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Le Néolithique du nord-est de la France et des régions limitrophes

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Christine Guillaume

14. Les données archéozoologiques des sites chasséens et Michelsberg du nord de la France et des marges orientales : remarques préliminaires

14 Archäozoologische Ergebnisse der Chassey‑ Kultur und der Michelsberger Kultur Nordfrankreichs und der östlichen Randgebiete : vorläufige Ergebnisse

14 Archaeozoological results from chasséen and Michelsberg sites of northern France and eastern limits

Rose‑Marie Arbogast

Résumé

Cette contribution présente une synthèse des principales caractéristiques de la place et des utilisations des animaux au Néolithique moyen dans le nord de la France. L’évolution ainsi que les modifications intervenues depuis le Néolithique ancien sont également esquissées.

Texte intégral

1La documentation disponible pour la période chronologique considérée est quelque peu indigente. Les sites étudiés et publiés (fig. 1) sont peu nombreux, une quinzaine environ. De plus, les échantillons d’ossements sont souvent d’une faible importance numérique (fig. 2) : 33 % des sites livrent moins de mille fragments. Sur la base de telles données, notre approche se limitera à dégager des tendances. Tant du point de vue zoologique qu’archéologique, les vestiges osseux présentent une série de traits originaux.

FIG. 1 – Répartition géographique des sites étudiés. Sites chasséens : 1 Houry‑en‑Vexin (60) ; 2 Catenoy (60) ; 3 Jonquières (60). Sites Michelsberg : 4 Mairy (08) ; 5 Geispolsheim (67) ; 6 Rosheim (67) ; 7 Spiennes ; 8 Gué du Plantin ; 9 Thieusis ; 10 Heilbronn‑Neckargartach ; 11 Munzingen ; 12 Reusten ; 13 Bortsht ; 14 Lutzenguetle.

FIG. 2 – Importance numérique des ensembles de restes osseux des différents sites pris en compte. Les numéros correspondent à ceux des sites (voir carte de répartition géographique).

2Sans entrer dans les détails de la composition des listes des faunes, la prédominance des animaux domestiques par rapport à la faune sauvage est très nette (fig. 3). La proportion d’animaux chassés, des plus réduites, avoisine en moyenne 5 % du nombre de restes. Elle est même inexistante sur plusieurs sites. Parmi les animaux chassés, le Cerf et le Sanglier tiennent une place non négligeable. L’hypothèse d’une activité cynégétique principalement orientée vers les animaux destructeurs des cultures (Uerpmann 1977) ne peut être argumentée sur la base de nos données.

FIG. 3 – Proportions relatives des restes d’animaux sauvages. Les numéros correspondent à ceux des sites (voir carte de répartition géographique).

3Dans le cheptel domestique, le Bœuf est l’animal prépondérant (fig. 4). L’importance du Porc dans les sites alsaciens ne semble ni caractéristique ni limitée à cette région. Le rôle croissant de cet animal dans l’économie alimentaire est manifeste sur les sites du nord de la France dès le Roessen. Les différences régionales notables dans les proportions relatives des espèces présentes, paraissent relever davantage d’une évolution de l’alimentation que de particularismes locaux.

FIG. 4 – Proportions relatives des restes des différentes espèces domestiques au sein des ensembles de faune dans différents sites étudiés. Les numéros correspondent à ceux des sites (voir carte de répartition géographique).

4Les sites présentés dans le cadre de cette contribution sont caractérisés par une modification des règles de sélection des animaux, des Bovins en particulier. Sur les sites du Néolithique ancien, tous les bœufs sont tués avant 6,5 ans. La présence de quelques bœufs plus âgés à Mairy (fig. 5) et à Catenoy (fig. 6) signale une transformation de la gestion du troupeau. Celle‑ci concerne une petite partie du cheptel : la proportion de vieux animaux est de 6 % à Catenoy et de 13 % à Mairy. L’abattage préférentiel des veaux reste largement attesté sur les diagrammes de l’ensemble des sites présentes, l’orientation principale de l’élevage bovin réside dans la production de viande. La présence de vieux animaux indique une diversification de l’utilisation du bétail. D’autres observations vont dans le sens de cette hypothèse. A Mairy (St. 1887), un métacarpe de bœuf aux poulies élargies a été relevé. Cette déformation est probablement à mettre en rapport avec l’utilisation des bœufs comme bêtes de somme. La prise en considération de la structure de la population bovine contribue à préciser la nature de l’intervention humaine. Dans les troupeaux néolithiques, les vaches sont généralement plus nombreuses que les taureaux. La proportion d’un mâle pour trois femelles semble être une des constantes de la composition des troupeaux dans le nord de la France (Méniel 1984). La mise en évidence de la castration complète notre description. Pratiquée sur des animaux jeunes, elle affecte la croissance du squelette. Ses effets, entre autres une modification des proportions des os, sont particulièrement sensibles sur les chevilles osseuses et les métacarpes des Bovins de Mairy (fig. 7 et 8). Les os des bœufs, de gracilité intermédiaire entre celle des taureaux et des vaches, sont aussi plus longs. Les diagrammes de mesure des métacarpes de Bovins de Mairy s’organisent en trois nuages distincts aux limites difficiles à cerner. A côté des groupes de femelles et de taureaux, un troisième ensemble suggère la présence d’animaux châtrés. La morphologie des chevilles osseuses accuse également des modifications conséquentes à la castration : les mesures sont réparties en trois groupes nettement distincts. Le groupe le plus important correspond à celui des femelles. Les chevilles de taureaux, plus fortes en diamètre, sont caractérisées par un indice assez faible ; elles sont regroupées à la base du diagramme. Le dernier ensemble correspond à celui des castrats.

FIG. 5 – Distribution des âges d’abattage des bœufs sur le site de Mairy. d’après les dents (Ducos 1968) ; d’après les os (Barone 1976).

FIG. 6 – Distribution des âges d’abattage des Bovins sur différents sites chasséens et Michelsberg.

FIG. 7 – Diagramme de répartition des mesures des chevilles osseuses des bœufs domestiques de Mairy. En abcisse : circonférence à la base ; en ordonnée : indice d’aplatissement, diamètre transvase/diamètre antero‑postérieur x 100.

FIG. 8 – Diagramme de répartition des mesures des métacarpes de bœufs domestiques de Mairy. En ordonnée : indice de gracilité, diamètre de la diaphyse/longeur totale x 100.

5La composition du troupeau bovin de Mairy est caractérisée par une proportion entre mâles et femelles équilibrée. Pour un taureau, on dénombre trois vaches et deux bœufs. La présence, et surtout l’abondance des animaux châtrés sur ce site sont des observations pour l’instant uniques dans le contexte du Néolithique moyen. Elles témoignent d’une modification des règles de sélection et du mode de contrôle des troupeaux. Elles représentent une amélioration des techniques d’élevage et permettent une diversification et une intensification de l’utilisation des animaux. Ce développement est uniquement sensible pour le Bœuf. Pour les autres animaux domestiques, la documentation est trop limitée et n’autorise pas de telles approches.

6Sur les sites d’habitat, c’est‑à‑dire en contexte détritique, les règles d’élaboration des échantillons paraissent stables (Poplin 1976 ). Elles permettent de définir un faciès d’habitat à l’intérieur duquel les échantillons sont homogènes et comparables entre eux. Les échantillons de plusieurs sites, et plus particulièrement Boury‑en‑Vexin (Méniel 1987b) (dépôts d’animaux), Mairy (Arbogast 1989) et Neckargartach (Beyer 1972) ne peuvent être présentés comme de simples rejets culinaires. En effet, de nombreuses particularités leur confèrent un statut exceptionnel. Les vestiges osseux sont très peu fragmentés. Il s’agit dans les trois cas de dépôts d’os entiers, de parties de squelettes en connexion, voire de squelettes complets. Par rapport aux ossements des contextes détritiques, le taux de fragmentation est très faible, il avoisine environ 2 % sur le site de Mairy. Les ossements présentent les traces de diverses opérations (incisions au silex) résultant de la désarticulation des parties, d’activités de dépeçage, de prélèvements partiels de la viande. A Boury (Méniel 1987a), l’ouverture du thorax se déduit de l’organisation spatiale des restes. L’observation de ces interventions permet d’éloigner l’hypothèse d’un simple dépôt de cadavres d’animaux.

7Les activités signalées ci‑dessus concernent exclusivement les animaux domestiques. Sur 21 000 ossements étudiés à Mairy, un seul fragment a été attribué au Cerf. De même, dans les dépôts animaux de Boury‑en‑Vexin, l’absence d’animaux sauvages est de règle, alors que, dans les niveaux de dépotoirs du même fossé, la proportion d’espèces chassées est comparable à celle observée sur les sites d’habitat.

8A Boury‑en‑Vexin, la sélection et l’abattage des Moutons paraissent échapper aux règles de gestion en vigueur sur les sites d’habitat. Le troupeau ovin au grand complet paraît avoir été abattu et déposé en un espace de temps assez court (Méniel 1987b). Sur le site de Mairy, le remplissage des structures est formé par des amas inextricables d’ossements. L’imbrication de parties en connexion de nombreux individus plaide en faveur d’un remplissage rapide des fosses silos. La dynamique de constitution de ces échantillons contraste avec l’accumulation stochastique des vestiges osseux en contexte détritique. La préparation d’un grand nombre de carcasses, sur lesquelles les traces de prélèvement de viande sont discrètes, est une originalité supplémentaire. L’ensemble de ces caractéristiques n’est pas le reflet d’une économie alimentaire quotidienne. Cet aspect du traitement des animaux domestiques pose aussi la question du statut de ces sites. Du point de vue de l’histoire de l’élevage, le contrôle des troupeaux domestiques par l’homme s’accroît en même temps que semble se diversifier son intervention. D’après les données de certains sites, le rôle des animaux n’est pas limité à leur seule fonction économique. Cette évolution concerne exclusivement les animaux domestiques.

Bibliographie

Bibliographie

Barone 1976 : BARONE (R.). — Anatomie comparée des mammifères domestiques. Ostéologie, t. 1. Paris : Vigot, 1976. 2 vol.. 724 p. 401 pl.

Ducos s.d. : DUCOS (P.). — L’Origine des animaux domestiques en Palestine. Institut de recherches préhistoriques de Bordeaux, s.d. 191 p., 43 fig., 13 tabl.

Marolle 1984 : MAROLLE (C.). — Le Site d’habitat Michelsberg des Hautes Chanvières à Mairy (Ardennes). Etat des recherches en 1983. Note préliminaire. Préhistoire et Protohistoire en Champagne‑Ardennes, 8, 1984, p. 31‑55.

Méniel 1984 : MENIEL (P.). — Contribution à l’histoire de l’élevage en Picardie du Néolithique à la fin de l’âge du Fer. RAP, no spécial, 1984. 56 p., 52 fig., 28 tabl. 2 microfiches.

Méniel 1987a : MENIEL (P.). — Essai de reconstitution de la découpe des animaux du site Néolithique de Boury‑en‑Vexin (Oise). In : La découpe et le partage du corps à travers le temps et l’espace : table ronde organisée par la RCP 717 du CNRS, novembre 1985, Paris. Anthropozoologica, no spécial, 1987, p. 115‑120.

Méniel 1987b : MENIEL (P.). — Les Dépôts animaux du fossé chasséen de Boury‑en‑Vexin (Oise). RAP, 1‑2,1987, p. 3‑26.

Poplin 1976 : POPLIN (F.). — A propos du nombre de restes et du nombre d’individus dans les échantillons d’ossements. Cahiers du Centre de recherches préhistoriques, 5,1976, p. 61‑74.

Uerpmann 1977 : UERPMANN (H.P.). — Betrachtungen zur Wirtschaftsform neolithischer Gruppen in Südwestdeutschland. Fundberichte aus Baden‑Württemberg, Band 3,1977, p. 144‑161.

Bibliographie des sites de comparaisons

1/ Boury‑en‑Vexin

Méniel 1984 : MENIEL (P.). — Les Dépôts d’animaux dans le fossé du camp de Boury‑en‑Vexin. Premières observations. In : Le Néolithique dans le Nord et le Bassin parisien : 9e colloque interrégional sur le Néolithique, Compiègne, 1982. RAP, 12, 1984, p. 285‑292.

2/ Catenoy

Méniel 1984 : MENIEL (P.). — Les Vestiges animaux chasséens du Camp de César à Catenoy (Oise). In : Le Néolithique dans le Nord et le Bassin parisien : 9e colloque interrégional sur le Néolithique, Compiègne, 1982. RAP, 12, 1984, p. 205‑209.

3/ Jonquières

Poulain 1984 : POULAIN (T). — Le Camp chasséen de Jonquières (Oise). La faune, IV. In : Le Néolithique dans le Nord et le Bassin parisien : 9e colloque interrégional sur le Néolithique, Compiègne, 1982. RAP, 12, 1984, p. 257‑264.

4/ Mairy

Arbogast 1989 : ARBOGAST (R.‑M.). — Les Animaux domestiques des fosses silos de Mairy (08). In : MAROLLE (C.). — Le Village Michelsberg des Hautes‑Chanvières à Mairy (Ardennes). Gallia Préhistoire, 31, 1989, p. 139‑158, 27 fig., 13 tabl.

5/ Geispolsheim

Poulain s.d. : POULAIN (T.). — Document inédit.

6/ Rosheim

Thévenin et al. 1977 : THEVENIN (A.), SAINTY (J.), POULAIN (T.). — Fosses et sépultures Michelsberg. Sablières Maetz à Rosheim (Bas‑Rhin). BSPF, 74, 1977, p. 608‑671 (Études et travaux ; 2).

7/ Spiennes

Gauthier 1971 : GAUTHIER. — The flint mine workers of Spiennes and Rickholt st. Geertruid and their animais. Helinium, XI, 1971, p. 3‑33.

8/ Gué du Plantain

Gauthier et al. 1977 : GAUTHIER, DE HEINZELIN (J.), HAESAERTS (P.), DE LAET (S.J.). — Le Gué du Plantain (Neufvilles, Hainaut), site néolithique et romain. Dissertationes Gandenses, 17, 1977, p. 43‑51.

9/ Thieusis

Vermeersch, Walter 1980 : VERMEERSCH (P.M), WALTER (R.). — Thieusis, Ferme de l’Hosté. Site Michelsberg. Archeologia Belgica, 230, 1980, p. 5‑47.

10/ Heilbronn Neckargartach

Beyer 1972 : BEYER (A.I.). — Tiercknochenfunde der Michelsbergkuitur von Hetzenberg bei Heilbronn und aus seiner Umgebung. Forschungen und Berichte zur Vor und Frühgeschichte in Baden Württemberg, 3, 2, 1972.

11/ Munzingen

Schmid 1985 : SCHMID (E.). — Die Nebenfunde auf dem Munzinger Berg. Badische Fundberichte, 21, 1958, p. 51‑ 55.

12/ Reusten

Uerpmann 1977 : UERPMANN (H.P.). — Betrachtungen zur Wirtschaftsform neolithischer Gruppen in Südwestdeutschland. Fundberichte aus Baden‑Württemberg, Band 3, 1977, p. 144‑161.

13/ Bortsht

Hartmann Frick 1965 : HARTMANN FRICK (H.). — Die Fauna der befestigten Höhensiedlung auf dem Borscht, Fürstentum Liechtenstein. Jahrbuch des Historischen Vereins des Fürstentum Liechtenstein, 63, 1965, p. 185‑253.

14/ Eschner Lutzenguetle

Hartmann Frick 1960 : HARTMANN FRICK (H.). — Die Tierreste des prâhistorischen Siedlungsplatzes auf dem Eschner Lutzenguetle. Fürstentum Liechtenstein. Jahrbuch des Historischen Vereins des Fürstentum Liechtenstein, 59, 1960, p. 5‑223.

Table des illustrations

Légende FIG. 1 – Répartition géographique des sites étudiés. Sites chasséens : 1 Houry‑en‑Vexin (60) ; 2 Catenoy (60) ; 3 Jonquières (60). Sites Michelsberg : 4 Mairy (08) ; 5 Geispolsheim (67) ; 6 Rosheim (67) ; 7 Spiennes ; 8 Gué du Plantin ; 9 Thieusis ; 10 Heilbronn‑Neckargartach ; 11 Munzingen ; 12 Reusten ; 13 Bortsht ; 14 Lutzenguetle.
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Légende FIG. 2 – Importance numérique des ensembles de restes osseux des différents sites pris en compte. Les numéros correspondent à ceux des sites (voir carte de répartition géographique).
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Légende FIG. 3 – Proportions relatives des restes d’animaux sauvages. Les numéros correspondent à ceux des sites (voir carte de répartition géographique).
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Légende FIG. 4 – Proportions relatives des restes des différentes espèces domestiques au sein des ensembles de faune dans différents sites étudiés. Les numéros correspondent à ceux des sites (voir carte de répartition géographique).
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Légende FIG. 5 – Distribution des âges d’abattage des bœufs sur le site de Mairy. d’après les dents (Ducos 1968) ; d’après les os (Barone 1976).
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Légende FIG. 6 – Distribution des âges d’abattage des Bovins sur différents sites chasséens et Michelsberg.
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Légende FIG. 7 – Diagramme de répartition des mesures des chevilles osseuses des bœufs domestiques de Mairy. En abcisse : circonférence à la base ; en ordonnée : indice d’aplatissement, diamètre transvase/diamètre antero‑postérieur x 100.
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Légende FIG. 8 – Diagramme de répartition des mesures des métacarpes de bœufs domestiques de Mairy. En ordonnée : indice de gracilité, diamètre de la diaphyse/longeur totale x 100.
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