1. Relations sud‑nord en Europe occidentale au Néolithique ancien
1 Süd‑Nordbezlehungen in Westeuropa im älteren Neolithikum
1 North‑south relationships in western Europe during the early Neolithic
p. 10‑40
Résumés
Le schéma classique de la néolithisation divisait la France en deux zones : une zone sud néolithisée par le Cardial, une zone nord et ouest néolithisée par le Rubané et ses prolongements tardifs « danubiens ». Actuellement, la situation paraît plus complexe. Une branche atlantique du Cardial remonte la façade occidentale, de l’Aquitaine à la Loire. Dans les régions de l’intérieur, apparaissent d’autres formes plus ou moins précoces de Néolithique ancien, ni cardiales, ni rubanées, comme le Roucadourien dans le sud de la France centrale, ou la Céramique de La Hoguette plus au nord. A ces voisins occidentaux non‑rubanés renvoient bien des traits de la culture matérielle de groupes du Néolithique ancien comme ceux de Blicquy et Villeneuve‑Saint‑Germain. Du même coup s’offre la possibilité de renverser le schéma « chronologico‑généalogique » qui faisait de ces groupes des » Post‑Rubanés ». Plus généralement, on se situera dans la perspective d’une réaction contre les conceptions réductrices jusqu’ici prévalentes sur la Néolithisation du nord et du nord‑ouest de la France, conçue essentiellement comme une colonisation allochtone, procédant d’est en ouest, sans véritable ancrage dans les formes autochtones d’économie et de culture, déjà néolithiques au sens large du terme.
The traditional model for the neolithisation has been that of a subdivision of France into two parts. The southern part was occuped by communities adopting Cardium impressed pottery. The northern and western part were admittedly submitted to a rather simple trend from east to west, the expansion of LBK groups and later related communities. However, the actual situation is more complex. In the atlantic coastal region, a western branch of the Cardial complex has been evidenced, stretching from the Pyrenees up to the Loire. In the mainland develop early neolithic expressions originating neither from the Cardial, nor from the LBK direct influences. Such are the Roucadourien, in the southern part of Central France, or the La Hoguette style ceramic from Normandy to Alsace. Some of them appear unexpectedly early. Those non‑Lbk western neighbours of the LBK complex could have inspired some features of early neolithic culturals groups, such as Blicquy and Villeneuve‑Saint‑Germain. On this basis, one may argue for a reversal of the “genealogical chronological" model. Being quite different from the LBK standards, these groups should not necessarily be Post‑LBK. They should be influenced by earlier non‑LBK cultures, and even be earlier themselves than the “pure” LBK expressions in Belgium or the Paris basin. For Atlantic Europe, arguments are set against the predominant model of an expanding colonization by the allochtonous Lbk complex alone, without any reference to the locally preexisting forms of culture and economy, already neolithic in a broad sense.
Das klassische Schema der Neolithisation teilte Frankreich in zwei Zonen auf: den Süden, vom Cardial neolithisiert, den Nordern und Westen neolithisiert von der bandkeramischen Zivilisation und ihren späten Ausläufern der "Donaukultur”. Die Situation scheint nun aber wesentlich komplexer zu sein. Ein atlantischer Zweig des Cardial reicht an der Küste von Aquitanien bis zum Loiretal. Im Inland erscheinen andere, mehr oder weniger frühe Formen des älteren Neolithikums, die weder cardial noch bandkeramisch sind, wie das Roucadourien im Süden Zentralfrankreichs oder nördlicher die Keramik von La Hoguette. Materielle Kulturmerkmale von Gruppen des älteren Neolithikums, wie die von Blicquy und Villeneuve‑Saint‑Germain, weisen auf diese nicht bandkeramischen Nachbarn. Zugleich ist es nun möglich, das “chronologisch‑genealogische” Schema zu Fall zu bringen, das letztere als “bandkeramische Folgegruppen" abstempelte. Allgemein wird man eine Perspektive ins Auge fassen, die sich gegen, bislang gültige, reduzierende Auffassungen wendet, die die Neolithisation Nord, ‑ und Nordwestfrankreichs vor allem als allochtone Kolonisation von Ost nach West ansah, ohne Verankerung in den autochtonen ökonomischen und kulturellen Formen, die im weiteren Sinne bereits neolithisch waren.
Texte intégral
1.1 Introduction
1Depuis plusieurs décennies, l’apparition et le déroulement du Néolithique ancien en Europe occidentale semblaient obéir à un schéma clair, particulièrement sur le territoire français. Au sud, le Cardial s’installait, sur fond de Mésolithique final à trapèzes, sur la côte méditerranéenne d’abord, puis gagnait lentement l’intérieur, progressant vers le nord sans déborder la zone de l’olivier. A l’est, un peu plus tard, les colons rubanés venus par la voie danubienne pénétraient en Alsace et Lorraine, d’où ils s’infiltraient vers le Bassin parisien. Entre l’aire du Néolithique ancien méditerranéen et celle du Rubané aurait existé un vaste no man’s land, des rivages atlantiques à la France centrale, où le Mésolithique aurait duré très tard. Les progrès de la recherche, en multipliant les sites nouvellement découverts, ont dramatiquement amenuisé cette zone‑tampon entre Néolithique ancien méridional et Néolithique ancien danubien, les mettant pratiquement en contact. L’obstacle que constituait « l’important hiatus géographique » (Bailloud 1972) entre les deux étant désormais levé, on ne peut plus esquiver le problème central des relations sud‑nord et leur rôle dans l’émergence du Néolithique en Europe occidentale.
2Les conséquences sont importantes dans toute l’aire considérée. Le Néolithique ancien méridional, ayant largement dépassé la zone de l’olivier, apparaît désormais beaucoup moins monolithique qu’on ne l’envisageait naguère et ne saurait s’identifier au seul Cardial « franco‑ibérique ». Des faciès diversifiés, voire des groupes dotés d’une identité propre, ni périphérisés ni particulièrement récents, accèdent à l’existence. Ni épi‑ ni péricardiaux, ils représentent soit des branches du Cardial, soit d’autres rameaux du tronc commun de la Céramique à impressions. Cette diversification va d’ailleurs dans le sens des conceptions modernes, qui abandonnent le diffusionnisme étroit, à partir d’un centre présumé unique colonisant de proche en proche le bassin de la Méditerranée, et ne parvenant que très tard ‑‑ ou pas du tout ‑ vers l’occident de l’Europe.
3D’autre part, dans le même temps, grâce à l’affinement de l’analyse typologique, la cohérence interne du Rubané ou, plus vaguement, du Danubien est remise en cause par l’hétérogénéité de certains groupes ou faciès (Rubané récent du Bassin parisien, Blicquy/ Villeneuve‑Saint‑Germain, Augy‑Sainte‑Pallaye...), hétérogénéité qui excède les limites de la variabilité attendue pour des stades chronologiques ou des entités géographiques d’un seul et même ensemble culturel. Un nombre grandissant de traits suggère, au contraire, des affinités de plusieurs de ces groupes avec le Néolithique ancien méridional, ce qui pose désormais le problème de leur appartenance réelle, éventuellement aussi de leur date et de leur ordre d’apparition. Bien sûr, devant ce domaine tout nouveau qui s’ouvre depuis peu à la recherche, on se doit d’insister sur le caractère provisoire de certaines données et l’aspect prospectif de certaines hypothèses.
1.2 Le Néolithique ancien méridional
4On n’envisagera pas ici l’ensemble des problèmes posés par le Néolithique ancien méridional ; on ne signalera que quelques acquis récents concernant son extension géographique, ses principaux traits et sa position chronologique, dans la seule mesure où cela concerne la question des relations Sud‑Nord. Pour ne considérer que le territoire français, le Néolithique ancien méridional recouvre plusieurs faciès ou groupes culturels (Roussot‑Larroque 1977 ; Arnal 1980 ; Roussot‑Larroque, Thévenin 1984 ; Roussot‑Larroque 1983) : Cardial proprement dit, Epicardial, et groupes non cardiaux de la grande famille des céramiques à impressions et incisions.
1.2.1 Le Cardial
1.2.1.1 La céramique
Le décor
5Le Cardial se reconnaît aisément à ses décors typiques d’impressions de coquilles, mais on ne saurait le limiter à cette technique décorative, car il possède un répertoire beaucoup plus étendu et varié. Ce sont, pour la céramique fine, les pointillés, les impressions et incisions, les décors au peigne, assez fréquents : des peignes réels ont été recueillis en milieu cardial, par exemple en Espagne à la Cova de l’Or, (Beniarres, Alicante) ; pour la céramique d’usage, les impressions au doigt ou à l’outil, les motifs plastiques de cordons lisses, digités ou impressionnés, ou de pastilles appliquées. Les pourcentages, rarement précisés dans les publications, semblent présenter d’assez amples variations. Le décor à la coquille, « fossile directeur » du Cardial, n’est pas toujours l’élément dominant ; des régions entières voient les décors au peigne, les impressions diverses, les incisions ou les motifs plastiques l’emporter sur le décor cardial proprement dit. Tel semble être le cas dans une bonne partie de la péninsule Ibérique, y compris la côte atlantique au Portugal (Tavares da Silva, Soares 1981), mais aussi en France, où clans certains sites le décor au Cardium est minoritaire ou absent, le décor au peigne et le décor plastique étant pratiquement seuls représentés.
L’organisation du décor
6Pour les vases fins, la syntaxe décorative est variée : bande horizontale sous le bord, bandes horizontales superposées, bandes orthogonales fréquentes, (Fontbrégoua, l’Aigle, Châteauneuf), décors rayonnants à partir du fond. La céramique grossière peut porter un cordon horizontal lisse, incisé, digité ou imprimé à la coquille, parfois un cordon interne (typique du Cardial), des cordons verticaux dépassant du bord, souvent associés à un ou des cordons horizontaux, donnant un décor « en résille », ou des cordons en V ou en « patte d’oie », en général entre anse et bord. Des pastilles appliquées, en » grappe de raisin », sont souvent associées aux cordons verticaux. Ce décor peut adopter, lui aussi, une disposition rayonnante à partir du fond.
1.2.1.2 L’industrie lithique
7Elle est sous le signe de la variabilité, souvent laminaire plutôt que lamellaire, mais produisant aussi de gros éclats. Les lames sont tronquées ou retouchées, certaines utilisées comme faucilles. Les armatures tranchantes dominent en général dans le Cardial provençal ou languedocien, mais non dans le Cardial ibérique, ni dans les groupes non cardiaux, où par exemple le Roucadourien comporte des flèches asymétriques ou symétriques, probablement perçantes (Roussot-Larroque 1977). On y note la rareté de l’outillage poli, parfois totalement absent.
1.2.1.3 La parure
8La parure comporte des bracelets en pierre, connus dans le Cardial méridional comme dans les groupes à céramique imprimée d’Italie ou de la péninsule Ibérique.
1.2.1.4 Faciès et groupes
9A l’intérieur du vaste domaine méridional, on constate des préférences variables pour certaines techniques ou styles décoratifs de la céramique, variabilité sensible aussi dans l’industrie lithique et d’autres aspects de la culture matérielle. Pour ne considérer que la rive nord du bassin occidental de la Méditerranée, le Cardial franco‑ibérique, comme on le nomme parfois, ne constitue pas un ensemble uniforme ; des faciès géographiques s’y laissent entrevoir : Montserratien, Cardial de la côte languedocienne, Cardial rhodano‑provençal. Ils s’individualisent par leur préférence pour certaines techniques du décor céramique (impression de coquilles ou de peigne, incisions) ou encore la combinaison des motifs (par exemple bandes marginées, triangles et franges bordant les bandes dans le style franco‑ibérique : guirlandes et figurations animales ou humaines stylisées dans le Levant espagnol), mais aussi dans les formes, plus simples en Provence et Languedoc, plus baroques dans le nord‑est de la péninsule (Guilaine 1976), ou encore par une certaine variabilité des industries Ethiques (Roussot‑Larroque 1988).
1.2.1.5 Stades chronologiques
10Une séquence évolutive a été proposée pour le Cardial ; fondée essentiellement sur les données de sites provençaux (Courtin 1976 ; Roudil 1976), cette séquence verrait la disparition progressive du décor à la coquille au profit d’autres techniques, surtout l’incision combinée au pointillé ou tireté. La séquence provençale et sa chronologie ne correspondent d’ailleurs pas totalement à la situation en Languedoc. Une certaine dérive d’est en ouest s’observerait, pour l’évolution des styles céramiques comme pour la chronologie. Le système d’ensemble ne paraît pas encore totalement clarifié, tant que des sites importants de Provence (grotte Fontbrégoua) et du Languedoc (grotte Gazel) n’ont pas été publiés. Pour ce qui nous concerne ici, on retiendra que des mises au point récentes modifient quelque peu les conceptions classiques de l’évolution interne du Cardial (Binder, Courtin 1986), en enlevant notamment à l’Epicardial certains traits, comme les sillons, pour les rattacher au Cardial proprement dit.
1.2.1.6 L’Epicardial
11Pour certains auteurs, l’Epicardial dérive naturellement, par abâtardissement, du Cardial qui perdrait avec le temps ses typiques décors à la coquille, remplacés par une organisation de motifs incisés, généralement en bandes orthogonales frangées de lignes pointillées ou tiretées. Pour d’autres, l’Epicardial serait un groupe culturel relativement indépendant (Montjardin 1973), pas forcément toujours postérieur au Cardial, mais lié à un autre ensemble du Néolithique ancien méridional, celui des céramiques incisées et pointillées, bien représenté dans le sud‑ouest de l’Europe, par exemple en Andalousie, où certains le considèrent comme contemporain du Cardial, sinon même antérieur (Pellicer, Acosta 1981 ; Olaria de Gusi et al. 1982).
1.2.1.7 Le style cardial atlantique
12Auprès du style franco‑ibérique, s’individualise maintenant peu à peu un style atlantique (Roussot‑Larroque et al. 1987). Dans un échantillon encore faible, certains traits paraissent récurrents. Les formes les plus courantes sont dérivées de la sphère ; elles sont souvent basses, en demi ou trois‑quarts de sphère (La Balise à Soulac‑sur‑Mer ; La Lède du Gurp à Grayan, en Gironde) ; le bord rentrant est aminci ou parfois aplati. Les bords éversés semblent rares jusqu’ici. On connaît aussi des récipients « en sac » plus profonds, à bords subverticaux (Le Gurp, La Balise) ; quelques bouteilles non décorées pourraient appartenir au même contexte : grotte 3 du Mas de la Fineau à Livernon (Lot ; Clottes 1979) ; abri de Bellefonds (Vienne ; Patte 1971) ; grotte du Quéroy à Chazelles (Charente ; Gomez, Joussaume 1986). Toutes ces formes sont banales dans le Cardial. Les préhensions comportent des boutons simples, ou quelquefois jumelés (Bellefonds ; La Balise), des anses annulaires, horizontales ou verticales et quelques anses tubulaires verticales, légèrement ensellées parfois (Lède du Gurp). Anses et boutons peuvent alterner (Lède du Gurp). La symétrie ternaire des anses est connue au Mas de la Fineau et au Quéroy.
13Le décor cardial atlantique se signale par l’abondance relative des motifs à la coquille, surtout pivotante, et sa disposition en bandes non marginées, qui le distinguent du Cardial franco‑ibérique. Ces bandes d’impressions pivotantes à la coquille peuvent être horizontales (Soulac/La Balise ; Grayan/La Lède du Gurp) ou verticales (Brétignolles‑sur‑Mer, Longeville‑Plage, en Vendée, Benon en Charente‑Maritime ; Joussaume 1986), ou encore orthogonales (Bellefonds, Chérac) ; les rubans verticaux partent alors soit du bord (Bellefonds), soit d’une bande horizontale d’impressions semblables (Courcoury/Les Orgeries, en Charente‑Maritime ; Roussot‑Larroque et al. 1986). A noter aussi la relative fréquence des bords encochés (La Balise à Soulac‑sur‑Mer ; Courcoury ; Les Alleuds ; Ligueil ; Roussot‑Larroque et al. 1986). On connaît d’autres impressions –gros points ou cercles faits par une matrice creuse– parfois groupées en panneaux verticaux séparés par des zones lisses (Bellefonds, Les Alleuds).
14Pour la céramique grossière prédomine le décor plastique d’impressions digito‑unguéales, sur le bord aplati et à la partie supérieure du vase. Ces impressions peuvent être horizontales et continues, ou coupées de bandes verticales au niveau des anses (Soulac), ou encore disposées en panneaux verticaux (La Lède du Gurp, Bellefonds, ou La Tranche‑sur‑Mer en Vendée). Dans un cas, elles montent obliquement vers le bord (Soulac/L’Amélie). Les incisions horizontales ou verticales simples sont connues également (Lède du Gurp, Balise...).
1.2.1.8 Le Néolithique ancien primitif et le Roucadourien
15Sur le pourtour sud du Massif central, du Haut‑Languedoc au piémont pyrénéen oriental, aux Corbières ou à l’Aquitaine continentale, on constate des manifestations d’un Néolithique ancien, ni épicardial, ni péricardial, que distinguent les caractères originaux de son industrie lihique et sa céramique de facture grossière, montée aux colombins mal collés, peu cuite en général, avec des formes en coupe, plus rarement à col, et des fonds parfois coniques (Niederlender et al. 1966 ; Roussot‑Larroque 1977 ; Coslantini, Maury 1986). Les bords sont souvent encochés ; on connaît des cas de perforations avant cuisson sous le bord (Roucadour, couche C ; Combe‑Grèze). Les vases sont sans décor ou à impressions variées, au poinçon ou à la tige creuse, ou encore à décor incisé (chevrons verticaux). L’industrie Ethique associée présente des caractères qui l’avaient fait d’abord assimiler à un Mésolithique final : débitage de lames et lamelles par pression, technique du microburin, armatures microlithiques, comportant des trapèzes asymétriques, des pointes, mais aussi des flèches de Montclus et des flèches tranchantes non microlithiques, et quelques pièces bifaciales, tranchets ou pics (Le Martinet ; Roussot‑Larroque, Thévenin 1984). La date de Roucadour C, corrigée de l’effet Suess, serait voisine de 4200 B.C. ; celle de Rouffignac, couche 2, est de 4500 B.C., mais on a dit que la céramique y aurait été le produit d’une contamination. Enfin, deux dates très hautes, d’environ 6000 B.C., dans les grottes de la Poujade à Millau, Aveyron (6050 B.C. ; Arnal 1980) et de Camprafaud à Saint‑Pons, Hérault (5950 B.C. ; Rodriguez 1981) concernent des niveaux d’un Néolithique ancien primitif non cardial (Arnal 1980). La technique céramique annonce le Roucadourien ; l’industrie Ethique présente des traits de continuité par rapport au Mésolithique terminal.
1.2.2 Extension géographique du Néolithique ancien méridional
1.2.2.1 Le Sud‑Est et le Centre‑Est
16Il y a peu de temps encore, on n’aurait pas envisagé d’autre voie que l’axe rhodanien pour la diffusion éventuelle d’influences cardiales vers le nord. Actuellement, le point le plus septentrional du Cardial dans cette direction se situe à Soyons (Drôme). Des découvertes sont possibles plus au nord, soit par les vallées du Rhône et de la Saône, soit par d’autres voies, plus occidentales ou plus orientales. On peut désormais envisager une colonisation des terres hautes de la rive gauche du Rhône, y compris en moyenne altitude en zone ouest‑alpine. Les caractères des industries Ethiques de cette zone (Isère, Ain...) comportent des éléments de saveur méridionale (flèches de Montclus, entre aubes) ; la présence de céramique, comme les dates, groupées de manière cohérente vers le milieu du Ve millénaire, suggèrent le rattachement à l’ensemble du Néolithique ancien méridional, même si l’absence, sans doute momentanée, d’éléments typiques dans la céramique empêche le rattachement à un groupe précis, Cardial proprement dit, Roucadourien ou autres groupes, certains peut‑être apparentés à ceux d’Italie du Nord, déjà attestés dans le Valais suisse. Il ne serait pas impossible que certains éléments aient gagné la Franche‑Comté, l’Alsace et même la Rhénanie par cette voie.
1.2.2.2 Le Massif central et ses abords
17De la haute Ardèche au Velay, des groupes méridionaux ont pu se frayer un passage, comme en témoignent des sites de l’Ardèche (Beeching 1986) ou de la Haute‑Loire, d’obédience cardiale indiscutable (Les Brûlades aux Estables ; Daugas 1976 ; grotte Rouge du Brune‑let à Saint‑Germain-Laprade ; Houdré, Vital 1984). En Auvergne toujours, le cas de Longetraye (Plailibert 1982) et de quelques autres sites est plus obscur ; la grossièreté de la céramique, ornée de simples lignes incisées horizontales, et le Ethique microlithiquc évoqueraient peut‑être un faciès roucadourien ?
1.2.2.3 L’ouest de la France
18L’extension du Néolithique ancien méridional avait été perçue dès les années cinquante par des précurseurs (Armai, Bumez 1957 ; Aimai 1966, 1971) qui rapportaient au Cardial les décors pivotants de Bellefonds. Par ailleurs, en 1966, le même Dr. J. Arnal invoquait de plus lâches parentés méridionales pour la céramique de la couche C de Roucadour (Thémines, Lot ; Niederlender et al. 1966). Ces avis pourtant autorisés n’avaient pas été suivis par une majorité d’auteurs, croyant plutôt, avec G. Bailloud, à la prééminence des » prolongements danubiens » dans le centre et le centre‑ouest de la France. Pourtant, plus récemment, nous adoptions les vues de J. Arnal en rattachant au Roucadourien une série de sites d’Aquitaine septentrionale (Roussot‑Larroque 1977) et en insistant sur le rôle des influences méridionales dans la dynamique de la néolithisation jusqu’en France centrale et septentrionale (Roussot‑Larroque 1980 ; Roussot‑Larroque, Thévenin 1984). En quelques années, une série de trouvailles est venue conforter ce point de vue, établissant la présence du Cardial dans l’ouest jusqu’à la Loire (Joussaume 1981 ; Frugier 1982 ; Moreau 1983). Non seulement la céramique au classique décor à la coquille est apparue en plusieurs points de la côte atlantique, du Médoc à la Vendée mais, mieux encore, on en suit désormais l’extension vers l’intérieur, en Anjou et en Touraine, non loin des marges du Bassin parisien (Roussot‑Larroque et al. 1987).
1.2.2.4 Chronologie du Néolithique ancien méridional
19Pour les tenants du diffusionnisme, la rapidité de propagation du Néolithique ancien à céramique imprimée vers la zone atlantique et l’Europe du nord‑ouest paraît surprenante, alors que l’on croyait à la longue persistance de l’économie prédatrice dans ces régions, au moins jusqu’au Néolithique moyen. Il semble que les mécanismes impliqués n’aient rien à voir avec un modèle de néolithisation gagnant lentement par voie terrestre. La possibilité de « têtes de pont » établies par voie maritime sur les rivages atlantiques expliquerait peut‑être cette rapidité, mais non l’emprise déjà bien attestée dans l’hinterland (Poitou, Anjou, Touraine, Velay), non plus que la formation de groupes non cardiaux, d’apparition fort ancienne, loin des côtes : marges sud du Massif central (Camprafaud, La Poujade), Corbières (Jean Gros), Pyrénées, Causses du Quercy ou confins Périgord‑Agenais (Roucadour, La Borie ciel Rey, Le Martinet), Il en est de même des formes encore mal connues, mais attestées avec une certitude grandissante clans la zone alpine ou en Franche‑Comté. L’existence, dès cette époque, de groupes déjà diversifiés culturellement et dont l’implantation au sol et l’économie devaient nécessairement différer, suggère un processus plus long et plus complexe que le schéma simpliste de la colonisation par des groupes néolithiques venus d’ailleurs avec les éléments « préfabriqués » de leur culture.
1.3 Le Rubané linéaire et les « groupes d’importation »
20Outre‑Rhin, dès les années quarante, se fait jour l’idée d’intrusions étrangères dans le Rubané strict. Des observations répétées, clans la même zone, confirmeront la présence de ces éléments hétérogènes. Certains seront regroupés sous le nom de Céramique du Limbourg (Modderman 1974). Pour quelques‑uns de ces éléments, une origine méridionale sera même proposée (MeierArendt 1969 ; Gabriel 1976), sans éveiller alors d’écho chez les spécialistes de la France septentrionale. La prédominance, clans le Bassin parisien, du décor pointillé ou au peigne n’empêchera pas de maintenir le terme de Rubané récent, « notion suffisamment compréhensive pour recouvrir le Linéaire et le Pointillé » (Bailloud 1972). L’hypothèse, avancée par Meier‑Arendt, d’une origine cardiale ou épicardiale du décor au peigne dans le groupe rhénan, sera repoussée par G. Bailloud » en raison du très important hiatus géographique qui subsiste jusqu’à ce jour entre Epicardial et Rubané. L’origine locale du décor au peigne [...] nous semble aisément compréhensible sans faire appel à une lointaine influence méditerranéenne qui ne se serait pas manifestée d’une autre manière » (Bailloud 1972 : 403). Le corrélat chronologique de cette position est évidemment la date tardive attribuée à ce Rubané récent sensu latissimo, mis en parallèle avec la céramique pointillée d’Europe centrale et rhénane. Par ailleurs, identifiant en 1964 le groupe d’Augy‑Sainte‑Pallaye, G. Bailloud l’avait séparé du Rubané, mais en lui attribuant une datation tardive, parallèle « aux civilisations de Lengyel et de Roessen ».
21Par la suite, l’intensification des recherches en Hainaut et dans le Bassin parisien a fait surgir de nouvelles lézardes dans le bloc Rubané récent, avec l’isolement des groupes, très voisins, de Blicquy (van Berg et al. 1982 ; Farruggia et al. 1982), et de Villeneuve‑Saint‑Germain (Constantin, Demoule 1980), qui apparaissent désormais comme une entité culturelle spécifique, bien que marquée par « l’héritage rubané » (Constantin 1986).
22Parallèlement, comme nous l’avons vu, la reconnaissance d’un authentique Néolithique ancien méridional dans le sud‑ouest et le centre‑ouest de la France (Roussot‑Larroque 1977 ; Joussaume 1981) remettait en lumière les trouvailles, jusqu’alors isolées, de Roucadour et de Belle‑fonds. Les céramiques incontestablement cardiales de la Lède du Gurp (Frugier 1982) et de la Balise (Moreau 1983) venaient étayer ces vues, confirmées depuis par des découvertes plus septentrionales, jusqu’à la Loire. Ces données entraînaient pour certains une révision de leurs prises de position antérieures, admettant désormais pour vraisemblable le jeu d’influences venues du Sud dans la mise en place des groupes de Blicquy, Villeneuve‑Saint‑Germain ou Augy‑Sainte‑Pallaye (Bailloud 1982 ; Constantin 1986 ; Lichardus‑Itten 1986) ou la Céramique de La Hoguette (Jeunesse 1987).
23Toutefois l’impact réel de ces influences demeure encore sous‑estimé ou mal précisé. Entre ce que nous proposerions d’appeler le Néolithique ancien atlanto‑méditerranéen et ces groupes du nord‑ouest européen, les points de ressemblance demanderaient une étude dépassant largement le cadre de cette communication. Loin de se réduire à l’usage du décor pivotant, ou à l’organisation en T du décor (Lichardus‑Itten 1986), les ressemblances concernent d’autres éléments du décor, mais aussi la technologie céramique, les formes ou encore la parure ou l’industrie lithique, voire même des éléments plus subtils de l’économie, l’architecture ou les rites funéraires.
24Toute tentative d’analyse des interrelations stylistiques entre domaine méridional et domaine septentrional doit tenir compte de la pluralité des groupes présents de part et d’autre, et susceptibles d’avoir interféré au cours d’un processus certainement long et complexe. Côté sud, Cardial, Epicardial, Roucaclourien et groupes apparentés ont pu exercer leur influence à tour de rôle en direction du nord. Côté nord, la situation n’est pas identique pour la Céramique du Limbourg, le Rubané récent du Bassin parisien, Blicquy‑Villeneuve‑Saint‑Germain, Augy‑Sainte‑Pallaye ou la Céramique de La Hoguette ; certains de ces groupes ne sont en effet définis que par des particularités stylistiques de la céramique, à l’exclusion de tout autre caractère. Ces divers faciès ? groupes ? cultures ? représentent autant de cas différents, encore que les limites entre certains d’entre eux, danubiens, épidanubiens ou post‑rubanés semblent parfois imprécises, à vrai dire, sinon artificielles aux yeux d’un observateur extérieur. Ils semblent pourtant posséder en commun certains traits, qui les éloignent du Rubané au sens strict : technologie souvent moins élaborée que celle qui produit la céramique fine du Rubané ; cuisson oxydante même pour les vases décorés ; incisions et impressions obéissant à une syntaxe décorative de structure moins complexe, où la distinction décor principal/motifs subsidiaires est plus malaisée ; rôle plus important et plus diversifié du décor plastique. D’autres traits n’apparaissent que dans certains d’entre eux, comme l’organisation du décor en bandes orthogonales ou l’impression pivotante de matrices dentées, traits privilégiés par certains auteurs, mais qui ne représentent qu’un aspect restreint dans un ensemble plus vaste.
25On ne peut le nier, les données, tant géographiques que chronologiques, permettent désormais d’envisager des contacts, dès le Néolithique ancien, entre la Méditerranée occidentale et l’Europe du nord‑ouest. L’élément primordial de la situation est la complexité des deux grandes entités culturelles en présence. Ce ne sont pas deux blocs monolithiques face à face, Cardial et Rubané, mais un ensemble diversifié de cultures d’ascendance méridionale au sens le plus large, « atlanto-méditerranéennes », d’une part, et de cultures d’ascendance centre‑européenne, » danubiennes » au sens le plus large, d’autre part. En outre, leur confrontation n’est pas réductible à un événement ponctuel : c’est tout un processus, au déroulement certainement assez long, égalant et peut‑être même dépassant la durée du Néolithique ancien.
1.4 La Céramique de La Hoguette : une voisine occidentale du Rubané
26La Céramique de La Hoguette appartient sans doute, à notre avis, à ces traditions non rubanées. Découverte d’abord dans le vieux sol d’un cairn mégalithique de l’Ouest (Fonlenay‑le‑Marmion, Calvados), elle a été, depuis lors, identifiée en Alsace à Bischoffsheim, Oberlarg (Thévenin, Sainty 1974) et Merxheim (Jeunesse 1986), en Franche‑Comté à Bavans (Aimé, Jeunesse 1986 ; Jeunesse 1986), ainsi qu’aux Pays‑Bas et en Rhénanie. La stratigraphie de Bavans établit clairement l’antériorité de cette céramique sur celle du Rubané récent du Haut‑Rhin, ce que confirment les dates 14C, qui situeraient son apparition avant le milieu du Ve millénaire B.C. (Aimé, Jeunesse 1986). A Bischoffsheim, elle était peut‑être associée à un Rubané moyen, bien que les données ne soient pas tout à fait sûres. Dans l’est de la France, elle paraît se maintenir en parallèle avec le Rubané récent (Merxheim, Bavans), sans perdre ses caractères propres, y compris le dégraissant d’os pilé (Jeunesse 1986). En outre, à Bavans, la Céramique de La Hoguette paraît fabriquée avec l’argile locale, alors que la céramique rubanée, intrusive, serait faite d’argile étrangère au site, proche sinon analogue de celle du Rubané récent de Rouffach, dans la plaine d’Alsace. Enfin, la présence de dégraissant d’os pilé clans des tessons type Hoguette (Bavans, Oberlarg, Bischoffsheim) confirme, de notre point de vue, ses liens avec l’Ouest et le Sud. Elle apparaît, de surcroît, au sein d’un Mésolithique final à trapèzes, processus évoquant le cycle roucadourien, qui voit, dans une zone plus méridionale et occidentale, mais à peu près à la même époque sans doute, l’émergence de la céramique au sein d’industries pseudo‑tardenoisiennes (Le Martinet à Sauveterre‑la‑Lémance ou La Borie del Rey à Blanquefort‑sur‑Briolanœ ; Roussot‑Larroque 1977, 1986).
27Au lieu d’interpréter ces ressemblances comme la preuve de « prolongements danubiens » vers l’ouest jusqu’en Normandie, comme on l’a fait jusqu’ici, nous pensons plutôt que les courants d’influences s’intégrent, là encore, dans le cadre d’une néolithisation non rubanée suivant une direction inverse, de l’ouest à l’est et du sud au nord. Ces influences touchent une large zone, outrepassant la périphérie; occidentale et nord‑occidentale de ce qui deviendra par la suite le domaine des cultures danubiennes. Aux frontières de cette zone, le Rubané ne prend pied que de manière tardive (au niveau du Rubané récent) ou incomplète (le Rubané récent du Bassin parisien). Plus à l’ouest, il est même possible qu’il n’ait pas pris pied du tout ; on a en effet attribué au courant danubien des ensembles ou des éléments qui lui étaient étrangers, appartenant soit aux groupes Villeneuve‑Saint‑Germain ou Augy‑Sainte‑Pallaye, soit directement au Néolithique ancien atlanto‑méditerranéen. L’exemple de sites comme Bellefonds ou La Lède du Gurp, dont l’appartenance au Cardial fut méconnue par certains, doit inspirer enfin des révisions déchirantes sur le sens réel des courants primaires de néolithisation clans l’ouest et le nord‑ouest de l’Europe.
1.4.1 Répartition géographique
28La répartition de la Céramique de La Hoguette s’est beaucoup étoffée vers l’est depuis son identification en Alsace, Lorraine et Franche‑Comté par C. Jeunesse. Elle va désormais de la Normandie (où le site éponyme est encore bien isolé) jusqu’au Rhin et même au‑delà, dans le Nördlinger Ries et la Haute‑Franconie. Le vide apparent du Bassin parisien tient sans doute à une lacune de la recherche. La récente découverte de tessons Hoguette en Champagne à Orconte (Marne) fournit désormais un jalon à mi‑distance entre Alsace et Normandie (Tappret, Villes 1988). On peut d’ailleurs s’interroger sur l’attribution de certains ensembles ou tessons isolés à d’autres groupes non‑rubanés, notamment à la Céramique du Limbourg : tessons pointillés de Longpré‑les‑Corps‑Saints, dans la Somme (Constantin 1985 : fig. 70), Cuiry‑lès‑Chaudardes (fosse 357, par exemple, Constantin 1985 : fig. 74) ou Pontavert (Constantin 1985 : fig. 277). Pour autant que les illustrations, même fidèles, n’induisent pas en erreur (d’autant que la céramique est souvent très fragmentée), on peut s’interroger aussi sur certains tessons à décors pointillés et poinçonnés du Bassin parisien et de l’ouest, attribués au groupe (bien hétérogène l) de Cerny. N’a‑t’on pas d’abord attribué à ce même Cerny les vases éponymes de La Hoguette à Fontenay‑le‑Marmion ? De son côté, C. Jeunesse S’interroge également sur certaines céramiques des îles Anglo‑Normandes (Les Fouaillages).
1.4.2 Données chronologiques
29Dans le mobilier du mégalithe de La Hoguette, les tessons qui ont permis d’identifier le style du même nom n’avaient pas de contexte datable. La mise au jour simultanée de céramique du Rubané récent et La Hoguette dans l’abri de Bavans (Doubs) a d’abord fait croire qu’ils étaient contemporains, d’autant qu’on en trouvait aussi clans des fosses d’habitats du Rubané récent d’Alsace (Jeunesse 1987). Puis des tessons Hoguette ont été identifiés dans des contextes plus anciens, fosses d’habitats rubanées de la phase Flomborn en Alsace. La situation était identique à celle de la Céramique du Limbourg rencontrée, elle aussi, avec du Rubané de diverses phases : association primaire, ou matériel résiduel piégé dans des fosses rubanées ? A propos du Limbourg, P.J.R. Modderman a suggéré que sa présence dans des fosses rubanées pouvait s’expliquer par de meilleures conditions de conservation, et n’impliquait pas leur contemporanéité (Modderman 1974). Or, aucun moyen infaillible n’existe pour estimer le temps écoulé entre l’abandon de vestiges archéologiques au sol et leur fossilisation par divers mécanismes : enfouissement dans une fosse postérieure (comme dans les habitats rubanés) ou recouvrement par des matériaux plus récents (comme sous le tumulus mégalithique de La Hoguette).
30Dans les abris de Bavans, les dépôts stratifiés offraient de meilleures conditions d’observation (Aimé, Jeunesse 1986 ; Jeunesse 1987 ; Aimé 1987). La Céramique de La Hoguette, associée à une industrie lithique d’allure mésolithique, occupe seule la moitié inférieure de la c. 5 ; à la partie supérieure apparaissent en outre des tessons du Rubané récent. D’après l’analyse du dégraissant (confirmée par le style du décor), ces tessons pourraient être importés de la plaine d’Alsace, tandis que la céramique Hoguette a certainement été fabriquée sur place. A Bavans, trois dates 14C encadrent le phénomène Hoguette :
– base de la c.5 ; 7130 ± 70 B.P. (Lv 1415) soit 5180 B.C. (6060 à 5960 av. J.‑C.) ;
– milieu de la c.5 ; 6500 ± 100 B.P. (Lv 1588) soit 4550 B.C. (5510 à 5340 av. J.‑C.) ;
– milieu de la c.5 encore ; 6410 ± 95 B.P. (Lv 1590) soit 4460 B.C. (5460 à 5280 av. J.‑C.).
31Ces trois dates seraient trop anciennes pour du Rubané récent d’Alsace ; d’ailleurs, les tessons rubanés n’apparaissent que dans la moitié supérieure de la c.5, selon le fouilleur. Les deux dates équivalentes (6500‑6400 B.P.) du « milieu de la c.5 » dateraient donc la Céramique de La Hoguette. La première, plus ancienne d’un demi‑millénaire, pour « la base de la couche où la céramique est toujours présente » (Aimé, Jeunesse 1986), conférerait au phénomène Hoguette une antériorité certaine sur le Rubané récent d’Alsace présent dans le haut de la c.5, et même sur le plus vieux Rubané occidental. Une telle ancienneté eût paru inacceptable naguère ; on ne peut plus l’écarter sans examen, comme on va le voir : Bien entendu, une série de dates plus étoffée serait la bienvenue. En tout cas, ces trois dates 14C confirment la stratigraphie de Bavans ; elles établissent l’ancienneté de la Céramique de La Hoguette et sa priorité par rapport au Rubané récent, dans une fourchette comprise en gros entre 7000 et 6500/6400 B.P.
32Que se passe‑t‑il après 6400 B.P. ? Des tessons Hoguette sont‑ils vraiment associés au Rubané récent alsacien dans la moitié supérieure de la c.5 ? Sont‑ils plutôt mêlés fortuitement à ce dernier, comme dans les fosses du Rubané moyen ou récent de l’Est français ? Dans le premier cas, la Céramique de La Hoguette persisterait durant la seconde moitié du VIIe millénaire B.P. après les importations rubanées, sans perdre ses caractères spécifiques. Cela voudrait dire que deux types de céramique, bien différents par leur technologie, leur morphologie, leurs décors, ont été fabriqués simultanément par un même groupe humain, ou que deux groupes différents ont pu coexister plusieurs siècles sur le même territoire, en gardant leurs traits distinctifs. Le problème est donc le même que pour la Céramique du Limbourg. Dans la seconde hypothèse, au contraire, la date de 6500/6400 B.P. pourrait être un terminus ante quem pour la Céramique de La Hoguette, probablement antérieure. Seule la fouille de plusieurs sites stratifiés pourra régler ce problème. En tout cas, la stratigraphie de Bavans démontre que l’antériorité au départ revient à La Hoguette, ce que confirment les datations.
33Récemment, en Rhénanie, la Céramique de La Hoguette a été identifiée, mais cette fois avec le Rubané le plus ancien de la phase I qui n’est pas représenté dans notre pays (Lüning et al. 1989). Associée au plus vieux Rubané d’outre‑Rhin, la Céramique de La Hoguette serait donc plus ancienne qu’on ne l’avait supposé, antérieure bien entendu au Rubané récent, mais même au Rubané moyen et ancien de l’Est français (qui n’est qu’un Rubané moyen dans la chronologie centre‑européenne). Deux éventualités se présentent désormais, selon que l’on accepte ou non le caractère primaire des associations Hoguette/ Rubané. Si on l’accepte, il faut accorder à La Hoguette une durée correspondant à la quasi‑totalité du Rubané ; elle se développerait du Rubané ancien d’outre‑Rhin au Rubané moyen d’Alsace et au Rubané récent de l’Est français. Line évolution interne pourrait alors distinguer le groupe oriental –le plus ancien– du groupe occidental. Cette position semble avoir la préférence de C. Jeunesse (1987).
34A l’appui de cette première hypothèse, on invoque une dérive d’est en ouest du style de la Céramique Hoguette. A l’intérieur de ce vaste domaine, des vallées du Rhin et du Neckar jusqu’à la côte normande, quelques différences stylistiques dans le décor céramique signaleraient une différenciation territoriale et/ou chronologique. Le peigne à trois dents, utilisé parfois dans les ensembles Hoguette de l’est de la France, ne serait pas connu en Allemagne, ni la technique du pointillé‑sillonné ; les bandes formées d’un seul passage du peigne domineraient de façon écrasante en Allemagne, alors que les bandes faites de plusieurs passages de peigne sont la majorité en France ; les grosses impressions circulaires ou ovales bordant les bandes au peigne, connues dans l’Est français, la Normandie et le Limbourg belge, manqueraient en Allemagne (Jeunesse 1987). Toutefois, depuis lors, la publication de nouveaux mobiliers d’outre‑Rhin a montré que certains de ces éléments existaient bel et bien, de part et d’autre de l’axe rhénan ; pointillé sillonné (Bruchenbrücken), grosses impressions bordant les bandes au peigne (Bruchenbrücken, Rottenburg‑Hailfingen, Nackenheim). Or, tous ces sites ont connu une occupation du Rubané le plus ancien (Lüning et al. 1989). Une certaine différenciation se manifeste néanmoins, mais elle ne concerne qu’une partie des sites d’Allemagne ; dans la région de Tübingen et du Wurtemberg septentrional, s’observeraient parfois certains des caractères signalés par C. Jeunesse : absence de ponctuations marginales ou faible différence entre bande principale et bande secondaire (Kloos in Lüning et al. 1989). Il faut bien dire que le répertoire céramique disponible est peu étoffé de part et d’autre, et particulièrement maigre pour la zone occidentale, entre Normandie et France de l’est, ce qui ne permet pas une bonne vision d’ensemble. Peut‑on encore accorder une valeur chronologique à ces différences, ou s’agit‑il plutôt de caractères régionaux ? De toute manière, à Bavans, la stratigraphie et les dates 14C suggèrent que les grosses ponctuations marginales et les bandes faites de multiples passages de peigne sont antérieures au Rubané récent.
35Mais on peut aussi envisager une autre éventualité pour la Céramique de La Hoguette, comme certains l’ont suggéré pour celle du Limbourg ; il se pourrait que les tessons Hoguette soient un mobilier résiduel, abandonné dans un vieux sol remanié par des fosses rubanées de diverses époques. Dans ce cas, la périodisation interne du Rubané ne peut pas fonder une chronologie de la Céramique de La Hoguette. La seule indication utilisable est que le mobilier Hoguette est forcément antérieur aux structures qui l’ont piégé. Antérieur de combien ? On n’en sait rien. La situation est la même sur le site éponyme normand, où le Rubané n’a joué aucun rôle. Le seul facteur en jeu est la résistance physique de la Céramique Hoguette aux facteurs de désagrégation. Plusieurs fois, on a remarqué un taux de fragmentation plus élevé et une plus forte usure des tessons Hoguette, comparés à la céramique rubanée des mêmes fosses (Rottenburg‑Hailfingen) ; toutefois, à La Hoguette comme à Dautenheim, certains vases ont pu être presque entièrement reconstitués.
1.4.3 Éléments non céramiques
36Jusqu’ici, en Rhénanie comme dans l’est de la France, le phénomène Hoguette n’est qu’un Keramikum, répertoire céramique d’ailleurs incomplet, réduit pour l’essentiel à des éléments décorés isolés par tri typologique au sein de mobiliers rubanés. Il y manque les autres éléments qui devraient caractériser une culture archéologique. Or, le site de Bavans apporte aussi des renseignements importants sur les industries lithiques associées. Celle qui correspond à la Céramique Hoguette est du groupe des industries à lame(lle)s et trapèzes, à débitage Montbani dominant, naguère attribué en bloc au Mésolithique récent/final. Parmi les armatures, trapèzes symétriques et asymétriques coexistent, dont des trapèzes rectangles (trapèzes de Vielle) à base parfois concave. La technique du microburin est bien attestée. On note des caractères dits « évolués » : retouche semi‑abrupte de la grande troncature (Aimé, Jeunesse 1986 : fig. 2, 44‑45), retouche arrondissant l’angle formé par la grande troncature et la petite base (Aimé, Jeunesse 1986 : 35‑37, 42, 45, 46) ou retouche inverse de la base (Aimé, Jeunesse 1986 : 30). Dans la partie supérieure de la couche existent des fléchettes à base concave, asymétrique, à retouche dorsale envahissante et retouche inverse de la base, et des pointes triangulaires, à retouche denticulée unilatérale1 (« pointes de Bavans »). Lames et lamelles Montbani occupent une place importante.
37La persistance des caractères dominants de cette industrie dans la moitié supérieure de la couche 5 –en particulier sa forte composante microlithique– indiquerait, comme la persistance de Céramique Hoguette dans le haut de la c.5, que l’irruption d’éléments du Rubané récent n’a pas eu localement une influence déterminante. Mais cette fidélité à une tradition locale reste à confirmer en d’autres lieux.
38Par son allure mésolithoïde, sa forte composante microlithique, incluant trapèzes et fléchettes à base concave, ses lames et lamelles Montbani, le lithique de Bavans associé à la céramique Hoguette, rappelle d’autres groupes ou faciès largement répandus dans l’ouest de l’Europe : Aquitaine, Centre‑Ouest et Centre de la France, Bassin parisien, France orientale, Suisse, Belgique ou Allemagne du Sud‑Ouest. Des influences méridionales s’y font sentir de bonne heure, dès le stade récent et final du Mésolithique (Roussot‑Larroque 1977 ; Roussot‑Larroque, Thévenin 1984). Comme le soi‑disant Tardenoisien d’Aquitaine, bon nombre de ces technocomplexes appartiennent en réalité au Néolithique ancien. Dans des régions où dominent les sites de surface, la présence de ces industries peut l’aire suspecter l’existence d’un Néolithique ancien non reconnu. Lorsqu’elles ne se réduisent pas au seul lithique, les données incluent assez souvent des traits qui contredisent l’attribution au Mésolithique : traces de défrichements ou pollens de céréales dans les diagrammes polliniques, indices de domestication dans la faune, éléments néolithiques dans l’outillage lithique, ou présence de céramique indigène.
39Si l’on admet que le lithique de la c.5, partie inférieure, de Bavans est bien celui des fabricants de Céramique de La Hoguette, des conséquences sont à envisager pour l’étude des industries lithiques du Rubané occidental. Chaque fois que la Céramique de La Hoguette apparaît clans une structure rubanée, il y a des chances que s’y trouve aussi du lithique non‑rubané associé à cette céramique, d’autant que la pierre se conserve bien mieux que la poterie... Or jusqu’ici, cette composante inévitable n’a pas été isolée. On a souvent noté que l’industrie lithique du Rubané occidental se distinguait –à des degrés divers– du grand ensemble rubané centre‑européen, ce qui a inspiré diverses hypothèses explicatives. Dans quelle mesure la présence insoupçonnée d’éléments lithiques du vieux Néolithique non‑rubané, piégés comme la Céramique de La Hoguette dans des structures postérieures, n’est‑elle pas responsable de certaines déviations ?
40Outre la céramique et l’industrie lithique (ou du moins un de ses aspects), que sait‑on encore des gens de La Hoguette ? L’occupation de sites marginaux, abris ou grottes (Bavans, Oberlarg, Lutter) n’est qu’un aspect du peuplement ; des sites de plein air (comme le site éponyme) sont connus en plus grand nombre, y compris sur les sols fertiles colonisés plus tard par les Rubanés, mais aussi des sables, des plateaux ou des éperons (Himeling) (Jeunesse 1987). Ces habitats ne comportaient‑ils pas de structures profondes, contrairement à ceux des Rubanés ? Avaient‑ils été érodés avant l’installation de ces derniers ? On ne saurait le dire. L’occupation (saisonnière ?) de grottes et abris dans des zones d’intérêt agricole marginal, comme la structure du technocomplexe lithique (connu uniquement jusqu’ici dans ce type particulier d’habitat) suggèrerait qu’un rôle important était encore dévolu dans l’économie des gens de La Hoguette à des stratégies « sauvages » de subsistance, chasse, pêche, cueillette. Cependant, il est hautement probable que ces potiers connaissaient aussi l’élevage et l’agriculture. La faune de la c.5 de Bavans comprendrait quelques vestiges de Caprinés, chèvre ou mouton (Chaix 1988). L’usage de bale de graminées (probablement céréales) comme dégraissant de certains vases Hoguette d’outre‑Rhin pourrait suggérer une économie déjà agricole, d’où probablement l’occupation des terres loessiques, qui n’étaient d’ailleurs pas les seules cultivables. Il est fort probable aussi que ces vieux Néolithiques construisaient des maisons, sans doute plus légères que celles des Rubanés, et dont on ne sait encore déchiffrer les plans clans les palimpsestes de certains décapages,
1.4.4 La Céramique de La Hoguette : témoin d’une néolithisation antérubanée de l’Ouest européen ?
41Il semble donc que le phénomène Hoguette, clairement non‑rubané, pourrait être au départ antérubané. Les conceptions traditionnelles de la néolithisation de l’Europe, d’est en ouest par voie danubienne, s’en trouvent désormais bouleversées. Avant que le Rubané n’ait atteint les limites occidentales de son expansion, il a pu exister un Néolithique ouest‑européen plus ancien. On en connaît maintenant (au moins en partie) la céramique, celle de La Hoguette et (au moins partiellement aussi) l’industrie lithique, celle de Bavans. Sa présence sur la rive droite du Rhin soulève bien des questions. Depuis combien de temps les gens de La Hoguette occupaient‑ils ces territoires orientaux ? Cela correspond‑il à une expansion momentanée lors de l’apparition du plus vieux Rubané, comme se le demande J. Lüning ? Etaient‑ils déjà là auparavant ? Dans ce cas, leurs traces doivent pouvoir être décelées dans le Mésolithique final des régions concernées (ce qui semble en effet possible). Leur présence a‑t‑elle contrarié l’expansion du Rubané vers l’ouest, ce qui expliquerait qu’on n’ait pas trouvé à ce jour, sur le territoire français, belge ou néerlandais, les phases les plus anciennes du Rubané ? Le verrou n’aurait alors sauté qu’au Rubané moyen (de la terminologie centre‑européenne) en Alsace, Lorraine ou Champagne, et seulement au Rubané récent dans la plupart des autres régions du nord‑ouest. Serait‑ce encore pour cela que le Rubané n’a pas exercé une influence profonde et durable ‑ quoi qu’on en ait dit ‑ clans les régions occidentales du Bassin parisien et les pays d’Ouest, occupés au Néolithique ancien par des groupes culturels où l’influence rubanée, inégalement sensible, n’est en tout cas pas dominante, au point qu’ils semblent appartenir à une autre sphère culturelle.
42On se gardera pourtant de l’aire de ces gens de La Hoguette des Mésolithiques à céramique, comme on l’a proposé pour certains groupes culturels du nord de l’Europe. Ici, les conditions environnementales (climat tempéré, sols à potentialité agricole favorable) sont très différentes de la zone nordique, où se seraient maintenues par force des cultures tardives de chasseurs‑pêcheurs‑collecteurs, avec ou sans céramique. Il est certain désormais qu’en Aquitaine et dans le centre‑ouest de la France où l’on a longtemps cru à l’existence d’un Mésolithique attardé, existe un Néolithique ancien d’obédience méridionale, et qu’il faut retirer au Mésolithique une bonne part des industries lithiques qu’on lui avait attribuées à tort. Nombreux sont, ailleurs en Europe, les exemples montrant qu’on ne doit pas assimiler, a priori, industrie à microlithes et Mésolithique. Tout porte à croire qu’il en est de même dans la zone où se rencontre la Céramique de La Hoguette. L’existence d’un Néolithique ancien non‑rubané, et en grande partie anté‑rubané, dans le domaine continental (Roussot‑Larroque 1977 ; Roussot‑Larroque, Thévenin 1984) et d’un Cardial atlantique dans l’ouest de la France, au moins jusqu’à la Loire, en Anjou et en Touraine, c’est‑à‑dire aux marges sud du Bassin parisien (Roussot‑Larroque et al. 1987) rend vraisemblable une plus large extension du phénomène, qui engloberait une grande partie de l’Europe du nord‑ouest, antérieurement au Rubané.
43Une autre question inévitable se pose : puisque, de l’avis unanime, les gens de La Hoguette ne sont pas des Rubanés, doit‑on les rattacher au Néolithique ancien ouest‑méditerranéen ? On a cherché des liens entre la Céramique de La Hoguette et le Cardial, en particulier le faciès richement décoré du Languedoc occidental, celui de Leucate‑Corrège ou du Levant espagnol (Jeunesse 1987 ; Lüning et al. 1989). A ce propos, C. Jeunesse s’étonne de constater que les ensembles Hoguette de la Normandie et de la France de l’est semblent plus proches du Cardial de Leucate‑Corrège que ceux d’Allemagne. Ces affinités éventuelles (pourtant dans la logique de la géographie) ne s’accordent pas avec la tentative de périodisation suggérée par cet auteur, où les ensembles allemands » représenteraient l’aspect ancien de La Hoguette, alors que les ensembles de l’Est de la France, ainsi probablement que Himeling et Sweikhuizen, relèveraient d’une étape récente ». Dans cette hypothèse, on se trouverait dans une situation tout à fait paradoxale » où « c’est, contrairement à ce à quoi on pouvait s’attendre en bonne logique, dans l’étape récente de la culture dérivée que seraient les plus fortes affinités avec la culture mère » (Jeunesse 1987 : 18). En réalité, on l’a vu, rien ne peut appuyer actuellement cette hypothèse d’un âge plus récent de la Céramique Hoguette de Normandie, de Bavans ou des autres sites de l’Est français. Dans ces conditions, si l’on constatait effectivement des relations plus étroites entre les ensembles occidentaux de La Hoguette et le Cardial, le cas n’aurait rien d’embarrassant. D’autre part, on l’a dit, la récente découverte du Cardial atlantique est venue réduire le vide géographique qui séparait le nord‑ouest de l’Europe du Néolithique ancien méditerranéen ; le poids de l’Ouest dans la néolithisation ne peut plus être ignoré désormais (Roussot‑Larroque 1990).
44La situation semblerait donc plus favorable que jamais pour envisager des relations directes entre la Céramique de La Hoguette et le Cardial. Les problèmes n’en sont pas résolus pour autant. La Céramique de La Hoguette, si elle n’est certainement pas rubanée, ne peut être entièrement assimilée au Cardial méditerranéen ou atlantique. Quelques caractères leur sont communs en effet : décors poinçonnés ou au peigne, bandes frangées d’impressions plus grosses, cordons impressionnés ou bordés d’impressions, bandes formant guirlande (fig. 1, nos 3‑10) ; les fonds coniques sont connus dans le Cardial, surtout dans l’Ouest, les vases ovoïdes à bord rentrant aussi. Même le dégraissant d’os a été utilisé dans le Cardial atlantique (La Lède du Gurp, Courcoury) où l’on connaît aussi des bandes margées de grosses impressions rondes (Courcoury ; Roussot‑Larroque et al. 1987). Cependant, dans la Céramique de La Hoguette manquent des éléments essentiels du Cardial, comme le décor pivotant à la coquille ou au peigne, dont le rôle est important dans l’Ouest. Pour ce qu’on en sait actuellement, le Cardial atlantique, plus proche de La Hoguette au plan géographique, ne semble pas l’être au plan typologique. Une autre difficulté se présente, inverse de celle que soulevait C. Jeunesse en 1987 : à la limite supérieure que lui attribuent les dates de Bavans (les seules dont on dispose actuellement), La Hoguette serait, sans problème, parallèle au gros des dates du Cardial méditerranéen et même à quelques dates du Cardial atlantique. Mais un problème va se poser si on la fait commencer à la charnière VIIIe/VIIe millénaire B.P., comme le suggère la date la plus haute de Bavans (unique pour le moment, c’est vrai). Pour le Cardial, on a proposé quelques dates très anciennes, entre 7000 et 5800 av. J.‑C. ; parfois contestées, elles ne concernent que de rares sites de Provence. En dates calibrées, le gros des dates du Cardial méditerranéen se situe entre 5700 et 5000 av. J.‑C. (4700 av. J.‑C., en intégrant les dates de l’Epicardial). A Leucale‑Corrège, en Languedoc occidental, une date placerait au début du VIIe millénaire B.P. un mobilier céramique cardial présentant de frappantes analogies avec certains tessons Hoguette (6800 ± 90 B.P. MC 788), mais sa relation précise avec la céramique n’est pas entièrement assurée et d’autres dates sont plus récentes pour le même site (Guilaine et al. 1984). Quant au Cardial atlantique, rien pour le moment ne permet de lui attribuer une aussi haute antiquité. La question reste donc en suspens, dans l’attente de nouvelles données chronologiques.

FIG. 1 – Céramiques du Néolithique ancien occidental à décor de bandes pivotantes, à la coquille ou en peigne. 1 Aubechies/Coron Maton (Hainaut occidental, Belgique, d’après Constantin 1985), fosse 2 ; 2‑4 Cueva de Chaves (Haut‑Aragon, Espagne, d’après Baldellou 1981) ; 5 Cueva de la Miranda (Haut‑Aragon, Espagne, d’après Tavares da Silva, Soares 1981) ; 6‑8, 10 Cueva de la Puyascada (Haut‑Aragon, Espagne) ; 9 Cueva del Forcon (Haut‑Aragon, Espagne) ; 11‑12, 14, 20 Salema (Alentejo, Portugal) ; 13, 15 Vale Vistoso (Alentejo, Portugal, d’après Tavares da Silva, Soares 1981) ; 17‑19, 24 Cueva de Nerja (Malaga, Andalousie, Espagne, d’après Pellicer, Acosta 1981) ; 21‑23, 25‑29, 50 Cova Fosca (Castellon, Espagne, d’après Apariclo Perez, San Valero Aparisi 1977) ; 30‑37, 43‑44, 47‑48 Rosmeer Limbourg, Belgique) ; 38 Caberg (Pays‑Bas) ; 39‑41 Geleen « Haesselderved » (Pays‑Bas) ; 42 Cueva de la Sarsa ; 45, 49 Elsloo (Pays‑Bas) ; 46 Cova de l’Or (Beniarres, Alicante, Espagne, d’après Marti Oliver 1977).
45Mais peut‑être ne faut‑il pas s’enfermer dans l’alternative : Rubané ou Cardial ? Le Néolithique ancien du Midi de la France ne se réduit pas au seul Cardial. Le Roucadourien, plus continental, occupe la bordure sud et ouest du Massif central, du Haut‑Languedoc et des Causses à l’Aquitaine et au Limousin. Il diffère du Cardial par bien des aspects, lithique, céramique, industrie de l’os ou stratégies économiques. Ses origines, anciennes, remontent au moins au milieu du VIIIe millénaire B.P., peut‑être même au début de celui‑ci (Arnal 1980, 1989 ; Roussot‑Larroque 1990). Sa poterie appartient au vaste groupe des céramiques impressionnées, mais a peu de rapports directs avec celle du Cardial méditerranéen et atlantique. S’il semble prématuré de lui attribuer une origine totalement indigène, il n’est guère probable, en tout cas, qu’elle dérive du Cardial. Ni épi‑ ni péri‑cardiale, elle diffère du Cardial presque autant que la Céramique de La Hoguette diffère du Rubané. Ces différences demeurent visibles aux frontières du domaine cardial et roucadourien, y compris en Languedoc occidental, où des sites comme Jean‑Cros, Gazel ou Dourgne (Guilaine et al. 1979 ; Guilaine 1986) semblent beaucoup plus proches du Roucadourien que du Cardial. Vers le nord‑est, le Roucadourien s’étend au Limousin et probablement à l’Auvergne ; c’est à lui, ou à des groupes culturels apparentés, qu’il faut peut‑être encore attribuer les tessons grossiers, associés à des industries lithiques mésolithoïdes d’apparence évoluée, de plusieurs sites plus orientaux, comme à Culoz (Ain) ou en Suisse occidentale.
46Une ou plusieurs formes de Néolithique occidental archaïque ont donc existé dans l’Ouest européen, avant que Cardial et Rubané ne s’y implantent durablement. En 1966, décrivant la céramique de Roucadour, J. Arnal évoquait l’Erteböllien pour les fonds coniques et les bords incisés, tout en reconnaissant que le vaste territoire vide entre le Quercy et la mer du Nord ne permettait pas de pousser très loin la comparaison. En 1989, J. Lüning s’interroge à nouveau sur leur éventuelle parenté, au sein d’un vaste ensemble ouest‑européen aux frontières occidentales et septentrionales du Rubané. La Céramique de La Hoguette, qui occupe une partie des territoires intermédiaires, ferait‑elle le lien ? Il convient encore d’être prudent : on connaît très mal le répertoire céramique du Roucadourien, comme celui de La Hoguette. Quelques traits leur sont communs, l’existence d’un dégraissant hétérogène, parfois volumineux, la fragilité des joints de colombins (peut‑être liée au caractère précédent), les formes ovoïdes, les fonds coniques, le décor d’impressions sur le bord... Cependant, la technologie de la Céramique de La Hoguette paraît en général supérieure à celle du Roucadourien. En outre, on ne connaît pas de décors pour les plus anciens vases du sud de la France (Roquemissou, La Poujade, Camprafaud), très rares et fragmentaires d’ailleurs. Quant aux plus récents, leurs décors obéissent à une syntaxe décorative moins élaborée qu’à La Hoguette. Les cordons ondulants, si typiques de ce style céramique, ne sont pas signalés dans le Roucadourien et l’usage du peigne n’y est guère attesté, bien qu’on y connaisse quelques impressions carrées. Ainsi, on ne peut actuellement assimiler Céramique de La Hoguette et Roucadourien. Ils représentent plutôt deux faciès distincts d’un vaste complexe culturel du Néolithique ancien qui doit en comprendre d’autres. Ce complexe s’est formé au nord‑ouest des territoires du Rubané et du Cardial ; de lui, nous ignorons encore presque tout.
47Quoi qu’il en soit, il semble désormais acquis que la néolithisation de l’Ouest européen n’est très probablement pas due aux Rubanés et qu’elle avait déjà commencé avant leur apparition sur le Rhin. Ce vieux Néolithique ancien non‑rubané n’a pas dû disparaître sans traces après le milieu du VIIe millénaire B.P. Aux marges occidentales du domaine danubien, les groupes culturels postérieurs pourraient lui devoir certains de leurs traits distinctifs.
1.5 Voisin irréductible ou précurseur du Rubané ? La Céramique du Limbourg
1.5.1 Données chronologiques et répartition géographique
48Le problème de la Céramique du Limbourg diffère peu de celui de La Hoguette. La seule différence est qu’on n’a pas trouvé à ce jour de Céramique Limbourg dans des fossés du Rubané le plus ancien, mais seulement avec une phase un peu plus récente (phase Flomborn ou phase Ib de la classification de Modderman). Ces associations offrent‑elles un bon repère chronologique ? La co‑présence de tessons rubanés et Limbourg suffit‑elle pour qu’on les croie synchrones et qu’on situe le début du phénomène Limbourg parallèlement au Rubané « ancien » (moyen) du nord‑ouest, soit un peu plus tard que La Hoguette ? L’exemple de La Hoguette, jugée d’abord synchrone du Rubané récent sur la foi de telles associations, doit inciter à la prudence. Même souvent constatée, la présence de céramique non‑rubanée dans un habitat rubané demeure toujours une anomalie ; les critères permettant de distinguer « bonnes » et « mauvaises » associations sont difficiles à établir. Les chiffres cités par C. Constantin (1985) montrent l’inconstance des pourcentages de Céramique du Limbourg selon les sites et les fosses, inconstance qui donne à réfléchir ; un vase Limbourg pour deux vases rubanés décorés à Aubechies, mais un vase Limbourg pour onze vases rubanés décorés à Cuiry‑lès‑Chaudardes. Le taux de fragmentation semble très variable également ; dans certains cas, on relève des vases presque complets (Aubechies, fosse 1 ; Cuiry, fosse 52), dans d’autres, seulement des tessons petits et plus usés que la céramique rubanée (Liège, place St‑Lambert).
49Des dates anormalement hautes ont été signalées, pour des fosses du Rubané récent contenant des vases Limbourg (Aubechies ; Cuiry, fosse 52). Si jamais leur présence s’avérait être la cause de ce vieillissement, cela suggèrerait une relative ancienneté du phénomène Limbourg dans le Hainaut et la vallée de l’Aisne. Il convient toutefois de rester prudent tant qu’on ne dispose pas de milieux clos, ce que les fosses d’habitats ne sont visiblement pas. Ailleurs, dans certains cas, l’antériorité du Limbourg paraît cependant établie. Ainsi, en Belgique, la fouille minutieuse de la fosse 9 de l’habitat rubané de la place Saint‑Lambert à Liège (Otte 1984a et b) « montre clairement que cette céramique [du Limbourg] n’est pas associée à l’occupation danubienne mais qu’elle se trouvait, comme les silex mésolithiques, en surface ou au sein du limon superficiel » (Gob 1984), limon traversé par les fosses rubanées. Sur ce site, d’ailleurs, l’extrême fragmentation et l’absence de remontages pour la Céramique du Limbourg la distinguent nettement de la céramique rubanée (Rousselle 1984).
50L’absence apparente de Céramique du Limbourg dans les habitats du plus vieux Rubané d’outre‑Rhin peut évidemment signifier qu’elle n’existait pas encore à l’époque dans ces régions. Selon une hypothèse d’U. Kloos, la Céramique de La Hoguette disparaîtrait au Rubané ancien (moyen), et serait remplacée par la Céramique du Limbourg (Lüning et al. 1989). C’est pourquoi on ne trouverait pas de Céramique de La Hoguette, mais seulement du Limbourg dans le Rubané récent du Bassin parisien. Cette interprétation n’est pas la seule possible. Peut‑être la Céramique du Limbourg existait‑elle déjà clans l’axe rhénan, mais hors des sites occupés à la phase 1 du Rubané, dans des terroirs différents qui n’intéressaient pas ces premiers Rubanés. Ils n’auraient été colonisés qu’à une phase plus récente et c’est seulement alors qu’auraient eu lieu les premiers contacts du Limbourg et du Rubané. On pourrait donc un jour trouver, dans l’ouest de l’Allemagne, de la Céramique Limbourg, seule et hors de tout contexte rubané (donc difficilement datable), comme ce fut le cas en Hollande à Kesseleyk. Autre possibilité : la Céramique du Limbourg se serait effectivement constituée un peu plus tard, parallèlement au Rubané moyen et récent, mais dans ce cas, il est bien étrange qu’elle n’ait pas été influencée par ce dernier, alors que tous deux auraient occupé à la même époque les mêmes territoires du nord‑ouest. Autre possibilité encore, la Céramique du Limbourg se serait formée hors de ces territoires, c’est‑à‑dire plus à l’ouest, et n’aurait occupé le Limbourg et la rive gauche du Rhin (avec une incursion sur la rive droite, à Bochum‑Hiltrop) que lors d’une expansion plus tardive vers l’est. De fait, sur la carte de répartition (Lüning et al. 1989), le territoire où l’on a signalé de la Céramique du Limbourg paraît quelque peu décalé, vers le nord‑ouest et l’ouest, par rapport à celui du Rubané ancien comme par rapport à celui de La Hoguette. C’est seulement lors de l’expansion du Rubané dans cette direction (à partir de la phase Flomborn ?) que la Céramique du Limbourg serait entrée en contact avec lui. L’association de tessons Limbourg avec du Rubané moyen et récent aurait alors une signification plus géographique que chronologique. Cette association ne daterait pas le début du phénomène Limbourg, mais seulement la prise de contact des Rubanés avec leurs voisins néolithiques de (Ouest.
51Peut‑on observer, dans la Céramique du Limbourg, une différenciation interne qui correspondrait à plusieurs ensembles géographiques et/ou chronologiques ? C. Constantin a tenté une périodisation : en croisant des critères extrinsèques (la chronologie des ensembles rubanés auxquels les vases Limbourg se sont trouvés associés) et des critères intrinsèques (typologie de la céramique Limbourg), il propose la distinction de deux phases. Une phase ancienne, représentée seulement dans le Limbourg belge et néerlandais, comporte des décors en guirlande et en arborescence et des sillons parallèles bordés de barbelures. Une phase récente conserve l’organisation radiale du décor, avec diversification notable des motifs principaux et apparition d’un motif spécifique sous le bord. Cette phase correspondrait à une expansion géographique surtout marquée vers l’Ouest. Elle serait contemporaine de l’apparition du décor au peigne dans le Rubané (Constantin 1985 : 118‑123). Dernièrement, P.‑L. van Berg a effectué une révision critique du corpus de cette céramique (van Berg 1988). Il dénonce le caractère disparate des mobiliers non‑rubanés regroupés sous le nom de Céramique du Limbourg. Certains doivent appartenir en fait au groupe de Blicquy. D’autres n’ont de commun avec le Limbourg que d’être non‑rubanés ; ils ne peuvent être attribués à aucun groupe actuellement défini. D’autre part, au sein de l’ensemble Limbourg, l’auteur distingue deux ensembles, L’un occupe le Hainaut, le Bassin parisien et la Champagne, et se caractérise par un décor de panneaux verticaux séparés par de larges plages vides ; il semble assez homogène. Au contraire, sur la Meuse et le Rhin, « on observe une mosaïque de petites séries de vases dont les décors respectifs sont si différents qu’on n’ose les réunir sous une même appellation ». Cette bipartition pourrait avoir une valeur chronologique : « le groupe de l’ouest et du sud appartient exclusivement au Rubané récent », tandis que les petits groupes rhéno‑mosans « apparaissent aussi bien dans le Rubané ancien que dans le Rubané récent ». Néanmoins, leurs différences sont trop grandes pour qu’on envisage des liens de filiation entre eux (van Berg 1988).
52Cette nouvelle vision du phénomène Limbourg suggère quelques réflexions. Le caractère disparate du corpus réuni sous le terme Limbourg nous semble incontestable. On l’a bien vu lorsqu’il a fallu en extraire certains éléments pour les rattacher à la Céramique de La Hoguette (par exemple à Rosmeer). Dans la série des ex‑Importgruppen de W. Buttler, certains éléments n’ont pas, jusqu’ici, de bons homologues occidentaux. A Cologne‑Lindenthal, en particulier, existent des vases qui n’appartiennent probablement pas à la Céramique du Limbourg. Les tessons pointillés de Longpré‑les‑Corps‑Saints (Constantin 1985 : fig. 70, L) surprennent également. Autre exemple : les vases de Stein « Heideveldweg » (Constantin 1985 ; fig. 97) ; leur profil subcaréné et leur syntaxe décorative détonnent tellement par rapport au reste qu’on devra certainement les détacher de l’ensemble Limbourg. Le contraste est très net avec d’autres céramiques, pourtant géographiquement proches, comme à Geleen « Haesselderveld » ou, plus proche encore, Stein « Keercnderkerweg » dont le profil et le décor ne diffèrent guère de ceux des vases Limbourg du Hainaut ou du Bassin parisien. Par ailleurs, comme le note van Berg, l’attribution de certains vases au Limbourg plutôt qu’au groupe de Blicquy pourrait effectivement se discuter : tel vase à col, à motif en croix de Malte, d’Aubechies, fosse 10 (Constantin 1985 : fig. 86, 10) pourrait être blicquyen, tandis que tel autre, attribué à Blicquy, d’Irchonwelz (fosse 9) pourrait être Limbourg (Constantin 1985 : fig. 123, 21).
53Ceci dit, peut‑on envisager, avec P.‑L. van Berg, une bipartition du domaine de la Céramique du Limbourg ? Nous n’en sommes pas entièrement convaincues. Le décor de panneaux verticaux (ou radiants par rapport au fond) est en effet bien représenté dans le Hainaut et le Bassin parisien, mais point exclusivement ; on y connaît aussi des bandes horizontales hachurées continues (Aubechies, fosse 1) comme à Geleen Station par exemple, ou encore des panneaux de hachures contrariées, accolés sans zone vide intermédiaire (Cuiry‑lès‑Chaudardes, fosse 241) et également des motifs arborescents ininterrompus (Aubechies, fosses 7, 10) comme à Esloo « Haesseldeivcld » ou Stein « Keernderkerweg ». Inversement, dans la zone rhéno‑mosane, des interruptions peuvent scander le décor, par exemple à Caberg (fig. 1, no 38), Geleen « Haesselderveld » (fig. 1, nos 39‑41), Esloo (fig. 1, nos 45, 49) ou Rosmeer (fig. 1, no 47). Tout au plus observe‑t‑on peut‑être, au nord‑est, une tendance à réduire la largeur des bandes blanches entre les panneaux, et à les « habiller » de motifs perpendiculaires (lignes pointillées, triangles hachurés), mais cela se voit aussi parfois dans le Hainaut ou le Bassin parisien. De plus, une majorité de vases Limbourg sont représentés par des tessons trop exigus pour qu’on puisse reconstituer la syntaxe de leur décor. En d’autres termes, s’il convient d’éliminer de cet ensemble des individus (ou classes d’individus) hétérogènes, et si l’on peut envisager certaines différences régionales au sein de la Céramique du Limbourg, une nette division territoriale ne semble pas s’imposer pour le moment. D’autre part, pour les raisons déjà exposées plus haut, le fait que des tessons Limbourg se soient trouvés associés à du Rubané ancien au nord‑est, et à du Rubané récent au sud‑ouest, ne nous paraît pas une indication chronologique assez sûre.
54Il se pourrait en somme que la Céramique du Limbourg, comme celle de La Hoguette, soit apparue au départ dans un vaste territoire où le Rubané n’avait pas encore pénétré, et n’ait rencontré que plus tard ses voisins rubanés. Représente‑t‑elle un stade plus récent de ce Néolithique ancien pré‑rubané de l’Europe du nord‑ouest, comme tendraient à le faire croire ses associations à du Rubané moyen ou récent ? C’est possible, mais rien n’oblige actuellement à le penser. L’occupation simultanée des mêmes territoires par les fabricants non‑rubanés de Céramique du Limbourg et par les Rubanés aurait‑elle pu durer longtemps sans qu’apparaissent des cultures métisses ? Le choc des deux cultures aurait‑il, au contraire, hâté la fin de la moins dynamique des deux, et laquelle ? Autant de questions qui restent actuellement sans réponse.
1.5.2 Céramique du Limbourg et Céramique de La Hoguette
55Sur la carte de répartition apparaît un certain décalage de la céramique Limbourg vers le nord‑ouest et l’ouest, par rapport à La Hoguette. Peut‑on parler d’exclusion territoriale ? Il ne le semble pas : la Céramique de La Hoguette apparaît dans la région du Limbourg (Geleen), l’Est français, la Champagne (Orconte ; Tappret, Villes 1988) et bien sûr la Normandie ; la Céramique du Limbourg a été reconnue de même en Alsace (Rosheim, Wettolsheim ; Jeunesse 1987, s.d), Champagne (Juvigny‑sur‑Marne ; Tappret, Villes 1988), Bassin parisien et même peut‑être sur la Loire moyenne (Marcilly‑Villérable ; Bailloud et al. 1987). Certains sites, d’ailleurs, livrent à la fois des tessons Limbourg et des tessons Hoguette, comme à Wettolsheim (Jeunesse s.d.) ; à Rosmeer, quelques‑uns des tessons attribués au Limbourg évoquent curieusement la Céramique de La Hoguette (fig. 1, nos 30‑32, par exemple). Toutefois, l’absence –pour le moment– de Céramique du Limbourg est notable dans les territoires orientaux de La Hoguette (Wetlerau, vallée du Neckar, région de Tübingen) et en Alsace, les trouvailles sont encore peu abondantes. Plutôt qu’une exclusion territoriale, la carte suggère une moindre extension vers l’est du territoire des gens du Limbourg, mais les vides sont encore tels, sur cette carte de répartition, qu’on ne saurait préjuger des découvertes futures. Tout dépend de la durée du phénomène Hoguette ; si la Céramique de La Hoguette a vraiment accompagné le Rubané jusqu’à sa phase récente et finale, elle s’est nécessairement trouvée synchrone de la Céramique du Limbourg sur une assez longue période (du Rubané moyen au Rubané final). Leurs territoires se recouvrant assez largement, le problème classique de la coexistence éventuelle Rubané/Limbourg devient triangulaire : peut‑on penser que, dans le même temps et sur le même territoire, chacun de ces trois groupes culturels distincts a continué à produire sa céramique particulière ? Leur co‑présence n’est‑elle pas, au contraire, une illusion née de notre perception trop grossière de la chronologie ? Plutôt que de coexister, sur le très vaste territoire concerné, de la Normandie au Rhin, et sur une durée présumée de plusieurs siècles, ces diverses expressions du Néolithique ancien auraient bien pu s’échelonner dans le temps.
56C’est dans ce sens que va l’hypothèse d’U. Kloos (Lüning et al. 1989) ; la Céramique de La Hoguette se terminerait au Rubané ancien, elle serait suivie par celle du Limbourg, qui en dériverait. En effet, entre la Céramique du Limbourg et celle de La Hoguette, des points communs ont été relevés ; joints de colombins parfois défectueux, dégraissant hétérogène, souvent assez gros, pouvant comporter de l’os pilé, cuisson oxydante, bords renflés » en massue », fonds coniques. Quelques traits communs s’observent aussi dans les décors, pourtant assez différents en général : cordons à impressions poinçonnées latérales, sillons horizontaux ou obliques (Bavans, Merxheim « Zapfenloch », Wettolsheim) et parfois épaississement interne sous le bord, comme dans la Céramique de La Hoguette (Kesscleyk, Rosmeer, Bmchenbrücken). Autant les vases Limbourg et Hoguette diffèrent du Rubané, autant on leur reconnaît un certain « air de famille ». Un bon critère, d’ailleurs, c’est qu’on ait d’abord attribué un certain nombre de vases de La Hoguette à la Céramique du Limbourg. Faut‑il donc les regarder comme « deux sœurs jumelles » –selon l’expression de J. Lüning– ou les voir comme deux aspects, peut‑être successifs, d’un même phénomène ? A vrai dire, la définition de ces deux groupes ne repose actuellement que sur un petit nombre de traits jugés pertinents et isolés, par tri typologique, au sein d’ensembles complexes. Ces traits distinctifs ne permettent d’identifier qu’un secteur très restreint du phénomène Limbourg, comme du phénomène Hoguette, laissant subsister un important « bruit de fond ». Tant que l’on ne connaîtra que cet aspect très limité, il ne sera guère possible d’aller plus loin.
57En particulier, on ignore totalement l’industrie Ethique associée à la Céramique du Limbourg ; n’a‑t‑on pas eu tort d’éliminer, sans le publier, le « matériel lithique mésolithique » trouvé avec la céramique de Kesseleyk (Modderman 1974, 1982) sous prétexte que l’association était douteuse ? Dans les ensembles composites, céramique rubanée/Céramique du Limbourg, une composante Limbourg doit certainement exister également dans l’industrie lithique. Comme nous le suggérions plus haut à propos de La Hoguette, la présence d’éléments « déviants » par rapport au lithique rubané classique doit être envisagée sous cet angle. Ce pourrait être le cas, par exemple, pour les microlithes trouvés à Juvigny‑sur‑Marne (Tappret, Villes 1988), ou peut‑être également pour certains outils lourds bifaciaux en silex, appelés « pièces sculptées » en Belgique, et signalés par exemple à Rosmeer. La question pourrait éventuellement s’étendre à d’autres caractères, considérés en général comme des particularismes du Rubané occidental, par exemple l’abondance des armatures, sans comparaison dans la zone centre‑européenne.
58Inversement, la question se pose aussi pour des « éléments anachroniques » qui apparaissent dans des ensembles industriels attribués au Mésolithique récent ou final : outils Ethiques d’allure néolithique tels que fléchettes à base concave, outils polis..., voire tessons de céramique. Leur présence est loin d’y être exceptionnelle. Après élimination de contaminations évidentes, certaines associations demeurent crédibles. Cela semble être le cas, par exemple, du site de Weelde Paardsdrank, dans le nord de la Belgique, non loin de la frontière avec la Hollande. Etabli sur une dune de sable, dans le nord de la Campine, ce site a livré, outre une industrie à trapèzes et lames Montbani attribuée au Mésolithique récent, quelques artefacts qui surprennent dans ce contexte (Huyge, Vermeersch 1982). Tout d’abord des fléchettes asymétriques à base concave dont la typologie et les critères métriques dévient notablement, selon les auteurs, par rapport aux « flèches danubiennes » (Huyge, Vermeersch 1982 : 180). Quelques autres outils « d’affinité néolithique » les accompagnent, ainsi que des tessons de céramique. « Considérant la rareté de ces restes, une réoccupation néolithique du site peut être jugée hautement improbable » (Huyge, Vermeersch 1982). La céramique, non décorée, est à dégraissant hétérogène comportant des éléments végétaux, de la chamotte et du quartz visible à la surface ; une seule forme, en coupe, a été reconstituée. Selon les auteurs, cette céramique ne ressemble ni au Rubané, ni au Rössen, ni aux cultures locales du Néolithique moyen ou final. Deux dates 14C ont été obtenues ; 5710 ± 80 B.P. (Lv‑934) et 6990 ± 135 B.P. (Lv‑959). D’autres cas similaires ont été signalés, par exemple dans certains habitats » mésolithiques » établis sur des dunes littorales aux Pays‑Bas (site S 11‑13 ; Whallon, Price 1976). Ces sites n’ont pas livré jusqu’ici de documents céramiques assez explicites pour que l’on puisse les rattacher à l’une ou l’autre des cultures non‑rubanées (et pré‑rubanées) dont nous suspectons l’existence dans ces territoires. Toutefois, les indices qu’ils fournissent doivent être pris au sérieux, car c’est peut‑être de ce type de sites que l’on pourra enfin obtenir, sur ce vieux Néolithique du nord‑ouest de l’Europe, des informations non dénaturées par les réoccupations postérieures.
59Quant aux autres caractères définissant d’ordinaire les cultures archéologiques, on ne les connaît pas davantage. La trouvaille de tessons Limbourg hors des zones habituellement investies par les Rubanés montre, comme pour La Hoguette, l’occupation (peut‑être temporaire ?) de terroirs variés ; sables, plateaux, ou fonds de vallées parfois inondables comme à Liège (place Saint‑Lambert). Cependant, le fait qu’on les trouve aussi sur les mêmes terres que les habitats rubanés semble indiquer un peuplement assez éclectique, probablement déjà orienté vers des activités agro‑pastorales.
1.5.3 La Céramique du Limbourg et le Néolithique ancien du sud‑ouest de l’Europe
60S’il semble évident que la Céramique du Limbourg est étrangère au Rubané, peut‑on, comme pour La Hoguette, lui chercher des parentés dans le Cardial ou le Néolithique ancien méridional non‑cardial ?
1.5.3.1 La technologie
61La Céramique du Limbourg, d’aspect beaucoup plus grossier que la moyenne des vases décorés du Rubané ou du Cardial méditerranéen, donne des tessons qui s’effritent facilement ; on note un fréquent défaut d’adhérence des colombins, à joints obliques. Dans le Roucadourien, de même, existent des joints de colombins défectueux, qui ne sont pas systématiquement en gouttière, comme l’avance C. Constantin (1985 : 132), mais peuvent aussi être obliques (Le Martinet ; Roussot‑Larroque 1977 : fig. 2, no 3). Les dégraissants apparents, de granulométrie souvent forte, et la cuisson peu poussée rappellent aussi la céramique roucadourienne. Pour cette dernière, en effet, nous ne pouvons suivre C. Constantin lorsqu’il écrit : « La dureté et la cuisson oxydante à cœur sont le témoignage d’une technique bien assurée qui à notre avis n’a rien de primitif » (Constantin 1986 : 131) ; un essai de datation par thermoluminescence de tessons roucadouriens d’Aquitaine n’a pu aboutir, la cuisson n’ayant pas dépassé le point de Curie, soit 450°. Le dégraissant d’os pilé, fréquent dans la Céramique du Limbourg comme dans le BQY/VSG (Constantin 1986), n’a pas jusqu’ici été observé dans le Roucadourien (dont l’échantillon est faible au demeurant), mais il est attesté dans le Cardial de l’Ouest ; constaté par C. Constantin lui‑même pour plusieurs tessons cardiaux de la Lède du Gurp, il est présent aussi dans le même contexte à Courcoury/Les Orgeries, en Charente‑Maritime (Roussot‑Larroque et al. 1986).
1.5.3.2 Les formes et moyens de préhension
Les formes
62Simples, dérivées de la sphère, les formes sont banales pour du Néolithique ancien, avec des vases ouverts et bas, en coupe (Cuiry‑lès‑Chaudardes), comme dans le Cardial (grotte de l’Aigle) y compris en zone atlantique (La Balise) ; ces formes basses figurent aussi dans le Roucadourien. Quant aux bouteilles, elles existent aussi dans le Sud‑ouest et l’ouest de la France.
Les bords
63Les bords légèrement rentrants, appointis, de la Céramique du Limbourg, sont un caractère fréquent dans le Cardial atlantique ; le renforcement interne sous le bord, caractéristique de nombreux vases du Limbourg, est connu dans l’aire méridionale, en particulier dans le Roucadourien ; il connaît une expression extrême clans les cordons internes, parfois imprimés, du Cardial (Châteauneuf‑les‑Martigues) ; le renfort par rabattement de pâte du bord vers l’intérieur (Kesseleyk) a des parallèles dans le Roucadourien (Roucadour, couche C).
Les fonds coniques
64Les fonds coniques (Irchonwelz) existent dans le Roucadourien (Roucadour, La Borie del Rey, Bidart), parfois aussi dans le Cardial et l’Epicardial, en particulier dans la péninsule Ibérique, le sud‑ouest de la France (grotte Gazel) mais aussi dans le Centre‑Ouest (Bourg‑Charente, Charente ; Gomez, Joussaume 1987) ; ils persistent au début du Néolithique moyen dans la phase ancienne du groupe de Roquefort (Roussot‑Larroque 1986). Un certain nombre de ces traits n’ont guère de spécificité, et sont communs à une large part des plus anciennes céramiques. Quant à l’usage de l’os comme dégraissant, commun à la Céramique du Limbourg et à celle de Blicquy‑Villeneuve‑Saint‑Germain mais également rencontré dans d’autres groupes, il n’a sans doute pas une valeur absolue comme discriminant culturel.
1.5.3.3 Les décors
65Les décors présentent aussi des points communs, tant pour les techniques et motifs employés que pour l’organisation de ces éléments (fig. 1).
Les motifs et techniques
66Les perforations avant cuisson en ligne sous le bord (Aubechies) sont connues à Roucadour ou à Combe‑Grèze (La Cresse, Aveyron), autre site roucadourien (Costantini, Maury 1986),
67Les sillons (ou incisions mousses), sont un élément commun non seulement avec l’Epicardial (Montclus) mais déjà avec le Cardial. Ils se groupent en faisceaux de traits verticaux ou obliques sous le bord : Baume Fontbrégoua à Salernes, Var, couche 47 ; grotte Lombard à Saint‑Vallier‑de‑Thicy, Alpes‑Maritimes, couche 5 ; abri 2 des Seguins à Buoux, Vaucluse (Binder, Courtin 1986), Camprafaud, c. 19 (Rodriguez 1981), la Lède du Gurp (inédit, fouilles Roussot‑Larroque), horizontaux (Courthézon ; La Lède du Gurp ; La Balise), ou en séries d’obliquité contrariée, formant des arborescences (Rosheim : Cuiry‑lès‑Chaudardes), thèmes récurrents dans l’aire du Néolithique ancien méridional, bien connus dans les groupes à céramiques incisées du sud‑ouest de l’Europe (région de Valence et Portugal), (fig. 1, nos 23, 27, 29, 42) mais aussi clans le midi de la France (Leucate‑Corrège ; Guilaine et al. 1984 : fig. 21 et 22, P1B10 et P1B56‑11).
68La technique du sillon d’impression (Aubechies, Cologne‑Worringen) est présente dans le Cardial ligure (Arene Candide), en Provence (Caucade) et en Languedoc (Portiragnes) ; en outre, cette technique est employée dans la Céramique du Limbourg pour tracer des chevrons verticaux emboîtés, en panneaux séparés par des zones lisses, rappelant curieusement un décor classique dans le Cardial de chevrons imprimés avec un bord de coquille, d’effet fort proche au demeurant (fig. 1, no 46).
69Les chevrons verticaux ou arêtes de poisson (Menneville ; Aubechies) sont un thème classique de toute l’aire du Néolithique ancien méridional : Ligurie, péninsule Ibérique, Provence, Languedoc (cf. entre autres, Leucate‑Corrège ; Guilaine et al. 1984 : fig. 21, P1B10, ou fig. 32, P1B14), et aussi connu du Roucadourien (Le Martinet) (fig. 1, nos 1 et 2).
70Les bandes hachurées, horizontales, orthogonales ou en V (Aubeclties, Kesseleyk) sont courantes dans le Néolithique ancien du sud‑ouest de l’Europe, de la Corse (Basi) à la Provence (Caucade), au Languedoc (Portiragnes) et à la péninsule Ibérique (Nerja) ; la combinaison de bandes hachurées et de pointillé est présente, entre autres, à Leucate‑Corrège (Guilaine et al. 1984 : fig. 5, PI A9) (fig. 1, nos 15 et 16).
71Les tirets courts en série frangeant des lignes incisées (Berry‑au‑Bac, Pontavert, Cuiry), ont longtemps passé pour typiques de l’Epicardial, comme les sillons verticaux ou horizontaux en faisceaux ; l’un et l’autre figurent en réalité, dès le VIe millénaire B.C., dans le groupe des céramiques incisées du Néolithique ancien du sud‑ouest de l’Europe, de la région Valencienne à l’Andalousie. Dans le Midi de la France, leur position chronologique, traditionnellement récente, est désormais remise en cause (Binder, Courtin, 1986) ; en Provence, le décor de sillons frangés de pointillés ou tirets est attesté dès la première moitié du Ve millénaire en milieu cardial (Fontbrégoua, c. 46 et 47 ; 6700 ± 100 B.P.) ; en Languedoc, il est presque aussi ancien, et associé au décor pivotant à la coquille (Camprafaud, c. 19 ; 6480 ± 130 et 6300 ± 140 B.P. ; Rodriguez 1981) ; il en serait de même à Gazel (Guilaine et al. 1984) et probablement à Leucate‑Corrège. Ce motif est peut‑être l’équivalent des impressions de crochets de coquilles frangeant des empreintes linéaires clans le Cardial classique. Un motif proche du précédent, où les tirets chevauchent la ligne d’appui, en rameau (Aubechies), a été comparé par C. Constantin à certains décors de la grotte Gazel (fig. 1, nos 27, 40, 42, 50).
72Les incisions verticales sommées d’une impression subcirculaire en creux ou d’une pastille (Cuiry‑lès‑Chaudardes), sont un motif connu à Roucadour, couche C, comme dans le Midi méditerranéen.
73Les champs pointillés ou hachurés, souvent triangulaires, cernés d’incisions (Aubechies) sont bien connus dans toute l’aire du Néolithique ancien méridional (Basi, Leucate‑Corrège), y compris dans l’Ouest, par exemple à Bellefonds, sur un vase à triangles juxtaposés, pointe en bas, sous un bord, et remplis d’impressions à la tige creuse (Patte 1971).
74Le décor plastique, impressions au doigt ou à l’ongle, en ligne sous le rebord, cordons parfois associés aux impressions et incisions sur le même vase, en particulier cordons incisés (Cuiry) : ces motifs sont connus du Néolithique ancien méridional, tout spécialement les cordons bordés d’impressions de chaque côté, qui en sont un élément spécifique, tant dans le Cardial (Gazel ; Portiragnes) que dans le Roucadourien (Combe‑Grèze).
L’organisation du décor
75Le décor de la Céramique du Limbourg tend à envahir toute la surface. L’ornementation pariétale s’accroche souvent à un décor soulignant le bord. Ces tendances s’expriment aussi dans faire méridionale.
76La disposition fréquente en panneaux verticaux répétitifs (Champlay, Aubechies) ou bandes rayonnant à partir‑ du fond (Champlay, Aubechies), caractéristique du Limbourg (Constantin et al. 1981 ; Modderman 1982 ; van Berg 1983) est bien connue dans le Cardial, l’Epicardial et, plus largement tout l’ensemble du Néolithique ancien méridional (Ligurie, péninsule Ibérique...), où elle s’interprète, selon les cas, soit en bandes d’impressions de coquilles, soit en faisceaux d’incisions, soit en motifs plastiques (fig. 1, no 46).
77La présence de décor à l’intérieur et à l’extérieur du même vase (Longpré‑les‑Corps‑Saints) est connue aussi dans le Cardial du midi de la France (Escanin), comme dans le Levant espagnol (Cova de l’Or).
78Dans le domaine de l’organisation du décor et des motifs de base, un certain nombre de traits sont communs à la Céramique du Limbourg et au Néolithique ancien méridional. Certains d’entre eux (mais non tous) apparaissent aussi dans quelques groupes septentrionaux, parfois lointains, comme l’Erteböllien, invoqué il y a une vingtaine d’années par Arnal et Shwabedissen à propos du Roucadourien (Arnal 1966 ; Niederlender et al. 1966), ou les céramiques de Finlande et de CEI évoquées par C. Constantin (1985). Pour nous, l’immensité de la zone géographique vide entre les groupes « forestiers » est‑baltiques et l’Europe de l’Ouest, ainsi que d’autres caractères comme les différences dans l’industrie lithique, rendent peu probable l’hypothèse d’une influence s’exerçant du nord vers le sud‑ouest. On notera en revanche que certains de ces traits de la Céramique du Limbourg ont des répondants dans le domaine des groupes atlanto‑méditerranéens de la céramique à impressions, dont le Cardial représente une branche, au même titre que le Roucadourien ou les groupes à céramique incisée et tiretée.
79Il serait cependant préférable d’attendre, pour se prononcer, que des ensembles clos aient pu être isolés, et que le corpus disponible ne se réduise pas à des éléments sélectionnés, triés à partir de critères particuliers (dégraissant d’os, décor). L’absence de céramique non décorée, de mobilier lithique ou osseux, de structures d’habitat propres et, bien entendu, de tout élément de datation, est fait pour inciter à la plus extrême prudence.
1.6 Éléments d’affinité méridionale dans le groupe de Blicquy/ Villeneuve‑Saint‑Germain
1.6.1 La céramique
80Certains traits de la Céramique du Limbourg se retrouvent dans la céramique BQY‑VSG, au niveau de la technique de fabrication (dégraissant d’os, joints de colombins décollés, fonds coniques par épaississement), des éléments du décor (sillons, incisions, impressions) ou de l’organisation de celui‑ci : chevrons verticaux en panneaux (Irchonwelz), bandes hachurées ou croisillonnées, rectilignes ou en chevrons, triangles hachurés ou croisillonnés, champs pointillés, arborescences (Ellignies‑Sainte‑Anne ; Ormeignies/Le Blanc‑Bois). Sur ces sites et quelques autres, l’attribution à l’un ou l’autre groupe culturel n’est d’ailleurs pas toujours exempte de difficulté2. D’autres traits du groupe de BQY/VSG, qui n’apparaissaient pas dans la Céramique du Limbourg, évoquent aussi le Sud‑Ouest, et particulièrement le Cardial, cette fois (fig. 2).

FIG. 2 – Motifs décoratifs et éléments de parure communs au Néolithique ancien de Belgique, du Bassin parisien et du sud‑ouest de l’Europe. 1‑4, 8, 11, 14 Blicquy/Couture de la Chaussée (Hainaut occidental, Belgique, d’après Cahen, van Berg 1980) ; 5‑6, 9 Irchonwelz/La Bonne Fortune (Hainaut occidental, Belgique ; 5 d’après Constantin et al. 1978) fosse 1 ; 7, 12 irchonwelz, fosse 3 (d’après Constantin et al. 1978) ; 13 Villérable/ Les Grands Marais (Loir‑et‑Cher, d’après Bailloud, Cordier 1987) ; 15‑24 Bellefonds (Vienne, d’après les originaux) ; 25 Benon (Charente‑Maritime, d’après les originaux) ; 26‑27, 30 Les Alleuds/Les Pichelots (Maine‑et‑Loire, d’après les originaux) ; 28 Cueva de las Campanas (Gualchos, Granada, Espagne, d’après Da Cunha Serrao 1978) ; 29 Courcoury/Les Orgeries (Charente‑Maritime, d’après les originaux) ; 31 Chérac (Charente‑Maritime, d’après les originaux).
1.6.1.1 Les formes et moyens de préhension
81Les formes ouvertes, les bords légèrement rentrants ou verticaux, les vases à col sont bien connus dans le Néolithique ancien méridional.
82Les bords encochés (Villeneuve‑Saint‑Germain, Villejuif) sont connus du Cardial (Escanin, grotte Lombard, Leucate‑Corrège), et en particulier bien attestés dans l’Ouest (Soulac‑sur‑Mer, Courcotuy, Bellefonds, Les Alleuds, Ligueil ; Roussot‑Larroque et al. 1987) (fig. 3, nos 12, 22‑24, 26‑30) ; les bords aplatis (Ecures) y figurent aussi (La Balise ; Brétignolles‑sur‑Mer).
83Les boutons, simples ou jumelés sont présents de part et d’autre ; l’anse tubulaire souvent verticale (Villeneuve‑Saint‑Germain), a des homologues dans le Sud‑Ouest européen, dans les niveaux à céramique imprimée de Ligurie (c. 25 des Arene Candide), dans la péninsule Ibérique, de l’Andalousie (cueva de Nerja ; Pellicer, Acosta 1981) à la Catalogne et au Haut‑Aragon (grotte de Chaves ; Baldellou 1981) et dans le sud‑ouest de la France, en Languedoc (Leucate‑Corrège) ou en Aquitaine (La Lède du Gurp) (fig. 3, nos 30‑32) ; l’ensellement médian de quelques anses du VSG (Léry, Champigny‑sur‑Marne, Saint‑Moré) apparaît dans les mêmes ensembles, ainsi qu’à Bellefonds.

FIG. 3 – Motifs décoratifs communs au Néolithique ancien de Belgique, du Bassin parisien et du sud‑ouest de l’Europe. 1, 5, 11 Irchonwelz/La Bonne Fortune (Hainaut occidental, Belgique, d’après Constantin et al. 1978) fosse 3 ; 2‑4, 7, 15 Blicquy/Couture de la Chaussée (Hainaut occidental, Belgique, d’après Cahen, van Berg 1980) ; 6, 8‑10 Villérable/Les Marais (Loir‑et‑Cher, d’après Bailloud, Cordier 1987) ; 12, 16 Salema (Alentejo, Espagne, d’après Tavares da Silva, Soares 1981) ; 13 Vale Pincel (Alentejo, Portugal) ; 14 Cova Fosca (Castellon, Espagne, d’après Aparicio Perez, San Valero Aparisi 1977) ; 18‑19 Irchonwelz/La Bonne Fortune (Hainaut occidental, Belgique, d’après Constantin et al. 1978) fosse 2 ; 20 Villérable/Les Grands Marais (Loir‑et‑Cher, d’après Bailloud, Cordier 1987) ; 21 Cova de la Sarsa (Bocairente, Alcoy, Espagne, d’après San Valero Aparisi 1950) ; 22 Cueva de la Puyascada (Haut‑Aragon, Espagne, d’après Baldellou 1981) ; 23‑27 Cueva del Forcon (Haut‑Aragon, Espagne, d’après Baldellou 1981) ; 28 Les Alleuds/Les Pichelots (Maine‑et‑Loire, d’après Roussot‑Larroque et al. 1987) ; 29 Marcilly‑Villérable/ Les Grands Marais (Loir‑et‑Cher, d’après Bailloud, Cordier 1987) ; 30 Villeneuve‑Saint‑Germain/Les Grandes Grèves (Aisne, d’après Constantin 1985) ; 31 Cueva de Chaves (Hautragon, Espagne, d’après Baldellou 1981) ; 32 Grayan‑et‑l’Hôpital/La Lède du Gurp Gironde, d’après Roussot‑Larroque et al. 1987) ; 33‑34 Soulac‑sur‑Mer/La Balise d’après les originaux) ; 35 Huisseau‑en‑Beauce/Martigny (Loir‑et‑Cher).
84La symétrie ternaire des moyens de préhension, souvent considérée comme spécifique des groupes « danubiens », est en réalité connue dans toute l’aire du Néolithique ancien méridional, au Portugal (Cartaxo ; Guilaine, da Veiga Ferreira 1970), en Provence (abri 3 de Saint‑Mitre à Reillane, Alpes‑de‑Haute‑Provence), vers 4000 B.C., ou dans le sud‑ouest et l’ouest de la France : bouteilles du Mas de la Fineau, dans le Lot (Clottes 1979) ou de la grotte du Quéroy à Chazelles, en Charente (Gotnez, Joussaume 1986). Sa présence dans le sud‑ouest de la Bretagne (région de Carnac), le Bassin parisien ou la Belgique ne saurait donc, à elle seule, signer l’appartenance des vases concernés au domaine danubien.
1.6.1.2 Les décors
Motifs et techniques
85L’impression pivotante avec une matrice dentée peut donner des effets étonnamment semblables à ceux du Cardial. L’examen à la loupe et les macrophotographies suggèrent d’ailleurs que, dans certains cas, des coquilles ont pu être utilisées, en particulier à Irchonwelz/La Bonne Fortune, et à Blicquy (fig. 2 : nos 1‑31). Des décors très variés peuvent être faits avec des coquilles d’espèces et de tailles diverses, plus ou moins profondément crantées, voire des segments de coquilles comme à Bellefonds ; on peut obtenir des empreintes courbes ou subrectilignes, aux dents plus ou moins séparées, anguleuses ou non. L’usage de coquilles de Cardium ou de Pectunculus (dont le nom latin signifie d’ailleurs « petit peigne ») peut imiter à s’y méprendre l’impression du peigne. Parfois aussi l’usage de coquilles petites ou usées, donc peu dentées, a pu être méconnu ; ainsi a‑t‑on décrit les tessons à la coquille de La Lède du Gurp comme » réalisés par impressions basculantes à l’aide d’un instrument sans dent » (Constantin 1985 : 247). Seuls un examen minutieux à la loupe –si possible aidé de macrophotographies dans les cas litigieux– et surtout l’expérimentation, permettent un diagnostic fiable. Par ailleurs, nous l’avons souligné, le Cardial a utilisé aussi des peignes, parfois courbes. Tl est possible que certains des groupes les plus continentaux du Cardial aient utilisé plus souvent le peigne ; ce serait peut‑être le cas de certains sites d’Ardèche septentrionale (grotte Saint‑Marcel à Bidon) ou du Vaucluse.
86Dans le groupe de Blicquy, les impressions, d’ordinaire petites et assez serrées, produisent des bandes non marginées, horizontales, obliques, verticales, se croisant à angle droit ou aigu. Dans le groupe de Villeneuve‑Saint‑Germain, l’impression basculante est également présente, en particulier à Pontpoint, Longueil‑Sainte‑Marie, ou encore sur le site éponyme et dans l’Yonne (Villes 1982), ainsi que dans la Loire moyenne, à Villérable/Les Marais (Bailloud, Cordier 1987 : fig. 15 ; d’après la photographie publiée, ce décor pourrait aussi bien avoir été fait à la coquille). On l’a noté plus haut, le décor pivotant à la coquille, en bandes non marginées, paraît plus fréquent dans le Cardial de l’Ouest que dans celui du Midi. Ce point commun avec les groupes VSG/BQY confirmerait leurs liens préférentiels.
87L’impression non pivotante avec une matrice dentée, aux dents parfois mal séparées (peut‑être encore à la coquille dans certains cas ?) est connue dans le groupe de Blicquy, par exemple à Ellignies‑Sainte‑Anne (Constantin 1986 : fig. 292, 3). Ces impressions ont de curieux homologues clans le Néolithique ancien de la péninsule Ibérique et du Languedoc (Leucate‑Corrège) (fig. 3, no 12).
88La technique du sillon d’impression est également commune au Néolithique ancien méridional et au BQY/VSG.
89« L’impression superficielle à l’aide d’un objet non identifié (peigne déformable) » de certains vases blicquyens a des parallèles dans les motifs « peignés » du Cardial, obtenus au peigne dur ou souple, ou avec le dos d’une coquille traînée à la surface du vase (comparer par exemple Ellignies‑Sainte‑Anne ; Constantin 1985 : fig. 292, 3, et Leucate‑Corrège, fig. 25, P1B44‑45 ou fig. 29, P1B67/P2B68, entre autres).
90L’impression à la spatule est très utilisée dans le Néolithique ancien méridional (Camprafaud, couche 19 ; Roucadour).
91L’impression poinçonnée, souvent à gros poinçon, est courante dans tout le domaine cardial (Basi, Camprafaud, couche 19, Leucate, etc.), y compris en zone atlantique.
92L’impression à la tige creuse (Saint‑Moré) est connue dans le Cardial méridional (Fontbrégoua, Saint‑Vallier‑de‑Thiey, Leucate‑Corrège, Gazel), comme au Portugal, ainsi que dans le Roucaclourien (Roucadour c. C) et dans le Cardial de l’Ouest (Bellefonds).
93Les fines impressions curvilignes, courtes, non dentées (à l’ongle ?), en lignes verticales (Pontpoint/Le Joncoy ; Villérable/Marcilly) ont des comparaisons dans le Midi, et dans le Sud‑Ouest (La Lède du Gurp, La Roque St‑Christophe ?).
94Les décors plastiques sous le bord, impressions digito‑unguéales ou pincements, et cordons, largement répandus, sont peu spécifiques, mais ont tous des équivalents en zone méridionale (fig. 1, no 46) ; les boutons appliqués à la partie supérieure (Champigny‑sur‑Mame) et les boutons déprimés au centre (Ellignies‑Sainte‑Anne, Blangy‑sur‑Bresle, Champigny) sont bien connus dans l’aire méridionale, de la péninsule Ibérique (la Sarsa) au Languedoc (Leucate‑Corrège) et à l’ouest (Bellefonds).
95La gravure à sec, parfois utilisée dans le groupe BQY/VSG, apparaît dès le Néolithique ancien dans l’aire méridionale, entre autres de l’Italie du sud‑ouest à la Ligurie (Arene Candide, niveau « pré‑bouches carrées », placé par plusieurs dates 14C entre 4320 et 4020 ± 100 B.C, ; Maggi 1977). On l’a peu signalée en France dans ces contextes, où elle apparaît pourtant (grotte 2 de Saint‑Benoît, Alpes de Haute‑Provence ; Binder, Courtin 1986 ; grotte du Taï à Remoulins, Gard ; Leucate‑Corrège, Aude ; Guilaine et al. 1984),
L’organisation du décor
96Elle présente également de bien curieuses analogies. La disposition du décor en bandes orthogonales, tantôt à partir d’une ligne d’appui horizontale, tantôt en bandes verticales partant directement du bord, et éventuellement recoupées plus bas par une bande horizontale, inexactement dénommée « décor en T » (Constantin 1985 ; Lichardus‑Itten 1986) est familière au Néolithique ancien méridional ; connue non seulement de l’Epicardial, mais déjà du Cardial méditerranéen (Fontbrégoua, Leucate‑Corrège), elle est bien attestée aussi dans l’Ouest pour les vases décorés à la coquille : en Charente‑Maritime à Courcoury (fig. 2, no 29) et à Chérac (fig. 2, no 31), en Vendée à la Tranche‑sur‑Mer, dans la Vienne à Bellefonds (fig. 2, nos 15‑24), en Maine‑et‑Loire aux Alleuds (fig. 2, nos 26‑27, 30). Dans le groupe de Blicquy, à Ellignies‑Sainte‑Anne, cette disposition orthogonale, reproduite en impression pivotante, donne un effet étonnamment proche de ces vases cardiaux de la zone ouest (Constantin 1985 : fig. 140, 2). Un autre tesson du même site, décoré de bandes verticales d’impressions pivotantes rapprochées, rappelle un fragment de Benon (Charente‑Maritime) (fig. 2, no 25) ; il en est de même pour un tesson de Villeneuve‑Saint‑Germain (Constantin 1985 : fig. 215, 139) ou pour celui de Villerable/Les Marais, déjà signalé plus haut. Cette disposition se reproduit, toujours en zone atlantique, sur les grands vases à décor de pincements (Lède du Gurp, La Tranche‑sur‑Mer, Bellefonds). C’est donc de ce côté que pourrait se trouver l’origine des décors orthogonaux si fréquents sur les vases de Blicquy et Villeneuve‑Saint‑Germain, plutôt que dans « l’Epicardial languedocien » comme le propose M. Lichardus‑Itten (1986). En effet, ce dernier groupe culturel n’est, pour l’heure, pas connu clans le Centre‑Ouest ni dans les Pays‑de‑la‑Loire.
97On trouve aussi des bandes horizontales superposées (Blicquy) (fig. 2, no 8) ou de simples bandes subverticales d’impressions pivotantes à la partie supérieure des vases, bandes parfois fragmentées en courts segments (Aubechies/Coron Maton, Blicquy) (fig. 2, no 4) comme sur certains vases du Cardial de l’Ouest (Bellefonds) (fig. 2, no 15).
98La disposition en croix ou en X de bandes décorées, centrée sur une anse (Blicquy, Ormeignies/Le Blanc Bois, Irchonwelz) est connue dans le Cardial (Fontbrégoua ; Bincler, Courtin 1986 : fig. 1, 3).
99Les cordons en V ou en patte d’oie, tendus entre bord et moyen de préhension, sont connus dans le BQY (Aubechies/Coron Maton ; Ormeignies/Blanc Bois) ou le VSG, où ce décor « en écusson » ou « skeuomorphe » est particulièrement bien représenté sur le pourtour méridional du Bassin parisien, y compris l’Yonne ; on le retrouve aussi sur les marges occidentales de la région, dans la Loire moyenne (Villes 1982). On a rapproché ce motif de décors classiques du Cardial (Berthouin, Villes 1980) en soulignant sa présence très loin vers le Sud‑Est, en Côte‑d’Or (Charigny). Les analogies sont particulièrement marquantes lorsque la partie supérieure du vase porte des cordons en réseau, associés à des pastilles appliquées « en grappe de raisin » (Larzicourt, Marne), ou des impressions digitales (Vinneuf, Yonneq Berthouin, Villes 1980).
100Les triangles incisés juxtaposés, pointe en haut, en ligne horizontale sous le bord d’un vase de Marcilly‑Villérable (Bailloud, Cordier 1987 : fig. 20, no 1) évoquent ceux d’un vase de la grotte Gazel (Guilaine 1986 : fig. 1). Ce motif existe dans le Cardial (fig. 1, no 42), parfois exécuté à la coquille (Cova de l’Or).
101Les guirlandes (Blicquy ; Aubechies/Coron‑Maton) et les soleils (Ormeignies‑Blicquy/ La Petite Rosière ; Ellignies‑Sainte‑Anne ; Cuiry‑lès‑Chaudardes/ Les Fontinettes), en impressions basculantes, sont des motifs privilégiés du Néolithique ancien méridional qui figure des soleils à la coquille ou à l’aide d’éléments plastiques (Basi ; Grande Baume de Géménos ; la Cariguela dcl Pinar, La Sarsa, etc., Montjardin s.d.) ; on en connaît aussi au poinçon.
102Les chevrons verticaux, en bandeau horizontal sous le bord, ou en panneaux verticaux, cernés ou non d’incisions, sont un motif courant dans le groupe de Blicquy‑Villeneuve‑Saint‑Germain comme dans le Néolithique ancien méridional, Cardial ou Roucadourien dans le Midi de la France, Cardial ou groupes à céramiques incisées dans la péninsule Ibérique (fig. 3, nos 1‑16, 30).
103Les « franges » de trois tirets qui terminent les bandes verticales d’impressions d’un vase d’Irchonwelz sont un motif bien connu dans le Cardial méridional.
104Les boutons sur le bord, isolés ou en couronne (Ellignies‑Sainte‑Anne), sont connus aussi dans l’Ouest (Bellefonds), comme les boutons juxtaposés, par deux ou trois (Ellignies‑Sainte‑Anne), présents aussi à Leucate‑Corrège, à Bellefonds sur une grande bouteille, ou à la Balise (Soulac‑sur‑Mer, Gironde) sur une forme ouverte.
105La bande horizontale d’impressions au doigt ou à la spatule sous le bord, sur un ou plusieurs rangs (Ellignies‑Sainte‑Anne, Misy‑sur‑Yonne), est courante dans le Cardial (grotte de l’Aigle), y compris dans l’Ouest (La Lède du Gurp, la Balise, Bellefonds).
1.6.2 L’industrie de l’os et du bois de Cerf
106Elle est encore peu connue ; on remarque à Anneau une « hache » en bois de Cerf, type présent aussi à Bellefonds. Un équivalent en os provient de la couche C de Roucadour.
1.7 L’industrie lithique
107Le débitage par pression est utilisé pour l’obtention de lames ; cette technique, qui individualise le lithique BQY/VSG par rapport à celui du Rubané (van Berg et al. 1982), est également connue dans l’aire méridionale, dans le Roucadourien et parfois aussi dans le Cardial stricto sensu, non seulement dans la péninsule Ibérique (Cova de l’Or), mais parfois peut‑être aussi dans le sud de la France (Roussot‑Larroque 1986). La taille produit aussi de gros éclats, supports d’une partie de l’outillage commun.
108L’outillage sur lame (burins de types divers, sur cassure, sur troncature ou dièdres) est abondant (Ecures ; Villes 1982).
109Pour l’outillage sur éclat, l’abondance des grattoirs contraste avec leur rareté dans le Rubané.
110L’outillage bifacial en silex, pratiquement inconnu du Rubané, apparaît, généralement en faible pourcentage, en contexte BQY/VSG, avec en particulier des tranchets (Blicquy, Irchonwelz, Cuiry‑lès‑Chaudardes, Cys‑la‑Commune/Les Longues Raies). Comme nous l’avons signalé antérieurement (Roussot‑Larroque, Thévenin 1984), cet outillage bifacial est connu du Néolithique ancien méridional (Passo di Corvo), y compris dans le Roucadourien (Le Martinet, Combe‑Grèze), qui possède aussi des pics. On aimerait savoir si la céramique VSG du Campigny à Blangy‑sur‑Bresle (Seine‑Maritime) est effectivement associée à l’industrie lithique « campignienne » de ce site éponyme. Cet outillage bifacial en silex taillé est peut‑être employé aux fonctions que remplissent ailleurs les herminettes et haches polies.
111L’absence d’outillage poli dans le BQY/VSG peut être rapprochée de son absence ou de sa grande rareté dans certains groupes du Néolithique ancien méridional, comme le Roucadourien. On rappelera, inversement, une herminette plate, à section bien asymétrique, du Cardial de la Cova de l’Or.
112Parmi les armatures, existent des triangles ou trapèzes asymétriques, parfois à petite base fortement concave, portant souvent une retouche inverse plate. Selon D. Cahen, la technique du microburin est attestée dans le Blicquyien. Quelques flèches tranchantes apparaissent aussi en contextes Blicquy (Irchonwelz) et VSG (Anneau, Menneville, Pontpoint, Villeneuve‑Saint‑Germain). Pour ce type, les auteurs admettraient une possible influence méridionale, mais de toute façon, contrairement à une opinion répandue, la flèche tranchante n’est pas l’armature exclusive du Néolithique ancien méridional. Des armatures perçantes asymétriques, pointes, triangles ou trapèzes, existent dans certains groupes du Néolithique ancien méridional en Languedoc occidental (Gazel, Dourgne) et en zone atlantique (Roucadourien de la Borie ciel Rey, du Martinet et de Combe‑Grèze), tout comme dans certains groupes cardiaux du Sud‑Ouest (Cova de l’Or), et de la côte atlantique ou du Poitou (Pointe de Sonchamp de Bellefonds ; La Lède de Gurp).
1.7.1 Bracelets en pierre
113En 1964, G. Bailloud attribuait les anneaux de schiste au Rubané récent du Bassin parisien, en leur donnant une « signification tardive ». En 1976, le même auteur les situait « dans un horizon chronologique déjà postérieur au Rubané classique », tandis que d’autres (Demarez et al. 1977) doutaient déjà de leur association au Rubané stricto sensu. Plus récemment, C. Constantin conclut que « l’absence d’anneaux en schiste en contexte Rubané récent du Bassin parisien est certaine » et que « l’attribution des anneaux en schiste au groupe de Villeneuve‑Saint‑Germain ne peut faire de doute » (Constantin 1986 : 236) ; il en est de même pour le groupe de Blicquy. En outre, l’analyse morphométrique de plus de cinquante de ces anneaux permet à Constantin d’établir la présence, dans le groupe VSG, de 20 % d’anneaux de schiste plus larges et plats, appartenant, de l’avis de l’auteur, à la catégorie des anneaux‑disques (Constantin 1986 : 234). Par ailleurs, l’association dans une même couche, à Villeneuve‑la‑Guyard (Yonne), de bracelets de schiste et d’un anneau‑disque en roche verte « dans un niveau culturel immédiatement post‑rubané » (c’est‑à‑dire dans le groupe de Villeneuve‑Saint‑Germain) a incité C. Mordant (1980) à considérer les deux types comme contemporains. Malgré les doutes exprimés par Constantin (Constantin 1986 : 240‑241), cette association semble pouvoir être retenue.
114L’abondance des anneaux de schiste dans le sud‑ouest du Bassin parisien, et jusqu’en Armorique et en Auvergne, a été remarquée depuis longtemps. Pour le sud‑ouest du Bassin parisien et les Pays de la Loire, des travaux récents sont venus apporter de nouveaux éléments. Aux inventaires de Villes (1980) et de Constantin (1986), énumérant plus de 50 points de trouvailles liés au groupe de Villeneuve‑Saint‑Germain, est venu s’ajouter celui de Bailloud et Cordier (1987) qui apporte une masse de documents inédits ou méconnus3. Ce recensement très complet souligne la densité des trouvailles dans le sud‑ouest du bassin de la Seine et la Loire moyenne, avec deux prolongements vers l’Ouest : l’un, dans la Sarthe, pourrait faire le lien avec l’Armorique, l’autre, au sud‑ouest de la Loire, dans le Saumurois, la Touraine et le nord du Poitou, nous concerne particulièrement ici, puisqu’il recouvre une zone où l’on connaît désormais la présence du Cardial. Nous aurons à y revenir. Cette carte de répartition des anneaux de schiste dans le sud‑ouest du Bassin parisien et les Pays de la Loire vient compléter heureusement la carte des bracelets de pierre récemment publiée par M. Zapotocka (1984), carte qui couvre l’Europe centrale et l’Italie du Nord, mais ne prend malheureusement en considération que la moitié orientale de la France. Bien qu’incomplète, cette carte met pourtant en évidence des groupes distincts à la fois par les matières premières choisies et par la répartition géographique. Elle isole clairement deux ensembles. D’une part le groupe centre‑européen des bracelets massifs en marbre, bien centré sur la Bohême et la région de la Saale ; il est lié à la Céramique pointillée récente et finale en Bohême, et à la culture de Rössen en Allemagne. Entre ces trouvailles et la vallée du Rhin existe un large espace vide de trouvailles, cette mode ne semblant pas avoir touché l’ouest de l’Allemagne. D’autre part le groupe méditerranéen, qui paraît beaucoup plus hétérogène, tant par les matières premières utilisées (marbre, ou calcaire cristallisé, serpentine, jadéite, grès...) que par la variété des formes et sections ; ces variétés recouvrent, à vrai dire, une longue durée d’utilisation, du Néolithique ancien au Chalcolithique dans le Midi de la France (Courtin, Gutherz 1986). Comme nous l’avons déjà souligné (Roussot‑Larroque, Thévenin 1984), le Néolithique ancien méridional affectionne les bracelets de pierre. Cette mode méditerranéenne est suivie dans le groupe italien de Fiorano et le Néolithique ancien ligure ; le typé à rainures longitudinales y est rare mais non inconnu (Tanda 1977). Dans la péninsule Ibérique qui, pour certains, en serait le lieu d’origine, ils connaissent un beau développement (grottes de la Carigüela del Pinar, de Nerja, de la Sarsa, Cova de l’Or). A la Carigüela, les bracelets de schiste apparaissent dans le niveau 14, à céramique décorée à la coquille ou incisée, imprimée et pointillée et à motifs de chevrons, dont J. Guilaine souligne la ressemblance avec celle de la grotte Gazel. Le type rainuré y est bien représenté (grotte des Murcielagos de Zuhero, en contexte daté de 4300 à 4200 B.C.).
115Le répertoire des bracelets du Cardial provençal, comme celui de l’Italie, est moins riche. En Provence, ils sont plutôt en calcaires locaux, mais parfois aussi en roches vertes, serpentine et autres (Fontbrégoua, Courthézon : Courtin, Gutherz 1986). Des découvertes récentes en Languedoc occidental étendraient vers le sud‑ouest la répartition de ces bracelets. Par ailleurs, des bracelets de calcaire existent aussi dans le Bassin parisien : tombes de Cys‑la‑Commune, Jablines, Vert‑la‑Gravelle, dont l’attribution au VSG est envisagée par C. Constantin (1986). Enfin le groupe ouest‑européen des bracelets de schiste constitue un ensemble distinct du groupe oriental. L’utilisation du schiste pour la fabrication des bracelets ne dépasse pratiquement pas vers l’est le cours du Rhin. Deux sous‑groupes se distinguent : celui des anneaux irréguliers, de type alsacien, et celui des anneaux réguliers, de type occidental. Le premier est centré sur l’Alsace, avec une faible extension en direction de la Porte de Bourgogne, où il se trouve en contact avec les anneaux de schiste réguliers du type occidental. La répartition de ces derniers englobe l’ouest de la Belgique, le Bassin parisien et ses marges méridionales, et les pays d’Ouest, de part et d’autre de la Loire.
116Les limites orientales de la répartition de ce type paraissent assez nettes ; quelques exemplaires seulement sont parvenus jusque dans l’est de la France. Leur présence est sans doute à rapprocher de la découverte, clans certains sites de cette région, de céramique assez déviante par rapport au Rubané linéaire classique, et pour laquelle certains évoquent le VSG, Vers le sud‑ouest, en revanche, les limites de ce domaine demeurent indistinctes. Dans le centre et l’ouest de la France, en Auvergne, Bretagne, Touraine, en particulier, les inventaires soulignaient, dès le début du siècle, l’abondance des découvertes de bracelets en roches diverses, grises ou vertes, souvent hors contexte malheureusement. Les nombreux bracelets de pierre de l’Auvergne, dont certains proviendraient de sépultures (Corent, Puy‑de‑Dôme, par exemple), occupent une zone intermédiaire entre l’aire méridionale et les marges sud‑ouest du Bassin parisien. Vers le sud‑ouest, les récents inventaires de Bailloud et Cordier (1987) et de Gaillard et al. (1984) montrent la notable extension de ces trouvailles clans les Pays de la Loire, le Poitou et la Saintonge. L’Aquitaine n’est pas dépourvue de trouvailles analogues, du nord Médoc (Saint‑Seurin‑de‑Cadourne) au sud‑ouest de l’Agenais (Verteuil d’Agenais) et même aux Pyrénées‑Atlantiques.
117Une découverte récente éclaire le contexte de ces bracelets. Aux Pichelots (Les Alleuds, Maine‑et‑Loire), les fouilles du Dr. M. Gruet ont livré un fragment de bracelet de schiste (un petit fragment de serpentine pourrait provenir d’un second bracelet) dans une fosse contenant de la céramique cardiale. Le fragment de bracelet et le noyau (résidu de fabrication) en schiste recueillis par A. Villes aux Sables de Mareuil à Ligueil (Indre‑et‑Loire) sont probablement en relation, eux aussi, avec les tessons cardiaux, de ce site (Roussot‑Larroque et al. 1987). On peut désormais s’interroger sur l’attribution à des groupes « danubiens » de la sépulture de Germignac (Charente‑Maritime), qui a livré deux bracelets de pierre et des perles en test de cardium (Gaillard et al. 1984). Ces faits jettent un jour nouveau sur les abondantes séries de bracelets de pierre des Pays de la Loire : elles fournissent des jalons supplémentaires unissant l’aire du Cardial atlanto‑méditerranéen aux régions septentrionales, Bassin parisien, nord de la France, Belgique. Le rattachement de ces bracelets de pierre à un domaine rubané « ou « post‑rubané » est loin d’être établi. Même si tous n’appartiennent pas au Néolithique ancien, il est fort probable que bon nombre d’entre eux s’y rattachent, comblant le hiatus entre le sud‑ouest et l’ouest de la France d’une part et l’aire des groupes BQY/VSG d’autre part.
118Au terme d’une revue forcément trop rapide, les points communs, loin de se réduire à un ou deux éléments isolés, apparaissent trop nombreux pour qu’on puisse les écarter, au moment même où les découvertes se multiplient et que la géographie, comme la chronologie, rendent non seulement possibles, mais inévitables, ces contacts et influences du sud‑ouest vers le nord. Parler de contacts et d’influences n’est pas assimiler, purement et simplement, au Néolithique ancien du sud‑ouest, les groupes de Blicquy et Villeneuve‑Saint‑Germain naguère attribués au Danubien. On n’a pas jugé nécessaire ici d’insister sur les différences, celles‑ci ayant été maintes fois soulignées, parfois de manière un peu trop rapide et définitive, comme la suite des découvertes l’a bien fait voir.
119Il devenait en revanche urgent de souligner des points de contacts trop rapidement écartés jusqu’ici, ou laissés dans l’ombre, ou encore évoqués seulement de manière vague. Nous n’entendons pas proposer un modèle de « colonisation » du nord‑ouest par des groupes humains venus du Midi, sur le modèle classique de la colonisation rubanée. En effet, lorsqu’il nous apparaît, le Néolithique ancien méridional (terme que nous proposons de substituer à celui du Néolithique ancien méditerranéen, trop déterminé), est formé de groupes déjà individualisés sur le plan régional. Les acquis récents de la recherche, dans les pays d’Ouest comme dans le Midi, tendent à fractionner le « bloc cardial ». Il faudra bien, tôt ou tard, le resituer dans la grande famille des céramiques impressionnées, famille aux multiples visages. On dirait que, dans un vaste pool de techniques, de thèmes décoratifs, sans doute aussi de modèles économiques, les uns et les autres ont opéré des choix qui les distinguent entre eux, et les individualisent par rapport aux autres groupes du sud‑ouest de l’Europe, bien qu’ils conservent bon nombre de traits communs reconnaissables.
1.8 Questions de chronologie
1.8.1 Non‑Rubanés : Post‑rubanés ou Pré‑Rubanés ?
120A mesure qu’ils étaient identifiés, les groupes non‑rubanés de la zone occidentale ont été considérés, soit comme post‑rubanés (groupe de Blicquy/Villeneuve‑Saint‑Germain) (Constantin 1985), soit à la rigueur comme synchrones du Rubané moyen ou récent (Céramique du Limbourg). Faute de stratigraphies, le recours aux datations absolues semblait s’imposer, mais elles ont soulevé de nouveaux problèmes.
121Pour le Néolithique ancien du Nord‑Ouest, les dates 14C sont assez nombreuses mais inégalement réparties. Leur dispersion couvre près d’un millénaire en années 14C. Des divergences inexplicables s’observent parfois à l’intérieur d’un même site, voire d’une même structure. Même en calibrant les dates, les problèmes demeurent (Cahen, Gilot 1983 ; Constantin, Lasserre‑Martinelli 1983). La dispersion touche tous les groupes : Blicquy, Rubané récent du Bassin parisien, Rubané du Hainaut. Deux attitudes sont alors possibles : soit mettre en doute la pertinence des dates (Constantin 1985), soit utiliser la moyenne des dates pour replacer chaque groupe par rapport aux autres (Cahen, Gilot 1983). Ces derniers distinguent trois ensembles : le Rubané de Belgique, le groupe de Blicquy/Villeneuve‑Saint‑Germain, le Rubané récent du Bassin parisien. Le 14 Rubané de Belgique est daté par le C entre 6500 et 6000 B.P., la moyenne s’établissant à 6305 ± 50 B.P. (écart type : 229,2 ; erreur standard : 52,6), soit une période comprise entre 5500 et 4900 environ avant notre ère, en dates calibrées. Le groupe de Blicquy se situe entre 6700 et 6000 B.P., la moyenne étant de 6342,3 ± 90 B.P. (écart type : 299,95 ; erreur standard : 90,4), soit une période comprise entre 5600 et 5000 avant notre ère. Enfin, le RRBP se situe entre 6200 et 5800, avec une moyenne de 6025 B.P. (écart type : 176,7 ; erreur standard : 39,5), soit en gros entre 5200 et 4700 avant notre ère. « Sur cette base le Blicquyen apparaît contemporain du Rubané ce qui est confirmé par la présence de vestiges blicquyens dans deux sites rubanés... Le Rubané récent du Bassin parisien s’avère en moyenne 300 ans plus jeune que le Rubané rhéno‑mosan » concluent ces auteurs. Ainsi, comme le soulignent D. Cahen et E. Gilot, la périodisation proposée pour le Néolithique ancien –rubané et non rubané– du Bassin parisien est en désaccord avec les données du 14C. Mais on peut même aller plus loin que les auteurs précités car, au vu des dates, le groupe non‑rubané de Blicquy serait globalement plus ancien que le Rubané, ce que souligne la calibration. Or d’autres arguments, d’ordre archéologique, iraient dans le même sens.
122Une question préalable se pose, bien entendu : le contenu de chaque ensemble daté est‑il représentatif du groupe culturel auquel on l’attribue ? Quand on voit, par exemple, le Rubané récent de Belgique osciller entre 6885 ± 335 ou 6770 ± 75 B.P. (Blicquy/Petite Rosière et Omal/rue Stiernet) et 5890 ± 80 B.P., on peut s’interroger. Une même dispersion, avec des pointes antérieures à 6500, affecte les dates du BQY/VSG, entre 6745, 6705 et 6675 B.P. (Blicquy/Couture de la Chaussée) et 5930 (Irchonwelz/La Bonne Fortune). Quelle que soit la dispersion normale attendue, ces anomalies, pour des structures attribuées à un même groupe, sont un signal d’alarme. Le problème vient surtout des dates hautes, entre 6885 et 6420 B.P. On les trouve trop anciennes, puisqu’elles feraient du Rubané récent de Belgique, du RRBP et du « Post‑Rubané » les contemporains ou parfois même les prédécesseurs du plus ancien Rubané d’Europe centrale, alors que précisément, dans ces régions de l’ouest, les phases anciennes du Rubané ne sont pas connues. Faut‑il donc oublier ces dates trop anciennes » ? Si l’on osait les supprimer, la moyenne tomberait à 6212 pour le Rubané récent de Belgique, le faisant légèrement postérieur au Blicquyen, mais encore clairement antérieur au RRBP (en admettant que ce mode de calcul ait encore un sens). Ce qui frappe, cependant, c’est le nombre de dates antérieures à 6500/6400 B.P. Dans la liste de Cahen et Gilot (1983), elles représentent un quart des dates du Rubané de Belgique (5 sur 20) et la moitié des dates du Blicquyen ! On ne peut donc les écarter sans examen. Si 50 % des dates du « Post‑Rubané » sont antérieures à l’apparition du Rubané dans la zone concernée, c’est qu’effectivement quelque chose ne va pas dans la chronologie en vigueur dans le Bassin parisien. Ou bien les dates 14C sont mauvaises mais pourquoi ?, ou bien on a daté sans le savoir des structures anté‑rubanées, ou contenant entre autres du mobilier anté‑rubané.
123La remise en cause de la valeur des dates 14C est une possibilité ; leur précision n’est sans doute pas suffisante pour une périodisation fine, même si on les calibre. Mais les hypothèses de périodisation peuvent, elles aussi, être remises en cause ; l’attribution culturelle de certaines unités archéologiques comporte une marge d’incertitude parfois plus large que celle du 14C. Si les datations n’avaient été perturbées que par des facteurs contingents, serait‑il normal qu’on constate le retour régulier de certaines dates, autour de 6500 B.P. et même un peu avant, et cela dans plusieurs sites ?
124Dans certains cas, malheureusement, on ignore à quelle structure précise correspondent les datations, pour lesquelles n’est indiqué que le nom du site ; dans d’autres cas, le mobilier des fosses d’où proviennent les échantillons datés n’a pas été systématiquement publié ; on ne peut donc pas juger de son caractère homogène ou hétérogène. Quelques exemples permettent cependant de s’interroger. Ainsi, la fosse 52 de Cuiry‑lès‑Chaudardes/Les Fontinettes qui a donné une des plus anciennes dates du site, avec un fort intervalle de confiance il est vrai (6580 ± 400 B.P.) renfermait un vase du Limbourg (Constantin 1985 : fig. 73, 1). Elle correspond à la maison 80, légèrement trapézoïdale (Soudsky et al. 1982). A‑t‑on daté le Rubané récent du Bassin parisien ou la Céramique du Limbourg ? Du même site, la fosse 230, datée de 6450 ± 160 B.P. contient aussi de la Céramique du Limbourg ; elle paraît en relation avec la maison trapézoïdale 225, dans l’environnement de laquelle on relève aussi des éléments Villeneuve‑Saint‑Germain ; la fosse 241, rapportée à la même maison, contenait en outre de la Céramique du Limbourg et des éléments évoquant peut‑être le Néolithique ancien méridional (double arceau en relief). La fosse 3 d’Ormeignies/Blanc Bois, datée de 6540 ± 150 B.P., contient des éléments Blicquy, ainsi que deux tessons décorés au peigne ou au poinçon qui pourraient évoquer La Hoguette. La fosse 10 d’Aubechies/Coron Maton, datée de 6420 ± 120 B.P. ne contenait pas seulement du Rubané. Sa structure complexe pourrait suggérer un dia‑chronisme : « elle semble constituée de silos sécants » (Constantin, Demarez 1981) et a livré les éléments d’une dizaine de vases Limbourg (Constantin 1985 : fig. 22). On peut se demander si ces dates hautes ne concernent pas la céramique non‑rubanée, présente dans ces fosses, et qui devait inévitablement s’accompagner d’autres éléments, charbons ou os, entrés clans la composition de l’échantillon soumis à la datation. Par ce même mécanisme aléatoire, d’autres fosses à contenu mixte fournissent au contraire des dates récentes. Ainsi, toujours à Cuiry, la fosse 175, qui contient aussi de la Céramique du Limbourg, a donné une date de 5390 ± 190 B.P. ; la fosse 357, avec de la Céramique du Limbourg et peut‑être un tesson Hoguette, est datée de 5890 ± 110 ; dates récentes aussi pour les fosses 375 (5960 ± 150), 378 (5840 ± 140 et 5870 ± 170), 382 (5730 ± 170), toujours avec de la Céramique du Limbourg. D’autres dates, en apparence non soupçonnables puisque proches de la moyenne, posent en fait le même problème : c’est le cas, par exemple, à Armeau (6215 ± 65 B.P), dont la date a été attribuée au Rubané récent du Bassin parisien, mais où la fosse contenait aussi des éléments caractéristiques du groupe non‑rubané de Villeneuve‑Saint‑Germain. Plus que la valeur absolue des dates, c’est donc la représentativité des échantillons datés et l’attribution culturelle proposée qui doivent être réexaminées, cas par cas. Si l’on parvenait à faire le tri, quelle image obtiendrait‑on, en fin de compte, de la chronologie du Néolithique ancien du Bassin parisien et du Hainaut ?
125L’obstacle majeur réside dans l’idée, généralement admise jusqu’ici comme un dogme, que la néolithisation de la France septentrionale serait uniquement due au Rubané, et qu’en conséquence, les groupes considérés comme dérivés danubiens ou post‑rubanés, ne peuvent pas être antérieurs aux premières manifestations du Rubané, Rubané moyen dans l’Est ou la Champagne, Rubané récent dans la vallée de l’Aisne. A fortiori, dans l’ouest, toute date antérieure à 6300/6200 B.P. (en gros) devient forcément suspecte. Aussi ne s’est‑on guère arrêté à certaines dates anciennes, isolées c’est vrai, comme celle de 6490 ± 160 B.P. de Soumont‑Saint‑Quentin/Les Longrais (Calvados) pour un mobilier non‑rubané attribué actuellement au groupe de Villeneuve‑Saint‑Germain. Pour ce site normand, dans lequel on ne peut guère soupçonner l’intervention d’éléments rubanés, il resterait à savoir si le mobilier, inédit, appartient effectivement en totalité au VSG –ce qui attribuerait à ce groupe une date anté‑rubanée– ou si des éléments antérieurs y figurent (par exemple de la Céramique de La Hoguette). En tout cas, la chute attendue de la théorie « danubienne » de la néolithisation de la France septentrionale, en suscitant le réexamen objectif de ces ensembles débloquera peut‑être enfin ces questions de chronologie.
1.8.2 Rubané récent du Bassin parisien et VSG/BQY
126Déjà peu nombreuses, les bases de chronologie –interne et externe– disponibles, ne sont pas dénuées d’ambiguïté. L’interprétation des dates 14C fait l’objet de discussions passionnées. Les associations (Limbourg + Rubané ; BQY/VSG + Rubané) posent tous les problèmes liés aux mécanismes complexes du piégeage des dépôts dans les structures en creux (voir là‑dessus, en particulier, les utiles réflexions de Pavlu et al. 1986). C’est sans doute pourquoi les essais de périodisation de ces cultures ont jusqu’ici eu pour fondement commun une hypothèse chronologique à présupposés théoriques. Les difficultés non résolues par cette hypothèse justifient et autorisent dorénavant l’essai d’hypothèses alternatives.
127Le schéma généralement retenu situe le RRBP dans la lignée d’un Rubané moyen, inconnu jusqu’ici dans le Bassin parisien proprement dit, puisque le Rubané moyen champenois est pour l’heure le représentant le plus occidental du Rubané vrai (c’est‑à‑dire du Rubané linéaire). Or si le RRBP dérivait d’un Rubané moyen comme celui de Champagne, son plus proche voisin, le contraste serait frappant, sinon inexplicable, entre l’« orthodoxie » du Rubané récent champenois dérivé du précédent, et la « déviance » du RRBP qui aurait rapidement perdu un très grand nombre des caractères propres au Rubané. Etant donnée la très faible distance qui sépare le Perthois de la vallée de l’Aisne, et sans franchissement de barrière géographique ou écologique sensible, ces déviances ne peuvent guère s’expliquer par un effet de périphérisation. L’étrangeté de la situation frappe encore davantage au vu de sites ou de vestiges de style RRBP qui viennent s’insérer, sur plusieurs sites, dans l’aire du Rubané récent « normal », en Champagne, Lorraine, Alsace ou Rhénanie.
128Cette juxtaposition et ces interpénétrations s’expliquent mal dans l’hypothèse d’une évolution cloisonnée du Bassin parisien. On penserait plutôt aux échanges et hybridisations entre groupes culturels voisins, mais distincts, avec fréquences décroissantes des vestiges de style RRBP à mesure qu’on s’éloigne vers l’est du foyer occidental. Le cas est net dans l’ouest de la Belgique, où un Rubané récent typique, et clairement « danubien », bien différent du RRBP se juxtapose à un groupe de Blicquy très voisin du VSG.
129La principale source des difficultés sur lesquelles butent actuellement les tentatives de périodisation pour le Bassin parisien est sans doute la mise en parallèle chronologique du RRBP avec le Rubané récent du Nord‑Ouest, dans l’hypothèse, non démontrée actuellement, d’une lignée danubienne unique pour tous. Selon ce schéma, le RRBP, mis sur le même plan que le Rubané récent du Nord‑Ouest ou le Rubané récent d’Alsace, devrait nécessairement précéder les groupes de Blicquy, Villeneuve‑Saint‑Germain ou Augy, définis comme « épirubanés », « épidanubiens » ou, plus récemment, « post‑danubiens » ou « post‑rubanés » (Constantin 1986). Certes, on admet désormais que d’autres influences (Limbourg, voire Epicardial) aient contribué à la formation des groupes BQY/VSG ou Augy‑Sainte‑Pallaye ; cependant, on persiste à penser que cette formation a eu lieu après ou, au mieux, pendant le RRBP, jamais avant. L’hypothèse implicite veut que le Rubané –sous la forme du RRBP, ou sous une forme plus ancienne à découvrir– soit le plus vieux Néolithique du Bassin parisien, et que rien ne l’y ait précédé. C’est sans doute pourquoi l’on invoque l’Epicardial, et non le Cardial, comme source possible d’influences à l’origine du VSG, du BQY ou de l’ASP (Lichardus‑Itten 1986). Supposer une influence du Cardial stricto sensu sur des groupes culturels post‑rubanés entraînerait en effet une grosse difficulté chronologique, le Cardial étant plutôt contemporain du Rubané ancien ou, à la rigueur, moyen. Ainsi, dans le schéma d’évolution récemment proposé par C. Constantin pour les « groupes post‑rubanés » (Constantin 1986 : 123), on voit les influences du « Néolithique méditerranéen » s’exercer sur le Rubané récent du Bassin parisien et sur le Rubané final du Hainaut, pour donner naissance ici au groupe de Blicquy, là au groupe de Villeneuve‑Saint‑Germain.
130Ce schéma se heurte à une série de difficultés., sinon même d’impossibilités. On ne saurait trouver, parexemple, dans l’Epicardial l’origine du décor pivotant au peigne (ou à la coquille), disparu pratiquement avec le Cardial. Pour remédier sans doute à cette faiblesse du schéma directeur, M. Lichardus‑Itten en vient alors à supposer un retard du Cardial de l’Ouest et du Roucadourien (et d’éventuels groupes apparentés), par rapport au Néolithique ancien méditerranéen. Cette hypothèse ne peut sans doute être entièrement écartée, dans l’état actuel des connaissances. Cependant, pour le Cardial de l’Ouest, l’abondance du décor à la coquille ou du décor pivotant et l’absence, pour le moment, des éléments considérés comme tardifs dans l’aire cardiale, font douter de la réalité, ou de l’importance, de ce décalage chronologique supposé. Pour le Roucadourien, la continuité de l’industrie lithique au cours d’une séquence développée, au Martinet ou à la Borie del Rey et dans d’autres sites de la France centrale, ne serait guère en faveur, non plus, d’une chronologie très tardive. D’ailleurs, la série encore faible de datations connues situe ces groupes vers le milieu ou dans la seconde moitié du Ve millénaire B.C., quelques dates se plaçant même dès le début du Ve millénaire (Quéroy, Bois Bertaud, peut‑être aussi La Lède du Gurp). Un travail récent de J.‑L. Voruz, reprenant l’ensemble des dates calibrées du Néolithique ancien de la moitié sud‑ouest de la France confirme aussi bien » le décalage de 300 à 500 ans, en France, entre le Cardial ancien et le Rubané moyen » que « l’importance des groupes du Néolithique ancien continental non cardial et l’ancienneté indiscutable de leur émergence, vers 5500‑5300 » (Voruz 1987). Des conclusions allant clans le même sens avaient été exprimées par D. Cahen et P. L. van Berg à l’occasion du présent colloque,
131D’autre part, le rôle des groupes occidentaux et centraux du Néolithique ancien méridional n’a pas dû être exclusif. Une voie conduisant du sud‑est à l’est a pu jouer aussi un rôle important. Nos connaissances sur cette zone sont encore trop lacunaires, mais on peut noter la présence, dans le couloir rhodanien, de sites cardiaux où, auprès du décor à la coquille, les cordons en relief, le décor au peigne, les sillons incisés parallèles (Bidon à Saint‑Marcel ; Rochas à Saint‑Remèze) prennent une place plus marquée (Beeching 1986). Peut‑être est‑ce là que s’enracinent certains traits qui caractériseront le Néolithique ancien du Bassin parisien et des régions limitrophes. On ne peut négliger non plus l’existence, progressivement révélée, d’un vrai Néolithique ancien subalpin, aux caractères encore mal définis, qui a pu intervenir également. Il se manifeste au moins dès le milieu du Ve millénaire B.C., comme le Néolithique ancien atlanto‑méditerranéen de l’Ouest.
132Faut‑il donc envisager l’intervention précoce dans le nord de la France d’influences du Néolithique ancien méridional, parallèles ou antérieures au RRBP, et même éventuellement au Rubané récent vrai des régions de l’est et du nord‑est de la France ? Les implications de cette hypothèse seraient de nature à modifier, en même temps que le schéma chronologique, les idées sur la genèse du Néolithique dans ces régions. Ces influences commenceraient à se faire sentir avant que la colonisation rubanée n’ait pénétré dans cette zone, sans doute même dès le Mésolithique final (Roussot‑Larroque, Thévenin 1984). Il se pourrait d’ailleurs que certains ensembles attribués au Mésolithique du Bassin parisien soient en réalité déjà néolithiques. La fragilité des tessons de ce vieux Néolithique (du Limbourg comme du Roucadourien d’ailleurs, et même du Cardial de l’Ouest), leur pâte hétérogène, leur cuisson peu poussée, rendent problématique leur conservation dans des milieux acides et/ou perméables, comme le sont les sols sableux ou graveleux, Abandonnés en plein air, il est presque certain qu’après peu de temps n’en subsisteraient, au mieux, que de minimes fragments indéterminables. Seuls ont pu nous parvenir ceux qu’a protégé un ensevelissement assez rapide dans des grottes ou abris à sédimentation active, ou encore dans des fosses. Est‑ce pour cela que la Céramique du Limbourg se trouve rarement ailleurs que dans des fosses creusées par des groupes successifs du Rubané, où elle se serait trouvée piégée, donc préservée ? Le problème est d’ailleurs le même pour les vestiges céramiques demeurés à l’abri dans les vieux sols sous certains mégalithes de l’Ouest (La Hoguette). En tout cas, des contacts ont pu avoir lieu avec le Néolithique ancien méridional, attesté dans l’Ouest dès le milieu du Ve millénaire B.C., sinon plus tôt.
1.8.3 Éléments d’affinité méridionale dans le Rubané récent du Bassin parisien
133L’apparition du groupe BQY/VSG ne se situe pas nécessairement après le RRBP, comme nous venons de le voir ; on pourrait même envisager une hypothèse chronologique inverse de celle qui prévaut actuellement : c’est par l’intermédiaire du groupe VSG que le Bassin parisien aurait reçu les influences méridionales. Leur impact serait plus fort dans le Bassin parisien, encore proche de la sphère d’influence du Sud‑Ouest, que dans les régions de l’Est où elles se font encore sentir, mais de manière progressivement atténuée, de la Champagne à l’Alsace et à la Rhénanie, voire au‑delà de manière sporadique (vase de la tombe 2/64 de la nécropole de Vikletice, en Tchécoslovaquie, très proche du BQY/VSG ; Zapotocka 1986).
134A l’est du Bassin parisien, l’évolution du Rubané linéaire conserve, à la phase récente, la pureté de ses traits d’origine : c’est le cas en Champagne, Lorraine, Alsace, Rhénanie, Hainaut. Les échanges ou intrusions assez limités reconnus en Champagne, Lorraine, Alsace ou Rhénanie (céramique décorée au peigne ou bracelets de schiste) témoigneraient, à notre avis, de mouvements dirigés du sud‑ouest au nord‑est –c’est‑à‑dire partant du Bassin parisien et de ses marges sud et ouest– et non pas dans le sens inverse. Cette hypothèse correspondrait mieux au caractère nettement occidental de ces phénomènes par rapport aux limites de l’aire colonisée par le Rubané classique. De ces contacts aurait pu naître le Rubané récent du Bassin parisien, dont beaucoup de traits sont inspirés du groupe Villeneuve‑Saint‑Germain. Ce RRBP ne serait donc pas à mettre sur le même plan « génétique » que le Rubané récent du Nord‑Ouest, d’Alsace ou de Champagne.
1.8.4 La céramique
135Certains arguments avancés en faveur de l’antériorité du RRBP par rapport au VSG/BQY pourraient être retournés sans grande difficulté. Ce serait le cas, dans la céramique du RRBP, des bords cochés (Cuiry), des vases à partie supérieure droite, des mamelons jumelés, qui préexistent dans le Cardial. Dans le décor, des éléments peu usités clans le Rubané récent des régions de l’Est pourraient être des emprunts au répertoire VSG, par exemple le décor au pointillé ou au peigne pivotant utilisé, non pour le remplissage des champs rubanés, mais comme motif principal, voire unique. De même, les bandes verticales, souvent hachurées ou l’organisation en T du décor, au lieu d’être envisagées comme des éléments » dégénérés « dérivant des chevrons du Rubané récent « orthodoxe » pourraient en réalité être l’héritage du Néolithique ancien local, VSG, d’inspiration méridionale. Les vases VSG portent en effet des décors de ce style, à base de bandes d’impressions orthogonales : Passy‑sur‑Yonne, Breuilpont, Ecures (Villes 1982), Marcilly‑Villérable (Bailloud et al. 1987).
136On peut inscrire à l’appui de ces vues « les résultats préliminaires de la périodisation interne de la céramique de Cuiry‑lès‑Chaudardes, qui placent l’optimum de la technique pointillée dans ses phases les plus anciennes » (Démoulé 1984). S’ils étaient confirmés, ces résultats pourraient étayer l’inversion de l’ordre chronologique et génétique que nous proposons ici. En effet, ce décor pointillé, qui ne se confond pas avec celui du RRNO, est un élément commun au groupe Blicquy‑Villeneuve‑Saint‑Germain et au RRBP. On comprendrait mal qu’il ressurgisse dans un « Post‑Rubané », après une phase d’occultation. Quant aux arceaux en relief ou au cordon interne de Cuiry/Les Fontinettes, leur ascendance méridionale paraît assez marquée, comme les guirlandes et soleils, les décors couvrants de damiers ou triangles remplis de hachures incisées, les franges de courts traits terminant certaines bandes verticales (Chaumont) ou le décor en V (Cuiry).
1.8.5 L’industrie lithique
137Le RRBP devrait à cette influence VSG/BQY certaines particularités qui le singularisent par rapport au Rubané linéaire récent, et tout d’abord, peut‑être, un développement plus important de l’outillage en silex, plus abondant et d’une plus grande richesse typologique, l’importance plus grande des burins, l’abondance des armatures, avec la présencee sporadique d’armatures tranchantes (Cuiry/Les Fontinettes ; Soudsky et al. 1982 : fig. 15, 9 et 12), celle de rares outils bifaciaux en silex, tranchets (Cuiry), comme à Armeau ou encore la rareté des classiques herminettes polies en roches importées.
1.8.6 La parure
138Certaines sépultures à bracelets de pierre, schiste ou calcaire, d’abord attribuées au RRBP, pourraient appartenir vraisemblablement au VSG (Constantin 1986). L’arrivée de la mode des anneaux de schiste, via les groupes de Blicquy ou Villeneuve‑Saint‑Germain, jusque dans le Rubané linéaire récent d’Alsace (Habsheim, Brunstatt) montre le parallélisme chronologique et les relations ayant existé entre ces groupes, en dehors du RRBP, qui n’en utilise pas. On retiendra aussi la présence de coquillages de l’Atlantique ou de la Manche dans des tombes du Rubané linéaire récent de l’Est, jusqu’en Alsace et au‑delà, avec un relais par le Bassin parisien, par exemple dans la tombe, attribuée au VSG, de Jablines (l’arrête 1981) ce qui atteste encore une fois de relations d’ouest en est. Enfin, les perles discoïdes en test de Cardium, présentes dans le RRBP à Cannes‑Ecluse, Menneville ou à Montcetz‑l’Abbaye, mais rares dans le Rubané « orthodoxe » (Rixheim) représentent encore un élément occidental et méridional. Leur usage est courant dans les tombes du Néolithique ancien du Midi ; on rappellera à ce sujet la tombe de Germignac (Charente‑Maritime), associant bracelets en pierre et perles en Cardium (Gaillard et al. 1984). Comme on l’a vu, dans cette région où le Cardial est bien attesté, l’attribution de cette sépulture à un hypothétique courant danubien ne paraît plus s’imposer désormais, d’autant plus que l’association céramique cardiale‑anneau de schiste est connue près de la Loire aux Alleuds (Roussot‑Larroque et al. 1987).
1.8.7 L’habitat
1.8.7.1 L’architecture
139Un des arguments les plus souvent invoqués pour situer le groupe de Villeneuve‑Saint‑Germain parmi les cultures post‑rubanées s’appuie sur la forme des maisons ; de type danubien classique, plutôt rectangulaire en général pour le RRBP, elles sont légèrement différentes pour le VSG, avec décalage d’au moins une tierce (Jablines ; Bulard, Tarrête 1980) et tendance à une légère trapézité (Echilleuses ; Simonin 1991), souvent par rétrécissement de l’arrière (Blicquy). Ces différences ont été interprétées comme signe d’une « dégénérescence » du modèle rubané au cours du temps (Soudsky 1974). Cependant, des maisons légèrement trapézoïdales paraissent associées dans certains cas à de la céramique rubanée, en Belgique (Cahen, van Berg 1979) sans doute aussi dans le Bassin parisien (cf. par exemple Cuiry‑lès‑Chaudardes, maison 245 ; Soudsky et al. 1982 : fig. 11, B, et 24, 5). Par ailleurs, la typologie chronologique de la maison rubanée, telle qu’elle a été systématisée, par exemple, par Modderman, a fait l’objet de certaines critiques récentes (Meier‑Arendt 1989).
140Dans l’hypothèse alternative où le VSG ne serait pas forcément postérieur au RRBP et dérivé de ce dernier, on pourrait envisager que ces types, voisins quoiqu’un peu différents, représentent chacun une interprétation d’un modèle, plus général à cette époque et dans une vaste aire géographique, de la grande maison de bois à poteaux, adaptée aux matériaux disponibles, au niveau technique, au climat et aux exigences de chacun de ces groupes culturels. Il faut bien rappeler que, naguère, la trapézité des maisons de Cuiry avait d’abord servi d’argument pour attribuer à ce qu’on nomme aujourd’hui le VSG une position beaucoup trop récente, parallèle à Roessen (Soudsky 1974). Si, depuis lors, on a accepté de les vieillir, on peut sans doute encore les faire remonter quelque peu dans le temps. Notons d’ailleurs en passant que la maison de Pontavert, qui n’aurait livré que de la Céramique du Limbourg est, elle aussi, trapézoïdale. De même, de la Céramique du Limbourg figure dans une fosse attenante à une courte maison trapézoïdale (maison 80), pas très différente de celle de Ponlavert, fosse qui a d’ailleurs donné une datation ancienne, comme nous l’avons rappelé plus haut, ainsi que dans une fosse de la longue maison trapézoïdale 225 de Cuiry‑lès‑Chaudardes (Soudsky et al. 1982 : 73, 96). Faut‑il penser que les longues maisons trapézoïdales, ou du moins certaines d’entre elles, soient plus anciennes qu’on ne l’a cru ? Doit‑on plutôt attribuer cette particularité à des influences non rubanées, s’exerçant sur la construction des maisons du Néolithique ancien dans le Bassin parisien ? De toute façon, le retour à des maisons trapézoïdales dans des groupes culturels plus récents (Cerny, Grossgartach), se fait selon des modalités différentes. La trapézité présente donc des formes diverses, dont la signification n’est peut‑être pas toujours nécessairement tardive.
1.8.7.2 L’implantation des sites
141L’implantation des sites du RRBP n’est pas identique non plus à celle des groupes rubanés installés plus à l’est ; en effet, on y trouve aussi des sites de hauteur et de bords de plateaux. Cette particularité est régulièrement interprétée comme le fait d’une colonisation expansive, avec conquête de terroirs nouveaux par rapport au Rubané classique, mais on peut l’envisager autrement, comme adoption partielle d’un type différent d’exploitation, moins spécialisé et moins sélectif que le système agro‑pastoral des Rubanés ; celui‑ci étant mal adapté aux conditions locales, on a pu imiter des adaptations régionales antérieures, en desserrant un peu le carcan des normes centre‑européennes.
1.8.8 Influences méridionales dans le Rubané linéaire récent de l’Est
142Plus loin vers l’est, au‑delà des limites du RRBP, les influences méridionales, médiatisées ou non par les groupes VSG ou BQY, se sont exercées aussi. Elles se font sentir comme une composante mineure, qui n’arrache pas ces groupes à l’ensemble du Rubané récent au sens strict, mais leur apporte une coloration particulière au sein des ensembles contemporains de la grande famille rubanée. En zone rhénane, l’adoption du décor pointillé et de ce qu’on nommait naguère le style de Plaidt, vient peut‑être de cette influence occidentale, pour laquelle la logique de la géographie suggèrerait plutôt le groupe de Blicquy que celui de Villeneuve‑Saint‑Germain. Ces influences non‑rubanées (ni « danubiennes », même au sens le plus vague) se font sentir jusque dans la basse vallée du Rhin, comme l’a souligné Modderman en 1982, dans un texte qui me paraît très important : « on peut être assuré qu’il y eut, sur le territoire qui s’étendait entre les vallées de la Seine et du Rhin inférieur, une tradition céramique contemporaine de la céramique linéaire mais qui s’en distinguait très nettement... La question de savoir si cette tradition est plus ancienne que la céramique linéaire reste ouverte... Les faits observés s’expliqueraient peut‑être au mieux en partant de l’hypothèse que, déjà à l’époque de la céramique linéaire la plus ancienne, une population qui avait sa propre tradition céramique était installée sur le Rhin. »
143La Céramique du Limbourg et les groupes de Blicquy ou Villeneuve‑Saint‑Germain ne sont pas les seuls représentants de cette tradition, qui paraît avoir maintenu, renouvelé, voire diversifié ses liens avec l’Ouest et le Sud‑Ouest au cours d’une histoire de plusieurs siècles.
1.9 Éléments d’affinité méridionale dans le groupe d’Augy
144Après avoir été d’abord, lui aussi, placé dans la mouvance danubienne, le groupe d’Augy est certainement aujourd’hui celui pour lequel les influences méridionales sont le plus volontiers acceptées, tout particulièrement sans doute grâce aux remarques d’A. Villes (1980, 1985, 1987). De ce fait, ce groupe nous retiendra peu. La tendance actuelle semble être à l’abandon, ou du moins à la remise en question du « groupe d’Augy‑Sainte‑Pallaye ». L’homogénéité interne de ce groupe avait été déjà discutée par H. Carré (1986). Aujourd’hui, on semble s’orienter plutôt vers la conception d’un style Augy » caractérisé par une céramique à cordons en V et boutons, et rattaché à l’ensemble Villeneuve‑Saint‑Germain (Constantin, Manolakakis 1991 ; Simonin 1991 ; Villes 1987).
1.9.1 La céramique
1.9.1.1 Le décor
145Les cordons en relief, horizontaux, verticaux, obliques, en V ou en réseaux, les boutons sur le bord, les bords cochés ou digités, les pincements en ligne, souvent en V eux aussi, les digitations et coups d’ongle en ligne, sont au nombre des traits que l’on attribue volontiers à cette composante méridionale, lorsqu’on les rencontre dans les groupes VSG/BQY, où ils sont bien représentés. Parmi ces éléments de saveur méridionale, les décors plastiques, cordons, boutons, digitations, entrent aussi dans le répertoire décoratif du groupe de Villeneuve‑Saint‑Germain, à quelques détails près, au point qu’on pourrait S’interroger sur l’autonomie de l’ASP (Villes 1982 ; Constantin 1986). Les pastilles au repoussé constituent en revanche un élément nouveau, et semblent être une innovation propre au Bassin parisien » (Constantin 1986 : 275). A vrai dire, elles sont bien représentées dans l’Ouest, en Bretagne par exemple, où le 14C les place entre 3710 et 3600 B.C. à Saint‑Just (Ille‑et‑Vilaine) (Le Roux 1982). Elles abondent particulièrement dans la Loire moyenne (Villes 1982). On penserait donc plutôt à une innovation occidentale si, comme on l’a cru longtemps, ces pastilles au repoussé n’apparaissaient que tardivement dans le Midi, à partir du Chasséen final. Pourtant, sans vouloir faire intervenir à tout prix l’influence méridionale, on doit à la vérité de préciser que les boutons au repoussé apparaissent peut‑être dès la fin du Néolithique ancien sur le versant sud‑ouest des Pyrénées (Cueva del Forcon, Haut‑Aragon ; Baldellou 1981), et sur la côte atlantique à Bidart (Roussot‑Larroque 1977). C’est d’ailleurs encore en zone pyrénéenne, Catalogne ou Pyrénées centrales surtout, que va apparaître un complexe de céramiques où se maintient le décor plastique, avec l’apparition de cordons et nervures en moustache ou en résille. Il se forme sans doute un peu après le Néolithique ancien proprement dit, mais antérieurement au Chasséen ou à ses équivalents régionaux. Ce complexe pourrait être l’équivalent méridional et sans doute l’inspirateur du groupe de Chambon‑Ligueil (Villes 1982). Avec ce groupe, nous touchons probablement à la transition Néolithique ancien/Néolithique moyen, ce qui est vraisemblable également pour le groupe de Cerny, dont nous n’aurons donc pas à traiter ici, bien que les influences méridionales persistent assurément à cette période.
1.9.2 L’industrie lithique
146C’est une même influence que l’on invoque pour les flèches tranchantes d’Augy (Constantin 1985) ou le tranchet en silex de Sonchamp (Tarrête, Degros 1984).
1.9.3 Structures de combustion
147On a rapproché les foyers empierrés de Sainte‑Pallaye de ceux du Chasséen de la région toulousaine (Constantin 1986 : 272). On pourrait plutôt les rapprocher de ceux du Cardial de Courthézon, d’un type largement attesté dans l’aire du Néolithique ancien du sud‑ouest de l’Europe, jusque dans le région du Tage (Vila Vistosa, Montum da Beixa, Salema) (Tavares da Silva, Soares 1981).
1.10 Conclusion
148Sur le problème très actuel du rôle des influences méridionales et occidentales dans le Néolithique ancien de la France septentrionale et des zones limitrophes, nous avons vu se modifier considérablement la donne par rapport aux idées généralement reçues. Les éléments non rubanés discernables dans cette grande région y sont plus nombreux que certains ne voulaient l’admettre. Longtemps niée, la part du Néolithique ancien méridional (Cardial du Midi ou de l’Ouest, groupes non cardiaux du sud‑ouest et du centre de la France) est souvent encore sous‑estimée. De plus, clans les schémas proposés, on la situe trop tardivement, c’est‑à‑dire au niveau de l’Epicardial, qui contribuerait à la formation de groupes post‑rubanés (Lichardus‑Itten 1986). En réalité, les influences du Sud‑Ouest et de l’Ouest s’exercent déjà bien antérieurement.
149La zone géographique située à la périphérie occidentale du domaine des cultures » danubiennes » a connu une néolithisation ancienne, antérieure à l’apparition du Rubané dans ces régions. Le phénomène Hoguette témoigne de cette première néolithisation, et peut‑être aussi le phénomène Limbourg. Il ne s’agit sans doute pas de simples épigones du Cardial de Méditerranée occidentale, mais de branches distinctes du tronc commun du Néolithique ancien à céramique impressionnée. Des contacts auront lieu entre le Rubané et ses voisins néolithiques occidentaux, au cours de sa progression vers l’ouest, qui se trouvera finalement entravée. Le domaine occidental restera en contact avec les cultures non rubanées du sud‑ouest et de l’ouest de la France ; l’influence du Cardial occidental paraît surtout manifeste au niveau des groupes de Blicquy/Villeneuve‑Saint‑Germain. La formation du Rubané récent du Bassin parisien pourrait avoir résulté de contacts entre le domaine du Rubané au sens strict et ces cultures non‑rubanées.
150En conséquence, un renversement de l’ordre chronologique et génétique couramment admis pourrait être tenté : les groupes Blicquy et Villeneuve‑Saint‑Germain ne seraient pas épi‑rubanés, ni épi‑danubiens, ni post‑rubanés. Ils influenceraient le Rubané récent du Bassin parisien plus qu’ils ne seraient influencés par lui ; c’est même leur influence qui rendrait le RRBP différent du Rubané linéaire récent des régions situées plus à l’est. Ces groupes se seraient formés clans la zone de contact entre le domaine méridional et celui du Rubané proprement dit, zone se déployant en arc de cercle du nord‑ouest au sud‑est. Cette hypothèse chronologique donnerait aux groupes d’ascendance méridionale possible (Limbourg) ou probable (Blicquy, Villeneuve‑Saint‑Germain) du Néolithique ancien une durée de formation et d’évolution plus confortable et plus vraisemblable qu’ils n’en ont dans le schéma en vigueur, n’étant plus coincés entre le RRBP et les groupes Augy‑Sainte‑Pallaye et Cerny, ceux‑ci forcément antérieurs au Néolithique moyen de Chassey ou Michelsberg. La durée d’évolution ainsi restituée aux divers groupes non‑rubanés du Néolithique ancien serait plus longue, conformément à ce qu’on peut attendre.
151Ainsi, la « colonisation » rubanée n’apparaîtrait plus comme la toute première expression du Néolithique dans cette vaste région, mais comme un phénomène secondaire, venu se surimposer à un Néolithique plus ancien, dont les formes d’adaptation économique devaient être plus proches de celles que l’on commence à observer dans le quart sud‑ouest de la France, avec éventuellement des formes de transition Mésolithique‑Néolithique. La dynamique d’évolution du Mésolithique final au Néolithique ancien dans le Bassin parisien peut ainsi désormais s’envisager autrement que comme la pure et simple extinction, à plus ou moins brève échéance, des derniers chasseurs de la Préhistoire submergés par des colons étrangers.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Certaines divergences apparaissent au sujet de la position stratigraphique des fléchettes à base concave, au fil des publications sur Bavans. D’abord, les fléchettes figuraient de haut en bas de la stratigraphie (Aimé 1984). Ensuite, deux formes ont été distinguées, l’une, à forte concavité basale asymétrique et troncature parfois denticulée (« pointe de Bavans ») n’apparaîtrait qu’à la partie supérieure de la c. 5, l’autre type accompagnant la Céramique de La Hoguette sur toute l’épaisseur de la couche (Aimé, Jeunesse 1986). Plus récemment, il semblerait que les fléchettes à base concave, toutes formes confondues, ne soient associées qu’au Rubané récent (Aimé 1987).
2 Cette partie de notre travail est issue d’une réflexion entreprise en commun avec Daniel Cahen et Paul‑Louis van Berg. Elle doit beaucoup également à l’aimable accueil de Léonce Demarez, qui nous a permis l’examen de sa très importante collection de matériel céramique du Néolithique ancien du Hainaut. Qu’ils trouvent ici l’expression de notre gratitude.
3 Un rapide recensement, récemment tenté par nous‑même, porte à plus de 400 le nombre de sites ayant livré des anneaux en pierre (Roussot‑Larroque 1990).
Auteur
UMR 9933 du CNRS, Bordeaux.
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