Les figurines en terre cuite gallo-romaines
| , ,Chapitre 2. Production, datation, iconographie, fonctions
2.2 Les coroplathes
Texte intégral
1Malgré des observations plus soignées et plus fructueuses lors des fouilles récentes, nos informations sur la réalité quotidienne des coroplathes gallo‑romains restent bien modestes. Cependant, certains points sont désormais acquis. Leur examen permet de proposer de nouvelles hypothèses, de suggérer des axes de recherche, de préciser les questions que doit poser le fouilleur d’un atelier.
- 1 Vernou, Vienne 1987 : 168‑179.
- 2 Joubeaux et al. 1988 : 38‑46.
- 3 Vertet 1980a : 13, 20 et communication d’Alain Rebourg.
- 4 Ibid., p. 22 et communication de M. Jeanlin.
- 5 Ibid., p. 29 et information de H. Vertet.
- 6 Ibid., p. 35.
- 7 Ibid., p. 36.
- 8 Ibid., p. 41. Voir aussi Vertet 1980d : 214.
- 9 DESBORDES (I.‑M.). — Informations archéologiques du Limousin, Gallia, 41, 1983, 2, p. 431‑433.
2D’après les publications des fouilles d’ateliers, il semble qu’en Gaule, la fabrication des figurines de terre cuite ait toujours été associée à une autre activité céramique. A Saintes1, Rennes2, Autun3, Bourbon‑Lancy4, Lezoux5, Saint‑Pourçain‑sur‑Besbre6, Saint‑Rémy‑en‑Rollat7, Vichy8, Brive9 et en beaucoup d’autres lieux également, la production des figurines était, pour le moins, juxtaposée à d’autres productions céramiques. Elle apparaît comme une production secondaire de potiers et de tuiliers, bien que le moulage et la peinture de figurines aient constitué des aspects bien particuliers du métier de céramiste. Ce fait semble d’ailleurs commun à la plupart des « spécialités » céramiques. Ainsi en fut‑il des céramiques à paroi fine, à couverte métallescente ou à glaçure plombifère ; des mortiers souvent associés aux productions d’amphores ou d’assiettes à engobe rouge pompéien, des lampes, des reliefs d’appliques ou des oscilla. Les vestiges de production de figurines sont presque toujours associés aux restes d’ateliers de céramique commune, de céramique sigillée, de tuiles ou d’autres éléments architecturaux en terre cuite.
- 10 Communication d’Alain Rebourg.
- 11 FICHET DE CLAIRFONTAINE (F.), TEIL (G.). — Les Mystères de l’atelier. ln : Joubeaux 1988 : 44‑46, f (...)
- 12 Communication d’Alain Vernhet, § 3.9.2.
3Cette juxtaposition nous conduit à nous interroger sur l’éventuelle relation de dépendance entre les coroplathes et les potiers employés à l’activité principale. Les figurines et les céramiques ou les tuiles fabriquées sur le même site proviennent‑elles du même atelier ou d’ateliers différents ? Etaient‑elles cuites dans les mêmes fours, ronds ou rectangulaires, à flammes libres ou à chaleur rayonnante ? A Autun, par exemple, des figurines étaient cuites (entre 160 et 220°) en même temps ou, en tout cas, dans le même four que des céramiques communes10. Rien d’ailleurs ne s’oppose à ce que des figurines soient cuites en complément d’une fournée de tuiles ou de pots. Les mêmes ouvriers fabriquaient‑ils, tour à tour, des produits différents ? Le potier devenait‑il coroplathe ou tuilier selon les besoins du marché ? Ainsi, les figurines de l’atelier de Rennes, dérivées des productions de Rextugenos, semblent bien avoir été fabriquées par les potiers de céramique commune installés sur le même site. Ces potiers étaient peut‑être eux‑mêmes des tuiliers, et ces figurines semblent avoir été cuites dans le grand four rectangulaire contemporain, four de tuilier probablement, qui recélait des tessons figurés dans son cendrier, plutôt que dans le modeste four circulaire à céramique commune qui lui était peut‑être postérieur11. A. Vernhet a observé des tentatives de production de figurines en terre sigillée vernie à La Graufesenque, mais elles restèrent sans lendemain12. En tout état de cause, peut‑on parler de potiers‑coroplathes, de tuiliers‑coroplathes ou de potiers-tuiliers-coroplathes ? Peut‑être. Nous en reparlerons.
- 13 SANTROT (M.‑H), SANTROT (J.), LAHANIER (C.) dir. — Céramiques communes et semi‑fines en Saintonge e (...)
4Comme les autres céramistes, nos « potiers‑coroplathes » utilisaient avec une certaine habileté des argiles différentes par leur origine et leurs caractéristiques et ils leur faisaient subir des préparations différentes selon le produit à réaliser. Plus ou moins ferrugineuse, la glaise convenait à la fabrication des tuiles ou des poteries dites communes. On l’épurait ou on la dégraissait selon les besoins. Parfois, elle était mélangée à une autre terre pour en modifier les caractères physiques. En revanche, pour les céramiques sigillées ou les céramiques gréseuses, non poreuses, il était nécessaire de choisir une argile capable de supporter une cuisson à haute température et de la raffiner avec soin13.
- 14 Vertet 1980a : 37.
- 15 Communication de François Moser.
- 16 Vernou, Vienne 1987 : 175. Bustes féminins, poissons produits entre 50 et 130.
- 17 Communication d’Alain Vernhet.
- 18 Une trentaine de figurines dans les collections du musée Borély, aujourd’hui musée d’Archéologie mé (...)
- 19 Musées départementaux de Loire‑Atlantique, musée Thomas Dobrée, Nantes, inv. 863.3.2 et 863.3.3. JO (...)
5Pour les figurines, les coroplathes sélectionnaient, importaient si nécessaire, des argiles fines et blanches non ferrugineuses, suffisamment plastiques pour la commodité du moulage et propres à la réalisation des produits les plus prisés de la clientèle. Cependant, s’ils ne pouvaient en obtenir, ou n’en trouvaient qu’en trop faibles quantités, ils utilisaient l’argile commune, ferrugineuse, brune ou rouge et, pour imiter la blancheur des produits du Centre, recouvraient leurs figurines d’un engobe kaolinique blanc. Ce procédé fut utilisé notamment à Thiel‑sur‑Acolin (Allier)14, à Brive (Corrèze)15, à Saintes (Charente‑Maritime)16, à La Graufesenque (Aveyron)17, à Marseille18 et dans la vallée du Rhône. II le fut aussi par l’atelier qui produisit les déesses protectrices du laraire de Rezé (Loire‑Atlantique)19.
- 20 FICHET DE CLAIRFONTAINE (F.), TEIL (G.). — Les Mystères de l’atelier. ln : Joubeaux et al. 1988 : 3 (...)
- 21 BÉMONT (C.), VERNHET (A.), BECK (F.). — La Graufesenque, village de potiers gallo‑romains. Saint‑Ge (...)
6Comme les autres céramistes, les coroplathes pratiquaient l’organisation et la division du travail. Bien sûr, l’utilisation d’argiles différentes suggère l’extraction en des lieux plus ou moins éloignés et le transport d’argiles pauvres en fer. Plus évocatrice et plus étonnante est la présence de pains d’argile préparés sur certains sites producteurs. Ainsi a‑t‑on trouvé à Rennes des boulettes et des plaquettes d’argile blanche20 dont la masse était adaptée au moulage de figurines. Cela montre un « conditionnement » préalable de la matière première pour rationaliser les tâches. La constance des dimensions et du poids des coupes sigillées de la fosse de Gallicanus à La Graufesenque21 n’a‑t‑elle pas suggéré une normalisation des produits et l’existence d’artisans préparant l’argile et livrant des boules de pâtes adaptées au tournage d’une coupe comme on peut trouver aujourd’hui des croissants congelés prêts à cuire ?
- 22 Vertet 1980a : 18.
- 23 H. Vertet, renseignement oral.
- 24 Communication de François Moser.
7Paradoxalement, si la fabrication des figurines était généralement associée à d’autres productions céramiques, nous constatons que cette implantation n’a pas entraîné une influence dans la technologie, ni dans le décor, de la production principale sur la production secondaire. H. Vertet a constaté que certaines lampes de Lezoux « avaient été surmoulées et parfois agrémentées de quelques motifs de sigillée »22. Il est extrêmement rare, en revanche, que des poinçons à sigillée aient servi à modifier les moules obtenus par surmoulage, à changer les attributs d’un modèle pour en tirer plusieurs types : une signature de sigillée estampée sur une figurine a été signalée à Toulon‑sur‑Allier23 ; des mèches de cheveux en s issues d’un poinçon de sigillée ont servi au décor d’un édicule dans l’atelier de Brive24. De même, les moules des céramiques à glaçure plombifère semblent avoir toujours été ornés à l’aide de poinçons différents de ceux qui servaient à la céramique sigillée. Le décor estampé des moules des Vénus à gaine est lui aussi très distinct de celui des sigillées et des céramiques fines contemporaines à décor estampé (Saintonge) mais cela s’explique alors plus aisément par la calte de répartition des ateliers respectifs. Tout se passe ici comme si le choix d’un matériau –défini par ses caractéristiques physiques, par la technologie de sa mise en œuvre, par son caractère commun, répandu, et donc par son prix– entraînait aussi la sélection d’un vocabulaire décoratif distinct, adapté à la vocation des objets à fabriquer : usage utilitaire, ludique ou décoratif, para‑religieux ou funéraire. Selon la destination de l’objet et la clientèle à laquelle il s’adressait, l’artisan choisissait son matériau. Ce choix entraînait aussi une sélection des thèmes iconographiques (répertoires très différents entre le bronze et la terre cuite, le marbre, la pierre commune et le bois), un degré différent de précision dans la figuration des attributs, un plus ou moins grand raffinement dans le décor.
- 25 VERTET (H.). — Œnochoés à glaçure plombifère découvertes à Varennes‑sur‑Allier. In : Recherches sur (...)
- 26 Varennes‑sur‑Allier : Vertet 1980a : 39‑40. Lezoux : Vertet 1980a : 29‑70. Saintes : Vernou, Vienne (...)
8Les coroplathes, a‑t‑on dit, se sont référés aux figurines en bronze et H. Vertet a montré l’existence de surmoulages en terre de bronzes utilisés comme archétypes25. Il semble que ces surmoulages soient très rares ; ni les déesses‑mères au fauteuil ni les Vénus anadyomènes n’ont été surmoulées sur des objets en bronze. Au reste, cette imitation en terre d’objets de bronze a essentiellement concerné des têtes, d’une taille supérieure à celle de nos figurines. Peut‑être aussi, y a‑t‑il eu, plus souvent qu’on ne le pense, tentative de moulage de têtes de statues ou de prise de masque sur le vif26. En tout état de cause, ces imitations semblent faciles à identifier par le raffinement de leur modelé, plus proche de celui de la statuaire que de celui des figurines en terre blanche.
- 27 Rouvier‑Jeanlin 1984a : 91. Rabeisen, Vertet 1986 : 18.
9Malgré la ductilité de l’argile et la capacité d’habileté des coroplathes, les figurines en terre cuite sont généralement frustes, souvent massives et sans grâce, et les épreuves étaient rarement retouchées27 (si ce n’est des productions de l’atelier de Gueugnon, d’après J‑C. Notet). Pourquoi les artisans gaulois n’auraient‑ils pu fabriquer des beautés graciles comme celles de Myrina ou des athlètes puissants comme ceux de Smyrne ? Affaire de culture probablement. Le rapport de leur iconographie à la religion gréco‑romaine « classique » est imprécis, autant qu’en ce qui concerne la statuaire en pierre commune ou en bois. Les thèmes religieux sont d’ailleurs proches : déesses‑mères, Vénus, triades, Epona, dieux et déesses au torque, dieux accroupis, Mercure, etc. Ce caractère fruste des sculptures en terre cuite, en pierre ou en bois ne peut, en tout cas, être lié à la nature, aux caractères physiques de ces matériaux. Un habile modeleur aurait pu réaliser des figurines presque aussi fines que celles issues des mains du bronzier. Ce modelé sommaire semble être lié au choix d’une matière première très répandue et donc très bon marché, pour la fabrication d’objets nombreux s’adressant à une même clientèle très populaire.
10Le métier des coroplathes est fort méconnu. C’est en scrutant leurs productions et en les datant avec précision que l’on saura de mieux en mieux distinguer les coroplathes créateurs, les modeleurs, des simples copistes ou surmouleurs, ou encore de ceux qui, plus inventifs, auront su rajouter un attribut différent pour transformer un type. Ainsi, jusqu’ici considéré presque comme un génial précurseur, souvent et maladroitement imité, Pistillus d’Autun est‑il désormais reconnu comme l’héritier des coroplatl1es de l’Allier. Il pousse à un plus haut degré de raffinement et de synthèse un artisanat de la figurine développé depuis deux siècles en Gaule centrale.
11L’analyse des pâtes est en l’occurrence précieuse pour distinguer les différents ateliers, faciliter l’attribution des objets, discerner l’utilisation d’argiles différentes, aider à démêler l’écheveau des productions et de leurs imitations. Il est souvent difficile de différencier une production première des avatars de sa diffusion, de ses transformations, de ses imitations ou, faut‑il dire, de ses contrefaçons. Il arrive, par exemple, que le produit d’un atelier devienne lui même archétype dans un autre atelier. Comment différencier avec certitude l’importation ou la vente des moules de l’itinérance d’un atelier ou de la migration de ses artisans ? Comment identifier l’existence d’ateliers secondaires, techniquement et commercialement rattachés à une « maison‑mère » ? On sait aujourd’hui, par exemple, que des moules signés de noms différents ont été réalisés à partir d’un même archétype. Espionnage économique ou transfert de technologie ?
12L’élément le plus précieux, sinon toujours le plus sûr, pour l’attribution d’un moule ou d’une figurine comparable à un coroplathe est naturellement la signature gravée en cursive ou estampée ; mais les signatures sont rares, moins d’une centaine de noms probablement, et de nombreuses abréviations ou variantes dont on ne connaît guère la signification. Notons ici qu’aucun inventaire critique des signatures et des estampilles n’a encore été dressé et les cartes de diffusion sont encore trop rares et trop peu documentées.
- 28 Vuillemot, Vertet 1973 : 8.
13Gravées (fig. 39 à 43), ou plus rarement estampillées sur la paroi externe des moules, les signatures révèlent probablement une certaine organisation de la production et même de la profession. Elles témoignent d’un usage et, peut‑être, d’une certaine réglementation de l’utilisation et de la diffusion des moules et non, comme on a pu l’écrire jadis, de la satisfaction du coroplathe pour un travail réussi ou de son souci de pérenniser une vaine gloire. Il faut évoquer ici la signature de Toulon‑sur‑Allier : Sacrillos Carati avot formi (fig. 41, 1) qu’on traduit « Sacrillos, fils de Caratus, a fabriqué le moule »28.

FIG. 39 – Signatures en creux sur moules : 1 ateano (MAN 1071, Toulon‑sur‑Allier, singe) ; 2 ant (MAN 1027, Saint‑Pourçain‑sur‑Besbre, taureau) ; 3 certud [] A [Nt] (MAN 113, Saint‑Pourçain‑sur‑Besbre, Vénus) ; 4 certino (MMS 5.3.32, Toulon‑sur‑Allier, Vénus) ; 5 piso (MAN 426, Saint‑Pourçain‑sur‑Besbre, Abondance).

FIG. 40 – Signatures en creux sur moules : 1 priscvs (MAN 395, Vichy ? déesse‑mère) ; 2 tiberivs (MAN 428, Toulon‑sur‑Allier, Abondance, face) ; 3 tiberivs (MAN 429, Toulon‑sur‑Allier, Abondance, dos) ; 4 tiber(ius) (MAN 129, Toulon‑sur‑Allier, Vénus) ; les nos2, 3, 4 sont des exemples frappants des signatures très différentes pour un même nom.

FIG. 41 – Signatures en creux sur moules : 1 avot formi/sacr(i) llos carati (MMs 5.3.79, Toulon‑sur‑Allier, colombe) ; 2 sacrillos (MAN 1062, Toulon‑sur‑Allier, chien) ; 3 signature estampillée : martin [ ] (MAN 7, Toulon‑sur‑Allier, Vénus).

FIG. 42 – Autun : échantillon des types de signatures de pistillvs (d’après Vuillemot, Vertet 1973).

FIG. 43 – Signatures en creux sur moules : 1 natti forma/m (MAN 825, Toulon‑sur‑Allier, médaillon avec buste) ; 2 même signature, mais en relief, sur figurine natti. arv. m. (MAN 835, Clermont‑Ferrand, buste) ; signatures en relief sur figurines : 3 rextvgenos (M Angers, Vénus à gaine) : 4 rextvgenos svlllas awot (MAN 214, Caudebec‑lès‑Elbeuf, Vénus à gaine) ; (2 est à l’échelle 1/1).
- 29 Mollard‑Besques 1963 : 17‑18.
14Placée à l’intérieur du moule pour paraître sur le produit fini (fig. 42 et fig. 43, 3 et 4) (le cas du fameux Rextugenos, par exemple), la signature évoque alors davantage la publicité de marque et sa signification doit être comparable à celle de la signature dans le champ décoré des sigillées moulées ou à celle de l’estampillage surabondant des sigillées tournées. On ne peut pas, dans le cas des figurines, justifier la signature par le marquage de la production d’un même potier dans le four commun ou celui de la pile de mortiers de même origine dans le fret d’un navire. Notons ici que l’on a constaté en Grèce qu’une signature était utilisée pendant plusieurs generations29 ; elle équivalait ainsi à une marque de fabrique, à une raison sociale. N’en serait‑il pas de même en Gaule, où l’on estime que la production de Pistillus s’est étendue sur plus de cinquante années (cf. infra § 2.3) c’est‑à‑dire sur deux générations ?
- 30 Rouvier‑Jeanlin 1984 : 91.
- 31 La signature d’un potier de sigillée a été retrouvée sur une figurine de Toulon‑sur‑Allier. Communi (...)
15Pour étayer ces hypothèses sur le sens –réglementaire ? commercial ?– des signatures, il faut souligner leur absence presque totale sur les archétypes, ceux‑ci n’étant pas destinés à être diffusés30. Alors que les figurines ont été fabriquées sur le site d’ateliers producteurs de sigillée, on ne peut que s’étonner de ne pas retrouver plus souvent sur les figurines ou sur leurs moules les estampilles ou les noms des potiers de sigillée31. Des ateliers communs utilisaient‑ils alors des artisans différents, des techniciens spécialisés, pour la réalisation de produits différents ? Il est vrai que la concentration de l’activité céramique favorisait la diversification des produits et la présence d’artisans « spécialisés » pouvant utiliser des services communs : extraction, charroi, préparation de l’argile, cuisson ou commercialisation, par exemple.
16Le répertoire thématique des figurines est relativement réduit : divinités, personnages, animaux, fruits ou graines, objets. Les coroplathes ont‑ils joué un rôle déterminant dans le choix des thèmes iconographiques de leur production ? Avaient‑ils la responsabilité de la définition et l’initiative de l’application d’une sorte de programme iconographique religieux ? s’agit‑il bien ici de religion ou plutôt de culture ?
- 32 DEVTS (S.). — Les Bois sculptés des sources de la Seine. XLIIe suppl. à Gallia, Paris, CNRS, 1983, (...)
- 33 Dans sa contribution au présent volume (§ 2.5.) J.‑L. Brunaux souligne l’absence de statuaire divin (...)
17On ne peut nier l’imagination créatrice de certains coroplathes gallo‑romains, mais leur invention, comme on peut le dire des sculptures sur pierre commune ou sur bois32, réside surtout dans l’assimilation plus ou moins profonde de certains aspects de l’iconographie « classique » du monde gréco‑romain. Ces thèmes ou ces figurations étaient choisis pour leur facilité d’adaptation à une religion populaire issue du substrat gaulois et fécondée, à partir du règne d’Auguste, par les rites et les images de la religion romaine officielle33. La facilité des Gaulois, ou des Gallo‑romains, à mouler leurs croyances dans les images des divinités romaines a certainement favorisé les emprunts, les échanges ou les ajouts. Les coroplathes adaptaient les formes extérieures des divinités gréco‑romaines au vocabulaire de leur propre culture. Ils n’appliquaient pas un programme religieux, mais s’efforçaient d’adapter leur production à la demande d’une clientèle avide de formaliser ses croyances et leur production était sanctionnée par le succès ou l’échec de sa commercialisation. Les coroplathes gallo‑romains se sont efforcés de répondre aux besoins de la population : ils lui proposaient des images, et ces symboles, émanations de la religion populaire, servaient de support à ses croyances profondes.
Notes
1 Vernou, Vienne 1987 : 168‑179.
2 Joubeaux et al. 1988 : 38‑46.
3 Vertet 1980a : 13, 20 et communication d’Alain Rebourg.
4 Ibid., p. 22 et communication de M. Jeanlin.
5 Ibid., p. 29 et information de H. Vertet.
6 Ibid., p. 35.
7 Ibid., p. 36.
8 Ibid., p. 41. Voir aussi Vertet 1980d : 214.
9 DESBORDES (I.‑M.). — Informations archéologiques du Limousin, Gallia, 41, 1983, 2, p. 431‑433.
10 Communication d’Alain Rebourg.
11 FICHET DE CLAIRFONTAINE (F.), TEIL (G.). — Les Mystères de l’atelier. ln : Joubeaux 1988 : 44‑46, four no 2.
12 Communication d’Alain Vernhet, § 3.9.2.
13 SANTROT (M.‑H), SANTROT (J.), LAHANIER (C.) dir. — Céramiques communes et semi‑fines en Saintonge et en Bordelais : étude de caractérisation et contribution à l’analyse d’un système céramique régional. In : Recherches gallo‑romaines 1 du Laboratoire de recherche des musées de France. Notes et documents no 9, Paris, 1985, passim et p. 390‑394.
14 Vertet 1980a : 37.
15 Communication de François Moser.
16 Vernou, Vienne 1987 : 175. Bustes féminins, poissons produits entre 50 et 130.
17 Communication d’Alain Vernhet.
18 Une trentaine de figurines dans les collections du musée Borély, aujourd’hui musée d’Archéologie méditerranéenne de la Vieille‑Charité, à Marseille.
19 Musées départementaux de Loire‑Atlantique, musée Thomas Dobrée, Nantes, inv. 863.3.2 et 863.3.3. JOUBEAUX (H.). — Le Dossier Rextugenos. ln : Joubeaux et al. 1988 : 129, 130, nos 251 et 252. COSTA (D.). — Une Chapelle domestique gallo‑romaine. La Revue des arts, 1960, III, p. 129‑132.
20 FICHET DE CLAIRFONTAINE (F.), TEIL (G.). — Les Mystères de l’atelier. ln : Joubeaux et al. 1988 : 39. Des pains d’argile ont également été signalés à Rezé (Loire‑Atlantique) dans l’atelier d’un potier, voisin de celui d’un fondeur ou d’un orfèvre. PARENTEAU (F.). — Notice sur un atelier de fondeur gallo‑romain du ier s. découvert à Rezé. In : Actes du congrès archéologique de France tenu à Fontenay en 1864. Paris 1865, p. 233‑258.
21 BÉMONT (C.), VERNHET (A.), BECK (F.). — La Graufesenque, village de potiers gallo‑romains. Saint‑Germain‑en‑Laye, MAN, 1987, p. 18‑21.
22 Vertet 1980a : 18.
23 H. Vertet, renseignement oral.
24 Communication de François Moser.
25 VERTET (H.). — Œnochoés à glaçure plombifère découvertes à Varennes‑sur‑Allier. In : Recherches sur les ateliers de potiers gallo‑romains de la Gaule centrale. Sites, H.S. no 6 p. 139‑147.
26 Varennes‑sur‑Allier : Vertet 1980a : 39‑40. Lezoux : Vertet 1980a : 29‑70. Saintes : Vernou, Vienne 1987 : 175 : « partie supérieure d’un masque féminin grandeur nature (moulage). Cette réalisation d’une qualité exceptionnelle peut faire penser à un moulage sur nature ».
27 Rouvier‑Jeanlin 1984a : 91. Rabeisen, Vertet 1986 : 18.
28 Vuillemot, Vertet 1973 : 8.
29 Mollard‑Besques 1963 : 17‑18.
30 Rouvier‑Jeanlin 1984 : 91.
31 La signature d’un potier de sigillée a été retrouvée sur une figurine de Toulon‑sur‑Allier. Communication de H. Vertet.
32 DEVTS (S.). — Les Bois sculptés des sources de la Seine. XLIIe suppl. à Gallia, Paris, CNRS, 1983, p. 154‑161. L’auteur compare les ex‑voto de bois et de calcaire et en souligne les analogies.
33 Dans sa contribution au présent volume (§ 2.5.) J.‑L. Brunaux souligne l’absence de statuaire divine gauloise justifiée par l’aniconisme fondamental des Celtes. L’anthropomorphisme de la religion gréco‑romaine et la diffusion par les modèles italiques de l’iconographie qui lui est liée ont entraîné l’« interprétation gauloise » des schémas mythologiques romains au contact d’une culture celtique encore puissante. L’accès aux rites nouveaux d’une population, jusqu’alors écartée du culte par une élite d’initiés, aurait suscité une production artisanale aux « allures Saint‑sulpiciennes » répondant à la « libération soudaine d’un besoin individuel d’expression ».
Table des illustrations
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Légende | FIG. 39 – Signatures en creux sur moules : 1 ateano (MAN 1071, Toulon‑sur‑Allier, singe) ; 2 ant (MAN 1027, Saint‑Pourçain‑sur‑Besbre, taureau) ; 3 certud [] A [Nt] (MAN 113, Saint‑Pourçain‑sur‑Besbre, Vénus) ; 4 certino (MMS 5.3.32, Toulon‑sur‑Allier, Vénus) ; 5 piso (MAN 426, Saint‑Pourçain‑sur‑Besbre, Abondance). |
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Légende | FIG. 40 – Signatures en creux sur moules : 1 priscvs (MAN 395, Vichy ? déesse‑mère) ; 2 tiberivs (MAN 428, Toulon‑sur‑Allier, Abondance, face) ; 3 tiberivs (MAN 429, Toulon‑sur‑Allier, Abondance, dos) ; 4 tiber(ius) (MAN 129, Toulon‑sur‑Allier, Vénus) ; les nos 2, 3, 4 sont des exemples frappants des signatures très différentes pour un même nom. |
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Légende | FIG. 41 – Signatures en creux sur moules : 1 avot formi/sacr(i) llos carati (MMs 5.3.79, Toulon‑sur‑Allier, colombe) ; 2 sacrillos (MAN 1062, Toulon‑sur‑Allier, chien) ; 3 signature estampillée : martin [ ] (MAN 7, Toulon‑sur‑Allier, Vénus). |
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Légende | FIG. 42 – Autun : échantillon des types de signatures de pistillvs (d’après Vuillemot, Vertet 1973). |
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Légende | FIG. 43 – Signatures en creux sur moules : 1 natti forma/m (MAN 825, Toulon‑sur‑Allier, médaillon avec buste) ; 2 même signature, mais en relief, sur figurine natti. arv. m. (MAN 835, Clermont‑Ferrand, buste) ; signatures en relief sur figurines : 3 rextvgenos (M Angers, Vénus à gaine) : 4 rextvgenos svlllas awot (MAN 214, Caudebec‑lès‑Elbeuf, Vénus à gaine) ; (2 est à l’échelle 1/1). |
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