4.2 Terres cuites de la Gaule centrale en Rhétie et dans le Norique

Heinrich Lange

p. 224‑227


Texte intégral

1N. B. Abréviations d’après Ber. RGK, 55, 1974, p. 487 sq.

2La majorité en fait plus de 60 % (env. 320 exemplaires) –des terres cuites découvertes en Rhétie et dans le Norique proviennent de Gaule centrale, centre le plus important dans les provinces du nord‑ouest pour la production des terres cuites. En revanche, les produits importés de Gaule centrale en Germanie inférieure, dans l’est de la Gaule Belgique et dans le nord de la Germanie supérieure sont relativement rares, sûrement en raison de la prédominance sur le marché local des manufactures du Rhin, du Main et de la Moselle.

3Les provinces de Rhétie et du Norique comptent donc encore parmi les principaux marchés de la Gaule centrale. Quelques terres cuites de Gaule centrale sont parvenues même au‑delà des limites de la Pannonie supérieure : le lieu de découverte le plus oriental est actuellement Budapest‑Aquincum. Dans l’aire géographique des Alpes du sud et au sud des Alpes on n’a retrouvé qu’un seul produit du centre de la Gaule : une Mater, à Virunum près de Klagenfurt en Carinthie (Autriche). Cela prouve que dans le sud‑est des Alpes les frontières naturelles marquaient la limite de l’aire commerciale de la Gaule centrale (fig. 90 et 91).

Image 10000000000003FC000001F0AE2AD9D9134B3B41.jpg

FIG, 90 – Gaule centrale : diffusion des figurines.

Image 10000000000004200000035340C598BF726A4559.jpg

FIG, 91 – Gaule centrale : répartition géographique et quantitative des figurines découvertes en Rhétie et dans le Norique 

4Plus de la moitié des terres cuites du centre de la Gaule provenant de la Rhétie ou du Norique (env. 160 figurines) furent découvertes dans la nécropole de Bürglstein à Salzburg, le gisement le plus important de terres cuites de Gaule centrale, hors de la zone de production. Près de 90 % des importations de Gaule centrale furent mises au jour –sur des sites et dans leurs nécropoles– le long de la grande voie de communication Bregenz‑Salzburg‑Enns. C’est là, comme l’attestent aussi les principaux lieux de découverte en suisse –Augst, Vindonissa et orbe1Winterthur– le principal itinéraire commercial emprunté par la vaisselle de Gaule centrale vers la Rhétie et le Norique, à travers le nord de la suisse par Vindonissa et Bregenz.

5Comme en Bretagne et dans les Germanies, les premières importations de Gaule centrale peuvent être mises en évidence probablement dès Claude, plus sûrement sans doute sous le règne de Néron, en tout cas peu après les débuts de la production dans les ateliers de Gaule centrale au milieu du ier s.

6La part la plus grande, et de loin, des terres cuites de Gaule centrale venant de Rhétie ou du Norique, datent des règnes de Domitien et Trajan. Cette période paraît, à mon sens, correspondre aussi au moment de la plus intense activité des fabriques de terres cuites de Gaule centrale en général.

7Tandis que G. Schauerte pense que l’exportation des figurines de Gaule centrale vers la Rhétie et le Norique n’a duré que jusqu’au milieu du iie s.1 la diffusion, entre autres, dans ces régions de la production d’un potier qui débuta sous les sévères, Pistillus d’Autun, montre qu’il ne saurait être question d’une « perte des débouchés dans les préalpes du Nord »2 au milieu du iie s. Dans les Germanies et en Bretagne les importations de Gaule centrale ne cessent également qu’à la fin du iie s. ou au début du iiie s. Et c’est vers le milieu du iiie s. que s’éteint totalement l’industrie des terres cuites de Gaule centrale. Les découvertes en Rhétie et dans le Norique reflètent donc à peu près toute l’extension chronologique de cette production. Il est intéressant de remarquer que la répartition quantitative des types de figurines de Gaule centrale représentés en Rhétie et dans le Norique, du moins dans le cas de divinités, correspond dans l’ensemble à peu près au programme de production des ateliers d’origine. Ici comme là parmi les divinités, Vénus et les matres sont de loin les plus nombreuses. Elles représentent, à elles seules, environ les deux‑tiers des divinités en général. Mais les découvertes en Rhétie et dans le Norique fournissent aussi une importante contribution à l’inventaire complet du répertoire des produits de Gaule centrale. Toute une série de types et de variantes n’a, ailleurs, jamais encore, ni de façon si complète été illustrée : ainsi la Vénus assise, au manteau gonflé au‑dessus de la tête comme un nimbe3 (fig. 92), le groupe Mercure‑Fortune dû à Piso de Saint‑Pourçain‑sur‑Besbre4 (fig. 93), le garçon au bouc5 (fig. 94) ou le buste de garçon dans un médaillon –imago clipeata6 (fig. 95).

Image 10000000000001D2000002661A8011E74D80AC03.jpg

FIG. 92 – Oberpeiching : Vénus assise.

Image 100000000000023E000002EB2324E4437A1ECDF4.jpg

FIG. 93 – Bregenz : Mercure et Fortune.

Image 1000000000000182000002E37654ED4B5F77AA63.jpg

FIG. 94 – Salzburg : garçon au bouc.

Image 10000000000002C600000355DB27AABDCBF63E3F.jpg

FIG. 95 – Salzburg : % mago Clipeata.

8Attirons enfin l’attention sur un phénomène intéressant : en Rhétie et dans le Norique, aussi bien que dans les Germanies, des terres cuites importées de Gaule centrale firent l’objet de surmoulages ou d’imitations –ainsi les 1natres7 (fig. 96 et 97), le chien assis, le cheval et l’oiseau–. Ces productions se distinguent des originaux de Gaule centrale par la qualité de l’argile locale, de couleur grise ou rouge brun, la remarquable mollesse du modelé et la réduction de taille due au surmoulage. Elles furent souvent couvertes d’un engobe blanc et peintes. Il est surprenant que le trou d’évent ait été parfois percé sensiblement au même endroit que sur les originaux de Gaule centrale : par exemple, pour la déesse‑mère, sur le côté droit du socle, et pour les chiens, derrière sur le bas de la plinthe, ou parfois sous le ventre de l’animal.

Image 100000000000011D000002E835CBE496663F3B2E.jpg

FIG. 96 – Wels : déesse‑mère de Gaule centrale.

Image 100000000000010C000002B6BFC7B4002E363DF4.jpg

FIG. 97 – Copie locale de la déesse‑mère (fig. 96) trouvée en même temps qu’elle.

Notes de bas de page

1 SCHAUERTE (G.). — Terrakotten mütterlicher Gottheiten. Formen und Werkstätten rheinischer und gallischer Tonstatuetten der rêimischen Kaiserzeit. Beih. Bonner Jahrb. 45, 1985, p. 38, 138, 227, 335 sqq.

2 Schauerte 1985 : 38.

3 Provo : Oberpeiching ; conserv. : Donauwêirth, Archaologisches Museum, Inv. ; H : 14,5 cm. Bibl. : CZVSZ (W.). — ln : Das Archaologische Iahr in Bayern 1982 (1983) 103 fig. 90. LANGE (H.). — Die Terrakotten in den Provinzen Raetien und Noricum. Ungedr. Diss. München (1989) 565 Nr. 98.

4 Provo : Bregenz ; conserv. : Bregenz, Vorarlberger Landesmuseum, Inv. 78.284 ; H : 18,3 cm. Bibl. : JENNY (S.). — Iahresber. Bregenz 20,1880, p. 10 sqq., fig. 3. Lange 1989 : 549, no 86.

5 Provo : Salzburg ; conserv. : Salzbuger Museum Carolino Augusteum, Inv. 9442 ; H : 17,5 cm. Bibl. : HEGER (N.). — Salzburg in rêimischer Zeit. Iahresschr. Salzburger Museum Carolino Augusteum 19, 1973, 204 no 57 fig. 57. Lange 1989 : 668, no 212.

6 Provo et conserv. cf. n. 5 ; Inv. 9433 ; H : 20,8 cm. Bibl. : Heger 1973 : 206, no 66, fig. 66 ; Lange 1989 : 629, no 156.

7 L’original de Gaule centrale (fig. 96) et la copie locale (fig. 97) furent découverts ensemble dans une tombe à Wels (Haute‑Autriche). Provo : Wels, Stadtmuseum, Inv. respectivement 11877 et 11878 ; H : respectivement 17,6 et 16,3 cm. Bibl. : Schauerte 1985 : 332, no 930, pl. 109,6 ; ZABEHLlCKY‑SCHEFFENEGGER (S.). — Jahrb. Wels 22, 1979‑80, p. 114 no 508 ; Lange 1989 : 528 sqq., nos 65 et 68.


Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.