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Le Néolithique au quotidien

 | 
Blanchet Jean-Claude
, 
Bulard Alain
, 
Constantin Claude
, 
et al.

Chapitre 3. Les groupes culturels et leur évolution

3.3. Les enceintes du Néolithique récent et final de Diconche à Saintes (Charente‑Maritime)

3.3 The late neolithic enclosures of Diconche at Saintes (Charente‑Maritime)

Claude Burnez et Pierrick Fouere

Résumé

Diconche, une enceinte à fossés en forme d’éperon barré, participe au cortège des sites classiques de ce type du Néolithique récent/final dans la vallée de la Charente et de ses affluents. Trois années de sauvetage ont permis d’intervenir avant la destruction sur trois structures différentes. Une première enceinte peu‑richardienne formée d’un fossé unique; après abandon du site, une fosse dépotoir fut creusée dans son comblement par un ensemble culturel inconnu daté de 4500 B.P. ; aux alentours de 4200 B.P., une deuxième enceinte, artenacienne cette fois, de fossés segmentés, parfois doubles, fut établie au même endroit (chantier 3). Une fosse circulaire, probablement une carrière en cours de fouille, a été ouverte par les Peu‑Richardiens puis réutilisée comme dépotoir par les Artenaciens (chantier 4). De nouvelles enceintes artenaciennes (chantier 5 et 7) ont considérablement agrandi le site avec deux entrées en « pince de crabe » complétées par des palissades; un fragment de pierre gravée permet d’évoquer d’éventuelle stèles.

Texte intégral

3.3.1 Introduction

Historique

1Le site de Diconche était connu des collectionneurs de silex depuis bien longtemps, mais c’est à J. Dassié (Dassié 1978) que revient le mérite de nous en avoir révélé les traces architecturales lors de ses prospections aériennes. Les premiers clichés pris en 1973 (fig. 83) ont été confirmés par une excellente série en 1976, complétée sur plusieurs années et en particulier en 1989.

FIG. 83 – Photographie aérienne 1973.

cliché J. Dassié

2Diconche fait partie du cortège d’enceintes à fossés qui suit la rive gauche de la Charente et englobe les cours de ses affluents –la Seugne et le Né– et de leurs tributaires. C’est dans la partie la plus prospectée entre Saintes, Pons, Cognac et Jarnac que se trouvent les sites classiques : Peu‑Richard, Le Chaillot de la Jard, Le Mourez de Berneuil, Pont d’Husson à Bougneau, Le Moulin de Vent à Montils (Charente‑Maritime), Biard à Segonzac, Les Matignons à Juillac‑le‑Coq (Charente) (fig. 84).

FIG. 84 – Localisation des sites principaux. 1 Peu‑Richard à Thénac ; 2 Le Marais aux Vaches à Montils ; 3 Le Chaillot à la Jard ; 4 Le Moulin‑de‑Vent à Montils ; 5 La Combe à Bouyer à Montils ; 6 Le Mourez à Berneuil ; 7 Pont d’Husson à Bougneau ; 8 La Vie à Merpins ; 9 Le Moulin de Fanau à Gimeux ; 10 Bonbonnet à Ars ; 11 Le Croux à Saint‑Fort‑sur‑le‑Né ; 12 Le Terrier de Callas à Verrières ; 13 Petit Chadignac à Saintes ; 14 Diconche ; 15 Réjolles à Biron ; 16 Biard à Segonzac ; 17 Les Matignons à Juillac‑le‑Coq.

3Le plan que nous présentons, dressé à partir des photographies aériennes, a été progressivement précisé en fonction des campagnes de fouilles. Dans l’état actuel, il ne peut être considéré que comme provisoire (fig. 85).

FIG. 85 – Plan général du site.

4Diconche est implanté sur un éperon en calcaire Santonien qui culmine à 25 m NGF et surplombe à l’est la Charente (4 m NGF). Au nord il s’incline vers une petite vallée, dans laquelle coule un ruisseau actuellement canalisé, et au sud vers une combe sèche. Il a été coupé au début du siècle par une profonde tranchée pour le chemin de fer Saintes‑Royan suivant un axe est‑ouest. Les fossés ont été alors largement amputés et nous n’avons pas pu malheureusement retrouver dans les archives de la SNCF le cahier des travaux qui aurait pu en faire mention.

  • 1 Une étude exhaustive du carottage a permis une révision de cette interprétation. La rédaction de ce (...)

5Signalons enfin que des carottages dans les alluvions de la Charente ont rencontré le substrat à 17 m au pied du site et à 14 m à environ 500 m en amont. Une datation de 14C a été effectuée sur ce second sondage qui, d’après les premiers examens polliniques suggérant un horizon boréal, semble à 7470 ± 80 B.P. (Gif 79847) rajeunir exagérément l’argile tourbeuse basale (L. Marembat, communication orale)1.

La fouille

6L’intervention sur ce gisement a été provoquée par la destruction d’une grande partie de ses structures suite à la construction d’une usine de traitement des eaux par la ville de Saintes, et à l’implantation de la rocade sud et de son échangeur.

7Nous présentons un bilan provisoire de trois années de fouilles ; 1987, 1988 sur l’emplacement de l’usine (chantiers 1 à 4) et 1989 sur la rocade (chantier 5). Nous ne sommes évidemment pas en mesure de donner un compte rendu exhaustif de tout ce que ce site nous a apporté. Initialement, il semblait devoir être représentatif d’une occupation peu‑richardienne suivie d’un passage artenacien. Il s’est révélé particulièrement riche en informations tant au niveau des « cultures » que de l’architecture. C’est uniquement ce dernier aspect que nous présentons, l’abondance du matériel rendant prématurée toute synthèse dans l’avancement actuel de son étude.

Description du site

8fig. 85

9D’après les photographies aériennes, l’éperon comporte un nombre important de structures, anthropiques ou non. En partant de l’est nous notons tout d’abord une diaclase dans laquelle a été aménagée une fosse (chantier 4). Les premières interventions, après l’ouverture des travaux par un tracto‑pelle, n’ont pas apporté de renseignement réellement utilisable (chantiers 1 et 2). Nous nous contenterons de mentionner ici que les Néolithiques ont, de toute évidence, bouleversé le remplissage naturel de cette diaclase. Était‑ce pour extraire des rognons de silex ou bien des matériaux pour les potiers, argile et/ou dégraissants sableux ? Les deux hypothèses sont plausibles. De plus, des intrusions mineures gallo‑romaines (tegulae) en profondeur rendent toute tentative d’interprétation encore plus aléatoire.

10Un ancien chemin comblé, ou moins vraisemblablement une diaclase, part au nord d’une échancrure dans le bord de l’éperon et le traverse entièrement. Cette zone n’a pas donné lieu à des fouilles, mais elle a été coupée en plusieurs endroits par les engins sans que nous puissions y découvrir des traces indiscutables d’activité anthropique. Malgré tout, il est difficile de lui attribuer une origine géologique et c’est pour cette raison que la première hypothèse nous semble la plus crédible.

11Plus à l’ouest se trouvent les fossés du chantier 3 qui apparaissent triples par endroits avec des interruptions et n’ont pas été encore vérifiés. Ces fossés, qui ont été repérés près du chemin de fer, se poursuivent au‑delà et se perdent dans la combe sur les photographies de 1989. L’espace enclos couvre approximativement une superficie de 3,5 ha.

12Enfin, tout à fait à l’ouest, le chantier 5 a été ouvert sur des fossés doubles, parfois triples, avec une entrée en « pince de crabe » au nord et les restes d’une autre au sud coupée par la tranchée SNCF. Les fossés doivent continuer de l’autre côté mais les cultures n’ont jamais permis d’en suivre le tracé. L’espace total alors enclos atteint environ 7 ha. Il faut noter que la « pince de crabe » nord, l’entrée supposée de l’enceinte intérieure et la fosse du chantier 4 paraissent se trouver sur le même axe.

3.3‑2 Le chantier 3

13fig. 86, 87

Description

14Notre intervention s’est effectuée alors que la surface prévue pour la citerne de la station de pompage avait été décapée mécaniquement. Nous n’avons donc pas pu exploiter la couche arable. Des traces de labours sur le chantier 5 et le fait qu’il y ait eu autrefois une vigne sur cette parcelle laissent peu d’espoir de pouvoir rencontrer des vestiges en place.

15Plus de 1 200 m2 furent explorés manuellement grâce à la participation d’une équipe importante de bénévoles. Dès le début de la première intervention, nous avons réalisé que le site, au lieu d’offrir des fossés simples comme le laissait suggérer la lecture des photographies aériennes, nous confrontait à une longue occupation avec des structures diachroniques (fig. 86, 88, 89).

FIG. 86 – Plan du chantier 3. a fouilles 1988 ; b fouilles 1987 (a et b zones vidées) ; c fouilles partielles : d fosses d’extraction de silex ; e zones décapées ; f foyers. 1 bord de fossé ; 2 bord supposé : 3 limite couche Illa ; 4 bord présumé du fossé peu‑richard.

FIG. 87 – Chantier 3, vue générale de la fouille, avant la dernière campagne à la Toussaint 1989 : en haut à gauche la fosse pour la citerne, au milieu la structure 5, les premiers trous de poteau découverts sont visibles au premier plan.

cliché P. Fouéré

FIG. 88 – Chantier 3, évolution chronostratigraphique du PR1 et recreusement sans tenir compte des structures en élévation possibles. (Diconche CH3, sondage 9 section nord).

FIG. 89 – Chantier 3, la stratigraphie en section 9/10. De bas en haut : la couche primaire peu‑richardienne, à gauche le dépotoir « Diconche », à droite le recreusement artenacien qui a amputé le dépotoir ainsi que la paroi du fossé primaire, après son comblement la couche noire finale artenacienne. Toutes les couches ont été amputées par l’érosion et les labours anciennement, puis par le décapage pour l’installation de l’usine.

Phase I

16fig. 88, A

17Nous rattachons à cette première phase le fossé interne PR1 et le fossé externe PR2, ainsi que la structure 5 (fig. 86). Ces fossés d’une largeur basale aux alentours de 1,50 m en moyenne devaient avoir des parois quasiment verticales, en profil de « U » plus ou moins ouvert, comme le montrent les secteurs non affectés par l’érosion ou par des recreusements. Les Néolithiques ont rencontré un banc compact horizontal de calcaire sur lequel ils ont buté (fig. 90, 91). Sur plus d’un mètre à partir du sol actuel, la roche est dans un très mauvais état de conservation. Le maximum de profondeur s’est trouvé au sud sur le sommet du chantier. Des tentatives d’utilisation des diaclases pour lever des blocs solides dans le fond sont attestées par deux andouillers de cerf brisés et encore insérés dans des fissures naturelles. Il est impossible de préciser si c’est à ce stade que la présence du banc dur a conduit à diminuer graduellement la profondeur des fossés jusqu’à leur disparition sur la pente. En effet, ceci a pu aussi bien se produire au cours des étapes chronologiques suivantes.

FIG. 90 – Chantier 3, fossés PR1, RC1b, RC2b, section 2/3.

FIG. 91 – Chantier 3, fossés PR1, RC1a, section 9/10.

  • 2 Depuis 1989, les fouilles ont montré qu’en fait le fossé PR2 est artenacien et que notre interpréta (...)

18Etant donné que les deux fossés ont servi ultérieurement de base à l’établissement d’une autre enceinte, il est impossible de déterminer avec précision leurs limites primitives. Le PR1 dans les mètres 20/21 disparaît entièrement et le segment peu profond, l’extension PR2 sur notre plan, n’est guère qu’une interprétation chronologique qui, avec le recul nécessaire, est difficilement démontrable2. Par conséquent, la convergence des fossés n’appartient pas nécessairement à cette phase. De plus, rien ne nous autorise à envisager que cette enceinte ait été constituée de fossés interrompus, mais d’éventuels causeways auraient pu être détruits lors des recreusements. Nous en verrons des exemples dans le chantier 5.

19Que ce soit dans le PR1 ou le PR2 il faut remarquer que les blocs importants ayant pu indiquer une ou des structures en élévation sont très rares. Nous verrons que le remplissage de ces fossés, uniformément mais à des profondeurs différentes, a été bouleversé par les occupants successifs. Après une sédimentation primaire (fig. 91, couche 1a ; fig. 90, couches 1a et b), nous trouvons des niveaux d’éléments calcaires de petits ou moyens calibres qui auraient pu tout au plus provenir d’un talus, mais certainement pas d’un parement (fig. 90), couches 1e à 1e). S’il en fût jamais un, ses constituants ont dû être prélevés lors des recreusements ultérieurs. C’est une hypothèse qui d’ailleurs trouve des arguments dans l’étude des phases suivantes.

20Des diverses structures reconnues sur le chantier 3 nous pensons pouvoir attribuer à cette phase la « structure 5 ». Il s’agit de l’exploitation en surface d’un banc de silex, rencontré lors du creusement de PR2. Le débitage sur place est attesté par des éclats de taille. Nous y avons recueilli quelques tessons décorés exclusivement dans le style du Peu‑Richard tant continental que maritime (Burnez in Roussot‑Larroque et al. 1987). Dans les couches primaires de PR1 et PR2, les céramiques ont montré la coexistence des deux types d’ornementation et en nombre à peu près égal.

21La structure 1 est un trou de poteau isolé. La structure 3 est une fosse circulaire ou un très grand trou de poteau avec des pierres de calage ayant piqué vers l’intérieur. L’absence totale de matériel empêche de la dater.

22Les trous de poteau encadrant les bords de PR2, quatre certains et un probable à l’est, et à l’ouest quatre plus un trou de piquet, appartiennent sans conteste à une structure mais que nous ne pouvons rattacher à aucune des phases de l’occupation de ce secteur.

Phase II

23fig. 88, B et C

24Après comblement, sinon total du moins partiel des fossés peu‑richardiens, nous trouvons le creusement d’une fosse‑dépotoir dans le PR1 qui part du mètre 5 jusqu’au mètre 13. Le bord du fossé n’en a pas été affecté quand par contre les couches primaires 2A et 3A (sondage 9 fig. 91) ont été largement tronquées. Vraisemblablement, une dépression résiduelle marquait cet endroit, peut‑être des différences de végétation et/ou le remplissage meuble du fossé ont présidé au choix de cet emplacement. Le but primaire de cette fosse, dépotoir ou récupération de matériaux, demeure une énigme. Très noire, collante, avec de très nombreux et importants charbons de bois, elle s’est révélée d’une très grande richesse en matériel de toutes sortes : lithique, céramique, parure, outillage en os. Le fait d’y avoir rencontré des vases, probablement entiers avant les creusements, une hache polie intacte, des outils lithiques ou osseux semblant inutilisés n’en simplifie pas l’interprétation. Le recours au « rituel » est une voie facile que nous ne désirons pas emprunter, du moins à ce stade de notre étude.

25Il n’est pas de notre propos ici de donner la description de ce mobilier, mais indiquons qu’il rompt drastiquement avec la tradition peu‑richardienne et qu’il ne peut guère être considéré comme un « pré‑Artenac ». Si chronologiquement (Gif 7594 : 4570 ± 70 ans et Gif 8059 : 4510 ± 60 ans B.P.) il correspond à la place occupée par le Vienne/Charente, cette appellation ne nous paraît plus devoir lui être attribuée. Non seulement elle a été sévèrement critiquée (Roussot‑Larroque 1986), mais, dans le cas présent, elle véhiculerait une connotation géographique beaucoup plus large pour que nous puissions en parer notre modeste niveau. Bien qu’à Merpins (Charente) nous en ayons un témoin indiscutable, probablement un à La Garenne à St‑Hippolyte (Gabet, Massaud 1965) et peut‑être d’autres à La Case aux Prêtres à Rochefort‑sur‑Mer (Cassen 1987) (mobilier que nous n’avons pas pu examiner), ce n’est pour l’instant que dans un cadre territorial étroit que nous le localisons. Les horizons funéraires de Chenon A6 (Gauron, Massaud 1983) et des Fontiaux à Raix (Charente) (Burnez 1966) sont trop atypiques pour qu’une assimilation puisse être retenue sans réserve.

Phase III

26fig. 88, D à G

Phase III a

27fig. 88, F à E

28A partir de ce stade, le gisement de Diconche acquiert une tout autre dimension et si nous ne parlons ici que du chantier 3, il faut prendre en compte que les chantiers 4 et 5 se trouvent chronologiquement dans le même cycle culturel, la civilisation d’Artenac (Bailloud, Burnez 1962 ; Roussot‑Larroque 1986).

29Entre l’abandon du dépotoir et la réoccupation il n’est guère possible de donner une estimation du laps de temps qui s’est écoulé. Toutefois les fossés peu‑richardiens ont continué de se combler et au moment de la réoccupation de ce secteur les dépressions résiduelles ne devaient plus être très marquées. Cependant, pour que les artenaciens aient établi au même endroit une enceinte formée de segments de fossés doubles, il fallait que ce choix d’emplacement soit justifié : vestiges de structures en élévation, dépressions résiduelles ou différences de végétation peuvent être à nouveau invoqués.

30Le fossé extérieur en RC2a est entièrement excavé dans le calcaire, quand par contre les RC1a, RC1b et RC2b (fig. 86, 88, 90, 91 sont en partie creusés aux dépens du fossé PR1. Il semble qu’au départ les terrassiers néolithiques aient entamé leur travail dans le calcaire en place et que, lors de la rencontre des couches terreuses, ils aient eu à faire face à des difficultés imprévues. Dans un cas, section 2/3 (fig. 90, couche 8a), la couche formée d’éléments anguleux de craie sans matrice terreuse apparaît comme un bourrage pour compenser un surcreusement après que la profondeur recherchée a été largement dépassée. Le dépotoir a été aussi entamé dans une zone où il semble que le nouveau fossé ait été exagérément élargi à la recherche de la roche mère.

31Le secteur RC0 peut correspondre à un segment indépendant mais il a été impossible d’en trouver la limite exacte. Il est assez tentant de le mettre en rapport avec l’extension PR2, mais nous reconnaissons volontiers que nous ne pouvons pas apporter d’autre argument que la présence de matériel Artenac jusqu’à la base.

32Les dimensions recherchées pour ces nouveaux fossés sont probablement celles rencontrées dans RC2b et RC2a : une largeur à la base d’environ 2 m, avec des parois assez abruptes du côté est et plus étroite du côté ouest, origine du plus grand ruissellement pluvial. La profondeur moyenne tourne autour de 1 à 1,20 m. Les fossés extérieurs montrent une sédimentation assez régulière, avec quelques éléments calcaires pouvant atteindre une taille moyenne, beaucoup plus fréquents à proximité des interruptions que dans le milieu du segment. Par contre les fossés internes surtout dans les sections 8 à 12 ont produit des blocs assez importants pour justifier l’hypothèse d’un parement vers l’intérieur de l’enceinte. Ces éléments très érodés ont pu être récupérés à la surface des pentes où devaient affleurer des bancs compacts ou bien tout simplement dans les fossés peu‑richardiens. C’est probablement à cette époque, et ayant ainsi réalisé qu’ils disposaient de réserve de moellons et peut‑être de silex, qu’ils ont largement bouleversé les couches primaires de PR2 (Gif 7957 : 4270 ± 60 ans B.P.). Cette phase n’a été datée que parcimonieusement par de rares témoins lithiques ou des tessons décorés tout à fait à la base de RC2b et RC2a. Les autres segments ayant été d’une pauvreté extraordinaire, tout au moins dans leurs niveaux basaux, offrent un contraste frappant avec la phase suivante.

Phase III b

33fig. 88, F et G

34L’occupation artenacienne va se continuer mais, cette fois, les fossés segmentés du chantier 3 semblent avoir perdu toute leur signification première. En effet, ils se sont à moitié, voire aux trois quarts, comblés lorsque viennent les dernières occupations. Nous y rencontrons une terre très noire, collante, avec peu d’éléments calcaires et sans y découvrir des traces de structures.

35Sur le plan (fig. 86), les « structures » 4, 6, 7 et 8 ne sont pas des aires de combustion construites mais plutôt des vidanges de foyer ou bien des feux tout à fait temporaires. En 4 et 7, la chaleur produite a affecté les terres sous‑jacentes, ce qui suggère plutôt un feu sur l’emplacement que le déversement de braises encore incandescentes. De la faune abondante, parfois en connexion, des tessons innombrables et des éclats de silex font plutôt penser à des dispersions de détritus qu’à une aire d’implantation d’habitat. Il est vrai que nous n’avons pas exploré largement les zones hors fossés, non menacées immédiatement, et que des structures formées de poteaux ont pu y laisser des traces. Nous reviendrons sur cet aspect ainsi que sur l’influence possible de l’érosion et des labours en traitant du chantier 5.

3‑3.3 Le chantier 4

36Les photographies aériennes indiquaient la présence d’une structure sous la forme d’une tache noire circulaire implantée sur la diaclase à l’est. Les chantiers 1 et 2 avaient montré que des intrusions l’avaient déjà affectée sans qu’il soit possible d’en déterminer la nature.

37Un bâtiment devait être initialement installé sur cette tache et nous avons en conséquence commencé sa fouille en 1988. Parallèlement, grâce à la compréhension des services techniques de la ville de Saintes, nous avons obtenu que les plans soient légèrement modifiés et la construction se trouve en bordure de la zone archéologique. Il nous a donc été possible d’arrêter son exploration et de concentrer nos efforts sur le chantier 3 irrémédiablement condamné.

38Pour cette raison, il nous est impossible de donner des précisions sur cette tache noire que nous devons reprendre en fouille programmée triennale à partir de 1990. La première intervention nous a permis de mettre au jour les bords de ce qui semble être une fosse creusée à la fois sur la diaclase et le calcaire environnant. Elle mesure une quinzaine de mètres de diamètre, ses bords semblent descendre en pente douce, mais un prélèvement avec une tarière manuelle, bloquée par une argile compacte à 1,40 m, a remonté des charbons de bois à cette profondeur.

39Avec cette information, nous pouvons penser que des dépôts stratifiés pourraient s’y trouver et cette hypothèse est confortée par l’analyse du matériel récolté dans les niveaux superficiels. En effet, ils se sont révélés d’une extrême richesse, plus de 45 000 tessons, en majorité écrasante artenaciens, et plus de 20 000 silex. Toutefois, une dizaine de tessons peu‑richardiens et un tesson décoré « Diconche » montrent que cette structure peut devoir son origine à plusieurs horizons culturels.

  • 3 Depuis la rédaction de cet article nous avons poursuivi les interventions sur Diconche, en sauvetag (...)

40Après le décapage par un engin du chantier, nous avons donc exploré la couche supérieure qui ne nous a pas indiqué des traces de structure ou trou de poteau. Le fait que cette couche si riche ait présenté des vases presque entièrement reconstituables et de très nombreux fragments importants semble exclure son utilisation comme zone de circulation. Nous ne sommes pas en mesure par conséquent de suggérer une interprétation fonctionnelle de cette « fosse ». Des rapprochements faciles avec certains circles des enceintes à fossés d’Angleterre, dont les dimensions ne sont pas comparables (Durrington Walls, Sanctuary, Mount Pleasant, Marden, Woodhenge...) (Wainwright 1979 ; Wainwright, Longworth 1971 ; Piggott 1940) ne reposeraient sur aucune observation et seraient de purs produits de l’imagination. Contentons‑nous donc seulement de souligner l’importance de l’impact artenacien dans cette zone du site3.

3.3.4 Le chantier 5

Description

41Les premiers travaux pour l’implantation de la rocade sud et d’un échangeur sur l’enceinte extérieure ayant suivi une programmation plus rapide que prévue, nous avons dû en 1989 intervenir sur ce nouveau chantier et repousser l’exploration du chantier 4. En dépit d’un budget important, il n’était pas possible de procéder à la fouille minutieuse d’une surface de 3 500 m2, contenant trois fossés, dans le laps de temps disponible. Après un décapage mécanique de l’ensemble, nous avons donc adopté les options suivantes :
– ouvrir des sections dans toutes les extrémités des segments de fossé ;
– ouvrir des sections axiales ;
– explorer les entrées et dégager d’éventuelles structures marquées par des trous de poteau sur la zone strictement menacée.

42Plus de 2 500 m2 ont été décapés et 200 m3, au minimum, fouillés à la truelle. Après une inspection du Conseil supérieur de la recherche archéologique, il fut décidé de vider entièrement les fossés à la pelle mécanique pour en préciser les contours exacts et tenter de sauver d’éventuels dépôts archéologiques importants, condamnés à la destruction dans tous les cas. Ce travail terminé à la fin de l’année 1989 nous a permis non seulement d’exhumer un matériel archéologique intéressant mais aussi d’appréhender les nombreuses phases qui ont présidé à l’état actuel du plan de cette enceinte.

43Avant de procéder à la description de ce chantier, nous devons évoquer ici l’importance considérable de l’érosion dont nous avons déjà indiqué l’action, mais moins décelable, dans le chantier 3. Il n’est pas possible d’en évaluer l’ampleur car nous n’avons pas de témoin de l’ancien sol. Une extrapolation avec les observations effectuées en Angleterre serait de toute évidence hasardeuse. Plusieurs dizaines de centimètres ont certainement disparu en Saintonge comme les structures du chantier 5 le montrent clairement. Après le passage du scraper, de nombreuses traces de labour étaient visibles dans la craie et le rôle destructeur des travaux agricoles ne doit pas être sous‑estimé. Les sites de la région parisienne ont souffert des mêmes phénomènes et tout récemment J. Guilaine les enregistrait sur le site d’Ornaisons‑Médor (Aude) (Guilaine et al. 1989). Enfin nous devons indiquer que le secteur XII (un four contenant des tessons néolithiques atypiques), une aire brûlée (secteur XXI avec un tesson Artenac), de nombreux trous de poteau ainsi que les petites fosses du secteur XVII (antérieures ou postérieures au fossé externe ?) sont indatables (fig. 92, 93).

FIG. 92 – Chantier 5, vue générale de la fouille après la première campagne, la « pince de crabe » nord au premier plan et la « pince de crabe » sud en haut.

cliché P. Fouéré

FIG. 93 – Plan du chantier 5.

Phase 1a

44Nous avons rencontré, en dégageant le fossé interne de la zone sud, une tranchée de palissade (secteur XVIII) qui prenait appui à l’ouest sur deux trous de poteau importants dont un avait été amputé par le fossé du secteur X. Sa position chronostratigraphique est aussi confirmée par la superposition de la palissade (secteur XIX), datée sans conteste d’une phase finale (fig. 94, 95).

FIG. 94 – Chantier 5, interprétation chronologique e1 localisation des sections présentées.

FIG. 95 – Chantier 5, détail de l’entrée sud.

45La profondeur de la tranchée passe d’une trentaine de centimètres à son effacement total vers le mètre 75 tant à l’est qu’à l’ouest. Dans un bourrage homogène, de calcaire et de craie altérés, il n’a pas été possible de déterminer l’emplacement des poteaux alors qu’ils étaient très apparents dans les autres tranchées. Avec des interruptions, soit volontaires soit dues à l’érosion, elle délimite une aire vaguement trapézoïdale. Les grands trous de poteau, 56 et 57, bien que décalés auraient pu aussi indiquer une autre entrée. Il est assez difficile d’ordonner les nombreux pieux rencontrés dans cette zone, mais il faut souligner leur fréquence autour des entrées. Nous serions toutefois tentés de voir une ligne, parallèle à la tranchée ouest, formée par les numéros 2 à 5, 10 à 12 et 15, 16. Les numéros 34 à 36 et 56 pourraient offrir l’équivalent à l’est. S’il s’agissait d’une structure couverte, il nous manquait de toute évidence les poteaux centraux pour soutenir une toiture. Au stade actuel de notre réflexion sur le site, dont nous venons de terminer la fouille, nous préférons ne pas nous aventurer plus loin dans les interprétations. Le matériel recueilli, très pauvre, est atypique et l’absence de charbons de bois exclut toute datation par le 14C.

Phase 1b

46Nous pouvons inscrire dans cette phase une structure qui, malheureusement, n’est plus visible que sous une forme résiduelle, ayant été affectée d’une part par l’érosion et d’autre part par les excavations ultérieures. Il s’agit de la première extension territoriale du site que nous avons explorée dans les secteurs III, IV, XVI, XV et peut‑être XI et XIV. Une enceinte a été délimitée par des segments de fossé, suivant un plan qui sera repris dans les étapes suivantes. L’érosion a eu sur eux un effet maximum car dans le secteur III, il ne reste plus qu’une dizaine de centimètres creusés dans le calcaire et ce secteur est précédé par un autre segment ne subsistant plus que partiellement. Ce n’est que dans les secteurs XVI et XV que la profondeur atteint encore une soixantaine de centimètres. Le remplissage encore en place a montré des phases de sédimentation, probablement assez lentes, intercalant des niveaux de calcaire altéré très compacts avec des passages terreux. Stratigraphiquement, deux coupes nous ont indiqué que le secteur VII avait amputé cette enceinte (fig. 96).

FIG. 96 – Chantier 5 : secteurs VII et XVI, section 82/83.

47Il est certain que du point de vue architectural nous n’obtenons pas une image très satisfaisante. Nous n’avons pas eu la possibilité de rechercher une éventuelle suite à ces segments vers le nord en dehors de la zone du sauvetage. D’autre part, dans le fossé externe de l’enceinte plus récente, nous avons des indices d’une possible reprise d’un fossé plus ancien, comme nous le dirons plus loin. Il n’est donc pas impossible que, comme dans le chantier 3, nous ayons affaire originellement à un fossé segmenté double. Dans les deux cas il s’agit de constructions artenaciennes.

48C’est ici que nous devons nous tourner vers les secteurs XI et XIV qui, en fait, forment une seule structure faisant penser à une entrée en « pince de crabe » rudimentaire. La réutilisation d’une grande interruption comme entrée dans la phase suivante indique une certaine continuité dans le dispositif des enceintes. Les travaux de la rocade qui doivent provoquer un décapage de l’autre côté de la tranchée SNCF nous apporteront peut‑être des éléments d’interprétation qui nous font défaut à l’heure actuelle

Phase 2

49Ce que nous présentons comme une phase unique recouvre certainement plusieurs étapes dont nous ne sommes pas en mesure de préciser les intervalles temporels. Quoi qu’il en soit, nous constatons actuellement le plan d’une enceinte aux structures complexes comprenant deux entrées en « pince de crabe » dans la zone fouillée.

50Cette enceinte se compose à l’intérieur de segments de fossé en moyenne de 3 m de large et 1,60 m de profondeur. Il sont de longueur très variable, le secteurs X et VIII atteignent respectivement 22 et 24 m, le secteur IX fait à peine 12 m, le secteur II un peu plus de 10 m, alors que le secteur V est presque parfaitement circulaire. Cependant les plus grands pourraient représenter la réunion de deux segments plus anciens. Certains changements des largeurs et des seuils en profondeur pourraient être expliqués de cette façon. Il faut peut‑être rapprocher le secteur V du secteur XVI, lui aussi circulaire. Ne s’agirait‑il pas de condamnations d’entrées d’une phase antérieure ?

51Le remplissage de ces segments a été relativement homogène indiquant la présence d’une structure en élévation interne. Après une sédimentation primaire (fig. 97, couches 13 à 9) due principalement à la dégradation des deux parois et des extrémités des fossés, nous assistons à l’éboulement d’un parement (fig. 97, couche 8). Il était composé de dalles plates érodées qui, par leur taille, ne pouvaient pas provenir du calcaire en place. Il s’agit de pierres ramassées soit en provenance de pentes voisines soit en récupération de structures antérieures. Dans cette section, les dalles calibrées dans les dimensions les plus grandes (60 x 40 x 10 cm) l’emportaient en nombre par rapport aux moellons globuleux. Dans le secteur X et sur 6 m nous avons rencontré quatre orthostates en position primaire de chute suivis des restes du parement déjà mentionné (fig. 97). Nous sommes devant les vestiges d’une construction mégalithique en rapport avec l’entrée que nous décrirons plus loin. Il faut cependant noter que dans le secteur XIII rien de semblable n’a été découvert. Entre l’hypothèse d’une dissymétrie toujours possible et celle d’un processus différent de destruction, nous ne pouvons pas donner d’argument plus convaincant pour l’une que pour l’autre.

FIG. 97 – Chantier 5, secteur X, section 82/83.

52Après cet éboulement du parement, certaines sections semblent indiquer un niveau de sédimentation qui pourrait résulter d’une période d’abandon du site. De toute façon, assez rapidement, alors que les fossés étaient encore peu comblés, un niveau chaotique de blocs présente toutes les caractéristiques d’un remplissage anthropique. Cette observation est corroborée par l’abondance de restes humains qu’il contient dans l’entrée nord : neuf calottes crâniennes dans le secteur II et sept dans le secteur VIII. Des os longs, des maxillaires inférieurs et supérieurs, des phalanges humaines, etc. y ont été aussi récoltés, intimement mélangés à des déchets culinaires (fig. 98, couche 1a).

FIG. 98 – Chantier 5, secteur II, section 13/14.

53Le fossé externe, du moins dans la zone fouillée, se présente comme une excavation continue. Toutefois des rétrécissements (mètre 40 – entre 60 et 64) ainsi que des différences du niveau du fond peuvent indiquer des éliminations d’interruptions. Nous avons aussi signalé la possibilité d’une reprise d’éventuels segments de l’enceinte initiale, ce que Certaines sections pourraient montrer. De plus à l’approche des deux entrées, le fossé présente un élargissement notable. Dans le secteur VII deux étapes sont visibles.

54L’évidence de la présence de plusieurs phases ressort de la lecture du remplissage du secteur VII. En effet, le comblement de l’appendice qui forme l’entrée a été amputé par le fossé qui lui est plus profond dans son dernier stade (fig. 99). Il est possible que la « pince de crabe » n’ait plus alors été fonctionnelle. A l’exception du secteur VII où les pierres ont été relativement abondantes et en provenance de l’entrée, le remplissage de tout le fossé externe est totalement différent de celui du fossé interne (fig. 100). Il montre à la base une sédimentation naturelle, blanchâtre, de calcaire décomposé à laquelle succède un niveau noirâtre contenant des lits de ruissellement de petits Cailloux calcaires. La grande symétrie du remplissage montre qu’il y eut un apport quantitativement équivalent de matériaux en provenance des deux bords du fossé. Ceci rend peu vraisemblable l’hypothèse d’un talus extérieur ou intérieur, sauf en cas de présence simultanée des deux. La mauvaise qualité du calcaire extrait offrait peu de possibilité pour ériger des parements.

FIG. 99 – Chantier 5, secteur VII, section 90a.

FIG. 100 – Chantier 5, secteur VI, section 41/42.

55Ceci nous amène à parler des deux entrées que nous avons fouillées. Notons tout de suite l’identité que l’on trouve au niveau de leur plan général, même si celle au sud est plus élaborée et plus importante.

56Les appendices dans tous les cas sont moins profonds que les fossés auxquels ils sont liés, à un stade ou à un autre. Dans les deux structures nous trouvons des palissades réductrices d’accès tout à fait semblables quant à leur mode de construction : une tranchée, actuellement d’une vingtaine de centimètres en moyenne, dans laquelle des poteaux d’une quinzaine de centimètres de diamètre ont été insérés puis maintenus en place par un bourrage de calcaire altéré. Signalons que des reprises, des remplacements et des preuves de la carbonisation de certains d’entre eux ont été constatés.

57Les trous de poteau autour de l’entrée nord ne sont pas indiscutablement en relation avec le « réducteur d’accès » sauf probablement le no 1 qui pouvait compléter un vide trop grand entre la palissade et le fossé (fig. 93, 94). Par contre la « pince de crabe » sud est beaucoup plus complexe et plus élaborée (fig. 95). En venant de l’extérieur, nous trouvons d’abord une petite palissade précédant l’appendice près de la tranchée du chemin de fer et en vis‑à‑vis un trou de poteau géminé. Ceci fait irrésistiblement penser à une barrière amovible de fermeture. Ensuite, deux rangs de trous de poteau, tous aussi géminés, encadrent la zone de circulation vers l’intérieur. Mentionnons que dans le comblement du fossé du secteur VII nous avons recueilli un fragment de calcaire (20 x 10 x 30 cm) détaché par le gel d’un bloc plus important, qui porte des restes de gravures : chevrons et points. Bien qu’il puisse provenir du réemploi d’une stèle implantée ailleurs sur le site, il est tentant d’en imaginer une rangée au lieu de (ou avec) des poteaux formant peut‑être des portiques. Quoi qu’il en soit, la palissade devant laquelle le visiteur se trouvait, présentait elle aussi un rétrécissement. C’est à cet endroit que nous avons constaté des carbonisations et des remplacements de poteaux.

58Il faut rappeler ici que le parement près de l’extrémité nord du fossé avait comme éléments des orthostats dressés formant un réel mur mégalithique. Enfin, il n’est pas exclu que les trous de poteau (d’un côté : nos 38, 102 à 104 et 30 ; de l’autre : 16, 14, 9 et 56) accompagnent les palissades.

59La volonté de créer une structure ostentatoire est évidente à des degrés divers dans chacune des deux entrées. Malheureusement, les conditions de préservation font que nous ignorons à peu près tout des constructions aériennes accompagnant les fossés et particulièrement autour des appendices.

60Il est bon de souligner que, si actuellement le plan nous offre deux entrées conjointes, il n’est nullement inconcevable qu elles se soient succédées dans le temps. Ce diachronisme suivrait assez logiquement les sous‑phases d’aménagement que nous avons cernées, avec difficulté il est vrai, dans les fossés.

61Du point de vue chronologique et culturel nous pouvons attribuer toutes les structures, à l’exception de l’enclos primaire et du four, à l’Artenac. Jusqu’à présent, dans l’état d’étude du matériel, nous n’avons trouvé que deux tessons, très érodés, du Peu‑Richard maritime dans le remplissage primaire en regard de milliers de tessons artenaciens sûrs.

62Deux tessons campaniformes et des vases du Bronze ancien recueillis dans les premiers vingt centimètres au sommet du fossé externe donnent un terminus ad quem de l’utilisation de l’enceinte en tant que telle.

3.3.5 Conclusions

63Il nous est difficile à l’heure actuelle de donner des conclusions définitives étant donné que nous sortons tout juste de la fouille du chantier 5 et que la totalité du matériel est loin d’avoir été traitée. Par ailleurs, nous devons prendre en compte la fouille du chantier 4 et probablement un nouveau sauvetage sur la zone de l’autre côté de la tranchée SNCF pour pouvoir prétendre avoir une vision globale de l’histoire du site.

64Nous ne savons pas grand‑chose de la première occupation, celle de la civilisation de Peu‑Richard, mais elle semble avoir utilisé une aire modeste, environ 3,5 ha. On en retiendra le mélange des deux styles céramiques : le maritime et le continental. La date un peu jeune, puisqu’elle présente une inversion avec celles obtenues dans le niveau supérieur, est cependant statistiquement acceptable (Gif 7595 : 4430 ± 70 ans B.P. sur os). Elle est d’ailleurs confortée par la datation sur charbons que vient de nous livrer un sondage au Chaillot de la Jard, avec les mêmes éléments culturels : 4630 ± 70 ans (Gif 7923) (Bouchet, Burnez 1992). Il semble que l’horizon spécial des « Inconnus de Diconche » n’ait pas utilisé les enceintes à fossés. Leur diversité de sources d’approvisionnement en matières premières (silex et dégraissants) provenant tant du Sud que du Nord peut faire penser qu’il s’agit d’un groupe culturel ayant joui d’une certaine diffusion. Faut‑il lui attribuer les sites de surface de la Saintonge très riches qui se refusent à offrir des fossés à l’œil vigilant de J. Dassié ? En serait‑il de même de la zone entre la rive nord de la Charente et la Boutonne où les fossés néolithiques sont, semble‑t‑il, sinon absents du moins très rares ? Diconche vient de nous entrouvrir une porte sur de nouvelles perspectives que le temps seul et les recherches futures permettront d’aborder. Nous admettons volontiers qu’il serait passionnant de pouvoir comparer des gestions de territoire peu‑richardien et des « Inconnus de Diconche » mais très prématuré...

65Quelques points forts méritent d’être soulignés. Ainsi l’agrandissement considérable de l’aire enclose passant à environ 7 ha avec l’Artenac ; il est probable que c’est le reflet d’une poussée démographique importante avec sa cause : un surplus de ressources. Toutefois l’enceinte de cette civilisation dans le chantier 3 reprend ou retrouve la même superficie que pendant le Peu‑Richard. On peut aussi concevoir un processus de repli après une phase d’expansion, donnant ainsi une histoire du site en dents de scie. Ni les données stratigraphiques ni l’évolution du matériel étudié ne permettent d’infirmer ou de confirmer une telle hypothèse. L’attribution des « pinces de crabe » à l’Artenac sur le site de Diconche ne signifie pas nécessairement que toutes les « pinces de crabe » soient artenaciennes. A Semussac, la publication en date une du Peu‑Richard (Mohen, Bergougnan 1984). Par contre les sondages dans les fossés de la Coterelle à St‑Germain‑de‑Lusignan (Charente‑Maritime) indiquent une forte intrusion artenacienne (Gaillard 1974 ; Fouéré, Burnez 1992). Les palissades réductrices d’accès existent sous des formes moins structurées dans le Bassin parisien à Grisy et Châtenay (C. et D. Mordant 1988) et des rapprochements pourraient aussi être effectués avec les enceintes danoises (Andersen 1988 ; Madsen 1988). Tant spatialement que chronologiquement, ces rapprochements ne sont pas crédibles sans faire un appel désespéré au paria de la recherche néolithique : le diffusionisme. Il vaut mieux se cantonner aux exemples régionaux qui, s’ils ne sont pas aussi révélateurs, s’inscrivent dans des cycles sinon identiques du moins « apparentés » : trous de poteau dans l’entrée nord‑ouest de Champ‑Durand (Joussaume 1981) qui pourraient être mis en relation avec une ébauche de « pince de crabe » ; trous de poteau alignés dans les appendices des « pinces de crabe » à la Coterelle ; tranchée de palissade visible près d’une interruption de fossé à Peu‑Richard lors de la fouille entreprise par la base aérienne sous la direction de P. Geay en 1965 et 1966 (observation inédite effectuée par l’un d’entre nous C.B.). Enfin le caractère défensif des enceintes successives de Diconche demeure très aléatoire, étant donné que les fossés ne semblent pas se poursuivre sur les pentes. Par ailleurs, à Semussac (Mohen, Bergougnan 1984), aux Loups à Echiré (Lagarde et al. 1987) et à La Mastine (Cassen, Scarre 1987), il semble que nous ayons le même phénomène de disparition graduelle par manque de profondeur ; en revanche, la volonté de créer des entrées de prestige est évidente et ceci nous pousse inévitablement vers des analyses socio‑économico‑religieuses que beaucoup d’autres ont traitées ou traiteront bien mieux que nous. Plus prosaïquement, il est indubitable que notre connaissance de la civilisation matérielle de l’Artenac va bénéficier de ce sauvetage. Cet aspect ne pourra être abordé qu’après étude des abondants documents lithiques, paléontologiques et céramiques et lorsque les résultats des analyses concernant l’environnement seront disponibles.

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Notes

1 Une étude exhaustive du carottage a permis une révision de cette interprétation. La rédaction de ce travail est en cours.

2 Depuis 1989, les fouilles ont montré qu’en fait le fossé PR2 est artenacien et que notre interprétation était par conséquent à reconsidérer.

3 Depuis la rédaction de cet article nous avons poursuivi les interventions sur Diconche, en sauvetage sur les chantiers 6 (historique) et 7, en fouille programmée sur le chantier 4. Il n’est pas possible de reprendre ici toutes les interprétations nouvelles qui modifieraient sensiblement ce texte. Toutefois, quelques traits importants méritent d’être soulignés. Le chantier 3 : comme nous l’avons inséré dans le paragraphe le concernant, nous ne pouvons plus attribuer au Peu‑Richard le fossé PR2 qui est donc une création artenacienne. C’est le chantier 7 qui nous a permis de préciser ce point important. Le chantier 4 : deux campagnes de fouille programmée ont prouvé qu’il s’agissait d’un vaste élargissement de la diaclase, plus ou moins circulaire (diamètre d’environ 15 m), dont nous n’avons pas encore atteint le fond à plus de 5 m. Les couches de base ne contiennent que du Peu‑Richard et des « Inconnus de Diconche ». Il est intéressant de faire un rapprochement, d’après la publication de Eschassériaux (1884), avec une excavation aux dimensions comparables dans l’enceinte interne du site éponyme de Peu‑Richard, que cet auteur avait interprétée comme une carrière. A Diconche, il est certain que les Artenaciens ont utilisé cette « fosse » pré‑existante comme un dépotoir. Le chantier 7 : ce nouveau chantier, ouvert de l’autre côté de la voie ferrée en 1990 et 1991, a révélé la partie totalement inconnue du plateau. C’est dans ce secteur du site que l’on trouve des éléments de réponse à la question de la relation entre l’enceinte externe et l’enceinte interne, mais aussi la preuve de l’unicité du fossé Peu‑Richardien ou la présence systématique des palissades dans les entrées de l’enceinte externe. De nouveaux problèmes n’ont pas manqué d’apparaître tels l’absence des « pinces de crabes » ou la disparition d’un des fossés de l’enceinte externe.

Table des illustrations

Légende FIG. 83 – Photographie aérienne 1973.
Crédits cliché J. Dassié
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/38480/img-1.jpg
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Légende FIG. 84 – Localisation des sites principaux. 1 Peu‑Richard à Thénac ; 2 Le Marais aux Vaches à Montils ; 3 Le Chaillot à la Jard ; 4 Le Moulin‑de‑Vent à Montils ; 5 La Combe à Bouyer à Montils ; 6 Le Mourez à Berneuil ; 7 Pont d’Husson à Bougneau ; 8 La Vie à Merpins ; 9 Le Moulin de Fanau à Gimeux ; 10 Bonbonnet à Ars ; 11 Le Croux à Saint‑Fort‑sur‑le‑Né ; 12 Le Terrier de Callas à Verrières ; 13 Petit Chadignac à Saintes ; 14 Diconche ; 15 Réjolles à Biron ; 16 Biard à Segonzac ; 17 Les Matignons à Juillac‑le‑Coq.
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Légende FIG. 85 – Plan général du site.
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Légende FIG. 86 – Plan du chantier 3. a fouilles 1988 ; b fouilles 1987 (a et b zones vidées) ; c fouilles partielles : d fosses d’extraction de silex ; e zones décapées ; f foyers. 1 bord de fossé ; 2 bord supposé : 3 limite couche Illa ; 4 bord présumé du fossé peu‑richard.
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Légende FIG. 87 – Chantier 3, vue générale de la fouille, avant la dernière campagne à la Toussaint 1989 : en haut à gauche la fosse pour la citerne, au milieu la structure 5, les premiers trous de poteau découverts sont visibles au premier plan.
Crédits cliché P. Fouéré
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Légende FIG. 88 – Chantier 3, évolution chronostratigraphique du PR1 et recreusement sans tenir compte des structures en élévation possibles. (Diconche CH3, sondage 9 section nord).
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Légende FIG. 89 – Chantier 3, la stratigraphie en section 9/10. De bas en haut : la couche primaire peu‑richardienne, à gauche le dépotoir « Diconche », à droite le recreusement artenacien qui a amputé le dépotoir ainsi que la paroi du fossé primaire, après son comblement la couche noire finale artenacienne. Toutes les couches ont été amputées par l’érosion et les labours anciennement, puis par le décapage pour l’installation de l’usine.
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Légende FIG. 90 – Chantier 3, fossés PR1, RC1b, RC2b, section 2/3.
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Légende FIG. 91 – Chantier 3, fossés PR1, RC1a, section 9/10.
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Légende FIG. 92 – Chantier 5, vue générale de la fouille après la première campagne, la « pince de crabe » nord au premier plan et la « pince de crabe » sud en haut.
Crédits cliché P. Fouéré
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Légende FIG. 93 – Plan du chantier 5.
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Légende FIG. 94 – Chantier 5, interprétation chronologique e1 localisation des sections présentées.
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Légende FIG. 95 – Chantier 5, détail de l’entrée sud.
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Légende FIG. 96 – Chantier 5 : secteurs VII et XVI, section 82/83.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/38480/img-14.jpg
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Légende FIG. 97 – Chantier 5, secteur X, section 82/83.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/38480/img-15.jpg
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Légende FIG. 98 – Chantier 5, secteur II, section 13/14.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/38480/img-16.jpg
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Légende FIG. 99 – Chantier 5, secteur VII, section 90a.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/38480/img-17.jpg
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Légende FIG. 100 – Chantier 5, secteur VI, section 41/42.
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/38480/img-18.jpg
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Auteurs

Institut du Quaternaire, centre François‑Bordes, Bordeaux I.

Institut du Quaternaire, centre François‑Bordes, Bordeaux I.

© Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1993

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