3.2 Ile‑de‑France
p. 145‑149
Texte intégral
1Notre enquête porte sur 7 départements de l’Ile‑de‑France et aussi sur la ville de Paris même1. Jusqu’à présent, elle nous a conduite à recenser 312 figurines ou fragments de figurines répartis sur 44 sites. La ventilation de ces objets par département est la suivante : Seine‑et‑Marne, 15 sites, 235 fragments ; Yvelines, 10 sites, 14 fragments ; Val‑d’Oise, 7 sites, 22 fragments ; Paris, 6 sites, 30 fragments ; Essonne, 5 sites, 8 fragments ; Hauts‑de‑Seine, 1 site, 1 fragment. Aucune trouvaille n’est notée dans les départements de Seine‑Saint‑Denis et du Val‑de‑Marne.
3.2.1 Répartition géographique
2Pour un site le nombre d’objets varie généralement de 1 à 3‑4 fragments au maximum. Pourtant, parmi les sites dénombrés, trois importantes concentrations se distinguent bien clairement :
– Melun (Seine‑et‑Marne), 19 objets (dont 15 fragmènts provenant de 3 sites fouillés récemment) ;
– Paris, 32 objets (dont environ une moitié proviennent de fouilles récentes ; l’autre rassemble les figurines découvertes au XIXe s., actuellement en possession du MAN ou du musée Carnavalet) ;
– Châteaubleau‑La Tannerie (Seine‑et‑Marne), 187 fragments.
3Le grand nombre de fragments qui proviennent de Châteaubleau est frappant (presque 2/3 du total). Il est nécessaire de donner quelques précisions sur les problèmes que pose cet ensemble d’objets. Le matériel est très fragmenté. Parmi les fragments identifiables dominent ceux de Vénus (55 fragments) et de déesses‑mères (63 fragments). Les figurines sont toutes brisées, le plus souvent en petits morceaux (à quelques exceptions près [fig. 52]). Si on avait tenu compte de tous ces fragments, on aurait pu fausser l’importance respective des deux sujets. Pour cette raison, nous avons essayé d’évaluer approximativement la quantité réelle de figurines entières des Vénus et des déesses‑mères. En tenant compte de différents facteurs –forme, proportion et style de fragments, aspect de la pâte, proximité de trouvaille– nous parvenons au résultat suivant : pour Vénus, environ une trentaine de statuettes ; pour les déesses‑mères, environ une vingtaine.

FIG. 52 – Châteaubleau : 1 Vénus type 1 ; 2 Vénus type Il ; 3 Vénus pudica (a face, b dos) ; 4 déesse‑mère allaitant 2 enfants (type 1).
3.2.2 Sujets
4Plus d’un quart (27 %) des fragments n’a pu être identifié (en particulier à Châteaubleau). Les fragments identifiables se répartissent par sujets de la manière suivante : comme il advient presque partout, dominent surtout Vénus (environ 32 %) et déesses‑mères (environ 19,5 %). Les Vénus à gaine sont très rares. Nous en connaissons seulement deux exemplaires. Beaucoup moins nombreux sont les bustes de Risus (18 statuettes soit environ 7,5 %) et les représentations des animaux et des oiseaux (7 objets pour chacune de ces catégories, ce qui donne ensemble environ 6 %). Parmi les animaux on trouve surtout des chevaux, parmi les oiseaux, des coqs. Les 8 % restants comprennent les figurines diverses en pâtes blanches ou claires dont 3 bustes féminins, 4 fragments de guerriers, une statuette de cucullatus, un héros cavalier, un grotesque représentant un vieillard, et aussi toutes les productions « originales » réalisées en terre rouge (nous en reparlerons ci‑après).
5Parmi les sujets dénombrés il faut noter l’absence de divinités masculines. Pour cette raison 2 fragments provenant de Châteaubleau méritent d’être mentionnés : il s’agit d’un torse masculin nu qui fait penser au Mercure tenant une bourse dans la main droite (fig. 53, 1)2 ; de même, une tête masculine imberbe (fig. 53, 2) portant un bonnet peut être interprétée comme appartenant à un Mercure, mais pour l’instant nous n’avons pas de points de comparaison.

FIG. 53 – Châteaubleau : 1 torse masculin (Mercure ?) ; 2 tête masculine portant un bonnet (Mercure ?) (échelle 1/1).
3.2.3 Pâtes
6Les fragments de figurines en pâte blanche ou claire constituent la majorité écrasante des objets répertoriés (300 fragments, soit 97 % du total). En général ces fragments correspondent à la typologie établie par M. Rouvier‑Jeanlin et leur iconographie est « classique » (sauf quelques exceptions comme la tête masculine de Châteaubleau mentionnée ci‑dessus). La provenance des statuettes reste un problème. Pour l’ensemble des fragments de Châteaubleau nous avons surtout affaire à des figurines de petite taille (résultat de surmoulages successifs ?). Signalons que 6 objets provenant de ce site (3 Vénus, tête d’une fillette, tête d’une déesse‑mère et tête masculine [Mercure ?]) ont fait l’objet d’une analyse par activation neutronique au Centre des études atomiques à Saclay. Il faut remarquer qu’à Châteaubleau plusieurs fragments sont de « type Pistillus ». Sur 2 fragments de déesses‑mères, la signature de Pistillus est indiscutable (... pist et... llvs) ; sur 2 autres on distingue les lettres v et p ou t. Un autre fragment de déesse‑mère signé par ce coroplathe provient d’un des puits dits « funéraires » fouillés à Paris, au jardin du Luxembourg ; c’est une trouvaille d’autant plus intéressante qu’elle est liée à un contexte très précis (dernier quart du iie s.).
7En revanche, les figurines en terre rouge sont très peu nombreuses (9 objets soit 3 % du total). Il s’agit presque uniquement d’objets sans contexte archéologique, provenant des fouilles du xixe s., qui se trouvent actuellement dans les différents musées d’Ile‑de‑France. Dans ce groupe nous pouvons dénombrer : 2 têtes féminines (musées de Meaux et Melun, Seine‑et‑Marne) ; 1 masque humain (musée de Maule, Yvelines) ; 2 têtes humaines très grossières trouvées aux Mureaux, Yvelines (collections MAN) ; 1 buste féminin découvert à Paris (musée Carnavalet). Tous ces objets sont différents des types en terre blanche et restent sans termes de comparaison.
8Une découverte faite récemment à Dourdan (Essonne) mérite particulièrement l’attention. La fouille d’une cave gallo‑romaine a mis au jour 2 fragments de déesses‑mères et un buste réalisés en terre rouge. L’iconographie de ces déesses est tout à fait « classique ». Le plus grand des deux fragments représente une déesse‑mère de type 1 allaitant deux enfants (fig. 54, 1). La typologie du buste pose plus de problèmes ; c’est une production très malhabile et peu soignée ; sûrement le surmoulage d’un surmoulage. Pourtant sa forme générale permet de supposer un dérivé lointain des bustes d’adolescents (fig. 54, 2)3. Vu l’intérêt de ces statuettes il serait sans doute souhaitable de faire une analyse de pâte pour tenter de préciser le lieu de leur production.

FIG. 54 – Dourdan : 1 déesse‑mère allaitant 2 enfants (type 1) en terre rouge ; 2 buste (face et dos) d’un adolescent (?) en terre rouge.
3.2.4 Nature des sites
9TABL. IV

TABL. IV – Les figurines gallo‑romaines en terre cuite en Ile‑de‑France : liste des sites et découvertes.
1062 % du total des fragments proviennent de sanctuaires ; néanmoins ce fort pourcentage ne correspond pas du tout à la quantité de lieux du culte répertoriés en Ile‑de‑France. La presque totalité des objets est fournie par un seul site, Châteaubleau. Trois autres sanctuaires, Saclas (Essonne), Avon (Seine‑et‑Marne) et Bennecourt (Yvelines), ont livré chacun seulement 1 ou 2 fragments de figurines. En revanche, les habitats sont les sites les plus fréquents (19 sites) mais, au total, ils ont fourni seulement 17 % du mobilier. Les nécropoles et les puits et dépôts funéraires tiennent une place marginale parmi les sites répertoriés. Ils livrent respectivement : pour les nécropoles 2,5 % des fragments (3 sites) ; pour les puits et dépôts funéraires, 3 % des fragments (2 sites). Pour environ 15,5 % du matériel le contexte archéologique reste inconnu (ramassage de surface, anciennes collections).
3.2.5 Datation
11Parmi les 44 sites recensés (fig. 55), à peu près la moitié donne des éléments de datation. La fourchette générale est très large –du ier au ve s.–, la majorité des découvertes se situe aux iie‑iiie s. Les exemples datés du ier s. sont très rares ; nous en connaissons seulement deux : un fragment de guerrier provenant d’une cave gallo‑romaine à Paris, rue de l’Abbé‑de‑l’Epée (deuxième moitié du ier s., ; un fragment de Vénus trouvé dans le contexte d’habitat à Saint‑Germain‑Laxis, Seine‑et‑Marne (deux premiers tiers du ier s.).

FIG. 55 – a Carte générale de répartition des sites de découverte : b carte de répartition des Vénus et des déesses‑mères. Sites : 1 Paris ; 2 Augers‑en‑Brie ; 3 Avon ; 4 Cannes‑Ecluse ; 5 Châteaubleau ; 6 Lumigny ; 7 Meaux ; 8 Le Mée ; 9 Melun ; 10 Pécy ; 11 Saint‑Germain‑Laxis ; 12 Triport ; 13 Ablis ; 14 Bennecourt ; 15 Greffiers ; 16 Limetz‑Villez ; 17 Maule ; 18 La Millière ; 19 Les Mureaux ; 20 Tremblay‑sur‑Mauldre ; 21 Corbeil‑Essonne ; 22 Dourdan ; 23 Etampes ; 24 Morigny‑Champigny ; 25 Saclas ; 26 Suresnes ; 27 Epiais‑Rhus ; 28 Ermont ; 29 Genainville ; 30 Guiry‑Gadrancourt ; 31 Hérivaux‑Luzarches ; 32 Magny‑en‑Vexin ; 33 Taverny.
3.2.6 Conclusions
12En conclusion, nous pouvons faire ressortir les points suivants : pour l’Ile‑de‑France nous avons affaire uniquement à des sites consommateurs. Il faut noter l’absence d’éléments de production, si l’on exclut la mention faite par Blanchet4, du moule de Sacrillos à Meaux. Par ailleurs, on constate la’ domination écrasante des statuettes en terre blanche correspondant à une typologie « classique » et l’extrême rareté des pièces réalisées en terre rouge. D’après les exemples provenant de l’Ile‑de‑France, il est impossible d’établir une relation entre le type de sujet et le type de contexte (petite région, peu de matériel, étude en cours). Enfin, il convient de souligner l’intérêt de la concentration exceptionnelle de fragments à Châteaubleau. Ce site mérite d’autant plus l’attention que la répartition des figurines dans le sanctuaire même permet de tirer des conclusions générales sur le culte qui s’y déroulait et de reconstituer ses principales étapes.
Notes de bas de page
1 La recherche sur la diffusion des figurines en terre cuite en Ile‑de‑France faisait le sujet d’un mémoire de DEA préparé par M. Wilcocz à l’université de Paris I. Cette étude est en cours ; les résultats présentés ne sont donc pas définitifs.
2 Voir Rouvier‑Jeanlin 1986 : n° 223.
3 Voir Rouvier‑Jeanlin 1972 : nos 707‑714.
4 Blanchet 1901 : 264.
Auteur
Etudiante (thèse) UMR 126.3, Paris 1
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