Les figurines en terre cuite gallo-romaines
| , ,Chapitre 1. Les ateliers
1.19 Compiègne (Oise)
Centre de production ?
Texte intégral
1COLLECTIONS PRINCIPALES ET LIEUX DE CONSERVATION
Musée des Antiquités nationales.
Musée Vivenel, Compiègne.
Musée archéologique de Lausanne, Suisse.
2RESPONSABLE DU SITE
Service régional de l'Archéologie de Picardie.
3Fort peu d’éléments permettaient jusqu’à présent de donner corps avec certitude à une rumeur qui circule depuis bien longtemps : il y aurait eu fabrication de figurines dans le périmètre de ce qui est de nos jours la forêt de Compiègne. Cette table ronde aura eu le mérite de déclencher une enquête approfondie et fructueuse.
1.19.1 Circonstances des découvertes
4Des fouilles furent conduites à partir de 1859 dans la forêt de Compiègne, sur les ordres de Napoléon III, par A. de Roucy (fig. 26). Elles allaient révéler un abondant matériel dont, en ce qui nous concerne, deux moules et une centaine de figurines répartis sur plusieurs sites ; des fours furent mis au jour près de Saint‑Jacques‑aux‑Bois. Plus récemment, d’autres fours furent fouillés à Saint‑sauveur (en 1922 par l’inventeur, M. Poirrier et en 1967‑69 par la direction des Antiquités historiques de Picardie), fours utilisés pour la fabrication de céramique commune (Margot 1975 : 23‑25) mais à proximité desquels aucune présence de moule de figurine n’a été signalée.
1.19.2 Contexte historico‑géographique
5A. Grenier a écrit que l’avancée de la forêt de Compiègne vers la vallée de Pierrefonds était un domaine particulièrement sacré, qui n’était sans doute pas une forêt dans l’Antiquité. Avec un site gallo‑romain pour 300 ha, on peut plutôt envisager l’existence d’un habitat rural dispersé (Margot 1975 : 23‑25). Cette région antique était située sur le territoire de Belgica, à la frontière des El Silvanectes (Senlis) et des suessiones (Soissons), à moins de 50 km de la Gallia lugdunensis et à proximité d’un important lieu de rassemblement, permanent et temporaire : Champlieu (40 ha où ont été découverts le temple, le théâtre, les thermes et un fanum). La région comprise entre l’Aisne (Axona) et l’Oise (sara), était desservie par la route romaine de Senlis à Soissons (itinéraire d’Antonin) et était dominée par de petits monts dont le mont Berny (alt. 132), près de Pierrefonds (alt. 81), et le mont Chyprès (parfois orthographié Chyprais), non loin de Champlieu.
6Tout était réuni sur place pour la fabrication de céramiques : l’eau, l’argile (on a retrouvé des bancs d’argile blanche), le sable, le bois. Une production de céramique commune est encore attestée au iiie s. de n.è. (fours de Saint‑sauveur).
1.19.3 Activité céramique
7A côté de la fabrication artisanale commune il a pu exister une production de figurines, mais, dans ce cas, elle a dû être restreinte et sa diffusion devait rester très locale. Deux moules et une petite quantité de figurines originales dans leur style et par la texture rugueuse de leur pâte peuvent être l’indice d’une fabrication sur place.
1.19.4 Définition archéologique des figurines
8En ce qui concerne les figurines, qui n’appartiennent pas au répertoire connu des ateliers du Centre et qui pourraient donc avoir été fabriquées sur place, la terre, bien que blanche, très dure, se singularise par sa texture grenue. Aucun exemplaire n’est signé. Beaucoup d’éléments ont été modelés à part (bras, pastillages) et rapportés sur les corps qui paraissent avoir été obtenus par moulage, les détails (coiffures, tresses) étant faits ou repris à l’ébauchoir. De nombreuses traces de couleur subsistent, qu’il s’agisse d’une draperie peinte en rouge, de perles brunes indiquées sur le cou d’une tête, de lanières de sandales dessinées en noir ou encore sous la forme d’un décor qui orne les poules‑sifflets. Aucune des figurines n’étant complète, il est impossible de savoir si elles comportaient un trou d’évent.
9Le répertoire (Rouvier‑Jeanlin 1972) comprend une Vénus aux bras rapportés dont la main droite cache son sein droit, une divinité debout énigmatique, mi‑Vénus (de face) et mi‑déesse‑mère (si la partie postérieure est bien un dossier en osier et parce qu’elle paraît être enceinte) ; une Vénus (?) avec des sandales peintes ; des petites têtes aux yeux pastillés ; un taureau fruste et de nombreuses poules‑sifflets ventrues, sans pattes, toutes identiques mais chacune unique par ses ailes indiquées au moyen d’incisions arrondies soulignées de volutes peintes. Le style, original bien que primitif, ainsi qu’une certaine recherche de la difficulté dans l’exécution, sont le signe d’un travail artisanal et pourraient être l’indice d’une production précoce. Ces figurines ont été trouvées au mont Chyprès (canton de La Bouverie) d’après l’inventaire du MAN, mais certaines sont dessinées sur la planche XIII de Cauchemé qui donne « au lieu‑dit les Tournelles, aux abords du plateau de Champlieu » comme provenance. Qui croire ? En va‑t‑il de même pour les autres figurines non dessinées ? Au fond, peu importe, la distance entre les deux lieux n’est pas dérangeante dans la mesure où chaque emplacement de dépôt est logique, celui de La Bouverie parce qu’à proximité du supposé centre de fabrication (les moules sont bien dessinés sur la planche des fouilles du mont Chyprès de Cauchemé, cette fois en accord avec l’inventaire), celui des Tournelles parce qu’à côté des thermes et du fanum ; l’idéal serait peut‑être qu’une partie ait été trouvée à La Bouverie pour conforter l’hypothèse de fabrication sur place et une autre partie aux Tournelles qui indiquerait une diffusion locale.
1.19.5 La fabrication
10Les deux moules signalés plus haut (Rouvier‑Jeanlin 1972 : nos 897, 130) ont été fabriqués dans une terre différente par sa texture grossière de celle utilisée dans les ateliers du Centre et l’archétype de chacun est d’une origine différente. Le premier est une création originale très malhabile et très rudimentaire (mais les détails pouvaient être ajoutés ou repris sur les figurines à la sortie de ce moule) d’un buste masculin, le second a été obtenu par surmoulage d’une figurine de Vénus anadyomène, bien connue dans le répertoire des ateliers du Centre. Dans ce dernier cas, nous ne sommes pas en présence d’une deuxième génération de moules obtenue sur le lieu de fabrication de ce type, mais d’un surmoulage exécuté avec une argile étrangère, identique d’aspect à celle du premier moule. Il reste à prouver que cette terre fut extraite des bancs d’argile blanche de la forêt de Compiègne, ce que de futures analyses physico‑chimiques révèleront peut‑être. Ces deux moules ont été retrouvés près du mont Chyprès « dont le voisinage a révélé, outre un uicus et sa nécropole, des ateliers de potiers. Ceux‑ci reproduisaient dans leurs moules des figurations d’origine orientale et alexandrine » (Vallet 1975 : 62, fig. 9). Si les analyses sont positives, il restera à chercher, parmi les fours qui ont servi à cuire des vaisselles céramiques, ceux qui ont pu aussi servir pour des figurines (ce qui était fréquent), sinon à espérer que d’autres fours accompagnés d’un matériel plus complet, s’ils existent, soient retrouvés.
1.19.6 La diffusion
11Aucune diffusion de ces différents types locaux n’a été observée jusqu’à présent. Si une fabrication a eu lieu dans les environs de Compiègne‑Champlieu‑Pierrefonds, elle a pu être limitée aux quantités nécessaires à alimenter le marché créé par la présence du grand ensemble culturel et ludique de Champlieu. Aucun repère chronologique ne permet de savoir si ces figurines ont été fabriquées dès le ier s. comme le laisse supposer leur style ; seule la présence du moule de Vénus obtenu par surmoulage permet d’affirmer qu’au iie s. il y aurait eu concurrence avec les ateliers du Centre, dont une assez abondante production des iie et iiie s. a été retrouvée dans les différents sites (habitations, temples, thermes, sanctuaires de source, puits) de la forêt de Compiègne.
Bibliographie
Bibliographie
Bulletin de la Société historique de Compiègne, 6, 1984, p. 21‑42 ; 7, 1988, p. 7, 9.
Cauchemé 1900‑1912. : CAUCHEMÉ (V.). — Description des fouilles archéologiques exécutées dans la forêt de Compiègne souis la direction de M. Albert de Roucy. Compiègne, 1900‑1912. Cinq tomes ; l, p. 33, 40‑41, fouilles du Mont‑Berny ; Il, p. 64, 66, fouilles de la Carrière‑du‑Roi ; IV, p. 133, fouilles de la Carrière‑du‑Roi ; IV, p. 133, fouilles de Champlieu.
Frémont, Woimant 1975 : FRÉMONT (J.‑ M.), WOIMANT (B.).— Le Vicus gallo‑romain de la Carrière‑du‑Roi en forêt de Compiègne (Oise). Revue archéologique de l’Oise, 6, 1975, p. 44‑55.
Margot 1975 : MARGOT (H.). — L’Occupation gallo‑romaine en forêt de Compiègne au IIIe s. : un village de potiers. Revue archéologique de l’Oise, 5, 1975, p. 23‑25.
Rouvier‑Jeanlin 1972.
Vallet 1975 : VALLET (F.). — Le Cavalier à l’Anguipède du Château‑Bellant, commune de la Croix‑Saint‑Ouen (Oise). Antiquités nationales, 7, 1975, p. 62.
Warin 1.984.
Woimant 1979 : WOIMANT (G.‑P.). — Guide de la visite des collections d’archéologie régionale du Musée Vivenel : la salle M. Hemery, antiquités historiques. Revue archéologique de l’Oise, 17, 1979, p. 25.
Woimant 1980 : WOIMANT (G.‑P.). — Aperçu sur l’archéologie historique de la région de Compiègne. Revue archéologique de l’Oise, 19, 1980, p. 15‑ 29.
Table des illustrations
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Légende | FIG. 26 – Compiègne : carte des environs. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/37840/img-1.jpg |
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