Version classiqueVersion mobile

Les figurines en terre cuite gallo-romaines

 | 
Colette Bémont
, 
Micheline Jeanlin
, 
Christian Lahanier

Chapitre 1. Les ateliers

1.8 Toulon-sur-Allier (Allier)

Groupe d’ateliers

Hugues Vertet

Texte intégral

1COLLECTIONS PRINCIPALES ET LIEUX DE CONSERVATION
Les principales collections de figurines provenant du Lary et de La Forêt se trouvent au musée de Moulins, au dépôt de fouilles d'Yzeure, au musée des Antiquités nationales. Mais il est certain que des échanges, des achats, des dons ont dispersé un grand nombre de documents dans des collections publiques et privées.

2RESPONSABLE DU SITE
Service régional de l'Archéologie d'Auvergne.

3Trois ateliers, qui semblent avoir fonctionné en relation les uns avec les autres, forment ce que nous appelons le « groupe de Toulon-sur-Allier ». Deux se trouvent sur la commune de Toulon-sur-Allier, canton de Moulins-Est, Le Lary et La Forêt et un troisième sur celle de Bessay, limitrophe, canton de Neuilly-le-Réal, Les Fourniers.

4Le Lary, le plus célèbre, est situé sur le bord de la Nationale 7, La Forêt est à 1 km environ, au bas d’une colline. Le Lary et La Forêt sont l’un sur la rive droite, l’autre sur la rive gauche d’un misseau, la sonnante. Le troisième atelier, celui des Fourniers, se trouve dans la plaine, à 3 km environ des deux autres.

1.8.1 Circonstances de la découverte

5Les trois ateliers, Le Lary, La Forêt et Les Fourniers, étaient installés dans une zone proche de la frontière des Arvernes, des Eduens et des Bituriges. Il est difficile de dire s’ils étaient chez les Eduens ou chez les Arvernes. L’agglomération antique la plus proche est à Varennes-sur-Allier. Dans toute la partie de la vallée de l’Allier où sont placés ces trois ateliers, des découvertes anciennes et des prospections récentes montrent un grand nombre d’implantations gallo-romaines.

6Un archéologue très actif du siècle dernier, A. Bertrand, appelle plusieurs de ces sites uilla, par exemple près des Fourniers, une butte qui a donné quantité de tuiles, de morceaux de mortier et de placage de marbre. Une prospection de surface nous a montré l’existence d’une implantation assez vaste. Mais est-ce exactement une uilla ? y eut-il une relation de dépendance entre les ateliers et ceux qui habitaient ces lieux ? Il faudrait des recherches plus précises pour le savoir. Comme pour les autres ateliers de potiers de la Gaule centrale, on ne peut signaler, au ier ou au iie s., aucun stationnement de troupes dans la région, à part le ualetudinarium de Néris ; aucune mention de negotiatores ni aucun marché ne sont attestés par l’épigraphie.

7Une route sud-nord, réunissant Clermont-Ferrand à Bourges et Nevers, suivait vraisemblablement la rive droite de l’Allier, sur la même terrasse non inondable que les ateliers. L’embarquement sur cette rivière pouvait se faire à 2 ou 3 km de chaque atelier.

8Les trois ateliers sont installés sur des terrains d’alluvions anciennes de l’Allier, qui forment un placage argileux sur des sables et graviers quaternaires. Ils sont sur la deuxième terrasse de la rivière. sous l’atelier de La Forêt se sont ajoutées des colluvions descendues de la colline.

9Pour ce qui est des argiles utilisées par les potiers (blanche, jaune et rose après cuisson), il faut rappeler qu’ « [...] à quelques kilomètres en ligne droite des ateliers, au domaine des Segauds [...] », écrit Tudot, on a retrouvé « [...] un nombre considérable de puits dont le diamètre varie entre 1,50 m et 3 m et profonds de 1 à 4 m. Ces puits ont été creusés pour extraire l’argile blanche qui leur est nécessaire. » (Tudot 1860 : 35 ; BSEB 1934, t. 37 : 137) ; il n’en subsiste rien de visible actuellement.

10Il existe encore en cet endroit des carrières d’argile qui présentent des bancs de couleurs différentes, y compris de fort blancs. Des prélèvements ont été effectués par le laboratoire des musées de France. On peut cependant se demander si des bancs analogues ne se trouveraient pas plus près du lieu où les artisans ont choisi de s’installer. Le ruisseau qui passe entre les atelier du Lary et de La Forêt, la sonnante, amoncelle dans ses méandres du sable qui a pu servir de dégraissant pour les différents produits céramiques. Il a fourni aussi l’eau nécessaire, en concurrence avec le puits (?), car la nappe, phréatique est peu profonde. Les collines à l’est de la vallée, proches des ateliers, ont pu fournir du combustible (feuillus).

1.8.2 Le Lary

Circonstances de la découverte et état du site

11Le 3 mai 1856, A. Bertrand signale à la société d’émulation de l’Allier la découverte de l’atelier du Lary. « Messieurs Esmonnot et Tudot sont les premiers qui soient allés faire des fouilles. Ensuite beaucoup d’autres antiquaires ont exploré ce champ avec bonheur. » (Tudot 1860 : 4). Il est certain que, par la suite, la découverte donna lieu à un pillage désordonné, à la constitution de collections et à un commerce fructueux de figurines et de sigillée depuis cette époque et jusqu’en 1955.

12Tudot est le seul qui fit un compte rendu des fouilles menées dans les années suivant la première trouvaille. Aucun autre rapport ni aucune note de fouilles n’a été écrite après lui. Il publia en 1860 un ouvrage contenant une vue des excavations. Sur la planche 2 de son ouvrage, à laquelle on se réfère trop souvent, on voit des fours gallo-romains dans un paysage (cf. infra fig. 35), Le dessinateur s’est placé devant le site et a regardé vers la colline de La Forêt. Mais nous n’avons pu faire correspondre le dessin, ni avec le terrain réel, ni avec le résultat des fouilles. Il est possible que la construction de la maison dite « la Maison neuve » –dont nous recherchons actuellement la date précise– ait fait disparaître le site représenté. Il est certain aussi que la profondeur à laquelle l’auteur dit avoir découvert les vestiges ne correspond pas à celle des couches archéologiques retrouvées : « [...] le terrain battu sur lequel les derniers céramistes avaient travaillé se trouvait à peu près à deux mètres au-dessous de la surface du sol d’aujourd’hui. Quant à la partie supérieure des constructions, elle était recouverte d’une couche de terre végétale dont l’épaisseur avait à peine soixante centimètres. Près des fours, on voyait les matériaux propres à la fabrication, c’est-à-dire l’argile, les bois (sic) et les moules. » Une interprétation romantique du dessin et des observations aurait-elle influencé la vue de Tudot ?

13Les monnaies recueillies dans les fouilles sont rares : un moyen bronze de Domitien (81-96) et un moyen bronze’ d’Hadrien (118-138) (Vertet 1957-58).

14En 1957-58, nous avons repris des fouilles dans le champ limitrophe du terrain exploité par Bertrand et ses successeurs : un fossé antique rempli de tessons de sigillée accompagnés de plusieurs morceaux de figurines, un mur, une petite fosse pleine d’argile et de tessons ont été trouvés. Plusieurs tranchées de sondage vers le nord n’ont rencontré que des terrains stériles. En 1971 : découverte de deux fonds de fours et de valves de moules entières et fragmentées au sud de la tranchée antique de 1957. En 1974 : sondage avec des élèves du lycée, petit mur et sols avec tessons cassés. En 1976 : découverte d’un dépôt de sigillée du iie s. dans une fosse de l’EDF, le long de la RN 7, en face de la maison. En 1977-80 : au moment de la transformation de « la Maison neuve » en restaurant, nous avons pu mener plusieurs campagnes de fouilles. Un fossé rempli de tessons de sigillée comme en 1957, les fondations très arasées de sept fours, dont un petit four circulaire, les fondations de murettes en pierres, et des lambeaux de couches en place ont été découverts, Luc de Féraudy étant chef de chantier. Quand nous nous sommes trouvés sur l’emplacement des explorations désordonnées antérieures, nous avons recueilli beaucoup de sigillée et de petits morceaux de figurines hors-stratigraphie délaissés par les précédents fouilleurs. Nous avons dû arrêter les recherches sur ordre du propriétaire. On peut craindre que le reste du site ne soit détruit par des travaux d’aménagement des terrains et des bâtiments. Il serait urgent de mener une exploration systématique du site qui reste une des fabriques les plus importantes de Gaule pour l’étude de l’art et de la romanisation populaires.

15L’occupation antique ne paraît pas très étendue –moins d’l ha. Nous en avons obtenu, je pense, les limites sur les quatre points cardinaux grâce à des fossés, des tranchées et des prospections de surface. Elle est située à 218 m d’altitude environ.

16La datation des vestiges découverts montre que la fabrication des moules et des figurines se place dans la deuxième partie du iie s., et peut-être au début du iiie s. ; elle a été réalisée par plusieurs approches. Ainsi la comparaison avec la sigillée de Lezoux (sigillée lisse et décorée) : les analyses et le style des décors ont montré que quelques moules de vases sigillés avaient été apportés de Vichy et de Lezoux (servvs ii, antistiorvm, ...). Nous avons aussi trouvé qu’un potier au moins, secvivdvs (celui du Lmy) avait imité et interprété les décors de cinnamvs. Par ailleurs, des figurines du potier Pistillus, qui a travaillé à Autun vers la fin du iie s. ont été surmoulées ici. Enfin, des examens archéo-magnétiques ont montré que trois fours ont fonctionné vers 180. La période d’arrêt de la fabrication de la sigillée dans les ateliers du centre de la Gaule marque aussi l’arrêt de la production des figurines au Lary et dans les autres ateliers.

17On notera que, dans un des fossés remplis de sigillée que nous avons· fouillés, ont aussi été relevés quelques tessons tibériens et un morceau de moule de sigillée trajane. Actuellement, nous n’avons aucune fabrication céramique de ces périodes au Lary. Sous les fondations d’un mur, a été découverte une tombe contenant des céramiques de l’époque tibérienne, mais il s’agit vraisemblablement d’une tombe isolée appartenant à un habitat rural antérieur, comme les tessons de cette époque trouvés dans la terre du fossé. Aucun autre artisanat que celui de l’argile n’a laissé de traces au Lary, pas plus qu’à La Forêt.

Activité céramique

18L’atelier a produit surtout de la sigillée et des figurines. Mais on y fabriquait aussi quantité de céramiques métallescentes, des mortiers à tête de lion parfois décorés d’appliques diverses, des assiettes peintes en rouge à l’intérieur, des bols peints au pinceau et à l’éponge, souvent marqués sur la partie haute avec les mêmes estampilles que la sigillée (Vertet 1959a), de la vaisselle commune, quelques lampes (Vertet 1983), quelques vases à reliefs d’applique (Vertet 1969).

19Toulon-sur-Allier a probablement joué le rôle de métropole en raison de sa production abondante de figurines et de moules. Cela reste à établir par exemple autant par les analyses d’argile que par les études de Mme Jeanlin.

20Des analyses d’argile ont été faites sur la terre sigillée de Toulon-sur-Allier par le laboratoire de l’URA no 3, Lyon (Feraudy, Vertet 1986 : 153 Toulon-sur-Allier – Le Lary). D’autres analyses de moules et de figurines ont été entreprises par le Laboratoire des musées de France.

Définition archéologique des figurines

21La pâte est dure, fine, blanc cassé, sans dégraissant ni inclusions visibles comme celle de La Forêt. Elle est bien travaillée et présente rarement quelques bulles d’air.

22Nous avons trouvé un seul fragment de Vénus moulée avec une argile rouge comme celle de la sigillée locale. Sur un rebords de mortier Dr 45, en terre de sigillée, une applique a été obtenue avec le moule d’un petit coq (partie gauche).

23Il est certes exceptionnel que les potiers aient utilisé de la terre rouge de sigillée dans des moules de figurines. Mais il y a d’autres irrégularités dans cet atelier : parfois, la pâte des vases moulés, au lieu d’être rouge, est rose très clair et recouverte d’engobe rouge. Cela contraste avec la normalisation des argiles constatée à Lezoux à la même époque. On peut supposer que, dans les fabriques rustiques, le potier n’arrêtait pas son travail faute d’avoir sous la main l’argile habituelle. Ainsi avons-nous trouvé à Bègues, un grand morceau de cruche à engobe blanc dont la panse était en argile blanche et le goulot, tourné à part, en argile rose.

24Le trou d’évent des Vénus est placé habituellement entre la fesse et la main gauches. Celui des chiens traverse le socle et l’air pouvait entrer sous l’animal, ce qui est différent de la manière de percer les figurines que nous avons constatée à Saint-Bonnet, par exemple.

25Le répertoire iconographique est fort varié. Il comprend au moins les séries suivantes (fig. 7) :
– divinités féminines : Vénus sur socle, Vénus sous édicule à fronton triangulaire ou arrondi, nourrices à un ou deux bébés (fig. 7), divinités présentant un enfant, Abondance, Minerve, Epona, triades de Vénus et petites divinités ;
– divinités masculines : Mercure (dont un Mercure avec des talonnières), Hercule, Apollon, « dieux à la chaîne » (?), Sucellus (?), dieux à la roue, Bacchus (Esmonnot 1856-58 : 29) ;
– personnages : personnages debout –éphèbes, couples, gladiateurs, soldats, adolescents–, personnages assis –cavaliers avec boucliers, enfants assis sur le dos d’un dauphin, tireurs d’épine, cucullatus assis (Esmonnot 1856-58 : 28, pl. 2 fig. 2), –personnages en bustes –Risus, adolescents, personnages féminins, personnages masculins, certains bustes sont placés dans un médaillon ;
– parties de corps humain : masques, verge d’homme en érection, bras ;
– animaux : quadrupèdes et reptiles –béliers, chevaux nus, chevaux harnachés, taureaux, chiens assis, chiens couchés (ex. collection Monceau), serpents, lions, panthères, lapins, dauphins –, oiseaux –paons, colombes, pigeons, poules, coqs, cygnes (?), œufs ;
– fruits : noix, pommes, vases en pomme de pin ;
– objets divers : poupées articulées, fauteuils (?), socles, roues, cornes de bœuf, cimiers de Minerve, jougs.

FIG. 7 – Atelier de Toulon-sur-Allier/Le Lary : a et c nourrices à deux bébés ; le sujet, surmoulé souvent, a des reliefs fort estompés ; b femme tenant un bébé (type unique)

cliché H. Vertet

26Les traces de peinture sont assez rares au Lary ; elles sont de couleur brune. Il est probable que les couleurs étaient posées après cuisson et ne se sont pas conservées. Les figurines n’étaient peut-être pas décorées dans l’atelier.

La fabrication

27Plusieurs archétypes massifs ont été trouvés. Des prototypes, fabriqués à partir de figurines moulées et retouchées, ont été également recueillis dans les dépotoirs. Comme ils servaient à produire quantité de moules, ils étaient aussi peu nombreux que les poinçons-matrices de sigillée (Vertet 1976) et ils nous sont rarement parvenus entiers.

28Le répertoire a pu être nourri d’apports lointains dans le temps ou dans l’espace. Ainsi un des surmoulages les plus notables est celui d’une Vénus de l’atelier de Saint-Bonnet, à Yzeure, qui y était en usage 50 ans auparavant. D’autre part, quelques « Vénus à gaine » de Bretagne et quelques sujets contemporains de Pistillus d’Autun, ont été également reproduits. L’enrichissement du répertoire se produisait aussi par des échanges entre les ateliers de la région ainsi que par des modifications apportées à quelques sujets (changement de tête, retouches, ...) (Vertet 1980d).

29Plusieurs vestiges de fours ont été découverts ; Tudot en représente 6 accolés dans sa planche 2. Il parle d’autres fours accolés à ceux-ci (p. 61). Nos fouilles ne nous ont permis aucune confirmation de ces découvertes (cf. début de la notice). Nous avons trouvé deux fonds de fours quadrangulaires construits en gros blocs, dans la fouille de 1971 et dans la campagne menée avec L. de Féraudy (1977-80), 7 fonds de fours ont été retrouvés, sur un espace assez petit pour que l’on puisse conclure qu’ils se sont succédé. L’étude des argiles de 3 de ces fours, effectuée au laboratoire de géomagnétisme de Saint-Maur par Mme Bucur, a donné la date de 180 environ ap. J.-C. ; cela correspond bien à la date donnée par la céramique sigillée.

30Nous n’avons aucune indication que ces fours aient servi spécialement à la cuisson des figurines ou de la sigillée, ou alternativement à un produit ou à un autre. Les différences de température de cuisson données par les analyses de laboratoire semblent exclure que l’on ait pu cuire les deux produits dans la même fournée.

Les potiers

31L’atelier du Lary pose différentes questions par le libellé des signatures sur les moules. Le Lary est l’officine qui a apporté le nombre de noms de potiers le plus important. Ils sont écrits sur les moules, à main levée dans l’argile crue, avant cuisson. Un seul a été estampillé : martini. A l’intérieur, apparaissent de très rares noms. Nous avons donné la forme des noms telle qu’elle se présente.

32A 38 noms de potiers attribuables au Lary, peuvent s’ajouter d’autres noms relevés sur des moules sans origine conservés aux musées de Moulins ou de Saint-Germain-en-Laye, ou mentionnés dans diverses publications. Il est arrivé aussi que reste seulement la dernière lettre de la mention indiquant l’origine d’une figurine : le y. En ce cas, le fichier du musée de Moulins porte : « Le Lary » ou « Vichy », sites qui se terminent tous deux par cette lettre.

1.8.3 La Forêt

33L’atelier de La Forêt a été ainsi nommé car il se trouve au-dessous du château de La Forêt, situé au sommet d’une colline. Dans la vallée coule la sonnante. L’atelier se trouvait près du ruisseau.

Circonstances de la découverte

34La découverte de l’atelier de La Forêt est antérieure à celle du Lary. En 1854, ont été signalées les trouvailles de figurines et de sigillée de M. Hastier de la Jolivette, propriétaire des terrains : on avait trouvé des moules de statuettes et d’animaux en nivelant des terrains pour les transformer en prairies, ainsi qu’un four circulaire très dégradé (Congrès archéologique de France, Moulins 1854 : 34 ; Tudot 1860 : 61, pl. 61). En 1884, A. Bertrand publia un rapport sur les fouilles qu’il avait reprises dans l’atelier de La Forêt. Il s’était entendu avec le propriétaire suivant, M. Quentin. Il découvrit des figurines et des moules mélangés aux cendres et aux gros éléments de fours (Bertrand 1884 : 351-355), Une butte de terre fut rasée vers 1864 entre Le Lary et La Forêt. A. Bertrand nota plusieurs fragments de meules à bras, beaucoup de cendres de foyer, de tuiles à rebords. Il signala d’autres buttes, peu éloignées, qui avaient été rasées et qui contenaient des matériaux gallo-romains. Il pensait à des protections militaires des ateliers, ce qui semble peu vraisemblable ; c’étaient plutôt des habitats. Rien ne montre que l’on se soit trouvé devant les vestiges de uilla. Y en eut-il aux alentours immédiats des fabriques ?

35La seule indication récente que nous ayons est un rapport oral concernant des murs de bâtiments antiques assez importants qui auraient été détruits par les engins, sous la surveillance des Ponts-et-Chaussées, entre l’emplacement de l’atelier et l’Allier, dans les travaux routiers de la voie express Le Montet-Dompierre ; le site ne semble pas avoir été pillé comme Le Lary ; il était semble-t-il moins riche. En 1978-79, lors de la construction de cette même voie express, j’obtins de la DDE de l’Allier, avec l’aide du préfet de l’Allier, M. Busnel, l’autorisation de faire une campagne de fouilles sur le site de l’atelier menacé par les travaux. Une déviation fut construite pour nous permettre de travailler. P. Bet étant chef de chantier, nous avons pu mettre au jour outre un mobilier archéologique très fragmenté –figurines, sigillée, poterie peinte, céramique commune, métallescente, quincaillerie, monnaies de bronze–, une maison d’habitation de potiers (longueur : plus de 20 m, largeur : 6,5 m) et des surfaces d’occupation de la zone d’activité des ateliers. Actuellement, il subsiste des parcelles de terrain à protéger, sur lesquelles des fouilles seraient à reprendre.

Contexte historico-géographique

36(voir la notice générale)

37L’atelier avait été installé sur une pente douce qui aboutit à la sonnante, sur des colluvions de la colline qui recouvrent les alluvions anciennes. L’altitude est de 230 m environ. Le sol est argilo-sableux. Des infiltrations d’eau importantes ont été remarquées lors des différentes périodes de fouilles et les moules autant que les figurines sont très érodés par leur séjour dans le sol. C’est ce qu’avaient déjà noté les anciens fouilleurs (M. de la Jolivette, Bertrand).

38Plusieurs périodes d’occupation des terrains sont attestées par le matériel archéologique découvert. Elles ne sont pas antérieures à la fin du ier s. Une période flavienne est datée par des tessons de Dr. 29 de La Graufesenque. Il y avait peut-être, comme à Yzeure, une production de céramique commune ; une période du début du iie s. est caractérisée par une lampe de svrillvs ; nous avons pu explorer des dépotoirs et un habitat comportant des terres sigillées et des figurines de la période antonine. La sigillée date de la deuxième partie du ne s. et plutôt du troisième quart. Les monnaies découvertes dans l’atelier sont peu lisibles ; l’une d’elles est d’Antonin.

Activité céramique

39L’atelier produit de la terre sigillée et des figurines, mais aussi d’autres céramiques analogues à celles du Lary : la fouille nous a donné des mortiers à tête de lion, des morceaux de Dr. 37, des gobelets de sigillée lisse, de la céramique métallescente, des assiettes peintes en rouge à l’intérieur, des fragments de tripodes.

40Des analyses d’argile ont été effectuées par le Laboratoire des musées de France.

Définition archéologique des figurines

41La pâte des figurines est blanc cassé ; on y distingue à l’œil nu de petites inclusions roses (fragments d’argile cuite).

42La liste des types qui suit n’est vraisemblablement pas exhaustive, en raison de l’ancienneté des fouilles dont le produit a été dispersé entre plusieurs collections. On a certainement produit à La Forêt tous ces modèles : Vénus (fig. 8), Vénus sous édicule, nourrices à un ou deux bébés, Minerve, Mercure, Apollon ; figure drapée, buste de femme, figure d’homme debout, cucullatus (un exemplaire signé GRECVs identique à Tudot, pl. 42 trouvé à Varennes-sur-Allier), bras, bras de poupée, jambe (Tudot 1860 : pl. 61 F), Risus chauves, Risus avec chevelure bouclée, Risus tenant un coq ; chevaux, taureaux, béliers, lions, singes, ours ? (Tudot 1860 : pl. 61 E), paons, colombes, coqs, pattes d’oiseaux, moules de socle. On notera la partie droite de la tête d’un cheval harnaché qui devait mesurer plus de 30 cm de haut et un buste féminin (moule) à coiffure ondulée, la poitrine nue, la base terminée par un fleuron.

FIG. 8 – Atelier de Toulon-La Forêt : Vénus acéphale

cliché H. Vertet

43Les analyses d’argile du Laboratoire des musées de France ont identifié un certain nombre de figurines et de moules comme provenant de La Forêt ou du Lary ; ils indiquent d’autres types non mentionnés ici. Nous nous en sommes tenus aux indications portées sur les documents et aux résultats de nos fouilles.

Les potiers

44abvdinos, certino ? (semble en terre de La Forêt), cossi m (?), mergi, visse f ([Mu]sse restituit Tudot), oppo, pistillvs, priscvs, severi (Seuerus ou Seuerianus ?), severiasvs, severvs, sextvs, vr (Urbanus ? Urbicus ? ou autre ?), vrbaivvs, vrbicvs sont les marques que l’on a retrouvées sur ce site. Les moules de La Forêt sont souvent marqués aussi de feuilles dessinées à la pointe.

45Il est important de noter que l’influence du potier éduen Pistillus est attestée par plusieurs documents. Ainsi des dos de fauteuils de nourrices et un buste féminin portent son nom. Il est vraisemblable que quelques-uns de ses sujets ont été surmoulés, comme au Lary, ou que quelques-uns de ses moules ont été apportés, comme le montrent un Apollon et une Vénus sous édicule. Cette influence date l’atelier de la fin du iie s.

1.8.4 Les Fourniers

46Ce site qui. fait partie du groupe de Toulon-sur-Allier (département de l’Allier, canton de Neuilly-le-Réal, commune de Bessay), est situé un peu plus loin des collines que La Forêt et Le Lary, dans la plaine, plus proche de l’Allier, sur la première terrasse de cette rivière, sur des terrains d’alluvions (sables et argiles), altitude 217 m.

47L’Allier passait non loin du site et une voie romaine, qui longeait la rivière, devait être assez proche de lui. C’est la même voie qui desservait Le Lary et La Forêt. Un établissement considéré par Bertrand comme une grande villa gallo-romaine existait à un kilomètre environ du site. Il signale y avoir trouvé des fragments de marbre et de ciment, un « style de bronze », des monnaies de Tétricus et de Constantin... (Bertrand 1863-1865b). Cet établissement antique est encore marqué par un bombement du terrain et on y ramasse encore des fragments de tuiles et des tessons ; il a été en partie détruit par la construction de la voie de chemin de fer Moulins-Vichy.

48Le site a été découvert par or. Duflos, lors de ramassage après des labours et des travaux agricoles. De nombreux fragments de terre sigillée moulés (du type de Toulon-sur-Allier et de La Forêt) souvent brûlés, de supports de cuisson, quelques morceaux de figurines, me semblent témoins d’un atelier ; il est difficile d’en supposer l’étendue. La sigillée donne la même datation que Le Lary et La Forêt. Une tranchée agricole a découvert quelques tuiles à rebords, posées à plat, qui ne constituaient pas un dallage de traitement de l’argile. Parmi les fragments de figurines ramassés par M. Duflos, on notera un objet qui pourrait être un petit tonneau (figurine de Sucellus ?). Le site n’étant pas menacé actuellement, aucune fouille ni sondage n’a été effectué, mais il n’est pas protégé. Les objets sont chez l’inventeur du site.

Bibliographie

Bibliographie

LE LARY

Bertrand 1884 : BERTRAND (A.). — Les Découvertes romaines et gallo-romaines de l’Allier. Revue bourbonnaise, 1884, 1, p. 215, 246-249, 272-279.

Déchelette 1904b ; t. 1, p. 218, 245-305.

Esmonnot 1856-1858 : ESMONNOT (L.). — Rapport sur les objets trouvés dans les fouilles faites à Toulon-sur-Allier. BSEA, VI, 1856-1858, p. 25-32.

Feraudy, Vertet 1986 : FERAUDV (L. de), VERTET (H.). — Toulon-sur-Allier. In : BÉMONT (C.), JACOB (J.-P.). — La Terre sigillée gallo-romaine. DAF no 6, 1986, p. 153-155.

Rabeisen, Vertet 1986.

Tudot 1860 : entre autres pl. 70 et p. 61.

Vertet 1.957-1959b : VERTET (H.). — Rapport des fouilles de Toulon-sur-Allier, BSEB, 49, 1957-1959, p. 666-673.

Vertet 1959a : VERTET (H.). — Découvertes de poterie peinte à Toulon-sur-Allier. Ga/lia, XVII, 1959, p. 216-223.

Vertet 1959b : VERTET (H.). — L’Officine de Toulon-sur-Allier. RCRF, Acta Il, 1959, p. 69-73.

Vertet 1969 : VERTET (H.). — Observations sur les vases à médaillons d’applique de la vallée du Rhône. Gallia, XXVII, 1969, p. 93-113.

Vertet 1976 : VERTET (H.). — Catalogue des poinçons-matrices de sigillée. Figlina, 1, 1976, p. 97-142.

Vertet 1980d : 205-215.

Vertet 1983 : VERTET (H.). — Les Techniques de fabrication des lampes en terre cuite du centre de la Gaule. Sites, hors-série no 20, 1983.

Vuillemot, Vertet 1973.

LA FORÊT

Bertrand 1853-1.854 : BERTRAND (A.). — Procès-verbal de la séance du 23 Juillet 1853. BSEA, III, 1853-1854, p. 108.

Bertrand 1863-1865a : BERTRAND (A.). — Note sur les fouilles faites par lui en 1863 tant à La Forêt qu’à Vichy. BSEA, IX, 1863-1865, p. 142-144.

Bertrand 1863-1865b ; BERTKAND (A). — Exploration archéologique de la rive droite de l’Allier. BSEA, IX, 1863-1865, p. 321-359 (La Forêt, p. 330).

Bertrand 1884 : Les Découvertes romaines et gallo-romaines de l’Allier. Revue bourbonnaise, 1884, 1, p. 177 et p. 351-354.

Bet, Vertet 1980 : BET (P.), VERTET (H.). — Fouilles de sauvetage d’un habitat de la zone des ateliers du iie s. à Toulon-sur-Allier au lieu-dit La Forêt (Allier). ln : Recherches sur les ateliers de potiers gallo-romains de la Gaule centrale, 1, p. 73-87.

Moret 1902 : MORET (C.). — Notes pour servir à l’histoire des paroisses bourbonnaises depuis leur origine jusqu’à nos jours. Moulins 1902, 1, p. 122. ln : Congrès archéologique de France tenu à Moulins, 1854 (1855), p. 34.

Tudot 1860 : 61, pl. 61.

Annales bourbonnaises, III, 1889 : 395-396.

Bulletin de la Société d’Emulation du Bourbonnais, 37, 1934.

LES FOURNIERS

Bertrand 1863-1865b : 331.

Bertrand 1884 : Les Découvertes romaines et gallo-romaines de l’Allier. Revue bourbonnaise, 1884, 1, p. 215.

Périchon 1966 : PÉRICHON (J.-C.). — Essai d’inventaire des découvertes archéologiques de l’époque gallo-romaine faites dans le département de l’Allier (DES, Faculté de Clermont-Ferrand, 1966) Clermont-Ferrand, 1966, p. 144.

Table des illustrations

Légende FIG. 7 – Atelier de Toulon-sur-Allier/Le Lary : a et c nourrices à deux bébés ; le sujet, surmoulé souvent, a des reliefs fort estompés ; b femme tenant un bébé (type unique)
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/37760/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 170k
Légende FIG. 8 – Atelier de Toulon-La Forêt : Vénus acéphale
URL http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/37760/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 40k

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par reconnaissance optique de caractères.

Lire

Open access

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search