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Le Néolithique du nord-est de la France et des régions limitrophes

 | 
Christine Guillaume

15. Le Michelsberg en Belgique et ses rapports avec les pays limitrophes

15 Der Michelsberg in Belgien und seine Beziehungen mit den angrenzenden Ländern

15 The Belgian Michelsberg and its relationships with ajoining countries

Pierre M. Vermeersch

Résumé

L’origine du MK en Belgique se situe vers 5400/5300 B.P. dans le Hainaut et le nord de la France. La distribution géographique des sites, la chronologie des occupations MK, l’emploi d’un dégraissant de silex pilé pour la céramique et les renouveaux dans l’outillage en silex suggèrent que nos populations MK ont eu des liens très étroits avec le groupe de Menneville, le groupe de Cerny, le MK ancien et un peu plus tard, avec le Chasséen du nord de la France. Dans la genèse du MK, l’influence directe des pays rhénans est peu perceptible. Ce n’est qu’à la fin du courant MK, à une date qui reste à préciser, que l’influence rhénane s’accentue et plus spécialement dans le nord de la Belgique qui, d’ailleurs, semble former une province à part avec le sud des Pays‑Bas, dans laquelle on peut détecter quelques influences venant d’Angleterre.

Texte intégral

1Dans cette contribution, nous nous proposons d’analyser différents points communs existant entre le Michelsberg (MK) en Belgique et les groupes du Néolithique moyen des pays limitrophes. Nous nous efforcerons tout spécialement d’étudier le problème de l’origine de ce MK en Belgique. Depuis des années (Mariën 1952 : 95), il est censé nous être arrivé des pays rhénans en étant passé par la Hesbaye. Même dans un ouvrage assez récent (De Laet 1982 : 301), c’est toujours la même hypothèse que l’on sent implicitement acceptée.

15.1 Les sites

2Les sites MK actuellement connus, classés selon leur richesse en informations, sont les suivants (fig. 1) :
– les sites fouillés récemment et nous renseignant sur des structures : Blicquy/La Couture du Couvent (Constantin et al. 1984), Bosvoorde (Boitsfort) (Hubert 1984), Chaumont‑Gistoux (Graff, Lenoir 1969), le Kemmelberg (Van Doorselaer et al. 1974), Kruishoutem‑Kerkakkers (De Laet et al. 1982), Hamoir/Grotte Léchât (Lausberg‑Miny et al. 1983), Ittre/Mont à Hemy (Fourny, Van Assche 1982, 1985 ; Fourny et al. 1987), Kerkhove (Crombé 1986), Oudenaarde, Donk (De Ceunynck et al. 1985), Petit Spiennes/Pa’d’là l’iau (Hubert 1979), Thieusies/Ferme de l’Hosté (Vermeersch, Walter 1980), Thuin (Bonenfant, Huysecom 1982), Wange (Lodewijckx 1985) ;
– les sites fouillés récemment et contenant du matériel en position secondaire : Neufvilles/Gué du Plantin (De Heinzelin et al. 1977), Holsbeek/Marrant (Vermeersch 1977) ;
– les sites où ont eu lieu des fouilles anciennes : Genval/Maubrotix (Jacques 1899‑1900), Ottenburg/Grez‑Doiceau (Dijkman s.d.), Spiennes/Camp à Cayaux, Waulsort/Caverne T (Warmenbol 1985) ;
– quelques sites, enfin, connus par des ramassages en surface, éventuellement vérifiés par quelques tranchées de prospection.

FIG. 1 – Distribution des sites Michelsberg en Belgique. 1 Zwijndrecht ; 2 Antwerpen ; 3 Lommel ; 4 Meeuwen ; 5 Opgrimbie‑De Zijp ; 6 Aalter ; 7 Holsbeek ; 8 Assent ; 9 Kruishoutem ; 10 Oudenaarde ; 11 Kerkhove ; 12 Opvelp ; 13 Wange ; 14 Schorisse ; 15 Bosvoorde ; 16 St.‑Genesius‑Rode ; 17 Genval ; 18 Ottenburg ; 19 Chaumont‑Gistoux ; 20 Jandrain‑Jandrenouille ; 21 Avennes ; 22 Ittre ; 23 Blicquy ; 24 Neufvilles ; 25 Thieusies ; 26 St.‑Symphorien ; 27 Spiennes ; 28 Petit‑Spiennes ; 29 Harmignies ; 30 Givry ; 31 Thuin ; 32 Waulsort ; 33 Furfooz ; 34 Kemmelberg ; 35 Mont Noir ; 36 Liévln ; 37 St. Pieters Voeren ; 38 Corbehem ; 39 Estrun ; 40 Mairy ; 41 Hamoir.

3Nous rattacherons ces sites à la civilisation MK en partant surtout de l’interprétation de l’outillage lithique. Nous croyons, en effet, que ce dernier est suffisamment caractéristique pour permettre une attribution culturelle (voir plus loin). Il s’agit des sites suivants : Assent/Hermansheuvel (Vermeersch 1972), Meeuwen/Donderslagheide 1 (Creemers, Vermeersch 1989), Opgrimbie/De Zijp (Janssen 1984), Opvelp/Vuilenbos (Gijselings 1976), Schorisse (Vanmoerkerke, Beeckmans 1984), Sint‑Genesius‑Rode/Sint‑Annakapel (Gorissen s.d.). Ajoutons qu’il y a eu des trouvailles anciennes de céramique en plusieurs points du territoire mais qu’en ce cas, nous manquons généralement d’informations concernant le milieu archéologique. Il s’agit des endroits suivants : Antwerpen/Lombardenstraat, Avennes, Furfooz, Harmignies, Jandrain‑Jandrenouille, Lommel, Saint‑Symphorien, Zwijndrecht.

15.1.1 L’implantation géographique des sites

4En Belgique, les gens du Michelsberg choisissaient de préférence, soit un petit plateau délimité sur deux ou trois de ses côtés par des versants abrupts, soit une langue de terre entre deux rivières ou bien encore le sommet d’une colline. Souvent ces sites étaient entourés de palissades, de fossés ou de levées de terre. Les fouilles ont néanmoins été tellement restreintes qu’aucun site n’a été fouillé sur la totalité ou même sur une grande partie de sa superficie. En réalité, il n’y a que deux enceintes dont le tracé a pu être suivi grâce aux fouilles ; c’est le site de Petit‑Spiennes/Pa’d’là l’iau (Hubert 1979) et celui de Blicquy/ La Couture du Couvent.

5Dans nos régions, les sites implantés sur des hauteurs ne diffèrent en rien d’autres sites comparables en Allemagne, dans le nord du Bassin parisien ou de l’autre côté de la mer du Nord, en Angleterre, du moins si l’on tient compte de l’état lacunaire de nos connaissances. Il est à remarquer qu’en Allemagne le Michelsberg s’installait également sur des sites de plaine (Lüning 1968 : 112). En Picardie, la sécheresse exceptionnelle de l’été 1976 a permis à M. Boureux d’effectuer des prises de vue aériennes et de détecter une très importante série d’enceintes à fossés interrompus, implantées en fond de vallée (Bailloud 1982). Des sondages ont permis de les attribuer au Michelsberg. Il semblerait à présent que la vallée de l’Escaut ait également connu des sites tels que Oudenaarde ou Kerkhove, qui pourraient éventuellement être attribués au Michelsberg. En Hollande, les sites de Hazendonk et de Het Vormer (Louwe Kooijmans 1976, 1980) contemporains du Michelsberg, se situent, de même, dans une vallée. Comme à Oudenaarde, ce sont des élévations sableuses à l’intérieur de la vallée qui ont dû attirer les populations néolithiques.

15.2 Idées récentes concernant l’origine du MK en Belgique

6La céramique du MK belge a fait l’objet de nombreuses études dont les plus importantes et les plus récentes sont celles de L. Louwe Kooijmans (1980), de S. J. De Laet (1982 : 277‑282), de C. Jeunesse (1982) et de P.M. Vermeersch (1987‑1988).

7Dans sa contribution, Louwe Kooijmans propose d’envisager trois groupes dans le MK en Belgique. Le premier, qui est le plus ancien, comprendrait les sites de Neufvilles/ Gué du Plantin et de Thieusies/Ferme de l’Hosté, correspondant à la phase II de J. Lüning (1968). Il souligne que Le Gué du Plantin possède un éventail de types assez pauvres et que les parois carénées, les parois rugueuses et les Tupfenleisten y font défaut tandis que Thieusies se caractérise par des anses funiculaires perforées très diverses. Un second groupe, le « Chasséo‑Michelsberg », comprendrait les autres sites du sud de la Belgique ainsi que ceux du nord de la France. Cette période correspondrait à la phase III ou peut‑être même IV de lüning. Dans le MK, ces sites formeraient un véritable groupe régional qui se caractériserait par la présence de « plats à pain », de puisettes et de Tupfenleisten et par l’absence de ces éléments typiquement MK que sont les parois rugueuses, les anses funiculaires à perforations subcutanées, les fonds plats et. les authentiques gobelets tulipiformes. On pourrait également y relever des éléments caractéristiques du Chasséen du Bassin parisien tels que les profils carénés, le pastillage au repoussé, les marmites à panse sphérique surmontées d’un col subcylindrique et les écuelles évasées à profil en S. L’auteur aimerait incorporer les vases trouvés dans le nord du pays, plus précisément à Anvers et à Lommel, dans un troisième groupe correspondant à celui de Hazendonk‑2, d’influence MK, qui se situerait aux alentours de 5200 B.P. (Louwe Kooijmans 1976). Ce groupe de Hazendonk‑2 aurait eu des contacts avec des sites, tels que Grimston/Lyles Hill, de l’autre côté de la mer du Nord. Ces contacts seraient responsables de la présence de parois carénées.

8D’après S. J. De Laet (1982 : 277), les centres d’exploitation minière n’appartiendraient pas au MK et le « groupe belge » du MK se distinguerait des autres groupes régionaux du MK. Les groupes MK du Rhin moyen et ceux de la Belgique sembleraient pourtant étroitement apparentés, malgré certaines dissemblances. De plus, il paraîtrait que le MK de Belgique et le Chasséen seraient entrés en contact au cours de la phase MK III. De Laet envisage également la possibilité de relations avec l’Angleterre. A l’argument typologique de Louwe Kooijmans, il ajoute celui de la présence de longues levées de terre aux sites de Ottenburg‑Grez‑Doiceau et de Chaumont‑Gistoux, qui rappellent les long barrows non mégalithiques de l’Angleterre. D’après le même auteur (1982 : 301), ce seraient les gens du MK I, notamment ceux de l’Aldenhovener Flatte, qui auraient noué des relations commerciales avec les exploitants des minières de nos régions. Il serait très vraisemblable que la richesse des minières belges ait pu attirer des immigrants du MK, qui nous seraient donc venus de l’Allemagne vers 5300 B.P.

9C. Jeunesse (1982) relève des traces de MK I dans les sites d’Etrun, Liévin, Neufvilles et Lumbres. Le MK II serait présent sur les sites de Noyen, Lumbres, Neufvilles, Thieusies et Cuiry‑lès‑Chaudardes. Le MK III se retrouverait sur les sites de Spiennes, Neufvilles, Cuiry‑lès‑Chaudardes, Corbehem et Kemmelberg. Si l’on accepte cette interprétation de l’auteur, des influences MK se seraient donc manifestées très tôt dans le nord de la France et dans le Hainaut belge. Bien que l’auteur ne soit pas fort explicite, il semble accepter que l’influence MK en France soit venue tout droit de l’est en ne passant vraisemblablement pas par la Belgique. En prolongeant ce raisonnement, on en arriverait à faire dériver le MK de Belgique d’un courant MK originaire du nord de la France où il aurait pris naissance dans l’Epi‑Rössen tardif de type Menneville et cela, après avoir subi des influences directes en provenance de l’est, par la vallée du Rhin. D’après J. Dubouloz, M. Lasserre et M. A. Le Bolloch (1984), le MK de l’Aisne pourrait avoir pris naissance, pour une bonne part, au sein du Posl‑Rössen local. Légèrement décalé, il aurait subi une influence chasséenne qui serait restée discrète. Cette transition d’un Post‑Rössen local vers un MK ancien aurait entraîné un abandon quasi total du décor et l’apparition de formes céramiques nouvelles, à rattacher au domaine rhénan. D’après G. Bailloud (1984), beaucoup de formes caractéristiques du MK récent, n’auraient jamais atteint le Nord de la France. Il explique cette singularité en l’attribuant à un appauvrissement dans les formes céramiques durant la migration (?) –ou la diffusion (?)–de populations de l’est vers l’ouest. De cet aperçu de la littérature récente, il apparaît très clairement qu’on peut envisager différentes démarches en présence du problème de la provenance du courant MK dans nos régions. Nous essayerons à présent de rassembler les arguments qui pourraient nous aider à trouver une réponse à la question qui nous préoccupe, à savoir : d’où nous est venu le MK en Belgique ? Nous est‑il arrivé par le sud ou par l’est ? Il se peut que l’on trouve réponse à la question par le biais de différentes approches.

15.3 L’origine du MK

15.3.1 L’argument géographique

10Si l’on examine la distribution géographique des implantations, on se rend compte que les sites MK les mieux connus sont tous situés dans le sud du Brabant et dans le Hainaut. Au nord, les sites se font rares et sont mal connus ; au sud du sillon Sambre‑Meuse, ils sont quasiment absents. Si cette distribution des sites correspond à une réalité préhistorique, ce qui n’est nullement certain étant donné le manque de recherches récentes, on pourrait y trouver un argument pour considérer cette région comme étant la terre à plus forte implantation MK en Belgique. Ceci plaiderait en faveur d’une origine méridionale pour le MK. Remarquons par ailleurs que Givry/Bosse d’el Tombe (Michel, Tabary‑Picavet 1979), le seul site qui puisse être attribué à l’Epi‑Rössen (groupe de Menneville, Bischeim), est situé dans la même région. On pourrait d’ailleurs se demander pourquoi le MK, s’il était venu de l’est, ne se serait pas installé en Hesbaye, terre si accueillante à l’Omalien. Plus au nord, on a signalé la présence de la civilisation Rössen. Au Limbourg hollandais, à Gratliem, Neer et Echt‑Annendaal, on a récolté quelques tessons, que l’on peut attribuer au Rössen ancien (Brounen 1985). J. D. Van de Waals (1972) a mis en évidence la présence d’une série de durchlöchte Breitkeile rösseniens dans le bassin de la Meuse. Ces objets ne semblent être que des trouvailles isolées, aucun site d’occupation n’y ayant été découvert. Il n’y a donc aucune trace de continuité dans l’occupation entre le Rössen ancien et le MK.

15.3.2 L’argument chronologique

15.3.2.1 Les datations radiométriques

11Fig. 2

12Il nous semble intéressant de souligner l’existence d’un important hiatus chronologique dans la documentation concernant l’occupation néolithique de nos régions. En effet, il faut bien constater un réel manque d’informations entre la disparition du Danubien, vers 5800 B.R, et l’apparition du phénomène minier, vers 5500 B.P. Le nombre de datations au 14C reste malheureusement trop restreint pour nous permettre de cerner la position chronologique et l’évolution interne du phénomène MK. Il nous semble pourtant que le MK était présent dans le nord de la France (Lumbres et Liévin) et le Hainaut belge (Thieusies et Thuin) peu avant 5300 B.P. Dès lors, l’occupation de ce territoire n’a pas été interrompue temporairement après l’Epi‑Rössen (Menneville). Les dates de Givry et de Berry‑au‑Bac s’inscrivent, en effet, clans une série continue de dates MK. Les datations dont nous disposons pour les régions au nord du Hainaut sont de peu de valeur car il se fait que nous nous trouvons en présence, soit d’un matériel archéologique associé pauvre (Holsbeck), soit d’un rapport entre le matériel et la datation qui manque de précision (Oudenaarde). Serait‑ce par hasard que ces deux dates sont postérieures à 5000 B.P. ? En effet, mis à part la date de 5400 du Kemmelberg, qui nous semble quelque peu trop ancienne, les deux autres dates se situent aux environs de 5000 B.P. Les quelques datations au 14C dont nous disposons semblent donc suggérer que dans le nord de la France et le Hainaut, le MK succède à l’Epi‑Rössen peu avant 5300 B.P. Dans les autres régions belges, le MK serait plus tardif et ne se manifesterait que vers 5100/5000 B.P.

FIG. 2 – Les datations au 14C d’ensembles du Néolithique moyen : MIN minière ; EPR Rôssen final ; MK Michelsberg.

13La séquence hollandaise ne dispose pas de datations directement associées aux ensembles archéologiques, mais en tenant compte des datations de la séquence sédimentologique dans laquelle fut retrouvé le matériel archéologiqe, L. Louwe Kooijmans (1980 : fig. 34) date son groupe de Hazendonk‑2 de 5100 à 5000 B.P. D’après cet auteur, les vases MK du nord de la Belgique (Antwerpen et Lommel) pourraient s’insérer dans ce groupe.

14Pour autant que ces quelques dates permettent des conclusions valables, il nous semble qu’elles suggèrent que le MK le plus ancien se situe dans le nord de la France et le Hainaut. Ce ne serait que plus tard que le MK se serait propagé vers le nord.

15.3.3 La sériation typologique de la céramique

15Le plus souvent, la sériation typologique des formes de la céramique s’est effectuée selon le système proposé par J. Lüning (1968). Malheureusement, seuls quelques sites ont livré un matériel suffisant. Bien que G. Bailloud (1982) ait cru devoir mettre en garde contre l’envie de dater trop anciennement les sites MK du Bassin parisien au vu du caractère archaïsant des formes céramiques, nous ne pouvons nier l’évidence de la présence réelle de ces formes archaïques clans cette région (Jeunesse 1982). Reste à savoir si la sériation typologique permet d’établir une chronologie précise.

16D’après C. Jeunesse (1982), les formes les plus archaïques se retrouveraient à Etrun, Liévin, Neufvilles et Lumbres, c’est‑à‑dire dans l’extrême nord de la France et le Hainaut. La documentation dont nous disposons étant assez limitée, il semblerait qu’il y ait eu là un certain appauvrissement au niveau des formes céramiques par rapport au noyau rhénan. On pourrait en déduire que l’influence directe des groupes MK rhénans s’y fit assez peu sentir. Le MK II se retrouve à la fois dans la même région et également plus au sud, dans la vallée de l’Aisne. Il se pourrait qu’au niveau du MK II, comme par exemple à Thieusies, l’abondance et la diversité des boutons et des anses funiculaires à perforation subcutanée, peu fréquentes dans le MK du nord de la France, soient l’indice d’une influence plus directe du MK rhénan. Remarquons pourtant qu’une telle diversité se retrouve pareillement sur le site Epi‑Rössen de Givry et certains sites chasséens du nord de la France, tels que Le Camp de César (Blanchet et al. 1984) et Jonquières (Lasserre 1984). Au niveau du MK III, il semblerait qu’en Belgique, les influences rhénanes augmentent considérablement, tout comme les influences du Chasséen, particulièrement observables sur le site du Kemmelberg. C’est d’ailleurs au niveau du MK III que nous pouvons observer une extension de l’aire MK en Belgique. C’est ainsi que l’on retrouve celui‑ci jusqu’en Campine sur des terrains sableux, par exemple à Meeuwen. Par ailleurs, il ne fait aucun doute, pour nous, qu’entre le nord de la Belgique et le sud des Pays‑Bas, il y ait eu des contacts à partir du Hazendonk‑2. Les observations de S. J. De Laet (1982 : 343) en ce qui concerne l’existence de rapports au‑delà de la mer du Nord sont à prendre en considération. On aimerait pourtant être en mesure de disposer d’une documentation plus complète à ce sujet.

15.3.4 Influences perceptibles dans la technologie de la céramique

17Nous ne reviendrons plus ici sur l’aspect typologique de la céramique dont nous avons parlé plus haut. Il nous faut pourtant évoquer à présent quelques particularités techniques de la céramique MK. S. J. De Laet (1982 : 277) a souligné l’aspect très homogène de la céramique MK en Belgique : les vases ont été façonnés au moyen de la technique du colombinage et les parois ont été lissées.

18Les dégraissants utilisés semblent être assez typiques. Dans le MK du Hainaut, l’emploi du silex pilé est extrêmement fréquent. A l’exception de celui de Blicquy, on le retrouve sur tous les sites attribués avec certitude au MK. Il est également présent en dehors du Hainaut, dans la céramique des sites de Holsbeek, Ittre, Meeuwen, Schorisse, Oudenaarde, Opvelp et Wange et dans celle du site Epi‑Rössen de Givry. D’autres dégraissants, dont un organique, se retrouvent à Blicquy, Kruishoutem, Ittre, Neufvilles, Oudenaarde et Thieusies. Le quartz pilé se rencontre à Hamoir, Ittre, Meeuwen, Opgrimbie et Oudenaarde ; la chamotte à Kruishoutem, Neufvilles et Thieusies et le sable grossier à Thieusies. En Picardie, clans la vallée de l’Aisne, le dégraissant le plus fréquent est la coquille pilée. On y retrouve pourtant aussi un dégraissant de calcaire, du silex pilé, de la chamotte et un sable quartzeux fin (Le Bolloch 1984). En Ardenne, sur le site des Hautes Chanvières (Marolle 1980), l’on retrouve surtout la coquille pilée. Dans le Pas‑de‑Calais et le Nord, le silex pilé se rencontre sur pratiquement tous les sites MK, tels que Corbehem, Etrun, Liévin, Lumbres et le Mont‑Noir. Aux Pays‑Bas, les groupes Hazendonk‑1 et 2 ont un dégraissant organique (Louwe Kooijmans 1976), tandis que Hazendonk‑3, plus tardif, est caractérisé par un dégraissant de quartz (parfois de granité) pilé et de chamotte. Dans la région rhénane, le dégraissant est presque uniquement constitué de quartz pilé ou d’un peu de sable grossier.

19Cette distribution géographique de l’utilisation d’un dégraissant spécifique suggère que le Hainaut, le Nord et le Pas‑de‑Calais ont connu une certaine uniformité dans la technique. Il nous semble que c’est là que doit avoir pris naissance cette utilisation du silex pilé, et déjà durant l’Epi‑Rössen. Plus tard, les gens du MK ancien de cette même région auraient repris cette technique, qui se serait propagée sur toute la région du Hainaut, du Pas‑de‑Calais et du Nord. De là, elle se serait également développée dans la vallée de l’Aisne, où elle aurait été moins usitée et dans le Nord, où elle ne semble pas avoir pris une grande extension mais où, vraisemblablement à partir du MK III et sous une influence directe de la vallée rhénane, l’utilisation du quartz pilé l’aurait emporté sur celle de ce silex pilé. En Hainaut, l’utilisation du dégraissant de silex pilé semble donc acquise dès l’apparition du MK ancien, tandis que les régions du nord de la Belgique, qui n’ont connu qu’un MK tardif, n’auraient utilisé que le quartz pilé. Il est intéressant de noter que l’on a continué à employer le quartz pilé dans le nord de la Belgique comme le prouve une céramique qui a été datée aux environs de 4400 B.P. à Geistingen‑Huizerhof, mais également dans la céramique des périodes ultérieures, voire même jusqu’au Bronze moyen (Heymans, Vermeersch 1983).

20Bien que De Laet (1982 : 297) nous ait mis en garde contre l’utilisation, comme seul critère d’attribution d’une céramique au MK, de l’emploi du silex pilé, il nous semble qu’à condition de prendre également en considération l’aspect général de la céramique, nous disposons là, pour le nord de la France et le Hainaut, d’un critère d’attribution au MK qui n’est certainement pas négligeable. Des recherches ultérieures pourront nous apprendre dans quelle mesure ce critère est déterminant. Ces observations sur les dégraissants semblent confirmer l’hypothèse de l’existence d’un mouvement du MK du sud vers le nord, plutôt que d’est en ouest.

15.3.5 Le matériel lithique du Michelsberg belge

15.3.5.1 Le débitage

21En Belgique, le Danubien se caractérise par une production lithique spécifique (Cahen et al. 1986) mais à l’apparition du Néolithique moyen celle‑ci disparaît. Cette disparition coïncide avec ce hiatus chronologique dans l’occupation du territoire, que nous avons déjà constaté. Sur tous les sites du Néolithique moyen, il est clair que les habitants ne maîtrisaient plus les techniques perfectionnées de débitage propres au Danubien ou au Mésolithique. La production spécialisée s’est déplacée vers des centres miniers, qui se développent vraisemblablement à partir de 5450 B.P. (Jandrain‑Jandrenouille : 5445 + 260 ; IRPA‑367) en vue d’exploiter le silex. L’étude de ces centres miniers n’ayant que peu progressé au cours des dernières décennies, nous ne comprenons pas encore l’évolution qu’a bien pu subir le processus de la production. Il nous est donc malaisé de définir les relations qui existaient entre ces centres producteurs de matériaux lithiques et les populations du Néolithique moyen. Si les différentes phases qui ont été établies pour le site de Spiennes/Camp à Cayaux (Verheyleweghen 1963) représentent réellement une succession chronologique, il semblerait que les produits mis sur le marché aient été les suivants :
– phase I : éclats et tranchets ;
– phase II : éclats, lames, haches, hachereaux, tranchets, grattoirs sur éclat, pointes de flèche foliacées ;
– phases III et IV : lames, haches, hachereaux, grattoirs sur éclat et sur lame, pointes de flèche foliacées.

22Il ne nous semble pourtant pas évident que tous les artefacts de ces types, que l’on retrouve sur les sites du Néolithique moyen, proviennent effectivement des centres miniers. Provisoirement et en attendant une étude à ce sujet, nous accepterions volontiers qu’en majorité, c’étaient des blocs de silex, des éclats, des lames et des haches taillées qui étaient acheminés des centres miniers vers la plupart des sites. Nous avons l’impression que les autres outils se façonnaient généralement sur place sur les sites d’habitat mêmes. Là où les sites étaient proches des affleurements, ce sont d’autres roches, telles que le grès‑quarzite de Wommersom ou la phtanite, qui ont été importées de temps à autre et utilisées.

23A ma connaissance, des nucléus destinés à l’obtention de grandes lames néolithiques n’ont jamais été retrouvés sur des sites du Néolithique moyen, ce qui prouve que ledébitage laminaire ne s’effectuait guère sur le site d’habitat. Les nucléus que l’on rencontre sur les sites du Néolithique moyen sont peu nombreux (Gué du Plantin), de forme irrégulière (Givry, Assent, Kemmelberg) ou à débitage assez anarchique (Thieusies). Sur les sites du Gué du Plantin et de Thieusies, l’on retrouve également un débitage lamellaire de type mésolithique sur nucléus à un seul plan de frappe. A Thieusies, ces nucléus ont été obtenus à partir d’un silex d’origine locale, tandis que le débitage irrégulier s’observe généralement sur un silex provenant vraisemblablement de Spiennes. Il se pourrait donc que nous nous trouvions en présence de plusieurs traditions technologiques simultanées sur un même site.

15.3.5.2 Outillage lithique

24Pour ce qui est de l’outillage MK rhénan, on se souviendra utilement de l’étude de Fiedler (1979). En Belgique, l’outillage lithique du MK est très abondant, mais n’a pas fait l’objet d’études d’ensemble. En outre, sa compréhension a été compromise par le fait qu’on a négligé de faire la distinction entre un matériel provenant d’une minière et celui provenant d’un site d’habitat.

25Pour l’instant, nous ne disposons pas de nombreux ensembles riches, mais le matériel provenant des fouilles du Kemmelberg, du Gué du Plantin, de Petit‑Spiennes et de Thieusies permet de se rendre compte de l’outillage. Le matériel de surface de quelques autres sites tels que Opvelp, Assent, Sint‑Genesius‑Rode et Ottenburg peut nous fournir quelques informations supplémentaires si l’on ne perd pas de vue qu’il s’agit probablement d’un matériel sélectionné. Nous avons aussi retenu le site de Givry qui, bien que n’appartenant pas au MK, présente un outillage de type néolithique moyen. Afin de pouvoir comparer les outillages des différents sites étudiés, nous avons établi une liste comprenant quelques types d’outils bien spécifiques (tabl. I). Ceci permettra d’éviter les incertitudes dans le décompte de certaines classes d’outils tels que les éclats retouchés et les encoches dont l’interprétation varie d’auteur en auteur. Afin de faciliter la comparaison, nous n’avons repris que les pourcentages.

TABL. I – Liste des types d’outils importants pour le MK.

26Les grattoirs sont toujours l’outil prédominant du MK avec des pourcentages supérieurs à 30. Le grattoir sur éclat de Thieusies est le plus souvent aménagé sur un grand éclat épais, robuste et généralement cortical, plus ou moins en forme de » fer à cheval » et à front arrondi. Quelques dimensions moyennes peuvent le caractériser : une longueur de 6,1 ± 1,5 cm ; une largeur de 4,4 ± 1,0 cm ; une épaisseur de 1,6 ± 0,5 cm ; un angle d’attaque du front de 64° ± 11x. Les mêmes caractéristiques métriques semblent d’application pour le matériel des sites du Gué du Plantin, d’Opvelp, d’Assent, de Sint‑Genesius‑Rode et d’Ottenburg. Il arrive fréquemment que le front du grattoir présente une retouche inverse écailleuse plate, généralement postérieure à la retouche qui a façonné le front du grattoir. A Givry, les grattoirs ont été aménagés sur des éclats plus petits et surtout plus minces. Au Kemmelberg, plus éloigné des lieux d’extraction du silex, les grattoirs sont un peu plus petits.

27Les grattoirs sur lames sont toujours présents. Le support du grattoir est le plus souvent une lame de production locale et donc de moindre qualité. Il est rare de rencontrer des lames d’importation en guise de supports. Les lames ont, par ailleurs, été transformées en grattoirs grâce à une retouche de même type que celle des grands grattoirs sur éclat. A l’exception de Assent, un site pour lequel nous ne disposons que d’une collection de surface, les grattoirs unguiformes sont peu fréquents.

28Les perçoirs sont assez nombreux et dans la majorité des cas, le support en est un éclat, rarement une lame d’importation. La pointe du perçoit est dégagée à l’aide de retouches fines et régulières, parfois écailleuses et formant, parfois, deux encoches opposées. Sur quelques perçoirs, on retrouve des retouches inverses plates, attestant vraisemblablement une utilisation rotative. Quelques exemplaires sont assez robustes. Les alésoirs sont à retouche alterne. A Thieusies, les perçoirs ont vraisemblablement servi, entre autres, à perforer des perles de fluorine. Les burins, peu nombreux et peu standardisés, ont été fabriqués sur des éclats ; le type le plus fréquent en est le burin d’angle sur cassure. Les couteaux à dos sont peu fréquents. Le site du Kemmelberg est le seul qui en ait fourni quelques‑uns. Parmi les couteaux, ceux à dos naturel sont les plus nombreux. Les couteaux à dos abattu convexe sont très rares. Les lames retouchées sont parmi les outils les plus courants sur les sites du Néolithique moyen. Sur les sites de Givry et du Gué du Plantin, les lames sont vraisemblablement le résultat d’un débitage sur le site même. Ailleurs, la production laminaire semble fort restreinte. Les lames que l’on y retrouve ont été fabriquées sur les sites miniers. Ces lames d’importation sont régulières, à bords parallèles. Le plus souvent, elles sont fragmentaires. L’extrémité distale de certaines d’entre elles a été arrondie, appointée ou tronquée par une retouche semi‑abrupte ou abrupte. L’un des bords ‑ ou tous les deux ‑ porte une retouche, généralement semi‑abrupte ou rasante. Cette retouche semble avoir eu pour but d’aviver des bords usés, dont il arrive qu’on puisse encore observer l’émoussé sur certaines denticulations entre les différentes retouches individuelles. Pareil ravivage implique une utilisation intense de ce type d’outils. De même, des lames ou des fragments de lame présentent souvent un émoussé très prononcé sur l’extrémité distale ou proximale ou sur les deux. L’impression générale qui se dégage de l’étude des lames retouchées est qu’elles ont été utilisées longuement et vraisemblablement pour des activités diverses tandis que leurs extrémités distales, de même que leurs bords, ont été remodelés à plusieurs reprises. Une fois la lame cassée, on en a utilisé les fragments.

29L’analyse tracéologique des lames de Thieusies (Van der Beken s.d.) nous révèle pourtant qu’elles ont été destinées presque exclusivement au travail de la peau sèche et seulement très accessoirement au travail de la peau fraîche, de la viande, du bois et des plantes. La coupe l’emporte largement sur le raclage. Ces lames doivent donc être considérées essentiellement comme des couteaux à couper la peau sèche. De nombreuses lames non retouchées portent des traces d’utilisation, identiques à celles des lames retouchées. Cette observation nous indique que de nombreux artefacts non retouchés, que l’on ne peut donc pas considérer comme des outils dans le sens typologique du mot, ont effectivement été utilisés en tant que tels. Bien que les meules soient nombreuses, les lames de faucilles à lustre visible à l’œil nu sont toujours rares sur les sites MK. Elles n’ont été retrouvées que sur les sites de Thieusies, Opvelp et Sint‑Genesius‑Rode. On ne relève aucune standardisation dans leur forme. L’analyse tracéologique en confirme l’utilisation.

30Parmi les pointes de flèche, les foliacées et les triangulaires dominent largement les flèches pédonculées et les flèches tranchantes. A Givry et au Gué du Plantin, les flèches triangulaires sont plus nombreuses que les flèches foliacées. Sur les autres sites, c’est l’inverse : les flèches foliacées sont généralement plus grandes, plus élancées, plus épaisses et plus lourdes que les flèches triangulaires, suggérant que les premières ont dû être lancées à partir d’arcs plus puissants. La retouche des flèches n’est généralement pas couvrante mais se limite à une retouche latérale bifaciale. Les pointes de flèche triangulaires ont une base convexe ou rectiligne, plus rarement légèrement concave. Les autres armatures sont peu nombreuses mais il ne fait aucun doute qu’elles font partie intégrante du Néolithique moyen en Belgique. Les flèches tranchantes sont généralement de forme trapue et le plus souvent plutôt triangulaire que trapézoïdale. Les pointes de flèche pédonculées manquent à Givry et au Gué du Plantin mais sont attestées pour Thieusies et le Kemmelberg. Il s’agit de pointes à retouche bifaciale latérale non couvrante, à pédoncule large et sans ailerons.

31Quelques microlithes ont été récoltés au Gué du Plantin et à Thieusies, ainsi qu’en surface sur d’autres sites. Ils ne sont jamais nombreux. Si l’on en fait le décompte, ce sont les pointes à retouches plates de type feuille de gui qui prédominent ; viennent ensuite les trapèzes. Quelques autres microlithes ainsi que quelques microburins complètent l’inventaire. Ou pourra, bien sûr, toujours émettre des doutes en ce qui concerne l’appartenance de ces microlithes à l’ensemble de l’outillage du Néolithique moyen. En effet, même si ces artefacts ont été retrouvés en position stratigraphique correcte, ces pièces gisaient peut‑être déjà sur le site lors de l’arrivée des habitants néolithiques. Nous sommes donc dans le doute au sujet de l’appartenance de ces pièces au Néolithique. Il nous semble pourtant qu’à cet endroit, il nous faille à nouveau attirer l’attention sur la présence, sur les sites du Gué du Plantin et de Thieusies, d’un débitage franchement microlithique et lamellaire, indubitablement de type mésolithique. Ce débitage suggère, comme l’a souligné J. De Heinzelin (De Heinzelin et al. 1977 : 127), « en quelque sorte l’héritage des traditions micro‑ou mésolithiques ».

32Le tranchet semble être l’outil le plus caractéristique du Néolithique moyen en Belgique. Il est présent sur tous les sites, parfois en nombre important. La plupart de ces tranchets ont été confectionnés par des retouches affectant les deux faces, mais les tranchets à seule retouche normale représentent encore environ 40 %. A Thieusies, au Gué du Plantin et à Assent, les dimensions de ces outils sont fort semblables et se situent aux environs de 7 cm pour la longueur et de 3,5 cm pour la largeur du tranchant. Dans une communication précédente (Vermeersch 1980), nous avons attiré l’attention sur la présence, à Thieusies, de tranchets partiellement polis. Ce phénomène ne se rencontre pas couramment sur les autres sites du Néolithique moyen. Les sites d’Ottenburg et d’Ittre sont les seuls pour lesquels avait été signalée la présence de quelques tranchets polis.

33Les haches polies en roche dure se rencontrent sur tous les sites du Néolithique moyen, à l’exception de celui de Givry. Les roches utilisées sont très variées : il y a un grès vert à grain fin (Gué du Plantin), la chaille, le hornfels, la calcédoine et la silexite (Assent), le schiste chloritoïde, le psammite (Sint‑Genesius‑Rode), le grès schisteux et le schiste à grenats (Thieusies). A chaque fois, il s’agit de petites haches à section ovale, le plus souvent du type 2330, 2320, 2110 et 1340 (Doperé, Vermeersch 1978), avec une majorité de haches ayant été coincées sur les bords. Elles étaient généralement bouchardées avant le polissage. Il s’agit sans aucun doute de pièces d’importation, mais pour en définir l’origine il nous faudrait une étude approfondie des différentes roches utilisées. A Thieusies, l’une des haches en grès schisteux n’est pas polie, confirmant l’idée que le polissage des haches pouvait se faire sur les sites d’habitat. Les haches polies en silex appartiennent surtout aux types 1440, 1330 et 2330 avec une majorité de haches avec coinçage sur les flancs de la hache. Les haches uniquement taillées sont généralement nombreuses sur les sites d’habitat. De plus, on retrouve fréquemment des polissoirs qui ont pu servir au polissage de haches taillées importées des centres miniers. Les ciseaux, le plus souvent partiellement polis, ne sont pas nombreux.

15.3.5.3 Origine des techniques lithiques

34Essayons maintenant de comprendre de quelle façon les techniques lithiques ont atteint nos régions. Cela nous permettra de cerner de façon plus précise les problèmes de l’origine et de l’évolution du MK en Belgique.

35Pour l’instant, il nous semble acquis que l’ensemble du Néolithique le plus ancien de nos régions est celui de Givry, qui fut assimilé au groupe de Menneville par G. Bailloud (1974). L’industrie Ethique de la partie supérieure du remplissage du fossé de La Croix Maigret à Berry‑au‑Bac, qui se rattache également au groupe de Menneville (Dubouloz et al. 1980 ; Bailloud 1982), comprend des lames bien retouchées, des grattoirs à front convexe, le plus souvent sur éclat, des fragments de haches polies en roche dure et en silex, des flèches tranchantes et des flèches perçantes, de forme triangulaire à base droite et à retouche couvrante, ces dernières étant dominantes. Cet ensemble présente donc de fortes analogies avec le matériel de Giviy. Remarquons pourtant qu’à Givry les haches font défaut, mais qu’on y trouve des tranchets, absents à Berry‑au‑Bac. Comme le tranchet n’est pas courant dans les industries rhénanes (Fiedler 1979), il nous semble qu’il nous est parvenu par le nord du Bassin parisien où il se retrouve en quantité dans le groupe de Cerny. Les haches polies en silex, que l’on retrouve à partir‑ du groupe de Cerny (Bailloud 1971), ne semblent pas avoir atteint nos régions en cette même période ; elles s’y sont développées un peu plus tard (Vermeersch 1980). Les flèches de Givry s’apparentent davantage à celles de Berry‑au‑Bac qu’à celles du groupe de Cerny. Les traditions lithiques que nous rencontrons à Givry témoignent donc d’influences provenant du nord du Bassin parisien, puisant leurs origines dans le groupe de Menneville et, en second lieu, dans le groupe de Cerny.

36Le Gué du Plantin présente un outillage qui est très proche de celui de Givry (Michel, Tabary‑Picavet 1979). La transition de l’outillage de Givry vers celui du MK ancien se caractérise par le remplacement des grattoirs sur support laminaire par de grands grattoirs larges sur support d’éclat. Ce type de grattoir est déjà fort bien représenté à l’intérieur du groupe de Cerny. A Givry, les Néolithiques semblent encore avoir fabriqué leurs lames eux‑mêmes, tandis qu’au Gué du Plantin, les grandes lames ont été importées des sites miniers. Les pointes de flèche, le plus souvent de type triangulaire, restent inchangées. S’il est impossible de déceler un impact direct de l’outillage Ethique rhénan, par‑contre, il semble probable qu’il y ait eu, au Gué du Plantin, une certaine influence mésolithique.

37L’évolution ultérieure est particulièrement évidente sur le site de Thieusies, En effet, si la majeure partie de l’outillage ressemble fort à celui du Gué Plantin, il y a malgré tout quelque différence : les lames ne sont plus le produit d’un débitage local mais ont été importées à partir de sites miniers ; dans le cas de Thieusies, il s’agit vraisemblablement du site de Spiennes. La typologie des pointes de flèche a évolué et elle se rapproche davantage de celle des pays rhénans à prédominance de pointes de flèche foliacées. La hache et le ciseau polis en silex font leur apparition. Les influences rhénanes dans l’outillage Ethique de Thieusies n’ont pas été très importantes : les grattoirs s’alignent bien davantage sur des exemples du Gué du Plantin et du groupe de Cerny que sur ceux que l’on rencontre dans la vallée rhénane. L’influence mésolithique locale est persistante.

38Le site du Kemmelberg est le seul qui semble avoir subi l’influence du Chasséen du Bassin parisien ; elle est surtout décelable dans la présence plus importante des couteaux à dos et des flèches tranchantes.

39Sur les sites MK des régions situées plus au nord, les traditions lithiques développées sur les sites les plus anciens ne subissent plus de changements importants. On assiste probablement à une décroissance du nombre des tranchets.

40Ce n’est qu’à la fin de la séquence, peut‑être à partir de 4500 B.P., que nous voyons apparaître un outillage différent, comprenant des petits grattoirs et des flèches tranchantes. Sur ces sites, tels que celui de Geistingen‑Huizerhof (Heymans, Vermeersch 1983), on constate toujours l’influence d’un débitage microlithique et l’importation de produits finis provenant de centres miniers.

15.4 Conclusions

41Il ressort de notre analyse (fig. 3) que l’origine du MK en Belgique se situe vers 5400/5300 dans le Hainaut et le nord de la France. C’est là que l’on rencontre les sites MK que l’on peut considérer comme étant les plus anciens, aussi bien du point de vue de la radiométrie que de celui de la typologie de la céramique. L’analyse du matériel lithique suggère une continuité entre les groupes de Menneville, Givry et le Gué du Plantin. Il nous faut attendre que les découvertes d’ensembles riches en céramique nous renseignent sur la question de savoir s’il y a eu une césure dans l’évolution de la céramique des groupes du Rössen local tardif dans le nord de la France. Les populations MK, qui se sont installées chez nous, sont arrivées du nord de la France. Dans la genèse du MK, l’influence des pays rhénans est peu perceptible. Elle se manifeste essentiellement dans les formes de la céramique. La distribution géographique des sites, la chronologie des occupations MK, l’emploi d’un dégraissant de silex pilé pour la céramique, les renouveaux dans l’outillage en silex, tous ces éléments tendent à nous convaincre que nos populations MK ont eu des liens très étroits avec le groupe de Menneville, le groupe de Cerny, le MK ancien et un peu plus tard, avec le Chasséen du nord de la France. Très peu de liens directs relient nos régions aux pays rhénans. Il se pourrait que les influences du MK des pays rhénans se soient exercées essentiellement par l’entremise de ces centres miniers où les MK allemands venaient s’approvisionner en silex. Ce n’est qu’à la fin du courant MK, à une date qui reste à préciser, que l’influence rhénane s’accentue, plus spécialement dans le nord de la Belgique qui, d’ailleurs, semble former une province à part avec le sud des Pays‑Bas, dans laquelle on peut détecter quelques influences venant d’Angleterre. A notre avis, l’introduction du MK dans le sud‑ouest de la Belgique est le résultat d’une migration de populations venant du nord de la France. Il ne semble pas qu’elles aient trouvé chez nous d’autres sites néolithiques. Les populations mésolithiques qui étaient probablement encore présentes dans nos régions ont été (partiellement ? ) intégrées de sorte que leurs techniques de débitage se retrouvent à l’intérieur du matériel lithique du MK. L’évolution ultérieure du MK belge est un phénomène local que le Chasséen n’a cessé d’influencer.

FIG. 3 – Schéma de l’évolution et des influences subies par le MK en Belgique.

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Vanmoerkerke, Beeckmans 1984 : VANMOERKERKE (J.), BEECKMANS (L.). — Een site uit het Midden‑Neolithicum te Schorisse (Maarkedal‑Oost‑Vlaanderen). VOBOV‑INFO, 13, 1984, p. 1‑32.

Verheyleweghen 1963 : VERHEYLEWEGHEN (J.). — Evolution chronologique du néolithique au Camp à Cayaux de Spiennes. Helinium, 3, 1963, p. 3‑38.

Vermeersch 1972 : VERMEERSCH (P.). — Un Site néolithique à Assent (Brabant). Bulletin de la Société royale belge d’anthropologie et de préhistoire, 83, 1972, p. 137‑155.

Vermeersch 1977 : VERMEERSCH (P.). — Twee mesolithische sites te Holsbeek. Archaeologia Belgica, 138,1977.

Vermeersch 1980 : VERMEERSCH (P.M.). — Quelques idées sur l’origine de la hache polie en silex en Europe occidentale. Helinium, 20, 1980, p. 260‑268.

Vermeersch 1987‑1988 : VERMEERSCH (P.M.). — Le Michelsberg en Belgique. Acta Archaeologica Lovaniensia, 26‑27, 1988, p. 1‑20.

Vermeersch, Walter 1980 : VERMEERSCH (P.M.), WALTER (R.). — Thieusies/Ferme de l’Hosté. Site Michelsberg, I. Archaeologia Belgica, 230, 1980.

Warmenbol 1985 : WARMENBOL (E.). — Une Grotte fréquentée au Néolithique moyen à Waulsort. Revue du Nord, 67, 1985, p. 151‑161.

Table des illustrations

Légende FIG. 1 – Distribution des sites Michelsberg en Belgique. 1 Zwijndrecht ; 2 Antwerpen ; 3 Lommel ; 4 Meeuwen ; 5 Opgrimbie‑De Zijp ; 6 Aalter ; 7 Holsbeek ; 8 Assent ; 9 Kruishoutem ; 10 Oudenaarde ; 11 Kerkhove ; 12 Opvelp ; 13 Wange ; 14 Schorisse ; 15 Bosvoorde ; 16 St.‑Genesius‑Rode ; 17 Genval ; 18 Ottenburg ; 19 Chaumont‑Gistoux ; 20 Jandrain‑Jandrenouille ; 21 Avennes ; 22 Ittre ; 23 Blicquy ; 24 Neufvilles ; 25 Thieusies ; 26 St.‑Symphorien ; 27 Spiennes ; 28 Petit‑Spiennes ; 29 Harmignies ; 30 Givry ; 31 Thuin ; 32 Waulsort ; 33 Furfooz ; 34 Kemmelberg ; 35 Mont Noir ; 36 Liévln ; 37 St. Pieters Voeren ; 38 Corbehem ; 39 Estrun ; 40 Mairy ; 41 Hamoir.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/39158/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 118k
Légende FIG. 2 – Les datations au 14C d’ensembles du Néolithique moyen : MIN minière ; EPR Rôssen final ; MK Michelsberg.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/39158/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 54k
Légende TABL. I – Liste des types d’outils importants pour le MK.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/39158/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 49k
Légende FIG. 3 – Schéma de l’évolution et des influences subies par le MK en Belgique.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/39158/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 51k

Auteur

Université catholique de Louvain, laboratoire de Préhistoire.

© Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1993

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