Les figurines en terre cuite gallo-romaines
| , ,Chapitre 1. Les ateliers
1.3 Clermont‑Ferrand (Puy‑de‑Dôme)
Atelier de production ?
Texte intégral
1COLLECTIONS PRINCIPALES ET LIEUX DE CONSERVATION
Musée des Antiquités nationales à Saint-Germain-en-Laye : principalement des figurines des collections Fabre et Esmonnot, une de la collection Muret, une de la collection Oppermann.
2Musée Bargoin à Clermont-Ferrand : figurines provenant essentiellement de la collection Chabrol et du legs Souchon ; figurines provenant des fouilles du cours Sablon et du Fond de Jaude.
3Musée de Moulins: figurines données par Tudot.
4RESPONSABLE DU SITE
Service régional de l'Archéologie d'Auvergne.
5Département : Puy‑de‑Dôme ; arrondissement : Clermont‑Fenand ; canton : Clermont‑Ferrand. Altitude de l’atelier : entre 340 et 460 m environ.
1.3.1 Circonstances de la découverte
6Il n’y a pas eu à Clermont‑Ferrand de découverte d’un atelier, mais l’endroit est traditionnellement mentionné comme lieu de production. Nous avons donc essayé de voir si, en l’absence de structures, il est possible de réunir un maximum d’éléments pour confirmer ou non l’existence d’un atelier. Les preuves matérielles sont ici les seules envisageables. Nous avons donc constitué un dossier comprenant le plus possible d’objets trouvés à Clermont, à partir de publications anciennes et de collections récentes et incluant des figurines dont la localisation actuelle est connue mais aussi certaines qui ont aujourd’hui disparu (fig. 4a).

FIG. 4 a – Clermont‑Ferrand : répartition des découvertes ; b – signature au dos d’un moule de figure de Vénus trouvé à l’hôpital Bois‑de‑Cros (reproduite MS 1506, bibliothèque de Clermont‑Ferrand, p. 303) ; c – signature d’un « moule de figure d’enfant » trouvé rue Montlosier, (reproduite MS 1507, bibliothèque de Clermont‑Ferrand, p. 1503).
1.3.2 Contexte historico‑géographique
7Clermont‑Ferrand est assez mal connu en ce qui concerne son administration à l’époque gallo‑romaine. Strabon cite la ville comme « capitale de la cité des Arvernes », et le fait est qu’Augustonemetum sert de référence sur les bornes milliaires des environs (Fournier et al. 1970 : 520).
8La principale voie d’Augustonemetum à l’époque romaine, la voie Lyon‑saintes, passait dans l’actuel quartier Saint‑André. D. Brivet indique également des routes en direction de Bourges (par Néris‑les‑Bains), de Périgueux, Saint‑Paulien, Evaux, le Mont‑Dore, Thiers, le Cantal... (Brivet 1974 : 163‑165). Notons que Clermont était la dernière étape pour le pèlerin qui montait au temple de Mercure sur le Puy‑de‑Dôme.
9Clermont est arrosé par deux petits cours d’eau, la Tiretaine : deux ruisseaux dont le principal coule au nord de la ville, au pied de la butte sur laquelle se dresse actuellement la cathédrale de l’Artière, au sud. La ville est implantée dans un petit bassin, bordé à l’ouest par l’escarpement boisé de la Limagne des buttes. C’est sur une de ces buttes qu’Augustonemetum a été édifié, entouré au nord et au sud par d’autres coulées basaltiques. Les potiers semblaient donc pouvoir disposer des matières premières nécessaires mais on ne saurait donner des précisions puisqu’on n’est pas en présence d’un site localisé.
10La seule activité artisanale qui’ ait laissé quelques traces à Clermont est la tabletterie. Clermont reste donc loin derrière Lezoux, sa célèbre voisine, pour la production céramique.
1.3.3 Activité céramique
11Une production céramique a existé à Clermont‑Ferrand à La Tène finale. Implanté rue Descaltes, où ont été retrouvés plusieurs fours, l’atelier produisait divers types de vases parmi lesquels des imitations indigènes de poteries campaniennes. Il semble ne pas y avoir eu de continuité à l’époque romaine. La production de figurines, s’il y en eut une, a pu être isolée, peut‑être liée à l’importance religieuse d’Augustonemetum et à la présence de thermes. Quoi qu’il en soit, l’éventuel atelier n’aurait certainement joué qu’un rôle de satellite, et la présence de surmoulages et de noms de potiers connus ailleurs peut étayer cette hypothèse.
12Sur le mobilier trouvé à Clermont‑Ferrand, et conservé surtout au MAN, des analyses par fluorescence X ont été effectuées au Laboratoire de recherche des musées de France par C. Lahanier.
1.3.4 Définition archéologique des figurines
13L’aspect de la pâte et du revêtement des figurines est très variable. On trouve surtout des graffites sur les figurines et les moules, mais aussi des estampilles, en particulier une série d’estampilles circulaires sur la pastille des bustes, avec une mention épigraphique en capitales autour d’une couronne ou d’une feuille. Une estampille rétrograde de Pistillus, aujourd’hui disparue, semble avoir existé au musée de Moulins.
14Le répertoire iconographique, figurines et moules réunis, fragments ou pièces entières est très étendu :
– Vénus (25), déesses‑mères Cs), Abondance (1), Minerve (6), Junon (1), Epona (2), Mercure (7), Jupiter (1), Apollon (l), Bacchus (1) ;
– personnage debout (l), personnages couchés (3), couple (1), gladiateurs, soldats (5), cucullatus (5), spinario (10), Risus (17), enfants boudeurs (4), bustes d’adolescents (6), enfants avec animaux (7), enfants divers (6), femmes (bustes, têtes...) (47), hommes (bustes, têtes...) (12), personnages indéfinis (fragments...) (48), caricatures (6) ;
– chevaux (10), colombes (7), taureaux (5), pigeons (7), chiens (20), poule (1), singes (8), coqs (13), lions (9), oiseaux indéfinis (22) ; loup ou chat (1), dauphin (l), animaux indéfinis (12) ;
– œufs (5), grenade (1) ; divers indéfinis (64).
15Les figurines trouvées à Clermont‑Ferrand montrent des particularités au niveau des sujets traités. En effet, on n’observe pas la répartition iconographique classique qui privilégie les Vénus et les déesses‑mères. Le tableau 1 donne le détail des quantités pour chaque sujet. Les séries que nous avons étudiées semblent représentatives puisque les proportions entre chaque sujet varient assez peu. Nous avons pris un point de comparaison supplémentaire en incluant dans notre tableau des calculs similaires réalisés par H. Vertet au sujet des figurines d’Alésia.
16Les chiffres sont donnés en pourcentages par rapport au nombre total de figurines à sujet défini dans chaque groupe.
17Neuf figurines sont signées : parmi les marques, six sont des estampilles, une n’est pas définie, une est un graffite en creux (pistilv) au revers d’un Mercure sur le caducée (fig. 5, a2), la dernière est un graffite rétrograde en relief (pistillvs) sur le plastron d’un Risus.

FIG. 5 – Clermont‑Ferrand : a – découverte d’un Mercure conservé au musée Bargoin (inv. 56‑513‑42) 1 face ; 2 revers ; b – découverte d’un fragment de Mercure conservé au musée Bargoin (inv. 982‑56‑6) 1 face ; 2 revers.
1.3.5 La fabrication
18La présomption de l’existence d’un atelier à Clermont‑Ferrand repose non pas sur des fouilles ou sur la découverte de structures mais plutôt sur la composition du matériel découvert ; il comprend en effet de nombreux outils de coroplathes. Le musée de Moulins a conservé trois « outils de modeleurs » en os provenant de Clermont, donnés par E. Tudot et portant en 1885 les nos 193, 194 et 195 du catalogue ancien du musée. Un archétype est attesté. Conservé au MAN sous le no 828 du catalogue, il représente un buste féminin. Pour les moules, on peut en mentionner au moins quinze, cités dans la littérature locale ou les catalogues des musées, mais onze ont disparu. En voici la liste : fragment de Vénus (v.a.), trouvé à Sainte‑Marie, no d’inv. 49‑XIII‑25, musée de Clermont ; fragment de Vénus (jambes), no d’inv. 54‑I‑164, coll. Chabrol, musée de Clermont (disparu) ; fragment postérieur de Vénus, aujourd’hui disparu, trouvé à sainte‑Marie ; moule de Vénus, signé à l’extérieur assimarl (?) (fig. 4, b), trouvé à l’hôpital de Bois‑de‑Cros, aujourd’hui disparu ; fragment de Vénus signé nat, aujourd’hui disparu, no 518, ancien catalogue du musée de Moulins ; moule de Vénus signé ivatti, aujourd’hui disparu, no 830, ancien catalogue du musée de Moulins ; moule de Vénus signé liber, aujourd’hui dispam, no 828, ancien catalogue du musée de Moulins ; moule d’enfant signé billinicclma (fig. 4, c), aujourd’hui disparu, trouvé rue Montlosier ; moule de buste de femme signé beliivi, musée de Moulins, no 827 de l’ancien catalogue ; v.a. de moule de buste, signée natti, conservée au MAN, no 833, catalogue du MAN ; fragments de moules de coqs, aujourd’hui disparus, trouvés à sainte‑Marie ; moule incomplet de chien couché, aujourd’hui disparu, mentionné p. 320 de l’ancien catalogue du musée de Saint‑Dié ; fragment de moule de taureau signé tti, aujourd’hui disparu, no 845 de l’ancien catalogue du musée de Moulins ; moule de socle signé natti, conservé au MAN, no 1284 du catalogue de M. Jeanlin ; fragment de moule non précisé portant le graffite secvndvd (?), trouvé à sainte‑Marie, aujourd’hui disparu.
19Sur certains de ces moules on n’a aucune précision. Tous les exemplaires signés portent des graffites en creux à l’extérieur.
1.3.6 Les potiers
20N’étant pas en présence d’un atelier absolument attesté, nous ne pouvons pas déterminer de potiers locaux, voici donc les potiers dont on a retrouvé la signature à Clermont :
a.b., sur une figurine (sans précisions) ;
assimarl, ext., moule de Vénus (fig. 4, b) ;
Beliniccus : biiliiviccima, moule de figure d’enfant (fig. 4, c) ; beuivi, moule de buste féminin ;
uber, moule de Vénus ;
Nattus : natti, ext., moule de buste ; tti, moule de taureau ; nat, moule de Vénus ; natti, moule de Vénus ;
natti, gr. ext., moule de socle ; natti.arv. M., Risus avec pastille estampillée ; natt. arve. M., buste avec pastille estampillée ; natti. arv., buste avec pastille‑estampillée ;
Pistillus : pistilv, gr. en creux, Mercure ; pistillvs, gr. rétro en relief, Risus ; pistillvs, empreinte d’est, à l’envers ;
Secundus ? : secvndvd, gr. sur fragment de moule.
21Trois noms ne figurent pas dans le corpus du MAN ni dans l’ouvrage de Blanchet : a.b., assimarl, secvndvd, malheureusement sur trois objets disparus. La multiplicité des pièces signées Nattus donne à réfléchir. Les analyses semblent donner des provenances variées : Saint‑Pourçain l/Toulon 2 et Toulon 2, mais le fait que 50 % des figurines ou moules signés comportent le nom de nativs ne peut‑il pas suggérer une activité locale, d’autant plus qu’il est parfois précisé natti. arve(rni ?)...? Il est possible aussi que cette signature ne soit liée qu’à un processus de distribution. On remarquera également que l’estampille porte en son centre tantôt une couronne, tantôt une feuille.
22S’il est impossible de définir des courants d’échanges entre ateliers, on peut donner quelques exemples ponctuels de surmoulages pour les objets conservés au MAN, (références au corpus de M. Jeanlin dont nous reprenons les numéros) : la Vénus no 59 sort du moule no 58 signé liberaris et provenant de Toulon‑sur‑Allier ; l’Abondance no 430 est d’une deuxième génération ; elle provient du surmoulage d’une figurine sortie du moule no 429 (signé tiberivs sur chaque valve et provenant de Toulon‑sur‑Allier) ; le buste d’adolescent no 720 est d’une troisième génération par rapportà des figurines trouvées à Vichy ; l’enfant tenant un lapin no 736 est d’une génération plus tardive mais identique au no 733 provenant de Saint‑Pourçain ; le fragment de Mercure, no d’inv. 982‑56‑ 6 du musée de Clermont‑Ferrand (fig. 5, b), semble issu d’un surmoulage du no d’inv. 56‑513‑42 du même musée (fig. 5, a), signé au revers, sur le caducée, pistilv.
Bibliographie
Bibliographie
Audollent 1910 : AUDOLLENT (A.). — Clermont gallo‑romain. ln : Mélanges littéraires (publiés à l’occasion du centenaire de la création de la faculté de Clermont‑Ferrand). Clermont‑Ferrand, 1910. Tiré à part.
Blanchet 1891.
Blanchet 1901.
Brivet 1974 : BRIVET (D.). — Le Réseau routier gallo‑romain dans le centre de la France. Rev. archéol. du Centre, XIII, 49‑50, 1974, p. 163‑165. Cohendy 1872 : COHENDV (M.). —Céramique arverne et faïence de Clermont. Mémoires de l’Académie de Clermont‑Ferrand, 14, 1872, p. 145‑188.
Desforges, Fournier 1945 : DES FORGES (E.), FOURNIER (P.‑F.). — Découvertes archéologiques du quartier de Bois‑de‑Cros et de Saint‑André. Bulletin historique et scientifique de l’Auvergne, 65, 1945, p. 235‑264.
Fournier et al. 1970 : FOURNIER (P.‑F.), DESFORGES (E.), HATT (J.‑J.), IMBERDIS (F.). — Nouvelles recherches sur les origines de Clermont‑Ferrand. Clermont‑Ferrand, 1970.
Grange 1857 : GRANGE (G.). — Mélanges archéologiques. Clermont‑Ferrand, 1857.
Hospital 1883‑1885 : HOSPITAL (P.). — Recherches archéologiques faites sur le territoire de l’établissement Sainte‑Marie. Bulletin mensuel de l’Académie de Clermont, V‑VI, 1883‑1885, p. 348‑350 et 380‑382.
Hospital 1885 : HOSPITAL (P.). — Recherches archéologiques faites sur le territoire de l’établissement Sainte‑Marie. Bulletin mensuel de l’Académie de Clermont, VII, 1885, p. 27‑32.
Hospital 1892 : HOSPITAL (P.). — Nouvelles recherches faites sur le territoire de Sainte‑Marie. Bulletin historique et scientifique de l’Auvergne, 1892, p. 57‑63.
Lahanier, Rouvier‑Jeanlin 1977 : LAHANIER (C.), ROUVIER‑JEANLIN (M.). — Analyse de 120 figurines gallo‑romaines en terre cuite blanche. PACT, Revue du groupe européen d’études pour les techniques physiques, chimiques et mathématiques appliquées à l’archéologie. Strasbourg, Secrétariat du Conseil de l’Europe, 1, 1977, p. 110‑130.
Mercier 1974.
Rabeisen, Vertet 1986.
Rouvier‑Jeanlin 1972.
Save 1886‑1887.
Tisserand 1984 : TISSERAND (G.). La Tête dans l’art romain et gallo‑romain. Clermont‑Ferrand, 1984.
Tudot 1860.
Table des illustrations
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Légende | FIG. 4 a – Clermont‑Ferrand : répartition des découvertes ; b – signature au dos d’un moule de figure de Vénus trouvé à l’hôpital Bois‑de‑Cros (reproduite MS 1506, bibliothèque de Clermont‑Ferrand, p. 303) ; c – signature d’un « moule de figure d’enfant » trouvé rue Montlosier, (reproduite MS 1507, bibliothèque de Clermont‑Ferrand, p. 1503). |
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Légende | TABL. I – Pourcentages comparés des différents sujets attestés à Alésia et Clermont‑Ferrand. |
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Légende | FIG. 5 – Clermont‑Ferrand : a – découverte d’un Mercure conservé au musée Bargoin (inv. 56‑513‑42) 1 face ; 2 revers ; b – découverte d’un fragment de Mercure conservé au musée Bargoin (inv. 982‑56‑6) 1 face ; 2 revers. |
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