1LIEU DE CONSERVATION
Dépôt de fouilles des Amis du Dardon à Gueugnon.

2RESPONSABLES DU SITE
Directeur des fouilles : I.‑C. Notet.
Service régional de l’Archéologie de Bourgogne.

3Département de Saône‑et‑Loire ; arrondissement de Charolles ; canton de Gueugnon ; altitude 242 m.

1.14.1 Circonstances de la découverte

4La découverte eut lieu, fortuitement, lors du creusement d’une tranchée durant l’hiver 1965‑66. Un four de potier et des éléments de production de sigillée furent exhumés par la pelleteuse. En avril 1966, les fouilles qui ont suivi ont livré les premiers fragments de figurines et de moules. Dès 1967, les premières prospections magnétométriques furent réalisées par l’Institut de physique du globe. Dans le cadre de la programmation actuelle, le Centre de recherches géophysiques de Garchy effectue une prospection électromagnétique et une prospection par résistivimétrie. Et actuellement le site fait l’objet d’une fouille programmée, car l’urbanisme en menace une grande partie (maisons, complexe sportif, usine). Certains secteurs (en zone agricole en particulier) sont recouverts après la fouille. La municipalité vient de terminer la réalisation d’un « jardin archéologique » ouvert au public, où sont présentées et commentées in situ, sous des moules de protection, quelques substructions d’atelier (fours, puits, etc.). Les prospections et les fouilles montrent l’existence de structures discontinues disséminées sur une dizaine d’hectares.

1.14.2 Contexte historico‑géographique

5Il s’agissait d’une implantation rurale en pays éduen, dépendant peut‑être d’une uilla ou d’un uicus nommé Quinium. Le site jouissait d’une position privilégiée : exactement limité à l’ouest par l’Arroux (navigable à l’époque jusqu’à Autun) et à l’est par la voie romaine Roanne‑Autun.

6L’argile existe au Vieux‑Fresne et dans les environs, mais elle est en général trop ferrugineuse pour la fabrication des figurines. Une indication toponymique peut‑être : le lieu‑dit Les Terres Blanches, situé à quelques kilomètres seulement, en direction de Bourbon‑Lancy, pourrait signaler une carrière mieux adaptée. Les nombreuses meules retrouvées sur le site devaient servir à préparer les dégraissants, la chamotte par exemple. L’approvisionnement en eau pouvait se faire dans la nappe phréatique située à 4 m de profondeur à peine. Quatre puits en pierres sèches de 0,70 m de diamètre ont été découverts. Le bois utilisé correspond aux essences couvrant actuellement les coteaux voisins.

7Du fait de bouleversements antiques, il n’existe le plus souvent sur le site qu’une seule couche archéologique chronologiquement hétérogène du i^er s. av. J.‑C. au iv^e s. La position stratigraphique assez superficielle qu’occupent parfois certaines figurines créées par Pistillus incite à dater ces dernières de la fin du ii^e et de la première moitié du iii^e s. Les découvertes autunoises de ce coroplathe corroborent cette présomption. Les types les plus précoces ne paraissent pas antérieurs au milieu du ii^e s. Certains sites consommateurs voisins conduisent aussi à la même chronologie.

1.14.3 Activité céramique

8Le site était occupé à la fin de La Tène III : certaines céramiques gauloises ont pu être fabriquées sur place, mais les premières productions massives, amphores gauloises et cruches, datent du i^er s. ap. J.‑C.

9L’atelier a produit massivement aussi de la céramique sigillée durant le ii^e s. et la première moitié du iii^e s. La fabrication des figurines semble sensiblement contemporaine ; bien qu’importante, cette dernière est écrasée par celle de la sigillée (formes moulées et formes lisses) et des parois fines. Notons une production très considérable de Dr. 45 à tête de lion‑déversoir, ainsi qu’une production importante de reliefs d’applique pour vases métallescents et manches de patères. Il ne faut pas oublier enfin une production continue de céramique commune, très abondante mais plus anonyme. Enfin, postérieurement aux figurines, on a produit un peu de céramique paléochrétienne.

10La parenté évidente qui existe entre Gueugnon et Autun (confirmée par la présence à Gueugnon de moules et de figurines signés pistillvs ; fig. 17, 1) incline à considérer notre atelier comme un satellite d’Autun, mais des liens étroits existent aussi avec les officines bourbonnaises ; Toulon‑sur‑Allier en particulier (un moule de Vénus de Toulon, signé martini, ressemble beaucoup à un moule de Gueugnon signé lvcaivvs, coroplathe connu d’ailleurs aussi à Toulon ; fig. 18, 4). La modeste diffusion et le faible nombre des marques confirmeraient plutôt ce rôle de satellite, malgré les traits originaux présentés par les productions locales.

11Des analyses ont été effectuées par C. Lahanier (Laboratoire de recherche des musées de France). Les résultats, non encore communiqués, ne peuvent servir que de référence.

1.14.4 Définition archéologique des figurines

12La pâte est très fine et homogène, sans aucune inclusion visible à l’ œil nu. Deux teintes possibles : franchement blanche, ou bien légèrement rosée (L35 du code Cailleux) ; il n’existe pas de traces de revêtement.

13Les figurines ne sont jamais signées, sauf une déesse‑nourrice découverte très récemment (août 1988), portant la marque de pistillvs (fig. 18, 5), en bas du dossier du siège (provenant d’un graffite rétrograde en relief dans la valve du moule). Les quelques marques sur moules sont des graffites tracés avant cuisson sur le dos des valves (lecture directe). Les produits finis présentent un trou d’évent cylindrique, dissimulé au maximum, en position constante pour un type donné (derrière un bras, sous le socle, sous une aile, ...).

14La production connue se compose comme suit : divinités : Vénus anadyomènes (types I, II, III) (fig. 17), Vénus à édicule, déesses‑nourrices (fig. 18) (types I, II et III), Abondance, Epona, Jupiter, Apollon ; personnages : bustes féminins, masculins, d’enfants, Risus, tireur d’épine, nouveau‑né, cucullatus (fig. 19, 8), vieillard chauve ; animaux (fig. 19, 11‑14) chevaux, chiens, béliers, paons, poules. Le mobilier comprend également un oscillum et un moule à gâteau.

15Aucune évolution n’a pu être mise en évidence dans la fabrication. Les thèmes les plus utilisés sont les Vénus et les déesses‑nourrices. Les modes de traitement présentent des analogies avec ceux des autres ateliers de Gaule centrale, mais en diffèrent très souvent par certains détails qui font la spécificité de la production gueugnonnaise.

1.14.5 La fabrication

16Certains outils retrouvés ont pu être utilisés aussi bien pour la production de la sigillée ou des reliefs d’applique que pour celle des figurines. Les moules sont les seuls instruments spécifiques de la fabrication des figurines.

17A ce jour, 51 fours ont pu être repérés, et 48 fouillés. 12 types différents ont été recensés : fours‑canaux, fours circulaires, piriformes, ovales à 2 alandiers, etc. (fig. 20). Les mêmes fours (à tubulures) devaient être utilisés pour la cuisson des figurines et de la sigillée (en atmosphère oxydante). Aucun four n’a été retrouvé avec les tubulures en place. D’autres aménagements ont été identifiés : fosses de décantation, réserves d’argile, bacs à matériaux (en tuiles), aire de bêchage de l’argile, niveaux d’assainissement en galets ou amphores pulvérisées, rangées de pierres et tronçons de murs (sur lesquels on montait des cloisons légères pour limiter les ateliers), substructions arasées d’un balneum, descente de cave.

1.14.6 Les potiers

18Le bilan épigraphique est en revanche très maigre. En effet, la seule marque locale lisible, qu’on retrouve sur trois moules différents, est celle de Lucanus (graffite lvcaivi). Nous avons par ailleurs un graffite de deux lettres, ca, un graffite indéchiffrable, un graffite, ... llvs (importation de Pistillus).

19Nous connaissons un nombre plus grand de fabricants de moules pour reliefs d’applique. Ces derniers et les statuettes font appel à des techniques de réalisation très voisines et sont peut‑être un peu arbitrairement écaltés du cadre de cette étude. Les marques ne fournissent, en tout cas, aucune indication sur le statut des potiers.

20On peut présumer une migration de Lucanus entre Toulon et Gueugnon, mais on ignore dans quel sens elle se fit. En effet, la pâte des moules locaux est geugnonnaise. Mais Lucanus est connu aussi à Toulon‑sur‑Allier par des graffites directs sur les moules et par des marques sur sigillées. Par ailleurs, des transferts des moules d’Autun à Gueugnon ont été prouvés par les découvertes récentes d’une déesse‑nourrice signée pistillvs ainsi que d’un moule incomplet portant le graffite... llvs. De nombreuses figurines –déesses‑nourrices surtout– ont été obtenues par surmoulage puis interprétation des œuvres du coroplathe autunois, conduisant à des différences de détails (plis de la robe, tressage du fauteuil, coiffure, etc.). Certaines figulines de Gueugnon montrent des analogies avec des figurines de Toulon‑sur‑Allier, d’autres sont voisines de modèles de Saint‑Pourçain‑sur‑Besbre. Il y a donc eu copie, mais il ne s’agit pas non plus de copie servile.

1.14.7 La diffusion

21La diffusion, encore mal connue, se fit uniquement en Gaule, semble‑t‑il. Elle paraît se superposer à celle de la sigillée, surtout locale ou régionale, mais aussi en direction de l’Ile‑de‑France.

Bibliographie

22Gaillard, Parriat 1975 : 405‑412.

23Rouvier‑Jeanlin 1986.

24Groupe de recherches archéologiques de Gueugnon 1974 : GROUPE DE RECHERCHES ARCHEOLOGIQUES DE GUEUGNON. — Les Statuettes en terre cuite de l’officine de céramique gallo‑romaine du Vieux‑Fresne à Gueugnon. 1974, les Amis du Dardon.