1Cette note présente un état de la question plus qu’une synthèse complète des connaissances actuelles ; le but est de livrer simplement des informations à propos d’activités et de recherches en cours.

2La fouille de sites néolithiques de plein air n’est pas une nouveauté en Provence. Les stations ont toujours attiré les chercheurs et, pendant toute la première moitié du siècle, elles ont fait l’objet de nombreux ramassages de surface, telles les stations de l’ouest des Alpes‑de‑Haute‑Provence ou celles des Claparèdes dans le Luberon (Cotte 1924 : 34‑47, 53‑56). Les premières fouilles sérieuses sont entreprises dès 1947 à La Couronne (Martigues, Bouches‑du‑Rhône) sur le site du Collet‑Redon (Escalon de Fonton 1947), mais les recherches sur ce type de gisement restent très limitées jusqu’aux travaux de J. Courtin à Courthézon (Courtin 1976) et au Grés d’Orange (Phillips, Courtin 1981). Depuis, l’intérêt pour ces gisements s’est considérablement accru et le nombre de fouilles les concernant n’a pas cessé d’augmenter ; il représente actuellement dans la région Provence‑Alpes‑Côte‑d’Azur un peu plus du tiers de la totalité des opérations annuelles de Préhistoire.

3Ces dernières années, les fouilles sur les sites de plein air néolithiques répondaient à différentes orientations de recherche et à différents impératifs d’interventions :
– fouilles de sauvetage en milieu urbain sur des sites du Néolithique moyen de Provence orientale (Binder 1986, 1987) ;
– fouilles d’habitats, principalement du Néolithique final, de plateaux ou perchés ;
– fouilles de sauvetage d’habitats du Néolithique final de plaine ou de terrasse ;
– fouilles de sauvetage de sites du Néolithique moyen.

2.4.1 Le Néolithique ancien et moyen

4Les gisements de plein air du Néolithique ancien ont peu fait l’objet de recherches depuis les fouilles du Baratin à Courthézon, Vaucluse (Courtin 1976). Les sites potentiels sont pourtant apparemment nombreux (Courtin 1972) mais n’ont été ni concernés par la recherche programmée ni touchés à l’occasion de grands travaux qui n’ont permis aucune découverte nouvelle (Marchesi 1988a ; Muller 1988). Les seules découvertes d’intérêt sont celles de Caucade (Escalon de Fonton 1980 : 546‑547) à Nice, dans la basse vallée du Var où D. Binder a fouillé, à l’occasion de la construction d’un immeuble et de travaux de voirie, une partie d’un établissement Néolithique ancien, proche de la mer. Ce site a livré une série céramique comportant des fonds plats et des décors de chevrons, de triangles hachurés obtenus par impressions à la coquille ou par sillons d’impression ; l’originalité de ce faciès permet de poser de manière nouvelle les questions de la diffusion des faciès céramiques au début du Néolithique dans l’aire ligure et par là même de s’interroger sur l’ensemble du processus de néolithisation dans le Midi de la France (Binder 1989).

5Pour le Néolithique moyen au sens large (Néolithique moyen stricto sensu et Chasséen) les travaux ont été relativement nombreux.

6En Provence orientale (Binder 1986, 1987), ce sont ces mêmes fouilles de sauvetage en milieu urbain à Nice, avec les structures empierrées de Caucade et l’important gisement de Giribaldi, qui contribuent à établir les nouvelles références. Ces travaux de terrain sont intégrés à une problématique bien définie et à une réflexion sur les processus de mise en place et d’évolution du Néolithique moyen dans lesquels le rôle des contacts avec l’Italie est non seulement confirmé mais apparaît de plus en plus déterminant. La complémentarité des fouilles de sites de plein air et d’une stratigraphie de référence à Pendimoun (Binder 1988) permet d’avoir actuellement une excellente vision de l’évolution du Néolithique dans cette région.

7Ailleurs, le relatif manque de cohésion et de réflexion commune en dépit d’un nombre important d’opérations ne permet pas une telle intégration des résultats ; les recherches sont ici en effet liées soit à des programmes isolés soit à des opportunités particulières à l’occasion de grands travaux et aménagements divers.

8A Miouvin, Istres (Bouches‑du‑Rhône), les recherches sont restées décevantes en ce qui concerne le Chasséen (Camps‑Fabrer et al. 1980 ; Camps‑Fabrer et al. 1983 ; Camps‑Fabrer, D’Anna 1989) ; seules quelques structures isolées, foyers et empierrements de galets, ont été mises au jour et témoignent d’une importante occupation dont les vestiges ont été en grande partie disloqués et détruits par les occupations plus récentes. Le même phénomène a été observé à La Brémonde à Buoux (Vaucluse), vaste gisement qui a pourtant livré de nombreux éléments chasséens en surface (Courtin 1974 : 253) mais qui n’a révélé aucun niveau en place à l’occasion des fouilles récentes (D’Anna et al. 1989). A Simiane‑Collongue, le site perché du Col Sainte‑Anne (Courtin 1982 ; Muller 1989) a livré des vestiges originaux qui permettent, comme les sites de Provence orientale, de poser la question du processus d’évolution du Néolithique ancien au Néolithique moyen, malheureusement là encore, les niveaux sont sérieusement perturbés par les occupations successives. Dans la vallée de la Durance, le site de Malvoisin à Orgon a fait l’objet d’une exploration réduite (Sauzade et al. 1981) qui a livré une belle série céramique témoignant de la richesse du gisement. Plus au nord, le gisement de Combauche au Col des Tourettes à Montmorin (Muret 1986, 1987), situé dans les préalpes du Sud, permet de juger de l’extension du Chasséen dans les régions alpines et témoigne de l’existence de relations autour et à travers le massif.

Le site des Martins à Roussillon

9Une place particulière doit être faite au gisement des Martins à Roussillon (D’Anna et al. 1986) situé entre les monts de Vaucluse et la vallée du Calavon dans une région à forte densité de vestiges néolithiques. Découvert à l’occasion de prospections systématiques par B. Manahiloff, le site a d’abord fait l’objet de ramassages de surface puis d’une campagne de sauvetage en 1986 ; les 2 000 m² décapés (fig. 50) ont permis de reconnaître l’étendue et le potentiel du gisement. Le site est en pente légère vers l’ouest, en rive gauche de l’Immergue, petit affluent du Coulon ; il occupe une faible éminence limitée au sud par des pentes raides, au nord par un thalweg peu marqué et à l’ouest par un petit ravin peu profond. La superficie initiale du gisement était supérieure à 5 ha mais 2 seulement n’avaient pas été détruits par les labours profonds et étaient encore archéologiquement exploitables. La grande majorité des structures est à rattacher au Néolithique final/Chalcolithique mais huit (fig. 51, n^os 6, 8, 39, 40, 63, 75, 93, 137) sont à attribuer au Chasséen. Il s’agit de 4 fosses, 3 cuvettes et une structure empierrée à plat ; par hypothèse, deux tronçons de structures linéaires (fig. 51, n^os 98 et 150) de type tranchée de palissade, reconnus seulement sur quelques mètres, sont aussi rapportés à cette occupation.

La structure n^o 6

10Il s’agit d’une grande cuvette profonde (diamètre = 180 à 250 cm, profondeur = 70 cm) dont le remplissage est très complexe et résulte probablement d’un fonctionnement particulier (fig. 52). La partie supérieure est relativement homogène et comporte un petit amas de cailloux, puis on distingue trois ensembles différents : 6a structure centrale, 6b sépulture, 6c appendice est. 6a présente de bas en haut : une base empierrée comprenant plusieurs gros blocs recouvrant un niveau sableux, un ensemble de sédiments constitué d’éléments végétaux brûlés accumulés en plusieurs couches de couleurs différentes et formant un dôme recouvert de torchis et d’un fin cailloutis ; il s’agit à l’évidence d’une structure particulière de combustion. 6b est sur la bordure ouest de la cuvette, elle est entièrement recouverte de cailloux et le tas ainsi constitué semble avoir été en partie coupé par le creusement de la structure centrale. Le squelette est en décubitus dorsal, il ne comporte que le crâne, le rachis et quelques côtes, le corps est orienté sensiblement nord‑sud, le crâne vers le sud, c’est un individu jeune (l’étude des sépultures a été confiée à E. Mahieu dont les principales observations sont reprises dans les différentes descriptions). L’ensemble est bien scellé par l’amas de blocs et l’absence d’une partie du squelette ne peut résulter de remaniements récents. 6c est un appendice à l’est de la cuvette, il est rempli de cailloux de taille moyenne. Si le fonctionnement de l’ensemble reste difficile à interpréter, il est probablement cohérent et en liaison avec celui de la structure 8. Le mobilier de la structure 6 est très abondant et provient principalement de 6a. La céramique (331 objets) comporte une grande majorité de petits vases et quelques fragments de vases d’assez grande taille. On remarque en particulier des cols de vases à épaulement assez grands (diamètre à l’ouverture entre 15 et 17 cm, grand diamètre d’environ 25 cm), des petits gobelets à épaulement (diamètre de 7 à 10 cm, hauteur de 6cm), un petit gobelet caréné à épaulement et ouverture rétrécie, des fragments d’écuelles carénées basses et très ouvertes, des vases ovoïdes à ouverture retrécie avec petits mamelons. L’industrie lithique comporte plus d’une centaine d’objets, principalement des éclats et lamelles brutes.

La structure n^o 8

11C’est une grande cuvette (diamètre = 140 cm, profondeur = 40 cm) dont le remplissage est essentiellement sableux ; la partie supérieure contient quelques cailloux puis on rencontre un amoncellement de blocs parfois assez volumineux (30 cm) recouvrant la sépulture d’un homme adulte (fig. 53). La position est étonnante : l’individu est en décubitus dorsal, la tête légèrement basculée vers l’arrière, les membres supérieurs et inférieurs gauches en position fléchie forcée le long du corps ; le membre supérieur droit est écarté du corps et rejeté vers le haut ; le membre inférieur droit également écarté du corps est en position fléchie forcée ; les membres inférieurs reposent en partie sur des blocs et sont situés plus haut que la cage thoracique ce qui donne une impression de basculement vers l’arrière. Le mobilier est abondant ; la céramique comporte essentiellement des petits vases : écuelles carénées basses et très ouvertes à bords verticaux ou légèrement éversés, petits vases à épaulement, une petite marmite à profil sinueux et ouverture rétrécie. L’industrie lithique comprend principalement des éclats bruts et des fragments de lamelles dont plusieurs montrent des indices de chauffe.

La structure n^o 39

12Empierrement subcirculaire (diamètre = 160 cm, profondeur = 25 cm). La juxtaposition des pierres est très soignée, il s’agit de calcaires lacustres, de quartzites, de calcaires‑quartzeux, généralement brûlés dont la taille est moyenne (10 x 10cm) à assez grosse (25 x 20cm). Le mobilier est en grande partie écrasé sur l’empierrement.

La structure n^o 40

13A proximité de la précédente, c’est une grande cuvette (diamètre = 235 cm, profondeur = 50 cm) qui comporte plusieurs niveaux : une surface empierrée de blocs moyens et gros, un niveau de cailloutis et de cailloux de petite taille, un niveau sableux détritique. La céramique est très fragmentée. Sur l’empierrement, quelques os humains, un fémur et un pied, ont été mis au jour ; ils étaient accompagnés de quelques os de mouton et d’une mandibule de petit carnivore et de trois chiens en connexion partielle sous le niveau empierré.

La structure n^o 63

14Fosse (diamètre = 120 à 140 cm, profondeur = 60 cm) à remplissage sableux avec phase grossière importante : cailloux à la partie supérieure et empierrement à la base ; le mobilier y est peu abondant.

La structure n^o 75

15Fosse (diamètre = 90 cm, profondeur = 47 cm) associée à un petit lambeau de sol contenant quelques fragments de vases de petite taille et de marmites.

La structure n^o 93

16Fosse (diamètre = 85 cm, profondeur = 60 cm) contenant la sépulture d’un individu assez jeune (fig. 54) déposé en décubitus latéral droit, membres inférieurs fléchis ; le membre supérieur gauche est plié, la main revenant vers la face, l’avant‑bras droit est dirigé vers le bord de la fosse, la main est rabattue, l’articulation du poignet est disjointe ; cet indice est probablement le témoignage du dépôt du corps dans un sac à l’intérieur de la fosse, la main aurait été ainsi maintenue en flexion vers l’avant‑bras, la désarticulation intervenant au cours du décharnement. On remarque l’absence de colonne vertébrale dont seule est présente la dernière lombaire. Le squelette était recouvert de quelques pierres. Le mobilier est rare et c’est la nature du remplissage sédimentologique (étude J.‑E. Brochier) qui, par comparaison avec les autres fosses du site, permet de proposer pour cette sépulture une datation chasséennne.

La structure n^o 13 7

17Fosse mise au jour dans la partie ouest du site à l’occasion d’une tranchée de reconnaissance ; sa situation à plus de 100 m des autres structures chasséennes indique que cette phase d’occupation était très étendue et de densité faible, le gisement doit donc recéler encore plusieurs éléments contemporains. Cette fosse (diamètre = 130 cm, profondeur = 55 cm) est creusée dans une marne verdâtre, son remplissage sableux est homogène ; le mobilier, abondant, est concentré dans la partie supérieure avec quelques gros blocs et du torchis. La céramique comporte des proportions sensiblement égales de petits vases et de vases de grande taille : grande jarre, marmites ovoïdes, gobelets, écuelle en calotte de sphère, écuelles carénées ; on note en particulier, dans la partie inférieure de la fosse, un gobelet cylindro‑sphéroïdal à grand col légèrement éversé pourvu de deux bandeaux multitubulés. L’industrie lithique est peu abondante avec principalement des produits de débitage (fragments de lamelles et d’éclats).

18Ces structures sont relativement dispersées sur l’ensemble du site mais constituent localement de petites concentrations ; leur répartition ne peut cependant pas être analysée compte tenu de la faible surface explorée. Celle‑ci indique cependant la présence de vestiges sur une grande étendue avec une densité probablement variable. Le mobilier associé à ces structures est inégalement réparti mais relativement abondant. L’industrie lithique ne représente qu’une petite série constituée de matériaux de natures et de qualités diverses ; la plus grande partie de la série est constituée de pièces brutes : éclats, fragments de lames et lamelles (ces dernières ne constituent que 7 % de l’ensemble des supports de la série). L’outillage est peu abondant et comporte seulement 84 outils (éclats retouchés, lamelles à retouche irrégulière). La série céramique est au contraire plus abondante (fig. 55). Les écuelles carénées sont dominantes ; elles sont basses et très ouvertes soit à rupture de pente médiane, fond faiblement bombé et parois éversées, soit à rupture de pente basse et fond très faiblement bombé et parois éversées, soit encore à rupture de pente médiane, fond régulièrement bombé, parois verticales et cran interne. On note également un petit gobelet caréné à fond bombé, rupture de pente basse et parois convergentes. Les vases à épaulement sont bien représentés, sensiblement à égalité avec les formes carénées ; il s’agit de petits gobelets (diamètre inférieur à 10 cm) à rupture de pente médiane, avec ou sans cran interne, dont un porte un bandeau décoré d’incisions, et de vases de taille moyenne (diamètre supérieur à 15 cm) avec épaulement très marqué, rupture de pente haute et col rentrant ; un gobelet à épaulement et col évasé porte une baguette multitubulée d’un type peu fréquent en Provence. Les écuelles en calotte de sphère sont peu nombreuses. Parmi les formes simples, on note : des petits vases subhémisphériques, un gobelet ovoïde, un gobelet subcylindrique, des petites marmites ovoïdes, des jattes hémisphériques, des marmites parfois de grande taille, à profil galbé.

19L’importance du gisement est évidemment due à la présence de plusieurs sépultures qui ont été démontées en blocs et dont l’étude est actuellement en cours par E. Mahieu ; toutes sont individuelles mais les modes d’inhumation sont différents, en particulier en ce qui concerne les positions et les parties conservées ou présentes :
– le squelette de la structure 6 est sur le dos et les membres manquent, il était recouvert de pierres ;
– celui de la structure 8 est également sur le dos dans une position peu banale et était également recouvert de blocs assez volumineux ;
– la structure 40 n’a livré que quelques fragments associés à une surface empierrée ;
– le squelette de la structure 93 est en décubitus latéral fléchi et le corps a très vraisemblablement été déposé dans la fosse dans un sac, la colonne vertébrale manque.

20Les individus sont soit des jeunes (structures 6 et 93), soit des adultes (structure 8). Le mobilier associé est peu abondant mais on doit signaler la présence de vestiges de canidés. La variabilité constatée n’est pas surprenante en milieu chasséen et les sépultures des Martins s’intègrent parfaitement aux connaissances actuelles auxquelles elle doivent positivement contribuer.

21Les deux structures linéaires sont d’un type jusqu’ici inconnu en Provence ; elles sont interprétées comme des tranchées de palissade et attribuées au Chasséen à titre d’hypothèse et seule une reprise des fouilles pourrait ici préciser cette importante question.

22A l’occasion des fouilles de sauvetage sur le tracé de l’autoroute A51 dans la moyenne vallée de la Durance, dans les Alpes‑de‑Haute‑Provence, l’équipe de la direction des Antiquités a fouillé aux Clavelles à Lurs une petite partie d’un gisement comportant une structure en galets associée à une nappe d’objets, vestiges de l’établissement, et à une sépulture multiple en fosse (Muller 1988) contenant cinq individus. Cependant la surperficie explorée est trop limitée pour proposer une interprétation complète ; il est probable que le site soit extrêmement vaste. Autre gisement particulièrement étendu, celui des Ponchonnières à Aubignosc, également fouillé dans le cadre des opérations de sauvetage liées à l’autoroute A51 ; les données en cours d’études par A. Muller montrent que le site a connu une longue occupation depuis le Néolithique moyen jusqu’au Néolithique final (Muller et al. 1990).

23En dépit de ces différentes opérations, les connaissances à propos de l’habitat de plein air chasséen restent très partielles ; on sait que les établissements liés aux bonnes terres agricoles constituent probablement le mode principal d’habitat et les nombreuses découvertes de surface en témoignent (D’Anna, Mills 1981) mais, comme pour le Néolithique ancien, on peut regretter le manque de fouilles systématiques. A côté des sites de plaine, les occupations de terrasses et de plateaux à perchement relatif sont également nombreuses et les occupations en grottes et abris en constituent des compléments à fonctions particulières. En revanche les sites à perchement absolu tels le Col Sainte‑Anne, difficiles d’accès et d’étendue limitée, paraissent marginaux et peu nombreux. Jusqu’ici, les grands sites de plaine ou de basses terrasses sont les seuls à recéler différents éléments (sépultures, concentration de mobilier de « luxe », éléments de palissade, très vaste étendue), témoignant d’un statut particulier et privilégié.

2.4.2 Le Néolithique final et le Chalcolithique

24Pour cette période, deux orientations principales ont déterminé les opérations de fouilles : d’une part les recherches sur les habitats perchés et les enceintes (fouilles programmées et sauvetages programmés), et d’autre part les travaux sur les habitats de plaine et de terrasse (sauvetages programmés de grande envergure et sauvetages urgents liés généralement à de grands travaux).

Les habitats perchés et les enceintes

25Ce type de gisement était connu de longue date mais n’avait fait l’objet jusqu’à une époque récente que de recherches limitées : par exemple les fouilles au Pilon du Roi (Courtin, Puech 1961 ; Courtin 1977) à Allauch dans les Bouches‑du‑Rhône ou sur le Fortin du Saut (Courtin, Onoratini 1977) à Châteauneuf‑les‑Martigues. De 1976 à 1986, c’est ce type de gisement qui a fait l’objet de la plus grande partie des opérations dans la circonscription de Provence‑Alpes‑Côte d’Azur.

26A partir de 1976 débutèrent les recherches sur le site des Lauzières (Courtin 1974 : 254) qui recélait une double occupation du Néolithique final/ Chalcolithique et de la fin de l’âge du Bronze. Les fouilles permirent de reconnaître d’une part une nécropole tumulaire du Bronze final et d’autre part un établissement de la fin du Néolithique comportant un mur d’enceinte en pierre (fig. 56). Le site localisé sur le versant sud de la montagne du Luberon, à la sortie de la combe de Lourmarin, domine l’Aiguebrun, petit affluent de la Durance dont les gorges recèlent de nombreux sites de tous types et de toutes périodes. Les décapages d’environ 700 m² ont permis le dégagement complet du mur d’enceinte et d’une partie de l’établissement qui s’organise à partir de cette structure (D’Anna et al. 1989). Cette découverte a conditionné toute la poursuite des recherches sur les enceintes et les habitats perchés avec les fouilles de La Citadelle à Vauvenargues (Bouches‑du‑Rhône) (D’Anna 1989) et la découverte d’une enceinte du Néolithique final sur le site de Miouvin à Istres (Bouches‑du‑Rhône) (Camps‑Fabrer et al. 1984, Camps‑Fabrer, D’Anna 1989).

27A La Citadelle, l’objectif de la fouille programmée était le décapage complet du site avec enregistrement de la localisation des vestiges destiné à permettre une étude complète et détaillée de l’organisation interne de l’établissement ; la faible étendue du site (environ 800 m²), avec seulement la moitié ayant conservé des dépôts, permettait ce type d’approche. Dans le massif de la Sainte‑Victoire, en situation de perchement absolu à 723 m d’altitude, le site est localisé dans une région de reliefs vigoureux où les petits bassins alternent avec les chaînons calcaires ; le secteur offre de pauvres potentiels agricoles et paraît plutôt apte à un élevage ovin extensif. Les vestiges recueillis sur le site montrent cependant la présence d’un petit troupeau de Bœufs en plus des Moutons et différentes aires d’activité du traitement des céréales. L’établissement ne recélait qu’une seule unité d’habitation composée d’une cabane en torchis avec à l’extérieur plusieurs foyers, des petites fosses creusées dans le rocher et des aires d’activité. L’ensemble était regroupé à l’intérieur de la petite enceinte (fig. 56) dont le mur, haut d’environ 1,20 m, servait localement de soubassement à l’élévation en terre et bois. Cet établissement dont l’occupation est attribuée d’après le mobilier céramique au groupe Couronnien, et plus probablement à une phase récente de cette culture, soit entre 2200 et 2000 av. J.‑C. (chronologie conventionnelle), est interprété comme une installation secondaire dépendante d’un site principal qui pourrait être situé dans la vallée de Vauvenargues. Cette occupation témoigne de l’exploitation de finages marginaux au cours de l’expansion du peuplement vers des territoires jusque‑là peu exploités ; ce phénomène est à mettre en relation avec l’essor démographique mis en évidence en Provence à la fin du Néolithique.

28Le vaste site de Miouvin à Istres, proche de l’étang de Berre, était surtout connu pour son occupation chasséenne. Les recherches (fouilles programmées) de Mme H. Camps et son équipe (Camps‑Fabrer et al. 1980, 1983) ont montré que la plus grande partie des vestiges est à rattacher au Néolithique final/Chalcolithique. Toute la partie supérieure du plateau est occupée par un village dont l’organisation a été en partie reconnue. L’élément le plus spectaculaire est un grand mur d’enceinte (Camps‑Fabrer, D’Anna 1989) qui isole une partie de l’habitat (2 000 m²) et qui devait jouer un rôle particulier (fig. 56). A l’extérieur de cette enceinte, une cabane en terre était appuyée contre le grand mur qu’elle devait utiliser en partie comme soubassement. Les vestiges d’autres unités d’habitations ont été reconnus sur le plateau sans qu’il soit possible d’en déterminer l’exacte structure ; ils témoignent cependant de l’organisation complexe de l’ensemble de l’habitat.

29Ces travaux sur l’habitat perché et les enceintes ont très tôt bénéficié d’une coordination interrégionale, Languedoc‑Provence, dans le cadre d’un projet collectif réunissant des chercheurs du CNRS, de l’Université et du ministère de la Culture ; ceci a permis de fructueux échanges entre les différents participants en évitant l’isolement. Cette coordination a conduit à différents articles collectifs (Camps‑Fabrer et al. 1984, 1985) et à la tenue à Lattes et Aix‑en‑Provence d’une table ronde qui a permis de faire le point sur la question et de présenter différents gisements en détail (D’Anna, Gutherz 1989).

30Dans la logique de ce programme, les fouilles de sauvetage sur le vaste site de La Brémonde à Buoux, dans le massif du Luberon, avaient pour principal objectif la recherche de niveaux chasséens. Elles permirent cependant la mise au jour de structures d’habitat de la fin du Néolithique témoignant de l’existence d’un vaste établissement couronnien dont les cabanes étaient édifiées en terre et bois. Un tronçon de mur en pierre, reconnu sur une dizaine de mètres seulement (D’Anna et al. 1989), est construit selon la technique du double parement de pierre sèche avec remplissage interne, il est comparable par sa structure et ses dimensions (épaisseur 1,50 m, hauteur évaluée à environ 1,50 m) aux murs d’enceinte des Lauzières et de La Citadelle. Si cette hypothèse pouvait être vérifiée nous aurions à La Brémonde une enceinte d’un type particulier ; en effet, le site n’est pas localisé sur un sommet ou sur un petit plateau dont les bordures permettent d’utiliser le relief naturel pour délimiter une partie de l’espace. Cette découverte permet de penser que les sites à perchement absolu n’étaient pas les seuls à posséder des enceintes.

31Parmi les autres fouilles sur des sites perchés, il convient de mentionner également celles de Saint‑Joseph‑Fontainieu (Marchesi, Coye 1987), petit éperon dominant Marseille et sur lequel l’occupation couronnienne a livré des éléments de construction en terre selon un modèle identique à celui des constructions reconnues par ailleurs.

32Dans la chaîne de l’Etoile, le petit site de La Barre du Pommier (Courtin, D’Anna 1984) est situé sur un piton naturellement protégé; cette occupation témoigne du développement à la fin du Néolithique d’établissements d’extension limitée, sur des pitons rocheux difficiles d’accès tels Château‑Viran, le Col Sainte‑Anne (Muller 1989). Ce phénomène paraît souvent lié au Campaniforme comme en témoignent le Fortin du Saut (Courtin, Onoratini 1977) et l’habitat des Calades à Orgon (Barge 1986, 1989). Ceci conduit à poser la question de la nature de l’habitat propre ment campaniforme (Courtin et al. 1985).

Les habitats de plaine et de terrasse

33Connu également de longue date et ayant fait l’objet de plusieurs études de mobiliers provenant de ramassages de surface (Courtin 1957, 1962), ce type de gisement était généralement considéré comme détruit par les travaux agricoles et les aménagements divers. Les expériences récentes ont montré que ce n’était pas systématiquement le cas et qu’au contraire le potentiel de ces sites est particulièrement fort. Ce sont les fouilles de sauvetage, parfois urgent du fait de replantations, remembrements et surtout de grands travaux d’aménagement qui ont conduit au développement des recherches sur ce type d’établissement.

34Le vaste gisement de Claparouse à Lagnes, Vaucluse (Camps‑Fabrer et al. 1983) est établi sur des côteaux de terres légères à l’extrémité occidentale des monts de Vaucluse. Une fouille de sauvetage sous la direction de G. Sauzade et A. Carry a permis d’y reconnaître les vestiges d’un important établissement comportant des fosses, des foyers et dont la céramique est fortement marquée par des influences du groupe languedocien de Fontbouisse.

35Le premier gisement à avoir fait l’objet d’une fouille extensive est celui du Mo une du Tendre à Courthézon, Vaucluse (Thomas 1984 ; Bretagne 1988). En partie détruit par un emprunt de matériau, le site était menacé par une replantation de vignes ; il a fait l’objet de plusieurs campagnes de sauvetage sous la responsabilité successive de R. Brandi, J. Thomas et P. Bretagne. Le site est établi sur une ancienne terrasse du Rhône et domine faiblement la plaine environnante. Ces différentes opérations ont permis de dégager une très grande densité de structures en creux : fosses de différents types, cuvettes, placages divers, trous de poteaux, dont les recoupements indiquent une longue fréquentation du site. Le mobilier recueilli est relativement abondant et original, en particulier la céramique qui montre de fortes influences languedociennes.

36Le site de La Plaine des Blancs à Courthézon, Vaucluse (Muller et al. 1987), à quelques kilomètres du Mourre du Tendre a également fait l’objet d’une fouille de sauvetage à cause d’une replantation de vignes, mais quelques fosses seulement y ont été fouillées ; l’établissement était localisé en bordure de l’ancien marais de Courthézon, dit Les Paluds, et devait s’étendre sur une assez vaste superficie ; la petite série de mobilier, en particulier la céramique, a permis de proposer (en intégrant les données des sites précédents) l’individualisation du groupe Rhône‑Ouvèze.

37Également en bordure de l’Ouvèze, le vaste gisement de Saint‑André à Gigondas, Vaucluse (Bretagne 1986), a lui aussi fait l’objet d’une campagne de sauvetage du fait de la replantation de vignes. Plusieurs structures en creux, fosses et cuvettes ont été repérées et témoignent de l’existence d’un établissement sur la terrasse dominant faiblement l’Ouvèze ; la superficie initiale pouvait être de l’ordre de 3 ha. La série céramique se démarque sensiblement de celle des gisements précédents et ne montre aucune influence languedocienne ; si ce fait n’est pas dû à la nature de l’échantillon, il peut s’agir d’un faciès différent qui pourrait être un peu plus ancien.

38Sur le vaste gisement des Martins à Roussillon, Vaucluse (cf. ci‑dessus), la série de fosses chasséennes ne représentait qu’une petite partie des vestiges et la très grande majorité des structures est à rattacher à la fin du Néolithique (D’Anna et al. 1986). Il s’agit principalement de fosses‑silos, de fosses à combustion, de vidanges de foyers, de cuvettes, de trous de poteaux (fig. 57) ; les structures en élévation n’ont pas laissé de vestiges ou ont été érodées à une période ancienne. Les différents recoupements et le mobilier, en particulier la céramique, suggèrent une longue occupation. La poterie (fig. 58) comporte aussi bien des grands vases (jarres de formes subcylindriques ou à ouverture rétrécie) que des formes de petite taille (bols, gobelets, jattes et ustensiles à puiser) ; les décors sont rares mais on note la présence de quelques cordons horizontaux parfois associés à des cordons en chevrons. La variabilité du remplissage des structures est importante ; une grande fosse contenait les squelettes de quatre chèvres et d’un Suidé accompagnés de fœtus, une autre plus petite contenait des pattes de bœuf en connexion ; plusieurs ont livré des blocs de torchis parfois assez volumineux. Une sépulture a été attribuée à cette occupation du Néolithique final : le corps avait été déposé assis à l’intérieur d’une fosse, le dos contre la paroi et s’est affaissé vers l’avant par la suite ; ceci indique que la fosse n’avait pas été comblée. Il est difficile de reconstituer l’ensemble de la structure de l’établissement, celui‑ci devait occuper à l’origine environ 5 ha et la superficie explorée n’a qu’une valeur de petit échantillon.

39Le vaste et célèbre site des Fabrys à Bonnieux, Vaucluse, (Courtin 1974 : 252) connu depuis au moins un siècle, a également fait l’objet d’une campagne de sauvetage du fait du passage d’un aqueduc souterrain (Bretagne et al. 1988). Situé à l’ouest d’Apt et au nord de Bonnieux, le gisement occupe une vaste zone réputée anciennement palustre : le plan de Bonnieux ; cette situation en plaine et en milieu humide lui confère une originalité particulière. La prospection préalable a montré que les vestiges de surface s’étendent sur une superficie de plus de 20 ha ; la fouille de sauvetage a permis de constituer un transect à travers tout le site et pour la première fois d’en reconnaître la structure interne et la qualité exceptionnelle, démontrant que les gisements de plaine et de zones agricoles ne sont peut‑être pas tous systématiquement déjà détruits. Parmi les structures mises au jour, on distingue trois catégories principales :
– des nappes de mobilier montrant localement la succession de plusieurs niveaux ; ces sols sont constitués par des éléments témoignant d’activités diverses : vestiges de boucherie, rejets particuliers de faune, vases écrasés sur place, zones de rejets, foyers ;
– des vestiges de structures en élévation : mur en pierre, mur en matériau composite (terre, bois et pierre), négatif de fondation de palissade, dallages et empierrement ; on remarque plus particulièrement un mur en pierre (de très grand module) dont la construction fait référence à l’architecture reconnue sur les sites perchés ;
– des aménagements creusés dans le sol : tranchées et petits fossés, cuvettes et fosses, une sépulture double.

40L’ensemble de ces structures constitue en quelque sorte la synthèse des techniques de construction connues à la fin du Néolithique ; une des grandes qualités du gisement est de livrer l’association structure en creux‑sol‑structure en élévation qui reste relativement rare en Provence pour les sites de plaine et de terrasse. C’est de plus la première fois que certaines associations ont été observées : mur en pierre et fossé, palissade en bois et terre, mur en terre sur semelle de pierre dans une tranchée. On remarque également que le milieu humide n’a fait l’objet d’aucune adaptation particulière et que ce sont les techniques connues par ailleurs qui ont été utilisées. Il n’est évidemment pas possible de reconnaître un plan d’ensemble de l’occupation mais on peut remarquer que l’orientation des structures en élévation et des fossés est sensiblement la même et que l’espace est organisé en fonction de ces éléments qui constituent des limites de certains secteurs de l’établissement. Les recoupements et recouvrements témoignent d’une longue occupation. Le mobilier archéologique est particulièrement abondant ; la céramique est inégalement fragmentée selon les secteurs ; les formes sont simples, dérivées de la sphère et du cylindre, les décors sont rares (pastillages, cordons) ; la série lithique est constituée d’outils sur lames ou éclats. L’ensemble de ce mobilier permet de dater les principales occupations du Néolithique final‑Chalcolithique et se rattache essentiellement au Couronnien.

41Les Ponchonnières à Aubignosc, Alpes‑de‑Haute‑Provence, sur le tracé de l’A51 : ce vaste gisement a fait l’objet d’une fouille de sauvetage (Muller et al. 1990) ; une partie des structures est à attribuer à un Néolithique final qui présente d’évidentes affinités avec les groupes de basse Provence, en particulier dans les assemblages céramique et pour l’industrie osseuse.

42Les Barres à Eyguières, Bouches‑du‑Rhône (Barge 1988). Situé au pied d’un massif calcaire sur un côteau de terres légères, ce gisement était connu de longue date et réputé campaniforme ; une fouille de sauvetage rendue nécessaire par une replantation d’arbres fruitiers a permis de mettre au jour plusieurs cabanes chalcolithiques à soubassement de pierre sèche et sol dallé et leurs structures annexes.

La fin du Néolithique en Provence

43L’ensemble des recherches sur les sites perchés et sur les sites de zones basses permet de posséder maintenant une documentation relativement complète sur l’habitat à la fin du Néolithique et par là même sur la fin du Néolithique.

L’habitat à la fin du Néolithique en Provence

44Un premier domaine pour lequel la documentation est maintenant abondante est celui des techniques de construction. Pour les constructions domestiques les matériaux employés sont principalement le bois, toujours mis en évidence en négatif, et la terre. Celle‑ci était plaquée sur un clayonnage de branches plus ou moins grosses, maintenu par des poteaux qui assurent la stabilité de l’ensemble ; il s’agit donc de torchis. L’utilisation de la technique du façonnage direct et du pisé reste à démontrer. Ce torchis n’est découvert que lorsqu’il a été brûlé ou cuit ; ainsi de grands pans de murs effondrés ont été mis au jour à La Citadelle et au Fabrys. A La Citadelle, le torchis était composé d’une faible proportion de tout venant local et de limons palustres mêlés à des graviers et des éléments végétaux (paille) (étude S. Pomel). Cette technique a été principalement employée dans l’architecture domestique et c’est ainsi que sont édifiées toutes les cabanes actuellement connues pour la fin du Néolithique en Provence. La pierre est quelquefois présente pour les soubassements de ces murs alors qu’elle est omniprésente dans les constructions collectives que sont les enceintes. Dans tous les cas, pour celles‑ci, il s’agit de mur de pierre sèche à double parement et remplissage interne dont les modes de construction ont déjà été décrits (Camps‑Fabrer et al. 1984, 1985). Contrairement aux premières hypothèses, de telles constructions existent apparemment aussi bien sur les sites perchés qu’en plaine ; dans ce dernier cas, le matériau employé a pu être transporté sur plusieurs kilomètres comme c’est le cas aux Fabrys (Bretagne et al. 1988).

45L’organisation des habitats apparaît maintenant comme relativement complexe mais en tout état de cause bien structurée. Les unités domestiques sont relativement vastes et comportent une habitation et ses dépendances plus ou moins étendues (foyers extérieurs, dépôts ? hangars ? parcs ?). La juxtaposition de ces unités constitue des établissements dont l’extension est très variable : 800 m² à La Citadelle, environ 3 ha aux Lauzières, probablement une dizaine ou plus aux Fabrys. La corrélation : nature des structures/localisation des sites permet de distinguer différents types d’établissements (chaque type est lui‑même subdivisible en sous‑types) :
– de très vastes habitats de plaine, plus de 10 ha, tel le gisement Les Fabrys, qui comportent pratiquement tous les types de structures aussi bien en terre et bois qu’en pierre, des palissades, des fossés, des cabanes, des fosses, parfois des sépultures isolées etc. ;
– des établissements de pieds de pente (Claparouse à Lagnes, Les Barres à Eyguières) d’étendue non encore déterminée précisément qui comportent des structures comparables à celles des établissements de plaine ;
– de grands habitats de terrasses, 2 à 5 ha, tel Les Martins et Le Mourre du Tendre qui ne comportent que des structures en creux, fosses et cuvettes, avec parfois également des sépultures isolées ; il est probable que l’absence de vestiges de structures en élévation soit le résultat de phénomène d’érosion, mais les vestiges de structures en pierre y sont jusqu’ici absents ;
– des habitats sur des plateaux d’accès facile (perchement relatif), très étendus tel La Brémonde (plus de 3 ha), ou plus réduits tel Miouvin (moins de 2 ha) ; il y a apparemment un choix préférentiel pour les substratums de calcaires coquilliers tertiaires ; les structures en fosses y sont peu nombreuses (2 à La Brémonde, aucune à Miouvin) ce qui est probablement dû aux difficultés de creusement dans le substratum mais implique également soit l’absence d’activités de stockage soit des techniques autres que l’utilisation de la fosse‑silo. L’utilisation de la pierre locale est limitée aux assises des murs de cabanes (il n’y a pas de mur de cabane en pierre), aux murs d’enceinte, à quelques calages de poteaux associés à des trous creusés dans le substratum, à des dallages et des limites de foyers. Le Collet Redon de la Couronne, site éponyme du Couronnien (Escalon de Fonton 1977) entre dans cette catégorie ;
– les sites perchés d’étendue relativement faible, moins de 1 ha, tel La Citadelle ; ils permettent une étude complète de l’habitat. Tous ces sites perchés ne sont pas pourvus d’enceintes (Saint‑Joseph‑Fontainieu, le Pilon du Roy) dans l’état actuel des connaissances, mais ceci demande à être vérifié plus précisément. Dans tous les cas, le nombre d’unités d’habitation est limité et l’occupation permanente est difficile à concevoir, elle est par exemple peu probable pendant l’hiver à La Citadelle ;
– les pitons d’accès naturellement très difficile et d’étendue réduite : le Col Sainte‑Anne, La Barre du Pommier (Courtin, D’Anna 1984), le Fortin du Saut ; les accès les moins difficiles peuvent comporter des aménagements réduisant les possibilités de passage.

46L’ensemble de ces établissements doit pouvoir s’organiser en une hiérarchie témoignant de phénomènes socio‑économiques, de l’organisation des territoires et de l’occupation des sols ; la complémentarité des sites était probablement un des éléments importants du fonctionnement du système ; une telle approche a été proposée pour le Luberon central et pour le massif de la Sainte Victoire (D’Anna et al. 1989, D’Anna 1989), elle doit être encore développée.

Périodisation de la fin du Néolithique en Provence

47L’abondante documentation rassemblée à l’occasion de ces recherches permet une meilleure approche des ensembles culturels de la fin du Néolithique et de leurs relations chronologiques et spatiales. Actuellement sont reconnus et définis : le Couronnien, le groupe de Fraischamp et le groupe Rhône‑Ouvèze. Ils ne constituent cependant pas la totalité du Néolithique final/Chalcolithique de Provence et l’existence d’autres groupes est évidente ; elle devra être précisée par les recherches à venir.

48Le Couronnien a été défini par M. Escalon de Fonton d’après le gisement du Collet Redon de la Couronne à Martigues (Escalon de Fonton 1952 ; Courtin 1974 : 153‑ 162). Il occupe la basse Provence occidentale jusqu’aux Alpilles et au bassin d’Apt au nord, son extension vers l’est reste à préciser. Il est caractérisé par une céramique aux formes simples, primaires, dérivées de la sphère ou du cylindre, peu décorées mais dont les surfaces sont parfois très soignées (lissage) sur les vases de petite taille ; les petits cordons lisses en chevrons ou isolés sont à rattacher à cet ensemble ; les préhensions sont des mamelons simples plus ou moins allongés ou à ensellement médian qui évoluent vers des mamelons en demi‑bobine ou en H. D’une façon générale, la forme qui domine sur la quasi‑totalité des gisements est un petit bol hémisphérique ; la panoplie des formes est limitée et les formes particulières, si elles existent, ne sont généralement représentées qu’à un ou deux exemplaires par série. L’industrie Lithique comporte de grandes lames épaisses à retouche semi‑abrupte et un outillage sur éclat : grattoirs, becs, peu ou pas de burins ; les pointes de flèches considérées comme nombreuses (mais en nombre très variables selon les gisements) sont de types divers et une étude fine de leur typologie devrait permettre une sériation utile et vraisemblablement représentative. Le débitage de lamelles ne disparaît pas complètement et c’est l’utilisation de matériaux divers qui fait l’originalité apparente des séries. Du point de vue chronologique le Couronnien doit se placer entre 2400 et 2000 bc (chronologie conventionnelle) et couvre donc le Néolithique final et le Chalcolithique.

49Le groupe de Fraischamp a été récemment défini par G. Sauzade (Sauzade et al. 1990) d’après l’habitat de la Clairière à la Roque‑sur‑Pernes (Vaucluse ) ; il est principalement caractérisé par sa céramique. Celle‑ci comporte des formes simples, sphéroïdales, hémisphériques, cylindriques ou coniques ; les profils sont souvent en S du fait de la présence fréquente de lèvres éversées ; quelques carènes douces ou des parois à inflexion donnent des formes composites associant deux volumes. Le traitement des surfaces est très soigné et les lissages, internes et externes, donnent des parois très brillantes. Les décors sont constitués de cordons, de motifs gravés et d’incisions organisées en lignes continues parallèles, en chevrons, etc. Du point de vue chronologique ce groupe est limité au Néolithique final entre 2400 et 2200 bc. Sensiblement plus ancien et partiellement contemporain, un autre groupe céramique (formes simples peu décorées) existe dans le nord du Vaucluse (Sauzade et al. 1990) mais reste actuellement incomplètement caractérisé.

50Le groupe Rhône‑Ouvèze (Muller et al. 1987) a été défini d’après le site de plein air de la Plaine des Blancs à Courthézon ; il occupe la Provence rhodanienne. Dans l’état actuel des connaissances, il est limité au sud aux Alpilles et à l’extrémité du Luberon et des monts de Vaucluse à l’est ; cette répartition reprend celle du groupe de Fraischamp dont le groupe Rhône‑Ouvèze dérive partiellement. Cet ensemble est manifestement tributaire de fortes influences languedociennes du groupe de Fontbouisse ; les formes céramiques sont relativement variées :
– petits gobelets à col, ouverture rétrécie et carène haute, décoré de cannelures (chevrons, métopes, etc.) ;
– gobelets à ouverture évasée et carène basse ;
– gobelets tulipiformes, grands vases très pansus à ouverture rétrécie et à décors de cordons ou de sillons en arceau entre les préhensions ;
– petits vases décorés de cannelures.

51Les gisements de Claparouse à Lagnes (Camps‑Fabrer et al. 1983), du Mourre du Tendre (Bretagne 1988 ; Thomas 1984) et de Saint‑Laurent (Courtin 1974 : 253) sont à rattacher à ce groupe. Chronologiquement, il est à situer entre 2200 et 2000 bc.

52Les relations entre ces différents groupes restent à préciser. On peut cependant remarquer qu’il convient de considérer les différents problèmes à partir d’aires géographiques limitées. Dans la zone rhodanienne, le groupe de Fraischamp résulte vraisemblablement d’une évolution sur place du Chasséen (parenté de certaines formes céramique, du traitement des surfaces et des décors, position stratigraphique dans les grottes du Luberon occidental où le style de Fraischamp semble succéder immédiatement au Chasséen) associée à de fortes influences languedociennes du groupe de Ferrières. Le groupe Rhône‑Ouvèze lui succède dans la même aire géographique et résulte lui‑même probablement de l’évolution du groupe de Fraischamp qui assimile de nouvelles influences languedociennes, du Fontbouisse cette fois (formes et décors céramique). En basse Provence le Couronnien paraît évoluer sans changement majeur ; les gisements de La Couronne, de Miouvin et des Lauzières montrent le cas de longues occupations stables sur les mêmes sites avec évolution des structures d’habitat. On constate en particulier le passage d’un habitat ouvert à un habitat partiellement enclos par une enceinte ; il n’est cependant pas possible de parler d’habitat fermé puisque la plus vaste partie des établissements reste à l’extérieur des enceintes (sauf à La Citadelle). Des évolutions mineures sont cependant décelables dans la céramique : présence de quelques nouvelles formes de préhensions et de rares décors en reliefs ou en creux ; ceci reste cependant à préciser. Il apparaît que la phase la plus récente est mieux documentée et la plus grande partie des datations ¹⁴C se rapporte à la fin du II^e millénaire.

53La zone de contact entre les deux groupes, en particulier les Alpilles, livre des assemblages complexes qu’il est délicat d’interpréter actuellement en terme de faciès mais qui témoignent plutôt de phénomènes de frontière dans lesquels il est difficile de déterminer la part des différents courants ; d’autant plus que les choses n’ont jamais été figées et que les influences languedociennes se sont constamment exercées sur des ensembles eux‑mêmes en cours d’évolution.

54C’est dans ce contexte que la céramique campaniforme fait son apparition, elle est fréquemment associée à des séries de type Rhône‑Ouvèze. On doit cependant bien distinguer les établissements qui comportent quelques vases et ceux dont les séries sont à rattacher entièrement au complexe campaniforme (Barge 1986, 1989 ; Courtin et al. 1985).

2.4.3 Conclusion

55En guise de conclusion, on doit remarquer que le développement des fouilles de sites de plein air néolithiques a entraîné un évident progrès des connaissances ; même si l’exploitation de plusieurs sites n’est pas achevée, quelques hypothèses plus ou moins solides peuvent être formulées et quelques précisions sont possibles. Il apparaît que ces progrès concernent principalement le Néolithique final et le Chalcolithique ; cependant de nombreuses précisions sont encore nécessaires pour cette période : chronologie, origine, évolution et relations des différents faciès, répartitions spatiales des types de sites, etc. Le Néolithique moyen et surtout le Néolithique ancien, pour lesquels le potentiel de la région est cependant particulièrement important, restent sous‑exploités. Du point de vue géographique, le déséquilibre est encore plus criant : les Alpes, en dehors de la vallée de la Durance et la Provence centrale, ne sont pratiquement pas concernées et le Néolithique final lui même n’y est que fort mal connu. La carte de répartition des principaux sites est révélatrice à cet égard (fig. 59) et illustre parfaitement (bien que n’ayant qu’une signification relative) le vide de la recherche sur l’habitat de plein air, pour toutes les périodes du Néolithique, dans certaines régions.

56En dernier lieu il convient de remarquer que l’utilisation, l’interprétation des différentes données acquises sont étroitement liées aux résultats obtenus à la faveur de sites en stratigraphie, en grotte ou sous abri. Il est probablement encore nécessaire de développer la fouille d’habitats de plein air mais il serait dommage de se priver de la complémentarité tant documentaire qu’historique de ces gisements. Leur potentiel reste fondamental pour la connaissance des phénomènes évolutifs de quelque type qu’ils soient et eux seuls permettent de constituer un système de référence fiable qui permet d’interpréter les découvertes de plein air.