7.1 Jablines et les autres sites d’extraction du silex : comparaisons

7.1.1 Les structures d’extraction

1La minière de Jablines se caractérise par une diversité morphologique des structures d’extraction reconnues (fig. 212) : le même banc de silex est en effet exploité par de simples fosses d’extraction à ciel ouvert de 1,50 m de profondeur, et à 500 m de distance, par de vastes galeries accessibles par un puits vertical de 7,50 m de profondeur. Cette variabilité frappe d’autant plus que, sur la plupart des autres sites miniers, un ou deux types seulement sont mis en évidence. Il ne s’agit cependant pas d’une spécificité mais, dans la plupart des cas, d’un état de recherche. Cela est en effet dû au fait que le nombre de structures d’extraction fouillées sur les autres sites est en général restreint, dans un secteur spatialement limité, alors que l’extension du gisement est inconnue ; les structures fouillées et étudiées sont en général du même type, ou d’un nombre restreint de types. Cette remarque s’applique même à Rijcholt‑St Geertruid aux Pays‑Bas, où les 60 structures reconnues en tunnel sont très semblables, parce qu’adjacentes. La même méthode de fouille appliquée au secteur sud de Jablines aurait donné exactement les mêmes résultats.

2Les raisons de ces similitudes sont évidentes : les structures d’extraction du silex possèdent une morphologie donnée adaptée aux conditions physiques d’un gîte donné (nature du sédiment encaissant, profondeur du silex, épaisseur du banc, etc.) ; la répétition d’un même type de structure indique que l’activité extractive a eu lieu dans les mêmes conditions techniques, qui sont la plupart du temps les meilleures possibles à cet endroit donné, avec une intensité et une continuité certaines. Lorsque par contre, comme à Jablines, les conditions de gisement du silex varient de façon significative sur le même site, on observe alors la même variabilité des types de structures d’extraction.

3A Spiennes (Hubert 1988), cinq types d’exploitation ont été reconnus, déterminés par la géologie et la profondeur des bancs : les carrières à flanc de colline, des « fosses à galeries » pouvant se rejoindre en tranchées, et trois types de structures à galeries se distinguant par leur profondeur et l’extension de l’exploitation souterraine. L’auteur précise que ces techniques ne sont pas liées à la chronologie.

4A Krzémionki en Pologne (Borkowski et al. 1989), trois grands types de structures coexistent : les fosses d’extraction, parfois complétées de petites niches, les mines étayées par des piliers (fig. 213, n^o 10), et les mines sans piliers (fig. 213, n^o 12), exploitant le silex à respectivement 4 m, 5 à 9 m, 10 m et plus de profondeur. Elles sont spatialement proches les unes des autres, mais cette spécificité est due au pendage très accentué du banc de silex ; les caractères morphologiques des structures sont d’ailleurs étroitement liés à la profondeur du banc.

5A Grime’s Grave en Grande‑Bretagne, minière couvrant environ 4 ha, des exploitations à ciel ouvert existent en limites nord et ouest du site, atteignant la profondeur de 4 à 6,50 m. Il existe également un réseau d’exploitation souterrain, constitué de galeries auxquelles les mineurs accédaient par des puits de dimensions impressionnantes (6 à 12 m de profondeur, pour 12 m de diamètre). Comme celle de Krzémionki, cette minière est toujours visible dans le paysage, les puits n’étant pas totalement comblés.

6De multiples comparaisons sont, bien entendu, possibles entre les différents types de structures mis en évidence à Jablines et ceux des autres sites miniers : Sallerùp en Suède (Rudebeck 1987 : fig. 18) et Krasne Sielo en Ukraine (Gurina 1976) pour les fosses d’extraction à ciel ouvert ; Saint‑Mihiel (Guillaume et al. 1987), Serbonnes (Mendoza, Hascoët 1990), Krasne Sielo pour le groupe des structures à chambre ; Bretteville‑le‑Rabet (Desloges 1986) pour les structures d’extraction en cloche ; les structures à galerie de Jandrain (str. n^o 2 ; Hubelt 1974) ou le réseau d’exploitation souterrain de Rijcholt‑St Geertruid (fig. 213) présentent de fortes convergences morphologiques avec Jablines.

7Mais, pour ce type de structures archéologiques où la nature du substrat et les conditions géologiques constituent un déterminant majeur des conditions de l’activité extractive, il faut être très prudent quant à la valeur et à l’interprétation des comparaisons effectuées. Par exemple, les piliers dans des salles d’exploitation peuvent tout aussi bien avoir une fonction de maintien d’un plafond fragile qu’indiquer les interruptions de la dalle de silex, sans aucune fonction de soutènement (Hubert 1988). L’absence de développement d’une exploitation souterraine a bien souvent une explication technique : les puits d’extraction du chocolate flint en Pologne (Oronsko, Tomaszow, Polany, Polany II, etc.) se singularisent par leur profondeur (3 m et plus) et l’absence de chambres ou de galeries ; le silex, d’excellente qualité, est simplement enrobé dans des poches argileuses karstiques où il était quasiment impossible d’envisager une exploitation souterraine. La juxtaposition de puits d’extraction simples et profonds (7 m) à Arnhofen en RFA est due à des raisons similaires.

8De même, les raisons qui ont conduit les mineurs de Jablines à creuser de multiples petites fosses d’extraction comme, semble‑t‑il, sur la minière de Palis (Aube) –en cours de fouille sur l’autoroute A5 (Hascoët, Mendoza 1991)– plutôt qu’un nombre limité de grandes fosses, relèvent peut‑être de l’organisation sociale du groupe ; en ce sens, on peut être tenté de leur opposer de vastes structures d’extraction, existant sur d’autres minières, qui relèveraient d’une organisation du travail plus collective ; mais il faut être prudent : les vastes structures du site hongrois de Sümeg (Bacskay 1990) sont en fait des tranchées d’extraction ayant exploité des bancs de silex redressés à la verticale par la tectonique alpine. L’exploitation de Aachen « Lousberg » en RFA s’assimile, elle, à un front de taille d’une carrière à ciel ouvert. Seules les tranchées d’exploitation mises en évidence à Saint Mihiel (Guillaume et al. 1987), qui semblent par ailleurs juxtaposées à des structures d’autre types, pourraient relever d’une explication d’ordre social ou culturel.

9La variabilité morphologique des structures d’extraction d’une minière à l’autre résulte, en fait, beaucoup plus d’une adaptation à des conditions géologiques locales qu’à des différences chronologiques, sociales ou culturelles entre populations néolithiques. C’est d’autant plus vrai pour la minière de Jablines, implantée sur des formations marno‑calcaires tertiaires : comparer des structures d’extraction creusées dans des roches calcaires, de la craie et des marnes présente finalement un intérêt limité. Les comparaisons entre structures d’extraction de minières exploitant le même silex dans des conditions géologiques similaires seraient beaucoup plus pertinentes. Ces comparaisons ne sont pas encore possibles, compte tenu de l’état de la recherche.

7.1.2 Les systèmes d’exploitation

10Les unités élémentaires que constituent les structures d’extraction s’organisent à Jablines en deux grands systèmes.

11● Les fosses d’extraction et les structures à chambre s’assemblent en groupes distincts comprenant jusqu’à une vingtaine d’unités et séparés par des zones vides. La rentabilité très moyenne de ces structures, variant d’environ 5‑6 % (fosses) à 8‑9 % (str. à chambre), n’est pas compensée par une exhaustivité de l’exploitation du banc qui semble faible. Ce système d’exploitation en groupes de structures est, dans l’état actuel des recherches minières, assez original ; il n’existe pas de comparaisons avec d’autres sites, probablement dans la mesure où les plans de minières connus sont trop restreints.

12● Les structures à galeries et probablement les structures en cloche sont implantées selon une maille, interrompue seulement par les discontinuités du banc de silex exploité, dont la régularité implique une continuité de la fréquentation du site et de son exploitation. Leur rentabilité est comparable à celle des structures précédentes (inférieure en ne tenant compte que d’un seul banc, supérieure à 12 % si l’on tient compte des deux bancs siliceux), mais c’est surtout l’exhaustivité de l’exploitation et la quantité absolue de silex extrait par unité qui varient dans ce second système.

13La comparaison de ce type de réseau d’extraction est elle aussi significative (fig. 213) ; la remise à la même échelle des plans de réseaux d’exploitation de quelques minières européennes relativise la valeur des comparaisons. Elle permet, par exemple, de visualiser la variabilité de la taille et de l’organisation des unités d’extraction souterraine pour le même gisement : Petit Spiennes (fig. 213, n^o 6) et Spiennes (fig. 213, n^o 8), ou Krzémionki (fig. 213, n^os 10 et 12) ; là encore, les conditions naturelles de tenue des matériaux encaissants (qui semblent croître avec la profondeur d’enfouissement, au moins pour ces deux gisements) sont déterminantes. De même, l’interprétation et la comparaison des secteurs non exploités doit être prudente : à Jablines (fig. 213, n^o 4) la zone non exploitée correspond à une limite d’un groupe de puits à chambre ; cette zone pouvait encore livrer des plaquettes de silex. A Grime’s Grave (fig. 213, n^o 2), un puits se singularise par l’épaisseur des parois entre galeries : mais ce puits a été exploré anciennement ; s’agit‑il d’un problème de fouille ou de relevé ? A Rijckholt‑St‑Geertruid (fig. 213, n^o 11), les secteurs non exploités ou les parois très épaisses correspondent à des fentes limoneuses péri‑glaciaires qui étaient évidemment laissées en place et contournées par les mineurs néolithiques.

14• Il existe peut‑être un troisième système d’exploitation, constitué par les compléments d’extraction mis en évidence dans le secteur central du transect (fig. h.t. Ia et IIb, secteurs 12 à 14) ; le nombre de recoupements observables sur le plan général semble en effet exclure tout phénomène à caractère accidentel. Cependant, il est très difficile de mesurer le laps de temps séparant la structure d’extraction principale des recreusements latéraux ; si leur positionnement, comme l’étude des coupes stratigraphiques, montre que les structures d’origine étaient toujours visibles dans le paysage, ils ont pu être effectués quelques années comme plusieurs siècles après l’abandon de la structure d’extraction principale.

15Si la morphologie de certaines structures paraît originale, comparativement aux autres minières de silex aujourd’hui connues, le nombre de types de structures d’extraction sur un même site ne constitue pas une spécificité de la minière de Jablines. En revanche, d’autres traits semblent plus originaux. Toutes les structures étudiées ont en commun d’être nettement individualisées et d’être desservies par un unique puits d’accès. Ce trait n’est pas si fréquent : les minières de Spiennes, creusées dans un substrat crayeux, présentent un réseau de larges salles auxquelles il est parfois difficile d’attribuer en propre un puits d’accès. Les puits en cloche de Bretteville‑le‑Rabet (Desloges 1986) tout comme les structures d’extraction de Champignolles (Fouju 1891) ou de Vélennes (Dijkman 1980), sont desservies par des couloirs dessinant un véritable réseau de circulation souterrain. Cette individualisation des structures trahit‑elle l’organisation sociale de la population des mineurs, ou plus simplement une mesure technique de sécurité supplémentaire, face à un terrain particulièrement instable ? Il est bien évidemment impossible de répondre à une telle question à l’aide d’un unique caractère morphologique. Bien souvent les mineurs néolithiques ont choisi d’exploiter un seul banc de silex même si, pour l’atteindre, ils étaient obligés de traverser d’autres bancs, délaissés car de moins bonne qualité (Spiennes, Rijckholt‑St‑Geertruid) ou indispensables à la technique d’extraction (toit des galeries de Spiennes). Lorsque les mineurs ont choisi d’exploiter deux niveaux de silex, ceux‑ci étaient le plus souvent accessibles sur un même front de taille (Bretteville‑le‑Rabet, Sennels, Obourg). La décision de développer deux niveaux d’exploitation distincts a rarement été prise (Harrow‑Hill, Krzemionki) et, d’autre part, on peut s’étonner qu’à Jablines cette décision ait porté sur un banc de qualité médiocre.

7.2 Le fonctionnement de laminière de Jablines

7.2.1 Datation

16Les recherches menées sur les minières de silex en Europe occidentale se sont souvent heurtées au problème de l’attribution culturelle de ces sites, les artefacts datables, en position stratigraphique non équivoque, étant exceptionnels. Les structures d’extraction de Jablines n’ont pas échappé à cette règle ; en effet, on ne dispose de guère plus de données après le sauvetage de 1989‑1990. Les tessons attribuables à la culture de Cerny proviennent tous du remplissage terminal des structures et peuvent être en position secondaire, d’autant plus que leur aspect usé et fragmenté évoque un matériau roulé et repris. Quelques tessons de facture plus récente évoquent une occupation du gisement se prolongeant dans le Néolithique moyen. Un terminus ante quem, intéressant est fourni par la sépulture campaniforme, dont la fosse recoupe le comblement terminal d’une structure d’extraction de la zone B 17/18 : on peut affirmer que, dans ce secteur, l’extraction avait entièrement eu lieu et que les structures étaient comblées au Néolithique final.

17Tenant compte de cette situation prévisible, nous avions dès l’origine du projet de sauvetage envisagé la mesure d’une quinzaine de datations ¹⁴C, afin de disposer d’une série suffisamment importante pour être considérée comme fiable, et de tenter de saisir une éventuelle évolution chronologique au sein de la minière de Jablines. Ces datations devaient initialement être réalisées par le laboratoire de Gif‑sur‑Yvette. Après la mesure de deux dates tests par ce laboratoire, pour des raisons de délais et après accord avec M. Fontugne, les échantillons ont été confiés au Radiocarbon laboratory de Gliwice (Pologne) et étudiés par le professeur Pazdur. On précisera que les compteurs de ces deux laboratoires sont étalonnés de la même façon, et que les laboratoires français (Gif et Lyon) utilisent un logiciel de calibration mis au point à Gliwice. La série a été plus étoffée que prévu, puisque 19 datations ont été obtenues ; 4 d’entre elles doivent être considérées comme aberrantes (cf. annexe 3). On dispose donc de 17 dates (15 + 2 réalisées par Gif) réparties sur l’ensemble de la zone étudiée, auxquelles il faut rajouter les trois datations de 1981, plus récentes mais réalisées dans un autre secteur de la minière. Cette série est présentée sur la fig. 1 de l’annexe 3, et sur la fig. 214 (en datations BC non corrigées). Elle fait d’autre part l’objet de l’annexe 3 de ce volume.

18La série de dates couvre un intervalle de quatre siècles (sans tenir compte des écarts‑type), ce qui peut paraître une occupation courte, mais représente, pour le transect étudié, une moyenne de deux puits exploités par an, chiffre sans aucun doute sous‑estimé ; elle couvre la période ‑4284/‑3495 en datations corrigées. Les dates les plus anciennes correspondent au début du Néolithique moyen II, c’est‑à‑dire aux phénomènes épi‑Rossen qui affectent l’est du Bassin parisien, et au début du complexe Chasséo‑Michelsberg, maintenant bien reconnu par les néolithiciens du Bassin parisien. Cette série cohérente pose le problème des groupes culturels ayant exploité la minière. On se souvient que de très rares tessons provenant de structures d’extraction nous avaient fait évoquer la céramique du type de Menneville (Bailloud 1974) ; les témoignages de cet horizon culturel, bien que fort ténus, ne sont pas absents de la vallée de la Marne : le col d’un vase datable de l’Epi‑Rossen a été trouvé à Jablines au lieu‑dit la Pente de Croupeton, en intrusion dans un site d’habitat du groupe de Villeneuve‑Saint‑Germain (Lanchon 1987) ; quelques tessons attribuables au Rossen final ont été retrouvés il y a quelques années dans des niveaux remaniés à Chelles (Seine‑et‑Marne), quelques kilomètres à l’ouest de Jablines (fouilles J. Ajot, inédit). Ces éléments isolés ne peuvent être rattachés à aucun habitat attesté ou vraisemblable situé à proximité immédiate de la minière.

19De même, aucun site du Néolithique moyen Il n’est connu à proximité immédiate ; jusqu’à une date récente, aucun site de cette période n’était attesté dans le secteur tertiaire de la vallée de la Marne. Trois enceintes à fossé interrompu ont depuis été repérées par photographie aérienne ; l’une d’entre elles (distante de près de 50 km de Jablines) a été fouillée à la fin de 1990 (fouille C. Drouhot, direction des Antiquités d’Ile‑de‑France) et peut être rattachée à cette période. Il est vraisemblable qu’une partie de cette occupation néolithique reste à découvrir à proximité immédiate de la minière ; il est vraisemblable aussi qu’une autre partie ait disparu dans les travaux de sablières.

20Il faut rappeler que le transect étudié (fig. 2) ne couvre que le cinquième de la surface de la minière. Les dates obtenues ne couvrent probablement pas la durée totale de l’occupation néolithique. En effet, l’existence d’un habitat très proche du groupe de Villeneuve‑Saint‑Germain (Néolithique ancien), possédant une industrie lithique très abondante façonnée sur le silex du Haut Château (Bostyn et al. 1991) peut laisser supposer que, dès cette époque, le gîte était connu et exploité (sans que l’on puisse préciser sous quelle forme) ; d’autre part, la présence de tessons Cerny dans le remplissage de nombreux puits peut suggérer que des structures d’extraction du silex plus anciennes ne sont pas encore localisées : l’image peu anthropisée du paysage, donnée par les études paléo‑environnementales, renforce l’hypothèse que ces tessons ne proviennent pas de la reprise, par les structures d’extraction, de vestiges d’habitat. Enfin, les trois dates mesurées en 1981, nettement plus récentes, suggèrent une continuité de l’exploitation jusqu’au Néolithique récent. Cette pérennité est indirectement attestée par l’utilisation de ce silex sur les habitats d’Annet‑sur‑Marne, Les Plantards et de Jablines (collection Champagne) datés du Néolithique Récent (Tarrête 1985 ; Bulard et al. 1986) ; enfin, une sépulture individuelle accompagnée d’une hache taillée provenant du Haut Château, fouillée sur la commune voisine de Dampmart (Brézillon 1973) est datée de la même période (Gif 5837 : 4550 ± 80 BP).

7.2.2 Développement et abandon de la minière

21Il nous semble très difficile, pour ne pas dire dangereux, de tenter d’élaborer un modèle de développement de la minière de Jablines à partir de la série de dates, du fait du caractère linéaire et artificiel du secteur étudié. Cela dit, on peut constater l’existence d’une tendance dans la répartition spatiale de ces dates (fig. 214), les plus anciennes se localisant globalement plus au sud‑est que les dates les plus récentes. Autrement dit, le réseau d’exploitation systématique et intensif du banc de silex pourrait être plus ancien que les structures moins profondes, moins « complexes », n’appartenant pas à ce système : on retrouverait ainsi un phénomène déjà mis en évidence sur plusieurs sites miniers européens, en particulier en Pologne : l’absence de corrélation entre la technicité minière et l’intensité de l’extraction d’une part, et la chronologie d’autre part.

22Nous avons également tenté de mesurer la durée de fonctionnement de plusieurs structures, par la datation d’échantillons prélevés au fond des galeries, et dans le remplissage terminal des puits d’accès. Un écart de 70 ans a été relevé pour la structure 944, et de 230 ans pour la structure 1111. Compte tenu de la marge d’incertitude des dates ¹⁴C (fig. 1 de l’annexe 3), ces valeurs ne doivent pas être retenues en tant que telles ; on remarquera simplement la plus courte « durée » de la structure 944 qui peut s’expliquer, entre autres, par la phase de comblement volontaire de la base du puits d’accès, nécessitée par l’exploitation du niveau supérieur de silex. Dans le cas de la structure 1111, la plus longue durée rend compte du comblement essentiellement naturel d’un puits d’accès par ailleurs plus profond.

23L’arrêt de l’extraction au nord du secteur étudié est facile à comprendre : le banc de silex, de plus en plus proche de la surface, a été complètement remanié par les phénomènes périglaciaires ; la matière première a probablement perdu une bonne partie de ses qualités. L’arrêt de l’exploitation systématique était donc inévitable dans cette direction. La fin de l’activité extractive, beaucoup moins intensive, a pu alors prendre deux formes : d’une part, la recherche et l’exploitation des petits secteurs non remaniés, par groupes de puits ; d’autre part, un complément d’extraction dans les zones déjà exploitées, ce qui expliquerait les cas de reprise et de recoupement stratigraphiques mis en évidence dans la zone médiane du transect (secteurs 11 à 15),

24Par contre, au sud, il n’y a pas interruption du banc, et on peut se demander pourquoi l’extraction du silex ne s’est pas plus développée dans cette direction. Plusieurs explications pourraient être avancées.

25● Une chute de la rentabilité : le volume de stérile à manier serait trop important pour la quantité de silex potentiellement extractible ; cette hypothèse est infirmée par un simple calcul : une structure avec une exploitation souterraine identique à celle de la structure 1061, mais un puits d’accès plus profond de 2 m, serait plus rentable que la plupart des autres structures d’extraction à galeries.

26● Si on part de l’hypothèse que l’extraction du silex constituait une activité saisonnière, il est possible que le temps de creusement et d’exploitation de structures encore plus profondes dépasse le temps « réservé » aux mineurs pour cette activité ; il nous semble en effet évident (l’expérience d’un an de fouille l’a montré) que les structures ne pouvaient être laissées ouvertes, et reprises après quelques mois d’interruption : l’instabilité des sédiments marneux encaissants aurait provoqué des effondrements beaucoup trop importants. Mais cet obstacle pourrait être compensé par une augmentation du nombre des mineurs.

27● Des problèmes techniques de fonctionnement ; si la profondeur du puits d’accès ne semble pas être un problème (il existe des puits de mine néolithiques de plus de 15 m de profondeur), il est possible que la circulation et le renouvellement de l’air, et surtout les problèmes de lumière aient pu constituer un obstacle à un développement plus important des galeries.

28● Une question de qualité de silex : il semble en effet que le banc inférieur soit affecté vers le sud du même phénomène que le banc supérieur, la couche sous‑corticale beige clair tend à s’épaissir, rendant la matière moins apte à la taille.

29● Une dalle calcaire appartenant aux calcaires de Champigny surmonte les marno‑calcaires de Saint‑Ouen quelques mètres au sud des derniers puits à cette extrémité du transect (fig. h.t. IIa) ; cette dalle est particulièrement résistante, ayant pratiquement provoqué l’arrêt du décapage au début des travaux. Le travail supplémentaire pour perforer cette dalle constitue peut‑être une cause de la non exploitation du silex vers le sud. Ce dernier argument est encore plus pertinent si l’on envisage à cet endroit, non pas la fin du développement de la minière, mais son début, comme le suggèrent la série de datations ¹⁴C : les mineurs néolithiques, après avoir repéré le banc de silex exploitable sur le flanc du talweg, auraient simplement contourné un obstacle gênant.

30Si l’on considère que l’extension de la minière a été naturellement limitée à l’est et l’ouest par la topographie, qu’elle n’est pas loin d’atteindre l’affleurement du banc de silex au nord et que des contraintes, techniques ou autres, ont limité son extension au sud, on peut considérer que les mineurs ont exploité la quasi‑totalité du gisement accessible.

31Il reste à comprendre à quel moment et dans quelles conditions les structures d’extraction ont été définitivement remblayées. On peut se poser la question, dans la mesure où certaines minières en Grande‑Bretagne (Harrow Hill, Grime’s Grave) ou en Pologne (Krzémionki) sont toujours visibles dans le paysage : cela veut dire que, pour des structures d’assez grand diamètre, le processus de comblement naturel cesse après obtention d’un profil d’équilibre, et donc ne gomme pas totalement le paléo‑relief du paysage minier.

32Deux recoupements stratigraphiques doivent être pris en compte : la sépulture campaniforme et la structure protohistorique 282 recoupent stratigraphiquement le comblement terminal de deux structures d’extraction ; celles‑ci étaient donc totalement comblées à ce moment. Le spectre malacologique de la structure 282 (cf. § 3.2) est par ailleurs celui d’un paysage beaucoup plus ouvert que celui de la minière. On peut donc se demander si le site n’a pas été réaménagé avec comblement total des structures au moins dès la fin du Néolithique et au cours de la Protohistoire : les nuages de poteaux non datés en constitueraient un indice ténu, l’essentiel de l’occupation étant à chercher en dehors de l’emprise étudiée.

7.2.3 L’extraction du silex : activité permanente ou saisonnière ?

33Un premier élément de réponse à cette importante question est apporté par l’outillage en bois de cerf. Tous les outils retrouvés à Jablines, sauf un, ont été façonnés sur des bois de chute. A Grime’s Graves, le pourcentage des bois de chute varie de 84 % dans les puits 1 et 2 (Clarke 1915) à 98 % (Clason 1979). A Loewenburg, il est de 87 % (Bockner 1980). Sur les sites d’habitat néolithique, 70 à 80 % des bois sont en principe des bois de chute (Billamboz 1977).

34L’explication de ces pourcentages est d’ordre fonctionnel : le bois de cerf doit en effet être à la fois dur et élastique pour servir de support à un outil. Il doit être frais et contenir une pleine quantité de collagène, d’amalgames, de calcaire et de fluor. Cette composition est celle des bois de cerf matures, à la fin du processus de formation, elle existe aussi dans les bois récemment tombés. La période de chute est estimée soit entre janvier et début mars (Billamboz 1977), soit entre février et avril (Clason 1979). Après la chute, et pendant trois mois, la ramure ne se reconstitue pas. En été et en automne, elle est presque entièrement reformée, à l’exception des « sphères de contact » : le médaillon, la meule, les pointes et les bases des andouillers ne sont pas tout à fait calcifiés, et le bois de cerf est encore trop humide pour être transformé en outil minier. Les meilleures ramures sont donc, soit les ramures d’hiver, soit les bois de chute juste après la chute : les bois restés au sol un certain temps perdent en effet une part importante de leurs qualités (surtout leur élasticité) à cause de l’acidité du sol et du milieu naturel ambiant.

35Les outils miniers seraient donc fabriqués juste avant et pendant l’extraction. Cette supposition peut être confirmée par les faits observés à Bretteville‑le‑Rabet : une ramure entière portant des traces d’élaboration a été trouvée (Desloges 1986). De même, à Serbonnes, un fragment de ramure de cerf partiellement aménagé et un fragment du crâne d’un cerf présentant la partie basilaire de la ramure ont été mis au jour (Mendoza, Hascoët 1990). Enfin, à Loewenburg, quelques types d’outils semblent être plutôt des déchets de préparation que des outils miniers (Bockner 1980). Il est probable que la grande quantité d’artefacts abîmés ou brisés retrouvés dans les mines de silex témoignent de l’usure rapide de ces outils ; il était donc nécessaire d’avoir systématiquement la possibilité de compléter un stock ou de remplacer les outils abîmés et usés. Cette hypothèse implique que, juste après le ramassage des bois de chute, les travaux d’extraction commençaient entre janvier et avril, donc en hiver.

36Une dernière donnée est constituée par l’étude des ossements animaux ; T. Clason affirme que la plupart des porcs, dont les os ont été trouvés dans le remplisage des puits à Spiennes et Rijckholt, ont été abattus à l’âge de 6 mois environ. Les jeunes cochons naissant au printemps, ils seraient donc tués et mangés (si la viande est consommée immédiatement) pendant les travaux miniers en automne ou en hiver. On ne dispose malheureusement pas de données similaires pour la minière de Jablines.

37L’hypothèse hivernale est contredite par toutes les observations accumulées au cours d’une année de sauvetage, qui convergent toutes dans le même sens. Les pluies hivernales et les giboulées printanières ont mis clairement en évidence les propriétés des marno‑calcaires encaissants : ces sédiments sont à la fois très imperméables, ce qui provoque très rapidement une stagnation de l’eau, voire une inondation du fond des puits d’accès : on a pu constater au cours d’un violent orage que plusieurs structures jusqu’à 4 m de profondeur avaient été entièrement remplies par les eaux de ruissellement, alors même qu’elles étaient bâchées ! Les marnes ont d’autre part tendance, dans un second temps, à se gorger d’eau, ce qui décuple leur poids. Les marnes dures qui constituent le toit des galeries du système d’exploitation principal s’effondrent alors, déstabilisant de surcroît le banc calcaire qui les surmonte. Enfin, les phénomènes de gel/dégel agissant sur des sédiments gorgés d’eau doivent particulièrement jouer et éroder les structures d’extraction. Compte tenu de l’ensemble de ces observations, il nous semble difficile d’envisager l’extraction du silex sur la minière de Jablines en hiver ou en cours de saison humide.

38Une autre hypothèse pourrait alors être formulée : les bois de cervidés étaient collectés au cours d’expéditions pendant les périodes de chute, afin de conserver leurs qualités intrinsèques précédemment décrites. Ils étaient stockés à l’abri de l’humidité pendant quelques mois, jusqu’à utilisation. Il est par contre difficile de préciser si celle‑ci avait lieu en été, saison considérée comme privilégiée pour les travaux miniers par certains chercheurs (Felder 1981), et si les bois étaient transformés en outils avant ou pendant la « saison d’extraction ». Ces activités (ramassage des bois, extraction du silex) pourraient tout à fait s’insérer dans le cycle des travaux saisonniers, rythmant la vie de toute société agricole.

7.3 La diffusion des produits et la notion de complexe minier

39L’étude d’une partie du débitage et de l’industrie lithique recueillies au cours du sauvetage a permis de mettre en évidence, en plus de l’extraction de matière première, la production de haches parmi lesquelles il est possible d’individualiser deux modules différents : le premier comprenant des haches de 30 cm environ de longueur, le second des produits ayant des longueurs plus restreintes, entre 9 et 17 cm. Il est probable que ces différences de modules aient eu une signification fonctionnelle et donc que les produits aient eu des destinées très éloignées.

40Il est important d’insister sur la production de matière première, parce qu’il existe presque systématiquement une grande différence entre la matière première, transformée ou non, retrouvée en structure (quelle qu’elle soit) et la matière première potentiellement fournie par une structure d’extraction. Le transport de blocs plus ou moins préparés est donc une hypothèse à retenir, même s’il reste difficile d’estimer la quantité qui a voyagé, la morphologie des blocs emportés et leur destination. L’existence de la fabrication, en série semble‑t‑il, de haches taillées, probablement destinée à être diffusée et utilisée dans une aire géographique assez large, est une des caractéristiques du site ; cette branche de la production est fondamentale, car c’est par son étude qu’il sera possible d’entamer une recherche sur les problèmes de diffusion et d’éventuels échanges sur des régions plus larges. L’analyse de la diffusion des productions doit distinguer deux niveaux.

41D’une part, la mise en évidence de l’habitat ou des habitats liés directement au fonctionnement de la minière devrait pouvoir se réaliser par une étude comparative des produits lithiques qui y sont retrouvés : la présence plus ou moins abondante de matière première, d’amas de débitage et d’outillage sur silex du Haut Château, liée à la proximité de la minière et à la présence éventuelle d’autres éléments (importance de l’industrie en bois de cerf par exemple) seraient de bons indices. L’identification de ces habitats permettrait sans doute d’aborder également la notion de la spécialisation, plus ou moins poussée, d’une partie d’une population néolithique dans l’extraction et la transformation du silex. Cela suppose, bien sûr, une bonne connaissance des implantations néolithiques locales et régionales, contemporaines de la durée de fonctionnement de la minière, ce qui est encore loin d’être le cas : le seul habitat néolithique connu et étudié, lié avec certitude au gîte de silex du Haut Château est celui de la Pente de Croupeton (Lanchon 1987 ; Bostyn et al. 1991) à Jablines ; l’abondance et la qualité des rejets lithiques recueillis (amas de débitage) montre que le gîte de silex était connu et exploité ; il date du groupe de Villeneuve‑Saint‑Germain, groupe culturel du Néolithique ancien pour lequel l’extraction souterraine du silex n’a pas été prouvée, ni à Jablines, ni sur d’autres sites. Rappelons cependant que cette possibilité existe, puisque des minières européennes, en particulier en Pologne, sont datées de phases récentes de la culture de la Céramique linéaire.

42D’autre part, la diffusion à plus longue distance des productions de la minière pourrait être étudiée, dans un premier temps, à partir de la carte de répartition des haches du Haut Château. La principale difficulté réside dans l’identification de ces productions ; or, il est possible que les haches, ou qu’une partie des haches, fabriquées à Jablines aient été destinées à être polies avant usage ; de plus, le silex de Saint‑Ouen se patine très rapidement. La reconnaissance des pièces ayant subi cette double transformation n’est plus aussi évidente.

43Une autre difficulté (qui existe également pour le premier niveau) réside dans la reconnaissance des productions provenant spécifiquement de la minière du Haut Château.

44En effet, il existe à proximité immédiate plusieurs autres sites d’extraction reconnus ou très vraisemblables ; on citera en particulier le site des Chauds Soleils à Coupvray (fig. 215, n^o 2) distant d’à peine 2 km. La matière première exploitée est aussi le silex de Saint‑Ouen ; légèrement plus clair que celui du Haut Chateau, il s’en distingue difficilement une fois patiné. L’histoire des deux sites est curieusement similaire : il a été reconnu anciennement (Giraux, Reynier 1911) ; récemment, à la fin des années 1970, quelques structures d’extraction ont été observées au cours de travaux d’élargissement des voies SNCF ; quelques dizaines de têtes de puits ont également été repérées par photographie aérienne en 1989 (prospection P. Brunet), sur l’une des rares parcelles accessibles (le site est en effet en grande partie boisé). D’autres sites d’extraction très vraisemblables ont été repérés dans la vallée du Morin, sur les communes de Couilly‑Pont‑aux‑Dames et de Bouleurs notamment : ils ont livré des séries d’ébauches et de haches taillées, accompagnées de très nombreux produits de débitage ; d’autre part, les bouchons calcaires des têtes de puits, retournés par les labours profonds, y sont de plus en plus souvent observés.

45L’ensemble des données existantes a été précisément cartographié (fig. 215). Il s’agit d’un état très provisoire de la question, puisqu’il n’y a pas eu de prospections systématiques des gîtes potentiels et sites probables. Cette calte semble d’abord indiquer qu’au moins deux types de silex ont été exploités dans la région : le silex de Saint‑Ouen avec trois sites miniers reconnus ; les autres gisements (huit reconnus) ont dû exploiter un banc siliceux qui ne peut pas appartenir au même horizon géologique, à moins d’imaginer des puits de plus de 30 m de profondeur. Il s’agit probablement d’un banc de silex inclus dans les calcaires et meulières de Brie (Stampien inférieur), qui a été récemment observé à hauteur de Lagny‑sur‑Marne : les quelques échantillons recueillis, ressemblant beaucoup au silex de Saint‑Ouen, paraissent tout à fait propres à la taille. On remarquera aussi le nombre de gîtes potentiels sur le calcaire de Saint‑Ouen, en particulier dans la vallée du Morin.

46Un ensemble de sites, exploitant le même silex, à peu près dans les mêmes conditions géologiques et topographiques, constitue un complexe minier, notion définie dans le Sénonais (Labriffe 1990). Une étude comparative des structures et des systèmes d’exploitation de ces sites prendrait tout son sens et serait particulièrement intéressante pour tenter de saisir les éventuelles évolutions techniques, les gains de productivité, pour savoir si ces minières ont fonctionné ensemble ou non. Certaines questions plus problématiques pourraient même être abordées : une population néolithique donnée a‑t‑elle pu planifier l’extraction du silex, non seulement au niveau d’un site, comme le système d’extraction principal de Jablines tend à le montrer, mais également à une échelle micro‑régionale ? Quel était le statut de ces gisements ? Existait‑il des sortes de concessions ? A quel niveau des sociétés néolithiques (au sein du village ? du groupe régional ? entre deux cultures ?) se situe la notion de « propriété » (si elle existe) ou de contrôle d’un gîte ?

47Les limites de la minière de Jablines, qui coïncident avec l’affleurement local des marno‑calcaires de Saint‑Ouen, sont aisées à fixer. Dans la vallée du Grand Morin par contre, l’affleurement marno‑calcaire est continu, interrompu seulement par les petits vallons des ruisseaux affluents. L’extraction du silex a pu s’y développer de façon linéaire, ce qui pose le problème des limites précises, géographiques mais aussi chronologiques, des sites d’extraction : ce même problème s’est posé pour les sites d’extraction du Sénonais dont deux sont en cours d’étude, préalablement aux travaux de l’autoroute A5 (Labriffe 1990 ; Hascoët, Mendoza 1991).

48A ce problème de limites géographiques des sites s’ajoute celui, déjà évoqué, de distinction des productions façonnées sur un silex provenant de mêmes horizons géologiques ; hormis les minières du confluent Marne/Morin ou celles du Sénonais (fig. 216), la question peut être posée pour les minières polonaises du cbocolate flint (Lech 1980 ; Schild et al. 1985), du striped flint ou du grey wbite spotted flint (Balcer 1976) (fig. 217). De même, on peut se demander si la distinction doit être faite entre les gisements de Spiennes Le Camp à Cayaux et de Petit Spiennes.

49Il ne s’agit pas simplement de questions théoriques, dans la mesure où la validité des études de diffusion dépend pour une bonne part de l’individualisation des productions de chaque site : en clair, étudier la diffusion des haches du Haut Château ne sert à rien s’il est impossible de les distinguer de celles provenant des Chauds Soleils.

50La notion de complexe minier pourrait par contre réduire ces difficultés en distinguant deux niveaux d’étude : un niveau intra‑complexe pour fixer les modalités techniques et chronologiques de son exploitation ; un niveau extra‑complexe s’attachant à la notion de diffusion, un peu (quoique plus modestement) comme pour le silex du Grand Pressigny (Mallet 1990), qui n’est pas rattaché à un site d’extraction précis et unique. Les difficultés ne disparaissent pas pour autant ; les niveaux géologiques tertiaires du Bassin parisien, sub‑horizontaux, peuvent affleurer dans des régions éloignées les unes des autres. Des plaquettes de silex de Saint‑Ouen ont été récoltées récemment à Verbelie (Oise) et sont très similaires à celles de Jablines. D’autre part, la minière de Jablines et le complexe minier Marne/Molin se localisent en plein centre du Bassin parisien, où les gîtes à silex de bonne qualité sont abondants ; les productions de ces différents gisements n’ont peut‑être été diffusés qu’à très courte distance.

51Ces perspectives de recherche impliquent donc, de toutes façons, un travail documentaire préalable considérable qui ne pouvait être réalisé dans le cadre de cette opération, puisqu’il implique le recensement et la détermination précise des abondants matériaux de surface collectés depuis plusieurs dizaines d’années dans la région.

52Les possibilités à court terme de recherches complémentaires sur le site du Haut Château, les perspectives et projets de recherche sur l’extraction et la diffusion du silex de Saint‑Ouen devraient permettre de développer les données et connaissances acquises sur ces questions au cours du sauvetage ; des travaux similaires étant réalisés dans d’autres régions du Bassin parisien, on ne peut qu’espérer une relance de ce domaine de recherche dans les années à venir : le problème de l’acquisition du silex au Néolithique pourrait enfin prendre sa véritable place parmi les préoccupations des néolithiciens.