3.8 Aquitaine
p. 170‑173
Texte intégral
1Le recensement en Aquitaine des figurines gallo‑romaines en terre cuite a donné des résultats assez surprenants, en ce sens que le nombre en est étonnamment réduit (fig. 65), Ce qui surprend dans un premier temps s’explique somme toute assez bien, comme il a pu l’être ailleurs, par l’engouement certain des collectionneurs de tout temps pour ce type d’objets. Ce recensement ne peut être exhaustif, du fait que les collections privées n’ont pu être examinées, dans lesquelles pourtant il y aurait quelque chance de retrouver des figurines ou fragments de figurines.

FIG. 65 – Aquitaine : a carte de répartition générale des figurines ; b carte de répartition des déesses‑mères et des Vénus. Sites : 1 Saint‑Aquilin ; 2 Bordeaux ; 3 Barcans ; 4 Croix‑d’Hins ; 5 Lamotte ; 6 Mios ; 7 Saint‑Yzans‑de‑Médoc ; 8 Vayres ; 9 Agen : 10 Eysses ; 11 Mézin.
2En dehors de Bordeaux où a été conservé le plus grand nombre de figurines –nombre réduit cependant par rapport à celui de leurs découvertes, si l’on en juge d’après les mentions existantes–, on connaît pour la Dordogne l’existence de deux figurines de terre blanche, l’une du type Nutrix, l’autre du type Vénus anadyomène, toutes deux conservées au musée du Périgord (Rouvier‑Jeanlin 1972 : no 43 et nos 308‑309)1. M. Soubeyran, conservateur du musée, en a heureusement trouvé récemment la provenance, qu’il m’a obligeamment communiquée avec sa référence bibliographique. Ces deux figurines proviennent de Gueugnon (Saône‑et‑Loire), comme l’indique un article de la Revue de la haute Auvergne2. Une troisième figurine de terre blanche a été retrouvée en Dordogne, à Saint‑Aquilin (conservée au musée d’Aquitaine, no inv. M.A. 60.14.97). Elle représente une déesse‑mère allaitant deux enfants, trou d’évent sur le côté droit, à mi‑hauteur (type l, groupe C no 354, Rouvier‑Jeanlin 1972)3 ; il lui manque la tête. En ce qui concerne les Landes, aucun exemplaire de figurine n’a été retrouvé à ma connaissance, de même qu’en Pyrénées‑Atlantiques. Une recherche plus systématique dans les collections privées enrichirait peut‑être ce recensement. Des figurines du Lot‑et‑Garonne nous sont connues par des mentions : il a été trouvé à Agen en 1959 « une figurine de terre cuite » haute de 5,5 cm4. « Une statuette en terre cuite, incomplète, de Mercure [sandales ailées, main droite tenant une bourse], a été découverte à Eysses‑Excisum. »5 A Mezin, c’est une « statuette de déesse‑mère en terre cuite découverte au lieu‑dit Calès »6. En Gironde, un plus grand nombre de ces figurines a été découvert, et en partie conservé ; cela s’explique évidemment par une tradition archéologique ancienne à Bordeaux, par la présence de cette ville importante à l’intérieur des terres, par le plus grand nombre de fouilles qui y ont été effectuées. Trois d’entre elles ont été mentionnées sans qu’il soit possible de spécifier leur lieu de conservation : une « petite statuette en argile blanche représentant un chien portant un collier, auquel est suspendu un grelot »7, trouvée à Carcans, et qu’une note compare avec celle présentée, pl. VII de l’ouvrage de Tudot8. La seconde a été découverte à Saint‑Yzans‑de‑Médoc au lieu‑dit Bois‑Carré ; il s’agit d’une « petite tête de chien en terre cuite »9. Enfin, à Vayres a été trouvée une « terre cuite de chien en position assise, pattes de devant levées et collier »10.
3C’est pour Bordeaux que les mentions sont les plus nombreuses et que les figurines ont été conservées en plus grand nombre. La mention la plus ancienne, qui remonte à 1877, est celle d’une figurine représentant un personnage vêtu d’une draperie qui remonte le long de son bras gauche ; il tient de la main gauche une lyre, de la main droite une coupe11. En 1879, sont découvertes, 125, cours Alsace‑Lorraine à Bordeaux (à proximité de l’ancienne Porte du Médoc), six statuettes de déesses‑mères, en terre cuite blanche, cinq d’entre elles allaitant un enfant et signées au dos, dans la partie inférieure du fauteuil, sabinei allvsa, allvsae. man., ivlivs allvsae ; on trouve parmi les signatures déchiffrées par l’auteur, Camille de Mensignac ; la sixième déesse‑mère allaite deux enfants12. En 1880, est relatée la découverte faite en 1819 « dans le cimetière antique de Terre‑Nègre », « près de l’ancienne Porte Médoc », d’une statuette de terre cuite blanche fine, représentant une femme allaitant deux enfants13. En 1880, ont été découverts « un petit Mercure en terre noire, une statuette en terre blanche d’Isis ou de Latone ou de Cérès »14. En 1918 est rapportée la découverte faite en 1786 de nombreuses figurines « de la déesse Isis ou de femmes gauloises » Porte Médoc, et en 1788 de « quelques statues d’Isis ou de femmes gauloises » en terre cuite et d’un Mercure, à peu de distance de là, « vis‑à‑vis le péristyle de la grande salle de spectacle »15. Une dernière mention pour Bordeaux, datant de 1933, fait état d’une terre cuite blanche représentant « une déesse‑mère assise dans un fauteuil d’osier et allaitant deux jumeaux »16. C’est la seule mention dont nous savons avec certitude qu’elle se rapporte à l’une des figurines conservées aujourd’hui au musée d’Aquitaine (no inv. 70.19.11) ; la tête de la déesse‑mère et l’arrière du fauteuil manquent. On peut cependant rapprocher la figurine du no 341, p. 165 du cat. Rouvier‑Jeanlin17, type II, groupe C. Son lieu précis de découverte à Bordeaux ne nous est pas connu.
4Des autres figurines de terre cuite blanche conservées au musée d’Aquitaine on ne connaît que rarement la provenance de façon sûre. La plupart proviennent vraisemblablement de Bordeaux, bien que nous ne puissions pas en avoir la celtitude. Il s’agit principalement de Vénus anadyomène de terre cuite blanche : les nos 43, 45, 47, 78 (par deux fois), 91, 101, 102, 112 et 203 du catalogue de M. Rouvier‑Jeanlin semblent être représentés, tout ou partie18. Deux têtes de figurines échappent à toute comparaison précise : l’une en terre cuite blanche offre des similitudes avec le no 767 (p. 283) de M. Rouvier‑Jeanlin, mais présente une coiffure en côtes de melon, et la trace d’un diadème (no inv. 60.8.653). L’autre (no inv. 60.8.657) présente les mêmes caractéristiques qu’une figurine originale conservée également au musée d’Aquitaine et décrite plus loin. Le no 1052 (p. 345) de M. Rouvier‑]eanlin (figurine de chien assis, terre cuite beige ; no inv. 60.1.94) et le no 1038 (p. 342) ibidem, (figurine de bélier couché ; terre cuite blanche ; no inv. 60.14.89) sont aussi représentés ; de même que le no 1127 (p. 369) de M. Rouvier‑Jeanlin, bien que dans ce dernier cas il faille se reporter aux analyses de pâte opérées par le Laboratoire de recherche des musées de France.
5Parmi ces figurines de terre cuite blanche conservées au musée d’Aquitaine et découvertes de façon sûre à Bordeaux (nécropole antique de Terre‑Nègre), on retrouve les modèles Rouvier‑Jeanlin suivants : no 70 (p. 110 en g) de Vénus anadyomène (type II, groupe ACG ; no inv. 60.14.92), une figurine d’un personnage tête voilée tenant un agneau dans ses bras, exemplaire brisé au niveau du cou et à mi‑mollets19 (no inv. 60.10517), le no 342 (p. 165‑ 166) de déesse‑mère allaitant deux enfants (no inv. 60.14.95), le no 379 (p. 173) de la déesse‑mère allaitant un enfant, qui comporte des traces de peinture pour souligner le contour des yeux en amande et marquer le sourcil (dans une diagonale inversée par rapport à celle que décrit l’arcade sourcilière, selon une mode qui remonterait à la fin du siècle dernier). Enfin, le dernier type (fig. 64) découvert dans ce même contexte funéraire de Bordeaux, d’un type tout à fait original, a fait l’objet d’une description plus poussée (no inv. 60.11.97)20.

FIG. 64 – Musée d’Aquitaine : a, b l’étrange petit personnage (face et dos) de Terre‑nègre provenant de la nécropole de Bordeaux, inv. no 601197
clichés J.‑M. Arnaud
6Il me faut, pour conclure ce recensement bordelais, rajouter les données fournies par les fouilles récentes, que je dois à M.D. Barraud et à M.J.‑F. Pichonneau qui dirigeait le chantier de la place de la République à Bordeaux en 1978‑79 (fouilles du service régional de l’Archéologie). Dans un contexte de puits et de fosses ont été retrouvés des fragments d’une figurine de terre cuite blanche de déesse‑mère tenant un enfant dans ses bras (cf. no 365, p. 170, Rouvier‑Jeanlin, type II, groupe B). Restaurée, elle est aujourd’hui conservée au musée d’Aquitaine (no inv. 79.32.130).
7Un autre grand chantier bordelais a révélé 7 types différents de figurines qui, d’après les renseignements fournis par Mme M.‑H. Santrot et M. J. Santrot, se rapprocheraient des modèles suivants du catalogue de M. Rouvier‑Jeanlin : no 380 (p. 173‑174) : déesse‑mère, (type II, groupe C) ; Vénus à gaine no 219 (p. 141 : type 5, groupe A) ; personnage à cucullus no 619 (p. 252 ?) ; chien assis nos 382‑383, et de deux autres types plus difficiles à rattacher à une typologie précise en raison de leur aspect fragmentaire : il s’agit d’un dossier de fauteuil de déesse‑mère pour l’un, d’un socle avec pieds nus pour l’autre. La publication de ces figurines, conservées au service régional de l’Archéologie, comme celle de l’ensemble du chantier de fouilles, est en cours.
8En dehors de Bordeaux ont été retrouvées en Gironde deux figurines de terre cuite blanche à la Croix‑d’Hins, l’une représentant un personnage debout vêtu du cucullus et tenant les mains jointes à hauteur de la taille, le second, du type de l’enfant chauve appelé Risus, proche du no 675 (p. 263) de M. Rouvier‑Jeanlin. Une mention nous apprend qu’ont été trouvées par ailleurs 4 figurines en Gironde, 2 en terre blanche, 2 en terre grise, 1 tête de femme de terre blanche haute de 6 cm provenant de Mios au lieu‑dit Caze avec une coiffure en diadème, que l’auteur rapproche du no 26 484 du musée de Saint‑Germain21 ; les trois autres provenant de Lamothe, 1 figurine de terre blanche d’un personnage à cheval (corps du cheval avec trou d’évent sous celui‑ci et jambe du personnage conservés), que l’auteur rapproche d’une figurine du musée de Moulins, 1 figurine de terre grise, représentant un homme debout, brisée au niveau du cou et des jambes, revêtue d’un manteau et tenant de la main gauche « un objet en forme de cloche, dont le sommet est en haut et l’ouverture en bas. Cette ouverture communique avec l’intérieur par un petit orifice ». Elle fait –en l’état– 8 cm de haut. La dernière figurine représente une tête de femme casquée ; brisée au niveau du cou, elle avait 2 cm de haut. Leur lieu de conservation actuel nous est inconnu.
Bibliographie
Bibliographie
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Rouvier‑Jeanlin 1972.
Tudot 1860.
Notes de bas de page
1 Rouvier‑Jeanlin 1972 : 103, no 43 et p. 157‑158, nos 308‑309.
2 Abbé Lafarge. In : Revue de la haute Auvergne, 1905, p. 105‑106.
3 Rouvier‑Jeanlin 1972 : 167‑168, no 354.
4 Coupry 1959 : 399.
5 Coupry 1975 : 477, Villeneuve‑sur‑Lot.
6 Coupry 1973 : 481.
7 Coupry 1973 : 452 et 455.
8 Tudot 1860 : 47 et pl. VII. En fait, il s’agit de la planche V, c’est‑à‑dire apparemment du no 1051 du cat. Rouvier‑Jeanlin cité plus haut.
9 Coupry 1973 : 455.
10 Gauthier 1981 : 345.
11 Le Musée Dubois, par M.C. Farine. Bulletin de la Société archéologique de Bordeaux, IV, 1877, p. 158 et pl. XXI.
12 Mensignac 1879 : 92‑93.
13 Mensignac 1880 : 88, pièces justificatives F, G (citation de M. Bernadau. Annales politiques littéraires et statistiques de Bordeaux, p. 234) et Jouannet 1823 : 146‑148, et pl. où il est spécifié qu’on en a rencontré une autre à Hins, mais la femme n’allaite qu’un enfant ; mention d’une figurine de Mercure, avec la précision qu’il en existe d’autres à Bordeaux. Voir aussi F. Jouannet 1837 : 246.
14 SAB, VII, 1880 : 89.
15 Manuscrit inédit (jusqu’alors) du baron de Caila. Ibid. XXXVII, 1918 (année 1786, p. 101 et 1788, p. 102). La mention du Mercure correspond à celle déjà citée en 1880 (voir plus haut).
16 Bastide 1933 : XXV.
17 Rouvier‑Jeanlin 1972.
18 Rouvier‑Jeanlin 1972 : no 43, p. 103 ; no 45, p. 104 ; no 75, p. 111 ; no 78, p. 112 ; no 91, p. 116 ; nos 101 et 102, p. 117 ; no 112, p. 120 ; no 20, p. 135.
19 Jouannet 1831 : 162‑163, pl. VIII, no 3.
20 Jouannet 1831 : 162‑163, pl. VIII, no 4.
21 Peyneau 1926 : 148‑150, pl. XXXI, nos 220, 221, 222, 223.
Auteur
Conservateur au musée d’Aquitaine, Bordeaux
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