de base au présent travail.

81Les études archivistiques ont pris une nouvelle ampleur en 1976, plus particulièrement sur la commune de Donzère. L’Association des amis du vieux Donzère a procédé au dépouillement intégral des terriers de la commune et des archives notariales. Cette étude, qui se poursuit, est très précieuse pour la compréhension du paysage local et de son évolution récente. Dans la même optique, une rapide compilation des toponymes anciens a été effectuée sur les communes où l’étude des terriers médiévaux et modernes est en cours.

Le fonds cartographique

82Pour chacune des communes, il a été nécessaire de collecter l’ensemble des cartes disponibles.

Le cadastre B d’Orange (Piganiol 1962, Chouquer 1983a)

83Il constitue, malgré sa conservation lacunaire, la carte la plus ancienne sur ce terroir. Seuls le Rhône et son affluent la Berre sont représentés et fournissent des informations sur le réseau hydrographique. Le tracé du cours du Rhône est mal conservé ; au nord de Donzère, il suit un tracé rectiligne correspondant à son cours actuel qui est déterminé par le défilé de Donzère.

84Entre Donzère et Pierrelatte, le fleuve prend un cours curviligne facilement expliquable : il arrive dans un nouveau bassin de faible pente après avoir été canalisé par le défilé et il est de plus déformé par l’apport de son affluent, la Berre. De nombreux bras du fleuve en constante évolution (des lônes) se formaient encore au début du siècle dans le même secteur. Le cours antique semble donc s’inscrire dans la moyenne des variations encore perceptibles au début du siècle.

85Le cours de la Berre apparaît comme rectiligne au niveau du Logis‑de‑Berre. Cette restitution n’est vraisemblablement pas une facilité choisie par le graveur. Dans la partie sud du cadastre, les lônes du Rhône dans le secteur de l’île du Sanglas, au nord de Pont‑Saint‑Esprit, sont représentées avec beaucoup de détails. De plus, la nature même de l’opération cadastrale implique de la part des agrimerisores un relevé réaliste des secteurs en eau. Au même endroit, sur la carte de Cassini, le cours de la rivière est irrégulier ; il faut peut‑être envisager un endiguement antique du cours d’eau à proximité de Novem Crans.

86Plus à l’ouest, la Berre forme de nombreux méandres, disparus aujourd’hui, mais qui ne sont pas exceptionnels au regard des données fournies par la photographie aérienne. Le réseau routier n’est représenté que par la voie d’Agrippa, qui s’interrompt au niveau de Novem Craris.

La carte de Cassini

87Dressée entre 1683 et 1744, elle ne sera réellement achevée qu’en 1815. Elle est un instrument utile pour la localisation des toponymes anciens et pour la connaissance des cours du Rhône et de ses affluents. La voie d’Agrippa, ou du moins la route reprenant son tracé, se poursuit au nord du Logis‑de‑Berre par le plateau du bois des Mattes où un milliaire fut trouvé.

Le cadastre napoléonien

88Relevé dans la région entre 1805 et 1830, il forme l’outil de référence pour la compréhension de l’évolution du parcellaire jusqu’à aujourd’hui et fournit le point de départ pour toutes les analyses comparatives. Les limites du parcellaire (ainsi que leur nature : pierres sèches, haie, etc.) sont représentées. Les secteurs détruits par les grands travaux apparaissent sous leur forme cadastrale antérieure. Ce cadastre est à utiliser avec précaution en matière de toponymie. Les oublis, les déformations et les transcriptions à la française de noms locaux sont courants (par exemple : l’Homme mort pour l’Horme mort, les Plans pour l’Esplanas).

Les cartes d’Etat‑major à 1/80 000

89Elles montrent que le cours du Rhône et celui de la Berre ont encore évolué et surtout que les premiers travaux de stabilisation du fleuve commencent à marquer le paysage.

Les cartes de l’IGN à 1/20 000

90Il s’agit de la dernière carte dressée avant le creusement du canal de Donzère à Mondragon. Elle prend par là même une grande valeur pour l’étude des secteurs détruits.

Les cartes de l’IGN à 1/25000

91Etablies à partir des missions photographiques verticales, ces cartes prennent en compte les dernières modifications du paysage (canal de Donzère, autoroute, centrale nucléaire). Elles sont utilisées ici comme fond de carte pour la présentation de la carte archéologique. Dans le but de synthétiser les données, le quadrillage théorique du cadastre B d’Orange a été reporté. La restitution proposée a été établie par G. Chouquer. Son exactitude est confirmée par de nombreuses photographies aériennes (Monguilan 1977).

Les assemblages du cadastre actuel à 1/5000

92L’ensemble des sites et structures repérés a été systématiquement replacé sur ces assemblages cadastraux. Ils permettent rapidement de faire des comparaisons de situation des sites dans le parcellaire actuel et de fournir les indications administratives nécessaires pour leur protection (section cadastrale, numéro de parcelle, coordonnées Lambert). De plus, il est facile de resituer sur ces cartes les limites de parcellaires antérieurs et de suivre l’évolution du paysage depuis le siècle dernier.

La carte géologique (BRGM 1954)

93Elle a permis de localiser les ressources naturelles de la région. En fonction de ces matières premières, les prospections ont été orientées vers la recherche des lieux d’extraction. Les sites de la carte archéologique ont pu être classés selon leurs sources d’approvisionnement. Par exemple, la présence ou l’absence de calcaire urgonien indique un approvisionnement différent en matériaux de construction.

La carte pédologique (Guennelon 1964 ; Bornand 1965 ; Bouzigues 1971 ; Duclos 1974 ; Duclos 1981 ; Duclos 1985)

94Elle a été l’un des outils les plus utiles tant lors de prospections que lors de l’analyse des résultats. La mise en relation de l’implantation des sites avec les sols environnants peut être un indice sur la nature de l’exploitation. Elle peut aussi permettre de raisonner en terme de complémentarité des terroirs (terrains secs ou humides, légers ou lourds, acides, etc.).

Les données photographiques

Les photographies de l’IGN

95Tous les clichés des missions verticales de l’IGN ont été étudiés. Les données de chaque mission sont complémentaires et permettent d’avoir une vision verticale des modifications du paysage de 1947 à nos jours. De nombreuses anomalies y ont été relevées et systématiquement vérifiées au sol. Cette démarche a permis la découverte de huit sites dans des zones non prospectées systématiquement. De plus ces photos sont essentielles pour la compréhension de l’évolution du cours du Rhône et de celui de la Berre (cours fossiles, nappes d’alluvions, etc.) et pour la détection des zones humides ou sèches.

La prospection aérienne systématique

96Echelonnée tout au long des quatre dernières années, la prospection aérienne s’est déroulée de façon systématique. Le territoire étudié a été découpé selon un maillage de 300 m ; le plan de vol ainsi conçu permet de passer deux fois sur le même axe. Les vols se sont effectués à toutes les saisons, afin de profiter des différentes possibilités de lecture dues aux changements thermiques et hydrométriques ; chaque site ou structure de parcellaire étant ensuite relevé sur les assemblages cadastraux à 1/5000, puis reporté sur la carte IGN à 1/25000. Toutes les traces relevées ont ensuite été vérifiées au sol.

La prospection au sol

Historique

  • 13 (PAE) Projets d’action éducative établis avec le ministère de l’Education nationale, lycée techniqu (...)

97Elle s’est déroulée de façon régulière depuis 1983, avec chaque année une opération lourde, d’une durée d’une semaine dans le cadre de Projets d’Action Educative13

98La prospection s’effectue sur un front de 150 m, avec un maillage de 5 m en terrain découvert et un maillage de 10 m en terrain boisé ; au total 5 900 ha sont désormais couverts.

99Le matériel, après lavage et marquage, a été étudié (tri, comptage propositions de datation). Sur chaque site repéré le ramassage s’est effectué, par carré de 5 x 5 m, dans le but de fournir, le cas échéant, une image relative de son organisation.

L’enregistrement des données

100Il est basé sur l’utilisation des fiches/dossiers mises au point au sein de l’équipe du programme H 13.

4.3.3 Les limites de la carte archéologique

4.3.3.1 Les zones non prospectées

101Les cinq communes étudiées représentent une superficie totale de 14 822 ha. Seuls 5 900 ha ont pu être prospectés systématiquement à ce jour, soit 39,8 % de l’ensemble du terroir concerné. Toutefois sur l’ensemble des communes étudiées, des secteurs importants sont à considérer comme détruits ou inétudiables. Les grands travaux, l’érosion due aux variations du cours du Rhône et de ses affluents, sont autant d’éléments rendant impossible la prospection.

Les zones d’érosion

  • 14 Le site no 079 de la commune de Pierrelatte a été découvert sous 1,80 m d’alluvions.

102De nombreux sites ont pu disparaître sous l’effet de l’érosion (sites de rebords ou de pentes) ou dispersés par l’action des cours d’eau (ex. : zone de confluence du Rhône et de la Berre). D’autres ont pu être recouverts par les alluvions du fleuve ou par les colluvions14. A Donzère et au Logis‑de‑Berre, sites de bas de pente, près de 2 et parfois 4 m de colluvions recouvrent les niveaux du Bas‑Empire. Nous considérons donc ces secteurs comme non prospectables. Au total la superficie estimable de ces zones recouvertes ou érodées est de 1 294 ha.

Les zones détruites par l’anthropisation

103– autoroute A7,
– canal de Donzère‑Mondragon,
– centrale nucléaire,
– voies SNCF,
– routes nationales, départementales, etc.
– gravières et plans d’eau,
– aérodrome,
– zones industrielles.

104La majorité de ces installations se trouve dans la vallée du Rhône. L’ensemble de ces zones couvre une superficie de 949 ha et semble inexploitable avec les moyens d’investigation que nous avons utilisés.

105Au total, l’ensemble des zones non prospectables couvre une superficie de 2 243 ha, il faut donc considérer que le secteur prospecté représente 46,9 % des terres prospectables.

Le couvert végétal

106Il joue lui aussi un grand rôle dans la perception des sites lors de l’établissement des cartes archéologiques. Les prairies et luzernes, garrigues et bois ont pu, en partie, être sondés à la tarière avec un maillage de 10 m. Ces zones sont considérées comme prospectées sur 40 % de leur superficie totale.

4.3.3.2 Non uniformité de l’échantillon

107L’échantillon fourni par les prospections n’est pas le même selon le type de reliefs. L’inégalité des pourcentages est de nature à déformer les résultats de la carte (tabl. I). Aussi les comparaisons devront s’effectuer à l’intérieur de chaque type de relief et tout essai de synthèse sera à relativiser. Au regard de ces restrictions, cette carte archéologique ne peut être considérée que comme un instrument provisoire en voie de perfectionnement.

Superficie prospectable (en ha)

Superficie prospectée (en ha)

(%)

plaines
coteaux
plateaux
collines

6879
2100
1400
2000

3300
900
600
1100

47,97
42,85
42,85
55

TABL. I – Superficie prospectée d’après le type de terroir.

4.3.4 Les outils de l’analyse des données

108La présente carte archéologique a été élaborée dans le cadre des réflexions communes du programme H 13 (occupation des sols à l’époque romaine en Narbonnaise). La classification des sites présentés s’inspire largement des outils d’analyse utilisés dans Ugernum (Bessac 1987) et repris par Favory et Fiches (Favory 1987‑1988). Toutefois, il est nécessaire d’apporter des modifications à ces critères d’analyse, car la prospection effectuée dans le Tricastin n’est pas de même nature que celle du Beaucairois. L’échantillon de sites enregistrés est plus important (145 sites) et le territoire a été prospecté de façon plus systématique, ainsi les sites de petite superficie sont plus nombreux (sites de moins de 0,5 ha).

109Nous présentons ci‑après les critères choisis en explicitant les modifications apportées par rapport aux travaux présentés dans Ugernum. Une comparaison est faite en terme de pourcentage, quand cela est possible, sur les résultats obtenus dans les deux microrégions.

4.3.4.1 Les critères de la classification

Superficie des sites

110S 1 : de 0,1 ha, soit 33 sites (22,75 %) ;
S 2 : de 0,1 ha à 0,5 ha, soit 54 sites (37,24 %) ;
S 3 : de 0,5 ha à 1 ha, soit 12 sites (8,27 %) ;
S 4 : de 1 ha à 2 ha, soit 17 sites (11,7 %) ;
S 5 : 2 ha et + de 2 ha, soit 17 sites (11,7 %) ;
S 6 : superficie inconnue, soit 12 sites (8,27 %).

111Pour cette catégorie, deux critères ont été ajoutés. En effet, la nature des prospections engagées, a permis de mettre en évidence un échantillon suffisant de sites de petites superficie (˂ 0,1 ha et de 0,1 à 0,5 ha). Par contre, 12 sites ont été répertoriés sans qu’il soit possible d’en déterminer la superficie ; ce sont le plus souvent des découvertes fortuites.

Superficies des sites dans le Tricastin et le Beaucairois

112Fig. 13

113N.B. : les superficies ont été regroupées en critères équivalents :
S I = sites ˂ 0,5 ha ;
SII = sites ˂ 1 ha;
S III = sites de 1 à 2 ha;
S IV = sites > 2 ha.

114Les diagrammes comparatifs entre l’échantillon du beaucairois et celui du Tricastin, après le calcul des pourcentages et le regroupement dans les mêmes types de critères, montrent combien la prospection systématique a augmenté le pourcentage de sites de faible superficie (S I). Le pourcentage des sites de superficie comprise entre 0,5 ha et moins de 1 ha (S II) est fortement différent dans les deux territoires : 30 % dans le Tricastin, 9 % dans le Beaucairois. Par contre, le pourcentage des sites dont la superficie est comprise entre 1 ha et moins de 2 ha est presque identique.

115Le pourcentage de sites de superficie supérieure à 2 ha est deux fois moins important dans le Tricastin. En l’absence d’analyse statistique plus poussée, et surtout de fouille portant sur un plus grand nombre de sites, les comparaisons entre les deux microrégions ne peuvent pas être plus élaborées. Il est impossible de déterminer si les divergences sont dues à la qualité des outils d’investigations utilisés ou à des critères d’ordre économique, culturel ... Quoiqu’il en soit, ces histogrammes mettent en évidence l’abondance des sites de faible superficie et la relative rareté des sites de grande superficie dans la moyenne vallée du Rhône.

FIG. 13 – Graphique comparatif des superficies des sites entre le Tricastin et le Beaucairois.

Les matériaux

116– Mat 1 : tuile, soit 67 sites (45,51 %) ;
– Mat 2 : tuile + moellon, soit 32 sites (22,06 %) ;
– Mat 3 : + mortier, enduit peint, béton de tuileaux, brique, tubulus, soit 10 sites (6,89 %) ;
– Mat 4 : + tesselle de mosaïque, marbre, élément architectonique, soit 27 sites (18,62 %) ;
– Mat 5 : découvertes fortuites et/ou sites ne livrant que de la céramique, soit 10 sites (6,89 %).

117Deux critères supplémentaires ont été ajoutés pour mieux appréhender les sites ne livrant que de la tuile (ils peuvent indiquer des constructions, en matériaux périssables –adobe, torchis entre autres–, couvertes d’une toiture de tuiles) et pour les distinguer de ceux livrant à la fois des tuiles et des moellons. Certains sites ne livrent que de la tuile et des éléments architectoniques, ils sont alors classés en Mat 4 ; le choix de cette classification mettant en avant l’élément le plus fort. Les découvertes fortuites où seul un vase est signalé (site no 013 par exemple), et les sites ne livrant que de la céramique (site no 79 par exemple) sont classés en Mat 5.

Types de matériaux dans le Tricastin et le Beaucairois

118Fig. 14

119NB. : les types de matériaux ont été regroupés en critères équivalents :
Mat I = tuile et moellon ;
Mat II = mortier, enduit peint, béton de tuileaux, brique, tubulus, pilette d’hypocauste ;
Mat III = marbre, élément architectonique, cube de mosaïque.

120La comparaison avec l’échantillon du Beaucairois met en évidence des diagrammes presque similaires. Les pourcentages de répartition des types de matériaux sont donc semblables sur ces deux territoires de la moyenne vallée du Rhône, si l’on ne prend pas en compte l’anomalie présentée par les 66 sites ne livrant que de la tuile en surface. Cette anomalie reste pour l’instant typiquement tricastine. Ici encore, en l’absence de fouille sur ce type de gisement, tout essai de comparaison et d’interprétation est impossible.

FIG. 14 – Graphique comparatif des types de matériaux entre le Tricastin et le Beaucairois.

Mode de vie

121– Vie 1 : pas d’élément autre que la tuile, soit 40 sites (27,58 %) ;
– Vie 2 : tuile, amphore, dolium, soit 1 site (0,68 %) ;
– Vie 3 : vaisselle fine, soit 90 sites (62,06 %) ;
– Vie 4 : monnaie, petit mobilier, soit 8 sites (5,51 %) ;
– Vie 5 ; sculpture, inscription, trésor, soit 5 sites (4,13 %).

122Les sites de type Vie 1 sont absents de l’analyse beaucairoise. Dans le Tricastin, ce sont les sites ne livrant que de la tuile à défaut de tout élément céramique. Cet échantillon de gisements est important, mais il est difficilement interprétable.

Mode de vie révélé par les sites dans le Tricastin et le Beaucairois15

  • 15 Afin de faciliter les comparaisons, les données du Beaucairois et du Tricastin ont été regroupées s (...)

123Fig. 15

124– Vie I : correspond alors aux sites livrant du dolium et de l’amphore ;
– Vie II : correspond aux sites livrant en plus de la vaisselle fine ;
– Vie III : correspond aux sites livrant du petit mobilier ;
– Vie IV : indique les sites livrant des trésors monétaires, des objets d’art.

125Les histogrammes sont relativement similaires pour les deux premiers critères. En revanche le pourcentage des ., sites livrant des monnaies et du petit mobilier(Vie III) est particulièrement faible en Tricastin : 5,51 % par rapport à 25 % dans le Beaucairois. Cette quasi absence semble indiquer une relative pauvreté qui peut être en partie créée artificiellement par le type de prospection. L’utilisation d’un détecteur de métaux par exemple pourrait changer l’image d’un site. Le pourcentage des sites attestant la présence de trésors, sculptures et/ou inscriptions est presque identique.

FIG. 15 – Graphique comparatif du mode de vie des sites entre le Tricastin et le Beaucairois.

Types d’activités des sites

126– Act 1 : pas d’élément pouvant indiquer une activité : 66 sites (45,51 %) ;
– Act 2 : dolium, amphore, soit 50 sites (34,48 %) ;
– Act 3 : petit outillage, instrument artisanal ou agricole, soit 10 sites (6,89 %) ;
– Act 4 : scorie, pressoir, soit 19 sites (13,10 %).

127Pour mieux individualiser les sites ne livrant pas d’autre matériel que de la tuile et/ou de la vaisselle fine, un critère supplémentaire est créé (Act 1). Ces sites ne livrant pas de mobilier indiquant une activité sont nombreux (66 sites). Ils sont repartis sur l’ensemble des périodes chronologiques, mais la majorité de l’échantillon (39 sites) est tout de même fournie par des sites indatables. Cette anomalie subsistera tout au long de l’analyse de notre échantillon.

Type d’activités des sites dans le Tricastin et le Beaucairois16

  • 16 Afin de faciliter les comparaisons entre les deux échantillons, le critère A I du Tricastin n’est p (...)

128Fig. 16

129– Act I : correspond alors aux sites livrant du dolium et de l’amphore ;
– Act II : indique la présence de petit outillage et de mobilier agricole ou artisanal ;
– Act III : indique les sites spécialisés : fours, pressoirs, etc.

130La comparaison de nos résultats avec les données du Beaucairois met en évidence deux tendances assez dissemblables. Le pourcentage des sites ne livrant que de l’amphore et du dolium est plus élevé dans le Beaucairois, il en est de même pour celui des sites livrant du petit outillage et/ou des instruments artisanaux et/ou agricoles. Dans le Tricastin, l’histogramme des sites spécialisés augmente au lieu de décroître comme dans le Beaucairois. Ce phénomène peut s’expliquer en partie par la géologie du Tricastin (affleurements de minerais de fer qui favorisent cet artisanat) et éventuellement par le nombre important de sites occupés au Bas‑Empire : sur les 12 sites qui livrent des traces d’activités métallurgiques, 9 d’entre eux sont occupés au Bas‑Empire. De plus, la présence d’Augusta Tricastinorum implique une production de céramiques dans cette région satellite : au moins deux ateliers potentiels sont recensés.

FIG. 16 – Graphique comparatif de l’activité des sites entre le Tricastin et le Beaucairois,

Période d’implantation des sites

131Fig17

132Imp 1 : 3 sites (2,06 %). Le critère protohistoire recouvre de façon générale tous les sites antérieurs à la période dite préaugustéenne, quelle que soit la date réelle de l’implantation. Ici sont intégrés les oppida (sites nos 001, 052) et le site de plaine no 79.
Imp 2 : 8 sites (5,51 %). Les sites préaugustéens sont déterminés par la présence de céramiques campaniennes et d’amphores de type italique (Dressel 1b).
Imp 3 : 26 sites (17,93 %). Les sites augustéens sont datés par la présence de céramiques campaniennes et de sigillées de type italique.
Imp 4 : 26 sites (7,93 %). Les sites dits « milieu du ier s. » sont matérialisés par l’absence de campanienne et de présigillée, et par la présence d’associations de formes de sigillées de la Gaule du Sud comme les Drag. 11, 29a, 19, 2/21 ; Ritt. 1, 5, 8, etc.
Imp 5 : 12 sites (8,27 %). Les sites dits « fin du ier s. et début du iie s. » sont datés par la présence de sigillées de la Gaule du sud (type Dragendorf 35/36), par l’apparition des premières sigillées africaines et des premières sigillées claires B, et enfin par l’absence de mobilier antérieur.
Imp 6 : 11 sites (7,58 %). Les sites dits « Haut‑Empire » n’ont pas livré de mobilier suffisamment caractéristique pour être intégrés à l’un des critères chronologiques définis précédemment ; mais ils peuvent être assimilés, sans plus de précision, au Haut‑Empire.
Imp 7 : H sites (7,58 %). Ces sites sont postérieurs au début du IIe s. Ce critère s’étend jusqu’au haut Moyen Âge. Le faible nombre des implantations sur cette longue période ne permet pas de multiplier, de façon significative, les découpages chronologiques.
Imp 8 : 45 sites (31,03 %). Ces sites ne présentent pas de mobilier pouvant permettre de proposer une date d’implantation.
Imp 9 : 3 sites (2,06 %). Il s’agit des habitats groupés de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux, de Donzère et du Logis‑de‑Berre. Les découvertes fortuites disséminées et les incertitudes liées à l’inexistence de synthèses sur ces sites ne permettent pas de raisonner en terme de date d’implantation. L’implantation des sites est donc découpée en critères de durée inégale. Nous avons essayé de multiplier les divisions chronologiques pour le Ier s. afin de mieux appréhender le processus de la mise en valeur des terres dans ce secteur de la vallée du Rhône. Les implantations postérieures sont classées dans un seul groupe (Imp 7).

FIG. 17 – Périodes d’implantation des sites dans le Tricastin.

133La comparaison avec l’échantillon du Beaucairois ne semble pas nécessaire, en effet le nombre de sites et la multiplication des découpages chronologiques dans le Tricastin ne permettent pas de mettre en évidence des résultats significatifs.

Durée de vie des sites

134Dur 1 : pas d’occupation postérieure au Haut‑Empire, soit 58 sites (63,73 %) ;
Dur 2 : occupation au Haut et au Bas‑Empire, pouvant se poursuivre plus tard, soit 22 sites (24,17 %) ;
Dur 3 : occupation uniquement au/ou à partir du Bas‑Empire, soit 11 sites (12,08 %).

135L’échantillon des sites exploitables en terme de durée est formé de 91 individus. Trois critères ont été retenus. Toutefois la durée de vie des sites est une catégorie aléatoire, les prospections ne pouvant pas faire apparaître les hiatus de courte durée.

Types de sols

136– Sol I : soit 26 sites (18,43 %) ;
– Sol II : soit 29 sites (20,56 %) ;
– Sol III : soit 33 sites (23,40 %) ;
– Sol IV : soit 46 sites (32,62 %) ;
– Sol V : soit 7 sites (4,96 %).
– Grotte : soit 4 sites.

137Les différents types de sols ont été décrits avec l’aide de la carte pédologique (cf. pour la description § 4.1.2). Le nombre des implantations doit être pondéré par la superficie relative de chacun des types de sols dans l’ensemble étudié.

138Les sols de type I, qui ont le potentiel agricole le plus facile à exploiter, reçoivent la majorité des sites (tabl. II) ; ce sont ensuite les sols lourds de types V et II qui reçoivent proportionnellement le plus de sites. Le pourcentage faible des sites implantés sur les sols de type IV (13,03 %) est surprenant : c’est sur ce type de sols que sont mentionnées les terres rendues aux Tricastins. Ces sols hétérogènes sont souvent considérés par les auteurs récents comme étant de mauvaise qualité. L’agriculture contemporaine a d’ailleurs tendance à les délaisser au profit des sols de types I, II, et III. Pourtant de nombreuses fermes médiévales se sont implantées sur ces sols.

Type de sol

Superficie (en ha)

Nombre de sites

% relatif *

I

1215

26

32,23

II

2316

29

18,86

III

3216

33

15,45

IV

5316

46

13,03

V

516

7

20,43

TABL. II – Nombre de sites d’après les types de sols (* % calculé sur la superficie relative des sols).

139Les grottes ne sont pas prises en compte dans le calcul des pourcentages. Ces quatre cavités dans le défilé de Donzère ont un débouché possible sur le plateau dominant, où les sols sont de type IV.

140La comparaison avec l’échantillon du Beaucairois n’a pas pu être entreprise en l’absence d’analyses pédologiques comparables sur les deux territoires.

Types de terroirs

141– Ter 1 : plaine, soit 94 sites (64,82 %) ;
– Ter 2 : coteau, soit 31 sites (21,37 %) ;
– Ter 3 : plateau, soit 10 sites (6,89 %) ;
– Ter 4 : colline, soit 6 sites (4,13 %) ;
– Ter 5 : grotte, soit 4 sites (2,75 %).

142Les pourcentages présentés doivent être pondérés par la superficie relative de chacune des unités géographiques. En effet, les superficies de chacun des types de terroirs sont différentes. Il faut donc, pour avoir une idée relative de la densité des types d’implantations selon le relief, relativiser la superficie de la plaine par rapport à celle des autres unités géographiques.

143Si les plateaux et les collines apparaissent comme peu peuplés, il faut remarquer que les coteaux sont proportionnellement plus habités que la plaine (tabl. III). La comparaison entre les deux échantillons ne semble pas nécessaire. En effet les terroirs sont très différents, ne serait‑ce que par la superficie relative de chacune des unités.

Superficie (en ha)

Nombre de sites

% relatif *

plaine 6879

94

35,68

coteau 2100

31

38,54

plateau 1400

10

18,65

colline 2200

6

7,12

TABL. III – Nombre de sites selon le terroir (* % calculé sur la superficie relative des unités topographiques).

Distance par rapport à la voie d Agrippa

144– Dist 1 : ˂ 500 m, soit 15 sites (10,41 %).
– Dist 2 : 500 m ˂ 1000 m, soit 11 sites (7,63 %) ;
– Dist 3 : 1000 m ˂ 2000 m, soit 25 sites (17,36 %) ;
– Dist 4 : 2000 m ˂ 3000 m, soit 28 sites (19,44 %) ;
– Dist 5 : 3000 m ˂ 4000 m, soit 21 sites (14,58 %) ;
– Dist 6 : 4000 m ˂ 5000 m, soit 19 sites (13,19 %) ;
– Dist 7 : 5000 m ˂ 6000 m, soit 17 sites (11,80 %) ;
– Dist 8 : > de 6000 m, soit 8 sites (5,55 %).
– Dist 9 : inconnue, soit 1 site.

145Dans ce secteur de nombreux diverticula ont été relevés et attribués à la voirie antique. Toutefois seule la voie d’Agrippa matérialise la réalité des échanges économiques à grande échelle. Les diverticula de la plaine du Rhône ne sont quant à eux que des compléments aux relations induites par le réseau cadastral ; ils permettent des relations plus directes entre deux sites. Chaque site est théoriquement situé au maximum à 350 m d’un des limites du cadastre matérialisé sous la forme d’un chemin ; l’éloignement des sites n’est calculé ici que par rapport à la voie d’Agrippa. Il ne paraît donc pas utile de procéder à une comparaison avec les résultats obtenus dans le Beaucairois.

Éloignement des sites par rapport à la voie d’Agrippa

146Fig. 18

147N.B. : Afin de créer des classes de dimension égale, les critères Dist 1 et Dist 2 ont été regroupés. Le critère Dist 9 n’a pas été pris en compte dans le calcul des pourcentages.

148Seulement 10,41 % des sites se trouvent à moins de 500 m de part et d’autre de la voie. Les sites dont la distance se situe entre 2 000 m et moins de 3 000 m sont proportionnellement les plus nombreux (19,44 %). 45 % des sites sont éloignés de plus de 3 000 m de la voie. La proximité de la voie d’Agrippa n’apparaît donc pas comme un critère réellement déterminant pour l’implantation des sites dans cette partie de la vallée du Rhône. Dans l’interprétation générale (cf. § 4.2.3.1), les sites seront replacés par rapport au cours du Rhône et à la cité d’Augusta Tricastinorum.

FIG. 18 – Distance par rapport à la voie d’Agrippa (en km).

Le parcellaire

149– Par 1 : jouxtant un decumaniis du cadastre B, soit 24 sites (16,55 %) ;
– Par 2 : au milieu d’un decumanus, soit 4 sites (2,75 %) ;
– Par 3 : jouxtant un kardo, soit 19 sites (13,10 %) ;
– Par 4 : au milieu d’un kardo, soit 4 sites (2,75 %) ;
– Par 5 : dans l’angle d’une centurie, soit 11 sites (7,58 %) ;
– Par 6 : au centre d’une centurie, soit 10 sites (6,89 %) ;
– Par 7 : sites ne semblant pas être en relation directe avec le cadastre, soit 72 sites (49,65 %).

150En l’absence d’analyse de parcellaires montrant, de façon définitive, l’existence de traces d’arpentage ou d’un réseau cadastré, autre que celui du cadastre B d’Orange, tous les sites ont été replacés dans cette centuriation. Près de 50 % de l’échantillon n’a pas de relation directe avec le cadastre. Ces sites ne sont donc pas implantés dans un des critères choisis. Il serait possible de replacer bon nombre de sites dans le cadastre en multipliant le découpage interne des centuries : sur l’axe d’un quart de la centurie ; sur l’axe d’un tiers de la centurie ; dans 1/8 de centurie ; dans 1/16 de centurie etc.

151Cette démarche permettrait d’intégrer tous les sites dans le cadastre. Mais ces subdivisions à outrance semblent exagérées et ne seraient pas probantes.

152Deux points importants peuvent être notés : l’implantation le long et au milieu d’un decumanus représente 19,3 % de l’échantillon ; la relation le long et au milieu du kardo concerne 15,85 % des sites, Dans les deux cas le milieu de l’axe ne reçoit que 2,75 % de sites, comme si l’implantation à cet endroit établissait une sorte de repoussoir. Ce phénomène pourrait matérialiser une subdivision en deux des centuries ; le centre et les angles de centuries représentent au total 14,47 % des sites, La position fréquente des sites le long des axes (42,73 %) peut s’expliquer par le rôle économique structurant que joue le cadastre. La majorité des sites est éloignée de la voie d’Agrippa, le cadastre draine donc les échanges de l’économie locale. La comparaison avec l’échantillon du Beaucairois n’est pas utile. Les deux territoires appartiennent en effet à des systèmes cadastraux d’époque et d’orientation différentes.

4.4 Essai d’interprétation des données

  • 17 Nous ne reviendrons pas ici sur les données en notre possession pour le 1er âge du Fer. Les sites a (...)

153Au total 145 sites ont été recensés lors des prospections systématiques, mais 101 sont réellement exploitables en terme de chronologie17.

4.4.1 Les sites de datation inconnue

154Une grande quantité de sites, de superficie parfois importante (plus de 10 000 m2), n’ont livré que de la tuile. Pourtant pour certains, les photographies aériennes obliques (site no 105, par exemple), montrent des plans de structures attribuables à la période antique. A noter également, sans que cela soit un élément déterminant, que près de 50 % des sites non datables ont une position remarquable par rapport au cadastre B d’Orange.

155Cette absence d’élément chronologique rend difficile tout essai d’interprétation du rôle de ces sites. Après avoir étudié leur comportement par rapport à l’échantillon général, il est possible de présenter quelques remarques.

156– De nombreuses divergences montrent que les sites non datables, bien que proches de la moyenne générale des sites prospectés, ont un comportement « anormal ». Le grand nombre de gisements non attribuables à une période chronologique est une des caractéristiques de l’échantillon du Tricastin. En l’absence de prospections systématiques dans d’autres terroirs de cette partie de la vallée du Rhône, toute comparaison est impossible.

157– Ces différences par rapport à la moyenne générale peuvent laisser supposer qu’une partie au moins de ces gisements n’appartient pas à la séquence chronologique étudiée. La présence de tegulae n’est en effet pas une preuve de l’antiquité des sites. Ce matériau de couverture a été utilisé jusqu’au Moyen Age dans la région.

158– L’absence de tout mobilier céramique, même atypique, sur la majorité des sites pose la question de leur rôle dans la mise en valeur des sols de la région.

159– Une partie des sites peut être profondément enfouie, les labours ne jouant pas alors leur rôle de prélèvement du mobilier fin. Toutefois, cet argument ne semble réellement valable que pour les sites implantés dans des sols lourds et profonds (type II). Le nombre des sites non datables est important sur ces sols (près de 50 %). Par contre, leur relative abondance sur des sols de type légers et peu profonds (type I : 30,76 %) est plus difficile à interpréter. Seules des prospections plus approfondies (résistivité par exemple), et surtout des sondages (mise en évidence de fosses par exemple) permettraient de mieux évaluer ces gisements. Dans l’état actuel de nos connaissances, il est préférable de ne pas intégrer ce groupe dans la réflexion générale sur les sites du Ier s.

4.4.2 Les sites contemporains de la conquête romaine

160Seule l’implantation du site no 79 est attribuable à cette période. Il fut découvert sous 1,80 m de limons et d’argiles du Rhône, dans des sols de type II ; son implantation et la profondeur de ce gisement posent le problème de la fiabilité d’une carte archéologique dans la plaine rhodanienne. Les implantations peuvent alors être plus nombreuses, mais oblitérées par les dépôts du fleuve.

161Les oppida de Barry (Vaucluse), de Saint‑Saturnin (site no 001) et le site de plaine de Novem Craris (site no 111) ont une occupation contemporaine.

162La faiblesse de l’échantillon et sa nature (deux fouilles et deux résultats provenant de prospections) rendent difficile tout essai d’interprétation générale. La conquête ne semble toutefois pas mettre un terme au rôle économique du grand oppidum de Barry (capitale des Tricastins), comme tend à le montrer la séquence chronologique du mobilier des prospections de surface.

4.4.3 Les sites d’implantation pré‑augustéenne

163Les oppida de Barry (Vaucluse), Saint‑Saturnin (Donzère no 001) jouent toujours un rôle important dans l’organisation de la région. Au contact de la plaine et des plateaux, le site de Novem Craris (no 111), implanté antérieurement à la période préaugustéenne se développe. Comme nous l’expliquons plus loin, le problème de l’implantation de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux (Novio Magus ?) reste entier et il ne faut pas exclure la possibilité d’un habitat groupé sur la colline occupée actuellement par la ville. Huit sites nouveaux apparaissent vers le début de la deuxième moitié du ier s. av. n.è.

164Les sites nos 85, 86, 87, 88, 92 et 99 sont regroupés dans le même secteur de la plaine de Pierrelatte, au contact des sols de types I et III. Les photographies aériennes obliques montrent l’organisation interne du site 85 ; il s’agit d’un ensemble de fossés et de fosses dont l’orientation semble différente de celle du cadastre B d’Orange. Une série de drains récents a recoupé ces sites. Les structures visibles dans ces coupes ont montré l’existence de fossés, de fosses et de parois en matériaux légers (clayonnages) pour les sites nos 86, 88 et 92. La superficie au sol de l’épandage de matériel varie entre 2 000 et 4 500 m2 et la tuile est l’unique matériau de construction décelable. Tous ces sites ont une durée de vie courte. La faiblesse de l’échantillon est de nature à déformer l’interprétation de ces implantations. Ces sites seraient organisés sur des plans de type « ferme indigène », avec des structures en « creux » et des superstructures en matériaux légers. L’appellation « ferme indigène » est uniquement typologique et n’attribue nullement ces sites à une « culture ». Au contraire, la relative abondance de mobilier italique, par rapport aux céramiques indigènes, pourrait faire penser à des implantations de type colonial. La faible durée de l’occupation semble être caractéristique de cette phase de mise en valeur des sols dans la plaine de Pierrelatte.

165Deux sites (nos 53 et 112), forts différents par leur localisation topographique (plateau) et par le type de sols (type IV), s’implantent aussi durant cette période :
– le site des Brugières (ri 112) a la particularité d’être placé en bordure immédiate de la voie d’Agrippa et d’avoir une durée de vie très longue, puisque son occupation semble se poursuivre sans interruption jusqu’au ve s. ;
– le site du Fayn (no 53) est quant à lui dans la moyenne d’éloignement des sites par rapport à la voie (2 700 m), mais il a aussi une durée de vie très longue.

166Le faible nombre d’individus ne permet pas de mettre en relation les sites avec le cadastre d’Orange, bien que trois d’entre eux aient une position remarquable. Dans l’état actuel de nos connaissances, il semble que le réseau centurié soit postérieur à l’implantation de ces sites.

4.4.4 Occupation des sols et mise en valeur des terres depuis Auguste jusqu’à la fin du iie s. de n.è.

167Le but de la cartographie archéologique présentée plus haut est d’accumuler un nombre suffisant de données permettant de tracer les grandes lignes de la mise en valeur du terroir étudié, entre la période augustéenne et la fin du iie s. de n.è. (fig. 19).

FIG. 19 – Les grandes phases de la dispersion de l’habitat.

168Cette période chronologique connaît le développement de la cité d’Augusta Tricastinorum et le processus de mise en valeur des terres à l’aide du cadastre B d’Orange.

169Nous reprendrons les différentes périodes en les situant par rapport aux deux points forts historiques de la région : l’installation du cadastre sous Auguste et l’intervention de Vespasien en  77 ap. J.‑C.

170Les sites qualifiés de « fin du Ier s. » sont caractérisés par la présence des premières formes de Dragendorf 35/36 (fabriquées à partir de 60 ap. J.‑C.) ; ces sites seront donc considérés comme contemporains, dans leur implantation, du règne de Vespasien.

4.4.4.1 La dispersion de l’habitat

171La période augustéenne et la première moitié du ier s. sont caractérisées par le développement de l’habitat dispersé.

Période augustéenne

172Fig. 20

173Bien que les sites de Barry (Vaucluse), Saint‑Saturnin (no 001) et du Logis‑de‑Berre (no 111) implantés antérieurement à la période augustéenne continuent à jouer un rôle dans la région, tout comme les sites nos 53 et 112, les autres sites sont abandonnés.

174La période augustéenne est la première grande phase de dispersion, avec la création de vingt‑six implantations nouvelles.

FIG. 20 – Les implantations augustéennes : mise en valeur du territoire (les sites marqués d’une flèche ont un comportement anormal).

Milieu du ier s.

175Fig. 21

176Le nombre de sites implantés vers le milieu du ier s. est identique à celui de la période augustéenne : la phase d’expansion de l’habitat dispersé se poursuit donc avec la même intensité, mais selon des modalités parfois différentes (présentation ci‑après).

FIG. 21 – Les implantations du milieu du Ier s. (les sites marqués d’un flèche ont un comportement anormal).

Fin du ier s. et début du iie s.

177Fig. 22

178Cette période est marquée par une nette diminution des implantations. Seules huit nouvelles créations viennent compléter la mise en valeur du territoire, et l’ensemble du iie s. ne verra que deux nouvelles installations. Ces implantations seront donc rattachées à la période « fin du ier et début iie s. ».

FIG. 22 – Les implantations de la fin du Ier s. et au début du IIe s. (les sites marqués d’une flèche ont un comportement anormal).

4.4.4.2 Superficie des sites

179Seuls les sites de durée de vie ne dépassant pas la période d’implantation seront pris en considération, car pour les gisements de plus longue implantation, il est impossible d’attribuer la superficie d’épandage du mobilier à une période plutôt qu’à une autre. Le mode de vie, les matériaux et l’activité posent les mêmes problèmes.

Période augustéenne

180Pour la période augustéenne, seul le site n° 80 a une durée de vie courte. Avec un épandage de matériel couvrant 10 000 m2, il montre que les implantations de cette période peuvent être de grande taille. Ce site ne livre que de la tuile, de la céramique et de l’amphore ; il est comparable chronologiquement aux niveaux augustéens retrouvés lors de la fouille du site du Molard (no 015). Le plan révélé par les photographies aériennes montre l’existence d’un grand enclos orienté comme le cadastre B. Contrairement au site du Molard, aucune trace de mur en matériaux « durs » n’est décelable sur la photographie ou dans le matériel ramassé lors des prospections. Ici encore, les structures sont assimilables, par leur plan, au modèle des fermes indigènes.

Milieu du ier s.

181Pour cette période, aucune donnée concernant la superficie des sites, les matériaux de construction, le mode de vie et l’activité des sites n’est exploitable. En effet, tous les sites de cette phase d’implantation poursuivent leur développement dans les périodes chronologiques postérieures.

Fin du ier et début du iie s.

182Deux sites ont une durée de vie courte :
– le site no 22 (20 m2), au sommet de la colline du Navon, n’est pas assimilable à un habitat ; sa position sur un point culminant, au passage du deuxième kardo du cadastre B, et la qualité du mobilier recueilli (monnaies, clouterie, céramiques entières) peuvent faire penser à un petit dépôt votif ;
– le site no 008 (100 m2) a aussi une faible superficie. Le peu de mobilier recensé lors des prospections et l’absence de toute « activité » font penser à une petite dépendance plutôt qu’à un habitat.

4.4.4.3 Le choix des terroirs

183Tableau récapitulatif (tabl. IV) des pourcentages relatifs de sites implantés selon le type de terroirs.

Périodes

Terroir

augustéen
(%)

milieu Ier s.
(%)

fin Ier s.
(%)

plaine
coteau
plateau
colline

36,65
33,25
30,0
0

50,60
41,47
0
7,92

22,08
48,28
18,10
11,52

TABL. IV – Pourcentage de sites par période selon le terroir (% calculé sur la superficie relative des unités topographiques).

Période augustéenne

184Fig. 20

185Pendant cette période, mis à part les collines qui ne reçoivent aucune implantation, le solde des implantations par type de terroir est relativement équilibré ; les sites de plaine sont toutefois majoritaires avec 36,65 % des implantations.

Milieu du ier s.

186Fig. 21

187Les sites sont situés majoritairement en plaine (20 sites, soit 50,64 % c’est‑à‑dire une plus forte densité qu’à la période précédente) ; c’est la plus grande phase d’implantation sur ce type de relief. Les plateaux ne reçoivent aucun site, contrairement à la période augustéenne. Le pourcentage relatif des sites installés dans les coteaux est, lui aussi, plus élevé que celui de la période augustéenne. De plus, les plateaux ne reçoivent aucune implantation tandis qu’un site s’installe en colline, sa nature reste à déterminer.

Fin du ier et début du iie s.

188Fig. 22

189Avec 22,08 % des sites installés en plaine cette période chronologique marque une changement radical dans le choix des sites d’implantation. En revanche le peuplement des coteaux s’accentue puisqu’ils reçoivent 48,28 % des implantations. Coteaux et collines sont aussi l’objet d’installations. Un phénomène de regroupement reste à analyser. Les sites  2, 36, 34 et 35 sont implantés dans une petite plaine intérieure et ils sont en partie dans la même centurie.

4.4.4.4 Le choix des types de sols

190Tableau récapitulatif (tabl. V) des pourcentages relatifs de sites implantés selon le type de sols.

Périodes

Sols

augustéen
(%)

milieu Ier s.
(%)

fin 1er s.
(%)

I
II
III
IV
V

24,62
22,60
13,94
9,84
29

38
35,97
17,26
8,70
0

24,32
0
36,78
38,90
0

TABL. V – Pourcentage de sites par période selon le type de sols (% calculé sur la superficie relative des unités topographiques).

Période augustéenne

191Tous les types de sols ont reçu des implantations augustéennes. Les sols de type V (2 sites, soit 29 % des implantations) sont appréciés alors qu’ils n’attireront aucune implantation lors des périodes postérieures. Le choix délibéré d’une agriculture favorisant la mise en valeur de terrains « lourds et riches » est confirmé par le nombre important des implantations en sols de types II (7 sites, soit 22,6 % des implantations) et III (13,94 %). Au total 65,5 % des sites s’installent sur des terrains lourds. Les sols légers de type I reçoivent, quant à eux, près d’un quart des implantations tandis que les sols de type IV sont les moins appréciés.

Milieu du ier s.

192Seuls les sols de type V n’ont pas reçu d’implantation. Les sites implantés sur des sols lourds sont majoritaires (53,3 % des implantations) avec toujours une nette préférence pour les sols de type II. Les implantations en sols légers sont en progression et ce sont surtout les sols I qui reçoivent le maximum des installations.

Fin du premier et début du iie s.

193Cette période, comme nous l’avons noté dans la rubrique précédente, marque un changement radical par rapport aux modes d’implantation relevés lors de périodes précédentes. Les installations sur des sols lourds ne représentent plus que 36,78 % du total général et l’absence de sites sur les sols de bonne qualité de type II ainsi que la progression de près de 50 % des implantations sur les sols médiocres de type III sont caractéristiques de cette période. Le solde des implantations sur les sols de type I baisse par rapport à la période précédente pour revenir au niveau de la période augustéenne. En revanche, les implantations sur les sols légers et inégaux de type IV (sols des garrigues actuelles) passent de 8,7 %, à la période précédente, à 38,9 %.

4.4.4.5 Implantations et distances de la voie d Agrippa

Période augustéenne

194La voie d’Agrippa semble jouer un rôle relativement structurant dans l’implantation des sites : 48 % des sites sont distants de moins de 2 000 m de la voie, pourtant dans la moyenne générale des implantations étudiées, 42,85 % des sites seulement sont aussi proches de la voie.

Milieu du ier s.

195Durant cette phase d’implantation, la voie d’Agrippa joue une rôle différent : 38,5 % des sites sont éloignés de moins de 2 000 m de la voie.

Fin du ier et début iie s.

19633 % des sites sont implantés à moins de 500 m de la voie, ce pourcentage est le plus fort de l’échantillon étudié, la moyenne étant de 15,8 % ; en revanche 41,6 % des sites sont installés entre 2 000 et 3 000 m de la voie.

4.4.4.6 Implantations et autres attractions économiques

Période augustéenne

197La proximité du fleuve, calculée par rapport à son cours actuel, ne paraît pas jouer un rôle prépondérant dans le choix des implantations : cinq sites sont éloignés de moins de 1 000 m du fleuve et seulement cinq autres sont situés entre 1 000 et 2 000 m. L’attraction d’Augusta Tricastinorum a été plus importante puisque 23 % des sites sont à moins de 1 000 m de la capitale.

Milieu du ier s.

198Seuls cinq sites sont installés à moins de 1 000 m du cours actuel du Rhône et six à moins de 2 000 m. La série des sites nos 84, 108, 83, 73 et 89 dessine une courbe régulière qui suit le tracé d’un cours fossile du Rhône. Le cours antique du fleuve pouvait donc être proche de ces habitats. De plus, cette série d’habitats est située près de la voie médiévale reliant Donzère à Bourg‑Saint‑Andéol : ceci peut être un argument pour justifier de son antiquité. La cité d’Augusta Tricastinorum attire peu de nouvelles implantations en milieu rural : deux nouveaux sites à moins de 1 000 m de la capitale (132 et 128).

Fin du ier et début du iie s.

199Le site no 16 semble proche du cours du Rhône, tel qu’il est représenté sur les marbres d’Orange. Tous les autres sites de cette période sont situés loin des pôles économiques locaux. Le site le plus proche d’Augusta Tricastinorum est à 3 000 m.

4.4.4.7 Implantions et cadastre B d’Orange

Période augustéenne

20036 % des sites augustéens n’ont pas de relation avec le cadastre, alors que pour l’échantillon général des sites étudiés ici, ce chiffre est proche de 39 %. Le cadastre B d’Orange joue donc, dans cette phase de l’implantation des sites ruraux, un rôle prépondérant. L’ensemble de l’échantillon augustéen a un comportement différent de la moyenne générale. Les implantations au milieu d’un decumanus, au milieu d’un kardo, au centre et dans l’angle d’une centurie sont nettement privilégiées. Ces situations préférentielles sont peut‑être dues à la contemporanéité du cadastre et des implantations augustéennes.

Milieu du ier s.

201Le rôle du cadastre dans le choix des implantations est nettement moins important qu’à la période augustéenne : 57,7 % des sites sont directement dépendants du réseau contre 64 % à la période précédente. La proximité d’un decumanus attire proportionnellement le plus grand nombre de sites (26,9 %), ainsi que le centre des centuries (15,3 %). Par contre les implantations au milieu d’un kardo ou au centre d’une centurie sont inexistantes.

Fin du ier et début iie s.

20241,66 % des sites n’ont pas de relation avec le cadastre, ce taux est le plus faible depuis la période augustéenne. La position privilégiée est le kardo et, dans une moindre mesure, le decumanus. Seuls 8,33 % des sites s’installent dans un angle de centurie.

4.4.4.8 Implantations et durée de vie

Période augustéenne

203Contrairement à la période préaugustéenne, où 75 % des sites ne « survivent » pas aux périodes postérieures, les sites augustéens ont une assez longue durée de vie ; 1 seul site est abandonné, peu après son implantation, et 2 autres ne se poursuivront pas au‑delà du milieu du ier s. A la fin du ier s., seulement 23 % des sites auront échoué dans leur tentative d’implantation.

Milieu du ier s.

204Les sites de cette période auront la plus longue durée de vie dans le courant du ier s. puisque près de 89 % d’entre eux sont encore en activité après la fin du ier s.

Fin du ier et début iie s.

2058 sites de la fin du ier s. seront abandonnés, au plus tard dès la fin du iie s. En aucun cas les sites installés à cette période ne dépasseront le début du haut Moyen Âge.

4.4.5 Les sites dits du Haut‑Empire

206Les sites attribués à cette fourchette chronologique sont peu connus. Outre les villages actuels (Donzère, Pierrelatte), pour lesquels il est difficile de cerner les phases d’évolution, il s’agit de sites ruraux livrant peu de mobilier. Leur répartition ne semble pas mettre en cause les grandes lignes de l’évolution du peuplement telles que nous tentons de les définir ci‑après. Des sondages permettraient certainement d’inclure définitivement ces sites dans une phase chronologique déterminée.

4.4.6 L’occupation des sols du début du iie s. à la fin du Haut‑Empire

207Les 2 sites implantés au début du iie s. de n.è. ont été intégrés, pour l’analyse parmi les sites de la dernière partie du ier s. Les abandons caractérisent cette phase de l’occupation des sols (fig. 23). 39 sites sont abandonnés dans le courant du iie s. de n.è., soit 58 % des sites fonctionnant encore à la fin du ier s. Les sites de plaine semblent surtout touchés par cette phase de récession de l’habitat groupé (33 sites, soit 84,6 % des abandons). Apparemment les abandons n’ont pas de relation avec la nature des sols, où l’habitat était implanté, ni avec l’éloignement du site par rapport à la voie d’Agrippa. Le même phénomène se ressentdans les campagnes proches de la cité dʼAugusta Tricastinorum et à proximité des habitats groupés.

FIG. 23 – Les sites occupés du début du IIe s. à la fin du Haut‑Empire (les sites marqués d’une flèche disparaîtront dans le courant du IIIe s.).

208Durant les deux premiers tiers du iiie s., aucune création nouvelle n’est recensée. Les abandons de sites sont en nette diminution par rapport à la période précédente (10 abandons, soit 37 % des sites existant à la fin du iie s. [fig. 23]).

4.4.7 L’occupation des sols au Bas‑Empire et au haut Moyen Âge

209Le nombre peu important de sites connus pour cette période rend difficile tout essai de « découpage » chronologique plus affiné. De plus les textes du haut Moyen Age, relativement nombreux en ce qui concerne la région, sont toujours en attente d’une étude globale et donc difficilement utilisables actuellement. Une dizaine d’implantations sont attribuables à cette période (fig. 24) : il s’agit essentiellement de nécropoles (sites nos 14, 46, 82, 18, 12, 56) et d’habitats en grotte dans le défilé de Donzère (sites nos 4, 3, 2, 23).

FIG. 24 – Sites occupés à la fin du Bas‑Empire et au haut Moyen Âge.

210L’hypothétique perchement de l’habitat à cette période est difficilement perceptible. Seules les structures fouillées dans l’enceinte du château de Donzère par M.‑P. Feuillet (Feuillet 1987), la réoccupation du site de Château‑Porcher à proximité de l’oppidum de Saint‑Saturnin (sur la commune de Châteauneuf‑du‑Rhône) et éventuellement le rétrécissement de l’habitat vers le sommet de la colline de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux sont interprétables en ce sens. Les abris naturels qu’offrent les grottes du défilé de Donzère et le riche mobilier retrouvé lors des fouilles restent à interpréter (pastoralisme ?).

211Les abandons semblent moins importants puisque entre le début du ive s. et le début du vie s. seulement 11 sites disparaissent. Ces observations rapides montrent surtout l’inexistence de réelles recherches sur cette période.

4.5 Sols, domaines et villae à la fin du ier s. de n.è.

212L’opération de réglementation de Vespasien est sans doute l’événement historique le plus important concernant le Tricastin à la fin du ier s. de n.è. A partir des fragments du cadastre B d’Orange, l’ensemble du réseau cadastral a pu être restitué et il devient possible de s’interroger sur les formes de la mise en valeur du territoire. Il semble donc nécessaire d’observer les relations existant entre les taxes perçues sur les terres louées (vectigal) et la nature des sols, avant d’essayer d’appréhender la réalité de l’occupation gallo‑romaine dans la région.

4.5.1 Sols actuels et valeur locative d’après le cadastre B

  • 18 Cette estimation correspond à appliquer les directives des agrimensores : « [...] ont procédé à l’é (...)

213En utilisant la classification présentée plus haut (cf. § 4.1.2), nous essaierons de comparer les données pédologiques avec les « loyers » payés par les locataires mentionnés par le cadastre B d’Orange18.

214Pour mieux déterminer les tarifs utilisés et pour mettre en valeur leur possible relation avec la qualité des sols, nous commencerons dans l’annexe 1, par décrire les centuries où les terres louées sont intégralement situées sur le même type de sol. Nous présenterons ensuite les centuries où plusieurs types de sol sont attestés. Comme nous le précisions précédemment, la comparaison entre les sols actuels et les sols d’époque gallo‑romaine est hasardeuse. Toutefois les vérifications effectuées sur la majorité des types de sols, en collaboration avec P. Poupet, montrent qu’il n’y a pas de paléosols enfouis sous les sols actuels. Seul dans des cas extrêmes (certains sols de types III ou V) un drainage prolongé peut avoir modifié la valeur pédologique des sols depuis la période romaine. La démonstration que nous proposons est donc globalement validée.

4.5.1.1 Tarifs utilisés et nature des sols

Essai d’estimation du prix des sols de type I (sols, bons et légers)

215Les centuries intégralement situées en sols de type I sont peu nombreuses (4 exemplaires). Les exemples conservés sont compris dans une fourchette de 4 à 7 as qui pourrait éventuellement se rattacher à des différences pédologiques. Il est possible en effet de séparer les sols de type la, moyennement graveleux, de ceux de type Ib, très graveleux et de ceux de type Ic, généralement riches en galets.

216Dans les 4 cas de centuries intégralement situées en sols I, les superficies louées dépassent la demi‑centurie.

217Dans le cas des centuries où plusieurs types de sols sont représentés, on notera qu’à chaque fois que la superficie louée dépasse 37 jugères, le tarif de location est bas (4 ou 5 as). Il est donc situé dans la fourchette des tarifs utilisés pour les centuries intégralement situées sur les sols de type I. Au contraire, le tarif est élevé quand les locations sont de faible superficie : de 1 à 10 jugères (8 à 16 as) c’est‑à‑dire proches des normes des sols de type II.

218Les superficies louées en sols I sont toujours importantes, elles pourraient marquer une prédilection des locataires pour ce type de sol.

219Il semble donc que les sols de type I étaient loués à un tarif variant entre 4 et 7 as, les autres tarifs s’appliquant à d’autres types de sol.

Essai d’estimation du prix des sols de type II (sols très bons et lourds, à drainer)

220Sur un total de près de 30 centuries intégralement situées sur les sols de type II, 9 d’entre elles sont à proximité de zones humides et sont toujours louées au tarif de 4 as. Dans ces centuries, on notera la présence de nova jugera, de subseewa et même de terres dites remissa in aquam. Ces tarifs contrastent avec ceux appliqués sur les terres moins soumises aux risques d’engorgement permanent et aux inondations. Les 2 centuries louées au tarif de 6 as sont elles aussi situées près d’un cours d’eau.

221Ainsi pour des sols de type II loués à proximité de zones sensibles aux variations des cours d’eau, le tarif avoisinerait généralement 4 as. Le tarif de 6 as semble rester dans la norme des tarifs bas utilisés dans le cadastre B. La seule exception notable est celle de la centurie SD II VK IX qui est en bordure du fleuve. Les 128 jugères sont loués au tarif de 7 as mais ce sont là des restitutions des lacunes épigraphiques, tant pour les superficies louées que pour le tarif.

222Au total 7 centuries sont louées au tarif de 8 as. Ces terres sont toujours à l’écart des risques d’inondations dans des zones apparemment saines. L’homogénéité du tarif et du type de sol peut faire penser à une taxation sur la nature pédologique des sols.

  • 19 On notera que le locus gromae du cadastre B d’Orange est situé sur ce type de sols : « [...] on a é (...)

223Dans l’échantillon concerné (26 centuries), 18 centuries sont louées pour une superficie de moins de 31 jugères, et dans aucun des cas nous n’avons l’assurance qu’une centurie pouvait être louée pour la moitié, voire la totalité de sa surface. Les lots de petite taille pourraient donc être l’une des caractéristiques des locations sur ce type de sol. Il serait possible d’affirmer en revanche que ces terrains sont taxés beaucoup plus fortement que les autres. Leur bon potentiel agricole est un élément de compréhension du tarif appliqué19.

224Les tarifs sont de 4 as quand la location est proche d’un cours d’eau et ils augmentent si l’on s’en éloigne. Les loyers de 11, 17 et surtout celui de 80 as matérialisent une taxation basée sur une autre préoccupation que celle de la qualité du sol.

Essai d’estimation du prix des sols de type III (sols médiocres et lourds, à drainer)

225Sur les 14 centuries, totalement situées sur des sols de type III, nous en possédons au total 12 exploitables en termes de tarifs. Les exemples conservés ne permettent pas de cerner avec précision si une superficie de location pouvait être préférée à une autre ; remarquons toutefois que la classe des superficies situées entre 4 et 67 jugères est la mieux représentée. Les 3 centuries où la location dépasse les 67 jugères font figure d’exception.

226Le tarif de 4 as est majoritairement utilisé (9 centuries sur 12) et les tarifs de 3 ou 5 as ne semblent pas marquer de grandes différences pédologiques. En effet par hypothèse, les sols tarifés à 3 as peuvent être reliés avec ceux de type IIIb (très argileux) et les sols tarifés à 5 as se rapprochent de ceux classés en catégorie IIIa. Par contre le tarif de 16 as apparaît comme une anomalie.

Essai d’estimation du prix des sols de type IV (sols pauvres, légers et variables)

227Les centuries intégralement situées sur des sols de type IV sont peu nombreuses. Les superficies louées sont de plus très variables. Pourtant le prix des terres de type IV paraît être fixé entre 2 et 4 as ; ces terrains appartiennent au groupe le moins taxé à l’époque.

Essai d’estimation du prix des sols de type V (sols riches, lourds et variables)

228La nature de ces terrains (évolution possible selon leur mode de mise en valeur) peut parfois être comparée aux sols de type II ou aux sols de type III, il est alors difficile de proposer une tarification fixe. Toutefois pour une centurie où les sols de types I et V sont présents, si les locations sont de grandes superficies (c’est‑à‑dire dans les normes définies pour les sols de type I), le tarif est de 4 as. Au contraire, si les locations sont de superficie plus restreinte, le tarif varie entre 5 et 6 as. Dans le cas de la centurie SD X CK X, où les sols de type IV avoisinent les sols de type V, les superficies louées au tarif de 8 as sont identiques à celles des sols V. Les sols IV seraient alors loués au tarif de 2 as, correspondant à la norme définie. Le tarif des sols de type V peut donc être estimé dans une fourchette de 4 à 10 as, en liaison avec l’évolution pédogénétique de ces sols.

4.5.1.2 Le problème des loyers élevés

  • 20 Amendes perçues par la colonie aux dépends de propriétaires qui ont étendu leurs possessions sur de (...)

229A. Piganiol (Piganiol 1962) fait référence à des possibilités d’épibolé dans le cadre du cadastre B20. Certains tarifs de location semblent en effet être induits par des critères différents des baux attribués à proximité et sur les mêmes sols.

230Plusieurs éléments peuvent expliquer ce phénomène :
– la politique de récupération des subsceciva développée par Vespasien : il rétablit les limites du territoire colonial et éventuellement punit les abus sous la forme d’une amende sur les terres usurpées ;
– la location possible par les locataires mentionnés, des terres anciennement mises en valeur. Ainsi certaines cultures (comme la vigne), au meilleur de leur rendement, valorisent le terrain.

231Dans tous ces cas la tarification ne devrait plus être considérée comme uniquement basée sur la nature réelle des sols. Deux exemples peuvent illustrer ces hypothèses.

232⦁ Exemple 1 : dans le cas présent, une location au tarif de 17 as (à proximité d’une zone instable dite remissa in acquam) présente une anomalie ; de plus, immédiatement à côté, le locataire paye un vectigal de 4 as pour des sols de même nature (tabl. VI) ;

233⦁ « Exemple 2 : ce tarif est le plus élevé du cadastre B (tabl. VII) ; il dépasse largement la moyenne admise pour les sols de type II et pose le problème de la taxation en fonction de la nature de l’occupation du terrain. L’inscription incomplète (....p.Sa...) peut être un nom de locataire ou, d’après Piganiol, elle serait une mention de temple : (Tem)p.Sa... ; mais il paraît surprenant qu’un temple paie un si fort loyer. Quoiqu’il en soit, l’hypothèse d’une tarification en fonction de l’utilisation du terrain ne doit pas être écartée.

Numéro de
centurie

Superficie
(en jugères)

Tarif
(en as)

Type de sol

SDIV VK VII

12,5
62
28


17
4

remise en eau
sols II
sols II

TABL. VI – Loyers élevés : exemple 1.

Numéro
de centurie

Superficie
(en jugères)

Tarif
(en as)

Type de sol

SD VI VK 1

4

80

II

TABL. VII – Loyers élevés : exemple 2.

234Le tarif des locations ne serait donc pas étalonné sur une base uniquement pédologique. Les anomalies constatées peuvent indiquer une volonté de taxation des abus et/ou d’imposition sur la mise en valeur des terres.

4.5.2 Essai de définition des potentiels agricoles

235Malgré les quelques exceptions citées, les tarifications utilisées tendraient à être en relation avec la qualité des sols. Le traité d’agronomie de Columelle, écrit dans le dernier tiers du Ier s. de n.è., servira constamment de référence pour appréhender les différents aspects de l’agriculture dans la région.

4.5.2.1 Les qualités des sols d’après Columelle (L II.II.4‑7)

236Columelle définit trois types de terrains : plaines, collines, montagnes.

237Pour chacun d’eux, il envisage six possibilités de description pour les sols potentiels : gras ou pauvre, léger ou compact, humide ou sec. Il classe ensuite les sols en fonction de leur potentiel agricole :

  1. le meilleur des sols est celui qui a le meilleur rendement pour le moins d’effort, il est « riche et léger » (ideoque maximos quaestus ager praebet idem pinguis ac putris, quia cum plurimum reddat, minimum poscit) ;

  2. viennent ensuite les sols « gras et compacts » (proximum deinde huic pinguiter densum, quod impensam coloni laboremque magno fétu remunerator), car ils récompensent le travail du cultivateur par une importante production ;

  3. puis viennent les sols humides (loti rigui) car ils peuvent produire leurs fruits sans dépense (quia sine impensa fructum reddere potest) ;

  4. en dernier lieu se place le pire des sols, celui qui est à la fois sec, compact et maigre (quam quod est pariter siccum et densum et macrum).

4.5.2.2 Essais d’application de la terminologie de Columelle

238Les descripteurs proposés sont suffisamment généraux pour être appliqués à n’importe quelle région de l’Empire, il est alors possible de relier cette classification aux sols étudiés ici.

239Par hypothèse, les sols de type I pourraient être assimilés aux meilleurs sols de Columelle. En effet ils sont légers, ont un bon rendement, ne nécessitent pas une mise en œuvre de système de drainage ou d’irrigation et ne sont pas menacés d’engorgement ou de sécheresse.

240Les sols de type II sont rattachables aux sols B de Columelle. A la fois riches et gras, ils ont une excellente productivité car ils bénéficient des alluvions et limons du Rhône. En revanche, la nécessité d’un système de drainage constamment entretenu rend ces sols coûteux pour leur propriétaire.

241Les sols de type III semblent être les plus proches des mauvais sols décrits par Columelle (densum, sicum et macrum). Ces sols lourds sont sensibles à la sécheresse et à l’engorgement généré par les pluies.

242Les sols de types IV et V sont, par leur hétérogénéité à classer parmi les mauvais sols du catalogue de Columelle.

4.5.3 Essai d’interprétation des tarifs utilisés et des superficies louées

4.5.3.1 Sols de type I

243Si ces terrains sont à considérer comme les meilleurs de l’époque, nous pouvons alors être étonné de la médiocrité des tarifs utilisés (4 as en moyenne, soit 50 % de la valeur relative des sols de type II). Les gros propriétaires affectionnent pourtant ces terrains (le plus souvent plus d’une demi‑centurie louée).

4.5.3.2 Sols de type II

244Pour ces sols, le nécessaire entretien des systèmes de drainage mobilise de façon constante une partie de la familia. La main‑d’œuvre est donc soustraite des tâches plus directement rentables pour le domaine. Les grands locataires travaillant dans le système d’une agriculture extensive, voire d’une monoculture, peuvent alors préférer d’autres types de sols plus faciles à mettre en valeur. Le tarif moyen utilisé, 8 à 9 as, donne un jugère d’une valeur d’un peu plus de 8 deniers. Ces terres sont louées au tarif le plus élevé dans le cadastre B.

245Les locataires sont peu attirés par ces terrains, le plus souvent moins d’une demi‑centurie louée. Les propriétaires de grands domaines ne peuvent être intéressés par ces sols que de façon complémentaire : possibilités de bons rapports pour les oseraies, les vignes de basse qualité, les vignes mères, les jardins, etc.

4.5.3.3 Sols de type III

246Nous pouvons noter une relative cohésion des tarifs appliqués sur ces sols. Ils sont loués dans une fourchette de 3 à 5 as et intéressent peu les locataires, le plus souvent moins d’une demi‑centurie louée.

4.5.3.4 Sols de type IV

247Ils sont généralement loués au tarif de 2 as. Les superficies sont variables de 20 à 200 jugères.

4.5.3.5 Sols de type V

248La grande hétérogénéité de ces terrains et leur faible superficie sur le terroir étudié ne permettent pas de fixer un tarif et de déterminer les superficies réellement louées sur ces terrains,

4.5.4 Loyer des terres et volontés politiques

249Il est possible d’affirmer que les données pédologiques ont servi de base à l’élaboration des tarifs des baux. Quelques rares exceptions montrent que des paramètres complémentaires ont été utilisés par la colonie. Seules les indications épigraphiques illustrent actuellement cette éventualité. Il est donc difficile de déterminer si les anomalies de tarification sont dues à une volonté de taxer des abus (usurpations de terres) ou le mode de mise en valeur des sols (cultures antérieures aux baux décrits par le cadastre ou nouvelles mises en valeur). La volonté de la colonie dans sa politique d’imposition foncière reste donc à déterminer.

250Les sols les plus faciles à cultiver (type I), qui sont de bon rapport, sont faiblement taxés, ainsi les grands systèmes de tenure sont favorisés. Toutefois les sols de meilleur rendement (type II) sont les plus chers. La colonie n’aurait pas eu la volonté d’affecter un tarif préférentiel à ces terres qui demandent un lourd investissement (drainage, endiguement).

251La tarification choisie, sans être réellement dissuasive, ne favorise pas ouvertement les locataires potentiels. La bonne conservation de la trame du cadastre et de ses limites internes sur ces sols montre pourtant une utilisation intensive des sols de type II. Ainsi le colonat a pu être favorisé par cette tarification, et ce de façon délibérée.

252Mis à part le problème des sols de type II, la tarification semble modérée ; la colonie marque alors sa volonté de fixer les propriétaires dans leurs possessions. Les baux supérieurs à 10 as apparaissent donc plutôt comme une taxation prélevée sur un mode de mise en valeur ou comme une amende perçue par la colonie.

4.5.5 Domaines et sols d’après le cadastre B d’Orange

253Plusieurs grands propriétaires sont connus grâce au cadastre B d’Orange. A. Pelletier (Pelletier 1976) a proposé pour le cadastre une superficie moyenne des exploitations de l’ordre de 100 ha. Les possibilités qu’offre l’utilisation des cartes pédologiques, nous amènent à tenter d’insérer les quelques domaines restituables dans le contexte plus général des formes de tenures potentielles de la région. Plusieurs domaines sont reconstituables d’après le cadastre B, nous en avons choisis cinq particulièrement représentatifs.

4.5.5.1 Le domaine de Sextus Careius

  • 21 Sondages géologique du Bureau de recherches géologiques et minières.

2544 centuries mentionnent Careius : les terres louées par Sextus Careius sont situées au centre de la plaine de Pierrelatte, à l’emplacement de la ville actuelle (tabl. VIII). Au centre de la centurie DD XIII VK IV se dresse le « rocher de Pierrelatte » de forme et de superficie inconnues pour l’Antiquité. Cet affleurement de calcaire urgonien, sur lequel s’est implanté le château médiéval, a servi de carrière avant la Révolution et jusqu’au début du xxe s. Sa superficie actuelle est de l’ordre de 1 ha. Mais elle pouvait à l’origine approcher les 3 ha21. D’ailleurs dans cette centurie, c’est une superficie de 3 ha qui est assignée ; elle peut correspondre à l’emplacement d’une carrière. La présence de ce gisement de pierre à bâtir et à chaux, au centre de la plaine de Pierrelatte, où bon nombre de sites prospectés livrent ce matériau, amène à envisager la possibilité d’une carrière durant l’Antiquité. En effet, l’affleurement le plus proche excepté Pierrelatte, se situe à 8 km au nord dans le défilé de Donzère.

Numéro
de centurie

Superficie louée
(en jugères)

Tarif
(en as)

Type de sol

DD XIII VK V

4

9

I et II

DD XII VK IV

139, 10/12

4

I

DD XIII VK IV

188 ?

4?

I et III

DD XIV VK IV

?

?

I

TABL. VIII – Domaine de Sextus Careius.

255La majorité des locations se fait sur sols de type I :
– 139 jugères et 10/12 en DD XII VK IV ;
– une superficie inconnue en DD XIV VK IV qui est intégralement sur ce type de sols ;
– au moins 88 jugères en DD XIII VK IV puisque dans cette centurie, les sols de types I et III occupent chacun 50 % de la superficie.

256Il est impossible de déterminer quelle surface de terres de type III était louée, mais il est certain que Careius en possédait. Nous savons que ces sols sont en général loués pour moins d’une demi‑centurie, entre 50 et 70 jugères (cf. § 4.5.4). Le tarif relativement élevé (9 as) et la faible superficie louée en DD XIII VK V (4 jug.) laissent penser que la location concernait des sols de type II.

257La partie du domaine de Careius, connue grâce au cadastre, apparaît comme équilibrée :
– une grande superficie de sols I, suûrement l’équivalent d’une centurie (peut‑être plus) ;
– un lot moyen de sols de type III ;
– uniquement 4 jugères de sols de type II.

258Cet exemple illustre la complémentarité des terroirs mise en place dans le cadre du cadastre.

4.5.5.2 Le domaine de Aufustius Evaristus

2594 centuries mentionnent ce locataire : le tarif de 6 as utilisé pour la location de 33 jugères 1/2 en DD IV VK V (tabl. IX) pourrait s’appliquer aux sols de type V (cf. § 4.5.1.1). Aufustius est l’un des plus gros locataires de la plaine de Pierrelatte ; ses terrains sont apparemment majoritairement situés sur des sols de type I.

Numéro
de centurie

Superficie
(en jugères)

Tarif
(en as)

Type de sol

DD IV VK V

33 1/2

6

I et V

DD VI VKVI

+ 150

5

I

DD VI VKV

+ 100

4

I

DD ? VKVII

?

9

II

TABL. IX – Domaine de Aufustius Evaristus.

260N.B. : pour cette dernière centurie, la mention subseciva et surtout la mention VK VII, bien conservée, permettent de proposer sans hésitation des sols de type II. Dans cette partie de la plaine, la bande des centuries numérotées en VK VII est toujours située sur ces sols.

4.5.5.3 Le domaine de Duvius Septuminus

2614 centuries mentionnent ce locataire : cette propriété est regroupée à proximité du confluent actuel du Rhône et de l’Ardèche ; situé exclusivement en plaine, le domaine n’occupe que des sols de type II (tabl. X). Septuminus apparaît comme l’un des plus grands locataires de ce type de terrains.

262Les faibles tarifs de location sont explicables par la précarité et la nouveauté d’une partie des mises en valeur (nova, subseciva). Le cadastre met ici en évidence une agriculture de type privé en phase d’expansion. De nouvelles terres sont conquises sur le fleuve qui semble attirer une partie des propriétaires. La proximité du Rhône et le choix de ces terrains désignent un domaine d’un type très différent des précédents.

Numéro
de centurie

Superficie
(en jugères)

Tarif
(en as)

Type de sol

SD III VK VIII

?

8?

II

SD II VK VIII

67, 3/4

8

II

SD II VK VII

33 nova

4

II

SD 1 VK VIII

491/2sub

4

II

TABL. X – Domaine de Duvius Septiminus.

4.5.5.4 Le domaine des Pupilli Maccii

2633 centuries mentionnent ces locataires : les possessions de Gratus et de Maternus sont situées au sud de Bollène, essentiellement sur les reliefs calcaires. Elles sont aussi au contact de la plaine rhodanienne et des petites plaines de l’intérieur des terres. La présence de sols de type V n’est donc pas surprenante dans ces petites dépressions mal drainées naturellement (tabl. XI). Le plus souvent, ce sont des étangs asséchés ou en voie d’assèchement naturel. Dans le cadre de la centurie SD VI CK V, nous pouvons d’ailleurs lire le toponyme de l’Estang. Dans ce cas la mention nova, concernant 5.5 jugères peut indiquer un assèchement récent de la zone humide.

  • 22 La superficie des sols de type IV serait identique à celle des terres louées au tarif de 2 as.
  • 23 – La superficie des sols de type IV semble être comparable à celle des sols loués au tarif de 2 as.

Numéro
de centurie

Superficie
(en jugères)

Tarif
(en as)

Type de sol

SD VI Cl V

20

4

IV et V

51/2 nova

4

IV et V

164 1/2

222

IV et V

SD VCKV

20

4

IV

150 nova

2

IV

SD V CK IV

+ 29 1/2

2?

IV et V23

TABL. XI – Domaine des Pupilli Maccii.

264Si les informations cartographiques et nos restitutions sont fiables, les Pupilli Maccii louaient majoritairement des terres de type IV (au tarif de 2 as) et, dans une moindre mesure, des sols de type V. La mention nova sur des sols de type IV (au tarif de 2 as) indique un développement récent des mises en valeur et l’existence de tarifs différents pour cette catégorie de terres pouvant aller du simple au double (de 2 à 4 as).

6.5.5.5 Le domaine de Marcius Firmus

265– 6 centuries portent le nom de ce locataire : Marcius Firmus est locataire en bordure du Rhône, une partie de son domaine est dans un suhsecivum. Il est dans un secteur où les locations sont nombreuses.
– En DD I VK V, la superficie actuelle des sols de type I est infime (6 jugères) et la totalité de la location pourrait être effectuée sur des sols de type II (tabl. XII). Pourtant le tarif utilisé est de 4 as, ce qui est une exception. La zone concernée semble en effet être hors d’eau lors des inondations courantes du fleuve.
– En DD II VK V, les superficies des sols de types V et II sont de l’ordre de 50 jugères chacune. Il est donc difficile de déterminer sur quels sols la location s’effectuait. Le tarif de 8 as pourrait indiquer un bon terrain.
– En DD III VK V, la superficie actuelle des sols de type V est de l’ordre de 135 jugères, celle des sols de type I est d’environ 10 jugères et celle des sols de type II est de 55 jugères. Il est difficile de définir quels sols étaient loués. Le tarif de 4 as utilisé pour une partie des terres peut correspondre aux sols de type I.
– En DD IV VK V, la superficie des sols I est de l’ordre de 40 jugères, la catégorie des terrains loués ne peut pas être déterminée. Le tarif de 5 as peut s’adapter aux deux types de sols présents.

266Le domaine de Firmus paraît donc essentiellement situé sur des sols de type II.

  • 24 Pour cette dernière centurie, la mention subseciva et surtout la mention VK VII permet de proposer (...)

Numéro
de centurie

Superficie
(en jugères)

Tarif
(en as)

Type de sol

DDI VK V

51 1/4

4

I et II

DDII VKV

34 ?

8

Il et V

88 ?

8?

II et V

DD III VKV

50

10

1, Il et V

et pour une parti

DD IV VK V

33 1/2

5

1et V

DD III VK VI

8

10

II

DD?VK VII24

20 sub

4

II

15

8

II

TABL. XII – Domaine de Marcius Firmus.

4.5.5.6 Caractérisation des types de domaines

267Trois types de propriétés sont déterminables en fonction de la nature des sols loués. Le contraste évident entre les terrains indique des propriétés dont les productions sont de nature et de rendement différents :
– domaines de type A, sols de type I (sols bons et légers) majoritaires ;
– domaines de type B, sols de type II (sols très bons et lourds, à drainer) majoritaires ;
– domaines de type C, autres sols (sols lourds à mauvais) majoritaires.

268Les domaines de type A et B louent des terres qui ont une certaine complémentarité, que les sols majoritaires soient de type I ou II.

269Les domaines de type C sont essentiellement constitués de terres médiocres. L’hétérogénéité des sols V, qui peuvent être équivalents aux sols II ou aux sols III, la lourdeur des sols de type III et la pauvreté relative des sols de type IV, désignent un type de propriété radicalement différent de ceux décrits précédemment.

Exploitations essentiellement situées sur des sols type I (superficies notées en ha)

270Deux domaines sont majoritairement implantés sur des terrains de type I (tabl. XIII). Ces grandes superficies, louées sur un sol léger et de bon drainage naturel, peuvent par hypothèse être orientées vers une monoculture extensive. La situation du domaine du Molard (Donzère) sur ce type de sols, classés actuellement en zone d’Appellation d’Origine Contrôlée (AOC), permet de proposer le développement extensif de cultures arbustives, telle que la vigne. Avec une superficie minimale de 57,05 ha en sols de type I pour lesquels nous proposons un rendement de 10 hl/ha (c’est‑à‑dire le rendement obtenu au xixe s. sur le terroir de la commune de Donzère. [Peloux 1985]), soit 570 hl, la production annuelle possible du domaine connu de Careius reste bien en dessous des capacités de stockage du cellier du Molard (2 400 hl).

TABL. XIII – Domaines essentiellement situés sur des sols de type I.

271Dans les mêmes conditions, la production du domaine d’Evaristus pouvait avoisiner celle de Careius, avec au moins 687 hl. Cette hypothèse de restitution est évidemment sujette à caution. D’une part, le rendement proposé de 10 hl/ha est basé sur des données récentes, il pouvait être supérieur dans l’Antiquité (différence de cépages et de type de plantation). S’il était alors de l’ordre de 60 hl/ha (comme le propose Columelle), la récolte pouvait s’élever à 3 423 hl pour Careius. D’autre part, le cellier du Molard ne contenait pas forcément une seule vendange, dans ce cas il faudrait diviser la capacité de stockage du cellier. Ainsi les domaines de Careius et de ses voisins pouvaient être comparables à celui de Donzère. Enfin, les domaines ne peuvent être que partiellement reconstitués, le cadastre étant lacunaire.

272D’autres cultures que la vigne sont possibles sur ces terrains ; les céréales y sont actuellement majoritaires, les agriculteurs préférant réserver les coteaux aux vignobles.

273Varron (L I, 6) considère que les meilleures céréales proviennent des plaines (quod segetes meliores existimantur esse campestres) et Columelle (L II, VI, 4) indique que le blé pousse mieux dans les endroits secs (Triticum autem sicco loco melius coalescit...). Les sols de type I semblent donc être les mieux adaptés pour tous les types de cultures spéculatives, ainsi la rentabilité des exploitations pouvait être excellente.

274La location de terrains lourds (types II, III ou V) est aussi une caractéristique de ces domaines (majoritairement situés en sol de type I). Ce sont alors de petites superficies sur des terrains dont la vocation agricole est nettement différente. Les cultures effectuées sur ces sols peuvent faire penser à un appoint pour la vie interne du domaine plutôt qu’à une diversité de production tournée vers l’exportation.

Exploitations essentiellement situées sur des sols de type II (superficies en ha)

275Deux exemples suffisamment importants sont connus sur ce type de sol proche du Rhône (tabl. XIV). Les risques de variations du cours du fleuve et les crues n’ont pas dissuadé les propriétaires pour l’installation de leur domaine. La densité de l’habitat, relevée lors des prospections, montre que le fleuve n’était pas un élément répulsif. De plus certains propriétaires ont même conquis des terres sur le fleuve. Actuellement ces terrains sont largement utilisés pour les cultures arbustives et les céréales.

TABL. XIV – Domaines essentiellement situés sur des sols de type II.

276Les saulaies qui bordaient le fleuve sont en voie de disparition. Les agronomes attachaient une grande importance à ce type de plantation ainsi qu’aux cannaies et jonchaies qui servaient de matières premières aux fournitures du domaine (paniers, tuteurs, claies). Varron (L I, 24, 4) fait dire à Caton que dans un lieu humide, il faut planter des sommités de peupliers et une cannaie (si locus umectus sit, ibi cacumina populorum serenda et harundinetum). Les prairies et la culture des céréales et des légumineuses pouvaient être aussi de bon rendement. Varron (L I, 23, 2) indique que dans les terres grasses, il vaut mieux semer ce qui demande plus de nourriture : les plantes potagères, le blé poulard, le blé commun, le lin (In pingui rectius quae cibi sunt maioris, ut holus, tritlcum, siligo, linum).

277La possibilité d’un excellent rendement explique en partie la faiblesse des superficies louées sur ce type de sols, surtout si l’on compare ces domaines à ceux qui se sont développés sur des sols de type I. Contrairement à Septuminus qui ne loue que des sols de type II, Firmus loue une superficie presque équivalente sur d’autres types de sols. Il loue des sols de type V, en partie comparables aux sols de type II, mais il loue aussi une superficie importante de sols de type I. Les domaines situés majoritairement sur des sols de type II peuvent alors être plus diversifiés.

Exploitations situées sur les autres types de sols

278Les propriétaires de ces domaines seraient les plus défavorisés de l’ensemble du cadastre. Florus, dont le domaine n’est pas décrit ici, est un des rares à louer des terres lourdes de type III (près du Logis‑de‑Berre). Les Pupilli Maccii et Appuleia Paula, qui sont voisins, louent des terres de type IV, en général identiques à celles rendues inculti aux Tricastins (tabl. XV).

TABL. XV – Domaines situés sur d’autres types de sols.

279Pourtant chacun de ces terrains a ses qualités propres qu’il convient de mettre en valeur. Actuellement, les terrains de type III sont utilisés en prairies et pour les cultures céréalières telles que le seigle et le blé. Les terrains de type IV sont le plus souvent en friches ou parfois encore exploités pour les céréales, les asperges et la vigne. Les sols de type V, s’ils sont bien drainés, sont destinés aux cultures céréalières ; dans le cas d’un mauvais drainage, ils sont laissés en friche.

280Le domaine des Pupilli Maccii est donc radicalement différent, dans ses productions, des domaines précédemment décrits. La petite superficie louée sur des sols de type V apparaît comme un appoint aux besoins internes du domaine.

281Les domaines pour lesquels nous avons beaucoup de données peuvent être situés sur tous les types de terrains. Il est bien sûr impossible de restituer les cultures qui pouvaient y être faites, mais la grande différence entre les sols indique la variété des types d’exploitation et des objectifs économiques envisagés par les propriétaires. Même tournés vers une monoculture extensive, ce qui n’était pas une nécessité ni même une bonne opération si l’on tient compte des incertitudes climatiques, les domaines pouvaient apporter à la civitas la plus proche les denrées de base nécessaires et variées et avec suffisamment de profit pour dégager une plus‑value. Certains domaines, situés sur des sols de type I ou II, pouvaient même potentiellement produire assez pour exporter (domaine du Molard).

4.6 Le problème des habitats groupés

282Les habitats groupés actuels sont des obstacles aux prospections de surface. Le site de Donzère (thermes, rue, citerne, etc.) était totalement inconnu jusqu’en 1984 ; des travaux mirent alors en évidence le potentiel archéologique de la ville. Même Augusta Tricastinorum (Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux) est mal connu. Nous présentonsdans ce chapitre les différentes données existantes sur chacun des sites d’habitats groupés actuels en déterminant si possible leur origine.

4.6.L’Augusta Tricastinorum

283Malgré les nombreux textes évoquant le Tricastin (cf. § 4.2.1) et les découvertes archéologiques récentes (Bel 1986 ; fouille de l’Esplan : Odiot 1987) peu d’éléments nous renseignent sur l’implantation et l’organisation de la cité.

4.6.1.1 Le problème de la date d’implantation

284Si des fouilles récentes révèlent une occupation au premier âge du Fer sur la colline de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux, rien ne permet encore d’envisager une continuité de cette occupation jusqu’à l’installation du ou des bâtiments précédant la construction du rempart augustéen. Seul le grand mur stylobate découvert en 1988, détruit par le rempart augustéen, témoigne d’une occupation antérieure à la construction de l’enceinte. La présence de céramique campanienne résiduelle dans les niveaux de construction du rempart n’apporte aucun élément supplémentaire pour la datation de l’état préaugustéen de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux. Le rempart augustéen, découvert en 1988, détermine une superficie d’environ 40 ha. Son tracé est peu lisible mais peut être restitué en partie (fig. 5).

4.6.1.2 Essai de synthèse

  • 25 Revue épigraphique du Midi de la France, II, 1884‑1889, p. 25, no 474 : DM. Catii Tertullili Thoria (...)

285Malgré l’importance de la superficie du rempart de la ville et le travail d’enquête systématique de l’association locale, les monuments en élévation et les points de découverte sont relativement rares. Il reste difficile de faire un historique de la cité pour la période gallo‑romaine. Si les nécropoles de la ville sont maintenant mieux connues (site no 132, par exemple), deux découvertes fortuites intra‑muros posent problème. Une urne funéraire est mentionnée sur le gisement 17. Découverte en 1895, elle a aujourd’hui disparu. Il peut s’agir d’une mauvaise interprétation de la part du fouilleur. Sur le gisement 19a, à proximité du gisement précédemment cité, une inscription funéraire a été relevée25. Cette stèle aujourd’hui introuvable peut provenir de réemplois postérieurs. Ces deux exemples montrent les incertitudes rencontrées dans l’étude de la ville.

286Les monuments publics, forum, thermes, temples, théâtre ne sont pas localisés et les quelques structures monumentales relevées sont difficilement interprétables. Pourtant il semblerait qu’un riche quartier d’habitat ou de monuments publics se soit développé aux alentours de l’ancienne église Saint‑Jean et vers le sud, dans l’enceinte du rempart. Les découvertes de nombreuses mosaïques au siècle dernier, dans les propriétés des frères Maristes, et au xxe s. dans le quartier de la piscine, attestent d’une certaine richesse.

287Les découvertes de monnaies et de mobilier céramique ou de mosaïques datables restent rares. Mais les datations proposées pour toute la partie sud du rempart (gisements 18, 17, 19a, 19b, 19c, 22) indiquent un intense développement de la ville depuis la période augustéenne jusqu’à la fin du iie s. ou jusqu’au début du iiie s. de n.è. Cette phase est à mettre en relation avec l’expansion de l’habitat groupé en milieu rural ; elle semble en revanche être de plus longue durée en milieu urbain que dans les campagnes.

288Une période de rétractation du tissu urbain s’opère ensuite puisque nous n’avons pas de trace d’occupation postérieure au iiie s. dans la partie sud des remparts. L’habitat se serait regroupé vers la colline de Saint‑Paul autour d’un important pôle d’attraction : l’église Saint‑Jean. Mais la datation de la mosaïque du gisement 20b (d’après Lavagne, ve s.) pourrait marquer un autre pôle important de la ville du Bas‑Empire (près de la piscine). Toutefois les céramiques trouvées à proximité ne semblent pas étayer cette hypothèse. En l’absence de fouilles, nous ne pouvons donc que constater cette apparente contradiction.

289L’éventuel castrum de la ville à cette époque n’est pas certifié archéologiquement, seul C. Boisse avance quelques arguments qui ne semblent pas actuellement fondés (Boisse 1974 : Tricastini no 1, p. 33).

4.6.2 Donzère

290Sites nos 10, 11, 12 et 14

291Le site antique de Donzère a été découvert en 1984 : des thermes de grande taille (150 m de long au minimum), ruelle, citerne, la présence de métallurgie du fer, la superficie (6 ha) assurent l’existence d’un habitat groupé à l’emplacement de la ville actuelle (Odiot 1985). D’autre part, la proximité du Rhône, les besoins d’exportation du site du Molard et la présence de la voie reliant Donzère à Châteauneuf‑du‑Rhône (possibilité de transport par terre pour éviter le défilé de Donzère) sont autant d’indices soulignant l’intérêt économique du site.

292Pour les périodes postérieures au Haut‑Empire, les textes révèlent la présence d’un fiscus mérovingien, d’une abbaye mérovingienne et carolingienne. Les découvertes fortuites signalent une activité du iiie au ve s. de n.è.

293L’abondance des nécropoles, couvrant une période chronologique du ive au viie s. (sites nos 12, 14, 15 et peut‑être 3), indiquent la continuité de l’habitat groupé. Tout comme à Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux, un habitat groupé antique a donné naissance à une agglomération médiévale puis moderne.

4.6.3 Le Logis‑de‑Berre

294Site no 111

295L’occupation du site du Logis‑de‑Berre serait continue depuis le premier âge du Fer jusqu’au viie s. de n.è. Le passage de la voie d’Agrippa, la traversée de la Berre et le débouché de la route longeant la Berre sont des indices marquant l’intérêt stratégique du site. La maison forte du xiie s. n’a jamais été étudiée ; il est donc difficile de déterminer la durée de l’éventuel hiatus séparant les deux occupations.

4.6.4 Les incertitudes

296Malgré les incertitudes dues à la mauvaise qualité des données archéologiques et aux lacunes des textes, trois habitats groupés antiques ont pu être répertoriés dans la région étudiée : la capitale, Augusta Tricastinorum ; Donzère, au bord du fleuve ; le Logis‑de‑Berre, au carrefour de la voie d’Agrippa. Les villages actuels des Granges‑Gontardes, de Roussas sont trop mal connus actuellement, pour être pris en compte ici. La Garde‑Adhémar et Pierrelatte seraient des créations médiévales aucun n’indice ne permet d’écarter cette hypothèse. La multiplication des habitats groupés au détriment des sites d’habitats dispersés matérialise, pour la période médiévale, une nette transformation de l’économie locale. Le réseau routier (en étoile) structurant la plaine du Rhône autour de Pierrelatte, et vers la Garde‑Adhémar en sont une des matérialisations.

4.7 Conclusion

297La plaine rhodanienne et les coteaux qui la bordent semblent relativement inexploités avant l’époque augustéenne, pour autant que l’on puisse en juger à l’heure actuelle. Cette période marquerait donc le début de la mise en valeur systématique du terroir étudié. Plusieurs outils ont été utilisés par les colons pour s’approprier le territoire, le structurer et rentabiliser au mieux ses ressources. Parmi ceux‑ci, la voie d’Agrippa, ou du moins le réaménagement de l’éventuel tracé protohistorique, la création ou la restructuration des habitats groupés, l’installation du réseau cadastral et ses corollaires : le contrôle de l’utilisation des terroirs et des sols, la dépossession d’une partie du territoire des Tricastins, les assignations et l’ouverture vers de nouveaux débouchés économiques.

4.7.1 Mise en valeur du territoire à la période augustéenne

298L’installation des sites augustéens est nettement structurée par le cadastre B (fig. 20), puisque 64 % des sites sont en contact avec une division marquante des centuries. De plus, un axe majeur a déterminé le cadre des implantations : le kardo maximus du cadastre, qui sépare la plaine rhodanienne en deux parties d’inégale superficie ; de part et d’autre de cet axe, les implantations s’effectuent selon des modalités différentes.

4.7.1.1 Implantations dans la plaine à l’ouest du kardo maximus

299Les sites sont surtout regroupés dans la plaine du Rhône au sud de la ville actuelle de Pierrelatte ; cette région est située au sud du 10e decumanus et à l’ouest du kardo maximus.

  • 26 Ces deux hypothèses ne sont pas contradictoires, mais les propositions faites par G. Chouquer supra(...)

300Dans la partie de la plaine au nord du 10e decumanus, seuls deux sites (sur un total de 12) font exception à cette règle : le site du Molard à Donzère (no 15) dont on connaît le caractère exceptionnel et le site de Surel à la Garde‑Adhémar (no 31) qui reste à étudier. La partie située au nord du 10e decumanus devait alors être un élément répulsif. L’instabilité des cours du Rhône et de la Berre peut expliquer en partie ce phénomène. Pourtant, quelques années plus tard, de nombreux sites s’installeront dans cette partie nord de la plaine et le cadastre B d’Orange montre que la majorité des assignations coloniales se sont effectuées dans ce secteur. Le choix de cette partie de la plaine, et surtout les limites bien marquées du 10e decumanus et du kardo maximus, résulteraient d’une décision politique plutôt que d’une contrainte naturelle. Plusieurs arguments peuvent étayer cette hypothèse. G. Barruol et G. Chouquer avaient déjà noté que les marbres d’Orange mentionnaient les Tricastins seulement à l’est du kardo maximus. Ils en déduisent ainsi que cet axe majeur du cadastre pouvait être la concrétisation d’une frontière politique, entre Cavares et Tricastins (pour Barruol) ou entre le territoire des Tricastins et celui de la cité d’Orange (pour Chouquer)26. Quoiqu’il en soit le kardo maximus marque réellement une limite dans le mode d’implantation des sites.

301Le 10e decumanus, quant à lui, matérialise la partie nord de la zone d’échange est‑ouest entre Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux et le Rhône. Cette attirance économique vers le fleuve et l’Helvie, sur la rive droite, est l’une des constantes historiques de la région. D’une part les carrières de « pierre du Midi », proches de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux, exportaient leurs productions vers Lyon et Vienne, d’autre part l’approvisionnement de la capitale faisait largement appel aux importations par voie d’eau. Ainsi dans cette zone d’échanges intenses s’installent les premiers sites augustéens. La bonne conservation du 10e decumanus, jusqu’à la période actuelle, montre son importance économique. La proximité du cours du Rhône et son rôle économique (échanges entre les deux rives, commerce nord‑sud) devaient représenter un élément important dans l’organisation de cette partie du terroir comme le montre l’implantation de la villa du Pin le long de ce decumanus (fig. 25). Près de 70 % des sites localisés à l’ouest du kardo maximus et au sud du 10edecumanus sont implantés à moins de 2 000 m du fleuve actuel. Toutefois en l’absence d’études plus poussées, il est impossible de déterminer si les structures internes des sites sont modifiées par leur lieu d’implantation (greniers ou celliers de grande taille à proximité du fleuve ; productions plus diversifiées à proximité de la capitale, par exemple).

FIG. 25 – La villa du Pin à Pierrelatte.

4.7.1.2 Implantations à l’est du kardo maximus

  • 27 « Il faut en premier lieu assigner les confins, [....], ensuite on assignera les parties internes d (...)

302Dans la partie située à l’est du kardo maximus, les implantations sont soumises à d’autres influences. Les sites augustéens sont rarement situés à proximité immédiate de la voie d’Agrippa puisque seuls 8 % des sites de la période sont à moins de 500 m de la voie. En revanche, 48 % des sites en sont à moins de 2 000 m, ce pourcentage est le plus fort pour l’ensemble des périodes étudiées. Ce relatif éloignement de la voie pourrait matérialiser un souci de mise en valeur globale du territoire et éventuellement l’inachèvement partiel du réseau centurié27. En effet, le cadastre B ne joue peut‑être pas intégralement son rôle dans la structuration de l’économie locale, comme le prouve la quasi absence de sites au nord du 10e decumanus et à l’ouest du kardo maximus.

303Les sites, même s’ils ne sont pas dans les abords immédiats de la voie, restent dans leur quasi majorité relativement proches d’elle afin de bénéficier de ses avantages économiques. A noter également que 23 % des sites de cette période sont installés à moins de 1 000 m d’un habitat groupé (Donzère, le Logis‑de‑Berre, Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux). La possibilité d’un débouché immédiat pour les productions des sites ruraux a elle aussi conditionné la structuration de l’espace rural.

4.7.1.3 Implantations et cadastre B

304Seuls 36 % des sites ne sont pas directement influencés par les structures du réseau cadastral. Les implantations de la période augustéenne sont celles qui ont le rapport le plus important avec le cadastre. De plus, tous les points remarquables des centuries sont sujets à des implantations (au milieu d’un kardo, dans l’angle de la centurie, au centre, etc.) ; ce phénomène ne se reproduira pas dans les périodes suivantes. Ces situations préférentielles sont peut‑être dues à la contemporanéité du cadastre et des implantations augustéennes. Une décision d’ordre politique aurait pu avoir le même effet. Le cadastre B d’Orange apparaît comme un réseau de voirie qui a structuré l’économie des campagnes du Tricastin. Il draine une partie des communications vers la cité d’Augusta Tricastinorum comme le montre le site du Valladas (no 132 ; Bel 1987) où les résultats de fouilles permettent d’affirmer qu’une des principales voies d’accès de la ville était le 8e decumanus.

305En revanche, le cadastre semble avoir joué un rôle moins contraignant dans le choix des terrains où se sont installés les sites car tous les types de sols ont été exploités (seule période où des sites s’implantent sur des sols de type V). L’intérêt évident pour les terrains lourds (65,54 % des implantations), durant toute la première moitié du ier s. de n.è., a déjà été commenté (cf. § 4.1.2).

4.7.1.4 Le problème des assignations

306Les assignations sont abondantes dans le cadastre B, notamment dans la partie nord de la plaine de Pierrelatte. Dans le secteur où les terres données aux colons sont majoritaires, la carte archéologique montre une quasi absence d’implantations. Seul un site est situé dans une centurie désignée par les marbres d’Orange comme totalement assignée (site no 28). Les colons ne semblent pas avoir d’habitat sur les terres qu’on leur attribue. Dès la période augustéenne, ils auraient donc préféré habiter dans les habitats groupés existants (Donzère, Logis‑de‑Berre/Novem Craris, et surtout à proximité de la colonie Augusta Tricastinorum).

307Mais les assignations décrites sur le cadastre d’Orange sont‑elles réellement augustéennes ? Elles peuvent être plus tardives (vespasiennes) ou elles correspondent peut‑être à des projets d’assignation. Un indice peut étayer cette hypothèse ; la centurie DD XIV CK XVIII mentionne : 118,5 jugères assignés, 40 jugères rendus aux Tricastins ; 41,5 jugères loués au tarif de 3 as le jugère à un locataire dont le nom n’a jamais été gravé. Cet exemple unique montre que les lots pouvaient parfois être déterminés de façon administrative, dans le cadre de projets de lotissement.

4.7.2 Implantations dans le courant du ier s.

308Pendant cette période, les implantations se font rarement à proximité des sites augustéens ; ce phénomène est très marqué à l’ouest du kardo maximus (fig. 21).

4.7.2.1 Mise en valeur du territoire à l’ouest du kardo maximus

309Seuls trois sites (11,5 % des implantations de la période) s’installent au sud du 10e decumanus. En revanche, des sites apparaissent dans la partie nord de la plaine de Pierrelatte jusqu’alors délaissée. Ces nouvelles créations évitent systématiquement le nord de la zone de confluence du Rhône et de la Berre ainsi que l’ensemble de la plaine de Donzère avec les plateaux et collines qui la dominent. Les contraintes naturelles, qui peuvent être importantes, semblent ici encore entérinées par une décision politique de répartition des implantations. Les limites géographiques seraient fixées par le cours de la Berre, le kardo maximus et le 10e decumanus.

310La proximité du Rhône est un atout conséquent dans le choix des implantations (83 % des sites du secteur sont à moins de 2 000 m du fleuve), ceci montre une relative stabilité du cours du fleuve. La série des sites nos 84, 108, 83, 73 et 89 dessine une courbe régulière qui suit le tracé d’un cours fossile du Rhône. Le cours antique du fleuve pouvait être proche de ces habitats ; ils sont de plus longés par la voie médiévale reliant Donzère à Bourg‑Saint‑Andéol, ce qui peut témoigner de son antiquité.

4.7.2.2 Mise en valeur du terroir à l’est du kardo maximus

311Pendant la première moitié du ier s., la voie d’Agrippa a un peu moins d’impact pour la détermination de l’implantation des sites puisque seuls 38,34 % des sites sont à moins de 2 000 m de la voie (48 % à la période augustéenne). Ce phénomène est d’autant plus marqué que 43,14 % des sites sont éloignés de plus de 4 000 m de la voie.

312La cité d’Augusla Triaistinorum attira peu de nouvelles installations en milieu rural : deux nouveaux sites à moins de 1 000 m de la capitale (nos 132 et 128). Les campagnes autour de la ville étaient déjà mises en valeur dès la période précédente. En revanche, dans les campagnes autour de Noixm Crans, de nombreuses créations de sites sont à noter. Le carrefour de la vallée de la Berre semble alors jouer un rôle économique très important.

4.7.2.3 Implantations et cadastre B

313Le rôle du cadastre dans le choix des implantations est moins déterminant qu’à la période augustéenne : 57,7 % des sites sont directement dépendant du réseau contre 64 % ; de plus aucun site n’est situé au milieu d’un kardo et dans un angle de centurie.

314Comme à la période précédente, les sols lourds et riches (types II et III) reçoivent le maximum des installations (53 %). Les sols légers et de bon rapport (type I) sont en revanche plus appréciés qu’à la période précédente (en progression de 10 %). L’intérieur des terres attire peu de nouveaux sites, sauf pour les campagnes proches des habitats groupés. Le cadastre semble continuer à structurer les grandes lignes de la politique de création de sites mais en étant moins omniprésent dans le détail des implantations.

4.7.2.4 Le problème des assignations

  • 28 Si toutefois les colons n’habitent pas dans les habitats groupés.

315Pour cette période, très peu de sites sont répertoriés dans les zones assignées décrites sur les marbres d’Orange, les sites nos 102, 108, 84, 43 sont les seuls exemples. Ces quelques créations pourraient indiquer une mise en valeur de ces terres qui s’effectue très progressivement et non pas de façon immédiate et massive28. Cette période connaît tout de même le maximum des implantations dans des centuries intégralement assignées.

4.7.3 Dernier tiers du ier et début du iie s.

316Cette période chronologique correspond à la réalisation de la remise en ordre de Vespasien (fig. 22). Elle marque un tournant dans l’histoire des implantations de l’habitat dispersé. D’une part elles sont nettement moins nombreuses qu’auparavant et d’autre part le choix de ces sites d’implantation obéit à d’autres règles.

4.7.3.1 Mise en valeur du territoire à l’ouest du kardo maximus

317Ce secteur de la plaine de Pierrelatte est alors délaissé. Aucune nouvelle création ne s’effectue au sud du 10e decumanus et seuls deux sites s’installent au nord (sites nos 50 et 16). Tous deux sont proches d’un axe économique (moins de 2 000 m de la voie d’Agrippa pour le site no 50 et proximité immédiate du cours du Rhône et de Donzère pour le site no 16). Cette partie de la plaine pourrait donc avoir connu le maximum de ses implantations lors des périodes précédentes, à moins qu’une volonté politique n’ait redéfini le choix des terroirs à mettre en valeur.

4.7.3.2 Mise en valeur du territoire à l’est du kardo maximus

318Un changement radical s’opère dans la dynamique des implantations de cette partie du territoire. Si, à la période précédente, l’attraction de la voie d’Agrippa diminuait, un phénomène inverse se fait alors sentir : un tiers des sites est situé à moins de 500 m de la voie. Ce pourcentage est le plus élevé de l’ensemble des périodes étudiées (8 % à la période augustéenne, 15,38 % durant la période suivante).

319Les campagnes proches de la capitale ne reçoivent aucune implantation, et seul un site est répertorié à proximité des autres habitats groupés (site no 26 près du Logis‑de‑Berre). Les nouvelles installations paraissent parfois « combler des vides » ; ainsi le groupe des sites nos 34, 35, 36 et 42 est situé dans une petite plaine intérieure jusqu’alors délaissée.

4.7.3.3 Implantations et cadastre B

320Le comportement des sites par rapport au cadastre est différent de celui des périodes précédentes. Les implantations en relation avec un decumanus sont minoritaires ou inexistantes, tout comme le sont celles situées au centre ou dans l’angle d’une centurie. Il est difficile, en raison du faible nombre de sites et en l’absence de comparaison avec d’autres réseaux cadastraux, de proposer une interprétation de ces variations. Toutefois, si le réseau cadastral structure l’économie interne des échanges de la microrégion, la position préférentielle des sites sur les axes est‑ouest dans les deux premières périodes est totalement inversée au moment de la remise aux normes de Vespasien ; les échanges nord‑sud deviennent alors prépondérants.

321Le choix des terroirs est lui aussi modifié par rapport aux périodes antérieures. Des sites sont créés sur tous les types de terroirs (pas d’implantation sur les collines à la période augustéenne, pas d’implantation sur les plateaux à la période suivante) avec une nette préférence pour les coteaux (48,28 %). Les sols lourds et denses (type III) reçoivent plus d’un tiers des sites, ce taux est le plus élevé de toutes les périodes étudiées. Les sols II, sur lesquels de nombreux sites ont été répertoriés jusqu’alors, sont maintenant délaissés (aucune implantation). Par contre, davantage de sites sont créés sur des sols légers (sols de type IV : 38,90 % contre environ 8 % pour les périodes précédentes) ; cette période matérialise la conquête de nouveaux sols.

322Ce contraste très marqué dans le choix des sols (absence d’implantation sur les meilleures terres) peut s’expliquer par une politique de mise en valeur d’autres types de terrains. Il peut s’agir d’un choix délibéré de la part de particuliers se destinant à des productions agricoles différentes et complémentaires de celles pratiquées sur les sols I et II. Il peut s’agir aussi de la traduction d’une évolution de l’économie locale: Nous pouvons aussi envisager qu’il n’existait plus de terres libres dans les secteurs des bonnes terres. Cependant, il est tentant d’y voir une des matérialisations de la réforme de Vespasien. Ce changement radical dans le choix des types de sols n’est pas explicable par un phénomène d’origine naturelle, puisque les sites implantés durant les phases précédentes continuent de fonctionner. Ainsi une volonté politique aurait pu fixer de nouvelles zones d’implantation. Un des buts de Vespasien aurait été de compléter, voire d’équilibrer, l’exploitation des ressources naturelles du secteur.

4.7.3.4 Le problème des assignations

323Seul le site no 38 est implanté dans une centurie où les terres sont totalement assignées. Une fois encore il est difficile de mettre en relation les informations de la forma d’Orange avec la réalité des implantations sur le terrain. Les assignations, qu’elles soient augustéennes ou vespasiennes, ne semblent pas être à l’origine de créations d’habitats. En revanche, dans certaines centuries où locations et assignations sont mentionnées, des habitats ont été découverts lors de prospections. Mais il est impossible de déterminer à quel type de propriétaires appartiennent les structures retrouvées. Les locations n’impliquent pas forcément la création d’habitats à l’emplacement même des terres louées (domaines éclatés, résidences urbaines, etc.) en revanche il est difficile de comprendre pourquoi l’attribution de lots coloniaux, toujours de faible superficie (33 ou 66 jugères), n’entraîne pas de création de sites. Il est possible que, dans la mesure où les centuries intégralement assignées se situent toujours à moins de 4 km des habitats groupés, les colons s’y soient implantés. Quoiqu’il en soit la bonne fossilisation du réseau cadastral, dans les secteurs intégralement assignés, montre que les terrains ont été mis en valeur à une période où son rôle dans le découpage interne du parcellaire était prépondérant. Il est impossible de fixer une date pour cette structuration de l’espace, le sud de la Drôme étant un pays de droit écrit où le morcellement des parcelles (absence du droit d’aînesse) est courant, les orientations majeures du parcellaire peuvent perdurer et même se multiplier sur plusieurs siècles.

4.7.3.5 Le rôle de l’intervention de Vespasien

324La période augustéenne et la première partie du ier s. sont caractérisées par la multiplication de l’habitat dispersé. Le mouvement se maintient pendant plus d’un demi‑siècle, puis décroit dans le courant du dernier tiers du ier s. A cette époque, le cadastre est reformé et de grandes modifications s’opèrent dans les choix d’implantation (types de sols, terroir, etc.).

325Les deux premières phases d’implantation étaient axées sur la mise en valeur des bonnes terres dans le cadre du cadastre, tandis que la dernière phase correspond à une redéfinition des buts de la mise en valeur de la région. L’intervention de Vespasien marque le début d’un tournant dans l’histoire agraire locale. On pourrait y voir les prémices des grands changements du iie s.

326Si entre la période augustéenne et les deux premiers tiers du ier s., le solde des implantations par rapport à celui des abandons de sites est largement positif (52 implantations pour 3 abandons), la tendance semble s’inverser entre le dernier tiers du ier s. et le début du iie s. (12 implantations pour 11 abandons) au profit d’un solde quasiment nul. Vers le début du iie s., se situe la fin de la grande phase d’implantation de l’habitat dispersé. Dans le courant du iie s., les implantations sont inexistantes, alors que l’on observe 35 abandons de sites. Pendant cette période, le site du Molard à Donzère va changer radicalement de fonction, puisque les structures de transformation et de stockage des matières premières sont détruites. Quoiqu’il en soit, les tarifs de location affichés à Orange montrent, malgré leur faiblesse, la volonté de la colonie de mettre en valeur des terres jusqu’alors peu exploitées (faible tarification des sols de types III et IV). Les locataires implantés parfois depuis plus d’un demi‑siècle sur les terres lourdes payent un vectigal plus important que celui demandé aux locataires de terrains plus légers. A l’intérieur du réseau cadastré, des domaines ont été créés et continuent de se développer à la période vespasienne (nova jugera) ; ils montrent la diversité des formes de mise en valeur des sols. La réforme de Vespasien marque donc une évolution dans l’exploitation du terroir, un besoin de stabilisation de l’évolution des domaines et signale, avec la fin de la phase d’expansion de l’habitat groupé, le début d’une nouvelle phase de l’exploitation des sols. En effet, c’est dans le cadre du cadastre réformé que s’effectueront toutes les modifications de l’occupation des sols du iie s.

Notes

1 La mise en œuvre d’un programme de prospections systématiques, lié à des sondages et des sauvetages urgents ou programmés dans le sud‑ouest du département de la Drôme, n’a été possible que grâce à l’autorisation du Conseil supérieur de la recherche archéologique, à l’aide constante de la direction des Antiquités historiques Rhône‑Alpes et à celle du Conseil général de la Drôme. Outre J. Lasfargues, directeur des Antiquités historiques, nous tenons à remercier en particulier : G. Chouquer, J.‑L. Fiches, A. Ferdière, P. Poupet, C. Raynaud, F. Favory, J. Andreau et tous les fouilleurs, prospecteurs et amis qui travaillent avec nous depuis près de cinq ans sur le sujet, en particulier H. Dechandol, D. Hôte, H. Leclere, J. Boissier, O. Peloux, C. Perrin, M.‑P. Feuillet.

2 Ces vérifications ont été effectuées avec l’aide de P. Poupet et permettent d’affirmer que les sols de type I n’ont pas subi de pédogenèse notable depuis l’Antiquité. Les sols de type II ont pu faire l’objet de recouvrements qui ne semblent pas remettre en cause leur valeur pédologique. Les sols de type III, quant à eux sont susceptibles d’avoir évolué, mais semblent avoir toujours été des sols lourds à mauvais drainage interne. Les sols de type IV (sols légers des garrigues actuelles) se sont en général appauvris depuis l’Antiquité. Les sols de type V sont décrits par P. Poupet dans ce volume : quelques éléments pour l’histoire de l’espace rural et l’agriculture antique en Tricastin : le quartier des Hautes‑Palus, Suze‑La‑Rousse (Drôme).

3 Le phénomène est surtout sensible pour les sols de types III etV.

4 Résultats Archéolab, en cours de publication.

5 L’ensemble de ces textes est repris et commenté par Barruol 1969 : 3‑25, 247‑ 268.

6 Le nom de Salnt‑Paul‑Trois‑Châteaux est une altération de Tricastinorum ou Tricastin, qui semble ancienne : in episcopatu Tricastrino en 640 (concile de Paris). La forme Salnct Pol Trois Chasteaux (Arch. Drôme, E. 2716) apparaît au xvie s. Sur ce sujet, Barruol 1969 : 252‑253 et note 1.

7 Un milliaire y a été retrouvé : CIL 5555.

8 Archives de la Drôme 2 E 15 850 f° 77.

9 Le site du Molard à Donzère a une superficie de 10 000 m2. Un premier bâtiment, de superficie restreinte, implanté durant la période augustéenne a été détruit au milieu du ier s. de n.è., pour permettre l’installation de la grande villa viticole. Un cellier d’une longueur de 70 m contenait 200 dolia, soit une capacité de stockage d’environ 2 400 hl. Quatre pressoirs, du type décrit par Caton, et deux fouloirs se répartissent de part et d’autre du cellier. Cette exploitation, tournée vers la viticulture, est installée à moins de 700 m de l’habitat groupé de Donzère et à 1 500 m du cours actuel du Rhône. Vers la fin du iie s., l’ensemble des structures destinées à la production du vin est détruit volontairement (dolia récupérés, lacci démontés, etc.). L’occupation du site se poursuit durant tout le iiie s. et jusque vers la fin du ve s. Cette villa est en cours de publication.

10 Sur ce sujet, voir légende du martyr de Saint‑Andéol (Lauxerois 1983 : 67‑83).

11 On pensera aux carrières romaines de pierres du Midi du plateau de Saint‑Restitut.

12 Le site du Molard à Donzère (no 015) semble toutefois sortir de ces normes, nous proposons une superficie de plus de 300 ha.

13 (PAE) Projets d’action éducative établis avec le ministère de l’Education nationale, lycée technique de Villefranche‑sur‑Saône sous la direction de R. Dupoisat.

14 Le site no 079 de la commune de Pierrelatte a été découvert sous 1,80 m d’alluvions.

15 Afin de faciliter les comparaisons, les données du Beaucairois et du Tricastin ont été regroupées selon les mêmes critères. VI, utilisé en Tricastin, a été éliminé.

16 Afin de faciliter les comparaisons entre les deux échantillons, le critère A I du Tricastin n’est pas retenu dans le graphe.

17 Nous ne reviendrons pas ici sur les données en notre possession pour le 1er âge du Fer. Les sites attribuables à cette période sont brièvement présentés dans le chapitre traitant des données historiques et figurent sur la carte archéologique générale (fig. 6).

18 Cette estimation correspond à appliquer les directives des agrimensores : « [...] ont procédé à l’évaluation de leurs terres en fonction de leur qualité, mesure par mesure » (jugère par jugère) (Siculus Flaccus, La 155, 6‑27 = Th 118,10‑120, 3 [Chouquer 1989a]).

19 On notera que le locus gromae du cadastre B d’Orange est situé sur ce type de sols : « [...] on a établi le decumanus maximus et le kardo maximus sur le sol le meilleur : comme par exemple, dans le territoire d’Hispellum en Ombrie » (Hygin Gromatique, La 178, 17‑178, 10 Th 143, 11‑18 [Chouquer 1989a]).

20 Amendes perçues par la colonie aux dépends de propriétaires qui ont étendu leurs possessions sur des terres appartenant au domaine public.

21 Sondages géologique du Bureau de recherches géologiques et minières.

22 La superficie des sols de type IV serait identique à celle des terres louées au tarif de 2 as.

23 – La superficie des sols de type IV semble être comparable à celle des sols loués au tarif de 2 as.

24 Pour cette dernière centurie, la mention subseciva et surtout la mention VK VII permet de proposer sans hésitation des sols de type II. Dans cette partie de la plaine, la bande des centuries numérotées VK VII est toujours située sur ces terrains. Le tarif utilisé n’est pas contradictoire (cf. § 4.5.5.5).

25 Revue épigraphique du Midi de la France, II, 1884‑1889, p. 25, no 474 : DM. Catii Tertullili Thoria Rodope fratri carissimo.

26 Ces deux hypothèses ne sont pas contradictoires, mais les propositions faites par G. Chouquer supra sur révolution du statut politique de la cité d’Augusta Tricastinorum durant le ier s. de n.è. nous semblent particulièrement adaptées à l’état des connaissances actuelles.

27 « Il faut en premier lieu assigner les confins, [....], ensuite on assignera les parties internes de la pertica » (Hygin Gromatique, d’après Chouquer 1989a).

28 Si toutefois les colons n’habitent pas dans les habitats groupés.

Table des illustrations

Légende FIG. 1 – Relief et hydrographie. 1 Viviers ; 2 Châteauneuf‑du‑Rhône ; 3 Donzère ; 4 Roussas ; Les Granges Gontardes ; 6 Bourg‑Saint‑Andéol ; 7 Pierrelatte ; 8 Lagarde‑Adhémar ; 9 Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux ; A cours du Rhône d’après le cadastre B d’Orange ; B cours de la Berre d’après le cadastre B d’Orange.
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Légende FIG. 2 – Photo‑interprétation des cours fossiles du Rhône et de la Berre. A cours du Rhône d’après le cadastre B d’Orange ; B cours de la Berre d’après le cadastre B d’Orange.
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Légende FIG. 3 – Géologie générale (d’après Bethemon).
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Légende FIG. 4Oppida du Tricastin. 1 Barry (Bollène, 84) ; 2 Le Moulon (Roussas, 26) ; 3 Saint‑Saturnin (Donzère, 26) ; 4 Curnier (26) ; 5 Suze‑la‑Rousse (Montségur‑sur‑Lauzon, 2B) ; 6 Le Château (Grignan, 26) ; 7 Beau regard (Grignan, 26).
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Légende FIG. 5 – Rempart augustéen d’Augusta Tricastinorum. 5, 16 points de découvertes ; 4 site de l’Esplan ; 14 cathédrale ; 132 nécropole du Valladas.
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Légende FIG. 6 – Carte générale du territoire étudié. – Localités : V Viviers ; CDR Châteauneuf‑du‑Rhône ; BSA Bourg‑Saint‑Andéol ; SPTC Saint‑Paul‑Trois‑Chateaux ; LGG Les Granges Gontardes ; P Pierrelatte ; D Donzère ; R Roussas ; LGA La Garde‑Adhemar ; SR Saint‑Restitut ; – Informations du cadastre B d’Orange : a voie d’Agrippa sur le cadastre B d’Orange ; a’ proposition de tracé ; A cours du Rhône d’après le cadastre ; B cours de la Berre d’après le cadastre ; KM kardo maximus ; DX 10e decumanus. – Voirie : a Voie d’Agrippa au nord du Logis de Berre ; b Route de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux à Grignan c Route de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux à Bollène ; d Route de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux à la vallée de la Berre ; e Route de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux à Novem Craris par la voie d’Agrippa ; f Route de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux à Bollène par la voie d’Agrippa ; g Route du Logis‑de‑Berre à Donzère par le site du Molard (site no 15) ; h chemin de Donzère à Châteauneuf‑du‑Rhône ; i Route de Pierrelatte au Logis‑de‑Berre ; j Route de Bourg‑Saint‑Andéol à Donzère ; m Route de Roussas à la voie d’Agrippa. – Oppida : 1 oppida de Château‑Porcher et de Saint‑Saturnin ; 52 oppidum du Moulon ; k oppidum de Barry ; 5 sites majeurs ; 10/11/12 Donzère‑le‑Bourg ; 111 Le Logis‑de‑Berre (Novem Craris) ; 143 (SPTC) Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux (Augusta Tricastinorum) : 15 Site du Molard à Donzère.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/39308/img-6.jpg
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Légende FIG. 7 – La voie d’Agrippa sur le cadastre B d’Orange.
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Légende FIG. 8 – Le site de Novem Crans (d’après C. Boisse).
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Légende FIG. 9 – La voie d’Agrippa au nord de Novem Crans (d’après Salviat).
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Légende FIG. 10 – La voie d’Agrippa au sud du Logis‑de‑Berre. A route départementale 158 ; B voie d’Agrippa d’après le cadastre B ; C proposition de tracé ; D route de Saint‑Paul‑Trois‑Châteaux ; E la voie d’après les photographies aériennes. ● le Logis‑de‑Berre.
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Légende FIG. 11 – Les chemins d’accès au site du Molard. 111 Le Logis‑de‑Berre ; 11 Donzère ; 14 nécropole de Coupe Oreille ; 15 site du Molard. H = 100 m
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Légende FIG. 12 – Le site du Molard à Donzère. A habitat ; B ailes sud ; C caves ; D fouloirs ; E pressoirs ; F cellier ; G galerie longeant le cellier ; H cour ; O partie sud des pressoirs ; R bassins ; P cour ; T chemin d’accès nord ; K contrôle des entrées sud ; ▼ portes.
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Légende FIG. 13 – Graphique comparatif des superficies des sites entre le Tricastin et le Beaucairois.
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Légende FIG. 14 – Graphique comparatif des types de matériaux entre le Tricastin et le Beaucairois.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/39308/img-14.jpg
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Légende FIG. 15 – Graphique comparatif du mode de vie des sites entre le Tricastin et le Beaucairois.
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Légende FIG. 16 – Graphique comparatif de l’activité des sites entre le Tricastin et le Beaucairois,
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/39308/img-16.jpg
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Légende FIG. 17 – Périodes d’implantation des sites dans le Tricastin.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/39308/img-17.jpg
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Légende FIG. 18 – Distance par rapport à la voie d’Agrippa (en km).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/39308/img-18.jpg
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Légende FIG. 19 – Les grandes phases de la dispersion de l’habitat.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/39308/img-20.jpg
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Légende FIG. 20 – Les implantations augustéennes : mise en valeur du territoire (les sites marqués d’une flèche ont un comportement anormal).
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/39308/img-21.jpg
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Légende FIG. 21 – Les implantations du milieu du Ier s. (les sites marqués d’un flèche ont un comportement anormal).
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Légende FIG. 22 – Les implantations de la fin du Ier s. et au début du IIe s. (les sites marqués d’une flèche ont un comportement anormal).
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Légende FIG. 23 – Les sites occupés du début du IIe s. à la fin du Haut‑Empire (les sites marqués d’une flèche disparaîtront dans le courant du IIIe s.).
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Légende FIG. 24 – Sites occupés à la fin du Bas‑Empire et au haut Moyen Âge.
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Légende TABL. XIII – Domaines essentiellement situés sur des sols de type I.
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Légende TABL. XIV – Domaines essentiellement situés sur des sols de type II.
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Légende TABL. XV – Domaines situés sur d’autres types de sols.
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Légende FIG. 25 – La villa du Pin à Pierrelatte.
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© Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1994

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